La sortie de l obligation d achat de la filière cogénération Synthèse : L AFIEG, dont les membres accompagnent la sortie des contrats d obligation d achat (OA) de la production décentralisée en proposant des contrats de valorisation et d accès aux marchés, s inquiète des conséquences négatives pour les consommateurs d électricité et les autres filières de production induites par la prorogation des contrats d OA à des conditions dérogatoires dont continuent de bénéficier plusieurs filières de production. Cette inquiétude est particulièrement vive concernant la filière cogénération à gaz. En effet, les contrats dits «CO1R» dont peuvent encore bénéficier les cogénérateurs sont extrêmement coûteux pour les consommateurs d électricité. Ils engendrent de fortes distorsions de fonctionnement du marché de l électricité et présentent nombre d effets pervers : Les raisons qui justifiaient l existence de contrats d OA au début des années 2000 (absence de débouchés sur des marchés naissants, amortissement d investissements élevés) ont disparu depuis de nombreuses années. Les dérogations (introduites en 2005) aux conditions de rémunération de l électricité produite sous OA ont provoqué une explosion des prix de vente à EDF, alors même que l ouverture du marché du gaz a permis une baisse conséquente des coûts de production des cogénérateurs : ceux-ci bénéficient d une rente aussi exceptionnelle qu injustifiée (augmentant de près de 300 M /an la CSPE payée par les consommateurs d électricité) et contraire à la loi 1. L effet d aubaine introduit par la possibilité (contraire aux règles concurrentielles européennes) de renouveler les contrats d OA à la cogénération pérennise les surcoûts payés par les consommateurs d électricité pour douze ans supplémentaires. Le fonctionnement en dehors de tout signal de marché des centrales sous contrat d OA provoque une distorsion de concurrence par rapport aux autres filières de production aussi vertueuses mais fonctionnant, elles, en fonction des signaux de prix. Ce mode de fonctionnement annihile aussi les bénéfices environnementaux de la filière qui se substitue aux productions décarbonées durant une bonne partie de leur fonctionnement. Le mode de fonctionnement alternatif «dispatchable» revient à offrir à EDF l option (financée par la CSPE) d activer des capacités de production en dehors des règles de fonctionnement et de transparence des marchés. 1 C.f. Article 10 de la loi 2000-108 du 10/02/2000. AFIEG - Association Française Indépendante de l Électricité et du Gaz 7 rue du Commandant Rivière 75008 Paris Tél. : 01 45 63 68 16 - info@afieg.fr www.afieg.fr
L AFIEG demande donc que : Les dérogations aux conditions contractuelles des contrats d OA «cogénération» soient supprimées (déplafonnement des prix de gaz et modes dispatchables) dès maintenant. La possibilité de renouveler ces contrats d OA soit suspendue 2 le temps d analyser l intérêt réel de ces contrats dans le cadre des nouvelles orientations énergétiques françaises. L AFIEG sera particulièrement attentive à ce que les principes de non discrimination entre filières aux vertus similaires et de non perturbation des mécanismes et signaux de marché soient respectés par les éventuels mécanismes alternatifs. Contexte L arrivée à échéance du dispositif réglementaire d obligation d achat (OA) pour certaines filières de production décentralisée a conduit les pouvoirs publics à entamer une réflexion sur leur accompagnement vers le marché. Les associations représentant ces filières ont exprimé un certain nombre de revendications reflétant leurs spécificités 3 : Pour l hydraulique : Le renouvellement de l OA sous condition de rénovation, soit une garantie d enlèvement pour pallier le manque supposé d accès au marché dû à leur très faible taille 4, et une valorisation du caractère renouvelable et profilé de leur production. Pour les cogénérations à gaz : La possibilité de renouveler les contrats d OA pour les centrales de moins de 12 MW, et pour celles de plus de 12 MW, la perception d une prime fixe annuelle moyenne de 45 k /MW installé pendant quatre ans en anticipation d une rémunération par un futur mécanisme de marché de capacité. Pour les diesels dispatchables : La prorogation des contrats d OA jusqu en 2015 à 60 k /MW/an, afin d utiliser la réactivité des centrales pour pallier les besoins de pointe 5. Les contrats d obligation d achat ont montré leur utilité mais présentent à long terme des effets adverses ; ils doivent donc être limités dans le temps et leur bénéfice réservé aux filières naissantes, conformément à la loi. De manière générale, l obligation d achat est un dispositif utile et efficace pour soutenir temporairement les filières de production naissantes, vertueuses, et économiquement peu matures. Il permet de lancer leur développement et pallier les difficultés d accès aux marchés de l énergie et 2 Conformément aux dispositions des articles 10 de la loi 2000-108 et 33 de la loi 2004-803 du 09/08/2004. 