ETUDE EXPERIMENTALE DE LA PERMEABILITE AUX GAZ D UN BETON A BASE DE CIMENT RESISTANT AUX SULFATES DANS UN MILIEU AGRESSIF ZAIDI Narimane *, ZEDIRA Hamma *, TALAH Aissa **, BEZZAZI Boudjema *** BENBOURAS Mohammed Amin * * Laboratoire de structure, Faculté des sciences et de la technologie, université Abbas Laghrour, 40000, Khenchla. ** Laboratoire bâti dans l environnement, Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumedienne, 16042, Alger. *** URMPE, Unité Recherche Matériaux, Procédés et Environnement, université M Hamed Bougara, 35000, Boumerdès. 1. RESUME La perméabilité aux gaz des bétons est considérée comme un indicateur majeur de la durabilité des ouvrages en béton armé, car elle régit la pénétration d agents agressifs gazeux, comme le dioxyde de carbone ainsi que le transfert de vapeur d eau liée au séchage du matériau. Cet article présente une étude expérimentale de la perméabilité aux gaz d un béton ordinaire à base de ciment résistant aux sulfates (CRS) exposé à un milieu agressif pendant 180 jours. Les essais sont effectués sur des échantillons en béton cylindriques creux. Les résultats montrent que les bétons à base de CRS jouent un rôle important dans la durabilité des bétons. Mots clés : béton, perméabilité aux gaz, durabilité, CRS, milieu agressif. 2. INTRODUCTION Le béton est le produit le plus consommé après l eau et le pain. Avec plus de cinq milliards de m 3 produit annuellement dans le monde il dénote l état de développement des pays [1]. Le béton est un matériau durable lorsqu il est bien formulé et correctement mise en œuvre. Toutefois même durci de longue date, c est loin d être un matériau inerte, il travaille et subit l épreuve du temps dans le milieu plus au moins agressif qui l entoure [2]. La durabilité d un béton n est pas une caractéristique en soi, mais plutôt sa réponse aux charges en service et aux conditions environnementales. Ainsi, la durabilité d un béton dépend d une multitude de caractéristiques du matériau, mais aussi de l agressivité de son environnement. Dans un élément en béton exposé à un milieu chimiquement agressif, les agents extérieurs peuvent pénétrer dans sa matrice à travers des fissures et microfissures et, par la suite, réagir avec les hydrates pour diminuer sa capacité portante [3]. Les propriétés de transport du béton influencent la durabilité des structures. La perméabilité du béton représente la capacité du matériau poreux à être traversé par un fluide sous un gradient de pression [4]. En effet, La perméabilité est également un paramètre pouvant influencer directement la durabilité des structures en béton en contrôlant la vitesse de pénétration d agents agressifs [5]. L objectif de cette étude est d évaluer la perméabilité à l oxygène d un béton ordinaire à base de deux types de ciments exposés à un milieu agressif (eau séléniteuse). 3. MATERIAUX et DISPOSITIFS 3.1. Matériaux Deux types de ciments ont été utilisés dans notre formulation du béton : 335
- Le premier est un ciment Portland résistant aux sulfates de classe 42,5 «CPA-CEM I CRS 42,5», c'est un ciment de référence, il contient au moins 97 % de clinker, le reste est composé de constituants secondaires tel que le gypse comme régulateur de prise ; - Le second ciment est un ciment Portland composé optimal de classe 42,5 «CPJ-CEM II/A 42,5 N», il contient de 80 % à 94 % de clinker, le reste est composé d un ou de plusieurs constituants secondaires. Dont les caractéristiques chimiques sont présentées dans le tableau1. Types de Al 2 O 3 CaO SiO 2 Fe 2 O 3 MgO SO 3 K 2 O Na 2 O Cl H ciments CEMI/42.5 4.67 61.83 20.94 4.31 1.91 2.18 0.66 0.33 0.035 0.55 CEMII/42.5 4.99 61.80 18.20 2.78 1.65 2.03 0.68 0.39 0.027 0.42 Tableau 1 : Composition chimique des deux types de ciments. Les granulats utilisés sont des concassés de nature calcaire. Ils sont composés de deux types de sables de classe granulaire 0/1 et 0/4, de masse volumique apparente moyenne de 1,45 g/cm 3 ; et de deux types de graviers de classe granulaire 3/8 et 8/15, de masse volumique apparente moyenne 1,49 g/cm 3. 