Le changement climatique sur le bassin Seine-Normandie

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Transcription:

Le changement climatique sur le bassin Seine-Normandie Cet avis est issu de discussions qui ont eu lieu au sein du CS en novembre 2012 & février 2013, sur la base d une présentation, par Agnès Ducharme (CS) et Charles Perrin (Irstea), de l état des connaissances sur le changement climatique et ses impacts sur le bassin Seine Normandie. Ce territoire a en effet été l un des premiers à accueillir une étude de ce type en France. Le CS souhaite par cet avis attirer l attention du CB Seine Normandie, sur l importance d intégrer la problématique du changement climatique dans le cadre l élaboration du SDAGE. - L état des connaissances Plusieurs projets de recherche ont été menés sur le bassin Seine-Normandie qui permettent d identifier (qualifier/quantifier) les impacts du changement climatique sur le Bassin: - le projet GICC-Seine (2002) ; - la thèse de Julien Boé (2007) ; - le projet REXHYSS (suite de GICC-Seine) ; - le projet Explore 2070 (2010) qui propose des stratégies d adaptation pour les milieux aquatiques sur l ensemble du territoire Français ; - le projet Climaware (adaptation de la gestion des lacs-réservoirs de la Seine). Dans les projets les plus récents, les scénarios retenus sont ceux présentés dans le quatrième rapport du GIEC. Les projections climatiques comportent une importante marge d incertitude, provenant des chaînes de modélisation climatique utilisées et des différents scénarios socio-économiques envisagés pour quantifier les émissions futures de gaz à effet de serre dans l atmosphère. Mais un consensus suffisant permet d affirmer que la température moyenne de la planète va augmenter. Selon le 4 e rapport du GIEC, la fourchette proposée varie de +1 C à +6 C pour la fin du siècle, par rapport aux niveaux préindustriels. Les projections concernant les évolutions de précipitations restent plus incertaines et très hétérogènes. Les projections fournies par les modèles climatiques globaux ont une résolution spatiale grossière. Afin d affiner à l échelle des territoires, des méthodes de descente d échelles ont été introduites. Des modèles hydrologiques et hydrogéologiques sont alors utilisés afin de prévoir les impacts sur les milieux aquatiques, et d introduire aussi des scénarios d usages et des modèles de gestion. Il faut noter que les méthodes de régionalisation des changements climatiques ajoutent de l incertitude à celle déjà contenue dans les modèles globaux. De ce fait, les résultats doivent surtout être interprétés en termes de tendance et en restant à une échelle suffisamment large. A l heure actuelle, toutes ces études montrent une tendance globale de diminution de la ressource à l échelle du bassin, accrue en été. Elles révèlent aussi une diminution de la piézométrie, et une augmentation de la température de l eau en moyenne annuelle. Plus précisément, concernant les débits des cours d eau, les principales projections font état d une baisse des débits tout au long de l année, d une tendance à l aggravation significative des étiages sévères et de changements plutôt modérés concernant les crues moyennes.

Pour ce qui concerne les eaux souterraines, l impact du changement climatique sur le fonctionnement des hydro-systèmes souterrains est significatif malgré les incertitudes, avec une baisse de la recharge des nappes qui pourrait atteindre 30 % au cours du XXI e siècle. Les effets du changement climatique pourraient conduire à diminuer les niveaux piézométriques de plus de 4 m en moyenne, et jusqu'à 15 mètres en certains points de Beauce. Les prévisions réalisées à l échelle nationale montrent des baisses de ressources particulièrement prononcées sur les bassins de la Garonne et de la Seine, même si tous les grands bassins suivent la tendance. Concernant les crues, les résultats sont sensibles à la méthode de descente d échelle utilisée et présentent plutôt une tendance à la baisse à l'échelle nationale, mais elle n'est pas significative sur le bassin de la Seine. Les évolutions de la température de l eau montrent une augmentation moyenne de 2 C sur l ensemble du bassin de la Seine (1,6 C à l échelle nationale). - Les effets attendus du changement climatique pour le bassin Seine Normandie Plusieurs effets peuvent être anticipés face à ces évolutions. La tendance à la diminution des débits devrait en général accentuer les problèmes de pollution des milieux aquatiques, par moindre dilution. Les étiages plus sévères devraient également accentuer la survenue de situations de rareté de la ressource nécessitant la répartition des usages de l eau. Cependant ces évolutions climatiques doivent également être mises en regard des évolutions des pressions liées aux activités économiques, en particulier quand celles-ci sont elles-mêmes dépendantes des effets du changement climatique, comme l irrigation. C est la conjonction des projections climatiques avec les scénarios d évolution des usages de l eau (qu ils soient influencés ou non par le climat, et par exemple) qui devrait guider toute réflexion stratégique sur le changement climatique. Tout d abord au regard des besoins en eau, les évolutions des besoins en eau de l agriculture demandent à être discutées avec attention. A titre d exemple, le système de culture actuel dans la Beauce se révèle fortement vulnérable au changement climatique. Les besoins en irrigation ont été estimés par modélisation dans le cas d'une évolution hydro-climatique particulièrement sévère: ils pourraient augmenter de 50 % à 60 %, entraînant une baisse supplémentaire du niveau des nappes. Toutefois, cet effet est marginal par rapport à la baisse de la nappe attendue dans les mêmes conditions hydro-climatiques et sans même tenir compte de prélèvements accrus pour l'irrigation, qui atteindrait plus de 4 mètres en moyenne, et jusqu'à 15 m localement. Si l'on replace ces baisses en perspective de la plus importante enregistrée entre 1990 et 1994 -, environ 5 m - il semble que le maintien du système d'irrigation actuel deviendrait très couteux, voire même fortement improbable. Face à cette évolution climatique et à la variabilité climatique déjà constatée aujourd hui, des analyses dans le secteur agricole évoquent des transformations radicales subies ou nécessaires (abandons, reconversions ). Dans certaines régions, des substitutions de cultures existantes comme le maïs par des cultures moins consommatrices d eau semblent déjà être fortement envisagées parce qu elles sont peu consommatrices d eau. A court terme, des changements restent néanmoins improbables car

