L Union européenne face à la croissance économique



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Perspectives économiques

Transcription:

L Union européenne face à la croissance économique Introduction : l Union européenne est-elle une puissance économique? I) L Union européenne : une croissance économique décevante 1 Une croissance plus faible que les autres zones 2 Le paradoxe : une croissance qui se ralentit 3 Un résultat : un chômage élevé II) Comment faire progresser la croissance? 1 La nécessité d un vrai budget européen 2 Redéfinir les choix budgétaires 3 Assouplir la politique économique? Conclusion : pour une autre croissance?

Introduction : l Union européenne est-elle une puissance économique? L Union européenne est aujourd hui confrontée à un paradoxe très net : - d un coté elle est clairement la 1 puissance économique mondiale, quel que soit le critère retenu : elle représente par exemple 28.5% du PIB mondial et 42% des exportations mondiales (même si environ 60% de ses exportations sont intra zone). Dans beaucoup de secteurs l Union européenne est également à la pointe : la recherche médicale, les bio technologies, l ingénierie financière, l aéronautique civil, les infrastructures sans parler de son rayonnement culturel. - mais d un autre coté, l Union européenne peine de plus en plus à exprimer cette puissance : sur le plan diplomatique, l Union européenne en tant qu entité politique fait peu entendre sa voix dans les institutions qui comptent : G20, FMI, Banque mondiale, OMC, ONU

L Union européenne apparaît alors plus pour une simple addition de pays. Et pourtant, chaque pays pris isolément ne pèse pas grand-chose face aux deux puissances dominantes : les États-Unis et la Chine, et de plus en plus face aux puissances émergentes (Brésil, Inde, Corée du sud, Indonésie ) mais surtout, sur le plan économique, l Union européenne semble une zone en recul et pour certains une zone en voie de marginalisation. Sa croissance économique est désormais la plus faible de toutes les zones mondiales, et l Union européenne actuelle se distingue plus par ses dettes et ses déficits que par ses performances économiques. En bref, la grande puissance semble bien «vieillie» et certains (en particulier Jean-Pierre Chevènement) lui prédisent un avenir de «parc d attraction». Et pourtant en 2000, l économiste américain fort célèbre, Jérémy Rifkin, écrivait un gros ouvrage «Le rêve européen», dans lequel il voyait l Europe comme le modèle économique et social à venir.

PIB par habitant en 2009, en euros, en parité de pouvoir d achat et part des pays dans le PIB mondial Pays PIB par habitant Chine 5141.95 8.56% Inde 2462.65 2.25% Brésil 7841.18 2.7% Russie 14246.34 2.11% Japon 24397.43 8.7% États-unis 34920.17 24.48% Union européenne 25163 28.56% Monde 8051 100% Banque mondiale Part dans le PIB mondial

I) L Union européenne : une croissance économique décevante Au moment de la mise en place de l union économique et monétaire, c est-à-dire du marché unique et de la monnaie unique en 1993, le grand espoir était que cette UEM devait doper la croissance économique : - en fournissant aux entreprises un vaste marché sans entrave de 500 millions de consommateurs (désormais), ce qui devait à la fois augmenter la production et baisser les coûts donc les prix - en évitant à ces mêmes entreprises des frais de change et des incertitudes monétaires, ce qui les encourageait à l exportation - en permettant aux consommateurs de voyager et de comparer les prix, ce qui devait augmenter la consommation. Bref, l avènement du marché unique et de la monnaie unique avait pour but de soutenir la croissance économique et donc l emploi. Il faut le reconnaître, quelque chose n a pas marché, c est le moins que l on puisse dire, et la croissance économique européenne est aujourd hui la moins dynamique. 1 Une croissance plus faible que les autres zones

Evolution du PIB en volume (source : Eurostat) 160 155 150 145 140 135 130 125 120 115 110 105 100 Etats-Unis; 156 UE 27; 136,3 Zone euro; 132,2 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Il est bien entendu difficile de comparer la croissance économique européenne et celle des pays émergents, à l image de la Chine, puisque les points de départ ne sont pas les mêmes. Rappelons nous tout de même qu en 1980, au moment des réformes économiques en Chine, le PIB chinois ne représentait que 60% du PIB français, et qu il est aujourd hui 2 fois plus élevé. La comparaison avec les États-Unis est également assez édifiante : leur point de départ était plus élevé que celui de l Union européenne à 15 au milieu des années 1990, et pourtant la croissance économique a été plus rapide (2.5%/an en moyenne contre 1.73% pour l UE 27 et 1.56% pour la zone euro). Si l UE à 27 dépasse le PIB des États-Unis c est uniquement par addition des nouveaux membres : l écart entre les États-unis et l UE à 15 s est agrandi. Et même si le «modèle» social américain nous laisse perplexe, cela mérite considération.

