Rapport de synthèse. Auteurs : E. Larose, G. Mainsant, D. Jongmans, L. Baillet ISTErre, CNRS, Université de Grenoble, France

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Rapport de synthèse Variation de la vitesse des ondes S avant le déclenchement d un glissement-coulée (Pont Bourquin Suisse) Programme 2010 du Pole Alpin d étude et de Recherche pour la prévention des Risques Naturels Auteurs : E. Larose, G. Mainsant, D. Jongmans, L. Baillet ISTErre, CNRS, Université de Grenoble, France C. Michoud, M. Jaboyedoff Institut de Géomatique et d Analyse des Risques (IGAR), Université de Lausanne, Suisse C. Brönnimann Laboratoire de géologie de l ingénieur et de l environnement (GEOLEP), EPF Lausanne, Suisse 1 RESUME Les glissements-coulées dans les terrains argileux posent un problème aigu pour la gestion du risque, en raison des variations spectaculaires de vitesse qui peuvent se produire (du cm/an au m/s), en fonction des conditions météorologiques et de l infiltration d eau dans le massif. Le glissement du Pont Burquin, situé dans les Alpes suisses, est un glissement actif de taille limitée (250 m de long, 35 à 65 m de large, environ 10 m de profondeur), qui a montré des signes d accélération à la fin du printemps en 2010, avec des vitesses mesurées de plusieurs m/mois. En Août 2010, un glissement-coulée de plusieurs centaines de m 3 s est déclenché dans la zone d accumulation, à la suite d une période pluvieuse continue. Afin de détecter des changements du milieu dans la zone d accumulation, deux sismomètres courte-période, reliés à une station d acquisition continue, avaient été installés en Janvier 2010 sur le terrain stable, de part et d autre du glissement. Les données continues de bruit sismique ont été traitées par la technique d intercorrélation pour mettre en évidence les variations de vitesse des ondes de Rayleigh (V R ) dans la masse en glissement. Dans la gamme de fréquence 10-12 Hz (correspondant approximativement à une profondeur de pénétration de l ordre de 10 m), la vitesse V R a montré une décroissance significative (7%) entre le 23 juillet et le 17 août 2010, avec un gradient relativement plus fort à partir du 13 Août, soit 5 jours avant le glissement-coulée. Ces résultats suggèrent que la décroissance de V R en fonction du temps, qui traduit une diminution de rigidité du milieu, pourrait être utilisée comme précurseur avant le déclenchement de mouvement gravitaire dans les sols argileux. 1

2 INTRODUCTION Les glissements de terrain argileux sont souvent caractérisés par des phénomènes d accélération et de fluidification imprévisibles, qui posent de nombreux problèmes dans la gestion des risques. Afin de prévenir ces glissements, les méthodes habituellement utilisées sont la mesure des déplacements (Petley et al., 2005) du glissement ou les mesures hydrologiques (teneur en eau, pression interstitielle) (Keefer et al., 1987). Nous proposons ici une méthode de mesures de changement de l état de rigidité du milieu par l intermédiaire des vitesses relatives de propagation des ondes de cisaillement (ondes S). Pour avoir une surveillance en continue et se passer de la nécessaire reproductibilité de source, indispensable pour la sismique active, nous proposons une alternative d intercorrélation de bruit ambiant. Cette technique nécessite au moins 2 capteurs dont les signaux continus seront ensuite intercorrélés pour retrouver la réponse impulsionnelle locale du milieu entre eux comme ci l un des capteurs était la source et le second le récepteur. Au préalable, des mesures géophysiques ont été réalisées. Un profil de tomographie électrique et deux profils sismiques sont localisés parallèlement et/ou transversalement dans le glissement. La tomographie électrique nous donne des informations sur la géométrie du glissement et les différentes interfaces lithologiques par la différence de leurs résistivités. Quant au profil électrique, en plus de confirmer la géométrie du glissement, il nous indique un modèle de vitesse d onde S par inversion de la courbe de dispersion des ondes de surface enregistrées. Les deux types de mesures sont réalisé sur des profils indiques (P1 et P2, Fig. 1a). 3 LE GLISSEMENT DU PONT-BOURQUIN 3.1 Présentation du glissement Le glissement du pont Bourquin (Fig. 1a) se situe dans les Préalpes suisses et affecte un versant surmontant la route cantonale reliant le village des Diablerets à la ville de Gstaad. De faible dimension (300m de long, 40m de large, 10m d'épaisseur), il présente l'intérêt d'être facile à observer et instrumenter. Actif depuis le début des années 90 (Jaboyedoff et al.2009), ce glissement a connu une période d accélération à la fin du printemps 2010 (quelques mètres par mois), avant le déclenchement d un glissement-coulée entre le 17 et le 18 aout 2010 (Figs. 1b,c et d). Au niveau géologique, le site se caractérise par une structure complexe (Badoux et al., 1991) (Fig. 2b). Il est recoupé par trois failles inverses superposant des écailles de lithologie différente: des dolomites et gypse dans les parties sommitales et inférieures, une formation de schistes noirs dont l altération a constitué le matériau affecté par le glissement et une couche de flysch turbiditique. 2

