TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N 1102686 SARL X Mme Caroline Regnier Rapporteur M. Charles-Edouard Minet Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Lille 5ème Chambre Audience du 23 mai 2013 Lecture du 6 juin 2013 39-01-01 24-01-02-01 18-03 C+ Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2011 en télécopie et le 9 mai 2011 en original, présentée pour la SARL X, dont le siège est, représentée par son gérant en exercice, par Me B. Chaton, avocat ; la SARL X demande au tribunal : 1 ) d annuler le titre émis et rendu exécutoire le 7 mars 2011 à son encontre pour un montant de 20 413,84 euros ; 2 ) de mettre à la charge de la commune de Labroye une somme de 3 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient : - que le titre exécutoire est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l article 81 du décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 ; - que la commune de Labroye ne justifie de l existence d aucune créance à son encontre ; qu aucun contrat de bail emphytéotique n a été signé entre les deux parties, de telle sorte que la redevance réclamée est sans fondement juridique ; que la commune de Labroye ne justifie pas être propriétaire des terrains ; - que la commune exploite elle-même le camping depuis l année 2009 ; Vu la décision attaquée ;
N 1102686 2 Vu le mémoire, enregistré le 24 mai 2011, présenté pour la SARL X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2011, présenté pour la commune de Labroye, représentée par son maire en exercice, par Me D. Delerue, avocat, qui conclut au rejet de la requête, à ce que la SARL X soit condamnée à payer la somme de 20 413,84 euros avec intérêts à compter de l'émission du titre exécutoire, ainsi qu'à la mise à la charge de la SARL X d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient : - que les bases de liquidation de la somme réclamée apparaissent dans l'état des dépenses et des recettes du camping ; que ce document a été transmis à la société requérante ; - que la créance repose sur un accord des deux parties, entériné par délibération du conseil municipal du 8 décembre 2008 ; que l'absence de signature du bail emphytéotique relève de la carence de la société requérante, mais ne fait pas obstacle à l'existence d'un accord de volontés ; que la société a exploité le camping au cours de l'année 2009 ; qu'elle est propriétaire des terrains ; Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2013, présenté pour la SARL X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Vu l'ordonnance en date du 12 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 12 mai 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2013, présentée pour la commune de Labroye ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code civil ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code général de la propriété des personnes publiques ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2013 : - le rapport de Mme Caroline Regnier, rapporteur, - les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public, - et les observations de Me Fillieux, substituant Me Delerue, pour la commune de Labroye ;
N 1102686 3 Sur la légalité du titre exécutoire : Sans qu il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ; 1. Considérant qu aux termes de l article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : «Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous.» ; qu aux termes de l article L. 2122-3 du même code : «L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable.» ; qu aux termes de l article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales : «Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ( )» ; qu aux termes de l article L. 451-3 du code rural : «La preuve du contrat s établit conformément aux règles du code civil en matière de baux» ; 2. Considérant que la SARL X a adressé à la commune de Labroye une proposition de reprise de l exploitation du camping municipal au lieu dit «Le Marais de Balançon», sous la forme d un bail emphytéotique administratif d une durée de 50 ans ; que, par délibération du 8 décembre 2008, le conseil municipal de la commune de Labroye a autorisé le maire de la commune à conclure ce bail et a autorisé la SARL X à commencer les travaux de rénovation et de mise aux normes du camping municipal à compter du 1 er janvier 2009 dans l attente de la signature du bail ; que la SARL X et la commune de Labroye ont reçu au mois de février 2009 une mise en demeure d arrêter les travaux engagés, notifiée par le maire de la commune voisine X, qui revendique la propriété des parcelles concernées ; qu à la suite de divers échanges de courriers et de réunions ayant pour objet de déterminer la propriété des terrains, la SARL X a fait connaitre à la commune de Labroye son intention de ne pas conclure le bail emphytéotique administratif, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 mars 2009, confirmée le 13 mai 2009 ; que la commune de Labroye a pris acte de ce désengagement le 26 juin 2009 ; 3. Considérant que, par un titre émis et rendu exécutoire le 7 mars 2011, la commune de Labroye demande à la SARL X le paiement de la redevance mise à sa charge par le contrat de bail emphytéotique pour l exploitation du camping municipal pour l année 2010 ; 4. Considérant que la SARL X conteste le bien fondé de la créance qui lui est réclamée, en raison de l absence d engagement contractuel entre la commune de Labroye et elle-même ; que la commune de Labroye, pour sa part, soutient qu il existait un accord de volonté entre les deux parties, nonobstant l absence de signature du bail emphytéotique administratif, conformément à l article L. 451-3 du code rural et de l article 1134 du code civil ; que toutefois, le renvoi à la définition de l article L. 451-1 du code rural, par l article L. 1311-2 précité du code général des collectivités territoriales, ne saurait faire obstacle au principe édicté par l article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques précité selon lequel le titre permettant à un particulier d'occuper à titre privatif une dépendance du domaine public ne peut qu'être formalisé par un écrit ; qu il est constant que le bail emphytéotique n a jamais été signé ; qu ainsi, la créance dont se prévaut la commune de Labroye est dépourvue de base légale ;
N 1102686 4 5. Considérant qu il résulte de ce qui précède que la SARL X est fondée à demander l annulation du titre émis et rendu exécutoire le 7 mars 2011 à son encontre pour un montant de 20 413,84 euros ; Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Labroye : 6. Considérant qu il résulte de ce qui précède que la commune de Labroye n est, en tout état de cause, pas fondée à demander la condamnation de la SARL X à lui verser la somme de 20 413,84 euros avec intérêts à compter de l'émission du titre exécutoire ; Sur l application de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant que les dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL X, qui n est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Labroye demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, et en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Labroye une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SARL X et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1 er : Le titre émis et rendu exécutoire le 7 mars 2011 à l encontre de la SARL X au bénéfice de la commune de Labroye pour un montant de 20 413,84 euros euros est annulé. Article 2 : La commune de Labroye versera à la SARL X une somme de mille euros (1 000 euros) en application de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Labroye sont rejetées.
N 1102686 5 Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL X et à la commune de Labroye. Délibéré après l'audience du 23 mai 2013, à laquelle siégeaient : Mme Tastet-Susbielle, président, M. Arvault, premier conseiller, Mme Regnier, conseiller. Lu en audience publique le 6 juin 2013. Le rapporteur, Le président, C. REGNIER F. TASTET-SUSBIELLE Le greffier, M. DURIEUX
N 1102686 6 La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement. Pour expédition conforme, Le greffier,