l évolution de la pratique de l irrigation est liée à la contrainte de l amortissement du matériel d irrigation courant sur 10 ou 15 ans au minimum. Les stratégies d adaptation de l agriculture passent à terme par des changements de systèmes, reposant sur les évolutions des types de cultures, des filières économiques, des pratiques de l irrigation. Les adaptations à rechercher sont de différentes natures et importances : plasticité phénotypique (amplitude des modifications du calendrier végétal, tolérance/évitement constitutif ou inductible aux stress et aléas, faculté à récupérer et compenser suite à un stress), optimisation du système de culture (quels calendriers et rotations, quelles techniques culturales à optimiser), optimisation régionale entre cultures, adaptation génétique, substitution de culture, autres modifications des pratiques et systèmes agricoles (voir ci-dessous). On le voit, il apparaît nécessaire de réfléchir à des stratégies pour le milieu agricole et de se donner le temps de discuter des différentes possibilités. A cet égard, le CS insiste également sur l importance de la biodiversité des espèces cultivées, sachant que la biodiversité est à considérer non seulement en termes d espèces mais aussi en termes de génotypes. L ensemble de ces informations devraient être intégrées dans les discussions lors de l élaboration du SDAGE. Concernant les forêts, d une part le réchauffement est un facteur de vulnérabilité et peut entrainer des mortalités à court terme, des modifications de distribution des espèces sur le long-terme ainsi que des transformations des peuplements (substitution ou introduction d essences). En outre, une incertitude subsiste quant à leur résistance face à une augmentation du nombre des petites tempêtes. L existence des forêts pourrait être remise en question sous leurs formes actuelles. Les systèmes agroforestiers (mais aussi les haies et autres infrastructures écologiques) sont les grands absents des préoccupations sur ce sujet. Associés à la culture, ils offrent des possibilités intéressantes pour améliorer la gestion de l eau à l échelle du paysage. Les résultats des projets de recherche dédiés aux forêts menés notamment dans le cadre du programme GICC devraient être mobilisés. Concernant les milieux aquatiques, les impacts sur la situation des différents écosystèmes sont à considérer et à mettre en lien avec les objectifs de la DCE. En outre, la baisse des débits en été interroge sur les pollutions par micropolluants qui seront affectées par la baisse des volumes. D un côté, on peut penser qu avec moins d eau, la concentration en micropolluants va augmenter. D un autre côté, avec moins d eau, la quantité de micropolluants restant sur les terres va augmenter, se dégradant ou restant fixés dans les sols. Cette question complexe souligne qu une politique centrée sur l eau ne suffit pas à appréhender les problèmes dans leur ensemble. Il serait souhaitable de considérer la biodiversité des sols comme un élément d une politique de l eau, notamment dans la perspective du changement climatique. Pour ce qui concerne l impact sur les espèces piscicoles, on peut souligner que le bassin de la Seine ne sera pas le territoire où les effets seront les plus marqués. La zone allant de la pointe bretonne à la frontière belge présente les impacts les plus faibles en termes piscicoles. Toutefois, dans le bassin, certaines espèces seront impactées du fait de l absence de refuges en altitude. Une espèce comme le chabot pourrait régresser rapidement. Le réchauffement des eaux va favoriser les espèces appréciant les eaux plus chaudes. Mais les travaux menés sur le saumon ont montré qu à l horizon 2040-50, les modifications des activités humaines pourraient avoir des impacts plus importants sur les populations de poissons que le changement climatique. Ces travaux ont également montré que les possibles réponses adaptatives de l espèce pourraient réduire ses risques d extinction.

