Les Actes du Colloque



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SOLIDAIRES ET RESPONSABLES : INVESTIR ET AGIR POUR LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE Les Actes du Colloque Synthèses des discussions du 4 ème Forum annuel Convergences 2015 Hôtel de Ville de Paris 3, 4 et 5 mai 2011 + d efficacité +d impact + d investissement

Avant-propos 4 ème édition du Forum annuel Convergences 2015 Convergences 2015 et ses partenaires ont le plaisir de partager avec vous les Actes du Colloque 2011, qui s est tenu du 3 au 5 mai 2011 à l Hôtel de Ville de Paris. Initié par ACTED, le Crédit Coopératif et la Mairie de Paris, avec le soutien de plus de quarante partenaires, le Forum Convergences 2015 a réuni pendant 3 jours près de 3500 acteurs français et internationaux autour d un objectif commun : contribuer à l émergence de nouvelles solidarités dans le Nord et le Sud pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Opérateurs publics, acteurs du secteur privé (des multinationales aux entrepreneurs sociaux) et représentants de la société civile ont échangé idées, expériences et perspectives sur la manière dont nous pouvons, ensemble, mieux investir et agir contre la pauvreté. Ils ont confronté leurs points de vue sur les pratiques, les financements et les partenariats innovants pour contribuer à une réduction durable de la pauvreté. Les 3 jours de discussion lors du Forum ont abouti à l émergence d un consensus pour un développement de nouveaux financements pour la solidarité internationale, un changement d échelle de l entrepreneuriat social et pour une microfinance plus responsable, avec le lancement de l Appel de Paris (www.appeldeparis.org). La diversité des partenaires engagés, les propositions des 200 intervenants, l expertise des acteurs de la microfinance, de l entrepreneuriat social, de l économie sociale et solidaire et de la coopération internationale, la contribution des 3500 participants (professionnels, étudiants et citoyens engagés), et le dialogue entre acteurs du Sud et du Nord ont fait du Forum Convergences 2015 le Davos français des nouvelles solidarités. Ces journées représentent une occasion unique d initier des rencontres et des échanges inédits entre des acteurs et des univers différents, qui se croisent peu, mais qui sont tous réunis par la volonté de proposer des solutions innovantes pour initier un développement plus équitable. Convergences 2015 contribue ainsi à améliorer l action, l articulation et l impact des multiples acteurs engagés pour un monde plus solidaire. Fort du succès des précédentes éditions du Forum, Convergences 2015 est aujourd hui devenu une plateforme européenne permanente d échanges et de synergies pour une nouvelle économie sociale, plus efficace, attirant plus d investissements et générant plus d impact. Nous tenons à remercier l ensemble des partenaires et des participants qui, par leur soutien et leur enthousiasme, ont fait le succès du Forum Convergences 2015. Nous vous souhaitons une bonne lecture des Actes du Colloque 2011 et vous donnons rendez-vous en 2012 pour la 5 ème édition du Forum Convergences 2015 et dès aujourd hui, sur notre site internet (www.convergences2015.org), où vous pourrez contribuer, jour après jour, à l émergence de nouvelles solidarités pour un développement plus durable. L équipe Convergences 2015

Sommaire Principaux enseignements du Forum... p.6 Première partie : Conférences générales... p.9 Séance d ouverture... p10 «Où commence la fin de la pauvreté?» Conversation avec Hernando de Soto......p.15 La pauvreté augmente-t-elle dans les pays développés?... p.18 Poursuivre les Objectifs du Millénaire pour le Développement au-delà de 2015... p.22 Responsable pour le futur : repenser le capitalisme... p.25 L économie sociale est-elle au cœur ou à la marge de l économie de marché?... p.28 Deuxième partie : Améliorer les pratiques... p.31 Commerce et pauvreté : quelle connexion?... p.32 Durabilité : comment sortir des programmes d urgence?... p.37 La triple bottom line, nouveau modèle ou utopie?... p.41 Une bonne structure de gouvernance, clé de la réussite : discussion sur les bonnes pratiques... p.44 Une comparaison des définitions de l économie sociale dans différents pays... p.48 Création d emploi et de revenu pour les plus pauvres : quel rôle pour les ONG?... p.51 Changement d échelle : quelle taille une entreprise sociale peut-elle atteindre sans compromettre son modèle?......p.55 Conversation entre un entrepreneur social, une entreprise de commerce équitable, une IMF et une ONG : labels, objectifs et dérives... p.58 Du Sud vers le Nord : la reproduction de méthodes et de pratiques pour répondre aux problématiques sociales... p.62 BoP 2.0 pour les grandes entreprises : co-créer de la richesse à la base de la pyramide... p.65 La crise de la microfinance : résultats de plusieurs études... p.68 3. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Sommaire Microfinance plus : comment lier la microfinance à d autres services pour toucher les plus pauvres?... p.72 Au-delà de la microfinance : développer les chaînes de valeur et le revenu... p.77 Branchless Banking : comment ça marche?... p.79 La crise de la microfinance en Inde : quelles perspectives?... p.82 Vers une régulation et une supervision efficaces des institutions de microfinance. Vers une labellisation des IMF... p.85 Pour une finance rurale et agricole opérationnelle... p.89 Troisième partie : Améliorer les investissements... p.93 Impact de la finance carbone sur l aide au développement... p.94 Plus d échanges entre ONG et secteur privé : quand, comment, pourquoi?... p.99 Comprendre l émergence de l impact investing : rapport de J.P.Morgan et de la Fondation Rockefeller... p.103 L aide privée peut-elle éradiquer la pauvreté? Analyse et perspectives de la philanthropie d entreprise et de la philanthropie individuelle... p.108 Comment optimiser l utilisation des fonds publics pour encourager les investissements privés?... p.112 Financements innovants pour le développement : des promesses à la réalité... p.116 Investir dans une entreprise sociale : quelques enseignements de différents impact investors... p.120 Quelles formes de financement innovant pour développer les entreprises sociales?... p.124 Plus de responsabilité et plus d impact : enseignements et nouveaux principes de l investissement en microfinance... p.127 Améliorer les services financiers pour les communautés pauvres: faciliter les transferts des fonds des migrants et accroître leur efficacité... p.131 Microfinance et coopération décentralisée... p.134 4. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Sommaire Quatrième partie : Améliorer l impact... p.138 Impact collaboratif : comment stimuler la collaboration entre les différents acteurs pour optimiser l impact social?... p.139 Quelle gouvernance locale pour quel impact?... p.143 Discussions sur les méthodes et techniques d évaluations d impact... p.148 Comment mettre en œuvre une évaluation d impact social dans votre organisation?... p.151 Mesurer la performance sociale des IMF : bilan de Planet Rating and Microfinanza Rating... p.154 Conclusion : Séance de clôture... p.159 5. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Principaux enseignements du Forum L économie au service du développement et de la lutte contre la pauvreté : quels enjeux? C onvergences 2015 a été créée pour encourager les acteurs publics, privés et solidaires des pays du Nord et du Sud à travailler ensemble pour contribuer à un développement économique, social et environnemental durable, dans la lignée des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Le 4 ème Forum annuel a permis de souligner l importance de la mise en synergie de tous les acteurs, au-delà de leurs divergences de points de vue et de pratiques, afin de maximiser l impact social, dans les pays en développement, mais aussi au Nord où la pauvreté et l exclusion persistent sous des formes différentes. Le Forum a consacré la plupart de ses débats à l entrepreneuriat social et à la microfinance, tout en faisant le lien avec l économie sociale et solidaire dans les pays développés et les ONG dans les pays en développement. Des enjeux communs à l ensemble de ces secteurs ont été mis en exergue : 1. Comment faire face à la multiplication et à la diversification des demandes auxquelles ni le secteur privé traditionnel ni les pouvoirs publics ne répondent? Où trouver les moyens humains et financiers pour répondre à ces besoins? 