Avis relatif au projet de classement des cours d eau Voté à l unanimité des membres de l Assemblée Générale de la CCI de région Rhône-Alpes du 27 mars 2013. T. 04 72 11 43 43 F. 04 72 11 43 62 www.rhone-alpes.cci.fr
PREAMBULE Les acteurs institutionnels sont consultés pour avis sur le projet de classement des cours d'eau du bassin Rhône-Méditerranée au titre de l'article L. 214-17 du Code de l'environnement contribuant aux objectifs du schéma directeur d aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et du plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin Rhône-Méditerranée. Ce nouveau classement entrera en vigueur à compter du 1 er janvier 2014 en remplacement des classements de cours d eau issus de la loi de 1919 relative à l utilisation de l énergie hydraulique et de l article L. 432-6 du code de l environnement. La finalité de ces classements introduits dans la Loi sur l eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006 est de répondre à un double enjeu : - Contribuer à l'atteinte du bon état des cours d eau ou de préserver ce bon état s il est déjà atteint, - Assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource conciliant la qualité des milieux et les usages. Ainsi est-il proposé un nouveau classement établissant deux listes de cours d'eau en lien avec les objectifs de la Directive Cadre sur l Eau (DCE) et du Grenelle de l Environnement : Liste 1 : pour les cours d'eau à préserver car en très bon état écologique ou constituant des réservoirs biologiques ou nécessitant une protection complète des poissons migrateurs amphihalins (vivant alternativement en eau de mer et en eau douce). La loi spécifie qu «aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique». Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants sera possible dès lors que des prescriptions additionnelles visant la non détérioration de la continuité écologique seront mises en œuvre. Le linéaire de cours d eau proposés en liste 1 de l ensemble des commissions géographiques du bassin Rhône-Méditerranée est de 25 819 km, soit 33% du linéaire total. Liste 2 : pour les cours d'eau à restaurer pour lesquels il est nécessaire d'assurer un transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Le propriétaire de l installation a l'obligation de mise en conformité des ouvrages au plus tard dans les 5 ans après publication de la liste. Le linéaire de cours d eau proposés en liste 2 de l ensemble des commissions géographiques du bassin Rhône-Méditerranée est de 5 452 km, soit 7% du linéaire total. Avant l établissement définitif des listes de cours d eau classés qui seront soumises à l avis du comité de bassin courant 2013, le Préfet coordonnateur de bassin Rhône-Méditerranée a sollicité l avis de la CCI de région Rhône-Alpes sur les deux listes et sur l étude de leur impact sur les usages. La CCI de région Rhône-Alpes souscrit globalement à l objectif général d un meilleur état des milieux aquatiques, qu elle juge hautement souhaitable et elle apprécie d être consultée sur ce sujet. Cette démarche vers une nouvelle amélioration de l état des cours d eau du bassin Rhône- Méditerranée peut néanmoins avoir des conséquences préjudiciables sur les entreprises dont l activité est liée à ces cours d eau : abandon de projets d équipements hydroélectriques, charges financières liées à l aménagement et à la maintenance des ouvrages (ouvrages de pisciculture, hydroélectriques, d alimentation en eau potable, sites de loisirs aquatiques), diminution des capacités de prélèvements par pompages ou mise en place de prélèvements alternatifs pour certains usages industriels La CCI de région Rhône-Alpes, attentive aux répercussions sur le développement économique et l aménagement des territoires, a souhaité émettre un certain nombre d observations. T. 04 72 11 43 43 F. 04 72 11 43 62 www.rhone-alpes.cci.fr 2/5
Des justificatifs insuffisants pour le classement des cours d eau en liste 1 et 2 Il est rappelé d après la Directive Cadre sur l Eau (DCE) que le bon état d'une masse d eau de surface est atteint lorsque son état écologique et son état chimique sont au moins «bons». La continuité de la masse d eau n est donc requise qu en tant que moyen d atteindre le très bon état. L étude devrait donc fournir les éléments justifiant le classement en liste 1 ou liste 2 pour atteindre l objectif de bon état du cours d eau. Selon la circulaire du 17 septembre 2009, relative à l organisation de la procédure de révision des classements de cours d eau, les classements doivent être justifiés au risque de pouvoir être contestés et de créer une insécurité juridique du dispositif. Les propositions de classement en liste 1 ou 2 ne font pas apparaitre d éléments précis de justification de la contribution du nouveau classement à l atteinte du bon état de la masse d eau considérée. Dans ce sens, il serait souhaitable que les deux listes des cours d eau proposés au