3.2. Composition des bétons : Les bétons ordinaires étudiés sont couramment utilisés en Algérie et sont formulés selon la méthode de Dreux-Gorisse [6]. Leur composition est choisie au préalable sur la base de critères mécaniques [7]. La même composition a été retenue pour les deux types de ciment (CPJ-CEM II-42,5, CPA-CEM I CRS 42,5). En total, deux bétons ont été fabriqués, les constituants secs du béton sont constants : -dosage en ciment = 400 Kg/m 3 -gravier = 946.62 Kg - sable = 805.5 Kg -rapport E/C constant = 0,48. La caractérisation des bétons frais ordinaires s est limitée aux essais recommandés par l EN 12350,1999 ; étalement au cône d Abrams (NFP 18-451) ; la teneur en air (NF EN 12350-7) ; et la densité fraiche (NF EN 12350-6), qui sont données dans le tableau 2. Types de ciment Slump (cm) Teneur en air (%) Densité fraîche (Kg/m 3 ) Béton1 (CPJ-CEM II-42,5) 22.5 2.8 2420 Béton2 (CPA-CEM I CRS 42,5) 21 3.4 2390 Tableau 2 : Propriétés frais des bétons Des éprouvettes cubiques (15x15) cm et d autres prismatiques (7x7x28) cm en béton ont été fabriquées pour mesurer respectivement la résistance à la compression et la résistance à la flexion. Des éprouvettes cylindriques de (15x30) cm ont été utilisées pour mesurer la perméabilité à l oxygène. Les éprouvettes réalisées ont été conservées dans un milieu agressif contenant 5% de sulfate de calcium (CaSO 4,2H 2 O). 3.3. Dispositif de mesure de la perméabilité à l oxygène : Les éprouvettes sont d abord séchées dans une étuve à 105 C jusqu à stabilisation de la masse pendant 48 heures. Le dispositif de mesure de la perméabilité est de type TALAH [8] (figure 1). Les éprouvettes testées sont protégées latéralement et confinées verticalement, ce qui assure un écoulement radial unidirectionnel de l oxygène. Pour chaque éprouvette, il convient de procéder à trois pressions absolues : 2,3 et 4 bars. 336
Figure 1 : Dispositif de mesure de la perméabilité La détermination de la perméabilité intrinsèque K int (m 2 ) est évaluée à partir de la mesure de l évolution de la perméabilité apparente K a (m 2 ) en fonction de l inverse de la pression moyenne donnée par l équation 1. ( ) (1) Où Q est le débit volumique à l entrée (cm 3 s -1 ), µ la viscosité dynamique de l oxygène à 20 C±2 C égale à 2,02.10 5 Pa, P est la pression absolue à l entrée (bar), P atm la pression atmosphérique (bar), L représente l épaisseur de l échantillon (m) et A la section (m²). Pour obtenir la valeur de la perméabilité intrinsèque K int qui ne correspond qu à l écoulement visqueux du fluide percolant, nous avons utilisé l approche de Klinkenberg [9] qui détermine la perméabilité intrinsèque à partir d une régression linéaire des différentes mesures de perméabilité apparentes effectuées pour différentes pressions d injection selon l inverse de la pression moyenne (moyenne entre la pression atmosphérique et la pression d admission du gaz) [10]. La perméabilité intrinsèque K int est la valeur limite de la perméabilité apparente lorsque la pression moyenne du fluide tend vers l infini, c est-à-dire lorsque le gaz tend vers une phase condensée (liquide) [11]. Elle est définit comme suit : ( ) avec (2,3) Avec β le coefficient de Klinkenberg, P 0 est la pression atmosphérique et β.k int est la pente de la droite de klinkenberg. 4. RESULTATS et DISCUSSIONS Dans tout ce qui suit la légende suivante a été adoptée : - BR1 : Béton de référence à base de CPJ-CEM II-42.5 dans l eau potable. - BCRS1 : Béton à base de CPA-CEM I CRS 42,5 dans l eau potable. - BR2 : Béton de référence à base de CPJ-CEM II-42.5 dans l eau agressive. - BCRS2 : Béton à base de CPA-CEM I CRS 42,5 dans l eau agressive. 4.1. Evolution de la résistance à la compression Les résultats de la résistance à la compression par rapport à l'âge du béton dans les deux milieux sont présentées dans la figure 2. Nous remarquons que les bétons les moins résistants aux expositions sulfatées sont ceux à base de ciment CEM II/A 42,5 (BR2). En effet, à 180 337
jours les bétons les plus performants sont les BCRS, car les ciments hydratés renforcent la structure interne du béton. Figure 2 : évolution de la résistance à la compréssion des bétons 4.2. Evolution de la résistance à la flexion Les résultats de la résistance à la flexion en fonction de l'âge du béton dans les deux milieux sont présentées dans la figure 3. Nous observons que touts les bétons assurent des résultats ordinaires. Cependant, les bétons CRS présentent de meilleures résistances que celles développées par le béton de référence à 90 et 180 jours. Figure 3 : évolution de la résistance à la flexion des bétons 4.3. Perméabilité apparente à l oxygène Les résultats de la perméabilité à l oxygène des bétons à la pression d entrée de 0,3 MPa sont présentés dans la figure 4. A 90 jours, la perméabilité du béton de référence est légèrement supérieure à celle du béton à base de CRS. A 180 jours, une variation considérable est 338
