PRISE EN CHARGE ET PARCOURS DE SOINS D UN CANCER DU SEIN Danielle PREBAY Nelly ETIENNE-SELLOUM Pharmaciens au CLCC Paul Strauss Strasbourg APHAL ERSTEIN 16 OCTOBRE 2014
Plan de la journée 9-10h30 : Le cancer du sein épidémiologie, facteurs de risque, dépistage, diagnostic, classification, prise en charge, focus sur les traitements injectables 10h30-11h30 : Intervention du Dr Drogue 13-14h : Thérapies orales dans le cancer du sein 14-15h : Cas cliniques 15-16h : Consultation pharmaceutique- éducation thérapeutique du patient
Epidemiologie dans le monde 2 e cancer le plus fréquent (homme + femme) 2 e cause de mortalité par cancer dans la monde
Epidemiologie dans le monde Incidence 1 700 000 nouveaux cas en 2012 41% dans les pays développés 22 % en Europe 43,3% des cancers féminins (standardisé par l âge) Au total 6 250 000 femmes atteintes d un cancer depuis moins de 5 ans Mortalité Cancer le plus mortel chez la femme > 500 000/an, 17% en Europe 12% des décès par cancer feminins Problème de santé public GLOBOCAN 2012
Epidémiologie en France Effet du dépistage organisé? Prévention? Dépistage! Prise en charge précoce! Progrès thérapeutique!!!! INCIDENCE MORTALITE q 48000 nvx cas en France en 2012 q Cancer le plus fréquent chez la femme (majorité plus de 50 ans) q Age médian du diagnostic = 63 ans q Taux global de survie à 5 ans : 86% q Taux global de survie à 10 ans : 76% q 11900 décès en 2012 q 18.8% des décès par cancer chez la femme q Age méddian au décès = 73 ans Prévalence en 2008 : 654 400 femmes ayant eu un cancer du sein au cours de leur vie
Physiologie du sein
Protocole de dépistage du cancer du sein Auto-palpation des seins - Examens cliniques + Mammographie de dépistage (recommandation) Normal Suspect Equivoque Imagerie diagnostique Mammographie Echographie - IRM Masse palpable (non kystique) Équivoque ou suspect Probablement bénin Kyste Normal Biopsie - aspiration à l'aiguille fine Suivi à court terme Aspiration Le dépistage est le plus sûr moyen d augmenter rapidement le taux de guérison du cancer du sein!!!
Dépistage organisé Taux de participation Taux de participation > 50% Taux de dépistage ~ 7% 90% de guérison si diagnostic précoce Pour qui? Femmes de 50 à 74 ans Quand? Tous les 2 ans Comment? Mammographie
Facteurs de risque Facteurs de risques non modifiables : Risque Relatif - Age > 50 vs < 50 6.5 - ATCD familiaux de premier degré 1.4-13.6 de second degré 1.5-1.8 Facteurs génétiques : 5 à 10% des cancers du sein sont secondaires à une transmission héréditaire d un gène prédisposant (BRCA1, BRCA2, p53, PTEN, etc) - Puberté précoce (< 12 vs 14) 1.2-1.5 - Ménopause tardive ( 55 vs < 55) 1.5-2.0 - Première grossesse tardive (> 30 vs < 20) 1.3-2.2 - Mastopathie bénigne 1.5-1.8 - Hyperplasie atypique 4.0-4.4
Facteurs de risque Autres facteurs (modifiables) : Consommation excessive: graisses, sucres, alcool Obésité post-ménopausique, sédentarité Intoxication tabagique suspectée Exposition aux radiations (2 nd cancer, accident nucléaire) Facteurs hormonaux : longue durée d imprégnation oestrogéniques, première grossesse tardive et faible nombre d enfants Niveau élevé de testostérone à la ménopause Traitement substitutif de la ménopause prolongé?
