Présentation Cet ouvrage a pour ambition de vous préparer aux épreuves des concours administratifs portant sur la gestion des ressources humaines (GRH) dans la fonction publique et, notamment, à l épreuve de QRC questions à réponse courte du concours externe d accès aux instituts régionaux d administration (IRA). Selon l arrêté du 6 juin 2008 modifié, la deuxième épreuve écrite du concours externe, d une durée de 4 heures, est constituée de six questions à réponses courtes portant sur divers domaines, dont la GRH : notions générales et spécificités dans les administrations publiques. Le thème des ressources humaines peut également donner lieu à des questions complémentaires figurant, à la suite de la note administrative ou de la note de synthèse, dans les épreuves d admissibilité des 2 e et 3 e concours des IRA (questions destinées à «vérifier les connaissances administratives générales du candidat et sa connaissance de la GRH dans les administrations publiques», selon l arrêté du 27 juillet 2012). Ce thème donne aussi systématiquement lieu à des questions lors des oraux d admission. Les six chapitres de cet ouvrage couvrent les différentes parties du programme. Après une présentation générale («Qu est-ce que la GRH?», «La GRH, objectifs, procédures et outils»), il comporte des chapitres ciblés sur la GRH publique : «Le statut de la fonction publique : sens et conséquences», «Rénover la GRH publique», «Le dialogue social dans la fonction publique : une mutation inachevée». Il se termine par l étude du management («La réforme du management, complément nécessaire de celle de la GRH»), parce que le pilotage des organisations, le rôle des cadres et la qualité des relations sociales représentent des atouts décisifs pour la pleine efficacité des réformes de la GRH. Chaque chapitre comporte plusieurs fiches qui traitent de tous les points figurant au programme, avec un parallèle établi, chaque fois que nécessaire, entre les pratiques du privé et les spécificités du secteur public. Nous vous proposons, en outre, une rubrique «Retenir l essentiel» qui vous aidera à mémoriser les données importantes. Un glossaire placé à la fin de l ouvrage vous permet de réviser les principales notions évoquées. Présentation 5
Dans l esprit de l épreuve, les candidats doivent posséder les connaissances de base de la GRH : on ne leur demande pas de devenir des spécialistes. Pour autant, ils doivent appréhender les enjeux de la transformation actuelle de la GRH publique. C est pourquoi vous trouverez, à la fin de chaque chapitre, une rubrique «Questions et débats» qui permet, au-delà de l apprentissage des données de base, de comprendre les problématiques associées au thème traité. Si vous souhaitez approfondir certaines questions, la bibliographie vous y aidera, ainsi que les sites Internet qui y sont mentionnés. Vous aurez ainsi tous les éléments nécessaires pour réussir les épreuves portant sur la GRH dans la fonction publique. 6 La GRH da n s la fonction publique
Chapitre 1 Qu est-ce que la GRH? Fiche 1 Une science de gestion fortement dépendante de son environnement 1. Des connaissances et des pratiques qui s adaptent à leur contexte Selon une définition courante, la gestion des ressources humaines (GRH) est l ensemble des activités qui permettent à une organisation de disposer des ressources humaines correspondant à ses besoins, en quantité et en qualité. La GRH est alors considérée comme une fonction support, chargée essentiellement de recruter, de gérer et de former les personnels. D autres approches, plus ambitieuses, la définissent par ses missions : «participer aux objectifs de performance [ ] des entreprises 1», «développer l efficacité collective des personnes qui travaillent pour l entreprise 2». Elle veille alors, au-delà de ses fonctions administratives, au climat social, à 1. A. Dietrich et F. Pigeyre, La gestion des ressources humaines, coll. «Repères», La Découverte, 2011. 2. Patrice Roussel, professeur des universités, cours de Gestion des ressources humaines, Université Toulouse 1, 2008. Chapitre 1 Qu est-ce que la GRH? 7
