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Transcription:

- \c-\r-os-%~- l 22-1- a007 U&>& -440% C International Criminal Tribunal for Rwanda Tribunal pénal international pour le Rwanda Affaire no ICTR-2005-86-Rllbis FRANÇAIS Original : ANGLAIS Devant les juges : Greffe : Décision rendue le : Demis C. M. Byron, Président Jai Ram Reddy Joseph Asoka Nihal de Silva Adama Dieng 19 mai 2006 LE PROCUREUR C. Michel BAGARAGAZA L'AFFAIRE AUX AUTO~ÉS DU ROYAUME DE NORVÈGE Article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve Bureau du Procureur Hassan Bubacar Jallow Stephen J. Rapp Conseil de la défense Me Geert-Jan Alexander Knoops CIII06-0065 (F) 1 Traduction certifiée par la SSL du TPIR 1

Le Procureur c. Michel Bagaragaw, affaire no ICTR-2005-86-RI Ibis 1. INTRODUCTION 1. Confirmé le 28 juillet 2005 par le juge Sergei Alekseevich Egorov, l'acte d'accusation dressé contre Michel Bagaragaza retient trois chefs d'accusation à savoir : entente en vue de commettre le génocide, génocide et, à titre subsidiaire, complicité dans le génocide. Pour l'essentiel, il y est allégué que Michel Bagaragaza a participé à de nombreuses réunions au cours desquelles il a planifié, de concert avec d'autres personnes, l'extermination de tous les membres de la population tutsie en raison de leur association avec les Znkotanyi; qu'il a prononcé des discours de haine pour inciter d'autres à participer à un tel plan ; qu'il a fourni une assistance financière aux Interahamwe, accepté de collecter des fonds à leur profit, et souscrit à l'idée de leur faire suivre une formation paramilitaire ; qu'il a ordonné aux employés de l'usine de thé de Rubaya de fournir du carburant aux Interahamwe et aux éléments de la Garde présidentielle lorsque ceux-ci se rendaient sur la colline de Kesho dans le but d'attaquer et tuer des centaines de Tutsis qui s'y trouvaient ; qu'il a ordonné à l'un des chauffeurs de l'usine de thé de Nyabihu de transporter des Interahamwe à la cathédrale de Nyundo pour y attaquer des Tutsis ; qu'il a ordonné à un autre chauffeur de transporter des Interahamwe à Rubaya pour y mener une autre attaque ; que l'un de ses subordonnés a donné des emplois à des réservistes de l'armée, assuré une formation militaire, fourni des armes et des munitions à d'autres employés de l'usine de thé de Rubaya, et par la suite, que les deux groupes d'employés ont participé au massacre de Tutsis. 2. Avant sa reddition le 16 août 2005, l'accusé avait conclu un accord avec le Procureur, acceptant de coopérer avec celui-ci, faisant une déclaration exhaustive sur les événements survenus au Rwanda en 1994, incriminant d'autres ~wandais' et lui-même. Il a convenu avec le Procureur d'être jugé devant un tribunal interne qui serait désigné à une date ultérieure. Le 15 février 2006, le Procureur a déposé une requête en renvoi de l'acte d'accusation aux autorités du Royaume de Norvège conformément à l'article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement D). La Défense a répondu à la requête y donnant son accord de principe et saisissant la Chambre d'autres demandes2. 3. Le 21 février 2006, par application de l'article 11 bis A) du Règlement, le Président a saisi la Chambre de première instance III composée des juges Dennis C. M. Byron (Président), Jai Ram Reddy et Joseph Asoka Nihal de Silva, de la requête3. Le 23 mars 2006, la Chambre a ordonné aux parties et au Royaume de Norvège de déposer des écritures supplémentaires, tout en rappelant les dispositions de l'article 74 du Règlement (Amicus curiae4). La Défense, le Procureur et le ministère des affaires étrangères du Royaume de Norvège ont déposé ces écritures respectivement les 30 mars, 6 avril et 10 avril 2006. Le 12 avril 2006, le Procureur a déposé