2. Comment faire face à la croissance exponentielle de ces secteurs et au changement d échelle des organisations sans risquer de remettre en cause leurs fondamentaux, l attachement aux objectifs sociaux de l activité, les modes de gouvernance, la capacité à innover et à s adapter aux contextes locaux? 3. Comment mieux mesurer l impact social de l activité? Comment tirer parti des évaluations sociales pour améliorer la transparence, notamment vis-à-vis des investisseurs et des bailleurs, et améliorer les pratiques? 4. Quels sont les échanges possibles entre acteurs du Nord et acteurs du Sud? Les pratiques développées dans les pays du Nord peuvent-elles être adaptées au Sud? Les innovations apparues dans les pays du Sud pour lutter contre la pauvreté peuvent-elles inspirer les pratiques des acteurs de l entrepreneuriat social et de l économie sociale et solidaire au Nord? A ces enjeux partagés s ajoute une tension fondamentale, qui traverse spécifiquement les secteurs de la microfinance et de l entrepreneuriat social : comment faire coexister l impératif de rentabilité économique et les objectifs sociaux et sociétaux des entreprises, à l heure où cette tension est exacerbée par l importance croissante des financements privés? Entrepreneuriat social et acteurs solidaires, dans les pays du Nord et du Sud L économie solidaire pose les fondements d une économie différente de l économie de marché, qui s inscrit dans le secteur privé et repose sur un modèle économique viable, mais cherche parallèlement à avoir un impact positif sur la société, qu il soit social ou environnemental. Les entreprises sociales deviennent un acteur clé de la solidarité au Nord et de la coopération internationale. Parallèlement, associations et ONG développent des actions économiques en lien avec leur cœur de métier social. Soutenir l économie locale et la création de revenus apparaît en effet comme un gage de pérennité des actions sociales mises en œuvre. Entrepreneurs sociaux et acteurs solidaires sont donc amenés à se croiser de plus en plus fréquemment et à travailler ensemble sur des problématiques partagées. Trois enjeux principaux ont été mis en lumière : les bonnes pratiques, le financement et l impact. Plusieurs conditions du succès de l entrepreneuriat social ont été soulignées, qui sont pertinentes tant dans les pays du Nord que dans les pays du Sud : appréhender les besoins économiques et sociaux de manière transversale, faire travailler ensemble les acteurs privés, solidaires et publics en mettant à profit l expertise et les compétences spécifiques de chacun, envisager les projets sur le long terme, mettre en place des mesures d évaluation de l impact social. En termes de financement, la mobilisation des fonds privés apparaît comme un enjeu fondamental. Ces financements privés peuvent prendre des formes variées, allant de la philanthropie classique (dons, subventions) aux différentes formes d investissements sociaux (impact investing, investissement dans la microfinance ou l entrepreneuriat social, investissement en capital patient ), en passant par de nouveaux types de philanthropie individuelle (plateformes de prêt en ligne pour les micro-entrepreneurs,etc.). L évaluation de l impact social et la mise en place d un reporting régulier constituent un enjeu fondamental pour assurer une plus grande efficacité dans l action sociale et consolider la confiance avec 6. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

le donateur / investisseur afin d encourager la philanthropie et les investissements privés. Enjeux et perspectives pour la microfinance La microfinance connaît aujourd hui une crise profonde, caractérisée par des situations de surendettement des emprunteurs et par la faillite du système économique de certaines institutions de microfinance (IMF). Cette crise a mis en lumière des dérives et des comportements irresponsables de la part de certains acteurs et des faiblesses inhérentes à un secteur en pleine mutation : défauts de conception et de méthodologie, manque de transparence, régulation insuffisante du secteur, etc. Le Forum a permis de mettre en valeur des solutions pour assainir le secteur de la microfinance. Il s agit d abord de renforcer la gouvernance et la régulation du secteur : recentrer la microfinance sur sa mission sociale, diffuser des standards de bonnes pratiques, généraliser les mesures de la performance sociale, mettre en place une régulation et une supervision efficace des IMF par leurs pairs et par la puissance publique. Il apparaît également nécessaire d innover en termes de méthodologies et de produits, notamment en diversifiant l offre de produits proposés par les institutions de microfinance. Au-delà de la question de la crise de la microfinance, les débats ont souligné les mutations récentes du secteur, qui doit faire à la multiplication et à la diversification des demandes et des besoins des populations. De nouvelles pratiques ont été présentées : de nouvelles méthodes de distribution des services financiers (branchless banking, mobile money), des produits financiers nouveaux (microfinance adaptée au secteur rural et agricole, services liés aux transferts de fonds des migrants), des dispositifs qui visent à accompagner la microfinance par des actions économiques et sociales complémentaires, menées en lien avec des acteurs publics et solidaires, pour décupler son impact social (autonomisation progressive des personnes pauvres, chaînes de valeur). Alors que la crise financière et économique mondiale perdure et que le capitalisme et l économie de marché font l objet d interrogations croissantes et de remises en cause, comment l économie solidaire peut-elle éclairer ces débats fondamentaux sur le système économique mondial? Plusieurs principes clés pourraient inspirer une refondation de l économie : la prise en compte des dimensions sociales et environnementales aux côtés des dimensions économiques, l accent mis sur le long terme et la promotion des partenariats entre acteurs issus de différents secteurs. En réunissant une diversité d acteurs privés, solidaires et publics, le Forum Convergences 2015 a en effet révélé que les attentes, les besoins et les ressources de chacun pouvaient se rencontrer, se répondre et se combiner, afin de proposer des solutions et des initiatives innovantes aux défis économiques, sociaux et environnementaux urgents de notre siècle. 7. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Merci aux partenaires de Convergences 2015 Une initiative de Partenaires Principaux Partenaires Associés Partenaires Soutiens Partenaires Média mise en

SOLIDAIRES ET RESPONSABLES : INVESTIR ET AGIR POUR LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE Synthèse des discussions du 4 ème Forum annuel Convergences 2015 Hôtel de Ville de Paris 3, 4 et 5 mai 2011 Première partie Conférences générales + d efficacité +d impact + d investissement

Session d ouverture du 4 ème Forum Convergences 2015 Séance plénière // Général Modérateur François de Witt Président, Finansol Intervenants Pierre Schapira Adjoint au Maire de Paris chargé des Relations Internationales, des Affaires Européennes et de la Francophonie Jean-Louis Bancel Président, Crédit Coopératif Andris Piebalgs Commissaire pour le développement, Commission européenne Henri de Raincourt Ministre chargé de la Coopération Frédéric Roussel Co-fondateur, Acted Résumé analytique La tribune d ouverture de la 4 ème édition du Forum Convergences 2015 réunissait les représentants au plus haut niveau des acteurs publics, privés, associatifs partenaires du Forum, et des décideurs politiques français et européens. Elle s est exprimée devant une assistance particulièrement nombreuse. Les intervenants ont présenté les grands axes de leur politique de développement respective, les projets en cours et les réalisations concrètes. Tous ont réaffirmé leur souhait d agir sous le signe des convergences : public privé, social économique, Nord Sud, qui sont le cœur-même du Forum. Pour Pierre Schapira, les villes ont un rôle à jouer dans le soutien au microcrédit et à l entreprenariat social, qui peut prendre de multiples formes : information, formation, amélioration de l environnement administratif et fiscal, bonne gouvernance ou encore transfert de compétences. Pionnière en la matière, la Mairie de Paris préconise également d intégrer des volets de soutien au microcrédit aux projets de coopération et de développement traditionnels des