Modélisation de systèmes complexes et éléments de finance computationnelle



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Transcription:

Professeur Olivier BRANDOUY Modélisation de systèmes complexes et éléments de finance computationnelle Master Recherche \(Séance 2\) 2009-2010 Olivier Brandouy - 2009/10-1

«More is different!» Olivier Brandouy - 2009/10-2

«More is Different» P.W. Anderson, 1972, Science (177) Hypothèse «réductionniste» Nos pensées, nos actes, tout ce qui est animé ou inanimé et pour lequel nous avons quelques connaissances obéit à un même ensemble fondamental de lois. Corollaire : Les seules choses que les scientifiques étudient qui puissent être qualifiées de fondamentales sont ces lois. Ce que Weisskopf appelle les la «recherche intensive» en l opposant à «l extensive» où à l inverse, on cherche à expliquer des phénomènes dans les termes des lois fondamentales connues. Problème majeur : l hypothèse «réductionniste» n en implique pas une «constructiviste» Ce n est pas parce qu on se donne un ensemble de lois fondamentales qu on peut reconstruire tout l univers à partir de ces lois. Ex: plus on connaît les lois qui régissent les particules élémentaires et moins elles paraissent adaptées à expliquer les autres problèmes naturels ou sociaux. On achoppe ici sur deux difficultés jumelles: l effet d échelle et la complexité Olivier Brandouy- 2009/10-3

Complexité et effet d échelle Complexité On ne peut pas comprendre le comportement de grands ensembles de particules en interaction en extrapolant les lois qui régissent le comportement individuel de ces particules. A chaque niveau de complexité émerge de nouvelles propriétés \(illustration à venir\) Passage des lois de la physique des particules élémentaires à la physique des solides => changement d échelle, de complexité => émergence de nouvelles propriétés. Avec la «quantité», c est toute la «qualité» des phénomènes qui change \(«more is different» => rupture de symétrie. Echelle Un phénomène \(ou une loi\) invariant d échelle présente les mêmes propriétés si on multiplie l échelle des longueurs caractéristiques par un facteur commun. Le phénomène \(ou la loi\) subissant l effet d échelle voit ses propriétés modifiée \(«more is different») Olivier Brandouy - 2009/10-4

Invariance d échelle, illustration Courbe de Sierpinski Installer Netlogo File => Models Library=> Mathematics => Fractals => Sierpinski Simple Setup=> Go Once A explorer seuls : «Star Fractal» Les fractals présentent des propriétés d auto-similarité qui engendrent de telles invariances Pour les aller plus loin : B. Mandelbrot, 1997, Fractales, Hasard et Finance (1959-1997) Flammarion. Olivier Brandouy - 2009/10-5

2. Automates cellulaires

Principe général \(automates à une dimension\) Pourquoi aborder ce point? Modèle informatique élémentaire pour étudier la «complexité» en des termes non statistiques Première étape dans la découverte des systèmes multi-agents et dans la modélisation informatique des systèmes complexes \(entreprise, réseau d entreprise, économie, investisseurs, systèmes financiers \) Une tradition déjà ancienne Travaux séminaux dus à J. Von Neumann \(structures auto réplicantes 1940\) Travaux de Conway sur le «jeu de la vie» \(1970\) Travaux de Stephen Wolfram (typologie, 1980) Architecture Réseau régulier «cristal», «grid» + règles de voisinage Règles de transition d état à état Diagramme «espace-temps» Olivier Brandouy- 2009/10-7

Principe de fonctionnement : allumé / éteint Diagramme espace-temps Fonction de transition

Fonctionnement Automate reçoit des stimuli et les transforme selon une règle. Dénombrement des automates à 1 dimension et 3 voisins Automates antécédents E1, E2, E3. Chacun de ces automates est dans un des deux états possibles (soit 2 3 = 8 configurations d entrés) Deux sorties possibles (allumé, éteint [0,1]) Permet de définir 2 8 = 256 règles, ou automates différents

Identifier les automates (1) Chaque automate est donc défini par les règles de transformations qu il applique Illustration de deux règles: E1[1], E2[1], E3[0], A[1] E1[0], E2[0], E3[0], A[0] Il faut donc définir toutes les possibilités pour que l automate soit complet [000] [001] [010] [011] [100] [101] [110] [111] 0 0 1 0 0 1 1 1 Ex. précédent = automate 39 Olivier Brandouy- 2009/10-10