une réponse, le Greffier produisant le 20 avril 2006, des observations sur le fondement de l'article 33 B) du Règlement. Le 24 avril 2006, la Défense a déposé une réponse à ces dernières écritures et une clarification de ses propres écritures 1 L'accord et la déclaration ont été joints à la requête en renvoi comme documents confidentiels leur divulgation étant de nature à nuire à la sécurité de l'accusé et des membres de sa famille. La Défense a déposé sa réponse le 20 février 2006. ' Désignation de la Chambre de première instance en vertu de l'article 11 bis du Règlement (Président), 2 1 février 2006. 4 L'article 74 du Règlement est libellé comme suit : G une Chambre peut, si elle le juge souhaitable dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, inviter ou autoriser tout Etat, toute organisation ou toute personne à comparaître devant elle et lui présenter toute question spécifiée par la Chambre». CIII06-0065 (F) 2 --- 1 Traduction uxtifiee par la SSL du TPIK 1

Le Procureur c Michel Bagaragaza, affaire no ICTR-2005-86-Rl Ibis supplémentaires. Aucune autre partie n'a déposé de conclusions ou demandé l'autorisation de le faire. La Chambre statue sur la requête sur la base de toutes ces écritures. 4. Le 19 mai 2006, le Président a communiqué à la Chambre une note verbale émanant du Ministère rwandais des affaires étrangères5 tendant à ce que la République rwandaise soit entendue en vertu de l'article 74 du Règlement, avant que la Chambre ne statue sur la demande de renvoi de l'acte d'accusation. Dans sa décision du 23 mars 2006, la Chambre, relevant qu'aux termes de l'article 74 du Règlement toute partie intéressée peut être autorisée à comparaître ou à lui présenter toute question spécifiée par elle, estime que la République rwandaise aurait dû la saisir à cet effet à la suite de sa décision. Rejetant la demande formulée par la République rwandaise en vue de présenter des écritures à ce stade de la procédure, elle fait observer que le droit d'être entendu invoqué dans la note verbale n'en sera pas affecté. 5. Selon l'article 11 bis du Règlement, trois conditions doivent être satisfaites pour qu'il soit statué sur une demande de renvoi, à savoir : 1) l'état de renvoi doit avoir compétence et être disposé et tout à fait prêt à accepter une telle affaire ; 2) l'état de renvoi doit être en mesure de garantir un procès équitable et ; 3) l'accusé n'encourt pas la peine capitale dans l'état de renvoi. Dans leurs conclusions, les parties ont mis d'autres conditions au renvoi6. A. état de renvoi doit avoir compétence et être disposé et tout à fait prêt à accepter la cause 6. Aux termes de l'article 11 bis A) du Règlement, un acte d'accusation confirmé peut être renvoyé aux autorités d'un État i) sur le territoire duquel le crime a été commis ; ii) dans lequel l'accusé a été arrêté, ou iii) ayant compétence et étant disposé et tout à fait prêt à accepter une telle affaire. En l'espèce, le Procureur demande le renvoi de l'acte d'accusation aux autorités du Royaume de Norvège en vertu de la troisième disposition de l'article Il bis A). 7. Dans sa requête, le Procureur exclut aussi bien la République rwandaise que la République-Unie de Tanzanie comme États de renvoi. Si la République rwandaise est l'état sur le territoire duquel les crimes ont été commis (alinéa A) i) de l'article 11 bis), le Procureur, rappelant les dispositions du paragraphe C) dudit article qui posent deux autres conditions (l'absence de la peine capitale et la garantie d'un procès équitable) fait valoir qu'aucune de ces conditions ne peut être à l'heure actuelle satisfaite. Le Procureur soutient en outre que, même si ces conditions étaient satisfaites, de solides raisons d'ordre public militent en faveur de l'intervention