villes, comme elle le fait pour son action en Afrique auprès des personnes touchées par le VIH, afin de renforcer l efficacité des actions de lutte contre la pauvreté et l exclusion. Après avoir rappelé l engagement de longue date du Crédit Coopératif, «banque utile» au service de l économie réelle, Jean- Louis Bancel présente les récentes initiatives du Crédit Coopératif en matière de financements innovants, avec une forte dimension internationale. Il annonce notamment la création de la première Contribution Volontaire sur les Transactions de Change, au profit d associations d aide au développement. Frédéric Roussel salue le choix d annoncer cette initiative au Forum Convergences 2015, en pleine cohérence avec les motivations initiales d en faire un lieu de rencontre, de partage et d échange, mais aussi un lieu de construction. L enjeu de ce Forum est de faire résonner et rendre visibles les «mille sentiers de l avenir», illustrant les multiples convergences construites dans un intérêt commun, et d appeler les pouvoirs publics à optimiser leurs efforts pour l action sociale et l aide au développement. Andris Piebalgs présente alors les grands chantiers de la politique européenne de développement. A travers une vaste consultation visant à améliorer les modalités d action de l aide européenne, la Commission confirme son engagement pour la réalisation des Objectifs du Millénaire. Cet engagement passe notamment par un renforcement des complémentarités (Etats/Commission et Public/Privé), une meilleure identification des secteurs et pays cibles, et par l encouragement des réformes politiques, sociales et économiques des pays aidés. Henri de Raincourt partage les propos d Andris Piebalgs sur la complémentarité nationale et européenne, et conclut la séance d ouverture en présentant les points marquants de la politique française de l aide au développement. La volonté de la France de respecter ses engagements, et notamment en faveur des Pays les Moins Avancés (PMA), est mise en avant, et à l occasion de la présidence du G20 et du G8, la France réaffirme la nécessité de mettre en place des financements innovants. Enfin, à l heure des grands changements géopolitiques de la zone méditerranéenne, il devient essentiel de mieux prendre en compte les aspirations des sociétés civiles dans les stratégies d aide au développement. 10. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Synthèse La Ville de Paris s intéresse particulièrement au rôle des villes dans le microcrédit et le social business, nous dit Pierre Schapira. L étude «Coopération décentralisée et microfinance» réalisée cette année par Cités Unies France et ACTED fait suite à la conférence organisée sur ce thème l an passé. Les villes peuvent d une part informer et former les micro-entrepreneurs locaux et les administrations municipales, et d autre part financer les formations pour le montage de dossiers de microcrédits et l utilisation des Nouvelles Technologies de l Information et de la Communication. Elles fournissent des données sur les secteurs économiques porteurs, sur les politiques d économie familiale et d assistance sociale, et veillent au développement de la bonne gouvernance locale. Elles peuvent en outre créer un environnement global favorable, par la simplification des procédures administratives, la réduction des taxes locales, la création de pépinières d entreprises ou encore le développement de crédits municipaux. C est notamment le cas à Paris, où le Crédit Municipal, après avoir organisé le microcrédit personnel pour les ménages les plus défavorisés, se tourne maintenant vers les pays en développement. De nouvelles formes de coopération se développent, à l instar de l organisation d une récente levée de fonds pour le financement de microcrédits en faveur des artisans de la ville tunisienne de Sejnane. Ainsi, et bien que cela ne soit pas leur cœur de cible, les villes peuvent inclure la microfinance dans leurs projets traditionnels, et le rendre pleinement compatible avec leur politique de développement. La Ville de Paris mène notamment une grande action pour la lutte conte le Sida en Afrique, avec les autorités locales et les ONG. En complément des soins et de l accompagnement psychologique et social des populations concernées, l accès au microcrédit permettrait de lutter contre la discrimination à l emploi et à l exclusion socio-économique liée à la maladie, en redonnant du travail, une dignité et des revenus. La demande de la part des ONG et des autorités locales est forte, et c est une voie dans laquelle la Ville souhaite s engager. Un autre constat dressé par Pierre Schapira est de voir le nombre croissant de jeunes intéressés par le microcrédit et le social business, qu il s agisse des jeunes diplômés en France ou des jeunes des pays en révolte : ceci incite à repenser la coopération. Les efforts doivent également être orientés vers l épargne des migrants qui représente quatre fois le montant de l Aide Publique au Développement (APD). C est le sens du Label Co-développement Sud lancé par la Mairie de Paris il y a 6 ans, avec les associations de migrants, dont le travail est jugé remarquable. De nombreuses pistes de travail sont donc encore à inventer, pour faire face à une pauvreté planétaire qui touche tout particulièrement les jeunes et leur accès à l emploi au Nord comme au Sud : la microfinance et le social business ouvrent des perspectives d avenir nouvelles, qui doivent être explorées. Jean-Louis Bancel nous parle du Crédit Coopératif qui est fier et honoré d être à nouveau, et depuis longtemps, partenaire du Forum Convergences 2015. Le Crédit Coopératif est en effet la banque du secteur de l Economie Sociale et Solidaire, des associations, fondations, coopératives, mutuelles, mais aussi des entrepreneurs sociaux, et des PME - PMI au cœur de l économie réelle. Cette notion d économie réelle est importante pour ce Forum, qui va cette année accueillir plus de monde encore que les années passées, et qui sera avant tout un forum de la société civile pour débattre et échanger. Pour Jean-Louis Bancel, nous sommes dans une période charnière de «renversement du monde» : au 18 ème siècle, les élites avaient permis la prise de conscience et la fabrication de la société civile. Aujourd hui - en témoignent par exemple les très prochains Etats Généraux de l Economie Sociale et Solidaire organisés par Claude Alphandéry - la société civile s exprime, et pourra éclairer ceux qui nous dirigent. C est l essence du processus démocratique, et le fruit d un travail d élévation culturelle et technique de la société civile. Dans ce contexte, le Crédit Coopératif se définit comme une banque utile à ceux qui veulent faire bouger leur monde. Le métier de banquier est de faire circuler l argent utilement pour les projets de ses clients, qui plus est dans une banque coopérative. C est un devoir d être d abord à l écoute et de répondre à une attente. Pour cela, le Crédit Coopératif est notamment pionnier et leader dans les produits d épargne solidaire et de partage, dans le microcrédit professionnel et personnel. De façon concrète, plusieurs initiatives illustrent cet engagement : Il y a quelques semaines, la Fédération Européenne des Banques Ethiques et Alternatives (FEBEA) lançait le projet Europe Active, avec le soutien de la Commission européenne. Avec le développement très actif du fond CoopEst, destiné à soutenir les institutions de finance et d assurance coopératives, mutuelles et de microfinance dans les pays d Europe de l Est, le Crédit Coopératif réfléchit et travaille à un projet de fonds CoopMed, pour le bassin Méditerranéen. 2012 sera l année internationale des coopératives : au sein de l Alliance Coopérative Internationale, et notamment avec le concours de la Cooperative Bank en Grande-Bretagne, la banque travaille au lancement d un fonds mondial pour la promotion des coopératives, particulièrement dans les pays qui n en ont pas suffisamment. La dernière initiative est annoncée pour la première fois à l occasion du Forum : le Crédit Coopératif a mis en place pour lui-même depuis le 1er mars une contribution volontaire sur ses transactions de change. C est ainsi 0,01% de chaque transaction qui sera prélevé, sans en affecter les clients. Cette contribution devrait s élever à 100 000 euros en année pleine au profit d associations d aide au développement. Forum Convergences 2015 - Edition 2011 /// Séance plénière Session d ouverture du 4 ème Forum Convergences 2015 11.