3 Voir note UFE du 29 Juin 2011 : http://www.ufe-electricite.fr/-communiques-de-presse,10-?debut_article=10#pagination_article 4 Les membres de l AFIEG et d autres opérateurs proposent pourtant de nombreuses offres de valorisation sur le marché de la production hydraulique au terme des contrats d OA. 5 Ces centrales sont désormais essentiellement valorisées sur le MA de RTE et concourent aux Réserves Rapides et Complémentaires. AFIEG - Association Française Indépendante de l Électricité et du Gaz 2
du financement de certains producteurs. Cependant, la production, considérée fatale, est achetée en priorité (système de l obligation d achat), ce qui impacte négativement les prix du marché spot, avec pour principale conséquence que les moyens de production utilisés pour la pointe et la semi-base ne trouvent plus de rentabilité. Le maintien dans l obligation d achat d un certain nombre d'actifs matures technologiquement et amortis économiquement 6, et ayant bénéficié de nombreux dispositifs d aides publiques 7 comme les cogénérations à gaz, aggrave ainsi la distorsion de concurrence avec les autres centrales de pointe et de semi-base qui ne bénéficient pas des mêmes conditions et sont soumises, elles, à la pression économique. Il serait ainsi paradoxal de sauvegarder quelques moyens de pointe et de semi-base en les maintenant dans le périmètre de l obligation d achat, ou dans un mécanisme ad hoc, alors que cette inclusion même contribue à la baisse de la rentabilité de tous les moyens de pointe et/ou semi-base sur le marché! Les conditions techniques, réglementaires et économiques qui avaient prévalu à la mise en place de l obligation d achat ont aujourd hui totalement disparu : Filière naissante : la filière cogénération est parfaitement mature en France avec 5000 MW installés et tous les principaux fabricants et opérateurs représentés. Difficulté d amortir l investissement : les installations sont aujourd hui totalement amorties au terme de 12 ans de contrats profitables. Nécessité d un tarif de rachat car les marchés de l électricité n existaient pas : ces marchés fonctionnent aujourd hui et les cogénérateurs en sont eux-mêmes des acteurs ; c est l existence même des contrats d OA qui freine le développement des marchés. Volonté de favoriser une filière vertueuse (bon rendement énergétique contribuant à réduire les émissions globales de CO 2 ) : le bilan environnemental des cogénérations serait bon si leur régime de fonctionnement obéissait aux signaux de marché car elles se substitueraient à d autres moyens de production carbonée. Mais leur fonctionnement «en base» sous OA détériore le bilan des cogénérations car elles se substituent au nucléaire toutes les nuits et week-ends : le fonctionnement de la cogénération sous OA est moins vertueux que celui des CCG et des cogénérations gérées en fonction des signaux de prix du marché. La possibilité de renouveler les contrats d OA cogénération est contraire aux directives européennes et à la loi française ; le contournement de la loi conduit à augmenter les coûts supportés par les consommateurs d électricité sans raison. 6 La Commission européenne, dans sa communication du 6 juin 2012, vient de rappeler que l'orientation qui doit primer pour le marché intérieur de l'énergie est la restriction des mécanismes de soutien type obligation d'achat aux seules technologies non matures. 7 Outre le bénéficie de l OA : amortissement accéléré, réduction de 50% de la taxe professionnelle et exonération de TICGN pendant 5 ans AFIEG - Association Française Indépendante de l Électricité et du Gaz 3