d'autres pays dans les poursuites contre l'accusé, y voyant une manière de sensibiliser la population desdits pays aux leçons du génocide rwandais et de Voir Mémorandum du Président sous la cote [ICïïUPRES/026.06] et la note verbale sous la cote [247109.01ICABIMINIO6]. S'il est fait droit au renvoi de l'affaire, le Procureur demande à la Chambre de rendre une décision portant détention et remise de l'accusé le 18 août 2006 au plus tard, et de maintenir en vigueur les mesures de protection des témoins en l'espèce, jusqu'à ce que les autorités norvégiennes prennent une décision comparable. De plus, en cas de renvoi, la Défense demande à la Chambre d'ordonner la réinstallation permanente de l'accusé en toute sécurité dans un pays hors du continent africain, à l'issue de son procès et à l'expiration d'une peine éventuelle purgée en Norvège, et la continuation de l'assistance juridique de son conseil international commis d'office par le TPIR. CIII06-0065 (F) 3 1 Traduction certifiée par la SSL du TPIR 1

Le Procureur c Michel Bugaraguza, affaire no ICTR-2005-86-RI Ibis cultiver les idées de nature à prévenir pareilles tragédies dans l'avenir. En ce qui concerne la République-Unie de Tanzanie où l'accusé a été arrêté (alinéa A) ii) de l'article 11 bis) à la suite de sa reddition le 16 août 2005, le Procureur soutient que lui renvoyer l'affaire ferait entorse a l'article XX 1) de l'accord de siège7. 8. Toutefois, le Procureur soutient que le Royaume de Norvège satisfait à la troisième condition, étant un État qui a compétence et qui est disposé et tout à fait prêt à accepter une telle affaire (alinéa A) iii) de l'article 11 bis). Le Procureur joint à sa requête la correspondance échangée avec les autorités norvégiennes, attestant leur volonté d'être saisies de I'affaire. 9. De cet échange de correspondances et des écritures supplémentaires présentées par le ministère des affaires étrangères de la Norvège, la Chambre a conclu que le droit pénal interne norvégien ne réprime pas le génocide. Les autorités norvégiennes informent la Chambre que, sur la base des faits allégués dans l'acte d'accusation, l'accusé peut être poursuivi des chefs de complicité d'homicide ou d'homicide par imprudence, crimes passibles d'une peine maximale de 21 ans d'emprisonnement. Les autorités norvégiennes font valoir également que les poursuites en l'espèce peuvent être exercées en vertu du principe de compétence universelle, lequel exigerait que l'acte d'accusation soit approuvé par le King in Council. Autrement dit, même si les tribunaux norvégiens n'ont pas pleine compétence pour juger les faits allégués dans l'acte d'accusation, les poursuites peuvent néanmoins être exercées dans certaines circonstances, comme il ressort des observations des autorités norvégiennes en date du 10 avril 2006. Enfin, le Royaume de Norvège fait valoir qu'en cas de renvoi, il appréciera souverainement l'oppominité de poursuites au vu des éléments de preuve. 10. Invoquant la décision de renvoi dans l'affaire StankoviF, le Procureur soutient que le critère de la «compétence» n'exige pas que le droit pénal interne de l'état concerné doive contenir les mêmes dispositions que le Statut du Tribunal. Il fait valoir que la peine maximale prévue par le Nowegian General Civil Penal Code est adéquate, quand on sait que l'accusé est âgé de 60 ans, qu'il a assumé l'entière responsabilité de ses actes, comme il ressort de sa déclaration, et qu'il a accepté de coopérer à l'exercice de poursuites pénales internes et internationales a raisons des faits survenus en 1994 au Rwanda. 