Biélorussie Trou noir de l Europe?
Révolution des roses en Géorgie en 2003, révolution orange en Ukraine en 2004. Mais rien de semblable en 2006 lors des élections en Biélorussie. Quelles sont les raisons de la longévité de la dernière dictature européenne? (d'après "le Dessous des Cartes" juillet 2006)
Emplacement de la Biélorussie La Biélorussie (ou Belarus) est au cœur de la grande plaine d'europe du Nord, enclavée entre la Pologne à l'ouest, la Lituanie et la Lettonie au nord, la Fédération de Russie à l'est et l'ukraine au sud. Le pays a une superficie de 207 000 km², et a pour capitale Minsk.
les Slaves Les Biélorusses sont des slaves orientaux, présents dans la région depuis le III e siècle ap. J-C.
la Période lituano-polonaise Au XIV e siècle, les Biélorusses passent dans la mouvance du Grand-duché de Lituanie, puis dans celle de la Pologne.
Sous l'empire russe A la fin du XVIII e siècle, après les partages de la Pologne, la Biélorussie est intégrée à l'empire russe. Commence alors une politique de russification pour ce peuple que Moscou considère comme des Russes et qu ils appellent "Russes blancs" (biélo russki en russe) et dont la langue ne serait qu'un dialecte russe.
Une république soviétique Après la Révolution d'octobre 1917, la Biélorussie devient une des républiques fondatrices de l'urss.
l'indépendance A l'effondrement de l Empire soviétique en 1991, la Biélorussie devient indépendante, alors que les Biélorusses n'ont jamais montré de grande résistance à avoir un État commun avec la Russie, dont ils partagent d ailleurs un héritage historique, une langue apparentée, et la religion orthodoxe.
Populations, langues et religions La Biélorussie compte près de 10 Mns d'hab. et a pour langues officielles le russe et le biélorusse. 81 % de la population est biélorusse, 11 % russe, 4 % polonaise (principalement dans la région de Grodno), et 2,5 % sont des Ukrainiens (dans le sud). Les Biélorusses sont majoritairement orthodoxes, mais on y compte aussi des catholiques, des protestants, des uniates et un grand nombre d athées.
Tchernobyl Depuis la fin des années 1980, la population biéliorusse a connu une importante chute de la natalité en raison de l'explosion de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, en 1986.
Tchernobyl Lors de cette tragédie, la Biélorussie a reçue 70 % des radionucléides rejetés, augmentant les malformations à la naissance de 78 %. 27 % des terres et des eaux restent contaminées, probablement encore pour plusieurs siècles. Malgré cela, près de 3 millions de Biélorusses continuent de vivre dans ces zones irradiées.
le Régime de Loukachenko La Biélorussie est dirigée par un ancien directeur de sovkhoze, Alexandre Loukachenko. Il est élu en 1994 démocratiquement, en s'appuyant sur la nostalgie soviétique. Or, il instaure un système autoritaire à partir de 1996, et en 2004, il organise un référendum pour se faire réélire au-delà de deux mandats.
le Régime de Loukachenko Les partis politiques sont de fait marginalisés, la justice est privée de réelle compétence, les médias ne sont pas libres, et le régime s'appuie sur la police politique (toujours appelée KGB). Selon Amnesty international, les libertés individuelles ne sont pas respectées, puisqu il est fait mention d'arrestations arbitraires, d'harcèlement et de disparition d'opposants ou de journalistes.
l'économie biélorusse L'économie est contrôlée à 80 % par l'état, ce qui profite directement au Président Loukachenko et à son "clan".
l'économie biélorusse Les grands secteurs économiques sont la métallurgie, le raffinage, et la construction de tracteurs et de camions. Quant à l'agriculture, elle reste organisée en fermes d'état (kolkhozes et sovkhozes), produisant betterave, blé, orge, et pomme de terre. On exploite également à Soligorsk et à Mozyr du sel de potasse qui sert d'engrais.
le Dynamisme biélorusse Grâce au maintien du niveau de vie après l implosion soviétique, les Biélorusses renouvellent leur confiance à Loukachenko. Ainsi, en 2005, le pays ne connaît que 1,5 % de chômage, et une croissance de 8 % ; alors qu une grande partie de la production industrielle est invendue et stockée.
le Dynamisme biélorusse Cette situation paradoxale s'explique par la croissance russe (principal partenaire économique) et par la hausse du prix du pétrole, qui bénéficie aux activités de raffinage de la Biélorussie.
la Défense russo-biélorusse La Russie et la Biélorussie partagent un système de défense aérien avec une station radar anti-missile à Baranovitchi, et une station de communication pour les sous-marins à Vileika.
le Réseau de pipeline Le territoire biélorusse permet le transit de l'essentiel du commerce entre la Russie et les pays de l'union européenne, notamment à travers son réseau de gazoducs et d oléoducs.
Gaz à prix réduit La Biélorussie profite de tarifs préférentiels sur le gaz russe, qu elle ne paye que 46 $ les 1000 m 3, alors qu'il est vendu 230 $ sur le marché européen.
la "Guerre" du gaz En échange des tarifs préférentiels sur le gaz, la compagnie russe Gazprom cherche à acquérir 50 % de la compagnie biélorusse Beltransgaz qui gère les gazoducs du pays. Or, Loukachenko par crainte de perdre le contrôle du pays s oppose à cette transaction.
la "Guerre" du gaz Mais une augmentation du gaz pourrait en effet fragiliser certains secteurs industriels et tout le système de l'état providence qui aide à maintenir la popularité du président. Par ailleurs, depuis le projet de gazoducs sous la Baltique entre la Russie et l Allemagne, Moscou possède aujourd'hui d un nouveaux leviers de pression sur la Biélorussie, en la contournant.
le Jeu de la Russie Sur la scène internationale, la Russie reste le seul allié de la Biélorussie, car malgré une frontière commune avec l'union européenne depuis 2004, Minsk n'est toujours pas membre du Conseil de l'europe. Par ailleurs, lors des élections de 2006, Bruxelles n a pas manqué de marquer son opposition sur les méthodes électorales.
le Jeu de la Russie r, la Russie se souvient du soutien européen à l'opposition ukrainienne lors de la Révolution Orange, qui avait conduit en 2004 à une perte d'influence russe sur Kiev. Mais, en 2006, la Russie ne veut pas renouveler son échec et cherche à rester le 2 e pôle de puissance en Europe, alternatif à celui de l'union européenne.
La Biélorussie est désormais très isolée. Elle a été classée par Condolezza Rice, comme "poste avancé de la tyrannie" avec l'iran, la Corée du Nord, Cuba, la Birmanie et le Zimbabwe. Le pays garde des liens commerciaux avec les ex-clients soviétiques : Vietnam, Libye, Syrie, Inde et Chine. Il a contourné les embargos pour vendre des armes à l'irak, et aurait même porté assistance au régime de Laurent Gbagbo pour bombarder les forces françaises en 2004, présentent en Côte d'ivoire. A la différence de ce qui s'est passé en Ukraine, les voisins lituanien et polonais n'ont pas pu aider à renverser le régime, car les organisations étudiantes comme Pora en Ukraine, ou les fondations américaines comme Soros, ont été interdites. Donc : nostalgie de l'union soviétique, police politique présente, économie planifiée qui marche mais artificiellement, absence de droits individuels, voilà les ingrédients permettant à la dernière dictature en Europe de se maintenir.