La possibilité de conclure un 2 ème contrat d OA est expressément exclue par la loi 8. Elle est aujourd hui contournée 9 sous prétexte de travaux majeurs à réaliser sur les installations. Or : Une filière de production qui requerrait de réinvestir 400 k /MW ( 40% de l investissement à neuf) tous les 5 ans de fonctionnement (12 ans x 5 mois/an) ne devrait pas être favorisée, encore moins subventionnée par les consommateurs. Les installateurs et opérateurs peinent à justifier de travaux «utiles» totalisant le seuil requis et indiquent 10 plutôt qu «il faut compter entre 120 et 140 k /MW pour les révisions et mises à niveau d une cogénération, qui lui permettent de repartir pour 10 ans». Le contrat C01R «Rénovation» permet de bénéficier des mêmes revenus que ceux du contrat initial 11 pour un investissement réduit d un facteur 2 à 3 : la rentabilité exceptionnelle 12 de ce Contrat d OA constitue un effet d aubaine (déjà dénoncé par le Rapport de la Cour des Comptes sur la CSPE de Juin 2012) pour ceux 13 pouvant en profiter. Le contrat d OA «C01R» conduit d ailleurs à de nombreuses aberrations, par exemple : Le démantèlement (ou le transfert à l étranger) de centrales de 25 MW, performantes, totalement amorties et viables sur le marché libre pour permettre leur remplacement par des centrales de 11,99 MW, de moins bon rendement mais éligibles au contrat «C01R» 14. La réduction volontaire de la production de chaleur d origine renouvelable sur des réseaux de chaleur pour maximiser la puissance contractualisée sous contrat C01R 15. La conclusion de contrats C01R pour des puissances surdimensionnées par rapport aux besoins thermiques des sites 16. 8 C.f Loi 2000-108 du 10 Février 2000, article 10, alinéa 5 : les installations bénéficiant de l'obligation d'achat au titre du présent article ou au titre de l'article 50 de la présente loi ne peuvent bénéficier qu'une seule fois d'un contrat d'obligation d'achat. 9 C.f. Arrêté du 14/12/2006 permettant aux cogénérateurs de P < 12 MW de bénéficier d un 2 ème contrat d OA à des conditions similaires au premier contrat sous condition d un réinvestissement partiel. 10 C.f. Article Europ Energies du 12/07/12 :«Les cogénérateurs s inquiètent pour l avenir de leur filière». 11 Dont la rentabilité était pourtant déjà jugée "exagérément favorable" par la CRE dans son avis du 12/07/2001 sur le projet d arrêté «fixant les conditions d achat de l électricité produite par les installations de cogénération d électricité et de chaleur valorisée, pris en application du décret n 2001 410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d achat de l électricité produite par des producteurs bénéficiant de l obligation d achat». 12 C.f. Loi 2000-108 du 10 Février 2000, article 10, alinéa 5 : Le niveau de cette prime ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé. 13 Les cogénérations de moins de 12 MW, amorties et qui pourraient être opérées dans une logique de marché, choisissent à plus de 75% de profiter de la rentabilité exceptionnelle offerte pendant 12 ans supplémentaires par le contrat «C01R». 14 Par exemple : centrales de Commentry (Industrie) et Chalon-sur-Saône (Réseau de Chaleur). 15 Par exemple : réseau de la ville de Fresnes où la production de chaleur géothermique est réduite pour permettre le respect du rendement thermique de la cogénération adjacente bénéficiant d un C01R. 16 La possibilité de signer l avenant «Dispatchable» au contrat d OA permet au cogénérateurs de continuer à bénéficier de la prime fixe même pour un site qui n a pas/plus de besoins thermiques (car l exigence de rendement thermique est levée pendant le faible nombre d heures d appel d EDF). Cette possibilité incite à AFIEG - Association Française Indépendante de l Électricité et du Gaz 4
Le renchérissement pendant 12 années supplémentaires des coûts affectés supportés par la CSPE pour le support de la cogénération sous OA de 200 k /MW/an 17, alors que les représentants des plus gros opérateurs indiquent que 45 k /MW/an suffiraient pour en assurer la pérennité en logique de marché (hors OA). Les dérogations injustifiées aux conditions d application des contrats d OA à la cogénération augmentent de 300 M /an les surcoûts supportés par la CSPE payée par les consommateurs d électricité. A sa mise en œuvre en 1997, la rémunération du contrat d obligation d achat à la cogénération était fondée sur le principe des coûts évités pour EDF : la cogénération était comparée aux technologies et énergies primaires qu utiliserait EDF si elle ne fonctionnait pas, c'est-à-dire un cycle combiné à gaz si le prix du gaz était inférieur à un certain seuil, et à d autres technologies (Nucléaire et Charbon) audelà de ce seuil. Or : Depuis, les coûts de production des cycles combinés à gaz ont été réduits (investissements réduits et rendements supérieurs) ; alors que la rémunération des contrats d OA est indexée sur un coefficient