la motivation des salariés et à l amélioration de leurs compétences, dans l intérêt de l organisation qu elle sert. La GRH est une science de gestion, proche du management entendu comme le gouvernement des organisations. Le droit du travail (ou, dans la fonction publique, le droit statutaire) est un de ses éléments constitutifs. Elle est également influencée par les sciences humaines, tout particulièrement la sociologie des organisations* 3 et la psychologie des groupes. Elle met en application ces savoirs de manière pratique, par exemple en définissant des critères de classement des emplois ou en élaborant des guides d entretien d évaluation. La GRH est souvent présentée comme un ensemble de connaissances et de pratiques stable, à caractère normatif et universel. Pourtant, les scientifiques insistent tous sur la nature «contingente» de la GRH, qui peut varier selon la situation économique et sociale d une organisation. De fait, le métier de la GRH n est pas le même partout. Dans une entreprise située sur un marché concurrentiel dont la main-d œuvre est peu qualifiée, la GRH a pour priorité de maîtriser les coûts et de favoriser l augmentation de la productivité. Dans une organisation qui emploie surtout des personnels qualifiés, comme c est le cas dans la fonction publique d État, le recrutement, la gestion des carrières et l amélioration des compétences font partie de ses missions primordiales. 2. Plusieurs modèles de GRH ont dominé l histoire récente Au cours du xx e siècle, la GRH est passée progressivement de la gestion du personnel à celle des relations puis des ressources humaines. Son histoire montre combien elle est dépendante du contexte économique et de l organisation du travail dans l entreprise, qui ont considérablement évolué pendant la période. Le tableau pages 10-11 retrace les différents modèles de GRH de l histoire récente. Il identifie trois périodes et trois types d organisation. L entreprise taylorienne, adaptée à un contexte de production de masse, est fondée sur la séparation des emplois de conception et d exécution ainsi que sur la parcellisation du travail de production. La GRH consiste alors, 3. Les termes suivis d un astérisque renvoient au glossaire, p. 175. 8 La GRH da n s la fonction publique
pour l essentiel, en une administration du personnel*, fournissant l exacte quantité de salariés demandée et ajustant le salaire à la description du poste. Avec le développement de la concurrence et les préoccupations croissantes de qualité des produits offerts, le modèle évolue vers un souci accru de participation des salariés. L entreprise fordienne (celle des Trente Glorieuses) garde la standardisation de la production mais se préoccupe davantage de relations sociales et de négociations collectives. Depuis la crise et le milieu des années 1975, l entreprise post-fordienne, moins assurée de ses débouchés, valorise davantage les qualifications et la motivation de son personnel, devenu une «ressource». Le modèle de l organisation flexible, le plus récent, va au bout de cette logique, dans un contexte d accentuation de la concurrence : la GRH a alors pour mission de contribuer directement à améliorer la compétitivité de l entreprise. La notion d emploi évolue : l entreprise attend du salarié qu il fasse montre de qualités autres que techniques polyvalence, autonomie, réactivité ou capacité de communication. Les notions de compétences et d adaptabilité deviennent centrales. Le salarié est jugé sur ses résultats. La présentation du tableau des pages 10-11 est volontairement schématique. Elle ne vaut que pour les organisations d une certaine taille. Les modèles évoqués sont des idéaux-types : ils existent rarement en tant que tels et les organisations actuelles empruntent à l un ou l autre, parfois même encore au modèle taylorien. De plus, la détermination des différents types de GRH par le contexte économique n est pas si mécanique : d autres facteurs interviennent, en particulier les acteurs de l organisation (salariés, dirigeants, partenaires sociaux). La «culture» locale et les valeurs de l organisation interagissent avec le contexte. Enfin, les modèles décrits concernent surtout les entreprises du secteur privé : dans la fonction publique, l influence du contexte économique joue (la crise des finances publiques a été déterminante dans les évolutions de la GRH du secteur public) mais ses effets sont plus lents et plus indirects. Cependant, les modèles permettent de comprendre la réalité en la simplifiant. De fait, le travail a changé : aujourd hui, il n est plus seulement l occupation d un poste, défini par une suite de tâches. Les exigences des employeurs ont crû, même sur les emplois peu qualifiés. En conséquence, les critères de recrutement et de rémunération ont évolué. Les relations sociales se sont transformées, avec un impact sur les métiers de la GRH. Au final, celle-ci dépend étroitement du contexte dans lequel elle s inscrit. Chapitre 1 Qu est-ce que la GRH? 9
