Combat pour la Paix n 498 Monde : S il vous plaît, dessinemoi une kalchnikov Monde S il vous plaît, dessine-moi une kalachnikov
Unicef France a lancé en 2004 une campagne de sensibilisation sur le recrutement et l utilisation des enfants dans les conflits. Henri Leblanc, administrateur chez Unicef France fait le point sur la situation dramatique de ces enfants soldats et sur les mesures à prendre pour que cesse cet enrôlement. Selon les estimations, près de 300 000 enfants soldats sont recensés à travers 20 conflits dans le monde. Quels sont les pays qui «recrutent»? Existe-t-il un portrait type de l enfant soldat? Henri Leblanc : Le phénomène est mondial, et s il ne date pas d hier, le recours aux enfants est devenu quasi systématique ces dernières années. On les appelle génériquement les enfants soldats même si certains n ont jamais porté d armes. À travers le monde ils sont, au mépris de leurs droits les plus fondamentaux, utilisés comme domestiques, esclaves sexuels, espions, cuisiniers, porteurs et grandissent dans des unités en guerre, privés d enfance. Le continent le plus touché est actuellement l Asie avec près de 70 000 mineurs enrôlés en Birmanie, 8 000 enfants soldats en Afghanistan et un recrutement massif de l opposition armée maoïste au Népal. En Afrique, pas un conflit ayant éclaté depuis 1990 ne fut marqué par un recours automatique aux enfants dont le nombre s élèverait à 120 000. Aujourd hui, si des programmes de démobilisation et de réinsertion sont organisés par l UNICEF et ses partenaires en Sierra Leone, au Libéria et au Burundi, la situation reste hautement préoccupante dans certains pays : Soudan, Ouganda, République démocratique du Congo. Un autre cas inquiétant est celui de la Colombie où près de 15 000 enfants sont présents tant au sein des groupes révolutionnaires d opposition (FARC, ELN) que des milices paramilitaires soutenues par le gouvernement. Établir un parcours type de l enfant soldat relève véritablement de l illusion. Les trajectoires sont en réalité très diverses et dépendent du contexte social, politique et économique du pays en conflit. Des enfants sont enrôlés très jeunes, dès 5 ou 6 ans ; certains sont volontaires, poussés par les circonstances vers les groupes armés pour des raisons de sécurité, de survie, de reconnaissance ; d autres sont enrôlés de force, constituant une main d uvre à moindre coût. De la guerre, tous ces enfants sortent cassés, déconnectés. C est alors un long travail de reconstruction et de réhabilitation qui reste à engager à leurs côtés. En 2004, dans de nombreuses crises à travers le monde, la guerre continue de se faire avec les enfants. L Unicef France fait circuler une pétition à l attention du Conseil de Sécurité des Nations unies et du gouvernement français. Quel est l objectif à atteindre? H.L. : Son objectif : l application de sanctions concrètes contre les entités armées et les gouvernements qui continuent d utiliser des enfants dans leurs guerres. Début décembre, grâce à une forte mobilisation des Français, l UNICEF a récolté près de 110 000 signatures. Notre espoir serait d obtenir 300 000 signatures pour les 300 000 enfants soldats du monde. La pétition sera officiellement remise au Président de la République M. Jacques Chirac et au Secrétaire général des Nations unies M. Kofi Annan, en février. D autres actions d informations ont eu lieu tout au long de l année : des journalistes sont partis sur le terrain avec l Unicef à la rencontre d anciens soldats démobilisés en Sierra Leone et en RDC, un rapport sur la situation des enfants soldats en 2004 a été publié et un colloque international s est tenu en juin à Paris. De plus, des expositions sur la situation des enfants soldats ont été organisées à travers la France. Toutes ces actions n ont qu un but : mettre fin à l utilisation des mineurs dans les guerres. Comment pouvons-nous agir pour faire cesser l enrôlement des enfants et pour faire en sorte que les états et les groupes armés soient sanctionnés? H.L. : La question des enfants soldats est en effet l affaire de tous et agir est tout à fait possible. En premier lieu, en faisant toujours pression sur notre gouvernement. À partir du moment où l utilisation des enfants soldats est une question fixée sur l agenda politique de la communauté internationale, elle sort de son relatif anonymat et devient une pratique condamnée et montrée du doigt. Reste à instaurer de véritables sanctions pour rendre le recours aux enfants soldats insupportable, politiquement et pénalement. Ensuite, en privilégiant toujours la prévention des conflits et le développement des pays qui connaissent des crises sociales susceptibles de déboucher sur des conflits violents. Enfin, en soutenant financièrement l UNICEF et les ONG qui prennent en charge les enfants soldats et tentent de les accompagner dans le retour à la vie civile. Les programmes de démobilisation et de réinsertion coûtent cher, et si l argent est le nerf de la guerre, il est aussi le nerf de la paix. Entretien réalisé par céline Bévierre
Chiffres : 300 000 enfants soldats dans le monde 5 ou 6 ans : l âge des plus jeunes enfants soldats 110 000 signatures récoltées à ce jour. Objectif : atteindre les 300 000 Raisons ayant poussé des enfants à rejoindre une entité armée en RDC, au Rwanda et au Congo Brazzaville (Unicef 2000) : 34% : Besoins matériels 9% : Peur 10% : désir de vengeance 11% : désir de quitter la famille 15% : Fascination 21% : Idéologie