Mémoire présenté à la Commission des États généraux sur la situation et l avenir de la langue française au Québec POUR UN FRANÇAIS DE QUALITÉ AU QUÉBEC Francine Bélanger Octobre 2000
TABLE DES MATIÈRES Présentation de l auteure... p.3 Résumé... p.3 Erreurs de cibles... p.4 L informatique au banc des accusés... p.6 Examen de conscience... p.7 Bien enseigner le français... p.8 Pour le rayonnement de la langue française... p.9 Note... p.12 2
Présentation de l auteure Francine Bélanger est détentrice d un Baccalauréat ès Arts et termine un Certificat en Administration publique à l Université du Québec à Montréal. Elle complète également une formation en informatique et en comptabilité. Elle a œuvré notamment dans le secteur municipal et le milieu communautaire. Ses champs d intérêt vont de l évolution sociale et politique des femmes à la qualité de la langue française utilisée au Québec, la sécurité urbaine et l art dans le quotidien. Résumé L auteure estime que la langue française sera toujours à protéger au Québec. Pour assurer cette protection selon elle, il faut encourager par tous les moyens l utilisation d un français de qualité au Québec. Dans le contexte de l hégémonie de la langue anglaise à travers le monde, il faut accentuer le rayonnement de la langue française à l échelle de la planète. C est en diffusant un français d excellente qualité que les francophones et francophiles du Québec et du monde entier garderont le français bien vivant. L auteure identifie des sources de problèmes et propose des solutions. 3
POUR UN FRANÇAIS DE QUALITÉ AU QUÉBEC. Erreurs de cibles. La question du français au Québec a toujours été un sujet très délicat ayant suscité les réactions les plus diverses. De l indifférence à la violence en passant par la négligence et les querelles linguistiques, la protection de la langue française au Québec revêt parfois les allures d une lutte ethnique entre francophones et anglophones. Au lieu de promouvoir activement l utilisation d un français correct au Québec, les justiciers du fait français s en prennent aux anglophones, à leurs commerces et à leurs institutions s attirant ainsi le désaveu et nuisant à la cause qu ils veulent défendre. Protéger le français ne veut pas dire battre l anglais! Par ailleurs, ceux et celles qui prétendent que le français n a plus besoin d être protégé au Québec, que la loi 101 est trop sévère et que des mesures additionnelles pour préserver la langue française au Québec sont superflues n ont pas entendu ni lu les mêmes choses que plusieurs d entre nous. Il est utilisé par certains groupes une forme d alternance simultanée de l anglais au français dans la même phrase qui produit l effet d un éclatement du discours et présente toutes les apparences de l incohérence. Ce magma verbal, qui ferait sourciller Pierre Elliot Trudeau, n augure rien de bon pour l avenir! 4
En outre, je ne vois aucune contradiction entre protéger fortement le français au Québec et utiliser l anglais au besoin dans nos communications, fussent-elles internes ou externes. Le cœur du débat, l enjeu fondamental de la politique linguistique au Québec c est la protection de la langue française sur le territoire québécois. C est là le but que nous devons poursuivre sans relâche. Bien sûr, les défis sont nombreux, les problèmes complexes mais si nous établissons clairement que nous voulons protéger le français au Québec dans un contexte de nord-américanité et de mondialisation des échanges, il me semble que la tâche sera facilitée. Pour se libérer de l impérialisme anglais, le Québec a dû mettre en place une politique linguistique vigoureuse et novatrice.. C est le premier gouvernement du Parti québécois qui l a fait. Or, dans les faits et dans l esprit des gens, la loi 101 et son application se sont substituées à la politique linguistique du temps pour l estomper considérablement. L aspect juridique occupant le haut du pavé au-dessus de la direction politique, les québécois ont pu être les témoins par les médias de querelles linguistiques locales devant les tribunaux et des méfaits commis par les justiciers de la cause du français au Québec. Est-ce par manque de direction politique affirmée que certaines personnes se croient légitimées d intervenir violemment sur la scène sociale? 5
L informatique au banc des accusés. Tout francophone ayant utilisé un tant soit peu l ordinateur s est rendu compte du mauvais traitement qui est infligé à la langue française. À différents endroits, nos accents aigus, graves et circonflexes, nos majuscules et nos traits d union ne sont plus permis. Des mots et expressions saugrenus sont apparus : formater, bits, Web, surfer sur le Net, télécharger, etc. Les noms des logiciels sont tous en anglais : Windows, Word, Excel, Access, PowerPoint, Netscape. Quelque chose s est inversé dans la relation fournisseurs-clients en ce qui a trait au matériel informatique : le fournisseur impose sa vision et ses règles aux clients, ceux-ci peuvent difficilement se plaindre au service à la clientèle! Pourtant, les clients francophones et francophiles ont un pouvoir vis-à-vis les fournisseurs de matériel informatique. Ils ont le pouvoir de leur dire : «Nous exigeons des programmes informatiques en français d excellente qualité, des correcteurs d orthographe et de syntaxe français qui ne font pas d erreurs! Traduisez les noms de programmes en français et favorisez l utilisation d un français intact et impeccable partout sur les réseaux informatiques à travers le monde». Les clients francophones et francophiles et surtout, nos deux paliers de gouvernement ont ce pouvoir vis-à-vis les marchands de matériel informatique. Les gouvernements québécois et canadien devraient légiférer énergiquement en faveur de la protection et du rayonnement de la langue française sur le matériel informatique présent ou traversant le Québec et le reste du Canada. Une alliance avec les pays et les régions francophones de la planète serait fort indiquée. 6