Les modèles dominants de gestion des ressources humaines Contexte économique et social Modèle d organisation de l entreprise Conception de l emploi et de la maind œuvre Conception et objectifs de la fonction GRH Première moitié du xx e siècle Industrialisation, production de masse, conquête de droits sociaux 1950-début des années 1970 Croissance économique, besoins d équipement des ménages, syndicalisation forte, puis développement progressif de la concurrence Organisation taylorienne (organisation hiérarchisée avec parcellisation du travail d exécution), puis compromis fordien (organisation taylorienne du travail avec une place à la négociation sociale et aux conventions collectives) ou modèle post-fordien (meilleure responsabilisation du personnel, préoccupations de management) Séparation stricte des emplois de conception et d exécution Poste d exécution : travail décomposé en opérations, acceptation de la routine, rémunération à la tâche ou au rendement, caractère interchangeable de la main-d œuvre, considérée comme une masse non individualisée Administration du personnel, gestion de masse Visions d ingénieur : valorisation des capacités d organisation, de rationalisation et de discipline Développement progressif du dialogue social, du management et des préoccupations de participation et de motivation Courant (limité) de «développement social» : volonté de donner davantage d autonomie aux équipes de travail Meilleure reconnaissance de la fonction GRH Développement des services et des outils de GRH (conventions collectives : classement des salariés par emplois et statuts ; informatisation) Volonté de meilleure individualisation et préoccupation quant aux relations sociales et au climat social Valorisation des capacités de dialogue et de négociation Depuis les années 1980-1985 Crise récurrente, mondialisation des échanges, concurrence exacerbée, importance des coûts de production et de l innovation Organisation flexible, capable d adapter sa main-d œuvre en quantité et en qualité, développement du travail en équipe ou en réseau Salarié : au service des intérêts de l entreprise, mobile et adaptable ; exigences d implication personnelle et de résultats L individualisation de la gestion vise à repérer les compétences utiles à l organisation Travail en projet et en équipe valorisé Participation de la GRH à la stratégie de l entreprise, porosité croissante avec le management Gestion des hommes en tant qu «actifs spécifiques», qui doivent contribuer à la création de richesses Externalisation de nombreuses fonctions GRH (fonctions techniques, comme la paye, ou spécialisées, comme le recrutement) pour se recentrer sur les fonctions stratégiques Valorisation de la gestion des personnes, surtout celles «à potentiel» (recrutement, gestion de la mobilité, formation, rémunération) 10 La GRH da n s la fonction publique
Approche des emplois et de la rémunération Valeurs dominantes Gestion sociale Par poste : liste des tâches prescrites Responsabilité des cadres Obéissance des autres Main-d œuvre = variable d ajustement Du paternalisme à la reconnaissance de droits Classement hiérarchisé d emplois «standard» avec correspondance entre emplois, qualification nécessaire et indice de rémunération (ou salaire minimum dans les conventions collectives) Si progression de carrière prévue, application fréquente du critère d ancienneté Stabilité/ancienneté/fidélité à l entreprise Valorisation des qualifications (diplômes) Volonté d égalité Affirmation de droits et maintien du «compromis fordien» (partage des gains de productivité entre les employeurs et le personnel) Révision du classement des emplois, qui sont «pesés» au regard de critères multiples (technicité, impact sur l entreprise, relations, autonomie, formation nécessaire) qui représentent les compétences requises En complément, rémunération partiellement individualisée selon les performances Mobilité/adaptabilité Esprit d initiative, réactivité Capacité à se différencier Altération des droits de la maind œuvre externe (intérim et CDD) et, dans certains secteurs, de la main-d œuvre interne 3. La GRH a-t-elle pour autant progressé? En un siècle, la GRH s est professionnalisée, passant de la simple gestion de procédures de recrutement et de paye à une exploitation mieux outillée et plus méthodique des ressources humaines. Les liens entre la GRH et le pilotage de l entreprise renforcent ce sentiment d amélioration. La GRH moderne, désormais partie intégrante de la direction des organisations, définit de «bonnes pratiques» de gouvernement : attention portée aux conditions de travail et à la cohérence entre les moyens accordés et les résultats attendus, incitation au travail en équipe, évaluation régulière des personnels On peut aussi soutenir, à l inverse, que la GRH s adapte simplement à l environnement économique et social : la GRH d aujourd hui, très soumise aux contraintes financières, n est sans doute pas «meilleure» en soi. Plus exigeante à l égard des salariés, plus complexe, elle tente surtout de répondre aux attentes actuelles des organisations. Chapitre 1 Qu est-ce que la GRH? 11