2 Le paradoxe : une croissance qui se ralentit La croissance économique européenne est donc relativement faible. Mais ce qui est encore plus troublant, c est qu au fur et à mesure de l élargissement de l Union européenne, cette croissance se ralentit. Ce n est pas logique : puisque le grand marché s agrandit, puisque de plus en plus de pays ont la même monnaie, ceci devrait contribuer à la croissance. D autant plus que les «difficultés» liées au marché unique (en particulier les contraintes de normes et de concurrence) et les contraintes de la monnaie unique s estompent. On pourrait donc penser que plus de 10 ans après l avènement de l UEM, il serait temps que ses promesses de croissance se réalisent. Or, il semble que ce soit le contraire : à 9, la croissance économique tournait autour de 2.5%-3%. A 15 elle n était plus que de 2% à peine, et à 27 elle est inférieure à 1%. Résultat plus que décevant!

L une des explications de ce paradoxe, à laquelle l Union européenne n a peut-être pas fait suffisamment attention, tient au fait que chaque nouveau pays entrant dans l Union européenne depuis l UE 15 est en moyenne plus pauvre que les anciens membres. Jusqu en 2004, les habitants du plus riche pays de l UE (le Luxembourg) étaient en moyenne 5 fois plus riches que les habitants du pays le plus pauvre (la Grèce). En 1973 ce rapport n était que de 1 à 2 En 2007, avec l arrivée des 10 nouveaux pays, ce rapport est monté de 1 à 10, et avec l UE 27, il est désormais de 1 à 20. Et ceci ne devrait pas s arranger avec les nouvelles adhésions. D un coté, ceci aurait pu permettre de tirer la croissance économique vers le haut, par effet de rattrapage, en particulier sur le plan des infrastructures à développer : le marché était alors prometteur (si l Union européenne avait «songé» à se protéger des concurrents non européens comme le font ces mêmes concurrents).

En réalité, les industries de l UE à 15 ont souvent profité de cet élargissement pour se délocaliser à l est. Conséquences : le pouvoir d achat à l ouest a peu progressé et le chômage s est développé, le pouvoir d achat à l est a un peu progressé (mais pas trop pour rester «compétitifs») mais les habitants de l est peu fortunés ont surtout acquis des produits à bas coûts en provenance d Asie. En clair, la concurrence interne doublée de la concurrence externe a contribué à un appauvrissement relatif des travailleurs européens. Les seuls qui y ont trouvé leur compte sont les grandes entreprises européennes (et leurs actionnaires) qui ont augmenté leurs profits (par compression de la masse salariale), profits ensuite placés largement sur les marchés financiers avec le succès que l on connaît. Le consommateur aussi peut y trouver son compte, sous réserve qu il ait un emploi qui lui permette une consommation. Or en Europe, rien n est moins sur.

3 Un résultat : un chômage élevé La faiblesse de la croissance économique européenne a en effet un revers évident : la persistance d un chômage relativement massif. Depuis le début des années 1980, le chômage en Europe oscille en effet de façon permanente entre 8% et 10%. Certes, il y a de nombreux écarts : un minimum de 4.4% pour les Pays-Bas, un maximum de 20.6% pour l Espagne, et la France à 9.7% Et quand on regarde le chômage des jeunes, c est encore plus préoccupant : 42% pour l Espagne, 9% pour les Pays-Bas et 25% pour la France. Là également, la comparaison avec les Etats-Unis est plutôt défavorable : même si on reste sceptique sur les méthodes, y compris de calculs, le taux de chômage américain s est régulièrement situé entre 4 et 6% entre 2000 et 2008. Ceci revient à dire que l Union européenne a en moyenne un taux de chômage supérieur de 4 points à celui des Etats-Unis, ce qui représente tout de même au moins 9 millions de personnes. C est un lourd tribu à la faiblesse de la croissance.

