L entretien d explicitation peut aider à poursuivre trois buts : Décrire les démarches de l élève Faire prendre conscience à l élève de ses manières de travailler, d apprendre Développer les connaissances métacognitives de l élève Mathieu associe des étiquettes (G. est assis devant Mathieu.) G : Pourquoi tu les as mises ensemble? (Mathieu cache les étiquettes avec ses mains) G : Attends, attends, Mathieu, tu as une raison, là, tu n as pas fait n importe quoi, tu vas peut-être pouvoir m expliquer comment tu as fait là. (G. change de place. Elle se met derrière lui) G : On va voir comment tu as fait là. Comment tu as fait quand tu as fait les deux étiquettes? M : Ben je me suis dit que le vase, ça va sur la table. Installer une autre attitude de l élève face à la relation d aide Passage du «pourquoi» accusateur au «comment» dynamisant Donner à l élève les moyens de se percevoir comme sujet à partir de la reconnaissance et de la mobilisation de sa pensée privée Samba et 98 J : Voilà. Eh bien écoute, on va parler de ce quatre-vingt-dix-huit, hein. Essaie de revoir précisément le moment où tu as écrit sur ta feuille quatre-vingt-dix-huit ou alors le moment où moi je l ai dit. Est-ce que tu te souviens quand je l ai dit? Quand j ai dit quatre-vingt-dix-huit, qu est-ce qui s est passé pour toi dans ta tête à ce moment-là? S : Ben, j ai réfléchi. Quatre-vingt, c était 8, et dix-huit, j enlève le 1 et je mets le 8. J : Bon, alors tu as réfléchi, tu me dis quatre-vingt, c était 8 et ensuite? S : Heu, après c était quatre-vingt dix-huit, dix-huit j enlève le 1 et je mets le 8. J : Tu as enlevé le 1 et tu as mis le 8 S : Oui. J : Est-ce que tu peux m expliquer plus précisément comment ça s est passé quand tu as enlevé 1. Tu as enlevé 1 S : J ai dit, je pouvais pas faire quatre-vingt-dix-huit comme ça en mettant le 1 parce que si je mets le 1, ça fait, heu, ça fait pas quatre-vingt-dix-huit. J : Donc, tu as enlevé le 1, si tu avais mis le 1, si je comprends bien, un 1 et un 8 ça ne pouvait pas faire quatre-vingt-dix-huit. S : Non. J : Tu sais ce que ça pouvait faire, un 1 et un 8 par exemple? S : Non. J : Non Bon, alors, donc, ça faisait pas quatre-vingt-dix-huit, tu savais que ça ne faisait pas quatre-vingtdix-huit et comment tu savais faire quatre-vingt-dix-huit à ce moment-là?
S : Parce que j ai fait, j ai fait quatre-vingt, quatre-vingt c est 8-0. Après, j ai mis 8, j ai réfléchi, j ai mis, j ai dit dans ma tête, je mets 8 et j enlève je mets 8 et j enlève 0. J : Oui. S : Et c est ça qui fait quatre-vingt-dix-huit. J : Quatre-vingt-dix-huit, ça fait quatre-vingt-dix-huit. Donc tu mets le 8, ça fait quatre-vingt et ensuite tu mets un autre huit et ça fait quatre-vingt-dix-huit. Et qu est-ce que tu vois à ce moment là sur ta feuille? S : Quatre-vingt 8-8. J : Tu vois 8-8. J : Et pour quatre-vingt-huit, qu est-ce que tu t es dit dans ta tête pour le deuxième? S : Quatre-vingt-huit J ai cru que c était pareil et j ai écrit 8-8. J : Tu as écrit 8-8. Pour quatre-vingt-huit Et comment tu as fait pour trouver ça? S : J ai dit que je pouvais pas mettre le 2 sinon ça va pas faire quatre-vingt-huit J : Tu pouvais pas mettre le 2 le 2 de quoi? S : Le 2 de quatre-vingt quatre-vingt. J : le 2 de quatre-vingt. Est-ce que tu peux me dire précisément où tu le voyais ce 2 de quatre-vingt, où estce que tu aurais pu le mettre? S : J pouvais pas le mettre. J : Tu pouvais pas le mettre S : Sinon ça va pas faire quatre-vingt-huit. J : Ca ferait pas quatre-vingt-huit. Donc toi, tu as mis quoi, tu as mis un 8 et ça fait quoi? S : J ai mis 8-8. 