Ces initiatives, qui confirment un engagement de longue date du Crédit Coopératif, font écho à une tribune signée récemment dans le Monde par le Ministre de la Coopération avec le président de la Banque Africaine de Développement, ainsi qu au rapport Landau demandé par le Président Chirac sur les financements innovants. Jean-Louis Bancel souhaite ainsi que le Crédit Coopératif, en plus d être une banque utile pour ses clients, permette également, sans intention de donner de leçons, de faire changer et bouger le monde des banquiers. Frédéric Roussel est très heureux que l initiative du Crédit Coopératif soit annoncée à Convergences 2015, confirmant ainsi l objectif initial du Forum lancé par ACTED il y a quatre ans. Il est important de ne pas travailler uniquement sur les conséquences mais aussi et surtout sur les causes. Et la cause fondamentale qui sous-tend l action humanitaire d ACTED est l inégalité et la difficulté d accès au revenu et au travail. Il devenait donc important d agir également sur le capital humain en plus de l action d urgence. Le professeur Muhammad Yunus donne à ce sujet une image très claire : la même graine peut donner un arbre de 50 mètres de haut, ou un bonzaï, en fonction du lieu où on la plante. A potentiel égal, le contexte peut limiter ou au contraire encourager la croissance. Pour intervenir sur cette notion de capital humain, Frédéric Roussel met en avant 5 idées fortes : Le débat pour un monde plus juste et plus solidaire concerne tout le monde et pas uniquement les acteurs spécialisés. Il doit être global, avec les citoyens, les acteurs économiques, le monde associatif et les décideurs politiques. Il faut essayer de dépasser les clivages Nord/Sud et social/economique. Il n y a finalement pas tant de différence entre la précarité en région parisienne et la pauvreté dans le Sahel. In fine, c est la même absence de revenu qui pose problème. De même, il faut renforcer l interaction entre le social et l économique, car il y a une porosité forte entre ces deux parties d un même cerveau. La microfinance, par laquelle ce Forum a débuté, est la tentative la plus emblématique de concilier une démarche à la fois sociale et économique. L entrepreneuriat social, et de façon plus timide la Responsabilité Sociale des Entreprises, cherchent également à redistribuer en créant de la richesse, et ainsi à faire bouger la frontière entre économique et social pour en renforcer l interaction. Beaucoup d outils se construisent en ce sens, et le Forum s est élargi à ces outils : la microfinance, l entrepreneuriat social, l Economie Sociale et Solidaire (ESS), etc. Il est important que tous ces secteurs communiquent entre eux et travaillent ensemble. Il est nécessaire d avoir un lieu pour converger : pour que les gens se rencontrent, se rendent compte des initiatives et des dynamiques existantes, et puissent échanger. Il ne s agit pas de construire des autoroutes, mais plutôt une multitude de pistes, et de réfléchir dans ce Forum aux «mille sentiers de l avenir», qui sont autant d initiatives qui contribuent à un but commun. L action des pouvoirs publics reste très importante. Nous devons, d une part, tous appeler les pouvoirs publics à maximiser leurs efforts en matière d aide au développement et d action sociale. D autre part, il faut continuer à travailler ensemble, à dialoguer afin d améliorer les conditions d intervention des acteurs du développement, et permettre aux pouvoirs publics d accompagner mieux encore les initiatives qui ne sont pas toujours visibles pour eux. Le Forum Convergences 2015 a vocation à devenir cette interface. Ces cinq principes ont guidé la création du Forum il y a quatre ans et continuent de le faire pour cette nouvelle édition. Frédéric Roussel remercie chaleureusement les partenaires du Forum : tout d abord la Mairie de Paris, devenue partenaire en plus d accueillir le Forum, et le Crédit Coopératif, soutien fidèle ; puis les 40 partenaires de cette édition, qui peut-être montreront la voie à de nouveaux par- 12. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

tenaires encore ; enfin, la centaine de personnes qui ont participé aux groupes de travail du Forum pour monter les conférences, ainsi que tous les participants et intervenant du Forum venus converger. Andris Piebalgs remercie en premier lieu d avoir été invité devant cette audience, la plus importante depuis son début de mandat il y a un an et demi. Il présente ensuite de manière plus large les grands chantiers de la politique européenne de développement. La situation mondiale actuelle interpelle sur notre capacité à lutter efficacement contre la pauvreté et contre le terreau des instabilités, des conflits et des violations des droits de l Homme, et il faut en débattre ensemble pour agir au mieux collectivement. Les valeurs de liberté, de démocratie, de confiance en l Etat doivent être au cœur de l action de développement pour que les citoyens continuent à y adhérer pleinement. L aide apportée aux pays tiers produit des effets ponctuels, mais elle ne pourra mener à une élimination durable de la pauvreté que si ces gouvernements mettent en place une gouvernance et un système de droits solides. L Union européenne reste de loin le plus gros donateur mondial pour l aide au développement, avec plus de 50 milliards d euros par an. Cet argent représente un investissement pour le futur, un espoir pour des millions de personnes de se soigner, s éduquer, avoir accès au microcrédit ou à l emploi. L aide de la Commission européenne doit avant tout accompagner les Etats, dont la responsabilité première est de mettre en place une administration efficace, une sécurité sociale, une réglementation stable, en un mot une bonne gouvernance. Mais l aide apportée peut également être plus ciblée, et plus efficace dans son effet multiplicateur. Une vaste consultation a été lancée par Andris Piebalgs au travers d un livre vert sur l avenir de la politique de développement de l Union, dont voici quelques orientations : L objectif de lutte contre la pauvreté et d atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2015 reste prioritaire et pleinement pertinent. Il convient néanmoins de modifier la manière de faire : l Union Européenne a confirmé ses engagements financiers d ici 2015, une attention particulière sera portée au respect de ces derniers. Mais même un budget de 0,7% du PNB ne suffira pas à régler le problème de la pauvreté dans le monde. C est pourquoi il faut utiliser l argent disponible pour produire un effet maximal, selon 4 principaux axes de changement : 1. Une amélioration de la coordination et de la division du travail entre Etats membres et Commission. 2. Mieux cibler l aide de l Union européenne sur les domaines où elle a une valeur ajoutée évidente, comme la gouvernance, et sur les secteurs porteurs de croissance, tels que l agriculture et l énergie. Cette croissance doit profiter au plus grand nombre et non à une petite élite. 3. Mieux différencier la couverture géographique de l aide ; certains pays en développement sont devenus eux-mêmes d importants donateurs, comme la Chine et le Brésil, et ces pays ne peuvent prétendre recevoir le même type d aide que d autres pays comme le Libéria ou l Ethiopie. 