Par ailleurs quel que soit le scénario climatique, les flux de MES (matières en suspension) devraient augmenter, par apport externe (érosion) ou par production interne (prolifération de microorganismes). Les conséquences d'une augmentation des concentrations en MES sur les poissons peuvent être multiples: i) baisse du niveau d hétérogénéité de l habitat ii) colmatage des substrats des habitats de reproduction ou de grossissement pour les espèces lithophiles ou benthiques iii) effets en cascade sur la chaîne trophique (incorporation de l azote anthropique qui dynamise la productivité primaire) et, iv) altérations directes ou indirectes de la survie des poissons (notamment adsorption d éléments polluants). Ainsi, bien que le bassin de la Seine ne soit pas le territoire où les effets du CC seront les plus marqués, il apparaît important de prendre en compte la question de ces effets sur les espèces piscicoles dans l élaboration du SDAGE. - La prise en compte du changement climatique dans le cadre du SDAGE Face à ces projections, la question se pose de la manière dont une telle problématique peut être intégrée dans le cadre de l élaboration du SDAGE. Même si les effets attendus sont envisagés à une échelle temporelle plus lointaine que celle du SDAGE, il apparaît important aux yeux du CS de s intéresser dès maintenant à cette problématique. A ce titre, le CS propose plusieurs pistes de réflexions à creuser : Tout d abord, l anticipation des réactions des différents usagers de l eau. Il apparaît au CS nécessaire d assurer une meilleure diffusion de ces études pour permettre aux gestionnaires et aux différents usagers de s approprier ces résultats, tout en communiquant sur les incertitudes qui entourent ces prévisions. L association des gestionnaires permettrait en outre de définir les stratégies d adaptation. Il serait notamment nécessaire d ouvrir le plus largement possible l éventail des stratégies d adaptation possibles, notamment en s inspirant des travaux déjà réalisés en Méditerranée sur la gestion de la demande en eau : réduction des pertes, réduction de la dépendance à l eau des différents usages, rerépartition de l eau entre les différents usages pour optimiser les bénéfices socio-économiques et environnementaux liés à l utilisation d une ressource en eau limitée Ainsi par exemple, il serait souhaitable d examiner les coûts des retenues collinaires en étudiant parallèlement le développement des systèmes agro-forestiers complexes, afin d optimiser le cycle de l eau à l échelle du paysage sans avoir recours à des infrastructures, telles que ces retenues collinaires. Les scénarios les plus ouverts possibles sont à considérer, et à évaluer ensuite en fonction d une série de critères (environnementaux, économiques, mais aussi sociaux comme l équité dans le partage de la ressource, et aussi en matière de résilience). Ensuite, la question de la cohérence des politiques publiques se pose. D une part ces différentes problématiques sont discutées dans diverses instances (SRCAE 1, PCET 2, etc.). Il serait intéressant de s en rapprocher. D autre part une réflexion pourrait être menée sur la mise en cohérence des politiques soutenues dans le cadre du SDAGE ; ainsi par exemple une politique d arasement des ouvrages est en œuvre, alors que les ressources en eau vont diminuer, mais on peut mentionner 1 Schéma régional du climat, de l air et de l énergie 2 Plan climat-énergie territorial

