PSYCHOLOGIE CLINIQUE



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PLAN DU COURS DE 2 ème ANNÉE Chapitre 1 : L ÉCONOMIE PSYCHIQUE I LES MÉCANISMES DE DÉFENSE II NORMAL ET PATHOLOGIQUE III NOTION DE STRUCTURE IV NOTION DE CARACTÈRE V NOTION DE DÉCOMPENSATION VI CINQ DOMAINES DE L ÉCONOMIE PSYCHIQUE POUR DÉFINIR LE CONCEPT DE STRUCTURE ---------- Chapitre 2 : L'ÉXAMEN PSYCHOLOGIQUE I L'ÉXAMEN PSYCHOLOGIQUE II L'ENTRETIEN CLINIQUE III LE QUOTIENT INTELLECTUEL IV LES TESTS PROJECTIFS ou de PERSONNALITE ---------- Chapitre 3 : LES INFLUENCES PRECOCES : LES EFFETS A LONG TERME DE LA PREMIERE ENFANCE I INTRODUCTION II LA PERSONNALITE : UN CARREFOUR A CINQ VOIES PRINCIPALES III CONCLUSION ---------- Chapitre 4 : L ADOLESCENCE I INTRODUCTION : APPROCHE DE L ADOLESCENCE NORMALE II LE POINT DE VUE PSYCHANALYTIQUE III RISQUES SPÉCIFIQUES DE L ADOLESCENCE IV CONCLUSION V. ANNEXES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET RECOMMANDATIONS ---------- Chapitre 5 : PSYCHOLOGIE SOCIALE 1. INTRODUCTION 2. LES INFLUENCES SOCIALES 3. LES FORMES DE L'INFLUENCE SOCIALE 4. LES THEORIES DE LA CROYANCE SOCIALE 5. LES MODALITES DE LA PERCEPTION SOCIALE : PREJUGES ET STEREOTYPES 6. UN PROCESSUS DE COMMUNICATION SOCIALE : LA RUMEUR 7 LE GROUPE ET L INCONSCIENT SOCIODRAME ET PSYCHODRAME 8 RESUMÉ SUR L INFLUENCE SOCIALE ---------- 2

Chapitre 1 L ÉCONOMIE PSYCHIQUE I Les mécanismes de défense II Normal et pathologique III Notion de structure IV Notion de caractère V Notion de décompensation VI Cinq domaines de l économie psychique pour définir le concept de structure I LES MÉCANISMES DE DEFENSE 1 Introduction 1.1 Définitions Freud en parle dès 1893 et ce concept se retrouve dans «Métapsychologie» (1917). Le mécanisme de défense est un processus psychologique inconscient qui vient en aide au Moi dans sa lutte contre le déplaisir, la souffrance ou l angoisse, contre des affects et des représentations pénibles ou insupportables. (Ionescu) Ce concept est utilisé dans la psychologie normale, la psychopathologie et dans les tests projectifs. Les mécanismes de défense agissent sous forme de processus défensifs, et sont des opérations qui visent à préserver le Moi, pour le construire, l organiser, et aussi le délivrer des pulsions trop agressives du Ça ou des interventions trop répressives du Surmoi. Nous pouvons aussi les définir autrement comme une mise en jeu pour éviter les agressions des pulsions (sexuelles) internes dont la satisfaction s avère conflictuelle et pour neutraliser l angoisse qui en découle. La finalité est donc de réduire un conflit intrapsychique. 1.2 Notions de défense et leur rapport à l angoisse Problème des défenses par J. BERGERET Anna Freud présente la défense comme une activité du Moi destinée à protéger le sujet contre une trop grande exigence pulsionnelle. Bien sûr, les défenses habituellement décrites apparaissent sous forme de comportements psychopathologiques quand il existe un conflit aigu entre les différentes instances de la personnalité psychique (Ça, Moi, Idéal du Moi, Surmoi) ou entre certaines de ces instances et la réalité. Mais nombre de défenses courantes sont utilisées aussi de façon permanente et banale en donnant naissance aux «traits de caractères» des personnalités non morbides. Les «mécanismes de défense du Moi» ne bénéficient pas, en général, d'une bonne réputation. On les considère trop vite sous leur seul aspect conflictuel, voire pathologique alors que tout le côté adaptatif de leurs fonctions se trouve passé sous silence. Un sujet n'est jamais malade «parce qu'il a des défenses» mais parce que les défenses qu'il utilise habituellement s'avèrent comme soit inefficaces, soit trop rigides, soit mal adaptées aux réalités internes et externes, soit trop exclusivement d'un même type et que le fonctionnement mental se voit ainsi entravé dans sa souplesse, son harmonie, son adaptation. D'autre part on confond souvent les défenses du Moi (utilisées pathologiquement ou non) avec les «résistances», notions qui ne concernent que les défenses employées dans le transfert (et 3