Circonstances de découverte Mammographie de dépistage Tuméfaction de découverte fortuite ou lors d une autopalpation enseignée («boule» dans le sein) Anomalies du mamelon (écoulement, rétraction) Anomalie cutanée au niveau de la peau du sein ou du mamelon Sein inflammatoire Adénopathies (ganglion au niveau des aisselles) ou Métastases à distance (douleur osseuse, essoufflement, troubles digestifs/ hépatiques, etc)
Aspect mammographique
Bilan clinique et paraclinique Anamnèse : Antécédents familiaux et personnels, date d apparition des anomalies, évolutivité des lésions Examen loco-régional bilatéral et comparatif : - Seins, mamelons, peau (à Taille/ Mobilité/ Topographie/ Aspect du revêtement cutané, du mamelon et de l aréole/ Croissance évolutive clinique/ Signes inflammatoires) - Aires ganglionnaires Examens paracliniques : - Examen Cytologique (à Diagnostic de CERTITUDE) : - Biologiques : NFS, bilan hépatique et rénal, ionogramme sanguin, dosage ACE + CA15-3 - Radiologiques : mammographie, échographie abdominale, IRM, scintigraphie osseuse
Sites métastatiques
Obtenue par : Diagnostic de certitude : histologie - cytoponction à l aiguille fine (mais 10% faux négatifs) - biopsie au trocart (+++) - microbiopsie stéréotaxique L histologie permet également d obtenir : - le grading SBR de la tumeur : degré d agressivité de la tumeur - le dosage des récepteurs hormonaux dans le tissu tumoral (facteur prédictif de réponse au traitement hormonal, fréquence d expression: 70% ER, 60-65% PR) - expression de Ki67 (marqueur de prolifération) Le statut HER : 20 % des cancers du sein surexpriment un récepteur du facteur de croissance épidermique HER2 Ø Facteur de mauvais pronostic Ø Cible thérapeutique spécifique
Dosage des récepteurs hormonaux Facteurs pronostique et prédictifs essentiels, il existe les Récepteurs - Oestrogéniques (RO) - Progestéroniques (RP)
Détermination du statut HER2
Classification histo-pathologique Forme histologique la plus fréquente : adénocarcinome infiltrant canalaire à 70 à 80% des cancers invasifs Adénocarcinomes lobulaires infiltrants : 10% Adénocarcinomes tubuleux : ± 5% Carcinome in situ : 5 à 15% Formes épithéliales rares : Carcinome mucineux Carcinome papillaire Paget (adénocarcinome intraépidermique du mamelon) Tumeurs inhabituelles du sein (non épithéliales) Sarcomes Lymphomes
Equivalences stades Classification TNM Stade 0 Tis N0 M0 Stade I T1 N0 M0 Stade II A T0 N1 M0 T1 N1 M0 T2 N0 M0 B T2 N1 M0 T3 N0 M0 Stade III A T0 N2 M0 T1 N2 M0 T2 N2 M0 T3 N1-2 M0 B T4 Tout N M0 Tout T N3 M0 Stade IV Tout T Tout N M1 Cancer du Sein Inflammatoire
Classification des adénocarcinomes infiltrants canalaires Basal like = triple négatif
Classification toujours plus complexe!! Claudin-low Basal-like HER2-enriched Luminal B Luminal A Recherche de marqueurs pronostic ou prédictifs
Le nombre de cellules en division (ou activité mitotique) Plus une cellule cancéreuse se développe vite, plus elle se divise rapidement et plus le risque de propagation du cancer dans l'organisme augmente. Ce critère est étroitement lié au nombre de cellules qui se divisent. L'aspect microscopique d'une cellule qui se divise (on dit aussi qui est en mitose) est caractéristique. Grades Le (G pathologiste ou SBR) va compter, sur une surface définie, le nombre de cellules qui se divisent. Chacun de ces 3 critères est évalué et une note allant de 1 à 3 lui est attribuée. CRITÈRE NOTE 1 NOTE 3 Architecture Noyau Activité mitotique La tumeur contient beaucoup de structures bien formées. Les noyaux de la tumeur sont petits et uniformes. Les cellules de la tumeur se divisent lentement = faible nombre de mitoses. La tumeur contient peu ou pas du tout de structures bien formées. Les noyaux de la tumeur sont gros et leur taille et leur forme varient. Les cellules de la tumeur se divisent rapidement = important nombre de mitoses. n Grade d un cancer = somme des notes obtenues pour chacun des Le grade d'un cancer correspond à la somme des notes obtenues pour chacun des trois critères. On critères obtient ainsi : un score global classé de I à III qui correspond au grade histopronostique d'elston-ellis. Lorsqu'on obtient les scores 3,4 et 5, on parle de grade I ; pour des scores de 6 et 7, on parle de grade II et pour des scores de 8 et 9, on parle de grade III. n scores de 3 à 5 : grade I (tumeurs les moins agressives, bas grade) n scores de 6 ou 7 : grade II De manière générale : n scores de 8 ou 9 : grade III (tumeurs les plus agressives, haut grade)
Facteurs pronostics Cliniques : Age de la patiente Taille de la tumeur Présence de signes inflammatoires Atteinte ganglionnaire axillaire Histologiques : Agressivité de la tumeur : Grading Scarff Bloom Richardson (SRB = grade histo-pronostic) Grade I: Bon pronostic, Grade II: Intermédiaire, Grade III: Mauvais pronostic Envahissement ganglionnaire axillaire Biologiques : Absence d expression des R œstrogène et à la progestérone Hyperexpression ou amplification de l oncogène HER2
Prise en charge thérapeutique Le choix du traitement va dépendre de plusieurs facteurs : type de cancer unifocal ou multifocal (plusieurs foyers cancéreux) stade au diagnostic grade statut des récepteurs hormonaux ou de HER2 âge éventuelles contre-indications aux traitements état de santé général avis du patient Un avis va être donné par la RCP consultation d annonce au patient
Chirurgie : Moyens et objectifs du traitement locorégional Mastectomie Totale (Technique de Patey), conservant le grand pectoral OU Mastectomie Partielle type quadrantectomie avec reconstruction voire tumorectomie + Curage ganglionnaire - Assurer le diagnostic / recueillir les éléments pronostic - Participer au traitement locorégional du cancer - Conserver ou restaurer la morphologie du sein. Remarque: Selon la taille tumorale (> ou < 3 cm), mastectomie OU Chirurgie conservatrice. Néanmoins, cette «limite (3 cm)», est fonction de la taille du sein.
