1 Discours de Monsieur Guillaume Barazzone, Maire de Genève, à l occasion de la cérémonie de remise de la médaille «Genève reconnaissante» aux membres du personnel du CICR, 16 décembre 2016 Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général, Monsieur le Représentant permanent de la Suisse auprès de l Office des Nations Unies à Genève, Mesdames et Messieurs les membres du personnel du CICR, Mesdames et Messieurs les représentantes et représentants des autorités fédérales, cantonales et municipales, Mesdames et Messieurs les représentantes et représentants des corps diplomatique et consulaire, Excellences, Mesdames et Messieurs, Chères familles, Chers amis, Au nom du Conseil administratif de la Ville de Genève, je suis très heureux d être parmi vous pour cette remise de la médaille «Genève reconnaissante» à l ensemble des membres du personnel du CICR. Lorsque j ai dû choisir le lauréat de cette année 2016, le CICR s est imposé comme une évidence. Au moment même où nous parlons, à Alep, des milliers de femmes, d hommes, d enfants et de vieillards se terrent au milieu des ruines.
2 Pris au piège sous les bombes et les balles, ils appellent le monde à l aide mais le monde ne viendra pas. Alors ils chroniquent sur les réseaux sociaux, avec une effroyable lucidité, leur propre mort. Ici derrière nos écrans, nous assistons, impuissants, à une tragédie que personne ne semble en mesure d arrêter. A peine mes études terminées, bien avant la guerre, j ai eu l occasion de visiter Alep : une ville magnifique et prospère. J ai gardé le souvenir d une cité foisonnante peuplée de gens chaleureux, je découvre désormais le spectacle d une ville qui agonise. Entre 1,5 et 2 millions de personnes seraient aujourd hui prises dans la nasse des belligérants qui considèrent les populations civiles comme quantités négligeables. Sur le terrain, tous les jours, les Conventions de Genève et les principes fondamentaux du droit humanitaire sont bafoués par les deux camps qui s affrontent. Le seul espoir de ces personnes repose sur les organisations humanitaires et notamment sur vous, le CICR, dont les représentants se battent sans relâche pour évacuer les civils et leur prêter assistance. Aux quatre coins du monde, votre institution mène aussi des activités en faveur des prisonniers de guerre et des personnes détenues pour des raisons politiques. Vous vous démenez pour que des proches séparés par une situation de violence puissent rétablir le contact entre eux et retrouvent des personnes portées disparues.
3 Ce travail, sur les différents théâtres d opération, vous l effectuez souvent au péril de votre vie, loin de votre famille. Aujourd hui le CICR commémore le décès tragique en mission de six employés du CICR à Grozny, en 1996, il y a donc tout juste 20 ans. Au nom des Autorités de la Ville de Genève, je tiens ici à rendre hommage aux disparus et à exprimer ma profonde sympathie à leurs familles et à leurs proches. Si la Ville honore aujourd hui le personnel du CICR, c est donc aussi pour saluer et reconnaître le courage et le dévouement de celles et de ceux qui ne possèdent qu une seule arme contre la guerre : leur emblème. Cet emblème, c est celui du CICR, le vôtre. Un emblème qui fait la fierté de Genève et de la Suisse depuis 150 ans. Mais un emblème qui est parfois bafoué par des groupes armés dont la seule règle est précisément de n en respecter aucune. Il y a un peu plus de 150 ans, la Croix-Rouge est née de l'image hallucinante d'un champ de bataille en Italie avec les horreurs de la guerre, avec les blessés abandonnés à leurs souffrances une image répercutée par un jeune citoyen de Genève, Henry Dunant, dans un livre qui sera envoyé à tous les souverains et gouvernements d'europe, «Un Souvenir de Solferino». Son espoir était que les nations se penchent enfin sur le sort des victimes de la guerre. Le souffle de Henry Dunant a été conjugué au travail inlassable de
4 Gustave Moynier, à l aura du Général Dufour et aux actions des médecins Louis Appia et Théodore Maunoir, tous ces hommes ont contribué à éveiller la conscience des Etats sur le sort des victimes de la guerre. En 1864, la première Convention de Genève est signée. Et aujourd hui que reste-il du souffle de Solferino aux portes d Alep, à Mogadiscio ou à Syrte? Où sont les Etats et les gouvernements qui doivent garantir l application des Conventions de Genève? Le CICR doit relever aujourd hui des défis sans précédent. L extrême fragmentation des conflits, souvent de nature assymétrique, compliquent singulièrement le travail des humanitaires sur le terrain. Nous devons aussi admettre que l horreur du terrorisme a banalisé la violence gratuite et extrême. Le sondage diffusé il y a quelques jours par votre organisation montre qu une frange de l opinion n est pas choquée par des bombardements de zones habitées, la torture n est plus considéré comme un tabou absolu même si son inutilité a été démontrée. Ces résultats sont préoccupants. Nous devons aujourd hui remobiliser les consciences et les Etats pour que vous, membres du CICR, soyez en mesure de remplir vos missions. Il est urgent que les gouvernements démocratiques replacent le droit humanitaire et le respect des civils au centre de leurs préoccupations. La lutte contre le terrorisme ne saurait tout justifier. Les gouvernements occidentaux ont une responsabilité particulière sous peine d être frappés d un discrédit durable.
5 J appelle aussi l ensemble des gouvernements et tous les défenseurs des droits humains à vous donner les moyens financiers pour mener à bien à vos missions dans des régions qui sont concernées par des déplacements massifs de population. Dans ce domaine aussi, le CICR joue un rôle fondamental pour aider ces réfugiés. A travers cette médaille, la Ville de Genève et l ensemble des autorités helvétiques veulent aussi réaffirmer que le respect du droit humanitaire ne doit pas uniquement faire partie de l histoire mais s inscrire dans notre quotidien et notre futur. Les Conventions de Genève sont un trait d union entre les peuples. Elles définissent ce qui nous sommes, bien au-delà de notre religion, de notre nationalité ou de notre fonction. Si le CICR est un symbole aujourd hui pour autant de personnes dans le monde, c est aussi parce que votre institution donne un sens à ces Conventions de Genève et les font exister sur le terrain. À travers le parcours d Antoine Balabeau, Aina Shaikhidova et Dibeh Fakhr qui recevront physiquement la médaille ce soir, nous voulons dire notre admiration aux 16 000 employés du CICR à travers le monde. Vous tous incarnez des valeurs : ouverture, respect, engagement, empathie, neutralité. Ces valeurs qui fondent l action du CICR sont aussi celles de la Suisse et de Genève. Il y a aujourd hui chez beaucoup de nos concitoyens pris dans le tumulte d un monde en changement, une quête d identité profonde. En tant que maire de Genève, j ai envie de dire à ces
6 citoyens : si vous cherchez ce qu est la Suisse, plongez-vous dans l histoire du CICR, regardez ses missions, sa vocation et vous vous rappellerez ce qui fait la force de notre pays, et ce que peut être l Esprit de Genève. Chers représentants du CICR, nous vous rendons donc hommage aujourd hui pour toutes vos actions et pour tous les efforts que vous avez consentis pour faire de Genève une ville qui est soyez-en sûrs! - fière de vous. Vous êtes pour nous tous une merveilleuse source d inspiration. Merci de votre attention Guillaume Barazzone Maire de Genève