classement soient accompagnées des tableaux des annexes 2 et 3 de la circulaire mentionnée ci-dessus, complétés des informations concernant les espèces susceptibles d être visées, les ouvrages ciblés, le coût estimatif des aménagements. L avis des entreprises utilisatrices sur les conséquences éventuelles de cette nouvelle classification devrait également être sollicité. Un manque de données concernant les impacts du classement sur l usage industriel Concernant les usages industriels, l étude attribue un impact «moyen» du classement sur les ouvrages existants soumis à une anticipation du délai de mise en conformité au titre de la continuité sédimentaire (p. 94 de l étude d impact). La CCI de région Rhône-Alpes s interroge sur ce degré d impact attribué à l usage industriel compte tenu de l absence de références à des ouvrages spécifiques et du manque de visibilité sur l impact réel qui dépendra de l option d aménagement choisie. Des études plus fines au regard des usages industriels devraient compléter l analyse pour permettre de mieux mesurer les conséquences de ces propositions de classement. Dans un contexte de concurrence et de crise internationale, toute incidence sur le coût de revient des entreprises impactées peut avoir des répercussions sur leur viabilité. Des impacts lourds de conséquences pour la filière hydroélectrique qui obèrent certains des objectifs du projet du SRCAE L étude révèle un impact sur le développement de l hydroélectricité qui peut être considéré comme moyen à fort : près de 2.4 milliards de kwh (2.4 TWh) de productible potentiel seraient soumis à une contrainte de mobilisation très forte liée à la liste 1 alors que près de 0.77 TWh de productible potentiel resteraient mobilisables sous réserve d absence d enjeux forts autres que la liste 1. Par ces modifications, le projet de classement impactera le potentiel d augmentation de la production hydroélectrique déjà amoindri par la perte productible liée à l accroissement des débits réservés qui ne peuvent être compensés. Ainsi, la production hydroélectrique à l horizon 2020 sur le bassin Rhône-Méditerranée risque d être inférieure à la production actuelle (42 TWh d après la Note d évaluation du potentiel hydroélectrique du bassin, p. 149) et l ambition de produire 1,8 TWh d énergie hydroélectrique de plus pour le bassin Rhône- Méditerranée serait donc inatteignable (telle que mentionnée p. 125 de l étude d impact, dans le partie dédiée à l hydroélectricité du tableau bilan de l impact sur les usages). Enfin, la CCI de région Rhône-Alpes relève que la méthodologie d orientation du classement en liste 1 exclut tous les projets d une puissance inférieure à 4,5 MW (diagramme de l annexe 2, p. 18 de la notice d accompagnement de la consultation réglementaire de la DREAL). Sachant que ceux-ci peuvent représenter un potentiel important sur certains territoires (Isère, Haute-Savoie), il conviendrait que le T. 04 72 11 43 43 F. 04 72 11 43 62 www.rhone-alpes.cci.fr 3/5
diagramme de l annexe 2 soit modifié pour une prise en compte des projets d une puissance inférieure à 4,5 MW et plus globalement des enjeux relatifs aux énergies renouvelables. Pour la CCI de région de Rhône-Alpes, il importe que la procédure de classement ne remette pas en cause les objectifs régionaux affichés dans le projet de SRCAE qui prévoient une augmentation de la part de l hydroélectricité avec un productible net de 0.60 TWh en 2020. Par ailleurs, il est important de souligner que, outre les entreprises productrices d électricité, la dynamique de l ensemble de la filière hydroélectrique (construction, équipements, études, ) pourrait être impactée par une diminution de la production. L évaluation des bénéfices environnementaux reste à préciser Il est rappelé que le plan national de restauration de la continuité écologique (PARCE) s appuie sur cinq piliers cohérents et complémentaires, notamment l évaluation des bénéfices environnementaux des aménagements et travaux réalisés afin de contrôler a posteriori l intérêt des interventions et d enrichir les connaissances par capitalisation des retours d expériences. Il importerait de connaitre avec précision cette évaluation pour s assurer de la pertinence et de l efficacité des actions qui seront imposées aux différents maitres d ouvrage sur les cours d eau faisant l objet de classement en liste 2 au regard des coûts induits. Des coûts résultants des propositions d aménagement des ouvrages sans rapport avec les possibilités de financement L étude d impact évalue un coût d investissement de 62 Millions d euros pour la mise aux normes des ouvrages au titre du classement en liste 2. Ces coûts n incluent pas ceux relatifs aux travaux de restauration de la continuité écologique sur les cours d eau classés au titre du L. 432-6 n ayant pas encore fait l objet d une mise en conformité ni ceux relatifs aux 584 ouvrages prioritaires Grenelle qui restent