PARN- projet 2010 Larose et al. Figure 1. a) Localisation du glissement du Pont-Bourquin et vue générale (le rond situe la zone d accumulation), positionnement des profils de mesures géophysiques (P1 et P2) et des capteurs d écoute passive (C1 et C2). Localisation du glissement-coulée du 17-18 aout 2010 en pointillé. b) Photo avant glissement au niveau de la zone d accumulation : fissures métriques au niveau de la zone de chargement indiquant un déplacement en surface. c) Vue depuis la route en bas du glissement le 17 aout 2010 (trois jours avant le glissement). d) Vue depuis la route, prise après le glissement, en fond des arbres sont déracinés, le glissement-coulée est localisé sur la gauche. 3.2 Etudes géophysiques du glissement Un profil de tomographie électrique a été réalisé le long du glissement (figure 2c). Les faibles résistivités en surface (30-60 Ohm m) caractérisent la zone glissée, dont l épaisseur maximale et le volume mobilisé peuvent être estimés respectivement à environ 11m et 35000m3. En profondeur les couches géologiques dessus sont bien marquées par des résistivités différentes (supérieures à 500 Ohm.m pour les flyschs et la dolomite, inférieures à 150 Ohm.m pour les schistes noirs). Figure 2. a) Profil lithologique du glissement de Pont-Bourquin (profil P1). b) Tomographie électrique correspondante. ISTerre, BP 53, 38041 GRENOBLE cedex 9 3 UJF, CNRS, U. de Savoie, IFSTTAR, IRD

Deux sondages sismiques ont été effectués le long des profils électriques P1 et P2. Les courbes de dispersion (vitesse de phase en fonction de la fréquence) des ondes de surface (Rayleigh) calculées au niveau de la zone d accumulation pour les deux profils sont montrées à la Figure 3a. Les deux courbes de dispersion couvrent la gamme de fréquences entre 5 et 30 Hz, en fonction des caractéristiques spectrales des sources (marteau et explosif). Les deux courbes ont été inversées en utilisant la méthode de voisinage étendue (Wathelet, 2009). Le profil de vitesse des ondes S (Vs) est montré à la Figure 3b. Sur les 4 premiers mètres, les vitesses Vs sont mal définies (Vs<300m/s) en raison du manque d information à haute fréquence. Ensuite, Vs dans la masse glissée vaut environ 360m/s et augmente rapidement jusqu à 660m/s dans le substratum rocheux.. Figure 3. A) Les deux courbes de dispersion des deux profils de sismique actives P1 et P2. B ) Profil vertical de la vitesse Vs obtenu par inversion des courbes de dispersion. 4 MESURES DES VARIATIONS DE VITESSE DES ONDES S GRACE AU BRUIT AMBIANT Afin de surveiller le glissement et tout particulièrement la zone d accumulation susceptible d être le départ d une future coulée, deux capteurs sismiques vélocimétriques ont été placés de part et d autre du glissement (Fig. 2a, C1 et C2) dans la zone stable Les deux sismomètres (3 composantes, 2 Hz de fréquence de résonance), sont séparés de 35m et ont été enterrés à 40cm de profondeur afin d éviter toute perturbation thermique. L enregistrement continu (fréquence échantillonnage de 250Hz) a duré 5 mois, du début du mois d avril 2010 à la fin du mois d aout 2010. Les enregistrements de bruit sismique ont étés blanchis dans une fenêtre large bande 4-25 Hz et les intercorrélations entre signaux mesurées par les deux capteurs ont été calculées pour toutes les heures d une journée, puis moyennées pour établir un corrélogramme par jour (Fig. 4a). Un corrélogramme moyen de référence a alors été déterminé pour toute la période de mesures (Fig. 4a). Les corrélations journalières ont alors été comparées à celle de référence grâce à la technique d étirement (strectching) (Hadziioannou et al., 2009) (Fig. 4b) : un signal journalier (en rouge, sur la Figure 4b) est étiré dans le domaine temporel jusqu à ce que le coefficient de corrélation entre ce dernier et le signal de référence soit maximum. A ce coefficient d étirement temporel correspond une variation de vitesse de phase (dv/v) des ondes de Rayleigh. Pour les temps de propagation courts, les corrélations calculées montrent une asymétrie, résultant d une distribution spatiale non aléatoire des sources de bruit sismique. La partie plus 4