Examen de conscience. Plutôt que de réclamer une police de la langue française ou de s improviser justiciers, les francophones québécois devraient faire leur examen de conscience. Quel français parle-t-on au Québec? Comment l écrit-on? Quelles erreurs linguistiques importantes commettons-nous et perpétuons-nous? Jusqu à quel point la survie et la qualité du français utilisé au Québec préoccupent-elles tous les francophones québécois? Je remarque un taux de tolérance élevé envers l utilisation d un français erroné ou de mauvaise qualité. Les fautes écrites dans les médias ne sont pas corrigées et le français parlé un peu partout est truffé d erreurs linguistiques importantes. L acceptation et la promotion du joual dans les années 1960-1970 ont peut-être contribué à une forme de libération du colonialisme culturel français et permis l émergence d une identité proprement québécoise, mais le maintien et le développement de ce dialecte québécois n ont plus leur raison d être aujourd hui. Je prône l utilisation d un français universel, d usage courant et d excellente qualité au Québec. C est en parlant et en écrivant un français impeccable que les Québécois forceront le respect du français au Québec. Comment les anglophones peuvent-ils prendre au sérieux des francophones qui ne respectent pas le français, qui le parlent mal, qui l écrivent avec des fautes patentes? 7
Le gouvernement québécois serait fort mal avisé toutefois d agir en policier de la langue française et de punir les «contrevenants», mais il pourrait très certainement sensibiliser les Québécois de toutes origines et les nouveaux arrivants à l importance de bien parler et écrire le français. Il pourrait par des mesures d encouragement et par l émulation valoriser l usage d un français impeccable au Québec. Bien enseigner le français au Québec. Une autre cause de la détérioration marquée de la langue française au Québec est la mauvaise qualité de l enseignement du français qui y prévaut tant au primaire qu au secondaire depuis les années 1970. Un grand relâchement s est produit à ce chapitre dans nos écoles québécoises et les pauvres enfants ont fait les frais des multiples changements de programmes opérés par le ministère de l Éducation. On se souviendra de la déplorable méthode d enseignement du français écrit selon le son! Je préconise un retour en force de l enseignement traditionnel du français avec dictées régulières et analyses grammaticales. Je propose des cours de rattrapage et de perfectionnement offerts aux adultes désireux d améliorer leur usage du français. Ces cours dispensés par les commissions scolaires du Québec seraient de niveau intermédiaire entre l alphabétisation et la spécialisation. 8
Je demande l élimination du charabia ayant cours au ministère de l Éducation dans la formulation des nouvelles orientations et des nouveaux programmes de ce ministère. L hermétisme et le niveau d abstraction qu on retrouve dans certains documents pourtant publics en provenance du ministère de l Éducation sont proprement indigestes. Il est révolu le temps où les soi-disant experts pouvaient communiquer de manière incompréhensible et nébuleuse afin de préserver l exclusivité de leur «expertise» et en imposer aux ignares! Clarté et cohérence sont de rigueur aujourd hui. Nous sommes de plus en plus nombreux à nous indigner de ce nébulisme (1) malheureusement sanctionné par nos dirigeants politiques. Ceux-ci sont invités à abolir cet hermétisme irrespectueux des citoyens. Enfin, le gouvernement québécois devrait exiger l amélioration de la formation universitaire des maîtres en français. Pour le rayonnement de la langue française. Protéger le français et en assurer la qualité sont indispensables au Québec et ils le seront toujours. Les tentatives d assimilation à la langue anglaise ne datent pas d aujourd hui. Nos ancêtres français ont dû se battre au 19è siècle pour résister aux tentatives d assimilation des Anglais. Les Acadiens ont payé très cher les volontés assimilatrices des nouveaux maîtres anglais. Encore aujourd hui, les francophones 9
québécois et canadiens doivent demeurer extrêmement vigilants et actifs pour assurer la survie et la qualité de la langue française. Du fait de sa vulnérabilité en Amérique du Nord et de l impérialisme de la langue anglaise à travers le monde, la protection de la langue française sera mieux assurée si l on en accentue le rayonnement. Il ne suffit pas d utiliser et d exiger un français correct au Québec, il faut diffuser un français impeccable partout à travers le monde, sur tous les réseaux informatiques et dans tous les médias. C est parce qu il est menacé qu il faut mettre le français en valeur, l embellir, le lustrer. À l hégémonie de la langue anglaise, opposons la puissante beauté de la langue française. Sortons les bijoux des recueils et portons nos mots du dimanche avec fierté à travers le monde. À la langue des affaires, substituons celle du bel esprit français. Régalons-nous des bons mots, des belles proses françaises, des belles dictions, des beaux textes. Bannissons la médiocrité et faisons briller la langue française comme une lumière dans le monde. Au siècle des Lumières, nouons le millénaire de la langue française! 10
Efforçons-nous quotidiennement de mieux parler et écrire le français. Cette langue est riche, belle et vivante. Cultivons-la. Francine Bélanger Octobre 2000. 11
NOTE (1) Nébulisme : mot créé par l auteure. Attitude qui consiste à utiliser et diffuser des propos délibérément obscurs et hermétiques pour tenter d imposer son savoir et son statut. 12