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Bulletin d information CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, No 03 7 juillet 2006 STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LA TEIGNE DU POIREAU Les relevés, effectués au cours des dernières années, démontrent que la teigne du poireau continue sa progression au Québec. En 2003, seuls quelques papillons avaient été capturés en août. Depuis, le nombre de captures a beaucoup augmenté et celles-ci s échelonnent maintenant sur toute la saison (mi-mai à début septembre). La zone de dispersion de l insecte tend également à s agrandir. En 2003, l Outaouais, les Basses- Laurentides, Lanaudière, la Montérégie et le Centre-du-Québec étaient touchés; maintenant on retrouve aussi la teigne dans la région de Québec et en Estrie. Les cultures hôtes de la teigne du poireau sont le poireau, l ail, l oignon et toutes les autres espèces de la famille des alliacées. Jusqu à présent, au Québec, les principaux dommages dans les champs commerciaux ont été observés dans le poireau et l ail. Des dommages importants sont aussi observés dans des alliacées produites biologiquement, de même que dans les potagers domestiques. Habituellement, on observe une augmentation de la population de la teigne et des dégâts au fur et à mesure que la saison progresse. Cependant, cette situation peut varier en fonction de la région et du site. Afin de réduire les pertes de rendement de la culture et de réduire au minimum l utilisation des traitements insecticides, il est important d établir une stratégie de lutte raisonnée. Diverses mesures préventives peuvent être utilisées et certains guides sur l usage des insecticides sont disponibles, notamment pour le poireau, la principale culture hôte de la teigne. Ce texte résume l ensemble de l information disponible dans la littérature concernant la biologie et la lutte contre la teigne dans le poireau et suggère une stratégie d intervention adaptée aux conditions du Québec. Biologie et dégâts à la culture La teigne du poireau est un tout petit papillon de nuit, dont le développement passe par quatre stades : l œuf, la larve (chenille), la pupe (contenue dans un cocon) et l adulte (papillon). Le stade nuisible pour la culture est le stade larvaire, car la petite chenille se nourrit du feuillage des poireaux. L insecte passe l hiver au stade adulte (papillon). Tôt au printemps, les papillons s accouplent, puis selon les températures, les femelles commencent à pondre de 2 à 6 jours plus tard. Les œufs sont pondus individuellement à la base des feuilles. Après quelques jours (6 à 7 jours à 20 C ou 90 degrés-jours en base 6), l œuf éclot, puis la petite larve (1,5 mm) entre dans la feuille et commence à creuser une petite galerie descendante dans le sens des nervures de la feuille (stade petite mineuse). Deux à cinq jours plus tard, elle sort de la mine (stade baladeur), puis descend plus bas sur le poireau où elle commence à s enfoncer dans la partie supérieure du fût à la recherche de tissus plus tendres et nutritifs. Elle y creuse alors de larges galeries habituellement descendantes. Souvent, la larve choisit une feuille vigoureuse et poursuit toute sa croissance à l intérieur de celle-ci (grosses mines). Par contre, tout dépendant des conditions, il arrive également qu elle rejoigne les très jeunes feuilles en formation dans le cœur du plant. Le dégât sera alors beaucoup plus important, les feuilles émergeant par la suite, montrant de larges parties de limbe dévorées Secrétariat du RAP : 200, chemin Sainte-Foy, 9 e étage, Québec (Québec) G1R 4X6 Téléphone : 418 380-2100, postes 3581 ou 3551 Télécopieur : 418 380-2181 Courriel : rap@mapaq.gouv.qc.ca Page Web : http://www.agrireseau.qc.ca/rap

(aspect lacéré). Il est important de rappeler qu avec l allongement continu des feuilles du poireau, les dommages se retrouvent graduellement toujours de plus en plus haut sur le plant. Après quelques semaines, lorsqu elle a terminé sa croissance, la chenille sort et grimpe sur le feuillage pour y tisser son cocon. On retrouve habituellement les pupes sur le dessus de la feuille dans la dépression centrale correspondant à la nervure principale, et plus rarement sous les feuilles, sur les débris au sol ou sur les mauvaises herbes avoisinantes. Cette période d inactivité de l insecte, pendant laquelle le papillon se forme à l intérieur de la pupe, dure une dizaine de jours. Les papillons peuvent s accoupler le jour suivant l émergence (sortie de la pupe). Les femelles commencent à pondre de 2 à 6 jours plus tard, selon les températures. Tableau 1 : données biologiques relatives aux différentes étapes du cycle vital de la teigne du poireau Adulte Température nocturne minimale permettant (papillon) l activité sexuelle 10 à 12 C Délai «émergence accouplement» 1 jour Délai «accouplement ponte» 2 à 3 jours à 25 C 4 à 6 jours à 15 C Période de ponte 10 à 30 jours Nombre d œufs par femelle 80 à 240 œufs Œuf 6 à 7 jours à 20 C ou Incubation (ponte à éclosion) 90 degrés-jours ( C) base 6* Larve (chenille) Durée du développement 15 jours à 20 C Photopériode pouvant induire la diapause reproductive des adultes 15 heures et moins Pupe Durée du développement 10 jours à 20 C Larve + pupe Durée du développement 360 degrés-jours ( C) base 6* Cycle complet Température optimale 20 à 25 C * : Le nombre de degrés-jours base 6 accumulés dans une journée est égal à : [(température maximale température minimale)/2] - 6 Sous nos conditions, la teigne est en mesure de compléter trois générations par année. La figure 1 présente le résultat du piégeage réalisé à l été 2004 dans 3 champs de poireau chez un producteur québécois. Le portrait dans l évolution des générations est typique de cet insecte : une première génération très faible à cause de la forte mortalité hivernale des papillons (capture du 2 juin), une seconde génération moyenne (fin juin - début juillet), puis une troisième génération importante (août) et donc davantage dommageable pour la culture. Lorsque les larves de teigne sont nombreuses, elles retardent la croissance des plants et les dommages au feuillage favorisent l entrée des maladies. Le principal impact négatif des teignes se situe toutefois au niveau de la valeur commerciale des poireaux, les fûts présentant des signes de dommages ne pouvant être commercialisés. Les champs hâtifs (récoltés en août et en septembre) présentent le plus fort risque de pertes, compte tenu que leur récolte a lieu pendant ou peu après la période d activité de la dernière génération de la teigne (août). Les dommages se situent alors dans le haut du fût, sur la partie du feuillage commercialisée. Lorsque la récolte a lieu en octobre, les plants ont pu profiter de tout le mois de septembre pour croître, de sorte que les dommages se retrouvent plus haut sur le feuillage. Ainsi, la taille de la partie supérieure du feuillage, une opération habituelle à la récolte, de même que l élimination lors du parage des feuilles extérieures montrant des dégâts, permettent habituellement de récupérer la majorité des plants affectés. L élimination des feuilles endommagées représente néanmoins une perte de rendement importante (réduction du diamètre des fûts). CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, Bulletin d information No 03 2006, page 2

Figure 1 : portrait de l évolution des générations de la teigne du poireau déterminé à partir des captures effectuées dans trois champs en 2004 Mesures préventives Les diverses mesures de lutte préventives rencontrées dans la littérature sont présentées ci-dessous. Des commentaires ont été ajoutés, de manière à permettre de juger de la pertinence de chacune des mesures, selon les situations. Assurez une bonne rotation des cultures en choisissant, d une année à l autre, des champs les plus éloignés possible les uns des autres. Selon la littérature, la majorité des papillons ne s éloigneraient pas à plus de 100 ou 200 mètres des sites d hivernation, mais on indique tout de même que certains papillons pourraient se déplacer jusqu à 800 m. On rapporte également occasionnellement des mouvements d insectes avec les vents, sur des distances pouvant atteindre plusieurs dizaines de kilomètres (mass flights). Fertilisez adéquatement la culture et irriguez les champs durant les périodes sèches, de manière à assurer une croissance rapide des plants. Les plants les plus gros et les plus vigoureux supportent mieux l attaque des teignes. Sur des plants petits ou dont la croissance est lente, les teignes présentes ont le temps de causer beaucoup de dommages au point de croissance, ce qui retarde d autant plus la croissance. Sur des gros plants, le taux rapide de production de nouvelles feuilles fait en sorte que souvent le dommage se limite à quelques mines ou perforations qui évoluent rapidement vers l extérieur du plant. Enfouissez rapidement les débris de culture laissés au champ. Cette méthode permet de détruire les larves et les pupes qui seraient restées au champ à la suite de la récolte. La teigne est un insecte aérien; la faible quantité d air dans le sol et le contenu en eau élevé ne conviennent pas à son développement. Détruisez rapidement les résidus de parage. Les résidus de parage provenant de champs affectés contiennent des larves et des pupes qui peuvent être en mesure de compléter leur développement. L enfouissement au CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, Bulletin d information No 03 2006, page 3