8, et ça fait quatre-vingt quatre-vingt huit. Thomas et la lecture G : Je te demande de penser à un moment où tu as eu à lire une histoire dans ta classe. T : Oui. G : C était quand? T : J ai fait ce matin. G : Comment tu as fait à ce moment-là? T : J ai essayé un petit peu de lire et j ai fait deux lettres et j ai fait une lettre. G : Ah bon, mais tu fais comment? Je ne comprends pas très bien. T : Ben, un j et un o, ça fait jo, et un e et un r, ça fait re. (En même temps qu il parle, il fait le geste de prendre deux éléments et de les combiner ensemble) N.B. : ce que Thomas appelle «faire une lettre», c est faire une syllabe ; il s agit ici du mot jouer. Ludovic lit G : Est-ce que tu pourrais choisir le dernier moment dans la classe où tu avais quelque chose à lire c était quand? L : C était hier, on avait plein de trucs à lire. G : Ah, c était hier, tu avais L : J ai lu une phrase, c est que, sans le camarade le dit, j l ai lue, heu, d un coup. G : D un coup. L : J ai dit «Roger joue dans sa chambre avec son mécano». (Cette phrase que Ludovic évoque est la phrase n 1 sur la page de droite du manuel de lecture. Elle a été recombinée à partir des seuls mots de la page de gauche) G : D accord, est-ce que tu peux heu te remettre dans le moment où la maîtresse a demandé de prendre le livre, est-ce qu elle l a demandé de prendre le livre? comment ça s est passé, elle l a peut-être pas demandé L : Si, elle l a dit de prendre note livre de lecture, pourque on lit et les phrases que l on a à lire comme devoirs et à copier.
G : D accord, c est bien le moment de lecture dans la journée, ça, hein? G : Oui, c était, quand c était? L : Hier G : Et hier quand dans la journée? L : Heu le matin. G : Le matin. G : Et puis, comment tu t y prends? tu te dis quelque chose à ce moment-là? dans ta tête, tu te parles? non? non, tu te parles pas. L : Après «il y a», c est les mots que j arrive pas, «sur le sol» après G : «Il y a», tu as su le lire «sur le sol» aussi. G : Et comment t as fait pour le lire? L : Au début, j voyais que ça commençait vers (inaudible), ça recommençait vers les autres. G : Attends, attends, ça commençait vers L : Vers Mehdi. G : Mehdi, comment ça, ça commençait vers Mehdi? L : Mehdi, c est un camarade de la classe, c est lui qu a commencé à lire, après ça faisait le tour, alors j ai retenu le mot «il y a», et pis «dans la chambre de Yves, de Roger», après c est «sur le sol», j ai retenu. G : D accord, alors la phrase n 1, est-ce que tu veux bien revenir au moment où tu as cherché cette phrase qu est-ce qui s est passé à ce moment-là? L : «Yves est dans sa chambre», non, c est plutôt «Roger est dans sa chambre, il joue avec son mécano», les autres, je G : Attends, ça c est le moment où tu l as lue, moi j aimerais revenir un petit peu avant, avant que tu le dises dans la classe, comment tu as fait pour trouver ces mots-là? L : J ai vu les syllabes, j ai dit A, j ai vu l autre syllabe derrière, alors l autre à la fin, j ai pas cherché et j l ai écoutée. G : Ah, alors au début, tu m as dit : j ai lu les syllabes A, et à la fin, t as pas cherché, t as lu. L : Plus la lettre derrière. G : Alors, tu lis la syllabe, plus la lettre derrière. G : Oui, est-ce que tu peux m expliquer comment c est quand tu fais ça, quand tu lis la syllabe avec la lettre derrière? L : C est, c est un peu dur quand il faut mettre les noms comme ils s entendent. G : Il faut mettre les noms comme ils s entendent, oui, alors c est comment, quand tu mets les noms comme ils s entendent? L : Ben, c est-à-dire dans, pas comme ça et pas comme l alphabet, c est les mots qui qui G : Alors, c est pas comme l alphabet, oui, c est L : Les mots qui se disent en même temps. G : les mots qui se disent en même temps. L : Deux mots qui s entendent en même temps. G : Deux mots qui s entendent en même temps, c est ça? Se centrer sur un moment précis : G : Est-ce que tu peux revenir à peut-être au début de la phrase, que t as, quand t as cherché, tu te souviens? L : Hon (acquiescement de la tête) G : Ça y est, alors c était quoi ça?