Evolution du taux de chômage (au sens du Bureau international du Travail: BIT) aux Etats-Unis (source : OCDE) 10,5 9,5 8,5 7,5 6,5 5,5 4,5 3,5 10,1 9,6 5,8 6 7,3 6 5 4,7 5,2 4 4,5 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Le problème du chômage et de la croissance est qu ils constituent un couple infernal : Le chômage ralentit les capacités de consommation et d investissement des ménages et alourdit les dépenses sociales (y compris pour les entreprises), ce qui nuit à la production des entreprises (moins de clients et production moins rentable), ce qui réduit la croissance économique, donc aggrave le chômage Et le problème, nous devons nous en rappeler, n est pas de nature conjoncturelle : la crise de 2009 a amplifié le chômage, mais il existait nettement avant, et on peut craindre qu il existe après. Les promesses de l UEM ne semblent donc pas avoir été tenues : la croissance est lente, sur bien des domaines l Europe est décrochée, elle semble s éloigner des zones économiques les plus dynamiques, et le chômage plus la dette persistent. Comment faire alors pour redresser cette croissance?

II) Comment faire progresser la croissance? 1 La nécessité d un vrai budget européen Toutes les puissances économiques que nous avons évoquées disposent d un budget. Ce budget a deux fonctions : - assurer les dépenses de fonctionnement des services publics essentiels (défense, sécurité, justice ) - refléter et orienter les choix économiques et sociaux des pays : plus pour l industrie? Plus pour la recherche? Plus pour le social?... Or volontairement (ou non?), l Union européenne s est privée de ces deux instruments. Son budget ne pèse absolument rien comparativement aux autres pays (à peine 1% du PIB de l UE). La conséquence est alors évidente : chaque pays de l Union européenne définit ses propres priorités budgétaires, et chacune de ces priorités peut être contradictoire avec les autres : la politique européenne manque alors cruellement de cohérence dans les choix, d où des décalages conjoncturels fâcheux!

Le paradoxe est frappant : l Union européenne est la zone où la dépense publique en % du PIB est la plus importante (presque 51% du PIB) et en même temps la zone où la dépense collective est la plus faible. Ceci a trois conséquences : - des gaspillages de finances publiques : au lieu de mutualiser des dépenses et des projets, l Union européenne les additionne, et parfois en triple : projets pour deux pays plus projet européen. C est un peu l exemple de la politique agricole commune fort chère pour des résultats «décevants». - nous l avons déjà dit : le manque de cohérence dans les choix économiques. Par exemple, en 2008-2009, l Allemagne décide d une politique «austère» alors que la France décide d une politique de soutien à son activité. Conséquence en termes de croissance : en 2008-2009, la France qui essayait de soutenir sa croissance voyait se fermer le marché allemand, et aujourd hui, c est le marché français qui est peu dynamique.

- mais surtout, l Union européenne se prive d un instrument de croissance économique, ou tout simplement de politique économique : si l Union européenne avait à sa disposition le même budget en % du PIB que celui des États-unis, elle disposerait d un budget de pratiquement 4000 milliards soit plus du double du PIB de la France. On peut donc imaginer ce que pourrait faire l Union européenne en matière de choix et d orientation avec une telle somme, et en particulier en matière de croissance économique. Ce problème budgétaire est d autant plus important que l Union européenne ne se contente pas d avoir un budget de misère : ses choix budgétaires sont en même temps très contestables et beaucoup, en particulier les britanniques, les allemands et les pays d Europe du nord souhaitent les réviser. 2 Redéfinir les choix budgétaires Globalement, le budget européen est trop peu centré sur l avenir.

L Union européenne consacre donc 42% de son budget à la ruralité et à l agriculture soit 59.43 milliards, alors que la population active agricole ne représente dans toute l Union européenne que 11.7 millions de personne (principalement concentrées dans 4 pays : Roumanie, Grèce, Bulgarie et Pologne,) soit 5.2% des actifs de l Union européenne. D où la revendication de beaucoup de pays : diminuer sensiblement la part réservée à l agriculture, voire renationaliser la politique agricole, et développer les dépenses d avenir et de croissance, en particulier dans la recherche et le développement. Mais ceci posera alors le problème de la coexistence des intérêts nationaux et européens. De même le secteur agricole ne représente que 1.2% du PIB de l Union européenne (chiffres Eurostat 2007). Par contre l Union européenne ne consacre que 45% de son budget aux dépenses de croissance, de compétitivité et d emploi, soit 63.6 milliards, ce qui est ridiculement faible.