champ ou le compostage sont suffisants pour détruire l insecte. L important, c est que les parties de poireaux soient entièrement recouvertes de sol ou d un autre matériel. Plantez les poireaux destinés à être récoltés tôt (août et septembre) dans les champs les moins à risque, c est-à-dire ceux qui ne disposent pas de brise-vent ou qui n ont pas été significativement affectés par la teigne dans le passé. Les champs hâtifs sont ceux qui présentent le plus fort risque de perte, compte tenu que leur récolte a lieu pendant ou peu après la période d activité de la dernière génération (août). Tondez les abords des champs et nettoyez les haies brise-vent. Les teignes recherchent les mauvaises herbes hautes et les zones encombrées pour s abriter durant l hiver. Arrachez rapidement les repousses de poireaux dans les champs de l année précédente. Ces poireaux peuvent servir de sites de ponte pour les papillons ayant hiverné. Installez des filets sur les parcelles non infestées durant les périodes de ponte. Cette méthode pourrait convenir à petite échelle pour les producteurs biologiques. Dans les potagers domestiques, éliminez les larves et les pupes en coupant les feuilles attaquées et en récoltant à la main les cocons fixés sur le feuillage. Cette pratique devrait aider à réduire l impact de la génération suivante. Certains auteurs indiquent que le fait d irriguer les champs pourrait également aider à la répression des teignes. Les gaines des feuilles permettant l accumulation d une certaine quantité d eau, celle-ci pourrait noyer les chenilles situées à proximité. Une bonne irrigation effectuée après quelques jours de temps sec durant la période de développement des larves pourrait donc détruire un certain nombre de chenilles. On indique également que les papillons ne seraient pas en mesure de pondre sur du feuillage mouillé. Par contre, pour vraiment appliquer cette mesure antiponte, il faudrait arroser les plants chaque soir durant toute la période de ponte, ce qui représenterait alors un risque majeur pour le développement des maladies. Une méthode de lutte souvent recommandée en Europe consiste à couper le plant à quelques centimètres audessus du sol, de manière à éliminer le feuillage contenant les larves et les pupes. Sous nos conditions, cette méthode n est pas recommandable. Compte tenu de notre courte saison de croissance, cette pratique risque d entraîner un retard de croissance majeur qui ne pourra pas être récupéré par la suite. Dépistage de l insecte et des dommages La teigne du poireau peut être dépistée à l aide de pièges à phéromone. Ces pièges sont appâtés avec une imitation chimique de l hormone sexuelle émise par les femelles pour attirer les mâles lorsqu elles sont prêtes à s accoupler. Ils ne permettent donc de capturer que les papillons mâles présents dans la partie du champ située à proximité de la phéromone (odeur). Le bulletin d information permanent No 01 du 1 er mai 2006 (http://www.agrireseau.qc.ca/rap/documents/bp01tn00.pdf) décrit la technique de piégeage recommandée. Généralement, le nombre de papillons capturés sur les pièges à phéromone donne une bonne estimation du niveau de dommage auquel on peut s attendre par la suite. Par contre, ce n est pas toujours le cas. Pour les petites superficies notamment, il arrive que l on ne capture aucun papillon ou très peu, alors que des dommages significatifs sont observés dans le champ. Il est probable que des femelles déjà fécondées arrivent en provenance de sites cultivés en alliacées situés dans les environs. Ainsi, il apparaît évident qu on ne peut se baser uniquement sur les résultats du piégeage des papillons pour décider de traiter ou non. D autre part, même pour les sites où le niveau de dommages semble en corrélation avec le nombre des captures, nous n avons pas encore assez de données pour être en mesure d établir un seuil d intervention fiable. CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, Bulletin d information No 03 2006, page 4

