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Ceci est un extrait électronique d'une publication de Diamond Editions : http://www.ed-diamond.com Ce fichier ne peut être distribué que sur le CDROM offert accompagnant le numéro 100 de GNU/Linux Magazine France. La reproduction totale ou partielle des articles publiés dans Linux Magazine France et présents sur ce CDROM est interdite sans accord écrit de la société Diamond Editions. Retrouvez sur le site tous les anciens numéros en vente par correspondance ainsi que les tarifs d'abonnement. Pour vous tenir au courant de l'actualité du magazine, visitez : http://www.gnulinuxmag.com Ainsi que : http://www.linux-pratique.com et http://www.miscmag.com

Focus Par :: Sidoine PIERREL Modèles économiques et Logiciels libres... Le refrain «Comment faire de l argent avec le Logiciel libre?» est une chanson aussi vieille que peut l être le Logiciel libre luimême. Débattue doctement au début des années deux mille, elle existe en fait depuis le jour où Stallman a décidé de vivre de ses idées. Parce que les idéaux, c est encore mieux quand ils permettent de manger. En fait, il y a quelques certitudes et beaucoup d inconnues autour de ce sujet. Pas de recette miracle et surtout pas de voie unique, mais plutôt une accumulation d expériences qui permet de définir quelques typologies. Je ne suis pas un universitaire, ni de formation, ni de métier, mais j en côtoie et je les apprécie. Qu ils me pardonnent si ici je ne respecte pas certains critères académiques! Je ne cherche qu à éclairer mon lecteur sur le chemin de l argent du Logiciel libre. 1. Les certitudes La première des certitudes c est que, oui, de l argent, il y en a. Sinon, HP, IBM, Novell ou Sun et même Microsoft ne s intéresseraient à notre modèle de travail, et ce, depuis pas mal de temps. Cela fait bientôt huit ans que l on est sorti de l anonymat pour les grandes structures de l informatique. En bien ou en mal, leurs réactions montrent que le Logiciel libre représente quelque chose d important dans la sphère économique. Et pas seulement le logiciel proprement dit. Car avant même que le Logiciel libre ne transforme l usage de l informatique, cela faisait déjà un moment que cette dernière n était plus une question de vente de licences mais plutôt de services. Pour peu que ce ne fut jamais le cas, tant le service a toujours pesé lourd dans la société de l information. La deuxième certitude, c est que le service, au sens classique de l intégration, n est qu une forme de potentiel pour faire de l argent avec le Logiciel libre. On est d ailleurs pas totalement sûr que le service, restreint ou non à l intégration, exclusivement sous Linux, soit rentable. On fait dans ce domaine ce que le client demande. Et on s arrange ensuite pour que ce soit si possible du Logiciel libre au maximum. Sauf que parfois, ce n est pas possible. En revanche, on se rend compte que le Logiciel libre est désormais très intégré dans l embarqué (Nokia, Netgear, Linksys etc.). C est une valeur ajoutée dans la réalisation de «systèmes intelligents». On trouve même des sociétés pour jouer le jeu et libérer leurs travaux sous GPL (Netgear, Linksys, MGE-UPS etc.), qu il y ait ou non obligation de le faire. Ainsi, VIA et XSys viennent de libérer leurs travaux et tout ce qu il faut pour les aider. Donc, il y a bien un intérêt économique à utiliser et promouvoir une forme de partage de connaissances et de compétences autour des systèmes d informations, particulièrement dans le domaine du matériel mais pas exclusivement. Mais le modèle qui semble fonctionner le mieux est un hybride. C est la combinaison entre l éditeur et la société de services. MySQL AB (Suède), TrollTECH (Norvège) ou encore Compiere (Italie) et InfoSIAL (Espagne) vivent d un modèle économique au croisement de l éditeur et de la société de services. Souvent, ils ont d ailleurs évolué d un modèle éditeur vers un modèle de services au fur et à mesure de leur intégration dans le monde du Logiciel libre. En revanche, le service en termes de développement logiciel, hormis un peu de régie de ci de là, je n en ai pas vu beaucoup, si ce n est moins, en bientôt six ans de métier. En fait, la GPL ça ne tente pas les grands comptes friands de régie. C est un plus dans un développement à accélérer, mais pas une demande. Et encore faut-il qu ils aient compris les licences ou qu ils s en préoccupent. Donc, il ne faut pas rêver, le développeur pur geek travaille pour les geeks, rarement ailleurs. Ca ne veut pas dire qu il n y a pas d exception, mais je n ai vu personne montrer qu il faisait vivre sa société làdessus exclusivement. En régie de développement, la maîtrise des Logiciels libres est un plus, rarement une exigence.

