Le financement de projets nucléaires dangereux Commerce du nucléaire et sûreté : le rôle des banques privées françaises



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Transcription:

Greenpeace France Le financement de projets nucléaires dangereux Commerce du nucléaire et sûreté : le rôle des banques privées françaises De quoi parle-t-on? Pour justifier de son existence, l industrie du nucléaire doit prouver son intérêt économique en s exportant à l international sur de nouveaux marchés. Mais le prix d un réacteur est aujourd hui de l ordre de plusieurs milliards d Euros. Or, les entreprises publiques des nouvelles puissances économiques comme la Chine, l Inde ou le Brésil, principaux nouveaux marchés du nucléaire, n ont pas toujours les moyens d investir directement dans un réacteur de plusieurs milliards ou ne comptent pas investir de l argent public pour acheter des centrales étrangères Les pays exportateurs de technologies nucléaires, dont la France, ont donc développé des mécanismes de soutien financier à l exportation afin d inciter des banques privées françaises à financer la vente de réacteurs français à l étranger. Il s agit d une garantie d Etat qui permet de transférer le risque financier de la banque vers l Etat. L objectif consiste à garantir une société exportatrice contre le risque de non paiement afin de rassurer les investisseurs privés sollicités pour financer le projet. Cela revient donc à subventionner l industrie nucléaire et les banques pour la financer. Pour résumer, le contribuable européen, français quand il s agit de vendre des EPR, assume le risque financier qui pèse sur la vente des réacteurs nucléaires Areva dans des pays étrangers, pour produire une électricité dont il ne verra jamais le jour. Quelles sont les banques concernées? Les banques étrangères privées, notamment françaises, sont parties prenantes du développement du nucléaire à travers de projets pour lesquels la sûreté nucléaire est bien inférieure aux normes françaises et européennes. Entre 2000 et 2009, plus de 175 milliards d euros ont ainsi été investis dans le secteur nucléaire par différentes banques commerciales : financement de projets, émissions d obligations, prêts corporate Sur plus de 124 banques analysées dans le rapport réalisé par une coalition d ONG (http://www.nuclearbanks.org) en 2010, on retrouve parmi les 5 plus gros financeurs privés du nucléaire trois banques françaises : BNP Paribas à la 1 ère place, suivie de la Société générale à la 4 ème place et du Crédit agricole à la 5 ème place 1. Ces trois mêmes banques françaises ont confirmé à Greenpeace qu elles étudiaient le financement de deux projets de centrales nucléaires, pour lesquels les ONG ont identifié de nombreux risques, relevant de la sûreté nucléaire. Les banques mesurent un risque financier et choisissent d investir dans un projet quand elles le trouvent rentable. Or, avec un projet de centrale nucléaire, la banque n assume pas le risque financier, puisque c est l Etat, à travers le mécanisme des garanties d Etat décrit plus haut, qui l assume. «Il ne revient pas aux banques privées de financer une centrale nucléaire.( ). Il n est pas dans nos compétences de mesurer le risque de sécurité associé à de tels projets». 1 Nuclear Banks no thanks, Mai 2010 http://www.nuclearbanks.org

Antoine Sire, directeur de la communication du groupe BNP, en 2008 au sujet de l implication de son groupe dans le financement du projet de construction de centrale nucléaire à Bellene en Bulgarie. De plus, on ne peut même pas évaluer correctement le risque pris par l investisseur, puisque les études réalisées ne sont pas publiques et que la décision d investir n est pas liée au résultat de cette étude. Les banques françaises financent des projets sales, qui ne pourraient voir le jour en Europe : Angra 3 au Brésil-carte d identité du projet Constructeur : Areva avec une technologie Siemens/ Pour Electronuclear qui est l équivalent brésilien