À l heure actuelle, une approche décisionnelle, basée sur l évaluation des premiers dommages significatifs dans le champ, semble la plus appropriée pour les traitements. Les raisons qui motivent ce choix sont les suivantes : Le dépistage à l aide des pièges à phéromone n est pas effectué dans tous les champs. Les premières teignes à arriver dans un champ, qu elles appartiennent à la première, à la deuxième ou à la troisième génération, y causent habituellement des dommages plutôt faibles. Ce n est généralement qu à partir de la génération suivante (sauf lorsqu il s agit de la troisième génération) que les dommages deviennent significatifs. Sur certains sites, l accroissement typique de la population de teigne d une génération à l autre n est pas observé. Les dégâts constatés (et le nombre de papillons capturés) y demeurent très faibles à chacune des générations. Souvent, les dommages sont davantage localisés près des bordures et des zones abritées des champs. Il serait donc envisageable de ne traiter que les secteurs affectés. Le bulletin d information No 03 du 21 juillet 2004 (http://www.agrireseau.qc.ca/rap/documents/b03tn04.pdf) montre des photos des dommages causés par l insecte. Il est à noter qu il est relativement difficile de découvrir hâtivement la présence des larves et des dommages. Au début, la larve est minuscule (1,5 mm), de sorte que la première perforation (petite mine) est peu visible sur le feuillage. Par la suite, la chenille migre vers la base des feuilles (haut du fût) où les zones attaquées restent à l abri des regards. Le dommage ne devient visible que lorsque les feuilles atteintes émergent du cœur. À ce stade, les larves sont habituellement déjà très avancées dans leur développement. Tout dépendant de la vitesse de croissance des plants, les dommages ne deviennent généralement visibles que de 20 à 25 jours après le début de la période d activité des papillons. La méthode suggérée pour l évaluation des dommages est la suivante : en se déplaçant en diagonale dans le champ, on examine 25 plants sélectionnés au hasard. On note le nombre de plants qui présentent au moins un symptôme de dommages. Il faut cependant considérer seulement les dommages situés près de la base des feuilles et dans le cœur des plants, puisque les dommages situés plus haut sur le feuillage correspondent habituellement à ceux de la génération précédente. Vérifiez que parmi les plants sélectionnés, quelques-uns se retrouvent dans les zones les mieux protégées du champ (extrémités et bordures près des brise-vent); les dommages y sont souvent plus importants. Dans certains cas, il pourra être pertinent de reprendre l évaluation uniquement dans ces zones abritées en vue de faire un traitement localisé. Traitements insecticides Quels champs doit-on traiter? Les traitements insecticides ont pour but de réduire la population de chenilles présentes afin de maintenir la perte à un niveau acceptable. Nos observations des dernières années semblent indiquer que dès que le niveau de dommages observé dans un champ atteint un certain seuil, il est à peu près certain que les dommages iront en augmentant par la suite. Le seuil d intervention suggéré est de 5 % de plants porteur de dommages. Ce seuil d intervention serait utilisé en Allemagne. Au Québec, dans les zones où la teigne ne représente pas un problème, le niveau de dommages constaté n a jamais atteint ce seuil jusqu à maintenant. Dès que le seuil d intervention est atteint, on considère que toutes les générations de teigne qui suivront devront être traitées. CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, Bulletin d information No 03 2006, page 5

Compte tenu que souvent les dégâts sont davantage localisés près des bordures abritées des champs, il serait souhaitable, dans bien des cas, de ne traiter que les zones affectées. Quand doit-on traiter? À partir du moment où le seuil de 5 % de plants porteurs de dégâts et de larves est atteint lors d une génération, on peut, soit faire immédiatement un traitement, soit attendre la génération suivante. Selon les références françaises, une intervention à ce stade ne serait pas idéale compte tenu que les chenilles seraient pour la plupart cachées à l intérieur d une feuille (grosse mine) ou enfoncées en profondeur dans le haut des fûts, où elles ne pourraient être atteintes par les pulvérisations insecticides. Une intervention à ce moment pourrait par contre être justifiée dans les situations suivantes : Une bonne proportion des chenilles sont suffisamment dégagées pour que le traitement insecticide puisse les atteindre. Les plants sont petits et les larves s attaquent aux feuilles en formation dans le cœur. Le pourcentage de plants affectés dépasse de beaucoup le niveau du seuil (suggestion : plus de 10 % de plants endommagés). Les dommages observés correspondent à ceux de la troisième et dernière génération (août) et le champ est destiné à une récolte hâtive. Pour la répression des