Fixation des dunes et reboisement avec le filao (Casuarina equisetifolia) dans la zone du littoral nord du Senegal

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Transcription:

Fixation des dunes et reboisement avec le filao (Casuarina equisetifolia) dans la zone du littoral nord du Senegal Daniel Maillyl, Papa ~diaye~, Hank A. ~argolis~f~ et Marius Pineau4 The Forestry Chronicle Downloaded from pubs.cif-ifc.org by 37.44.196.91 on 02/16/18 Le littoral nord du SCnCgal est le site d'un programme de consenation du milieu qui vise la fixation des dunes littorales et la protection des zones de culture contre les effets ncfastes du vent. Le filao (Casuarina equisetifolia), un arbre fixateur d'azote originaire d'occanie et du Sud-Est asiatique, est l'essence privilcgice pour la fixation des dunes. Depuis un peu plus d'une quarantaine d'anntes, les superficies reboisces le filao totalisent pas moins de 9 700 ha et sa croissance rapide, particulibrement dans les bas-fonds de dunes, en font une source potentielle de bois dans la zone. Parallblement aux travaux de fixation des dunes littorales, les efforts de reboisement ont port6 sur plus de 2380 ha de dunes intcrieures et plus de 4350 ha de dunes stabilistes. Ainsi, malgrc la scvtrit6 des conditions climatiques des dernibres annces, les programmes de fixation de dunes s'avbrent une rcussite remarquable par rapport aux objectifs initiaux et repdsentent un apport indkniable dans la lutte contre la dksertification. Introduction A l'instar de la majoritt des pays sahbliens, le SCnCgal est confront6 B un double dcfi au plan forestier: celui de protkger des Ccosystkmes fragiles et celui de rkpondre aux besoins de sa population (7,5 millions d'habitants) en bois. Au cours des dernikres annces cependant, les conditions clirnatiques ont contribuc B rendre plus sensibles les milieux naturels. SimultanCment, les pressions exercces sur ces Ccosystkmes se sont intensifices suite?i l'accroissement de la population et B l'utilisation de pratiques allant B l'encontre de la conservation du milieu. Aussi, les efforts de reboisement (environ 21 000 ha ax1) ne suffisent pas i compenser les dtgradations multiples dont sont l'objet les formations arborces et qui affectent environ 50 000 ha an-l (Buttoud 1989). Devant la demande accrue en matikre ligneuse que les formations naturelles ne peuvent combler, les plantations forestikres constituent une source vers laquelle les populations pourraient se tourner pour satisfaire leurs besoins. Panni celles-ci, les plantations de filaos (Casuarina equisetifolia Forst. & Forst.) offrent un potentiel relativement intcressant. InitiCes il y a un peu plus d'une quarantaine d'annks, ces plantations font partie d'un programme de conservation du milieu qui vise la fixation des dunes vives du littoral et la protection des zones de culture contre les effets ncfastes du vent. Elles totalisent aujourd'hui plus de 9 700 ha et reprksentent un apport indtniable 'Addresse actuelle: Department of Forest Sciences, Faculty of Forestry, University of British Columbia, 270-2357 Main Mall, Vancouver, B.C. Canada V6T 124. 'Projet de Conservation des Terroirs du Littoral-Sud, Ministere du DBveloppement Rural et de I'Hydraulique Direction des Eaux, For&, Chasses et de la Conservation des Sols, B.P. 432, Thibs, SBnBgal, Afrique de l'ouest. 3~entre de Recherche en Biologie Forestihre, Facult6 de Foresterie et de Gkomatique, Universit6 Laval, Ste-Foy, QuB., Canada G1K 7P4. 4D6Partement des Sciences Forestikres, Facult6 de Foresterie et de Ghnatique, UniversitB Laval, Ste-Foy, Qu6., Canada GlK 7P4. The northern coast of Senegal is the site of a conservation program with the objective of stabilizing shifting sand dunes in order to protect adjacent agricultural fields against the detrimental effects of wind. Casuarina equisetifolia ("filao"), a nitrogen-fixing tree species indigenous to Oceania and southeast Asia, is the favored species for these dune stabilization efforts. Over the past 40 years, the total area reforested with C. equisetifolia amounts to more than 9700 ha. Due to its rapid growth, particularly in the inter-dune depressions, it is seen as a potential source of wood for the region. Additionally, reforestation efforts have also been directed towards the semi-fixed dunes (2380 ha) and the fixed dunes (4350 ha) lying further inland. Thus, despite the severity of the climatic conditions of recent years, Senegal's dune fixation program is clearly a success in respect to its initial objectives and represents an important step forward in the fight against desertification. dans