Moyens et objectifs du traitement locorégional Chirurgie
Moyens et objectifs du traitement locorégional Radiothérapie : 50 Gy + surdosage de 16 Gy sur le lit tumoral s il n a été pratiqué qu une tumorectomie ± irradiation du creux axillaire (et éventuellement susclaviculaire ou mammaire interne selon localisation tumorale) Irradiation sein et paroi thoracique : Réduire au maximum les risques de récidives locales + permettre une conservation mammaire si possible et souhaitée Irradiation aires ganglionnaires : Réduire au maximum les risques de récidives régionales Secondairement améliorer la survie.
Moyens et Objectifs du traitement systémique Hormonothérapie Objectif : inhiber la prolifération tumorale Comment? : supprimer les effets des hormones physiologiques n supprimer la production de stimulines hypothalamiques (castration chimique) n inhiber la synthèse des hormones en cause au niveau des glandes endocrines n bloquer les récepteurs hormonaux
L hormonothérapie Il faut démontrer la présence de récepteurs Dépend des conditions hormonales de la patiente Avant la ménopause, les œstrogènes sont d origine ovarienne (castration pharmacologique) Après la ménopause, les œstrogènes sont issus de la conversion des androgènes (aromatisation)
L hormonothérapie Analogue de GnRH, Progestatifs Tissu Adipeux et autres tissus Inhibiteurs d aromatase Anti-oestrogènes Hypothalamus GnRH Hypophyse Ovaires aromatase oestrogènes Récepteur aux oestrogènes LH FSH La castration chimique : - analogues LH-RH provoque une réduction des œstrogènes circulants (pré-ménopause) o leuproréline ENANTONE LP 3.75 mg SC IM o Goséréline ZOLADEX 3.6 mg implant SC -progestatifs forte dose o Médroxy-progestérone DEPO-PRODASONE inj IM o Mégestrol MEGACE cp (palliatif) Les inhibiteurs d aromatases (post-ménopause): n Type I : stéroïdien (exémestane AROMASINE cp) n Type II : non stéroïdien (anastrozole ARIMIDEX cp, létrozole FEMARA cp) Les anti-oestrogènes: - SERM (antagoniste avec activité agoniste partiel tissu-dépendant) : Tamoxifène NOLVADEX cp, torémifène FARESTON cp - Agoniste pur : Fulvestrant FASLODEX 250 mg/5 ml inj IM / mois Cellule cancéreuse mammaire ERE tumorigenèse
Moyens et Objectifs du traitement systémique Chimiothérapie par médicaments cytotoxiques Objectif : éliminer les cellules cancéreuses n n n Résultat : action ubiquitaire mais toxicité élevée pour les cellules saines car aucun cytotoxique n est spécifique des seules cellules cancéreuses En traitement adjuvant : amélioration de la survie sans métastase et de la survie globale En traitement néo-adjuvant : obtenir une régression tumorale permettant un traitement conservateur En traitement palliatif : augmenter la survie + qualité de vie
a.i.m. N 64 ; mai-juin 2000
Principe de la chimiothérapie Systèmes enzymatiques (TS, DHFR, etc) Précurseurs de nucléotides Anti-métabolites 5 FU, gemcitabine, méthotréxate Nucléotides Anti-métabolites C G A T U Synthèse d ARN Synthèse d ADN Inhibiteurs de topoisomérases I et II Anthracyclines : doxorubicine, épirubicine, doxo liposomale Alkylants cyclophosphamide, sels de Pt Division cellulaire Poisons du fuseau vinorelbine, taxanes (paclitaxel ± albumine, docétaxel)
Cytotoxiques par voie orale Antimétabolites : capécitabine XELODA (prodrogue du 5-FU, anti-métabolite) Cyclophosphamide ENDOXAN (alkylant) Antimitotiques : Vinorelbine NAVELBINE (poison du fuseau) à Cours d Emilie Petit-Jean