dans la cure psychanalytique en particulier) par un sujet qui se défend spécifiquement contre le contact thérapeutique et les prises de conscience des différents aspects de ce contact, en particulier dans le jeu des associations d'idées qui se trouve ainsi entravé de manière à diminuer l'angoisse relationnelle. E. Bibring et D. Lagache distinguent d'un côté les mécanismes de défense, automatiques, inconscients, sous la dépendance des processus primaires et dont le but demeure la réduction de la tension pulsionnelle et de l'angoisse qui en résulte, et d'un autre côté les mécanismes de dégagement régis par les processus secondaires (principe de réalité) visant aux aménagements des conditions internes du sujet en fonction d'une adaptation souple aux conditions externes et ne nécessitant pas un évitement quelconque de cette situation :par exemple le travail du deuil ou la familiarisation avec la situation anxiogène, autrement dit son intégration et son contrôle. Il serait par ailleurs sans doute fâcheux de réduire le rôle des mécanismes de défense aux seules dimensions du classique «conflit névrotique» : quand il s'agit en effet d'organisations de mode névrotique, génital et œdipien, le conflit se situe évidemment entre les pulsions sexuelles et leurs interdictions (introjectées dans le Surmoi). L'angoisse est alors l'angoisse de castration et les défenses tendent à diminuer cette angoisse, soit en facilitant la régression à l'égard de la libido, soit en aménageant des exutoires régressifs, par exemple auto-, ou alloagressifs. Par contre dans les organisations psychotiques toute une partie prédominante du conflit profond se joue avec la réalité. L'angoisse est une angoisse de morcellement soit par crainte d'un impact trop violent de la part de la réalité, soit par crainte au contraire de la perte du contact avec cette même réalité. Les défenses contre une telle angoisse demeurent tant qu'il est possible du mode névrotique; mais ceci ne suffit souvent pas et apparaissent alors les défenses propres au système psychotique : autisme (essai de reconstitution du narcissisme primitif avec son circuit fermé) déni de la réalité (en tout ou partie) nécessitant parfois la reconstruction d'une néoréalité, l'ensemble de ces démarches conduisant à la classique position délirante. Dans tout le groupe des états limites enfin, le conflit se situe entre la pression des pulsions prégénitales sadiques orales et anales dirigées contre l'objet frustrant et l'immense besoin idéal que l'objet répare cette blessure narcissique par une action extérieure gratifiante permettant enfin d'aborder l'œdipe dans de bien meilleures conditions d'équipement affectif. L'angoisse qui en découle est l'angoisse de perte d'objet, c'est-à-dire l'angoisse de dépression. Les défenses seront donc essentiellement centrées sur les moyens d'éviter cette perte et conduisent à un double manichéisme : clivage interne entre ce qui est bon (Idéal du Moi) et mauvais (immédiatement projeté vers l'extérieur) et clivage externe (entre gentils et méchants). A ceci s'ajoute une habile tartufferie pulsionnelle inversée : défense contre le prégénital gênant par des éléments pseudo-génitaux de couverture et de façade. On assiste à un essai de pansement de la blessure narcissique archaïque par un narcissisme secondaire en circuit ouvert, avide, mais impuissant à colmater le manque narcissique fondamental... Ce rapide tour d'horizon doit nous permettre de mieux comprendre le rôle réel et relatif des défenses dites «névrotiques», les plus évidentes et les mieux décrites, mais qui ne signent pas pour autant dans tout contexte structurel un mode d'organisation authentiquement névrotique, génital et œdipien. Il est classique de considérer que le refoulement entre en jeu de façon spectaculaire dans les névroses en général et l'hystérie en particulier : la régression anale, les formations réactionnelles et l'isolation dans la névrose obsessionnelle, la projection dans la paranoïa, l'introjection dans la mélancolie; dans la schizophrénie la régression tend vers l'état fusionnel initial; chez les états limites (et nombre de phobiques qui s'y attachent) le clivage des imagos permet autant les évitements que les surinvestissements compensateurs et idéalisés. 4

L'ordre dans lequel sont présentées les opérations défensives que nous décrirons ici tiendra compte avant tout des ressemblances de terminologie pouvant entraîner des confusions (comme les «faux amis» dans le vocabulaire anglais). Ceci nous permettra de mieux préciser en quoi ces processus diffèrent sur le plan économique et profond alors que certains aspects extérieurs semblent les rapprocher. 2 Les différentes défenses Les mécanismes de défense ont différentes fonctions : Ils servent : - tout d abord au développement du moi dans la petite enfance - puis le moi du sujet va les utiliser inconsciemment afin de concilier ses exigences internes (pulsionnelles) et les exigences externes (sociales) en vue de son adaptation. Elles sont donc en jeu de manière dynamique et normale chez tout individu. Certaines défenses seront utilisées de façon privilégiée selon la structure de chacun s exprimant dans ses traits de caractères. Les mécanismes de défense sont mobilisés différemment selon les variation de l état du Moi, du normal au pathologique : - En cas de décompensation, les défenses habituelles sont alors débordées, insuffisamment efficaces, et le moi va mobiliser particulièrement parmi les défenses dont il dispose, celles qui seront les plus efficaces à contenir l angoisse liée aux affects déplaisants. L utilisation de défenses plus archaïques peut être nécessaire et s accompagne alors d une régression psychique aux stades antérieurs correspondants. - Les défenses peuvent donc passer d un état normal à pathologique, selon leur efficacité et la manière dont elles sont mobilisées. Plus les défenses sont riches variées souples et efficaces, plus elles sont au service d un Moi normal. Plus elles seront univoques pauvres inefficaces, plus elles seront spécifiques d une pathologie. Les défenses agissent dans un ensemble d opérations défensives, il est donc parfois artificiel de les distinguer. - En simplifiant on peu presque dire que les mécanismes de défenses contre les névroses sont présentes dans les psychoses, mais inefficaces, et les mécanismes de défenses contre les psychoses sont présentes dans les névroses, mais inutiles. - Certains mécanismes ont une place à part comme la sublimation qui ne sera pas pathologique, ou l introjection et la projection qui ont plusieurs niveaux différents du normal au pathologique, ou même la régression qui peut être considérée comme un mécanisme de défense. - La liste qui suit bien qu assez complète n est pas exhaustive, d autres mécanismes de défenses peuvent être rencontrés, proches de ceux-ci. Ils sont cependant nuancés et rattachés aux théories des différents auteurs. Certaines attributions aux structures peuvent aussi un peu varier selon les auteurs. A Principaux mécanismes de défenses plus caractéristiques des névroses : a) Plus utilisés dans l hystérie : Le refoulement qui est le prototype des mécanismes de défense et le plus typique des névroses. Ses satellites sont l isolation, le déplacement, la condensation, l évitement, la dénégation. L identification La formation substitutive (le contre-investissement) b) Plus utilisés dans la névrose obsessionnelle : La formation réactionnelle (le contre-investissement) 5