4. Développer de nouveaux types de partenariats public-privé, car l aide au développement n est pas uniquement publique. Pour en assurer un véritable impact sur place, il faut regrouper tous les acteurs concernés. La Commission européenne vient de proposer une nouvelle stratégie pour les pays d Afrique, assortie d un appui financier conséquent, mais également d un principe fort : l aide sera plus importante aux pays qui s engagent le plus rapidement sur la voie des réformes politiques, économiques et sociales. Andris Piebalgs se rendra prochainement en Côte d Ivoire et en Guinée Conakry pour porter un message d accompagnement au processus de réconciliation et des réformes engagées. En Côte d Ivoire, il est proposé un ensemble de mesures de 180 millions d euros pour aider à la reconstruction. En Guinée Conakry, la coopération est poursuivie dans le cadre du processus démocratique en cours, avec notamment l inauguration d un pont financé par l Europe, qui est au cœur de l intégration économique régionale avec la Sierra Leone. Cela est également le thème de la Conférence sur les pays les moins avancés d Istanbul. Andris Piebalgs sera enfin au Soudan pour discuter avec le Nord et le Sud des futures modalités de l aide européenne. Pour se différencier, il est fondamental de trouver le moyen de devenir plus efficace dans les environnements difficiles. L aide est à un tournant, et il est nécessaire de continuer à travailler tous ensemble. Henri de Raincourt remercie en premier lieu Frédéric Roussel et toute l équipe d ACTED d avoir organisé un Forum rassemblant autant d acteurs et qui soit aussi ancré dans la vie qui entoure les politiques de développement. Les citoyens ont pris conscience de la nécessité absolue de mettre en œuvre des politiques de développement à la fois respectueuses de la liberté des peuples et efficaces, et Henri de Raincourt souhaite que ce Forum rencontre un très grand écho. La France et l Union européenne sont en pleine communion de pensée et d action sur les politiques de développement à mener, et essayent chaque fois que cela est possible d avoir des actions complémentaires, réfléchies et préparées ensemble pour viser plus d efficacité et de rapidité. Henri de Raincourt expose ensuite plusieurs réflexions : Sur les moyens consacrés par la France à l Aide Publique au Développement : l engagement des pays du G8 de consacrer 0,7% de leur Forum Convergences 2015 - Edition 2011 /// Séance plénière Session d ouverture du 4 ème Forum Convergences 2015 13.

Revenu National Brut à l Aide Publique au Développement était assorti d un objectif intermédiaire de 0,5% du Revenu National Brut en 2010. L OCDE vient de confirmer que cet objectif était atteint par la France. Avec près de 10 milliards d euros d engagement, la France est le 3 ème contributeur mondial de l Aide Publique au Développement. Bien que la crise économique mondiale ait durablement affecté les budgets des pays développés, Henri de Raincourt confirme que la France tiendra ses promesses et sanctuarisera ses engagements. Ceci doit se faire dans le cadre d un effort collectif à mener avec les autres pays. C est le sens de l engagement de la France en faveur des financements innovants. Le consensus progresse, et cette forme de financement stable, additionnel et prévisible peut prendre des formes variées, dont celle d une contribution sur les transactions financières. Il est logique que ceux qui profitent le plus de la mondialisation participent au financement du développement. L initiative du Crédit Coopératif est en ce sens excellente et exemplaire, et Henri de Raincourt espère que cette démarche sera reprise par un nombre croissant de responsables qui partagent cette vision, dont la dimension éthique est réclamée à juste titre par l opinion publique. Sur l efficacité de l aide : le but premier des Objectifs du Millénaire pour le Développement n est pas de toucher une cible statique, mais de créer une dynamique économique et sociale qui permettra aux pays concernés de répondre durablement aux besoins de leurs populations, en fonction des réalités et des spécificités qui leur sont propres. Pour de nombreux pays africains, l atteinte de ces objectifs dépend de la force relative de leur croissance économique au regard de leur croissance démographique. L aide française est concentrée sur les Pays les Moins Avancés, Henri de Raincourt souhaite que la prochaine conférence d Istanbul soit un moment important de mobilisation en faveur de ces pays. Il faut créer les conditions d une croissance endogène, qui est un facteur de développement à long terme. En ce sens, l initiative du Cap, lancée en 2008 et qui mobilise 10 milliards d euros en faveur du secteur privé en Afrique, a toute sa place dans une politique globale de développement. C est aussi le sens de l engagement de la France, pendant sa présidence du G8 et du G20, de lutter contre les freins au développement de l Afrique que sont le manque d infrastructures et la faible intégration régionale. Le développement passe enfin par la capacité des pays en développement à renforcer leur gouvernance, améliorer le climat des affaires, la sécurité juridique et fiscale, la mobilisation de ressources fiscales, et lutter contre la corruption. fondations privées et des marchés des capitaux, les Etats n ont plus le monopole de l aide financière. La société civile ne se résume pas aux banquiers et aux entrepreneurs, bien qu indispensables, mais s étend aux jeunes, aux femmes, aux syndicalistes, aux bloggeurs, qui pour certains ont risqué leur vie pour la liberté et la dignité qu ils ne retrouvaient pas dans les statistiques flatteuses qui réjouissaient les bailleurs de fonds internationaux. Les Etats doivent assumer plus nettement leur rôle d impulsion politique, par l exercice de leur responsabilité en matière de paix et de sécurité internationale. Quel était le développement possible pour des populations soumises à la folie meurtrière de dirigeants illégitimes, comme en Libye ou en Côte d Ivoire hier? La France a pris ses responsabilités avec ses partenaires pour que les actions de coopération puissent reprendre. Ce réengagement du politique passe par la prise en compte d enjeux stratégiques comme le lien entre développement et sécurité. C est le but de la stratégie de développement en faveur du Sahel, élaborée avec le soutien français. Un tel engagement doit se décliner désormais pour la Méditerranée, en répondant aux aspirations à la liberté de la société civile. Il faut désormais réexaminer avec un œil neuf les politiques de coopération, en tenant compte des revendications des populations, dans un esprit de respect mutuel. L heure est à l imagination, et il faut compter sur les ONG pour participer à la construction d un monde moderne et les remercier de leur travail quotidien. Nous partageons ici les mêmes convictions qu il faut désormais mettre en œuvre avec ardeur, passion, enthousiasme et cœur. Rapporteur officiel : Yaël Zlotowski, Crédit Coopératif Sur les bouleversements du monde qui conduisent à un paradoxe : le printemps des pays arabes montre en effet que la démocratie n attend pas que le développement économique la précède. Les Etats ont quelque peu perdu la place politique et diplomatique prééminente qu ils avaient au sortir de la décolonisation. A l heure des grandes 14. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Où commence la fin de la pauvreté? Conversation avec Hernando de Soto Grand Débat Le Monde // Coopération internationale Modérateur Serge Marti Président, Association des journalistes économiques et financiers (AJEF) Intervenants Hernando de Soto Président, Institut pour la Liberté et la Démocratie Résumé analytique Selon Hernando de Soto, aucune nation ne peut développer une économie de marché forte, sans un cadre d information publique adéquat qui enregistre tous les biens de propriété et autres renseignements économiques connexes. Dans leurs efforts pour atteindre une croissance économique et contribuer à la réduction de la pauvreté - la plupart des pays en voie de développement rencontrent un obstacle principal : une grande part de l activité économique dans leur pays se déroule dans l ombre de la loi. Par conséquent, les gouvernements n ont pas de connaissances profondes de l économie de leur pays. Ainsi, ils n ont pas ce qui a été l un des principaux moteurs de la croissance économique dans les pays riches pour les 100 dernières années c est-à-dire un «système de mémoire publique» qui agit en tant que dépositaire