la lutte contre la dtsertification (due au climat) et la dksertisation (due B l'action hurnaine). Le but de cet article consiste donc B situer dans un contexte gcographique et historique l'origine des plantations de filaos au SCnCgal. Il vise Cgalement B exposer les techniques utdikes au niveau des projets de fixation des dunes vives du littoral, B presenter un bilan des r6absations dkoulant de ces projets, et B dsumer l'expertise acquise en amcnagement des plantations de filaos dans le contexte gcncral de la conservation des terroirs du littoral nord scncgalais. La region naturelle des Niayes Les plantations de filaos foment une bande de 400 mktres de largeur en bordure de mer le long du littoral nord du SCnCgal. Elles servent B protcger les Niayes, un territoire de 10 B 15 km de largeur, reconnu cornme un milieu propice aux cultures maraichkres (Fig. l). S'Ctendant sur une superficie de plus de 4 200 km2 entre Dakar et St-Louis, cette rdgion contribue B elle seule a satisfaire @s des deux tiers de la demande nationale en produits maraichers (Blouin 1990). Elle permet B plus de 120 000 personnes de vivre presque exclusivement des retombtes Cconomiques assocites B ce secteur d'activitks. Bien que propice aux activitcs de maraichage, la rigion des Niayes est d'abord et avant tout caractcrisce par des formations de dunes sableuses recouvrant l'ensemble du territoire. I1 en rcsulte un syst2me de dunes littorales constituc de dunes blanches ou vives et de dunes jaunes semi-fixdes ainsi qu'un syseme dunaire continental form6 par des dunes "rouges" fixks. Les dunes blanches se dcveloppent par l'apport de sable en provenance de la haute plage. Les dunes jaunes sont constituks essentiellement de sols peu CvoluCs d'apport Colien ayant subi une certaine Cvolution pcdogcnctique. Enfin, les dunes "rouges" sont constitutes de sols ferrugineux tropicaux peu ou pas lessivk ou sols ~ di~~,, et de sols hy~morphes waignien 1965). A l'interface des dunes semi-fixkes et fixkes apparaissent des &pressions humides hautement fdes, les niayesl qui s76,firent 282 MAUJUIN 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE

Figure 1. Carte de la r6gion des Niayes (SCnCgal). entre les ondulations sableuses et qui correspondent soit B des interdunes, soit B des traces d'anciens rkseaux hydrographiques (Fig. 2). C'est autour de ces cuvettes et chenaux B nappe phrkatique subaffleurante que s'est dkveloppke la culture maraichkre qui singularise la rkgion des Niayes. Celle-ci se distingue kgalement par des conditions bioclimatiques et hydriques exceptionnelles. Ainsi, de dhmbre B rnai, lorsque souffle l'aliz.6 maritime, la rkgion jouit d'un climat frais, humide et trks diffkrent de celui des rkgions intkrieures soumises durant cette @riode B l'harmattan, vent sec et chaud de secteur est. I1 en rksulte des conditions particulikrement favorables B la culture des lkgumes de saison skche (octobre B mai). Le maintien des ressources en eau est la condition essentielle de survie de l'activitc maraichkre dans la zone. L'kquilibre reste prkcaire et incertain dans la mesure oh il est sournis B I'kvolution imprkvisible du rkgime pluviomktrique. Les prkcipitations moyennes annuelles ont continuellement chutk dans cinq villes de la rkgion des Niayes de 1950 B 1979, alors qu'on observait une lkgkre reprise durant la pkriode 1980-89 'Selon Tmhain (1940), le mot "niaye" est synonyme de palmier B huile (Elaeis guineensis) en ouolof, langue parlee au StnCgal. Par extension, on a baptist5 de ce nom les boqueteaux de palmiers huile clui - situt5s entre ~ ak& et ~ompc&l puis, tout le district. 2 ~ destruction a progressive de ;es formations v6gt5tales qui prit de I'ampleur B la suite de la premikre guerre mondiale, t5tait en relation avec le dt5veloppe ment de la ville de Dakar, devenue capitale de I'Afrique Occidentale Frangaise en 1902. pour les villes de Dakar, Kkbkmer et Saint-Louis (Fig. 3). Sous l'effet de ces dkficits pluviomktriques, auxquels se surimpose une couverture vkgktale trop peu dense pour Stre efficace, on assiste B la progression des sables vers l'intkrieur du pays (Blouin 1990). En raison de la forte instabilitk des ensembles dunaires, la migration des dunes atteint dans certains cas, 10-12 m an-'. Jl s'ensuit une altkration et un rktrkcissement des potentialitks en terre et en eau des sites propices au maraichage, en plus d'une dkgradation continue des formations naturelles. Selon Raynald (1963), les formations forestikres qui occupaient jadis la region sud des Niayes se rapprochaient des for& sempervirentes ou semi-dkcidues propres au savanes