La rationalisation et l intellectualisation L isolation L annulation (rétroactive) (dans les N. O. graves, proches plutôt défensives contre une psychose) c) Plus utilisé dans les névroses phobiques : Le déplacement (le contre-investissement dans l objet contra phobique) L évitement B Les Etats limites utiliseront plus les mécanismes : De retournement sur soi (le renversement dans le contraire) De clivage de l objet De déni (perversions) D idéalisation D identification projective (voir aussi psychose) C Les mécanismes de défense les plus utilisés dans les psychoses : La projection (paranoïa) L identification à l agresseur L introjection (P.M.D., deuil et mélancolie) Le dédoublement du moi L identification adhésive (Autisme) L annulation Le déni La forclusion Le contrôle omnipotent de l objet Le démantèlement L identification projective 3 En conclusion, pour procéder à une rapide revue des principaux mécanismes de défense sans se limiter à une simple énumération de processus épars, on peut considérer de façon économique et génétique qu'il existe à la fois une constante articulation de nombreuses défenses entre elles et à la fois aussi une hiérarchisation à différents degrés des principales défenses : le refoulement constitue incontestablement la défense principale d'une part parce que c'est la plus élaborée génitalement, d'autre part parce qu'elle revêt dans l'économie des différentes organisations une place quantitative primordiale, même dans les états non névrotiques. Le refoulement possède un réseau de défenses accessoires et satellites comme l'isolement, le déplacement, la condensation, l'évitement. Un autre groupe de mécanismes de défense correspond à des mesures plus radicales, plus archaïques que le refoulement et sortent nettement de l'orbite névrotique et essentiellement génitale; ce sont principalement le dédoublement du Moi et le dédoublement des imagos avec leurs satellites d'annulation, de dénégation, de déni, de forclusion, d'identification projective, d'identification à l'agresseur. La projection et l'introjection conservent une place à part en raison de leur relation avec la dialectique identificatoire du Moi et du non-moi. Enfin la sublimation ne peut être classée que de façon isolée étant donné ses caractères tout à fait particuliers. Tout ceci nous montre l'aspect vivant, la richesse et la variété des défenses possibles chez un même sujet. Ce sujet ne pourra en définitive être considéré comme «malade» à cause de la 6

seule présence de tel ou tel mécanisme à réputation sévère si d'autres mécanismes jouent plus librement à côté. La pathologie demeure essentiellement le fait du manque de diversité, de souplesse, de subtilité et d'efficacité des différents mécanismes habituels de défense d'un individu. Le sujet «normal» est celui qui possède de «bonnes» défenses, c'est-à-dire assez diversifiées et assez souples pour permettre un jeu pulsionnel suffisant n'opprimant pas le Ça et tenant compte de la réalité sans inquiéter le Surmoi tout en permettant au Moi de s'enrichir constamment dans une relation aux autres suffisamment mature pour autoriser les échanges et les satisfactions à un niveau d'élaboration authentiquement génital. Bien sûr cet être «normal» ne peut être idéalisé sans failles : tout mouvement régressif, obligatoire et bien banal dans ce qui reste «humain», doit automatiquement être corrigé par une mise en action momentanée plus précise de telle ou telle défense, si possible pas trop coûteuse mais assez efficace pour revenir au plus tôt à l'état d'équilibre et de réalisme décrit plus haut qui ne saurait être considéré comme statique de façon utopique ou inquiétante mais correspondre à un axe moyen autour duquel le Moi normal ne peut cesser d'osciller pour s'enrichir mais aller au-devant, du même coup aussi, de nombre d'incidents plus ou moins sérieux de parcours qui demeurent les risques de son destin. 7

II NOTION DE NORMAL ET DE PATHOLOGIQUE 1 Définition de la normalité Dans le domaine de la santé mentale, on peut envisager cette notion en dehors de données idéologiques, éthiques et culturelles. De plus elle renvoie à d autres concepts complexes comme la santé et la maladie. Ionescu fait l inventaire des différentes conceptions du normal. -Le normal comme concept statistique. -Le normal comme norme sociale, où plus une société est conformiste plus la moyenne est un idéal. -La normalité comme idéal suppose qu il existe une continuité entre normal et pathologique : I I I I ( _) Psychose sévère psychoses légères névroses personnes adaptées normalité idéale Mais le relativisme culturel fait qu un individu considéré comme anormal dans une culture sera tout à fait normal dans une autre (comme le fait de manger des verres de terre des grillons ou des insectes par ex.) -La normalité comme absence de maladie oppose santé et pathologie. Or, ce qui est anormal n est pas forcément pathologique et vice versa : En psychopathologie de l enfant, il y a des manifestations pathologiques normales (les phobies de la petite enfance), chez l adolescent aussi. Leur absence est alors inquiétante. Certains enfants peuvent être pathologiquement normaux (certaines hyper maturités ou les névroses des enfants «sages»). 2 Définition du pathologique (selon Ionescu) -C est ce qui concerne, manifeste, constitue un état de maladie, avec une connotation de déchéance. -Le terme de maladie renvoie au modèle médical et suppose une cause et une origine. L étiologie étant souvent inconnue en psychopathologie, le terme de trouble mental est de plus en plus utilisé. -Les critères pour définir la pathologie : a) La notion de déviance sociale. Elle renvoie à la manière dont autrui perçoit la personne présentant les troubles. Ce critère est à rapprocher du critère de bizarrerie ainsi que du mauvais contact avec la réalité souvent évoqué par l entourage. b) La souffrance : c est l élément subjectif d inconfort évoqué par la personne concernée. c) L inefficacité : intellectuelle, sociale, conséquence des troubles du sujet, constitue un handicap psychologique. d) Le comportement inadapté : L évitement des conflits et des problèmes plutôt que leur confrontation pour les résoudre, maintien dans la frustration, la souffrance et le stress. e) Le comportement destructeur : Il ne peut y avoir de définition univoque du normal et du pathologique : Pour Winnicott, la santé n est pas l absence de maladie. Certains individus ont potentiellement une mauvaise santé mais s en sortent. La santé inclut la maladie chez ceux qui peuvent y remédier et trouver des solutions (voir le faux self). 3 Notion de normalité par J. BERGERET 8