tardive (coda) des corrélogrammes (coda) ([-0.2s -2s] et [0.2s 2s], plus stable et correspondant à des ondes ayant échantillonné la zone autour et entre les capteurs (Sens-schoenfelder et al., 2006), est considérée dans les calculs de dv/v. La Figure 5 présente les variations de vitesse dv/v pendant la période d enregistrement dans la bande 10-12Hz, ainsi que le niveau piézométrique d un puits situé entre les 2 capteurs (au milieu du glissement). On distingue 3 périodes dans les variations de vitesse. De début avril jusqu au 24 juillet 2010, la vitesse des ondes de Rayleigh est relativement stable, avec des fluctuations de moins de 1%. La deuxième période, entre le 24 juillet et le 15 aout, est marquée par une chute de la vitesse de l ordre de 2%, dont l initiation correspond à un épisode pluvieux moyen et à une petite augmentation du niveau piézométrique. Après le 15 aout, on observe une chute plus importante de la vitesse (5% en 4 jours) qui peut être reliée à la pluviométrie et à une augmentation du niveau piézométrique. Figure 4. a) Corrélogramme par jour et signal de référence (en noir). B) exemple d étirement temporel (stretching) pour un signal donné (en gris foncé) avec le signal de référence (en noir), le résultat avec la meilleure corrélation entre le signal initial et la référence est montré en gris clair. La baisse significative de la vitesse relative des ondes de Rayleigh indique un changement de propriétés mécaniques au sein du glissement, avant le déclenchement du glissement-coulée entre le 17 et le 18 aout 2010. Sur la base des courbes de dispersion (Fig. 3), la profondeur de pénétration d ondes à des fréquences de 10 à 12 Hz, calculée comme un tiers de la longueur d ondes, correspond approximativement à la base de la couche en glissement (11 m). 5

Figure 5. Variation de vitesse relative des ondes S de début avril jusqu à fin aout (haut), niveau piézométrique mesurée dans le glissement entre les 2 capteurs et précipitations journalières (bas). Les trois phases sont bien marquées ainsi que la date du glissement-coulée (17-18 aout 2010) à la suite d une chute brutale des ondes S (voir texte). 5 PROFIL RHEOLOGIQUE DU GLISSEMENT PAR MODELISATION DIRECT La courbe dv/v en fonction de la fréquence a été calculée durant les 5 jours précédant le glissement (Fig. 6). On observe que la diminution de vitesse est limitée entre 10 et 14 Hz. En vue de préciser la couche concernée par les changements de vitesse observés, nous avons modélisé l effet de l introduction d une couche de vitesse faible et d épaisseur H au sommet du substratum. Figure 6. Mesures des variations de vitesse suivant différentes bandes fréquentielles pour les données enregistrées avec les deux capteurs et des données synthétiques basées sur 5 modèles définis par H et Vs 3bis ( à gauche). L importante différence entre les 2 modèles avec H=2,5m, Vs3bis = 150m/s et 250m/s montre que la valeur de vitesse de cette couche est bien contrainte. 6