générations subséquentes, les références françaises indiquent clairement que c est au moment où la plupart des larves sont au stade «baladeur» qu il est le plus approprié d intervenir. À ce stade, les larves se déplacent sur le feuillage à la recherche de nouveaux sites de nutrition; les traitements insecticides peuvent donc les atteindre plus facilement. Afin de déterminer le plus précisément possible l arrivée du stade «baladeur», on utilise les données biologiques connues sur la teigne, de même que les relevés de captures des pièges à phéromone : La ponte débute 3 jours après le début de la capture des papillons sur les pièges. L éclosion des œufs a lieu 6 à 7 jours (90 degrés-jours en base 6) après la ponte. La petite larve arrive au stade «baladeur» 2 à 5 jours après l éclosion de l œuf. Ainsi, en condition normale, un traitement effectué environ 12 jours après le début de la période d activité des papillons devrait permettre de réprimer un grand nombre de chenilles. Lorsque la période de ponte s étale sur une longue période, un second traitement est effectué 7 jours après le premier. Idéalement, le piégeage des papillons devrait être effectué sur chacune des fermes afin d obtenir un portrait le plus précis possible de l apparition des générations à l échelle locale. Dans le cas contraire, les avertissements du Réseau d avertissements phytosanitaires (RAP) devraient fournir une information suffisamment précise quant aux dates de traitements. Le RAP effectue des relevés de piégeage dans chacune des régions touchées par la teigne. Comment traiter? Compte tenu que le traitement doit bien couvrir l ensemble du feuillage et que la bouillie doit glisser le plus loin possible entre les feuilles, on recommande d utiliser beaucoup d eau (jusqu à 1 000 litres à l hectare). Comme pour la répression des thrips, il pourrait donc être avantageux d effectuer le traitement sur la rosée le matin. Certains recommandent également d ajouter aussi un agent mouillant. Par contre, ce type de produit, en altérant les cires à la surface des feuilles, pourrait aussi favoriser indirectement les maladies foliaires. CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, Bulletin d information No 03 2006, page 6

Produits disponibles Au Canada, aucun insecticide n est encore homologué spécifiquement pour lutter contre la teigne. Cependant, dans le poireau, les deux insecticides destinés à réprimer le thrips de l oignon, le lambda-cyhalothrine (MATADOR 120 EC) et le malathion (diverses formulations commerciales), seraient également efficaces contre la teigne. Le lambda-cyhalothrine est utilisé en Europe pour la répression de la teigne. L an dernier, au Québec, les producteurs qui ont utilisé le MATADOR (homologation d urgence) ont été satisfaits du résultat. En France, plusieurs matières actives sont homologuées pour réprimer la teigne. Ce sont principalement des produits de la famille des pyréthrinoïdes et quelques organo-phosphorés. Un insecticide à base de Bt (Bacillus thuringiensis) est aussi permis. En fait, la teigne serait facile à détruire, la difficulté étant avant tout reliée à la localisation des larves. Des tests d efficacité, incluant divers insecticides, sont en cours au Québec et en Ontario. Avertissement La stratégie d intervention, concernant l utilisation des traitements insecticides suggérée ci-dessus, représente une tentative en vue de simplifier le suivi et la lutte contre la teigne du poireau et d éviter les traitements inutiles. Elle est basée à la fois sur nos observations au champ et sur les recommandations provenant de l étranger. Il est fort probable que cette stratégie devra être rajustée au cours des prochaines années, en fonction des résultats obtenus et de l expérience acquise avec les différents outils de suivi disponibles. Étant donné que la teigne est un insecte récemment introduit au Québec, la situation globale en termes d impact sur les cultures risque aussi d évoluer avec le temps. LE GROUPE D'EXPERTS EN PROTECTION DES LÉGUMES MARIO LEBLANC, agronome Avertisseur - terre noire Centre de services de Saint-Rémi, MAPAQ 118, rue Lemieux, Saint-Rémi (Québec) J0L 2L0 Téléphone : 450 454-2210, poste 229 - Télécopieur : 450 454-7959 Courriel : Mario.Leblanc@mapaq.gouv.qc.ca Édition et mise en page : Louise Thériault, agronome, Cindy Ouellet et Isabelle Beaulieu, RAP Reproduction intégrale autorisée en mentionnant toujours la source du document Réseau d'avertissements phytosanitaires Bulletin d information No 03 carotte, céleri, laitue 7 juillet 2006 CAROTTE, CÉLERI, LAITUE, Bulletin d information No 03 2006, page 7