En médecine somatique, il a souvent été débattu du «normal» et du «pathologique», G. Canguilhem a consacré une étude à la recherche des variations de l'homogénéité et de la continuité au niveau de ces deux notions; il a conclu dans la maladie à la réduction de la marge de tolérance au milieu; pour lui l'homme «normal» est celui qui reste adapté à son milieu. Cette conception semble pouvoir être reprise en psychopathologie. Avant les travaux de S. Freud, les psychiatres considéraient d'une part les gens dits «normaux», et d'autre part les «malades mentaux» qui groupaient globalement, malgré toutes les distinctions admises, les névrotiques et les psychotiques au milieu d'autres entités moins nettement définies. Les publications de S. Freud et de son école ont porté essentiellement sur le complexe d'œdipe et les névroses et ont démontré qu'il n'existait aucun fossé fondamental entre l'individu réputé normal et le névrosé quant aux grandes lignes de la structure profonde. On a donc eu tendance par la suite à ranger d'un même côté les gens «sains» et les névrosés (c'est-à-dire les sujets chez lesquels la personnalité s'organise autour du complexe d'œdipe et sous le primat du génital) et d'un autre côté ceux pour lesquels le complexe d'œdipe ne se trouve pas en position d'organisateur et pour lesquels l'économie génitale n'est pas l'essentiel. Mais les recherches contemporaines ont étendu peu à peu le champ d'application des découvertes freudiennes au domaine des psychoses et il est devenu de plus en plus évident qu'il existait tout autant de termes de passage entre psychose et une certaine forme de «normalité» qu'entre névrose et une autre forme de «normalité». Il est amplement démontré par l'observation quotidienne qu'une personnalité réputée «normale» peut entrer à tout moment de l'existence dans la pathologie mentale, y compris la psychose, et qu'inversement un malade mental, même psychotique, bien et précocément traité, conserve toutes ses chances de revenir à une situation de «normalité». Si bien qu'on n'ose plus guère opposer maintenant de façon trop simpliste les gens «normaux» aux «malades mentaux» quand on considère leur structure profonde, au lieu de s'arrêter à des manifestations extérieures qui correspondent à l'état (momentané ou prolongé) dans lequel se trouve leur structure et non pas un changement de cette structure elle-même. Les psychopathologues se montrent plus prudents et plus nuancés dans leurs distinctions et tendent à définir une conception de la «normalité» indépendante de la notion de structure. Ils se rapprochent ainsi de l'opinion fort sage de l'homme de la rue qui estime que n'importe quel humain se trouve dans un «état normal», quels que soient ses problèmes profonds, quand il arrive à s'arranger avec ceux-là et s'adapter à lui-même comme aux autres, sans se paralyser intérieurement dans ses conflits obligatoires, ni se faire rejeter (hôpital, asile, prison, etc.) par les autres, malgré les inévitables divergences encourues dans les relations avec eux. Le bien-portant ainsi défini ne serait surtout pas un malade qui s'ignore mais un sujet portant en lui suffisamment de fixations conflictuelles pour être aussi malade que bien des gens, mais qui n'aurait pas rencontré sur sa route des difficultés internes et externes supérieures à son équipement affectif héréditaire et acquis, à ses facultés personnelles défensives et adaptatives et qui se permettrait un jeu assez souple de ses besoins pulsionnels, de ses processus primaire et secondaire, sur les plans tout aussi personnels que sociaux, en tenant un juste compte de la réalité. Cependant pour ne pas demeurer sur un plan trop théorique sinon idyllique, il y aurait lieu de distinguer les personnalités «normales» des personnalités «pseudo-normales». Les premières correspondent à des structures profondes, névrotiques ou même psychotiques, non décompensées (et qui ne le seront peut-être jamais), structures stables et définitives en soi qui se défendent contre la décompensation par une adaptation à leur originalité, ce qui colore d'ailleurs de «traits de caractère» leurs différents comportements relationnels. 9

Les «personnalités pseudo-normales» au contraire, ne correspondent justement pas à une structure profonde stable et définitive, de mode névrotique ou psychotique par exemple. Elles ne sont pas tellement structurées dans un sens ou dans l'autre et sont constituées, de façon parfois durable mais toujours précaire, par des aménagements divers, pas tellement originaux, qui les contraignent, afin de ne pas se décompenser dans la dépression, «à jouer aux gens normaux»; souvent même davantage à «l'hypernormal» qu'à l'original. C'est en quelque sorte un besoin protecteur d'hypomanie permanente. Nous en reparlerons à propos des états limites et des névroses de caractère en particulier. Mais le bon sens détecte facilement, dans des circonstances sociologiques diverses, ces «leaders exceptionnels» (auxquels tant d'autres déçus narcissiques s'agrippent) qui luttent simplement avec fougue contre leur immaturité structurelle et leurs frustrations, voulant éviter à tout prix une dépression dont le danger n'est pas écarté pour autant à tout jamais ni à tout coup. Et combien de «petits génies» se comportent de la même façon dans leur famille, leur quartier, leur milieu de vie ou de travail. Nous risquons d'arriver ainsi à une conception doublement ambiguë de la notion de normalité. Aussi nous paraît-il plus raisonnable de prendre un recul supplémentaire par rapport à ce concept et de nous limiter à considérer le résultat fonctionnel global pour nous référer à l'appellation de «bien portant» quelle que soit la forme de bonne adaptation à une «normalité» ou à une «pseudo-normalité», telles que nous avons cherché à les préciser et à les définir. BIBLIOGRAPHIE Bergeret (J.). - Personnalité normale et pathologique. 1974, Dunod, Paris. Cahcumeem (G.). - Le normal et le pathologique. 1966, P.U.F., Paris, 226 p. DIATKINE (R.). - Du normal et du pathologique dans l'évolution mentale de l'enfant. In Psychiatr. Enfant. 1967, n 1, pp. 1-42. Minkowski (E.). - A la recherche de la norme en psychopathologie. In Evol. Psychiatr., 1938, n 1. 10