Un profil sismique vertical de référence a été déterminé (Fig. 6, où H=0m) à partir des résultats de l inversion des ondes de surface (Fig. 3B). La vitesse des couches superficielles (deux premiers mètres), dont l effet est d atténuer les hautes fréquences, a été déterminée pour obtenir un filtre à 15 Hz de fréquence de coupure. Une quatrième couche à moindre vitesse a alors été introduite à la base du glissement et les variations dv/v entre les courbes de dispersion de chaque modèle par rapport au modèle de référence ont été calculées. Les courbes dv/v obtenues pour différents couples (Vs, H) sont tracées à la figure 6. Après de multiples essais (méthode par essais et erreurs), un bon ajustement avec la courbe expérimentale a été obtenu pour Vs=200 m/s et H= 2,5 m (Fig. 6). Après de multiples essais, Ces résultats indiquent que le changement de propriétés mécaniques expliquant la chute de dv/v s est produite à la base de la couche en glissement, sur une épaisseur de quelques m. Ce phénomène est en accord avec une comportement de type fluide à seuil, pour lequel une diminution des propriétés rhéologiques est observée au dessus d une valeur de contraintes. Dans le cas du glissement des Diablerets, l augmentation des contraintes a pu être générée par l accumulation des matériaux dans la zone d expérimentation 6 CONCLUSION Des enregistrements de bruit sismique mesurés durant 8 mois sur le glissement du Pont Burquin ont permis de mettre en évidence une variation de vitesse des ondes de Rayleigh (V R ) dans la masse en glissement, avant le déclenchement d une instabilité gravitaire qui s est produite entre le 17 et le 18 aout 2010. Dans la gamme de fréquence 10-14 Hz, la vitesse V R a montré une décroissance significative (7%) entre le 23 juillet et le 17 août 2010, avec un gradient relativement plus fort à partir du 13 Août, soit 5 jours avant le glissement-coulée. Cette gamme de fréquences correspond à une diminution de la vitesse Vs dans une couche de plusieurs mètres située à la base du glissement. Ces résultats suggèrent que la décroissance de V R en fonction du temps, qui traduit une diminution de rigidité du milieu, pourrait être utilisée comme précurseur avant le déclenchement de mouvement gravitaire dans les sols argileux. 7 REFERENCES Brenguier, F., Shapiro, N.M., Campillo, M., Ferrazzini, V., Duputel, Z., Coutant, O. & Nercessian, A. 2008 Towards forecasting volcanic eruptions using seismic noise, Nature Geosciences 1, 126-130. Hadziioannou C., Larose E., Coutant O., Roux P., Campillo M. 2009. Stability of monitoring weak changes in multiply scattering media with ambiant noise correlation: Laboratory experiments. J. Acoust. Soc. Am 125 (6). Jaboyedoff, M., Pedrazzini, A., Loye, A., Opikofer, T., Güell i Pons, M. & Locat. J. 2009. Earth flow in a complex geological environment: the example of Pont Bourquin, Les Diablerets (Western Switzerland). In: Landslide processes, from geomorphologic mapping to dynamic modeling. Keefer, D.K., Wilson, R.C., Mark, R.K., Brabb, E.E., Brown,W.M., Ellen, S.D., Harp, E.L., Wieczorek, G.F., Alger, C.S. & Zatkin, R.S. 1987. Real-time landslide warning during heavy rainfall. Science 238, 921 925. Petley, D.N., Mantovani, F., Bulmer, M.H. & Zannoni, A. 2005. The use of surface monitoring data for the interpretation of landslide movement patterns. Geomorphology 66, 133-147. Sens-schoenfelder, C. and Wegler, U. 2006. Passive image interferometry and seasonal variations of seismic velocities at Merapi Volcano, Indonesia, Geophys. Res. Lett. 33, L21302. Wathelet, M., 2008. An improved neighborhood algorithm: parameter conditions and dynamic scaling: Geophysical Research Letters, 35, no. 9,L09301, doi: 10.1029/2008GL033256 7