croissant chaque année. EDF continue de payer la production électrique cogénérée sur la base du prix du tarif de gaz réglementé STS de GDF-SUEZ, déplafonné, alors que ce tarif n est plus utilisé 18 et que le plafond contractuel est largement dépassé 19. EDF continue également de permettre à des cogénérations ne disposant plus de réels débouchés thermiques de continuer à bénéficier 20 de conditions économiques exagérément coûteuses pour les services rendus au système électrique. Ces dispositions dérogatoires injustifiées entrainent un effet d aubaine pour les cogénérateurs générant un surcoût de près de 300 M /an 21 pour les consommateurs d électricité. Elles peuvent - et doivent - être supprimées dès cette année 22. conclure des contrats «C01R» sur des sites sans besoins thermiques réels et garantit une rente indépendante des conditions techniques et économiques d exploitation. Elle permet aussi à EDF de gérer en dehors de règles de marchés des capacités additionnelles financées par l ensemble des consommateurs payant la CSPE. 17 Source CRE : 800 M /an de surcoûts pour la CSPE pour 4000 MW de cogénérations sous contrat d OA. 18 Ni par les CCG, ni par les Cogénérateurs (sauf un : ADP) qui se fournissent sur le marché libre du gaz à des prix inférieurs de 25% à 30% à ceux du STS. 19 Depuis 2005, sur la demande renouvelée chaque année du Club Cogénération, EDF a accepté de déroger aux termes du contrat et d acheter l électricité cogénérée sur la base d un prix de gaz «déplafonné». EDF a répercuté les surcoûts induits par son acceptation de déroger aux conditions contractuelles sur les charges de CSPE. 20 Les cogénérateurs peuvent signer l avenant «dispatchable» qui leur permet de continuer à facturer la prime fixe contractuelle en restant à l arrêt dans l attente d un éventuel appel d EDF en cas de tension sur le système électrique. 21 Pour 4000 MW sous contrats d OA produisant pendant 3600 h/an une électricité trop payée de 20 /MWh (car prix de gaz utilisé 10 /MWhPCS au dessus du prix plafond). 22 Dérogation maintenue ou abrogée annuellement par un simple courrier de la DGEC. La DGEC a annoncé fin 2011 sa volonté de remettre en cause cette dérogation. AFIEG - Association Française Indépendante de l Électricité et du Gaz 5
Le remplacement éventuel des mécanismes de soutien à la cogénération à gaz doit tenir compte des objectifs de la politique énergétique et faire l objet d une concertation avec l ensemble des parties prenantes. A l issue des contrats d OA leur ayant permis d amortir les installations et de provisionner leurs coûts d entretien, certains cogénérateurs demandent la mise en œuvre d un mécanisme de soutien complémentaire pour continuer à opérer dans une logique de marché en concurrence avec d autres filières de production n ayant bénéficié d aucun soutien préalable. L AFIEG observe qu il est pour le moins paradoxal d arguer simultanément de : La meilleure efficacité énergétique, donc la meilleure compétitivité économique de la cogénération par rapport à d autres filières de production de semi-base et pointe. Et de la nécessité de faire bénéficier ces installations amorties d un soutien financier public dont ne pourrait bénéficier les autres filières de production contribuant aussi à l équilibre offre-demande du système électrique et également soumises à la pression concurrentielle. L AFIEG demande donc que la pertinence écologique et économique, ainsi que les conditions de financement d éventuels moyens de soutien complémentaire soient analysées préalablement à leur mise en œuvre. L analyse devra être menée en concertation avec l ensemble des parties prenantes en tenant compte des conséquences que pourraient entrainer ces soutiens sur l équilibre concurrentiel entre filières de production et sur les coûts supportés par les consommateurs d électricité. Conclusion L AFIEG considère que les installations de cogénération ont déjà bénéficié de soutiens considérables. Largement amorties, elles doivent désormais fonctionner selon les règles normales du marché. L AFIEG demande donc l arrêt des conditions dérogatoires appliquées aux contrats d OA en cours, la suspension de la possibilité d en conclure de nouveaux car leur existence perturbe le fonctionnement des marchés, génère une concurrence déloyale, entraine un enrichissement injustifié et augmente les tarifs et prix de vente de l électricité aux consommateurs finals d électricité. AFIEG - Association Française Indépendante de l Électricité et du Gaz 6