III NOTION DE STRUCTURE PAR J. BERGERET On ne peut raisonnablement définir un tableau clinique particulier sans se référer à une conception claire et précise de l'organisation économique profonde du patient sur le plan psychique et sans se référer aussi à des repères structuraux connus pour leur stabilité. C'est ainsi seulement qu'il devient possible de se faire une idée de la façon selon laquelle le psychisme du malade est organisé et doit, en conséquence, se trouver à la fois compris et traité. Une certaine confusion n'a cessé de régner au cours des dernières décennies sur les sens donnés aux qualificatifs de «névrotique» ou de «psychotique» : On parle trop souvent de symptôme «psychotique» en pensant au délire ou à l'hallucination ou de symptôme «névrotique» en pensant à la conversion hystérique, au rituel obsessionnel ou au comportement phobique. Il y a là d'abord un risque d'erreur de diagnostic : un épisode délirant peut se rencontrer en dehors de toute structure psychotique; une phobie n'est pas toujours (et même assez rarement) d'étiologie névrotique, etc. Ensuite, et surtout le symptôme présenté ne doit être considéré que selon sa valeur relative, relationnelle et économique, dans le jeu des défenses par exemple. Il paraît prudent, tant qu'on ne se trouve pas certain d'un diagnostic structurel profond, de se contenter, dans un premier temps, d'employer des formules d'attente assez souples comme, par exemple, symptôme «d'allure névrotique» ou symptôme «d'allure psychotique» de manière à bien manifester notre réserve et notre souci de recherche, avec davantage d'exigences, du mode d'organisation économique profonde envisagé. Ceci n'a rien à voir avec un stérile besoin de classification rassurante mais commande au contraire une meilleure compréhension des processus psychiques déterminant l'attitude réelle du malade à son propre égard et à l'égard des autres, et du même coup sa relation au thérapeute telle que nous devrons la concevoir, la subir et l'utiliser. La même confusion semble jouer au niveau des défenses. Il n'est pas rare en effet de rencontrer des défenses de type dit «névrotique» (y compris des symptômes) dans le système de protection des structures psychotiques vraies contre la menace d'éclatement; ou inversement de reconnaître des défenses de type «psychotique» (y compris des symptômes) dans le camouflage de l'origine œdipienne des conflits au sein d'une véritable structure névrotique, ou tout simplement à l'occasion de la «déstructuration» aiguë et passagère (traumatique ou même thérapeutique) de n'importe quelle organisation. Il semble préférable de parler dans tous ces cas de défenses «de mode névrotique» ou «de mode psychotique» de manière à ne pas anticiper fâcheusement et faussement sur le diagnostic structurel authentique. Une autre confusion touche à la chronologie, à l'étiologie, au moment de l'histoire du patient où nous allons employer les termes de «névrotique» ou de «psychotique», en fonction de la signification historique et économique de l'épisode présenté. Ce qu'on connaît du contexte habituel à certains mécanismes de défense, ou bien ce qu'on sait du sens courant donné à un certain niveau régressif du Moi ou de la libido nous conduit parfois à parler trop vite de «structure névrotique» ou de «structure psychotique», ou plus simplement de «névrose» ou «psychose», dès qu'on rencontre un épisode au cours duquel émergent de tels mécanismes ou de telles régressions. On anticipe de la sorte dangereusement sur la notion de structure en qualifiant déjà de «névrotique» ou de «psychotique» un état momentané de l'évolution (ou de la révolution) d'une personnalité, état encore bien inconsistant et bien incertain, au cours duquel le Moi n'a 11

pas encore entièrement achevé sa maturation, établi solidement sa complétude et ses limites, ni fait un choix non plus de façon définitive parmi les mécanismes de défense auxquels on aura recours par prédilection pour commander sa relation d'objet intérieure. A l'extrême, l'erreur et surtout la précipitation que nous dénonçons conduit à désigner en terme de «structures» une indifférenciation somato-psychique plus ou moins partielle et encore mal dépassée. Un tel emploi de termes se référant à un mode d'organisation ultérieur et non atteint, plus élaboré et beaucoup plus fixé, constitue pour le moins une anticipation (et souvent une erreur de pronostic) susceptible de créer un certain nombre de confusions relationnelles, sociales et thérapeutiques. Quand une étiquette, parfois redoutable, a été placée à la tête de tel lit, il est par la suite difficile au patient d'échapper au rôle que tout le système médical, social ou éducatif lui a proposé. S'il s'y oppose, par son comportement ou une évolution non conforme aux prévisions, on risque de prendre sa légitime protestation pour une agressivité qu'on supporte mal narcissiquement et qu'on se sent conduit à réprimer. Ce cas est courant chez les enfants ou les adolescents présentant des signes extérieurs pouvant évoquer la lignée psychotique. C'est aussi le cas, chez l'adulte, de certains états passagers avec des identifications mouvantes, ou même un relatif flottement du sens de l'identité, par exemple dans la période qui suit un accouchement, un traumatisme, une intervention chirurgicale (à cœur ouvert en particulier). Tout ceci peut amener quelques modifications du schéma corporel et mobiliser aussi des décharges pulsionnelles importantes sans qu'il soit possible de parler de fond structurel psychotique. Il ne s'agit que d'un simple épisode, souvent sans suite, n'engageant pas la structure. Même les termes de «prépsychose» ou de Moi organisé de façon «prépsychotique» ou «prénévrotique» ne peuvent convenir. Ces appellations doivent être rigoureusement réservées déjà à des lignées structurelles dont on est déjà certain qu'elles ont toutes les chances de demeurer définitivement fixées à l'un ou l'autre mode d'organisation et d'évolution tels que nous les définirons plus loin. Les deux termes de «névrotique» ou «psychotique» (ou plus simplement névrose ou psychose) s'emploient également de façon habituelle pour désigner une maladie, c'est-à-dire l'état de décompensation visible auquel est arrivée une structure par la suite d'une inadaptation de l'organisation profonde et fixe du sujet à des circonstances nouvelles, intérieures ou extérieures, devenues plus puissantes que les moyens de défense dont il dispose. Si le diagnostic est posé correctement quant aux données économiques profondes, et non seulement sur des signes extérieurs de surface, l'emploi des termes «névrotique» ou «psychotique» se trouve ici légitime dans la mesure où il se réfère justement à la structure authentique du patient. Mais en dehors du problème des malades en évolution ou en traitement, il existe de nombreuses façons d'utiliser à bon escient les qualificatifs de «névrotique» ou de «psychotique», en se référant justement à la notion de structure dont la maladie n'est qu'un des aléas évolutifs, mais non le seul. S. Freud, dans ses Nouvelles Conférences, nous dit que si nous laissons tomber à terre un bloc de minéral sous forme cristallisée, il se brise, mais pas d'une façon quelconque; les cassures s'opéreront selon des lignes de clivage dont les limites et les directions, bien qu'invisibles extérieurement jusque-là, se trouvaient déjà déterminées de façon originale et immuable par le mode de structure préalable du dit cristal. Il en serait de même pour la structure psychique. Peu à peu, à partir de la naissance (et sans doute avant), en fonction de l'hérédité pour certains facteurs, mais surtout du mode de relation aux parents dès les tout premiers moments de la vie, des frustrations, des traumatismes et des conflits rencontrés, en fonction aussi des défenses organisées par le Moi pour résister aux 12