guinkosoudaniennes. Les dunes vives, bien que @sentes, ktaient maintenues en place en raison de l'abondance de la vkgktation herback et buissonnante prot6geant tout l'arribre-pays. D'a@s Giffard (1974), ce sont les dkboisements effectuks au dkbut du si&1e2, de meme que les &gradations wcasionn& par le piktinement et le surp2turage du cheptel permanent ou en transhumance (desertisation) qui amorckrent le phknomkne de dksertification. Fuisque le maintien du couvert vkgktal est intimement lik aux pressions exercks sur le milieu p& les activitks humaines, l'exploitation anarchique de la vkgktation dans cette zone est entourent les kmes littoram venue exacerber une situation dkjb dklicate (Blouin 1990). Premihres interventions C'est pour faire face B la disparition progressive de la vkg6 tation naturelle et conskquemment, aux risques d'ensevelisse- MAYIJUNE 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE 283

Cuvette maraichbre acte d'ensevelissement 'avancte des dunes vives The Forestry Chronicle Downloaded from pubs.cif-ifc.org by 37.44.196.91 on 02/16/18 Figure 3. Fluctuations pluviom~~ques pour,-inq,,illes de la region des Niayes entre 1950 et 1989. Caractbristiques de croissance du filao L'utilisation du filao Ctait justifice en raison de sa capacite de croissance dans des conditions particulikres: proximit6 de la mer, effets des vents violents charges d'embruns, presence d'un sol sablonneux peu fertile et sans cohesion, et resistance 2 un ensablement partiel. Il faut ajouter B cela sa capacite de fixer l'azote atmosphkrique par l'entrernise d'une symbiose racinaire avec un actinomyckte filamenteux du genre Frankia (National Research Council 1984). Le filao possue tgalement la capacitc d'ktablir des symbioses racinaires avec des champignons endo- et ectomycorhizateurs qui lui permettent de coloniser des sols trks pauvres et de croitre dans des conditions difavorables (Maggia 1991). De plus, son systkme racinaire est parfois caract6rist par la presence de racines groupkes ou de racines dites "protcoi'des" (Diem et al. 1981). Ces dernikres, stirnulees par des deficiences en certains oligoelements, foment alors un rtseau dense de radicelles B la surface du sol qui favorisent l'absorption des elements nutritifs, en particulier dans les sols B faible teneur en phosphore (National Research Council 1984; Racette et al. 1990). Convenablement inoculc avec Frankia, le filao a un pouvoir fixateur d'azote trks tlevc: de 40 a 100 kg ha-l an-', d'oh son in@t en agroforestde et dans la restamation des milieux &grad& (Dommergues 1990; Maggia 1991). La croissance en hauteur du filao peut atteindre 50 m, mais se situe gcn6ralement entre 15 et 25 m (National Academy of ment des niayes que les autorites gouvernementales entreprirent ds de etion de des dunes ulves. lg259 Sciences 1980) Dms les oopicales humides, la prole Service de 1' Agriculture proceda au reboisement d'un ductivite des plantations de filaos est generalement m&mum perimktre auteur du lac Youi (au sud des Nia~es) menace vers de 7-10 ans, avec un accroissement annuel rnoyen d'ensevelissement. L'essence retenue pour les travaux de protection fut le fi1a09 un des d'ausfr&e, lon re@ouve le film & prorirmte de lamer dans les secteurs halayes par la du SU~-ES~ asiatique et des hes du pacifique3, introduit au Part bfise maritime et sur Ies SOIS profonds et pauvres, B condition que la nappe Forestier de ~ a nen n 1908~ ~ (Maheut et Dornmergues 1959). ohreatiaue ne descende Das.. olus de trois mktres de la surface du sol. Quelques plus tad, ces plantations 6taient eies-m6mes i ~ pa& e forestier est situe B Hann, en banlieue de Dakar. menacees de disparition par l'avmcee des sables. L~ service S~elon Monod (1951), I'introduction du filao au Senegal pourrait remonter aussi loin qu'en 1824 puisqu'il figm dans le C&gue des Phes de la P@ink?re dkida d'intervenir en 1948 et proceda au reboisement du Gouvemement au Sinkgal de Richard-Toll, date du 15 juillet 1824, d'un front de 04 km de longueur et largeur de 200 mk-s D'autre paa, Chevalier (1909, cit6 par Moncd, 1951) pensait que I'introduction autour du lac Youi. du filao au Senegal remontait seulement B 1856-57. 284 MAVJUIN 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE

de l'ordre de 6-10 m3 ha-' pour des densit6s de plantation variant de 1 600 B 2 500 tiges ha-' (Pandey 1987). En dtpit de ces qualit6s, le filao est une essence de courte longtvit6 (30-40 ans) qui ne rejette pas de souche en peuplement. De plus, ttant donnt que cet arbre ne se rtgtnkre pas naturellement sous son propre couvert, son utilisation rend les operations de fixation des dunes trks cofiteuses. Toutefois, des essais systtmatiques portant sur 27 espkces vtgttales difftrentes entrepris B la mcme tpoque &montr&rent que le filao ttait la seule esp6ce apte B fixer adtquatement les dunes vives malgrt les tentatives B partir de plants, de semis, de boutures et de plants repiquts (Maheut et Dommergues 1959; Adam 197 1). Encore aujourd'hui, le filao est l'essence priviltgite pour la fixation des dunes vives. Force est de constater que les succbs obtenus au niveau des projets de fixation des dunes sont imputables B l'utilisation judicieuse d'une essence bien adaptte au milieu. Toutefois, il convient d'ajouter B cela le savoir-faire des forestiers stntgalais qui ont su dtvelopper au fil des anntes, des techniques adaptees B un milieu a priori hostile aux efforts de revitalisation. Techniques de fixation des dunes Protection initiale Le principe fondamental de la fixation des dunes littorales est d'empzcher le sable de se dtplacer durant un laps de temps suffisamment long pour permettre aux plantations de s'y ttablir. On y parvient en installant en premier lieu un rkseau de protection constitut de brise-vent artificiels dont le but est de stabiliser temporairement les sables dunaires. Ce rtseau est mis en place en deux ttapes: dans un premier temps (i.e. environ un an avant la plantation), une palissade ou "contredune" de 1 m de haut est installte B une distance d'environ 70 m de la ligne des hautes marks. Elle favorise la formation d'une dune bordibre qui permet de retenir le sable durant la premibre annte de la plantation. Toutefois, cette protection est incapable de contenir B elle seule les mouvements de sable sur toute l'ttendue du @rimktre de reboisement (Maheut et Dommergues 1959). On prockde donc dans un deuxibme temps B la mise en place d'un rtseau de protection constitut de fascines disposces perpendiculairement aux vents dominants. Cette opkration a lieu gkntralement avant la plantation, de novembre B juin selon l'ampleur des sites B reboiser. La distance entre les fascines est de 20 m sur les pentes faibles (0 B 5%). Dans le cas des pentes suptrieures B 5%, cet espacement est ramen6 B 10-15 m et la protection est de type croiste (FA0 1981). Les fascines, d'une hauteur de 50 cm en moyenne, sont confectionnks par les paysans B partir de branchages de "nger" (Guiera senegalensis), tresses sur des piquets d'euphorbe (Euphorbia balsamifera). Un autre type de fascine B base de materiel synthttique est tgalement utilist (Andtkt-Lengui et Dommergues 1983). Techniques de plantation Les travaux de ptpinikre sont initics une fois l'installation du kseau de protection complttk, habituellement vers les mois de janvier et ftvrier. L'objectif est de produire suffisamment de semis de filaos pour rtpondre aux besoins d'une seule saison de plantation. Pour ce faire, on a recours B deux types de ptpinikre: une ptpinibre permanente (environ 150 000 plants at-') qui a pour but de ravitailler en plants dans un rayon d'action constant, et une @pinibre dite 'tolante" (environ 200 000 plants an-') installte sur le chantier et qui est dtplacte en fonction des secteurs B reboiser. Les semences utilistes pour la production des semis sont prtlevtes sur des arbres matures et bien formts durant le mois de dtcembre. Les semis sont tlevts dans des gaines de polytthylbne de 80 p d'6paisseu.r environ, remplies d'un melange de sable et de terreau ou de tourbe. Le repiquage a lieu aprbs 4 B 6 semaines de croissance, lorsque les plants atteignent 10 cm de hauteur. Les arrosages, ltgers et quotidiens, sont effectuts manuellement B partir de puits creusts sur le site mcme de la p6pinikre. L'inoculation des semis avec l'actinomyc&e ~rankia~ a lieu lorsqu'ils atteignent 8 B 10 cm de hauteur environ (FA0 1981). La technique utilik wnsiste B broyer des nodules pkiev& au niveau des racines de filaos dans les anciennes plantations, puis B les tremper pendant quatre B cinq jours dans I'eau d'arrosage (toutefois, une autre forme d'inoculation B partir d'inoculum pur obtenu en laboratoire, semble Ctre prtconis& aujourd'hui (Sougoufara et al. 1992)). Aprbs deux semaines environ, les jeunes plants traitts avec cette solution prtsentent des nodositts au niveau des racines secondaires (FA0 1981). Aprbs 4 B 5 mois de croissance, les semis ont une cinquantaine de centimbtres de hauteur. Les premikres plantations (Fig. 4) ont lieu lorsque le cumul pluviomttrique atteint 50 mm environ. Les plantations sont rtalistes en quinconce B des tcartements de 2,5 X 2,5 m gtntralement (1 600 plants hav1). Une fois plantts, les semis ne sont plus