Identifier les automates (2) Le cas du «39» 00100111 : Nombre binaire codé sur 8 bits Chaque digit [0,1] est placé dans une position de rang «n» \(n variant de 0 à 7\) Le nombre ainsi défini s exprime en base 10: Ici : 2 7 + 2 6 + 2 5 + 2 4 + 2 3 + 2 2 + 2 1 + 2 0 0 2 7 + 0 2 6 + 1 2 5 + 0 2 4 + 0 2 3 + 1 2 2 + 1 2 1 + 1 2 0 1 32 + 1 4 + 1 2 + 1 1 = 39 Olivier Brandouy- 2009/10-11

Initialisation Hypothèse de départ Tous les automates sur la grille sont identiques Chaque «couche» d automates est activée séquentiellement On part d une situation initiale où «un» ou «n» automates est en position [1] Exemple du «238» Olivier Brandouy- 2009/10-12

Dynamique du «238» temps 1. Evolution linéaire de l automate. 2. Certains présentent des dynamiques bien plus intéressantes! 3. On peut établir une classification de ceux-ci Olivier Brandouy- 2009/10-13

Les 4 Classes de Wolfram Wolfram, S. 2002., A New Kind of Science. Wolfram Media Inc. Champaign, IL. NB : la classification fait l hypothèse d un état initial désordonné Classe 1 : «homogènes» Convergence vers un état homogène duquel ils ne sortent plus après quelques itérations Ex : 4 Classe 2 : «réguliers» L évolution amène à des états stables, parfois alternés \(périodiques\) Ex : 56 Classe 3 : «chaotiques» Apparition de structures apériodiques; quelque soit l état initial, après un certain temps, les propriétés statistiques de ces automates finissent par être semblables \(densité des sites «on» tend vers une valeur positive fixe\) 30 Classe 4 : «complexes» \(mi-chemin entre l ordre et le désordre\) Evolution vers des structures complexes, souvent locales, pouvant «survivre» un certain temps ou se propager indéfiniment 110 Olivier Brandouy- 2009/10-14

L automate «30» incarné dans un «cône» Automate «30» après 3 cycles Cône «géographe», Pacifique Sud Olivier Brandouy- 2009/10-15

Automates à 2 dimensions Le jeu de la vie (Conway, 1970) 1 automate parmi potentiellement 4 294 967 296 Voir article (Gardner, Scientific American) originel sur mon site Interactionnisme plus fort : automate sur un voisinage de Moore Quelques règles simples Vérifier son propre état et celui de ses voisins Mise à jour simultanée des automates selon une règle génétique : 1. Vivant? 2. Mort? Exactement 2 ou 3 voisins => rester en vie Plus de 3 voisins => mourir (surpopulation) Moins de 2 voisins => mourir (isolation) Exactement 3 voisins = renaître

Une (rapide) introduction au code (cf. Life) NetLogo => tutorials sur le site Langage élémentaire \(non orienté objet, pas de polymorphisme, d héritage \) Simple \(syntaxe et sémantique\) Peu adapté pour de la simulation massive Très adapté pour les SHS \(nombreuses primitives pour des ontologies compliquées comme les réseaux\) Variables locales (vs. globales) Procédure déclarative Quelques éléments d algorithmique simples Tests : if, ifelse Boucles : while (for) Olivier Brandouy- 2009/10-17

Structures «émergentes» Le mouvement est émergent Rien ne bouge vraiment! Quelques ilots de vie «auto entretenue» Figures remarquables Glisseurs Oscillateurs Puffer train Ce jeu se note B3S23 B1S12 est une variante qui peut engendrer des formes proches de la courbe de Sierpinski mais n offre pas les propriétés de B3S23 => sauriez-vous la coder? Olivier Brandouy- 2009/10-18

Emergence : un débat épistémologique ouvert Emergence faible : produit de l interaction entre les particules élémentaires. Le réseau de causalité est identifiable des éléments microscopiques aux éléments macroscopiques Ex: automates cellulaires, marchés financiers Emergence forte : Les liens de causalités micro-macro ne sont plus évidents Ex: la conscience ou la vie, le langage. Suggestion : podcast sur mon site «What happens when there is no leader?»

Emergence faible ou forte? Olivier Brandouy- 2009/10-20