poussées internes et externes et des pulsions du Ça et de la réalité, peu à peu le psychisme individuel s'organise, se «cristallise» tout comme un corps chimique complexe, tout comme un cristal minéral, avec des lignes de clivage originales et ne pouvant plus varier par la suite. On aboutirait ainsi à une véritable structure stable dont les deux modèles spécifiques sont représentés par la structure névrotique et la structure psychotique. Tant qu'un sujet répondant à l'une ou l'autre structure n'est pas soumis à de trop fortes épreuves intérieures ou extérieures, à des traumatismes affectifs, à des frustrations ou à des conflits trop intenses, il ne sera pas «malade» pour autant. Le «cristal» tiendra bon. Mais si, à la suite d'un événement quelconque, le «cristal» vient à se briser, cela ne pourra s'effectuer, que selon les lignes de force (et de rupture) préétablies dans le jeune âge. Le sujet de structure névrotique ne pourra développer qu'une névrose et le sujet de structure psychotique qu'une psychose. De la même façon, inversement, pris en traitement à temps et correctement soigné, le premier sujet ne pourra se retrouver en bonne santé qu'en tant que structure névrotique à nouveau bien compensée, et le second qu'en tant que structure psychotique à nouveau bien compensée. Cette façon de voir les choses ne doit conduire à aucun jugement pessimiste; il s'agit d'une simple prise de conscience des réalités psychologiques universelles et quotidiennes. La stabilité des structures vraies implique également du même coup une impossibilité foncière de passer de la structure névrotique à la structure psychotique (ou inversement) à partir du moment où un Moi spécifique est organisé dans un sens ou dans l'autre. La plus «névrotique» des psychoses et la plus «psychotique» des névroses n'arriveront jamais à se rencontrer sur une lignée commune d'organisation du Moi. Dans la structure névrotique, l'élément immuable demeure l'organisation du Moi autour du génital et de l'œdipe; le conflit se situe entre le Moi et les pulsions, le refoulement des représentations pulsionnelles domine les autres défenses; la libido objectale se trouve en cause et le processus secondaire conserve un rôle efficace respectant la notion de réalité. Dans la structure psychotique au contraire, un déni (et non un refoulement) porte sur toute une partie de la réalité, c'est la libido narcissique qui domine, le processus primaire qui l'emporte avec son caractère impérieux, immédiat, automatique; l'objet est fortement désinvesti et il apparaît, selon les formes cliniques, tout un éventail de défenses archaïques coûteuses pour le Moi. Bien sûr, en psychopathologie, il n'existe pas que les deux seules lignées psychotiques et névrotiques. D'autres organisations seront décrites plus loin comme occupant une position intermédiaire entre la structure névrotique stable et la structure psychotique stable : il s'agit de toute la vaste catégorie des états limites avec leurs aspects dépressifs ou phobiques et leurs aménagements dérivés sous forme de perversions ou de maladies du caractère. Mais «position intermédiaire» veut dire ici situation nosologique proche de l'une ou de l'autre des deux grandes structures tout en demeurant entité spécifique et en ne pouvant nullement constituer un terme de passage de l'une à l'autre des structures étudiées plus haut. Par contre, cette lignée intermédiaire se présente comme une organisation plus fragile que les deux autres structures et non comme une «structure» authentique, fixe et irréversible. Si l'expérience clinique confirme que ni la structure psychotique ni la structure névrotique ne peuvent évoluer vers d'autres lignées structurelles, cette même expérience clinique montre que la lignée intermédiaire, organisation plus ou moins confortable et non réellement structurée au sens figé du terme peut par contre, à tout moment, se cristalliser définitivement dans l'un des cadres voisins et plus solides constitués par la lignée névrotique ou la lignée psychotique. 13

BIBLIOGRAPHIE : BERGERET (J.). - Les états limites. In Encycl. Méd.-Chir, Psychiatrie, tome III, 37.395 A 10, 1970, Paris, pp. 1-12. BERGERET (J.). -Personnalité normale et pathologique, 1974, Dunod, Paris. DIATKIN(R.). - Du normal et du pathologique dans l'évolution mentale de l'enfant. In Psychiatr. Enfant, 1967, n 1, pp. 1-42. FREUD(S.). -Nouvelles conférences sur la psychanalyse.,1932, Gallimard, Paris, 248 p. GREEN (A.). - Pour une nosographie psychanalytique freudienne. Conf. lnst. Psychanal., Paris, 1962. IV NOTION DE CARACTERE selon J. Bergeret J. BERGERET définit le caractère comme l émanation de la structure profonde dans la vie relationnelle : «Le caractère constitue le témoignage visible de la structure de base de la personnalité, le véritable signe extérieur de richesse ou de pauvreté structurelle». La structure étant l organisation psychique profonde, stable et définitive du sujet mature. Le caractère sera à comprendre comme l abord relationnel traduisant des modes de fonctionnement du Moi sur le plan défensif et adaptatif, la façon dont sont traités les besoins pulsionnels, la nature du choix objectal, le niveau des conflits, le statut des représentations oniriques et fantasmatiques». Le caractère s observe donc à travers la manière d être au monde et la manière de gérer ses conflits. C est l aspect externe de la personnalité, ses modes affectif, comportemental et relationnel. Il est important de distinguer caractère névrotique ou psychotique qui désigne la structure névrotique ou psychotique, et névrose ou psychose de caractère qui désigne un aménagement précaire, évoquant le fonctionnement névrotique ou psychotique mais appartenant au champ des états limites. V NOTION DE DECOMPENSATION Si le caractère est l aspect visible et normal de la structure de personnalité bien compensée, «la décompensation est l orage survenant dans un ciel serein». Un mécanisme d intégration psychique jusqu alors efficace, maintenait dans la latence des facteurs de nature psychique ou non et potentiellement pathogènes. Ce mécanisme se trouve débordé en raison d un traumatisme. L édifice vacille et le sujet sombre alors dans la psychose, la dépression ou une maladie somatique. Son Moi n a pu endiguer par ses mécanismes de défense débordés le conflit psychique lié à la rencontre de la structure et des circonstances traumatiques. L équilibre entre les facteurs internes et externes du conflit est rompu du fait de l inefficacité des mécanismes de défense et d adaptation. La décompensation illustre le passage de la structure à la maladie même, et en signal l émergence. 14

VI CINQ DOMAINES DE L ECONOMIE PSYCHIQUE POUR DEFINIR LE CONCEPT DE STRUCTURE (J. Bergeret). Structure névrotique Organisation limite Instance dominante Surmoi Ça Idéal du Moi Nature du conflit Surmoi avec le ça Ça avec la réalité Entre Idéal du Moi, et Ça et la réalité Nature de l angoisse Défenses principales Relation d objet Symptômes correspond ants De castration Refoulement Génitale Signes obsessionnels hystériques De morcellement De perte d objet Déni de la réalité, dédoublement du Moi Clivage des objets, forclusion Fusionnel -le Anaclitique Structure psychotique Dépersonnalisation délire dépression L idéal du Moi est un terme employé par Freud dans le cadre de sa seconde théorie de l appareil psychique : c est une instance de la personnalité résultant de la convergence du narcissisme (idéalisation du Moi) et des identifications aux parents, à leurs substituts et aux idéaux collectifs. En tant qu instance différenciée, l Idéal du Moi constitue un modèle auquel le sujet cherche à se conformer. Parfois ce terme est à rapprocher du Surmoi en tant qu attente de l autorité. Freud ne différencie pas ce concept de celui de Moi idéal, bien qu il introduise ce dernier dans «Pour introduire le narcissisme». Le Moi idéal serait pour certains auteurs une partie de l Idéal du Moi, de toute puissance narcissique et forgée sur le modèle du narcissisme infantile. 15