Modèles économiques et Logiciels libres 2. Les modèles économiques qui fonctionnent 2.1 InfoSIAL L éditeur de ce logiciel, puisque même si c est un travail communautaire, il y a une société qui supporte le cœur du système, ne vit pas de la vente dudit produit. Il en fait activement la promotion et le développement mais il vit des services. C est donc du marketing pour attirer vers un autre produit? Pas tout à fait. Le support du produit ainsi que les travaux de diffusion et d installation représentent une forme de revenus. De même, les abonnements pour obtenir certains modules non disponibles sont aussi une forme de revenus, même très mineurs. Mais ces derniers diminuent comme une peau de chagrin car les modules non disponibles sont peu à peu mis à disposition avec le reste. Donc, cet éditeur fait du service d intégration comme la quasi-totalité des sociétés du Logiciel libre, sauf que son produit devient une marque d expertise et de reconnaissance. Il sait faire de l ERP et c est prouvé. Donc, on va lui faire confiance plus facilement pour les travaux les plus lucratifs, c està-dire la customisation. De même que l on demandera à Red Hat de faire les modifications de son OS pour un usage spécifique, de même ici, on va demander à InfoSIAL ce qu il peut faire dans le domaine très rémunérateur des ERP/ CRM. Et l outil librement disponible a de quoi impressionner. Le produit est entièrement libre, seul le module de rapport avancé n est pas téléchargeable hors abonnement (quelques dizaines d euros). Ca ne fait pas lourd et pour des nonhispanisants, ce n est pas forcément problématique. Et la mise en forme pour une PME qui veut une solution est un marché très ouvert et extrêmement rentable. 2.2 Compiere En Italie, les auteurs de Compiere vivent complètement désormais de la diffusion et du support de leurs outils. Mais il faut remarquer que Compiere est nettement plus fermé que FacturaLUX d InfoSIAL (base Oracle obligatoire) ce qui garantit un revenu plus fort. En outre, ils ont tissé un excellent réseau de distributeurs en Europe de l Ouest qui leur garantit les traductions et les revenus de formation et de support. Il y a un effort de passage sur base PostgreSQL, mais s il est toléré par la société, il ne semble pas être un effort prioritaire. 2.3 MySQL AB La société MySQL AB est sûrement le succès économique lié aux Logiciels libres le plus mondialement connu. Pourtant, son modèle a évolué suivant deux axes depuis les années 1997/1998. A l origine, MySQL propose un système de double licence (une licence propriétaire et une licence GPL) pour les versions antérieures de son logiciel phare, MySQL. Ce n est que courant 2000/2001 que MySQL se décide à passer en double licence son logiciel, au moment de sa mise à disposition. Ce qui justifie ce geste est que la société s est rendu compte qu il n y avait plus aucun gain économique à continuer à proposer uniquement la version antérieure en GPL et, pour les sociétés le désirant, un modèle de licence qui permet une exploitation propriétaire de la base de données. Pis, les revenus générés ont augmenté avec l achat massif de support pour les sociétés utilisant MySQL a titre industriel. La renommée de l outil est alors suffisante pour que le gain potentiel soit plus fort en ayant une communauté travaillant sur la dernière version de l outil. Ainsi, les quelques reproches que l on pouvait faire à la base de données s effacent. Le couronnement de cette stratégie est la confiance de SAP qui a offert à MySQL AB sa propre base de données. Laissée sous forme de Logiciel libre dès 2002, cette base n a jamais su fédérer de communauté et donc, devant la difficulté du modèle pour SAP, ces derniers ont choisi ceux qu ils considéraient comme les plus performants dans ce domaine autour des Logiciels libres. Une belle consécration! Et une avancée fondamentale pour la qualité même du produit MySQL. 