observée. La perméabilité la plus grande est enregistrée pour le béton de référence BR2, avec une augmentation de 50%. En effet, les bétons CRS présentent une meilleure performance en perméabilité à 180 jours, car les hydrates de ce ciment remplient la quasi totalité des vides de la matrice cimentaire, ce qui empêche la pénétration des éléments nocifs dans le béton. Figure 4: détermination de la perméabilité apparente à l oxygène à la pression d entrée de 0,3 MPa 4.4. Détermination de la perméabilité intrinsèque La perméabilité intrinsèque des différents bétons a été déterminée à l aide d une régression linéaire sur trois mesures de perméabilités apparentes. Figure 5 : Evolution de la perméabilité apparente en fonction de l inverse de la pression moyenne BR1 BR2 BCRS1 BCRS2 28 jours 0.7315 0.5080 0.3426 0.6147 90 jours 0.4675 0.3111 0.3218 0.1517 180 jours 0.2434 0.8744 0.0697 0.4274 Tableau 3 : perméabilité intrinsèque des bétons Le tableau 3 regroupe les résultats des mesures de perméabilité intrinsèque des bétons. 339
La figure 5 qui présente la perméabilité apparente en fonction de l inverse de la pression moyenne et illustre clairement la performance des bétons CRS vis-à-vis de l attaque d agents agressifs (les sulfates). Nous pouvons observer que l écart entre les perméabilités intrinsèques obtenues est relativement faible pour les CRS2. La plus grande valeur de la perméabilité intrinsèque réside au niveau du BR2. A court terme (28 jours), les valeurs des perméabilités intrinsèques des bétons sont plus importantes car les grains de ciment ne sont pas complètement hydratés. Les écarts entre les perméabilités mesurées sont significatifs à long terme. Les CRS ont un effet particulier sur les ouvrages exposés aux milieux sulfatés. 5. CONCLUSION Cette étude nous a permit de tirer les observations suivantes : - La résistance à la compression des bétons exposés à un milieu sulfaté reste faible à jeûne âge, mais se développe assez bien à long terme ; - Les bétons les moins résistants aux attaques sulfatées sont ceux à base de ciment CEM II/A 42,5 ; - Les perméabilités intrinsèques mesurées du BCRS1 diminuent considérablement à long terme ; - La valeur de la perméabilité intrinsèque la plus significative est observée au niveau du BR2 ; - Une bonne formulation d un béton ordinaire à base d un ciment résistant aux sulfates (CRS) nous permet de concevoir des ouvrages imperméables à l oxygène. Bibliographie : [1] Pour la science N 244 Revue. Edit française de Scientific American Fev 1998. [2] A.Talah, «contribution à l étude de la corrosion des BHP de pouzzolane en milieu chlorhydrique». Le béton : Durabilité, Solutions et Innovation, 2007. [3] R. Chaid, «étude experimentale de la durabilite des BHP aux ajouts cimentaires locaux» sciences & technologie b n 27, juin (2008), 57-62. [4] Care S., Derkx F., «Determination of relevant parameters influencing gas permeability of mortars». Construction and Building Materials, 25 (2011) 1248-1256. [5] : Wei Chen, «Etude expérimentale de la perméabilité du béton sous conditions thermiques et hydriques variables». Thèse de Doctorat, Ecole Centrale de Lille, 2011. French. [6] : «Nouveau guide du béton et ses constituants», Dreux et Festa, 8ème édition, EYROLLES 1998. [7] Boukli Hacene, M.A., Ghomari, F. «Study of the compression resistance of local Concretes». Twelfth International Colloquium on Structural and Geotechnical Engineering, ICSGE, Cairo, Egypt, 10-12 December 2007, pp.1005-1014. [8] A.Talah; F.Kharchi A Modified Test Procedure to Measure Gas Permeability of Hol Cylinder Concrete Specimens IACSIT International Journal of Engineering and Technology, Vol.5, Feb 2013. [9] Klinkenberg L. J., The permeability of porous media to liquids and gas, in drilling and production practice, American Petroleum Institute, New York, pp 200-213, 1941. [10] D.Perraton, La perméabilité aux gaz des bétons hydrauliques, Thèse de l INSA de Toulouse, décembre 1992. [11] Rozière E., «Etude de la durabilité par une approche performantielle», Thèse de l Ecole Centrale de Nantes, Novembre 2007. 340