des faits économiques d une nation. Pourquoi la majorité des pauvres dans les pays en développement travaille en dehors du système juridique? Hernando de Soto soutient qu ils n ont guère le choix : les lois dans les pays en développement ont tendance à être coûteuses, lourdes, discriminatoires et tout simplement mauvaises. Sans les outils juridiques indispensables à la réussite économique, ces entrepreneurs «extralégaux» sont condamnés à la pauvreté. L activité économique non enregistrée de ces petits entrepreneurs, qui ont pratiquement l impossibilité d obtenir la propriété légale de leurs biens et de l enregistrer, crée une économie parallèle «extralégale». Pour survivre, protéger leurs actifs, et faire fructifier leurs activités, les entrepreneurs «extralégaux» doivent créer leurs propres règles ce que Hernando de Soto appelle «la loi du peuple». Cela affecte aussi la société dans son ensemble parce que les règles de cette économie ne permettent pas de prospérer comme le reste de la société. Seule une minorité de l élite est capable de profiter des avantages économiques de la loi et de la mondialisation, alors que la majorité des entrepreneurs sont coincés dans la pauvreté, où leurs actifs, qui représentent plus de 10 milliards de dollars américains, restent comme un «capital mort» qui croupit dans l ombre de la loi. En d autres termes, le pays dans son ensemble ne fonctionne pas à un niveau optimal. Pour réduire la pauvreté, Hernando de Soto affirme que les gouvernements des pays en développement doivent réformer leurs systèmes juridiques et fournir à la majorité de leurs citoyens l occasion d acquérir une participation au sein du marché économique. La clé d une économie de marché moderne inclusif, selon Hernando de Soto, est l octroi, à la majorité des personnes pauvres, d un accès facile aux droits de propriété juridique par le biais de titres fonciers enregistrés. Cela incitera ces personnes à quitter le secteur extralégal et à rejoindre l économie légale. Une telle documentation construit une partie essentielle du système de mémoire publique qui permet à la société d identifier et d accéder à des informations sur les individus et leurs biens. Elle permet de faciliter l établissement clair de la limite de responsabilité pour les entreprises, de connaître leurs situations économiques, d assurer leur protection face aux tierces parties. Elle permet aussi de quantifier et d évaluer les actifs et les droits. Ce système de mémoire publique facilite également l accès à une plus grande variété des possibilités économiques. Hernando de Soto souligne que les actifs détenus en dehors de la loi sont un «capital mort» des richesses potentielles qui ne peuvent pas être mises à profit. Grâce à des droits de propriété, ces actifs sont transformés en «capital vivant», où un seul actif peut avoir de multiples fonctions : une maison, par exemple, n est plus seulement un abri, mais peut être utilisé comme garantie pour un prêt ou une adresse vérifiable pour obtenir de l électricité et d autres services. Forum Convergences 2015 - Edition 2011 /// Grand débat Le Monde Où commence la fin de la pauvreté? Conversation avec Hernando de Soto 15.

Synthèse Quels sont les moyens pour combattre la pauvreté dans le contexte actuel de crise économique et des révolutions dans le monde arabe? En effet, avec la crise économique, le nombre de personnes pauvres est passé de 1,4 million en 2008 à 1,9 million en 2010. La liberté et la démocratie sont-elles suffisantes pour réduire la pauvreté? Selon Hernando de Soto, cela dépend de la définition que l on leur donne. Si la démocratie, par exemple, signifie le droit de vote, cela ne suffit pas : les électeurs à travers le monde en développement ont trop souvent élus des dictateurs. La liberté économique n est pas non plus suffisante si l on ne dispose pas d autres libertés. Pour Hernando de Soto, la liberté économique et la démocratie sans droits de propriété ne sont pas suffisantes pour réduire la pauvreté. La majorité des pauvres dans le monde en développement ne bénéficie pas d un accès facile au système juridique, qui, dans les pays avancés et pour l élite des pays en développement, est la porte de la réussite économique. Les documents de propriété des personnes pauvres ont besoin d être normalisés selon la loi, afin d avoir accès au système juridique et être en mesure de profiter des avantages de celle-ci et de la mondialisation. Un document de propriété devient un mécanisme de la mémoire publique, facilitant toutes les activités économiques qui poussent une économie moderne de marché : l accès au crédit, l établissement de systèmes d identification, la création de systèmes de crédit et d information sur les assurances, la fourniture de logements et d infrastructures, l émission d actions, l hypothèque d un bien, et même une gouvernance efficace. Quel a été le rôle de l Etat péruvien dans la réforme de la propriété? Entre 1988 et 1995, Hernando de Soto et l Institut pour la Liberté et la Démocratie (ILD) ont conçu les bases administratives de la réforme de la propriété du Pérou et le système du droit des affaires, ce qui a permis l obtention de titres de propriété à plus de 1,2 million de familles et a aidé 380 000 entreprises (travaillant auparavant sur le marché noir) à entrer dans l économie formelle. Pour réaliser ces réformes, ils ont aussi éliminé l immatriculation, les licences et les lois de permis bureaucratiques et restrictives qui rendaient l ouverture de nouvelles entreprises chronophage et très coûteuse. Par exemple, la participation de l Etat est la clé de la réforme de la propriété, qui est une réforme juridique fondamentale : l État doit s assurer que les titres fonciers sont pleinement reconnus par tous les acteurs économiques et juridiques et qu ils montrent clairement le lien entre la terre et son propriétaire au niveau local, national et international liant ainsi les acteurs économiques les uns aux autres. Avec la création de telles institutions, les coûts du travail en dehors de l économie formelle deviendront sensiblement plus élevés que ceux d entrée et de fonctionnement au sein de l économie formelle. De même, les bénéfices d exploitation dans l économie formelle seront évidemment plus nombreux que ceux dans l économie extralégale. Le jeune tunisien qui s est immolé voulait un emploi, pas un titre de propriété... L approche des droits de propriété à la question de la pauvreté n est elle pas un peu simpliste? Pour Hernando de Soto, l approche des droits de propriété est essentielle pour aider les entrepreneurs pauvres à transformer leurs biens et leurs entreprises en actifs qu ils peuvent exploiter et développer offrant ainsi la prospérité de leurs familles et des emplois pour d autres. Ce Tunisien, en fait, avait «un travail» c était un vendeur de rue typique des pays en voie de développement coincés dans l économie souterraine. S il avait eu une licence légale pour faire des affaires, un inspecteur municipal aurait été moins susceptible de l humilier, provoquant cette réaction tragique de l entrepreneur. Hernando de Soto insiste sur le fait que l État doit savoir qui possède quoi dans l économie informelle avant qu il puisse y avoir de la croissance économique ou une réduction de la pauvreté. Avant d accorder des titres de propriété, par exemple, l Etat a besoin d identifier la personne qui possède ce terrain et doit obtenir des informations sur les individus, leurs biens (y compris ceux détenus dans l économie informelle), sur les circonstances et, éventuellement, sur les charges et les obligations. L État doit également s assurer que cette information est entrée dans le système de mémoire publique, ce qui facilite la réalisation des fonctions économiques essentielles, et aide les agents économiques à communiquer les uns avec les autres. Pour montrer à quel point ces informations sont