Chapitre 2 L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE I L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE I.1 DEFINIR L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE: Son objet Son but Ses méthodes I.2 LES PRINCIPAUX TEMPS DE L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE: I.3 LA DEMANDE D'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE: I.4 LA DIMENSION RELATIONNELLE EXAMINÉ-EXAMINATEUR: I.5 L'INTERPRÉTATION DES RESULTATS ET LA REDACTION D'UN RAPPORT: II L'ENTRETIEN CLINIQUE II.1 LES DIFFERENTS TYPES D ENTRETIEN: II.2 LES PREMIERS ENTRETIENS AVEC LES ADULTES ET LES ENFANTS: II.2.1 Le transfert et le contre-transfert: II.2.2 L'attitude en cours d'entretien. II.2.3 Le but des premiers entretiens: II.3 LES ENTRETIENS PSYCHOTHERAPEUTIQUES AVEC LES ADULTES ET LES ENFANTS: II.3.1 L'Œuvre de Carl R. Rogers II.3.2 Fondements et règles dans la cure psychanalytique: III LE QUOTIENT INTELLECTUEL III.1 DEFINITIONS ET RAPPELS III.1.1 La normalité statistique III.1.2 Les approches factorielles III.1.3 Historique et notions de QI III.2 ETUDE DU WISC-R: IV LES TESTS PROJECTIFS ou de PERSONNALITE: IV.1 INTRODUCTION IV.1.1Rappels: la personnalité, la notion de normal et de pathologique et d'adaptabilité IV.1.2 Définition IV.1.3 Notion de projection IV.1.4 Les différents types de projection IV.2 LES PRINCIPAUX TESTS PROJECTIFS IV.2.1 Le test de JUNG et quelques autres IV.2.2 LE T.A.T. ET LE RORSCHACH IV.3 NOTION D'IMAGE DU CORPS DANS LES TESTS PROJECTIFS IV.4 LE POINT DE VUE PSYCHO-LINGUISTIQUE IV.5 REGRESSION PSYCHIQUE ET COMPLEMENTARITE DU T.A.T. ET DU RORSCHACH ANNEXES: COMPTES RENDUS, FEUILLES DE NOTATIONS. 16

L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE 1 BIBLIOGRAPHIE Didier ANZIEU, 1973, Les méthodes projectives, PUF. Colette CHILAND,1983, L'entretien clinique, Paris, PUF. Sigmund FREUD, La technique psychanalytique, Paris, PUF. Jacques GRéGOIRE, 1995, Evaluer l'intelligence de l'enfant, Liège, Mardaga. LAPLANCHE ET PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF. Max PAGèS, 1970, L'orientation non-directive en psychothérapie et en psychologie sociale, Paris, Dunod. Pierre PICHOT, 1954, Les tests mentaux, Que sais-je? n 626, PUF. Nina RAUCH, 1973, La pratique du Rorschach, PUF. Dictionnaire fondamental de la psychologie, Larousse. RAPPELS La psychologie clinique utilise trois méthodes : observation, entretien et tests. Elles seront utilisées exclusivement par le psychologue clinicien lors de l'examen clinique afin de rendre compte à un tiers d'un avis. L'attitude clinique fait appel aux postulats fondamentaux de la psychologie clinique: dynamique (d'un point de vue diachronique) et interactionniste (d'un point de vue synchronique). I L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE I.1 DEFINIR L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE Définition : L'examen psychologique est une situation de rencontre concrète dans un temps précis et intense. C'est une relation duelle, en face à face, avec un observateur et un observé. La clinique dite "armée" qui consiste à utiliser des tests n'est pas toujours une finalité en soi mais la plupart du temps un support à l'observation. Il s'agit d'un mode d'approche concret de la personnalité. C. Chiland propose de le définir comme un examen du fonctionnement mental mais insiste sur la différence avec l'examen psychiatrique auquel cette définition pourrait aussi convenir. L'examen psychologique tente d'appréhender le fonctionnement intellectuel et psychique d'un sujet dans une approche clinique synthétique. Son objet est le fonctionnement intellectuel et psychique d'un sujet dans son ensemble. Son but est la contribution au diagnostic, pronostic, et traitement. Parfois il est aussi d'amener une demande à se formuler et une psychothérapie à se mettre en place. Ses méthodes d'investigation sont l'entretien, l'observation et les tests. Le psychologue doit donc: -Installer un cadre et une relation au cours d'un entretien préliminaire. -Utiliser des instruments de mesure fiables. 1 Ce polycopié n'est pas un cours approfondi mais un repérage et un résumé des notions abordées en cours. Il doit être complété à minima par les lectures jointes des comptes rendus d'examens psychologiques et les textes de C. Chiland. La plupart des définitions sont extraites des ouvrages cités dans la bibliographie. 17