d EDF Coût : 70% des équipements sont déjà sur place représentant un coût de 270 millions d euros. La reprise des travaux pour achever la construction de ce réacteur devait initialement coûter 4 milliards d Euros. En juillet 2010, Electronuclear annonçait qu à peine deux mois après la reprise des travaux le chantier coûterait déjà 400 millions d euros supplémentaires 2. La banque de développement brésilienne, BNDES devrait apporter entre 2,2 et 2,7 milliards d Euros, Le reste sera fourni par les banques étrangères, notamment les banques françaises. La presse brésilienne a publié début octobre une information selon laquelle un consortium de banques françaises aurait proposé un prêt de 1,1 milliard d Euros. Planning Site du chantier d Angra (2008) La construction de ce réacteur a commencé en 1984 et s est arrêtée en 1986 faute de financement. Elle a recommencé début juin 2010. Le matériel nécessaire à la construction du réacteur a donc été laissé sur place plus de 25 ans et est réutilisé aujourd hui : La technologie utilisée est obsolète Certains des éléments qui composeront le réacteur ne sont plus utilisés depuis Tchernobyl (86). Les principaux problèmes de sûreté sur Angra Une technologie obsolète qui n est plus autorisée à la construction en Europe 2 Sources : http://www2.anba.com.br/noticia_eletrica.kmf?cod=10253681&indice=0 http://www.energiahoje.com/globalenergy/2010/07/01/413330/angra-3-to-cost-us$-550-mmore.html

Il s agit d un réacteur de deuxième génération conçu par Siemens au début des années 1980. Les pièces utilisées sont donc aux normes de sûreté d avant Tchernobyl! Le réacteur nucléaire d Angra 3 accuse un retard considérable sur le plan technologique: il est basé sur une conception vieille de 30 ans et dépend de nombreux composants fabriqués et stockés il y a plusieurs dizaines d années. Des mises à jour ne pourraient que partiellement remédier à cette obsolescence et Angra 3 n atteindra de toute façon jamais les mêmes normes qu un réacteur de nouvelle génération. Une autorisation de construire accordée sans réelle analyse de la sûreté Tirant les leçons des deux catastrophes nucléaires passées (Three Miles Island aux USA en 1979 et Tchernobyl en Ukraine en 1986), l Agence Internationale de l Energie Atomique, qui fixe les règles minimales en matière de sûreté, exige que l exploitant analyse les différents scénarios d accidents nucléaires possibles, leurs effets potentiels et surtout prennent les mesures nécessaire pour prévenir ces accidents, en limiter la probabilité ou les effets. Cette analyse cruciale est à ce jour totalement absente des enquêtes de sûreté effectuées par l autorité de contrôle brésilienne CNEN (Commission Nationale pour l Energie Nucléaire http://www.cnen.gov.br/), équivalent de notre ASN française. L autorisation de construction précise d ailleurs que l exploitant devra fournir cette analyse ultérieurement. Pendant ce temps, la construction se poursuit et des modifications majeures pour la sûreté du projet ne sont pas effectuées. Prenons deux exemples : o En l état de sa conception, si un accident nucléaire survient sur le réacteur Angra 3 rien n est prévu pour empêcher que les éléments radioactifs ne se répandent o la seule voie d accès est la route nationale n 1,régulièrement fermée pour cause de glissements de terrains fréquents dans cette région montagneuse Les propres techniciens de la CNEN, autorité de contrôle brésilienne équivalent de notre ASN française, se sont prononcés contre le projet. Un procureur brésilien s est saisi de l affaire et a demandé par deux fois l arrêt des travaux pour raison de sûreté, sans succès. La prochaine étape sera une poursuite devant les tribunaux brésiliens. Mais pourquoi une autorité de contrôle publique autoriserait-elle un projet de réacteur nucléaire obsolète, dangereux, en contradiction avec les normes internationales de sûreté les plus élémentaires et contre l avis de ses propres techniciens? Conflit d intérêt du régulateur brésilien : la CNEN a un intérêt économique direct dans le projet La CNEN au Brésil est à la fois en charge du contrôle de la sûreté, mais aussi de l exploitation de réacteurs expérimentaux et de la vente de minerai d uranium nécessaire

