N 0901613 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG M. Henk-Jan D.G. M. Kintz Juge des référés Ordonnance du 3 avril 2009 eda RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le juge des référés 54-035-03 C Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2009 sous le n 0901613, présentée pour M. Henk- Jan DG, élisant domicile., par Me Chebbale ; M. DG demande au juge des référés : - de prononcer la suspension totale des effet de la décision de refus d entrée au point de passage frontalier du 31 mars 2009 prise par la DDPAF du Bas-Rhin, SPAF de UTPAF Lauterbourg ; - d enjoindre au DDPAF du Bas-Rhin et au SPAF de UTPAF Lauterbourg de le laisser rentrer au point de passage à la frontière sous astreinte de 15 000 euros par jour de retard ; - de condamner la DDPAF du Bas-Rhin et le SPAF de UTPAF Lauterbourg à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Il soutient qu il était à bord d un véhicule, en compagnie de Mlle H. et de M. S., afin d acheminer des denrées alimentaires et du matériel à destination du camps où sont installés les militants dans le cadre de l OTAN ; qu ils ont été arrêtés à la frontière aux fins de contrôle de papiers d identité ; qu une décision de refus d entrée leur a été opposée au motif qu ils représentent un danger potentiel pour l ordre public et la sécurité intérieure ; que l urgence résulte de l immédiateté de l exécution de la décision querellée ; que la décision contestée porte atteinte de manière grave et immédiate à leur liberté d expression et à leur liberté d aller et venir ; que la décision attaquée est fondée sur une décision allemande dont ils n ont pas eu connaissance ; que la motivation par référence à un document non-communiqué n est pas suffisant ; que l article L. 213-2 du code de l entrée au séjour des étrangers et du droit d asile est méconnu dès lors que toute décision de refus d entrée en France doit faire l objet d une décision écrite et motivée ; que les autorités ont commis une erreur manifeste d appréciation dès lors que c est le droit communautaire qui prime sur les règles de droit français ; que la décision querellée ne respecte pas le droit communautaire en ce qu elle n est ni en rapport avec l objectif visé de protection de l ordre public, ni proportionnée à l objectif poursuivi ; que la décision de refus a pour objectif de les empêcher d exercer une activité politique et sociale ; que la directive communautaire 27 2 est méconnue dès lors que toute mesure d ordre public ou de sécurité publique doit être exclusivement fondées sur le comportement personnel de l individu et non pas sur des motifs de prévention générale ; que la condamnation pénale ou le fait d avoir déjà troublé l ordre public ne constituent pas de motif suffisant pour justifier la décision querellée ; qu en l espèce, le transport de tract et des cagoules ne
N 0901613 2 suffit pas à établir l atteinte à l ordre public ; que l article 24 du règlement n 562/2006 du Parlement Européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif au rétablissement du contrôle aux frontières est méconnu dès que le recueil de l avis préalable, sur le rétablissement du contrôle aux frontières, de la Commission n est pas établi ; Vu le mémoire en intervention, enregistré le 2 avril 2009, pour la Ligue des droits de l Homme qui conclut à faire droit aux conclusions du requérant ; Elle soutient qu elle a intérêt à agir en raison de son objet ; que la décision contestée porte atteinte au principe de la liberté d aller et venir et de la liberté d expression qu elle défend ; que la décision querellée est fondée sur la mention du nom du requérant sur les fichiers allemands d un groupe extrémiste ; que la décision querellée ne peut se fonder sur un simple fichage ; que le fait de posséder des documents sur une manifestation ou des cagoules n est pas interdit ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2009, présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclut au rejet de la requête ; Il soutient qu en raison du sommet de l OTAN, des contrôles aux frontières intérieures ont été provisoirement rétablis ; que l entrée sur le territoire français a été interdit au requérant aux motifs qu il présente un danger pour l ordre public ; qu un contrôle a permis d établir son appartenance à un groupe extrémiste violent «Black-block» ; que la décision attaquée est suffisamment motivée en droit et en fait ; que la possession de documents montrant son intention de rejoindre les manifestants les plus violents suffit à motiver la décision attaquée ; que le formulaire de refus utilisé est celui qui est annexé au règlement CE du 15 mars 2006 établissement le code des frontières Schengen ; que les indications portées sur ledit formulaire permettent de déterminer le cas de refus d entrée ; une recommandation du Parlement Européen