à traiter d ici 2015. En cumulant ces 584 ouvrages aves le seul chiffre de l étude d impact relatif aux ouvrages à traiter pour des travaux de montaison 1, c est déjà plus de 1700 ouvrages qui pourraient être concernés par des travaux d aménagement. Or, le 10 ème programme de l agence Rhône-Méditerranée-Corse ne prévoit la restauration que de 600 ouvrages. Sur la base d un montant moyen de travaux par ouvrage de 400 000 euros (d après la synthèse de la mise en œuvre à mi-parcours du Programme de Mesures), l enjeu à l échelle du bassin représenterait potentiellement (compte tenu de l incertitude autour du nombre d ouvrages à traiter) un investissement de plus de 600 millions d euros. Aussi, l évaluation globale de traitement des ouvrages concernés par la liste 2 montre que les montants nécessaires à leur mise aux normes paraissent incompatibles avec la capacité financière globale des acteurs. Il est pris note que les coûts associés à la mise aux normes de la continuité sédimentaire n ont pas été calculés en raison de la complexité de l évaluation. Enfin, il est important de noter que l étude d impact ne traite pas des coûts de maintenance et d exploitation des nouveaux aménagements qui devront être installés pour le franchissement des espèces piscicoles, alourdissant encore les charges pesant sur les propriétaires d installations. Une évaluation plus approfondie des coûts, pour les entreprises comme pour les collectivités, résultant des propositions d aménagement des ouvrages existants, incluant en particulier les ouvrages prioritaires Grenelle ainsi que les coûts de maintenance et d exploitation, serait nécessaire pour obtenir une estimation plus juste des investissements auxquels seraient confrontés les entreprises. 1 Les travaux de montaison sont ceux permettant la remontée des poissons migrateurs vers les zones de reproduction situées en amont de l embouchure des fleuves T. 04 72 11 43 43 F. 04 72 11 43 62 www.rhone-alpes.cci.fr 4/5
Une réalisation des travaux d aménagement des ouvrages impossible dans le délai prévu D après la circulaire du 17 septembre 2009, «sur les classements au titre du 2 de l article L. 214-17, il est nécessaire de prendre en compte le principe de progressivité. Aussi est-il nécessaire de considérer, dans le choix des cours d eau retenus au classement, la faisabilité des aménagements dans les cinq ans à venir ainsi que les enjeux réels.» Compte tenu des capacités des opérateurs locaux à mettre en œuvre ces aménagements, du nombre total d ouvrages à traiter et considérant un rythme d équipement optimum de 100 par an, la proposition de classement en liste 2 parait difficilement compatible avec le calendrier imparti. Aussi, serait-il souhaitable de prendre en compte le principe de progressivité tel que recommandé dans l annexe 1 de la circulaire du 17 septembre 2009 en procédant à un classement qui viserait en priorité les enjeux écologiques les plus forts. Car, dès lors que l application dans le délai imparti semble compromise, on peut craindre sur un plan juridique un important contentieux dès 2018, source d insécurité juridique. CONCLUSION Pour la CCI de région Rhône-Alpes, l étude d impact révèle un déséquilibre entre les enjeux écologiques et les enjeux liés aux usages susceptibles d impacter les entreprises dont l activité est liée à l usage de l eau notamment la filière hydroélectrique. Par ailleurs, la CCI de région Rhône-Alpes souhaite attirer l attention des Pouvoirs Publics quant à la cohérence des différentes et nombreuses politiques publiques déployées sur les territoires afin que leurs objectifs respectifs ne se contredisent pas. Le classement des cours d eau pourrait, de ce point de vue, conduire à l échelle du Bassin à une remise en cause des objectifs visés en termes de développement des énergies renouvelables. Du point de vue financier, la CCI de région Rhône-Alpes souhaite mettre en évidence une incompatibilité entre le nombre d ouvrages susceptibles de nécessiter un aménagement et les capacités de financement ; ceci justifiant une estimation complémentaire des investissements qui impacteront les entreprises et les collectivités. La CCI de région Rhône-Alpes relève également un manque d évaluations et d informations relatives à la justification des classements, aux bénéfices environnementaux attendus et aux conséquences sur les usages industriels actuels. Ces éléments ne doivent pas être négligés dans la mesure où ils pourraient constituer des motifs de recours en annulation des classements et de ce fait conduire à de nombreux contentieux. Aussi, la CCI de région Rhône-Alpes suggère qu une révision du projet de classement des cours d eau et de l étude d impact associée puisse être entreprise sur la base de ces éléments avant l établissement des listes définitives qui seront soumises à l avis du Comité de bassin. *** T. 04 72 11 43 43 F. 04 72 11 43 62 www.rhone-alpes.cci.fr 5/5