à la fabrication du combustible nucléaire. En France la CNEN serait donc à la fois l ASN, Areva et le CEA Pourtant, selon le traité international sur la sûreté nucléaire de l AIEA, signé par le Brésil «les états signataires doivent s assurer de la séparation des fonctions de l'organisme de réglementation et de celles chargées de la promotion ou de l'utilisation de l'énergie nucléaire» C est donc la CNEN qui a délivré la licence de construction et une de ses filiales qui vend de l uranium, le principal combustible. On peut donc se dire qu elle est moins regardante sur les conditions de sûreté. http://www.cnen.gov.br/noticias/noticia.asp?id=418 Jaïtapur en Inde : carte d identité du projet Constructeur : Areva, pour 2 EPR Pour le compte de la compagnie publique indienne NPCIL/ équivalent d EDF Coût : 5,4 milliards d Euros, ce qui n est même pas le coût de l EPR finlandais : 2 EPR indiens pour le prix d un en Finlande! Le manque à gagner en sous estimant ainsi le coût sera assumé directement par les contribuables français ou bien par Areva (entreprise publique) ou bien par la COFACE Financement : 70% en dette (CA, Sté gale, BNP, HSBC) et 30% en fonds propres (NPCIL donc état indien) Planning : La construction devrait commencer à 2012 pour une mise en service 2017 Eude du financement du projet par les banques. Les discussions sont en cours au niveau ministériel pour l attribution d une garantie d état. Les principaux risques sur la sûreté à Jaïtapur, en Inde 1 - Une centrale nucléaire dans une zone à risque sismique La région de Jaitapur est traversée par trois failles tectoniques. Au cours des 20 dernières années, de nombreux tremblements de terre ont été recensés dans cette zone. Le plus violent, enregistré en 1967 à une centaine de kilomètres de Jaïtapur, affichait une magnitude de 6,5 sur l'échelle de Richter. Entre 1990 et 2000 un séisme d'une magnitude supérieure à 6 sur l'échelle de Richter et deux supérieurs à 5 ont été mesurés dans la région de Jaitapur. Sur l'échelle de risque indienne, la zone de Jaïtapur est classée à l'échelon 4 sur 5 avec des séismes pouvant atteindre une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter. Jamais une centrale nucléaire n'avait encore été exposée à une telle magnitude, avant Fukushima. Voir la carte des zones sismiques indiennes. 2 - Un niveau de sûreté très inférieur à celui exigé en France

Une absence totale d'indépendance du régulateur Pour permettre un contrôle réel des activités nucléaires, la France a modifié en 2006 le statut de l'autorité de sûreté nucléaire pour en faire une Autorité Administrative Indépendante (AAI). Aujourd'hui l'asn revendique cette indépendance comme la garantie majeure d'un contrôle efficace des activités nucléaires. L'autorité de contrôle indienne (AERB) n'est pour sa part pas indépendante des instances chargées de la promotion du nucléaire en Inde. Au sein même du collège dirigeant d'aerb, 2 des 6 commissaires travaillent pour NPCIL. Cette indépendance de l'organe régulateur est rendue obligatoire par les règles internationales (Convention de l'aiea sur la sûreté nucléaire de 1994 ratifiée par l'inde) ainsi que par les règles européennes (EU directive 2009/71) De nombreux incidents liés au nucléaire chaque année en Inde L'absence d'un organe de contrôle pleinement indépendant a des conséquences directes sur la qualité de la sûreté. En Inde, l'exposition aux radiations des salariés du nucléaire est 10 fois supérieure à la moyenne mondiale. Plus de 1700 salariés et scientifiques sont morts de maladies liées à une exposition aux radiations entre janvier 1995 et mars 2010. Cette réalité est toujours d'actualité, le 24 novembre 2009, une cinquantaine de travailleurs sur la