Moyens et Objectifs du traitement systémique Les thérapies ciblées : Objectif Éliminer les cellules cancéreuses en préservant les cellules saines Nouvelle classe de médicaments anti-cancéreux Mécanisme d action précis concernant des récepteurs de surface cellulaire et/ou la transmission du message de division cellulaire
Thérapeutiques ciblées par voie injectable = Anticorps monoclonaux: trastuzumab HERCEPTIN - chimérique (95 % humain - 5 % murine) - capable de bloquer sélectivement un R souvent retrouvé à la surface de certaines cellules cancéreuses : HER2 (Human Epidermal Growth Factor 2). - Adaptation posologique en fonction du poids de la patiente - Administration par voie injectable IV - Nouveauté : HERCEPTIN Sous-cutanée à dose fixe!! Pertuzumab PERJETA - anticorps anti-her2 qui inhibe la dimérisation du récepteur HER2
Thérapeutiques ciblées par voie injectable antibody-drug conjugate : trastuzumab-emtansine (TDM-1) KADCYLA Disponible en 2014? Inhibiteur de la polymérisation
Thérapeutiques ciblées par voie injectable Antiangiogénique : Bévacizumab AVASTIN Ac (IgG1) monoclonal humanisé recombinant anti-vegf-a se lie spécifiquement au VEGF (Vascular Endothélial Growth Factor) circulant, médiateur de l angiogénèse, et inhibe sa liaison à ses R Fit-1(VEGFR-1) et KDR (VEGFR-2) à la surface des C endothéliales (entre autres) neutralisant son activité biologique réduction de la néovascularisation des tumeurs 1er agent anti-angiogénique.
Thérapeutiques ciblées par voie orale Inhibiteur de tyrosine kinase : lapatinib TYVERB Action sur les domaines intracellulaires des récepteurs EGFR (ErbB1) et ErbB2 (HER2) Cancer du sein avancé ou métastatique avec surexpression des R HER2 chez les patients en progression après un traitement antérieur avec une A, un taxane et du trastuzumab 1 ère association orale avec de la capécitabine Double inhibition possible (Trastuzumab / lapatinib)
Thérapeutiques ciblées par voie orale Evérolimus AFFINITOR cp en association avec examestane AROMASINE cp
Nouvelles cibles dans le traitement du cancer du sein Molecules d adhésion (E-Cadherine) Metalloproteinases TSGs (Rb, p53, MDM2, p16, PTEN) Récepteurs (ER, PR, HER2, EGFR, IGFR) PARP HDAC Facteurs croissance RANKL Transduction signal (Pi3K, Akt, Src, Ras, JAK ½, MAPK, CDKs) Apoptose(BCL2) Endothelium Stroma
Historique du traitement du cancer du sein 1970 1980 1990 2000 2010 Introduction du concept du traitement adjuvant Avant les Anthracyclines CMF Avec les Anthracyclines Association: AC, FAC, FEC, Intensité des doses variables Taxanes (Docetaxel / Paclitaxel) / Vinorelbine Combinaison / monothérapie hebdomadaire Séquentiel Nouveaux agents Intégration dans les stratégies thérapeutiques Anticorps Monoclonaux Développement des thérapies orales
a.i.m. N 68 ; novembre 2000
Conclusion Information des patients : éducation thérapeutique Information et formation des médecins traitants Information et formation des pharmaciens d officine Rôle des laboratoires pharmaceutiques : conditionnement en blister unique et/ou protégé Complémentarité ville - hôpital indispensable pour une continuité des soins et une prise en charge globale des patients
Bibliographie Shah R, Rosso K, Nathanson SD. Pathogenesis, prevention, diagnosis and treatment of breast cancer. World J Clin Oncol. 2014 Aug 10;5(3):283-98. doi: 10.5306/wjco.v5.i3.283. Review. Martin LA, André F, Campone M, Bachelot T, Jerusalem G. mtor inhibitors in advanced breast cancer: ready for prime time? Cancer Treat Rev. 2013 Nov;39(7): 742-52. Les cancers en France - Edition 2013, INCA Site internet de l INCA (documents pour les soignants et les patients) http://www.ecancer.fr