également la construction d autres ouvrages : comment réaliser des infrastructures dont le dimensionnement sur les données passées risque de ne plus être pertinent? Comment concevoir des ouvrages en situation d incertitude? Que serait une gestion adaptative des ouvrages? Comment prendre en compte ces enjeux contradictoires? De même on peut se demander ce que vont devenir les zones humides que l Agence rachète et si surtout elles vont garder leur caractère humide. A l inverse, quelle politique de gestion des milieux mettre en place pour assurer la résilience de ces milieux ou des services écologiques qu ils rendent? Enfin, l Agence pourra-t-elle maintenir sa politique d acquisition? Il est également important d envisager la question de l alimentation en eau du Grand Paris (+ 1,2 million d habitants à l horizon 2050), tant sur le plan quantitatif que qualitatif ainsi que ses rejets et de leur impact sur un milieu récepteur au débit réduit et à la température accrue. Les impacts du changement climatique sur la ville sont aussi à considérer, comme l utilisation accrue de l eau pour lutter contre l ilot de chaleur urbain. Des simulations ont été réalisées par le SIAAP à l horizon 2050 qu il serait intéressant de mobiliser. De même, les services techniques travaillent, avec l APUR (Atelier Parisien d Urbanisme) sur ces questions : quelle place pour l eau dans la ville de demain, sous contrainte de ressource limitée et de rafraîchissement nécessaire? Ces questions doivent aussi être posées aux différentes échelles territoriales. Ainsi par exemple, concernant l estuaire de la Seine, la question du changement climatique pose nombre d interrogations, notamment concernant l élévation du niveau de la mer. Des remontés d eaux salées sont à prévoir, entre autres dans la nappe, modifiant l activité agricole de la région. Les ports du Havre et de Rouen risquent aussi de rencontrer des situations délicates du fait des mobilisations sédimentaires. Une expertise collective sur les impacts du changement climatique dans l estuaire a permis de faire un premier point d étape. Le SDAGE devrait s y référer. Plus généralement, une réflexion est à mener sur les pistes d adaptation à mettre en place. A partir des scénarios d évolution du climat, des jeux de prospective pourraient être mis en place en testant des actions d adaptation et en modélisant les conséquences. Il serait souhaitable d élaborer des stratégies basées sur des scénarios gagnant-gagnant susceptibles de diminuer les impacts du changement climatique, d améliorer la préservation de la biodiversité et de favoriser une agriculture écologiquement mieux intégrée. Le CS rappelle enfin que le Bassin Seine-Normandie contribue au réchauffement par ses émissions en GES, et que le CB via le SDAGE pourrait ambitionner à une réduction de ces émissions. Toutefois, il s agit d un exercice très difficile à quantifier, avec des arbitrages délicats car les mesures de réduction des GES peuvent être néfastes à d'autres points de vue environnementaux (ex : les STEP sont extrêmement utiles pour la qualité des eaux et des milieux aquatiques, mais elles sont aussi une source de GES). Des études ont été réalisées sur ce thème qu il serait intéressant de regarder. D autres effets contradictoires de ce type peuvent être mentionnés. L évolution du mix énergétique aura des conséquences sur les formes et niveaux de consommation d eau ou d impact sur l eau et à l inverse des changements significatifs dans le régime hydrologique auront des incidences sur la disponibilité et le fonctionnement des installations de production (exemple du refroidissement des centrales nucléaires et des normes de rejets thermiques). Ceci est aussi vrai pour les secteurs consommateurs d énergie. De grandes évolutions sont attendues dans le domaine des transports et dans celui de

l habitat. Le déploiement de véhicules électriques permettrait par exemple de réduire de nombreuses émissions de polluants urbains. A contrario, l accroissement du transport fluvial de marchandises ne doit pas compromettre la reconquête des zones humides et la renaturalisation des écoulements. Un travail d identification de ces effets contradictoires pourrait aider aux arbitrages. Un tel travail devrait être réalisé dans le cadre du Comité de bassin, ou sous son égide, afin de déboucher sur des propositions et/ou des scénarios possibles d adaptation et également de réduction des GES. Plus généralement, le CS recommande que le SDAGE comprenne explicitement un volet changement climatique, qui aborderait les aspects atténuation et prévoirait des clauses dans les actions de l Agence afin de ne pas subventionner des activités émettrices de gaz à effet de serre et de favoriser celles qui en stockent. Ce volet pourrait proposer de subventionner des actions pour des études précises afin de mettre en lumière des zones d actions concernant l adaptation au changement climatique. Ce volet spécifique ne doit cependant pas conduire à enfermer le sujet du changement climatique. Il apparaît souhaitable de veiller à la transversalité de ce volet : la question de l eau n est pas forcément bien intégrée dans les plans climat qui sont expérimentés aujourd hui. Se montrer attentif au climat est un moyen de veiller sur la ressource en eau mais également d atténuer les impacts du réchauffement climatique. Cette dialectique est à inscrire dans le SDAGE. Finalement, il apparaît nécessaire d envisager les implications du réchauffement climatique sur un plus court terme que le siècle, dans la mesure où cette échéance peut être considérée comme trop lointaine. Elle a incontestablement un sens pour la mise en place des mesures d atténuation à l échelle planétaire dans le cadre d accords internationaux. En revanche, dans le domaine de l adaptation, il serait utile que le Comité de bassin et l Agence de l Eau disposent également de scénarios à l horizon 2050, ceci afin de permettre une meilleure intégration de ces impacts dans les autres domaines de la politique de l eau (ex : Directive Cadre sur l Eau avec une échéance à 2027) et la prise en compte de ces perspectives climatiques dans les domaines de l économie et des politiques territoriales (ex Grand Paris à l horizon 2030). De plus, en ce qui concerne les aspects écologiques, les modifications potentielles de la faune et de la flore décrites dans les travaux récents n ont de sens que dans des gammes de réchauffement restreintes (2-3 degrés). Au-delà, les modifications de la biosphère et du fonctionnement des écosystèmes seraient telles que les méthodes utilisées actuellement ne permettent pas des extrapolations de cette importance. Une telle approche sur un moyen terme (2050) permettrait certainement une meilleure prise en compte de ces modifications globales par le Comité de Bassin.