centrale de Kaiga ont été hospitalisés après avoir été exposés à une dose extrêmement forte de radioactivité. En avril dernier 7 personnes ont été hospitalisées et une personne a trouvé la mort suite à une exposition à de hautes doses de radioactivité sur un marché de recyclage des métaux à proximité de New Delhi. Une autorité de contrôle incapable de surveiller un chantier de la taille de l'epr AERB compte 215 agents pour contrôler 5 chantiers de réacteurs nucléaires de technologie différente, 19 réacteurs en fonctionnement et 2409 installations nucléaires. A titre de comparaison, le régulateur finlandais emploie 70 personnes à temps plein pour travailler uniquement sur l'epr. L'absence d'un contrôle indépendant de la sûreté est un point crucial tant au niveau de la construction du réacteur, (en 1994 le toit du réacteur nucléaire Kaiga 1 s'est effondré à quelques mois de la fin des travaux) mais aussi au cours de l'exploitation de la centrale, d'autant plus dans une zone sismique où les tremblements de terre peuvent affecter durablement les réacteurs. Au Japon une centrale a été endommagée par un séisme de magnitude 6,4, il a fallu arrêter la centrale pendant presque deux ans. Une centrale controversée en Inde Une étude d'impact environnementale biaisée La construction de 2 EPR à Jaïtapur affectera non seulement la vie de quelques 10 000 villageois propriétaires des terrains mais aussi des milliers de pêcheurs. La centrale sera située dans une région qualifiée de haute qualité biologique par le gouvernement indien où normalement la construction de centrales est interdite. L'étude d'impact environnementale renseigne un risque sismique erroné (zone 3) et ne prend pas en compte les impacts des rejets qui vont modifier les écosystèmes. Des protestations réprimées Alors que les villageois ont refusé les compensations financières versées pour le rachat forcé de leurs terres, les autorités publiques ont réprimé les manifestations contre le projet de Jaïtapur. Environ 3000 personnes se sont faites enfermées volontairement. Et la BNP?

BNP est la première banque au monde à financer l'industrie nucléaire, avec au moins 13,5 milliards d Euros investis sur la période 2000-2009. Plus d un tiers de ce montant (5 milliards d euros) était destiné à EDF (premier exploitant nucléaire mondial détenu à 87 % par l État français). BNP est la troisième source de financement d EDF, après le Crédit Agricole (6,7 milliards d euros) et la Société Générale (6 milliards d euros). Parmi la clientèle nucléaire de BNP, on trouve aussi le groupe industriel français AREVA, la compagnie d électricité allemande E.ON (dont le portefeuille contient 25 % d activités nucléaires), le belge Electrabel et la compagnie nucléaire publique japonaise TEPCO. Pourquoi les banques ne doivent pas financer le nucléaire La plupart des banques d investissement ont pris des engagements en faveur du développement durable et de la responsabilité sociale. Toutefois, l ensemble du cycle du nucléaire est en complète contradiction avec les principes même de durabilité et de responsabilité sociale. La contamination radioactive peut survenir à toute étape de la chaîne du combustible, de l extraction au traitement de l uranium, en passant par l exploitation du réacteur et la gestion des déchets nucléaires. Un grave accident sur un réacteur de 1 000 MW, qu il soit imputable à une défaillance humaine ou technique, pourrait affecter des millions de personnes, entraîner la mort de dizaines de milliers d individus et contraindre à l évacuation de régions de la taille d un pays comme la Belgique 3. Chaque réacteur produit des déchets nucléaires dangereux du combustible usé qui reste radioactif pendant des millénaires. Il n existe aucune solution de stockage permanent ou sûr pour les déchets nucléaires. Energie nucléaire et arme nucléaire sont les deux faces d une même pièce. Les matériaux et les technologies utilisés pour produire de l énergie nucléaire peuvent