2.4 TrollTECH La société TrollTech est connue pour QT. Mais c est aussi et avant tout une société de services autant qu un éditeur de logiciels. Et son entrée dans le monde du Logiciel libre ne fut pas des plus paisibles. On se souvient des centaines de trolls, d heures de discussions et de combats que fut le choix de QT (gratuit sous Linux mais propriétaire, payant, sous Windows) pour développer rapidement et efficacement la plate-forme KDE. TrollTech est alors un repoussoir qui mènera à la création du projet GNOME! Mais devant la popularité de son outil, du résultat de KDE 2.0 et d une réelle possibilité d entrer plus avant dans le monde du développement multiplateforme, TrollTech fait un premier geste en laissant QT sous double licence sous Linux. La QPL devient la licence officielle pour QT en parallèle à la licence propriétaire. Mais ce n est pas suffisant pour les tenants les plus forts du Logiciel libre. Et TrollTech cède et laisse QT sous Linux en GPL. Pourquoi? TrollTech possède une avance de plus en plus grande dans le domaine du développement multiplateforme et le revenu généré n a rien de commun avec le risque commercial. Autant dire que la mauvaise publicité autour d un «QT c est pas libre!» est alors bien plus préjudiciable que les quelques achats de licence pour développer un produit propriétaire sous Linux. En fait, la notoriété de KDE force en quelque sorte TrollTech à aller au bout de son modèle. 2.5 Du cas des éditeurs de distribution Cette partie de l article est sûrement la plus propice à controverse. Mais, force est de constater que l on ne peut dignement parler des modèles économiques sans aborder à un endroit ou un autre la question des éditeurs de distribution. La différence de l éditeur de distribution avec un éditeur de solutions vient de ce qu une distribution est un outil générique, faiblement segmenté (stations, serveurs, clusters) et donc en contrepartie fortement polyvalent (on peut faire si l on veut un serveur avec une Ubuntu ou une Mandriva).

Focus 10 La solution comme son nom l indique répond à une problématique précise. Elle est donc faite pour un usage ou un ensemble d usages relativement restreints. On n utilisera pas un Total Secure de WALLIX ou un Open Server de Novell pour faire une station de travail ou bien l on est clairement pervers et on a du temps à perdre. Ce n est pas que ce soit infaisable mais ce n est tout simplement pas l objet de ces outils. 2.5.1 Alors, les éditeurs vivent de quoi? Red Hat vit clairement du service. Aux États-Unis, c est une société d intégration et de support de sa distribution. Elle vit aussi beaucoup de la formation, surtout en Europe. Mais il y a de fortes différences entre les pays en fonction du métier d origine de chacune des filiales. Et la force de la société réside dans son image. Pour un certain nombre d entreprises de grande taille, Linux, c est Red Hat et vice-versa. Et c est là que cela prête à controverse, car Red Hat est loin de représenter tout ce que le monde du Logiciel libre sait faire. Tout comme les autres distributions commerciales d ailleurs! SuSE vit des mêmes choses que Red Hat et il est bon de ne pas oublier qu avant d être un éditeur, SuSE était une société de services. Donc, l activité édition n est qu un pan de la société. Depuis le rachat avec Novell, SuSE a aidé sa maison mère sur deux axes : d une part, l intégration des outils Novell réseau dans le monde Linux et de l autre la constitution d un pôle de services autour du Logiciel libre. Mais d un autre côté, SuSE n est pas entièrement un succès car il était connu que la société perdait de l argent et avait de grosses difficultés plus ou moins