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Transcription:

4 NOVEMBRE 2014 P.13.1253.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N P.13.1253.N A. B., partie civile, demanderesse en cassation, Me Stijn De Meulenaer, avocat au barreau de Gand, contre 1. H. E., 2. H. O., Me Michaël Verstraeten, avocat au barreau de Gand, 3. T.O., 4. J. D., prévenus, défendeurs en cassation.

4 NOVEMBRE 2014 P.13.1253.N/2 I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 mai 2013 par la cour d appel de Gand, chambre correctionnelle. La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt. Le président Paul Maffei a fait rapport. L avocat général suppléant Marc De Swaef a conclu. II. LA DÉCISION DE LA COUR Sur le moyen : 1. Le moyen invoque la violation de l article 1382 du Code civil : l arrêt déclare, à tort, l action civile dirigée par la demanderesse contre les défendeurs, non fondée à défaut de lien de causalité ; conformément à l article 1382 du Code civil, le préjudicié doit, aux fins d obtenir des dommages et intérêts, démontrer son dommage, la faute et le lien causal qui les unit ; il y a lieu de considérer comme origine du dommage toute faute sans laquelle le dommage ne se serait pas produit tel qu il s est concrètement réalisé ; les défendeurs ont été condamnés parce qu ils faisaient partie d une organisation criminelle, de sorte qu il est établi qu ils ont commis une faute au sens de l article 1382 du Code civil ; la demanderesse démontre qu elle a subi un dommage ensuite de l escroquerie réalisée dans le cadre de cette organisation criminelle ; dès lors que l organisation criminelle a été établie dans le but de commettre des escroqueries, il existe incontestablement un lien de causalité entre la faute commise par les défendeurs consistant à faire partie de l organisation criminelle et le dommage subi par la demanderesse ; si les défendeurs n avaient pas fait partie de l organisation, la demanderesse n aurait pas subi de dommage ; par conséquent, l arrêt ne pouvait pas exclure l existence d un tel lien de causalité.

4 NOVEMBRE 2014 P.13.1253.N/3 2. L article 324bis, alinéa 1 er, du Code pénal, tel qu applicable au moment des faits déclarés établis, définit l organisation criminelle comme toute association structurée de plus de deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée, des crimes et délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave, pour obtenir, directement ou indirectement, des avantages patrimoniaux, en utilisant l'intimidation, la menace, la violence, des manœuvres frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation des infractions. 3. L article 324ter, 1 er à 4, du Code pénal, tel qu applicable en l espèce, punit l infraction de participation à une telle organisation selon la distinction faite aux paragraphes 1 er et 4. 4. Un prévenu est coupable d une des infractions prévues à l article 324ter, 1 er à 4, dès lors qu il fait partie de l organisation criminelle sous l une des formes qui y sont prévues, sans qu il y ait lieu, de ce fait, d associer dans son chef les éléments constitutifs des infractions commises dans le cadre de cette organisation criminelle. 5. Il en résulte que celui qui fait partie d une organisation criminelle telle que visée à l article 324bis du Code pénal n est pas nécessairement coupable de participation aux infractions commises par les autres membres de l organisation, tels qu ils sont visés par les articles 66 et 67 du Code pénal. Dans la mesure où il est déduit d une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit. 6. En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil et 44 du Code pénal, tout auteur ou co-auteur d une même infraction est solidairement tenu des dommages et intérêts.

4 NOVEMBRE 2014 P.13.1253.N/4 Les auteurs et co-auteurs d infractions distinctes ne sont, en principe, tenus que des dommages et intérêts résultant de l infraction qu ils ont commise. Les auteurs ou co-auteurs d infractions distinctes sont solidairement tenus des dommages et intérêts lorsque les infractions qu ils ont commises constituent une faute commune ayant donné lieu au dommage. Ces auteurs et co-auteurs peuvent également être condamnés in solidum lorsque ces infractions distinctes constituent des fautes concurrentes ayant contribué à l ensemble d un même dommage. 7. Le juge apprécie souverainement en fait le lien causal qui unit les différentes infractions et le dommage et si ces différentes infractions constituent une faute commune ou des fautes concurrentes. 8. Les juges d appel ont souverainement décidé que l implication des défendeurs dans les infractions commises par d autres membres de l organisation criminelle n est pas démontrée et qu il n existe pas de lien causal entre la participation à une organisation criminelle du chef de laquelle les défendeurs ont été déclarés coupables, et le dommage de la demanderesse. Ainsi, ils ont déclaré que le fait que les défendeurs soient membres d une organisation criminelle et les autres infractions commises par d autres membres de l organisation, ne donnent pas lieu à des fautes communes ou concurrentes ayant contribué au dommage subi par la demanderesse. Cette décision est légalement justifiée. Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli. 9. Pour le surplus, le moyen est déduit de la prémisse que, si les défendeurs n avaient pas été membres de l organisation criminelle, la demanderesse n aurait pas subi son dommage et que sans la faute des défendeurs, le dommage de la demanderesse ne se serait pas produit tel qu il s est réalisé in concreto. Dans cette mesure, le moyen critique cette

4 NOVEMBRE 2014 P.13.1253.N/5 appréciation souveraine par l arrêt ou exige un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir. Dans cette mesure, le moyen est irrecevable. PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette le pourvoi ; Condamne la demanderesse aux frais. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Antoine Lievens, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre novembre deux mille quatorze par le président Paul Maffei, en présence de l avocat général suppléant Marc De Swaef, avec l assistance du greffier Frank Adriaensen. Traduction établie sous le contrôle du premier président et transcrite avec l assistance du greffier Tatiana Fenaux. Le greffier, Le premier président,