arrosks et dtpendent pour leur survie de I'humidit6 contenue dans le sol et des embruns marins. ~tant donnt la nature du sol (sablonneux et dtnudt), les activitts de reboisement prtsentent peu de difficultts sur le terrain et peuvent Ctre effectutes trks rapidement (20 hectares par jour en moyenne). Quelques semaines aprks la plantation, les jeunes arbres demeurent vulntrables et des dkhaussements se produisent sous l'effet des sables superficiels poussts par le vent (Adam 1971). Toutefois, les taux de survie enregistrts aprks un an oscillent autour de 80 h 90% en gtneral. Les superficies plantks ont une largeur moyenne de 200 m, la longueur variant selon les objectifs annuels fixes au niveau des projets de fixation de dunes. Projets de fixation des dunes Bien que les premiers efforts de stabilisation des dunes vives remontent B 1925, ce n'est qu'en 1948 que le Service Forestier &cide d'intervenir massivement devant une situation jug& alarrnante (Maheut et Dommergues 1959). Les premiers boisements ont pour but de limiter le dtplacement des sables dans la zone du Cap-Vert par la crtation d'un abri vtgttal large de 200 m et long de 30 km entre Malika et Kayar (Fig. 1). Au total, plus de 5 13 ha ont ttt reboists en filao entre 1948 et 1959 (tableau 1). Malgrt ces efforts et ceux apportts par d'autres travaux de protection7, il faut attendre l'annte 1972 pour voir surgir de %elon Maggia (1991), aucune plante actinorhizienne n'existe naturellement au Sknkgal. Le Frankia aujourd'hui prksent dans ce pays serait d'origine australienne et aurait kt6 import6 avec les premiers plants de C. equisehifolia dks la fin du mime sikle. La premikre inoculation B l'aide de broyat de nodules a kt6 faite en 1976 (Projet de fixation des dunes de Kkbkmer). La premihre inoculation avec des cultures pures de Frankia remonte B 1984 et consiste k utiliser des inoculums polymkriques (Sougoufara et al. 1989). 7~'autre chantiers de reboisement sont en opkration durant cette pkriode. Par exemple, plus de 750 ha de dunes inerieures, voisines de dkpressions cultivables de la dgion de Thiks, sont reboiskes entre 1957 et 1967 avec pour seule es+e l'anacardier (Anacardium occidentale). De 1965 B1%7, un programme de 260 ha fut exkcutk sous forme de brise-vent autour de lacs et de petits massifs dans la kgion du CapVert, avec comme principales esp&ces le niaouli (Melaleuca leucadendron) et l'eucalyptus (Eucalyptus camaldulensis). MAYIJUNE 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE 285

Figure 4. Travaux de reboisement avec le filao sur dune vive. A I'arrikre plan, une plantation de filaos %gee de 7 ans. Au premier plan, des semis de filaos prcts B Ctre plant&. The Forestry Chronicle Downloaded from pubs.cif-ifc.org by 37.44.196.91 on 02/16/18 Tableau 1. Superficies plant6es (ha) avec C. equisetifolia sur dunes littorales vives (SCnCgal) de 1948 h 1991 Secteur Annee Sud Centre Nord Total 4707 3122 1936 Sources: Archives des projets de fixation des dunes; Maheut et Dommergues 1959. nouvelles initiatives de fixation des dunes avec le filao. Toutefois, devant I'ampleur du programme B rtaliser, le gouvemement stntgalais demanda l'assistance du Programme des Nations Unies pour le Dtveloppement (PNUD) en 1973 afin de poursuivre ses efforts. L'annte 1975 est marqute par la crtation dans le secteur centre des Niayes (Fig. I), du Projet de Fixation des Dunes de Ktbtmer, co-finance par le PNUD et le gouvernement du Stntgal. Panni les objectifs du projet, on compte notamrnent la reconstitution et la consolidation du couvert vtgttal (fixation des dunes vives), la crtation d'un rtseau de brise-vent protecteur des cultures maraichbres et l'introduction d'espbces forestibres favorisant l'amtlioration des sols et la production de fourrage atrien (FA0 1981). Ce projet est suivi en 1979 par le Projet Autonome de Fixation des Dunes du Gandiolais, couvrant le secteur nord des Niayes (Fig. 1). Co-financt par 1'ACDI (Agence Canadienne pour le Dtveloppement International), ce projet opbre au nord du projet de KtMmer tout en poursuivant les memes objectifs. Deux ans plus tard, le Projet de Fixation des Dunes de Kayar, cefinand par I'USAID (United States Agency for International Development), dtmarre dans la partie mtridionale des Niayes, au sud du projet de Ktbtmer, toujours avec les memes objectifs. En 1988, 1'ACDI prend la relbve du projet PL 480 de 1'USAID au sud qu'elle fusionne avec le Projet de Fixation des Dunes du Gandiolais au nord pour former le Projet de Conservation des Terroirs du Littoral. Bilan des rkalisations Dunes littorales Depuis 1948, les travaux de protection entrepris au sein des difftrents projets de fixation des dunes ont permis le reboisement de plus de 9 700 ha de dunes littorales avec le filao (tableau 1). En 1982, un des objectifs du gouvernement est atteint, B savoir la crtation d'un front vert continu large de 200 m 286 MAVJUIN 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE

reliant Dakar 21St-Louis (1 80 km), entikrement rkalisk avec le filao. ActuelIement, les travaux de reboisement sur dunes vives se poursuivent h un rythme d'environ 700 ha par annk pour I'ensemble des projets (tableau 1). L'impact des plantations de filaos se rnanifeste de diverses faqons. En plus de constituer un Ccran physique efiicace destin6 h freiner B'avancke des sables, la bande reboiske a favoris6 le retour de nombreuses familles de paysans qui avaient autrefois desert6 Ea kgion. L'influence des plantations est pdsente dans toute la zone (Fig. 51, ce que signda avec eloquence Giffard en 1974: "le voyageur qui traverse le district ne peut manquer dlappr&cier les transformations apportkes au paysage par l'introduction des arbres; d'avion, le contraste entre secteurs reboists, secteurs cultiv6s et secteurs dkgradis est encore plus saisissant". Dunes intkrieures et dunes stabilis4es ParaIElement aux travaux de fixation des dunes vives, les projets ont entrepris le rehisement de plus de 2 380 ha de dunes intkieures (secceurs sud et centre; tableau 2). Les principales essences utilisces sont l'eucalyptus (Eucalyptus camaldulensis), les acacias originaires d' Austratlie (Acacia hlosericea et A. mmida) et 1' anacardier (dnmardium occidentale). De plus, des actions de reboisement sur dunes stabilisks (secteurs sud et centre) ont &ti entreprises et totalisent envimn 4 350 ha (tableau 2). Les principales es@ces employks sont les acacias (Acacia albida, R tortifis, A. hobsericen), l'eucalyptus (E. carnalrdulensis), ainsi que Prosopis julijbra, Pourpartia birrea et Babnites aegyptiaca (FA0 I983). Enfin, des travaux de protection des axes mutiers (108 km) et de protection rapprochke des cuvettes dch?res (976 km) ont 136 rhlisks, avec essentiellement les rn&mes esptxes. Foresterie rurale er reboisements communautaires Les ophtions de reboisement dans la zone des Niayes, conduites juqu'ici en kgie, se hmsfenmt tirnidernent et d'une manik ponctuelle aux populations (Blouin 1990). Dans ce contexte, le su& des activitk de protaction et de mnstitution du milieu de vie passe par la responsabilisation des populations males vis-i-vis de la gestion des ressources nabmlles. Four y parvenit, chaque projet Clabore un volet de foresterie rurde, lequel vise une plus grande participation des populations. Actuellement, cette implication prmd diverses fortnes dont la promotion de groupements organis& (groupements de femmes, de jeunes) dans Ia gestion collective des pkpinikres et des boisements villageois. La selection d'espkces ligneuses djversifi&s et la rkintroduction d'essences lmales moins sensibles i la skheresse sont favorisk. Au total, les supehcies reboides sous fome de plantations villageoises sycli.vent h plus de 906 ha (tableau 2). Parmi les espkes les plus utilisks, mentionnons l'anacardier, le psopis, l'eucalyptus, les acacias, et diverses es* i usages multiples. Croissaace, rendement et d6veloppernent des plantations de filaos La croissance du filao le long du littoral nod senegalais est tres bonne, compte tenu de la dyerit6 du milieu. Elle se traduit sur le terrain par des diffkrences de rendement selon Ia position microtopographiqne occupee par les plantations (Ndiaye 1990; Ndiaye et al. 1993). Les rneilleurs rendernem observks se trouvent dans les bas-fonds 0i.1 l'on enregistre un accroissernent annuel rnoyen maximum (a.a.m.m.) de l'ordre de 4.2 m3 ha-' an-" 18 ans, suivis des flancs de dunes (a.a.m.m. de 2.0 m3 ha-' an-' i 29 ans) et enfin des sommets de dunes (a.a.m.m. de 1.7 m3 ha-' an-'?i 30 as). La croissance en hauteur (Fig. 6) est maximum vers 1' dge de 7 ans (entre 1.1 MAYIJWE 1984, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE 287