régulièrement. Le cas Mandriva est un peu différent. Mandriva ne génère que très peu de services. C est un cas unique dans le domaine du Logiciel libre, car à la base c est une société qui vit de la vente de ses licences. Or, c est aussi une des distributions les plus accessibles en termes de communauté au monde. Il y a là un problème économique à résoudre lorsque dans un projet de plusieurs millions d euros, on ne peut de façon certaine en capter que quelques milliers. Certes, on peut vivre de la gloire de la promotion du Logiciel libre, mais cela ne fait pas une société cotée en bourse! Et Mandriva l a résolu d une façon très originale mais finalement bien française. Elle pratique une forme de capitalisme double : d un côté elle s appuie sur les cotisations (achats de licences, notion de club d utilisateurs) de sa communauté. Cette dernière est en plus un formidable outil de prosélytisme. C est en gros une association qui rémunère ses développeurs! Mais de l autre, elle est devenue une machine à capter l investissement public. Ainsi, elle fournit de la recherche et les outils ad hoc pour la défense et un certain nombre d autres organismes, nationaux ou européens. Sa fusion avec Connectiva ne semble pas pour l instant infléchir le modèle économique. 4. Les faisceaux qui se dégagent On peut résumer les quelques cas vus audessus en remarquant que la force des logiciels phares des éditeurs a fait aussi souvent la force de leurs revenus. Avec un modèle mixte qui allie les éléments suivants : Un principe de revenus fixes par abonnement (maintenance d un logiciel, mise à jour d une distribution etc.). MySQL AB et TrollTech en particulier font une part non négligeable de leurs revenus avec le support. Un principe de revenus variables liés à une activité de services autour d une image de marque forte (OS, ERP, DATABASE etc.), généralement créée par le produit qui sous-tend le revenu fixe. TrollTech génère du service pour l embarqué par exemple. Facturalux et Compiere sont autant des organismes de formation autour de leurs produits et des Logiciels libres que des éditeurs. Les modèles uniques (uniquement intégration, uniquement diffusion par exemple) semblent voués à l échec. Ainsi, ceux qui se concentrent exclusivement sur une forme de prestation, quelle qu elle soit, paraissent devoir soit se diversifier, soit disparaître dans un groupe diversifié. Ceux qui actuellement subventionnent des projets libres comme forme de reconnaissance marketing ne semblent pas en retirer un grand bénéfice financier ou commercial. Qui parle de la contribution de SuSE au projet XFree86 par exemple pour en inciter l usage? Ou encore de Mandriva dans KDE? 5. Mais alors, quel est le bon modèle? En fait, la question n est peut-être pas bien posée. Il faudrait sûrement se demander : mais que veut le client? Et là, il y a des réponses concrètes et très segmentées en fonction du marché auquel s adresse la société qui veut vendre. 5.1 Des statistiques et une interrogation Le monde des Logiciels libres a désormais un âge certain. Il est certes encore adolescent, mais il mûrit rapidement et il est possible aujourd hui de distinguer un certain nombre de comportements. Mais d abord, regardons un peu les statistiques. On sait qu au quatrième trimestre de l année passée, les ventes de serveurs sous Linux ou consorts ont représenté au niveau mondial, d après IDC, 25% du volume total des ventes de serveurs. On sait aussi en termes de bureautique que depuis le début de l année, en France uniquement, le navigateur Firefox représente 11% du marché. On sait aussi qu il existe environ entre trente et cinquante acteurs spécialisés en France, hors SSII majeures. Mais ces acteurs ont, sauf une petite dizaine, une taille inférieure à 10 personnes. Où est le marché?