11. La Défense fait valoir que rien n'empêche le Royaume de Norvège d'exercer une compétence universelle en l'espèce. Elle invoque la loi norvégienne portant compétence universelle à l'égard des infractions de droit commun réprimées en droit interne. Elle invoque également la jurispmdence internationale, notamment l'arrêt relatif au mandat d'arrêt. Toutefois, le Procureur, s'opposant a l'évocation de l'affaire sur le mandat d'arrêt, soutient que l'unique titre de compétence du Royaume de Norvège est l'article 11 bis du Règlement, et qu'il n'est pas nécessaire de satisfaire les conditions relevées par la Défense dans l'opinion 7 L'article XX 1) de l'accord de siège (31 août 1995) est libellé comme suit : «Le pays hôte s'abstient d'exercer sur une personne se trouvant sur son territoire qui a été ou doit être amenée en qualité de suspect ou d'accusé dans les locaux du Tribunal en exécution d'un mandat ou d'une demande du Tribunal, sa juridiction criminelle à l'égard d'actes, omissions ou condamnations de cette personne antérieurs à son entrée dans le pays hôte n. 8 Cour internationale de justice, affaire relative au mandat d'arrêt du 1 1 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), 14 février 2002. CII106-0065 (F) 4 1 Traduction certifiée par la SSL du TF'R 1

Le Procureur c Michel Bagaragaza, affaire no ICTR-2005-86-R1 Ibis individuelle conjointe des juges Higgins, Kooijmans et Buergenthal dans l'arrêt relatif au mandat d'arrêt rendu le 14 février 2002. 12. La Chambre d'appel a déclaré que si le Statut du TPIY ne renferme pas de base légale explicite pour l'article 11 bis du Règlement, à l'évidence des compétences internes alternatives ont toujours été envisagées aux fins de «transfert» d'accusés9. En recherchant si le Royaume de Norvège a compétence en vertu de l'article 11 bis A) iii), la Chambre doit être convaincue de l'existence d'un cadre légal adéquat qui permette de réprimer le comportement présumé de l'accusé, et s'il est déclaré coupable, lui infliger une peine appropriée par référence aux infractions justiciables du ~ribunal". La Chambre estime qu'à cette fin, elle doit se guider principalement sur le Statut. 13. Le Statut définit la compétence en ses articles 1, 2, 3, 4, 5 et 7. L'interprétation de l'article 11 bis A) iii) doit se fonder sur cette définition de la compétence ratione materiae, rationepersonae, ratione loci et ratione temporis. Lorsqu'il confirme un acte d'accusation, le juge saisi doit rechercher si chacune de ces conditions est satisfaite pour donner compétence au Tribunal. En l'espèce, la compétence universelle invoquée dans les observations du Royaume de Norvège permettra de poursuivre l'accusé (rationepersonae) pour les actes qu'il aurait commis au Rwanda (ratione loci) en 1994 (ratione temporis). Le seul titre de compétence qui ne serait pas envisagé par le droit norvégien est la compétence ratione materiae. L'argument selon lequel le génocide est inconnu du droit pénal norvégien intéresse directement la compétence ratione materiae puisqu'il touche la qualification juridique des faits allégués dans l'acte d'accusation confirmé". 14. La Chambre s'inspire de l'affaire Stankovié à l'occasion de laquelle la formation saisie a refusé de dire, entre deux régimes de droit applicable aux crimes allégués dans I'acte d'accusation, lequel l'état de renvoi devrait appliquer, mais a néanmoins donné une analyse détaillée du droit de fond qui pourrait être appliqué si l'affaire était renvoyée à la Bosnie- ~erzégovine". Le Code pénal de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine ne réprimant ni les violations de lois ou coutumes de la guerre ni les crimes contre l'humanité, la formation saisie a conclu qu'il n'y avait nullement lieu d'envisager les crimes retenus dans I'acte d'accusation considéré13. Toutefois, ladite formation était convaincue que d'autres instruments de droit pénal à la disposition de l'état de renvoi renfermaient des dispositions similaires, sinon égales, à celles du Statut et du Règlement du TPIY, érigeant en crime la participation. En conséquence, la formation saisie a conclu que des poursuites peuvent être engagées contre l'accusé dans l'état de renvoi à raison de certains ou de tous les actes criminels a~légués'~. Le Procureur c. Radovan Stankovif, Decision on Rule llbis Referral (AC), 1" septembre 2005, par. 14. 