fait état de la nécessité de combattre, au niveau européen, les groupes violents afin de préserver la sécurité des citoyens ; que les citoyens jouissent de la liberté d expression exprimée de façon pacifique ; que l erreur manifeste d appréciation relatif au rétablissement du contrôle aux frontières n est pas établi ; que celui-ci a pour objectif une meilleure protection du droit des citoyens ; que ce rétablissement respecte les règles communautaires ; Vu le mémoire complémentaire enregistré le 3 avril 2009, présenté pour M. D. G. par Me Chebbale qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens en soutenant en outre que la notification de la décision est illégale en raison de l absence de la mention d un nom d un interprète et d une rédaction en langue française ; qu il a refusé de signer ledit acte pour non-compréhension de l écrit français ; que les documents dont il était en possession et qui indiquaient la conduite à tenir en cas d arrestation, sont rédigés par des juristes militants et ne constituent pas une atteinte à l ordre public ; Vu les autres pièces du dossier et notamment celle produite avant l audience, distribuée aux parties et indiquant, entre autres, qu une interdiction de sortie du territoire allemand jusqu au 6 avril 2009 a été émise à l encontre de l intéressé ; Vu le code de l entrée au séjour des étrangers et du droit d asile ; Vu la directive communautaire 27 2 ; Vu l article 24 du règlement n 562/2006 du Parlement Européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif au rétablissement du contrôle aux frontières ;
N 0901613 3 Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; Vu le Protocole n 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique : - Me Chebbale, représentant M. D. G. ; - le préfet du Bas-Rhin ; Vu l audience publique du 3 avril 2009 à 10h30 au cours de laquelle ont été entendus : - le rapport de M. Kintz, juge des référés ; - Me Chebbale, représentant M. D. G. ; - Me Mengus, représentant la ligue des droits de l homme ; - Mme H., représentant le préfet du Bas-Rhin ; Après avoir prononcé, à l issue de l audience, la clôture de l instruction ; Sur l intervention de la Ligue des droits de l Homme : Considérant, eu égard à son objet, que l intervention de la Ligue des droits de l Homme est admise ; Sur les conclusions présentées au titre de l article L. 521-2 du code de justice administrative : Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : «Saisi d une demande en ce sens justifiée par l urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d un service public aurait porté, dans l exercice d un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.» et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...)» ; Considérant qu il est constant que le requérant ressortissant communautaire s est vu refuser l entrée du territoire français alors qu il était à bord d un véhicule transportant du matériel de cuisine, des denrées alimentaires, des tracts et des cagoules, en compagnie de deux autres personnes, et qu il se dirigeait vers Strasbourg où est installé un camp accueillant des militants opposés à la tenue du sommet de l OTAN les 3 et 4 avril 2009 ; Considérant que l interdiction ainsi opposée est motivée, selon l administration, par l appartenance à un groupe extrémiste «Black block» d après les fichiers allemands, par la possession de documents relatives aux manifestations, au port de cagoule et «modalités actions» ;
N 0901613 4 Considérant qu il résulte des pièces produites et des échanges lors des débats que l intéressé est, certes postérieurement à la décision attaquée, sous le coup d une interdiction, toujours en vigueur, de sortie du territoire allemand, où il se trouve présentement et ce, jusqu au 6 avril prochain ; Considérant, dès lors, que le juge des référés, dont la décision serait sans effet, eu égard à l impossibilité pour le requérant de pénétrer sur le territoire national, ne peut que constater l absence d urgence à statuer ; qu en conséquence, la requête ne peut être que rejetée ; Sur les conclusions présentées au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; Considérant que ces dispositions font obstacle aux conclusions de M. D. G. dirigées contre le préfet du Bas-Rhin qui n est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante ; O R D O N N E Article 1 er : Article 2 : Article 3 : L intervention de la Ligue des droits de l Homme est admise. La requête susvisée de M. D. G. est rejetée. La présente ordonnance sera notifiée à M. Henk-Jan D. G. et au préfet du Bas-Rhin. Fait à Strasbourg, le 3 avril 2009 Le juge des référés, Le greffier, P. KINTZ E. D. S. P. La république mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l exécution de la présente ordonnance. Pour copie conforme, Le greffier,
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