Modèles économiques et Logiciels libres 5.2 Pourquoi? En fait, les clients informatiques ont vis-à-vis de leurs achats une politique relativement tranchée. Il y a deux comportements et une faible marge intermédiaire, sauf chez les grands comptes (mais eux, par définition, ils sont peu nombreux). D un côté, on a des clients qui vont chercher à internaliser au maximum. L exemple flagrant, c est la mairie de Munich. En choisissant un modèle de distribution à base Debian, elle se dote des moyens de contrôler intégralement sa chaîne de gestion de l information jusque dans les moindres détails. En revanche, elle n utilisera certainement pas les services d une grande SSII ou tout du moins ceux d un constructeur/éditeur. C est incompatible. De l autre, on a des clients qui vont chercher à externaliser au maximum. Ceux-là sont les partisans de la boîte noire. Ils veulent quelque chose qui marche et qui est supporté. Pour le reste, c est le problème du prestataire. Et au milieu, et bien autant être clair, il n y a pas grand monde. Car le milieu n est souvent pas rentable pour le client. Il signifie posséder une équipe mais déléguer tout ou partie en extérieur. Pourquoi payer ce qu on peut faire en interne ou pourquoi faire en interne ce que l on paie ailleurs? Bien sûr, il y a quelques exemples qui viennent d une volonté ou au contraire d une absence de maîtrise ou encore des particularités du personnel présent. Mais cette dichotomie n explique pas pourquoi malgré une hausse réelle des ventes de machines pour faire tourner Linux, il n y a pas en contrepartie une hausse similaire des ventes des SSII autour du Logiciel libre. Parce que tout simplement une grande part du travail est faite en interne, soit des clients, soit des SSII traditionnelles qui ne font pas du Libre leur spécialité officielle. Car ce que l on voit apparaître depuis quelques années c est la prise d importance du Logiciel libre dans les grandes SSII. Invisible, car il n appartient pas au champ marketing, il peut représenter en fait un gros pan du chiffre d affaires réel. De même, la formation est un espace qui est aujourd hui en plein essor autour du Logiciel libre même si le RTFM reste très largement pratiqué. 6. Alors que faire? Eh bien, d abord, cesser de croire à ses fantasmes. Tout geek rêve d un monde de... geeks. Et aimerait que tout soit libre et partagé. Ce monde là, on la vu au-dessus n est pas forcément anti-économique. Mais il n est pas forcément non plus viable. En fait, comme souvent, la réalité se situe dans le juste milieu. Le développement et la réussite professionnelle de nombreux Logiciels libres a créé de véritables besoins en termes industriel. En revanche, la jeunesse du milieu économique attend encore ses acteurs majeurs. Hormis Red Hat, personne aujourd hui n est capable de prétendre à une certaine stature dans le domaine de l édition. Novell est un acteur classique dont il faudra voir dans la durée s il sait se servir des erreurs majeures de Red Hat, du point de vue technique et commercial, de ces dernières années. Du côté des constructeurs, il y a unanimité dans le domaine des services pour disposer d un pôle Linux compétent et cohérent, mais par contre les marges arrières de Microsoft sont imparables. Pour le moment, en termes de visibilité et de marketing, les stations de travail sous Linux devront attendre encore un peu, sauf apparition d un acteur capable de «microsofteries» financières pour faire changer d avis les constructeurs. Je mets volontairement de côté l offre conjointe Mandriva/HP (stations puis portables) car elles restent, en volume, anecdotiques. L idée est bonne, mais c est clairement un coup d essai pour voir. D un strict point de vue industriel, Microsoft utilise une méthode vieille comme le monde : ce qu on ne peut obtenir par la force, l argent souvent l offre sans douleur. En fait, que ce soit en termes d éditions ou de services, tout reste à faire. Aucun acteur, même parmi les multinationales citées ci-dessus, n est aujourd hui en position de contrôler tout ou partie du marché. Ainsi, l apparition et la disparition régulière de distributions phares dans le domaine des stations montre que le marché est encore loin d être stable. D ailleurs, il semble se dessiner une forme de plus en plus précise de répartition des rôles en termes économiques. Les éditeurs, spécialisés ou non, prennent en charge le domaine des serveurs tandis que la communauté fait la pluie et le beau temps dans le domaine des stations et de la recherche. Certes, une même distribution sert sans difficulté au deux (essayez UBUNTU dans ce domaine), mais clairement on voit une répartition quasi taylorienne entre les acteurs professionnels (certification, implémentation massive, etc.) et les acteurs communautaires (innovation, prise en charge des objets quotidiens, etc.). Et cette répartition n est pas forcément mauvaise, car elle permet à chacun de disposer d une superficie suffisante pour son épanouissement. Clairement, la définition d une distribution est un travail de longue haleine. Et si l attente de la part d un serveur est d être stable dans les fonctionnalités comme dans la durée, lorsqu il s agit d un espace de travail personnel, on est forcément bien plus réactif à l innovation. Pour rappel, l économie ne tolère pas l innovation, elle tolère l évolution et c est nettement plus lent. Et entre temps, il faut manger. 11