importantes, il cite l exemple du delta du Nigeria où l ILD a travaillé : la population extralégale et sans papiers est si vaste que le gouvernement estime qu elle est comprise entre 15 et 30 millions. Hernando de Soto note qu un nombre plus exact peut être obtenu, seulement grâce à l information récoltée via la réforme agraire et la formalisation de la terre. Hernando de Soto insiste également sur l importance de l outil juridique de «responsabilité limitée» prévue par la loi de propriété pour les entrepreneurs. Cela aide les gens à évaluer et à limiter les risques en affaires en comparant la part de propriété investie dans l entreprise et quelle est celle sauvegardée pour la famille. Selon Hernando de Soto, l invention du concept de responsabilité limitée en Europe entre 1850 et 1900 était révolutionnaire : il a donné à chacun le droit de créer ou d investir dans une société sans que personne ne risque ses biens personnels. Hernando de Soto souligne que dans les pays en développement, où la plupart des entrepreneurs n ont pas accès à cette protection juridique, la «responsabilité illimitée» est la norme, et, pire encore, sans un titre de propriété juridique, il n existe aucun moyen pour les petits entrepreneurs d obtenir un crédit ou encore de lever des capitaux dans le but de faire croître leurs entreprises. L ILD a-t-il des contacts avec des pays comme le Brésil et la Chine? Oui, mais les chefs d Etat de ces pays n ont pas engagé l ILD. Ils ont cependant utilisé leurs idées sans le rendre public. 16. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Questions Hernando de Soto parle de la différence entre le «capital mort» des actifs qui ne peuvent pas être exploitées car ils sont tenus en dehors de la loi, sans accès aux outils juridiques (comme les droits de propriété ou la responsabilité limitée) dont disposent les entrepreneurs des pays développés et qu ils tiennent pour acquis et le «capital vivant», où les mêmes actifs permettent d'acquérir de nombreuses fonctions grâce à la jouissance des droits de propriété. Par exemple, dans l'économie extralégale, un bâtiment peut être utilisé comme abri ou lieu d'affaires, mais une fois que le droit de propriété est attaché à ce bâtiment, il peut être utilisé pour de nombreuses autres choses comme une garantie d'un prêt hypothécaire ; il peut également être identifié en tant que terminal pour obtenir de l'électricité, comme une location permettant de gagner de l'argent ou comme un moyen de tracer un criminel. Transformer la quantité massive de «capital mort» qui croupit dans les économies extralégales des pays en développement est principalement un enjeu politique : la loi doit être changée. Selon Hernando de Soto, la révolution dans la réflexion sur le développement économique est de comprendre que la loi réelle dans les pays en développement est la «loi du peuple» (les normes et les coutumes qu'ils utilisent pour faire et protéger les transactions), qui n'a pas été reconnue ou incorporé dans la loi réelle. Trop souvent, les pouvoirs politiques défendent le statu quo et ne s'attaquent pas à ce problème. Ils n établissent pas les réformes institutionnelles nécessaires qui rendraient le cadre juridique plus reconnaissable et accueillant. Cela permettrait aux personnes travaillant dans l économie extralégale d entrer dans l'économie légale, où il est possible de protéger et faire croître leurs actifs, et donc de sortir de la pauvreté. Pour Hernando de Soto, l'actuelle crise financière mondiale est principalement due à des institutions financières qui ignorent ce que les réformateurs comme lui ont essayé d'obtenir des gouvernements des pays en développement. Il cite ainsi l établissement des procédures appropriées pour la documentation et l'enregistrement des transactions qui permettent d assurer la connaissance des propriétaires et les circonstances dans lesquelles ils ont acquis la propriété. Ces faits économiques sont la base de la confiance qui stimule la croissance économique. Lorsque les banques ont vendu les hypothèques et ont distribué des crédits à risque aux investisseurs par le biais de titres hypothécaires pour reconstituer leurs fonds, ils l'ont fait d'une manière si opaque et complexe que le lien entre le titre de propriété et de l'actif a été perdu ce qui a miné la confiance envers le système financier. Rapporteur officiel : Convergences 2015 Forum Convergences 2015 - Edition 2011 /// Grand débat Le Monde Où commence la fin de la pauvreté? Conversation avec Hernando de Soto 17.

La pauvreté augmente-t-elle dans les pays développés? Mini-conférence // Coopération internationale Modérateur Antoine Michon Représentant, Délégation générale, ATD Quart Monde Intervenants Olivier Bontout Sous-Directeur Adjoint, DREES François Dechy Directeur Délégué, France Active Financement Bernard Devert Délégué Général, Habitat et Humanisme Michael Förster Economiste principal, division des politiques sociales, OCDE Jérôme Vignon Président, Observatoire National de la Pauvreté et de l Exclusion Sociale (ONPES) Résumé analytique Malgré un taux de pauvreté qui reste stable au niveau de l Union Européenne, la pauvreté augmente dans certains Etats membres. Il y a une forte variation du taux de pauvreté entre les Etats. On assiste à un changement du visage de la pauvreté, à une crise du mal-logement et à une crise de l humanité. Quels sont les horizons de la pauvreté d ici à 2020 pour l Union Européenne et les Etats membres? Il existe une stratégie commune de lutte contre la pauvreté et la misère qui mobilise les Etats, l Union Européenne mais aussi chacun d entre nous. Il s agit de la stratégie de Lisbonne, en particulier de son volet social. 18. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements

Synthèse Antoine Michon, nous parle de la création d ATD Quart monde en 1957, 5 ans après l invention du mot «Tiers Monde» par Sauvy. Le Quart Monde fait référence au cahier du 4 ème ordre de la révolution française. Son fondateur Joseph Brezinski voulait que le vrai sujet soit la libération des plus pauvres. Depuis 1972, ATD Quart monde veut mettre la lutte contre la misère au cœur de la construction européenne. Depuis l accréditation de la journée mondiale du refus de la misère par l assemblée générale des Nations Unies, ce mouvement a permis de faire le point sur la misère et la pauvreté dans nos pays développés. Antoine Michon pose la question à Michael Förster quelle est l évolution de la pauvreté dans les 34 pays de l OCDE, quelles sont les politiques mises en place et quel est le résultat obtenu. Pour celui-ci, les ministres des affaires sociales ont convenus d une vingtaine d objectifs dont le plus important est la détermination de combattre la pauvreté et l exclusion sociale. Trois champs de réflexion se dégagent : Quelles sont l ampleur et les tendances de la pauvreté? L importance des inégalités. Les intérêts des politiques. Il y a deux seuils de pauvreté. Le seuil de pauvreté absolue se base sur le coût des besoins essentiels, le seuil de pauvreté relative lui se base sur le niveau de vie. C est en fonction du seuil de pauvreté relatif que le taux de pauvreté est calculé. Le critère du revenu facilite la comparaison entre pays. Dans les 34 pays de l OCDE, il y a une divergence énorme entre les taux de pauvreté (6% Danemark, 20% au Mexique). La moyenne des pays est de 11%. On constate une augmentation de 1 point de pourcentage dans l OCDE qui correspond à 1,5 millions de personnes supplémentaires qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. La situation est fort différente en fonction des pays. Si l on prend 4 pays membres comme les USA, l Allemagne, la Suède et la France, on constate que pour les USA le niveau de pauvreté reste élevé mais stable, pour la France il oscille autour de 7%, ceux de l Allemagne et de la Suède ont considérablement augmenté depuis début des