L : «Roger» G : Bon, alors comment t as fait pour celui-là? L : Quand je l ai entendu dans l autre phrase, et l autre phrase on l a lue après, et on l a lue en entier, et on l a répétée pour tout, après on a lu l autre phrase, et comme dans la première phrase j entendais «Roger», c était facile à trouver comme on l entendait, «mécano» et «joue dans sa chambre avec ses jouets» comme il l était dans l autre phrase, c est facile à trouver. L : «Auto» y était dans l autre phrase, mais j ai cru que c était «école», alors j ai dit «école», mais «auto», j ai du mal à le trouver dans les autres phrases. (Ludovic évoque ici la phrase n 5 : «L auto va très vite» qui comporte des mots de la page de gauche (auto, va), vite, un mot vu précédemment, et très, un mot inconnu de l enfant) G : Alors t as dit «école», on va, on va rester un petit peu sur ce mot «auto», là, quand tu as vu «auto», qu est-ce qui s est passé? L : «Auto», j ai vu que ça commençait vers «école», un L, avec on a une virgule. G : Ah! «l auto», ça commençait comme dans «l école»! Karim : «Maman achète deche» A : Bon, Karim, si tu le veux bien, on va revenir à ce qui s est passé tout à l heure quand je vous ai demandé d écrire la phrase : «Maman achète une maison». Tu étais assis à ta table, tu avais ton crayon à la main et ton cahier était ouvert devant toi, il y avait des choses qui étaient déjà écrites sur la page. Tu retrouves bien ce moment-là? K : Oui. A : Ensuite, j ai dit la phrase : «Maman achète une maison». Qu est-ce qui s est passé pour toi à ce moment-là, au moment où tu as entendu cette phrase? K : «Maman», je savais qu il fallait que j écrive «maman», alors «maman» je le savais, je le connaissais, j ai écrit «maman» comme je le connaissais. A : Et alors, après, qu est-ce que tu as fait? K : Alors après, je me suis rappelé que la phrase, elle disait «maman achète», donc j ai cherché le mot «achète», j ai cherché dans la page où je savais qu il était écrit. A : Et alors, après? K : Après, je devais écrire «une maison» et alors à ce moment-là, j ai fermé très fort les yeux. A : Et quand tu fermes très fort les yeux, qu est-ce qui s est passé pour toi? (Le regard de Karim décroche vers le haut). K : Eh bien quand je ferme comme ça très fort mes yeux, eh bien ça devient blanc dans ma tête. A : Ah bon, et alors quand c est blanc comme ça dans ta tête, qu est-ce qui se passe? K : Dessus, c est écrit. Dans ma tête, c est écrit sur du blanc. Il y a plein de mots qui sont écrits dans ma tête. A : Et ce qui est écrit, c est en quelle couleur? K : C est en noir. A : Et alors, qu est-ce qui s est passé pour toi, quand tu avais ce blanc dans ta tête avec plein de mots écrits en noir? K : Et alors, à ce moment-là, j ai regardé très très fort au milieu de ce qui était écrit dans ma tête, parce que là je savais qu il y avait «maison». A : Et qu est-ce que tu as fait? K : Et alors, j ai vu que ça commençait par un «d», et en regardant encore plus, il y avait une petite boucle. A : Mais quelque chose de blanc, comme ça, avec des écritures noires, est-ce que tu en as déjà vu quelque part? K : (il réfléchit un moment) Je crois bien que ça ressemble au tableau qui est dans ma classe.