facilement être détournés par les gouvernements, mais aussi par les groupes militaires et terroristes, pour construire des armes nucléaires. Ces dix dernières années, l industrie nucléaire s est efforcée de convaincre le public et les responsables politiques que le nucléaire, malgré ses inconvénients, était un élément essentiel de la lutte contre les changements climatiques. L industrie a promis qu elle avait tiré les enseignements des catastrophes précédentes, et qu elle offrirait une énergie propre, sûre, fiable et bon marché. Mais toutes ces promesses sont mensongères. D après le scénario énergétique élaboré en 2008 par l Agence internationale de l énergie (AIE), même en construisant 1 300 nouveaux réacteurs et en multipliant par quatre la production mondiale d énergie nucléaire d ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre diminueraient d à peine 4 % 4. Étant donné que les délais de planification et de construction des centrales sont extrêmement longs 5, ces résultats arriveraient bien trop tard pour nous permettre de réduire rapidement nos émissions d ici à 2020 objectif qu il faut impérativement atteindre si l on veut empêcher le chaos climatique. La mise en œuvre du scénario de l AIE impliquerait un financement de 10 billions de dollars pour la construction de réacteurs 6, augmenterait considérablement la quantité des 3 http://greenpeace.org/raw/content/belgium/nl/press/reports/het-on-verzekerde-risico-van-ke.pdf 4 AIE, Energy Technology Perspectives, 2008. 5 Il faut cinq ans ou plus pour obtenir toutes les licences et réaliser toutes les planifications nécessaires. La construction d un réacteur nécessite également cinq années au minimum, mais des retards de plusieurs années sont fréquents. 6 En partant de l hypothèse d une construction de 1 300 nouveaux réacteurs, pour un coût de 5 à 8 billions de dollars chacun.

déchets nucléaires produits et légués aux générations futures et entraînerait d énormes risques de prolifération (un réacteur produit en général plusieurs centaines de kilos de plutonium chaque année 7, soit une quantité suffisante pour fabriquer des dizaines d armes nucléaires). En réalité, le secteur du nucléaire empêche la protection du climat en détournant des ressources qui devraient être investies de toute urgence en faveur des renouvelables, source d énergie propre et sûre. De plus, les réacteurs nucléaires sont souvent à l origine d une insécurité énergétique. Sur 130 réacteurs commerciaux en service aux États-Unis, un tiers présente des temps d indisponibilité supérieurs à un an on compte au total plus de 50 arrêts de longue durée, dont sept d une durée de deux ans ou plus. En 2007, la plus grande centrale nucléaire du monde, Kashiwazaki, au Japon, a été mise à l arrêt pendant plus de deux ans en raison d un séisme. Même aujourd hui, seuls deux des sept réacteurs ont été remis en service. En utilisant l énergie nucléaire, nous nous rendons dépendants de l approvisionnement en uranium, qui n est assuré que par quelques pays. En effet, sept pays représentent 90 % de la production mondiale (Canada, Australie, Russie, Niger, Namibie, Kazakhstan et Ouzbékistan), tandis que les services de production de combustible n existent que dans six pays. Sans parler du fait qu aucun pays au monde n ait encore trouvé de solution pour garantir le stockage définitif et sûr des déchets nucléaires. Cependant, l industrie nucléaire ne s en soucie guère. Elle lutte pour sa survie et fait pression pour que des dizaines de nouveaux réacteurs soient construits dans les années à venir. Nous estimons que ces projets doivent être contrecarrés afin de protéger la santé des citoyens, de garantir leur sûreté et de mettre en œuvre des solutions d énergie propres et sûres, dans les proportions qui sont nécessaires pour lutter efficacement contre les changements climatiques. Contact : Isabelle Philippe, chargée de communication - 06 73 89 48 90 7 http://www.world-nuclear.org/info/inf15.html