années 2000. Ces dernières années, il y a eu un changement du visage de la pauvreté. Le risque de la pauvreté s est déplacé vers des populations très jeunes ou très âgées sachant que ces personnes ne sont pas ou plus en âge de travailler. Il pourrait y avoir un taux de pauvreté européen mais il faudrait le calculer en fonction du seuil de pauvreté absolue. En effet, si on prend le revenu absolu des 10% les plus pauvres en Suède, celui-ci sera plus élevé que la moyenne des revenus des pays de l OCDE. Par contre, aux Etats-Unis, ce revenu sera comparable à un revenu moyen en Grèce par exemple. Cette inégalité due à la concentration des richesses est à considérer très sérieusement. On ne peut ni comprendre ni combattre la pauvreté si on ne comprend pas la richesse. Les inégalités se sont accrues dans l OCDE en partie à cause d une concentration de revenus. Il faut donc regarder l entité de distribution et la répartition des richesses. Par ailleurs les transferts monétaires et non monétaires jouent un rôle très important pour atténuer et combattre la pauvreté. Les politiques doivent faire en sorte que la répartition soit efficace. Elles devraient aussi s attaquer directement aux causes. Bien sûr l une des causes majeures est le travail. Même si l emploi n est malheureusement pas une garantie de se retrouver au dessus du seuil de pauvreté (phénomène du travailleur pauvre ; plus de la moitié des ménages en situation de pauvreté travaille), il faut des politiques d activation inclusive renforcée. A cela doit s ajouter une réduction durable de la pauvreté, les politiques doivent donc se concentrer sur l éducation et la formation. Qu en est-il plus précisément au niveau de l Union Européenne et dans le cas de la France? Pour Olivier Bontout, le taux de pauvreté se définit, au niveau de l UE, par la proportion de ménages dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian dans chaque pays. Ce taux de pauvreté monétaire s établit à 16% pour l Union des 27 et connaît une stabilité depuis 2000. Malgré cela on observe une différence entre les pays (par exemple : Allemagne et pays scandinaves dont le taux augmente). Différentes approches représentant la nature multidimensionnelle de la pauvreté ont également été développées, notamment la pauvreté en terme de conditions de vie ou encore le lien avec le marché du travail. L objectif de l Union Européenne de 2010 pour la décennie (2010-2020) est une diminution de 20 millions de personnes touchées par la pauvreté ou l exclusion. L approche retenue a connu une évolution à l occasion de la définition de la cible et l approche monétaire a été complétée par deux autres dimensions : La pauvreté en termes de conditions de vie; La pauvreté en lien avec le marché du travail (ménages dont l intensité du travail est inférieure à 20%). Au niveau de la France on observe trois tendances : la pauvreté est plus faible qu en Europe et que chez la plupart de nos voisins ; la pauvreté monétaire n a pas connu d évolution significative ; la pauvreté change de visage. On observe une stabilité de la pauvreté monétaire depuis 2000 et un changement du visage de celle-ci, depuis plusieurs décennies. En effet il y a une diminution de la pauvreté parmi les personnes retraitées, mais on observe une augmentation progressive de la pauvreté chez les jeunes et chez certains actifs pour qui l accès au marché du travail est difficile. Ces personnes ont une faible intensité d emploi au cours de l année au sens où elles enchaînent les périodes d activité, d inactivité et de chômage, Forum Convergences 2015 - Edition 2011 /// Mini-conférence La pauvreté augmente-t-elle dans les pays développés? 19.

ce dont il résulte que les revenus d activités ne sont parfois pas suffisants pour dépasser le seuil de pauvreté. La question de la pauvreté amène la question du mal-logement. Antoine Michon demande comment évolue le mal-logement, les personnes qui dorment dans la rue et les autres mal-être liés qui apparaissent. Pour répondre à cela Bernard Devert nous donne son témoignage. Selon lui, il est difficile de faire bouger les lignes et de faire en sorte que les 3 millions de personnes qui sont mal logées ou sans logement sortent de cette situation. Comment faire bouger et comment refuser cet inacceptable? C est à travers l écoute et la visibilité des visages de ces personnes que d autres perspectives sont envisageables. Pour revenir sur la question de la pauvreté, elle n est pas seulement monétaire, il y a aussi ce manque de reconnaissance vis-à-vis de la personne qui n a pas de toit. La pauvreté est aussi cela, une pauvreté à partir de laquelle des hommes et des femmes qui n ont pas de travail, qui n ont pas de toit, qui n ont pas de relations considèrent que finalement ils ne sont rien. L urgence est de lutter contre ce mal-logement qu il faut entendre comme un malheur. Face à ce malheur il y a une question de responsabilité et d humanité. Le mal-logement touche en France des familles, notamment des enfants. 600000 enfants sont victimes de ce phénomène, victimes maintenant pour des conditions de vie inacceptable mais aussi victimes demain des conditions inadéquates pour pouvoir suivre un parcours scolaire. Depuis 30 ans, il y a de moins en moins d enfants issus de milieu défavorisés qui ont pu rejoindre la faculté ou les grandes écoles. Que pouvons-nous réaliser face à cela? Bernard Devert identifie deux approches : La réconciliation de l économique et du social ; La réconciliation de l humain et de l urbain. La deuxième approche souligne que finalement ce n est pas seulement la crise du logement qui est en cause. Celle-ci en cache bien d autres : une crise de l habitat au sens d une crise de l habité qui conduit à une crise du vivre ensemble. Voulons-nous vivre ensemble? Quand on voit les prix de l immobilier, on s aperçoit qu il y a beaucoup d incendiaires du lien et de la cohésion sociale. Ceci est une invitation à s inscrire dans un enjeu politique, des solutions existent et se dessinent dans les textes mais entre ce qui est prévu dans les textes et les décrets d application, il y a un écart. Bernard Devert lance 3 propositions pour essayer de lutter contre cette misère : Le plan local d urbanisme dans les villes est un instrument au service des municipalités. Les droits de construire devraient augmenter de 20 ou 30%. Ceux-ci sont affectés d une charge foncière limitée voir nulle. La création des logements éligibles à des financements très sociaux dans le prêt locatif d aide à l insertion conduirait à une régulation du foncier. La nouvelle loi solidarité et renouvellement urbain oblige les communes à avoir en 20 ans 20% de logement sociaux. Une invitation à l Etat et aux collectivités locales à voir comment un certain nombre de leurs bâtiments pourrait être offerts aux grands bailleurs de fonds à caractères sociaux pour peser sur le foncier et permettre que la ville ne soit pas interdite aux plus démunis. On assiste donc à une crise du mal-logement mais qu en est-il des autres formes de pauvreté? Antoine Michon demande à François Dechy si le retour à l emploi par la création d entreprise est une vraie possibilité. France Active Financement intervient dans deux champs. L organisme permet à des demandeurs d emploi de créer leur propre emploi en créant leurs entreprises. Il crée les conditions pour que ces projets puissent accéder aux conditions bancaires. Il s agit de structurer leurs projets avec le soutien des politiques publiques de l emploi et de convaincre les banques de les financer. La création d entreprise est un processus 3 fois gagnant : pour l Etat et les organismes sociaux qui financent un accompagnement, pour les banques (un projet bien accompagné et bien financé est un bon client) pour le porteur de projet car cela lui permet de 20. Convergences 2015 Améliorer les pratiques Améliorer l impact Améliorer les investissements