Comprendre le fonctionnement spécifique d un élève : L entretien d explicitation permet d effectuer un recueil précis d informations Le questionnement permet à l élève de livrer la clé de son fonctionnement Qu est-ce qui est difficile dans le fait de dire sa démarche? L action est une connaissance autonome De ce fait, elle peut être opaque à celui-là même qui la met en œuvre Dans l action, tout n est pas conscientisé Comment dépasser ces difficultés? En aidant le sujet à conscientiser, c est-à-dire à mettre en mots son action vécue Effectuer un accompagnement, un guidage Nécessité de demander à l autre l autorisation de le guider Nécessité d un contrat de communication : A : Bon, Karim, si tu le veux bien, on va revenir à ce qui s est passé tout à l heure quand je vous ai demandé d écrire la phrase : «Maman achète une maison». Sur quoi va porter ce guidage? La mise en mots se rapporte à une tâche réelle et spécifiée : G : Est-ce que tu pourrais choisir le dernier moment dans la classe où tu avais quelque chose à lire c était quand? L : C était hier, on avait plein de trucs à lire. G : Ah, c était hier, tu avais L : J ai lu une phrase, c est que, sans le camarade le dit, j l ai lue, heu, d un coup. G : D un coup. L : J ai dit «Roger joue dans sa chambre avec son mécano». G : D accord, est-ce que tu peux heu te remettre dans le moment où la maîtresse a demandé de prendre le livre, est-ce qu elle l a demandé de prendre le livre? comment ça s est passée, elle l a peut-être pas demandé L : Si, elle l a dit de prendre note livre de lecture, pourque on lit et les phrases que l on a à lire comme devoirs et à copier. G : D accord, c est bien le moment de lecture dans la journée, ça, hein? G : Oui, c était, quand c était? L : Hier G : Et hier quand dans la journée? L : Heu le matin. G : Le matin. La mise en mots se fait en relation au vécu passé : A : Tu étais assis à ta table, tu avais ton crayon à la main et ton cahier était ouvert devant toi, il y avait des choses qui étaient déjà écrites sur la page. Tu retrouves bien ce moment-là? K : Oui.
La mise en mots est d abord orientée vers la description des aspects procéduraux de l action : A : Ensuite, j ai dit la phrase : «Maman achète une maison». Qu est-ce qui s est passé pour toi à ce moment-là, au moment où tu as entendu cette phrase? K : «Maman», je savais qu il fallait que j écrive «maman», alors «maman» je le savais, je le connaissais, j ai écrit «maman» comme je le connaissais. A : Et alors, après, qu est-ce que tu as fait? K : Alors après, je me suis rappelé que la phrase, elle disait «maman achète», donc j ai cherché le mot «achète», j ai cherché dans la page où je savais qu il était écrit. A : Et alors, après? K : Après, je devais écrire «une maison» et alors à ce moment-là, j ai fermé très fort les yeux. Conclusion : Une rupture épistémologique : apprendre à se mettre «entre parenthèses» Partir du vécu de l action permet de dépasser l échec dans lequel s installent certains élèves et de recueillir les informations indispensables à la compréhension. L entretien d explicitation, c est : Supprimer les «pourquoi» Formuler un contrat de communication Canaliser l élève vers la référence à une tâche spécifiée Faire décrire par l élève l aspect procédural de son action