Tableau 2. Superficies planties (ha) sur dunes intirieures. sur dunes stabilisk. alantations de vrotection et alantations villa~eoises devuis 1975 Protection des Plantations Protection rapprochie Dunes int6rieures Dunes stabilisees axes routiers villageoises des cuvettes Ola) (ha) Oun) (ha) maraichhres (km) Secteur Annie Sud Centre Nord Sud Centre Nord Sud Centre Nord Sud Centre Nord Sud Centre Nord 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 Total Sources: Archives des projets de fixation des dunes; FA0 1981; FA0 1983 et 1.6 m an-'). Selon Hodges et Geary (1985), les plantations de filaos pourraient constituer une des sources les plus productives de bois dans le nord du SCnCgal si elles Ctaient amtnagtes adkquatement. Jusqu'B prcsent, elles n'ont fait l'objet d'aucune intervention sylvicole B grande Cchelle. Les plus vieilles plantations sont maintenant 2gCes de 46 ans et prisentent des signes de dcgcncrescence. D'autre part, l'absence de rcgcncration naturelle dans le sous- Cage pose le problbme de la succession des peuplements de films. La prcsence d'une Cpaisse couche de litibre non-dccomposce explique en partie les dficultcs d'ctablissement de la rcgcncration naturelle sous le couvert des plantations. En raison d'une combinaison de conditons tcologiques particulibres (nature du sol, absence de pluie durant la majeure partie de l'annk et proximitt de la nappe phreatique), les processus de dccomposition de la litibre et d'incorporation de la matibre organique dans le sol mintral sont trbs lents. ConsCquernment, on observe dans les bas-fonds un patron d'accumulation de litibre au sol semblable B celui gkntralement observe en for& borkale. Les rcsultats d'une ttude rtcente dcmontrent que la matibre organique s'accumule B un rythme d'environ 3.3 Mg ha-' at-' dans la couverture morte, soit un total de 120 Mg ha-' aprbs 34 ans (Madly et Margolis 1992, 1994). De la mcme fiipn, l'azote et les principaux ClCments nutritifs s'y accumulent jusqu'au moment de la sinescence des arbres. La quantitb d'azote dans la couverture morte et dans le sol mincral augmente B un taux d'environ 75 kg ha-' an-', ce qui indique un taux apprkciable de fixation d'azote. Enfin, il faut souligner que l'essentiel du capital en ClCments nutritifs au niveau du sol est localis6 dans la couverture morte et dans les tout premiers centimbtres du sol rnincral, ce qui tcmoigne de l'importance de protkger et de conserver cet interface fragile lors des opcrations de rccolte et de remplacement des anciennes plantations. AmCnagement des plantations et utilisations du filao L'amtnagement Cventuel des secteurs reboiscs dans la r6gion des Niayes pose le problbme du r6le unique de protection jouc jusqu'ici par les plantations de filaos. MalgrC tous les efforts accomplis depuis une quarantaine d'annces, les superficies reboisces ne suffisent pas B freiner totalement la progression des sables dunaires. ~'autre art, dans un contexte de &%faction L. des ressources ligneuses, les pressions exercces sur ces plantations se font de plus en plus sentir. Devant ce phknombne, les forestiers sinkgalais sont confrontcs B un dcfi de taille: celui d'amenager les plantations de filaos sur une base de dcveloppement durable. Pour faire face B cette situation, le gouvemement du SCnCgal (Direction des Eaux, ForCts, Chasses et de la Conservation des Sols) a entrepris l'tlaboration d'un plan d'amknagement des plantations de filaos. Ce dernier prcvoit l'exploitation et le remplacement des vieilles plantations dcpcrissantes de mcme que l'amknagement des jeunes plantations. Pour les vieilles plantations, le dcfi consiste B rkup6rer le bois dans les peuplements qui sont en dcgcncrescence tout en assurant la ptrennitc de la protection. Pour les jeunes plantations, il s'agit de tirer profit des sites les plus productifs que sont les cuvettes en y pratiquant notarnment des Cclaircies intermtdiaires avant la coupe finale. Le taux de mortalit6 relativement Clevt dans les jeunes plantations suggbre qu'une premibre Cclaircie entre 1'2ge de 7 et 13 ans pourrait contribuer B diminuer la mortalitt naturelle due B la compctition entre les arbres tout en fournissant des produits pouvant contribuer B rcduire le dcficit en bois de feu scvissant dans les environs. Des expcriences conduites en Inde ont perrnis de conclure que des plantations de filaos ayant des densitcs initiales de 2 900 tiges ha-' pouvaient Ctre Cclaircies dbs l'2ge de 7 ans et rccoltces B l'2ge de 15 ans sans perte de production (Singh et al. 1983). Dans tous les cas cependant, les activitks d'amknagement devront laisser intacte une mince frange en bordure de mer oi~ les arbres ont une forme arbustive dtcoulant de l'effet des vents violents chargts d'embruns. Ce front de verdure buissonnant joue un r6le d'ccran protecteur contre l'avancte des sables et permet aux jeunes arbres plantis sous sa protection de croitre avec un stress rcduit. 288 MAYJUIN 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE

Figure 6. Filaos 5g6s de sept ans ayant une hauteur d'environ 8 m. The Forestry Chronicle Downloaded from pubs.cif-ifc.org by 37.44.196.91 on 02/16/18 D'autre part, les rksultats obtenus B partir des 6tudes de croissance apportent un nouvel &lairage sur la probl6matique de l'am6- nagement des plantations de filaos. Ainsi, la croissance plus lente des arbres au niveau des flancs et des sommets de dunes (a.a.m.m. B 29 et 30 ans respectivement) suggkre que l'sge d'exploitation des plantations croissant sur ces sites devrait se situer autour de 30 B 40 ans, ind6pendamment des objds vids, i.e. production de bois et protection des cuvettes maraichkres contre l'envahissement des sables dunaires. Par contre, dans le cas des plantations situ6es dans les bas-fonds de dunes (a.a.m.m. B 18 ans), deux sc6narios d'ambnagement sont envisageables: 1) une dur6e de rotation d'environ 18 ans dans le cas oh le principal objectif est la production de bois; 2) une durce de rotation de 35 240 ans dans le cas oh l'objectif principal est 17am61ioration des sols et la protection du milieu. Le plan d'amknagement pr6voit Cgalement l'utilisation du bois de filao sous toutes ses formes. Des Ctudes seront toutefois nkcessaires ah de lui trouver les meilleurs dcbouch6s possible~. Parmi ceux-ci, mentionnons la production de charbon de bois. En effet, le filao posskde un bois lourd et compact qui est considcr6 come l'un des meilleurs bois de feu au monde (National Academy of Sciences 1980). 11 est Cgalement possible d'envisager la production de bois d'oeuvre. De couleur rouge-brun et vein6 de noir, le bois du filao posdde un aspect esth6tique indkniable. Toutefois sa transformation pr6sente des inconvknients majeurs (gauchissement, fentes) et devra faire l'objet d'essais technologiques et d'usinage. Perspectives d'avenir Le filao a bien r6pondu au r6le de stabilisateur de dunes qui lui a 6tC assign6 lorsqu'il a kt6 plant6 le long du littoral nord sdntgalais. Son implantation, suivie d'un programme de fixation de dunes int6rieures et de dunes stabiliskes, est un succks B plusieurs tgards et tkmoigne d'une excellente -trise des techniques de protection et de conservation du milieu. D'ailleurs, les succks obtenus avec les plantations de filaos ont inspir6 un nouveau projet d'envergure internationale, mis en place dans le cadre de l'observatoire du Sahara et du Sahel (OSS). Ainsi, le "Projet de fixation de l'azote Maghreb, Moyen Orient et Sahel" (FAMMOS) am pour objectif le revedssement des zones &ti& africaines par l'6largissement de l'aire des cas- en fique, de Dakar au Djibouti. En ce qui a trait au devenir des plantations de fdaos au S6n6gal, il faut souligner que malgr6 tous les efforts dcploy6s jusqu'h maintenant, les derniers relev6s effectucs dans la zone indiquent que la progression des sables n'est pas entikrement jugulce et que certains habitats sableux ne bcn6ficiant pas ou peu de protection continuent de progresser vers l'int6rieur (Blouin 1990). Face B cette pmbl~que complexe, il est B souhaiter que l'ensemble des intervenants du milieu (les paysans, les services de d6veloppement et de vulgarisation, les associations et groupements vdlageois, les organisations non gouvernementales et les bailleurs de fonds) unissent leurs efforts dans la poursuite des activit& de protection, de gestion et de conservation du milieu. Cette collaboration est indispensable si l'on veut pr6server les acquis issus de cette remarquable r6ussite que constituent les programmes de fixation des dunes vives par le filao. Remerciements Les auteurs tiennent B remercier les personnes suivantes pour leur contribution B la rkalisation de cet article: les responsables des projets inmenant dans la zone pour la collecte des stalistiques MAYIJUNE 1994, VOL. 70, NO. 3, THE FORESTRY CHRONICLE 289

concernant les plantations, Jean-Louis Blouin pour sa collaboration (discussions et photographie airienne), Jean LeBorgne pour les statistiques concernant la pluviomi&ie au Sinigal, ainsi que MM. Laurent Maggia et M. Steeve Pepin pour leurs cornmentaires constructifs sur une version antirieure du manuscrit. RCfCrences Adam, J.G. 1971. Les dunes maritimes de l'af?que occidentale, la fixation des dunes de Dakar. In: Hehu, J.-M., (Editeur), Colloques Phytosociologiques: I. La vtgttation des dunes maritimes. J. Cramer, Vaduz, Liechtenstein, pp. 245-251. And6k6-Lengui, M.A. et Y. Dommergues. 1983. Coastal sand dune stabilization in Senegal In: Midgley, S.J., J.W. Turnbull et R.D. Johnson (&tern). Casuarina ecology, management and utilization. Proceedings of an International Workshop, Canberra, Australia, 17-21 August 1981, 158-166. Blouin, J.-L. 1990. RCsumC. In: Inventaire biophysique de la rcgion des Niayes - Synthhe. 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