10 Le Procureur c. Radovan Stankovif, Decision on Referral of Case Under Rule Ilbis - Partly Confidential and Ex Parte (Referral Bench), 17 mai 2005, par. 32. II Le principe de compétence universelle invoqué par les parties et le Royaume de Norvège ne joue que s'agissant de la compétence ratione loci ou territoriale, à l'exclusion de la compétence ratione materiae. Le 22 juillet 1994, le Royaume de Norvège a ratifié la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. L'affirmation selon laquelle le droit pénal norvégien ne réprime pas le génocide signifie que la Convention n'a pas été incorporée dans son droit inteme, ce qui rend impossibles toutes poursuites de ce chef. l2 Le Procureur c. Radovan Stankovid, Decision on Referral of Case Under Rule llbis - Partly Confidential and Ex Parte (Referral Bench), 17 mai 2005, par. 32. 13 Ibid., par. 38. 14 Ibid,, par. 46. CIIIO6-0065 (F) [ Traduction certifiée par la SSL du TPIR 1

Le Procureur c. Michel Bugaragaza, affaire no ICTR-2005-86-R1 Ibis OCPSbJ, 15. La Chambre juge trompeur l'argument du Procureur selon lequel la Chambre n'est pas tenue de déterminer le droit de fond applicable devant la juridiction interne. Elle doit déterminer si l'état de renvoi a compétence au sens de la définition donnée par le Statut. Lorsque plusieurs régimes de droit applicable existent dans le droit interne de l'état de renvoi, la Chambre n'a pas qualité pour dire lequel doit trouver application, si chacun des régimes prévoit une qualification appropriée en conformité avec le Statut. 16. En l'espèce, il appert que le Royaume de Norvège n'a pas compétence (ratione materiae) a l'égard des crimes imputés dans l'acte d'accusation confirmé. En outre, la Chambre rappelle que les crimes allégués (génocide, entente en vue de commettre le génocide et complicité dans le génocide) different sensiblement sous l'angle de leurs éléments constitutifs et de leur gravité du crime d'homicide, du chef duquel le Royaume de Norvège estime pouvoir poursuivre l'accusé au regard de son droit interne. La Chambre rappelle que le crime de génocide se singularise en ceci qu'il requiert 1'«intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel». Cette intention spécifique n'est pas requise pour le crime d'homicide en droit pénal norvégien. En conséquence, la Chambre estime que la compétence ratione matenae, a l'égard des faits allégués dans l'acte d'accusation confirmé n'est pas organisée par le droit positif norvégien. Il suit de la que les actes criminels reprochés a Michel Bagaragaza ne peuvent être pleinement qualifiés en droit pénal norvégien, la demande de renvoi de l'affaire aux autorités du Royaume de Norvège devant être rejetée. B. Autres conditions 17. Ayant conclu que le Royaume de Norvège n'a pas compétence ratione materiae pour connaître des crimes allégués dans l'acte d'accusation dressé contre Michel Bagaragaza, la Chambre estime sans intérêt d'examiner les autres conditions de renvoi envisagées a l'article II bis du Règlement ou invoquées dans les écritures des parties. PAR CES MOTIFS, LA CHAMBRE REJETTE la requête dans son intégralité Fait a Arusha, le 19 mai 2006 [Signé] [Signé] [Signé] Dennis C. M. Byron Jai Ram Reddy Joseph Asoka Nihal de Silva Président Juge Juge [Sceau du Tribunal] CIII06-0065 (F) 1 Traduction certifiée par la SSL du TPIR 1