-Observer le sujet pendant l'examen. -Interpréter toutes les informations recueillies. Il existe des variantes de l'examen psychologique en fonction de différents paramètres: le cadre de l'exercice, l'origine et la motivation de la demande, s'il s'agit d'un enfant ou d'un adulte. I.2 LES PRINCIPAUX TEMPS DE L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE L'examen psychologique parcourt le chemin qui va de l'évaluation de la demande au projet thérapeutique, à la direction de la cure. Le premier temps de l'examen est constitué d'un ou plusieurs entretiens préliminaires, à la suite duquel se décide l'éventualité des tests nécessaires, et même la nécessité d'examens ou d'avis complémentaires. Le but est d'arriver au dernier temps, celui de conclure, avec suffisamment d'informations pour que le psychologue puisse étayer un avis de traitement ou de projet thérapeutique en fonction du diagnostic et du pronostic, mais aussi de la manière dont il comprend le sujet et son histoire. I.3 LA DEMANDE D'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE Au début de l'entretien préliminaire il s'agit de situer la demande. Qui a fait la demande, dans quel but, est-ce recevable? L'objet concerne-t-il le fonctionnement intellectuel, orientant par exemple une demande de diagnostic différentiel entre un trouble névrotique ou des atteintes organiques cérébrales, ou bien une demande d'orientation professionnelle ou scolaire? La demande concerne-t-elle le fonctionnement psychique? Une demande d'aide ou d'éclairage est toujours présente. La passation de tests dépend donc du type de questions qui se posent. Il en est de même pour établir le choix des tests de personnalité, d'intelligence, de connaissance, ou d'évaluation de certaines dimensions cliniques (comme la mémoire, la perception...). I.4 LA DIMENSION RELATIONNELLE EXAMINÉ-EXAMINATEUR Toutes les demandes ont en commun une chose: la souffrance, ou la détresse. Le plus souvent c'est le sujet qui souffre, mais il en est plus ou moins conscient. La qualité d'écoute de cette souffrance est peut-être l'enjeu le plus important de ces examens psychologiques. La prise de conscience du sujet en dépend, et sa motivation pour la suite également. L'attitude du psychologue et la conduite de l'entretien seront essentielles pour mettre en confiance et avoir la coopération du sujet. L'expérience, la formation et la personnalité du psychologue sont importantes et conditionnent l'examen qui sera avec chaque sujet une nouvelle rencontre différente où tout sera à réinventer dans la manière de conduire cette relation. Les relations transférentielle et contre transférentielle sont donc très importantes et à prendre en compte, l'atmosphère de neutralité bienveillante étant obligatoire. I.5 L'INTERPRETATION DES RESULTATS ET LA REDACTION D'UN RAPPORT Même pour un clinicien chevronné, capable d'apprécier de nombreuses caractéristiques sans les tests, les épreuves standardisées apportent des précisions et parfois des surprises. Les tests 18

ont l'avantage d'être un médiateur objectif qui peut être confronté au rôle de l'intuition dans l'analyse clinique. Le recueil des différents types d'informations permet de limiter le risque d'erreur. Ces informations doivent être replacées dans leur contexte clinique, thérapeutique (influence des traitements médicamenteux éventuels, psychothérapie en cours...) et socioculturel. Un compte rendu doit observer les règles de la déontologie médicale et psychologique, concernant le secret professionnel, le respect de la personnalité d'autrui, et l'intérêt du sujet. Le bilan doit s'inscrire dans une perspective de changement et d'ouverture. La rédaction des conclusions doit être compréhensible par le destinataire. Le rapport sera différent selon qu'il s'adresse à un employeur, à un juge, à l'intéressé, à ses parents, à un médecin, etc. Une conclusion sera toujours donnée verbalement au sujet qui s'est tant investi dans cet examen psychologique. Le diagnostic de l'état actuel de la personnalité et le pronostic de son évolution amènent souvent à poser une proposition de prise en charge et constituent l'aboutissement de l'interprétation. Celle-ci ne doit pas être une accumulation de signes pathognomoniques et de structures exprimés dans un jargon psychologique, mais doit être dynamique et vivante. La rencontre qui a lieu lors d'un examen psychologique est intense en mobilisation à tout point de vue. Elle peut donc être un appui pour le sujet et l'occasion d'un remaniement psychique ou d'ouverture nouvelle. Cela peut-être le moyen de se reconstituer narcissiquement, notamment quand il y a des épreuves projectives et que l'examen psychologique est présenté comme un moyen d'expression et un lieu d'écoute. 19

II L'ENTRETIEN CLINIQUE II.1 LES DIFFERENTS TYPES D ENTRETIENS Il existe plusieurs manières de mener un entretien, du questionnaire directif, à l'entretien non directif de type rogérien ou psychanalytique, en passant par l'entretien semi-directif (revoir les notions déjà abordées en première année sur la cure psychanalytique et la théorie de C. R. Rogers et les différentes approches de la personnalité). Le choix s'impose surtout en fonction de tous les paramètres en jeu. Généralement, les premiers entretiens sont souvent semidirectifs, car il est nécessaire de recueillir des éléments d'anamnèse surtout avec les parents dans les consultations d'enfant. II.2 LES PREMIERS ENTRETIENS AVEC LES ADULTES ET LES ENFANTS II.2.1 Le transfert et le contre-transfert: ils sont présents dès le moment où le patient est adressé par un tiers. L'origine de la consultation ou le moment de la prise de contact au téléphone sont souvent importants car ils induisent déjà l'orientation des premiers entretiens. Voir plus bas ces notions en psychanalyse. II.2.2 L'attitude en cours d'entretien. Même si à l'intérieur d'un même cadre de consultation l'expérience apprend certaines techniques applicables dans tel ou tel cas, rien n'est typique ni surtout prévisible. Les premiers entretiens sont des rencontres nouvelles où tout est à découvrir. Le tact, l'expérience, la technique du psychologue doivent se conjuguer avec l'inventivité et l'adaptation à la situation. Un premier entretien "réussi" a quelque chose de magique, c'est-à-dire d'imprévu, d'authentique, avec des effets de surprise ou de découverte. Les entretiens préliminaires d'un examen psychologiques se différencient des premiers entretiens d'une demande de psychothérapie. En effet, la demande est moins mûre dans le premier cas, de plus le recueil d'informations se doit d'être plus actif. II.2.3 Le but des premiers entretiens est donc: -Une évaluation de la demande -Une évaluation du transfert et de l'investissement tout en les canalisant. -Une évaluation des capacités de compréhension et d'introspection. -Poser une hypothèse de diagnostic. -Comprendre dans l'histoire du sujet, sa souffrance, sa dynamique et ses conflits psychiques. -Arriver à penser une restitution au sujet de ce qu'il a livré de lui même, afin que cette expérience particulière lui permette de s'être senti écouté et compris consciemment et inconsciemment. Le sujet doit percevoir un soulagement et la possibilité de s'en sortir. -Proposer un cadre thérapeutique ou une prospection plus complète par la poursuite de l'examen psychologique. II.3 LES ENTRETIENS PSYCHOTHERAPEUTIQUES AVEC LES ADULTES ET LES ENFANTS II.3.1 L'Œuvre de Carl R. Rogers (1902-1987) psychologue américain, il synthétise la théorie humaniste et existentielle, il se démarque et se réclame à la fois de la psychanalyse. Sa théorie est fondée sur le vécu de la relation. 20