On voit donc se dessiner ici deux Europes : l Europe du nord où la part de l agriculture est marginale et qui souhaite se tourner vers les dépenses d avenir et l Europe du Sud qui souhaite elle conserver un budget européen conséquent. La France est dans une position intermédiaire : en termes de production, elle est la 1 puissance agricole (mais seulement la 3 exportatrice). Mais l agriculture ne représente plus que 1.5% de son PIB et à peine 3% de sa population Mais le budget européen lui restitue 24% des dépenses agricoles, ce qui est le «record européen». Difficile d y renoncer. 3 Assouplir la politique économique? Une autre proposition pour la croissance économique serait d adopter une politique économique plus «offensive», c est-à-dire moins tournée vers la stabilité financière, la défense de la monnaie et l équilibre budgétaire et plus vers le pouvoir d achat, l emploi et la croissance.

Il existe trois instruments traditionnels pour mener une politique économique : - le pouvoir d achat et la demande intérieure : il s agit d inciter les ménages à la consommation pour en retour inciter les entreprises à la production et à l investissement. On aurait alors un cercle vertueux : plus de consommation, plus de production, plus d emplois donc plus de consommation Mais ici également l Europe semble agir en ordre dispersé : le principal marché européen, l Allemagne est resté très stable en l espace de 10 ans. Sa demande intérieure n a augmenté que de 9% en volume depuis 1999, d où des demandes répétées pour que l Allemagne se montre moins «rigoureuse». A l inverse, la France a surtout joué sur cette demande intérieure qui a augmenté de 26%, mais au détriment de ses comptes extérieurs. Les autres pays ont subi le contre coup de la crise de 2009

Là également, une certaine harmonisation européenne serait donc nécessaire, mais dans quel sens? Mais ceci ne s est pas produit et l Europe doit aujourd hui mener des politiques de rigueur dans le cadre d une faible croissance. - les budgets des différents États ont également une influence, et le problème est qu ils vont tous désormais dans le sens de la rigueur, ce qui sera assez peu profitable, dans l avenir, à la croissance économique. Certains économistes évoquent même le risque d une reprise étouffée par ces politiques de rigueur. Mais l Europe peut-elle se dispenser de ce type de politique, vu ses déficits et ses dettes? Nous sommes alors devant une contradiction supplémentaire : les déficits et les dettes auraient du «booster» la croissance économique, ce qui aurait alors permis de mener une politique plus rigoureuse ensuite.

- pour soutenir la croissance économique, il y a également l arme monétaire : quand les taux d intérêts diminuent, les ménages sont incités à consommer et les entreprises à investir. A l inverse, une augmentation des taux d intérêts décourage la consommation et l investissement, et donc la croissance. On reproche alors souvent à la Banque centrale européenne d avoir freiné la croissance par des taux d intérêts trop élevés, ce qui aurait également favorisé un «euro fort» défavorable aux exportations. Ce reproche est discutable : les taux d intérêts de la BCE n ont pas été significativement plus élevés que ceux de la banque d Angleterre ou de la Banque centrale des Etats-Unis. De plus, les taux directeurs sont désormais quasiment à zéro en termes réels. Il n est guère envisageable qu ils puissent baisser encore. L arme des taux ne semble donc pas avoir beaucoup d influence sur la croissance économique.

Conclusion : pour une autre croissance? L Union européenne semble donc s être engagée dans une voie économique discutable : l union économique et monétaire provoque des contraintes réglementaires qui fragilisent la croissance et en même temps l Union européenne n a pas su ou pu mettre en place des instruments collectifs de croissance économique. Comment l Union européenne peut-elle alors retrouver les chemins de la croissance économique? Une solution apparaît de plus en plus : par son modèle culturel et social, l Europe semble être la seule actuellement à pouvoir proposer un modèle de croissance à la fois respectueux de l environnement et des droits sociaux. La croissance «verte» n est sans doute pas qu un mot, et ni la Chine, ni les Etats-Unis ne semblent pouvoir l impulser. Il reste alors à l Europe d être à la pointe de ce type de croissance.