1 er colloque scientifique de la Fondation Rovaltain pour la recherche en toxicologie environnementale et écotoxicologie Alixan, 8 et 9 octobre 2014 COMPTE-RENDU
La Fondation de Coopération Scientifique Rovaltain a organisé son premier colloque scientifique les 8 et 9 octobre 2014, à Alixan (Valence TGV) dans la Drôme. Celui-ci avait pour objectifs de présenter la Fondation Rovaltain d une part et de dresser un bilan des enjeux et des verrous auxquels sont confrontés la toxicologie environnementale et l écotoxicologie. La Fondation de Coopération Scientifique Rovaltain Officiellement lancée en juillet 2013 par le Ministère de l Enseignement Supérieur et de la Recherche, la Fondation Rovaltain est le fruit d un partenariat entre 10 membres fondateurs incluant la Région Rhône-Alpes, le Département de la Drôme, la Chambre de Commerce et d Industrie de la Drôme, le Syndicat mixte Rovaltain ainsi que l Université Claude Bernard Lyon 1, l Université Joseph Fourier de Grenoble, l École Nationale Supérieure des Mines de Saint- Étienne, l Institut Polytechnique de Grenoble, la Compagnie Nationale du Rhône et l Institut National de recherche en Science et Technologies pour l Environnement et l Agriculture (IRSTEA). La Fondation est administrée par un Conseil de 15 personnes, regroupant les membres fondateurs, des représentants des chercheurs et enseignants-chercheurs et un commissaire du gouvernement, avec en son sein un bureau composé d un président (Dr Philippe Garrigues), d un vice-président (Pr Pierre Caumette) et d un trésorier (Joël Roques). Elle s appuie sur un Conseil Scientifique International présidé par le Pr Peter Campbell (INRS, Canada) et composé de 9 personnalités reconnues dans leur domaine qui est en consulté sur les grandes orientations scientifiques et sur le programme d actions de la Fondation. Elle est gérée au quotidien par une équipe opérationnelle dirigée par Wilfried Sanchez. La Fondation a pour objet principal de soutenir des recherches de haut niveau scientifique en favorisant une forte interdisciplinarité notamment dans les domaines de la toxicologie environnementale et de l écotoxicologie. Pour répondre à cet objectif, les travaux de la Fondation s articulent autour de 3 piliers incluant : (i) Le financement de projets de recherche dans les domaines de la toxicologie environnementale et de l écotoxicologie avec notamment le lancement d un programme de Recherche en Toxicologie Environnementale et Ecotoxicologie (RT2E) au début de l année 2015 mais également un programme de mobilité destiné aux doctorants, post-doctorants et chercheurs expérimentés, tous les deux via des appels à projets spécifiques. (ii) Le développement de la formation en Santé/Environnement avec par exemple la réalisation et/ou le soutien à des écoles d été. (iii) La valorisation des connaissances et des savoir-faire au travers de l organisation de colloques, de journées thématiques et du soutien aux réseaux scientifiques. Le 1 er colloque de la Fondation Rovaltain Le 1er colloque scientifique de la Fondation Rovaltain s est déroulé les 8 et 9 octobre 2014 à Alixan (Valence TGV). Il a rassemblé 127 personnes (sur 140 inscrits) venant de 8 pays (France, Royaume-Uni, Suisse, Espagne, Canada, Etats-Unis, Algérie, Australie). Les participants étaient en majorité des personnes venant de laboratoires académiques situés sur l ensemble de la France mais également d organismes de recherche (CNRS, IFREMER, INRA, INSERM, CEA, MNHN, IRSTEA, ANDRA ). Il est également à noter la présence de personnes du monde industriel (Solvay, Veritas, CEHTRA, Bayer, EDF ) et des ONG. Le colloque était organisé en 4 sessions structurées chacune autour de 4 présentations et d une table ronde visant à identifier les enjeux et verrous auxquels sont confrontées la Page 3
toxicologie environnementale et l écotoxicologie, travail qui permettra alors une meilleure définition de priorités d actions thématiques de la Fondation. - Devenir des polluants dans l environnement Cette première session a tout d abord mis en évidence la complexité des contaminations environnementales du fait des nombreuses molécules impliquées. De nombreuses familles de molécules ont en effet été évoquées au cours de cette session. On peut par exemple citer les métaux dont beaucoup sont encore mal connus, mais également les produits pharmaceutiques, les pesticides ou encore les drogues à usage récréatif. A cette complexité qualitative s ajoutent des interactions entre ces molécules mais aussi avec les facteurs environnementaux non chimiques et notamment les facteurs biotiques, source de métabolisation comme évoqué dans la présentation de Damia Barcelo (CID-CSIC, Barcelone, Espagne). La caractérisation et le suivi des métabolites des polluants environnementaux sont également apparus comme un sujet d intérêt dans les études environnementales. Toutefois, le suivi des polluants et l étude de leur devenir dans l environnement sont sources de contraintes méthodologiques importantes. En effet, ces travaux nécessitent de disposer de méthodes sensibles, capables de détecter de très faibles concentrations, dans des matrices complexes ou dans de très faibles volumes lorsque l on s intéresse à des suivis biologiques. Ils peuvent également nécessiter de disposer de méthodes utilisables in situ pour réaliser des mesures au plus près des zones d étude. Les présentations de Valérie Pichon (ESPCI, Paris) et de Gabriel Billon (Université de Lille 1) traitant respectivement des nouvelles méthodes de traitement des échantillons notamment des méthodes miniaturisées et des mesures à haute fréquence des métaux traces dans les milieux aquatiques ont très clairement illustré les développements analytiques mis en œuvre dans les laboratoires de recherche afin de disposer d outils robustes utilisables dans le cadre d études environnementales. Dans ce contexte, le traitement des données acquises représente toutefois un enjeu important. Cette session a également mis en avant le besoin de couplage entre les études portant sur le devenir des polluants environnementaux et celles s intéressant à leurs effets, un point qui fut illustré par la présentation de Peter Campbell (INRS, Canada). En effet, la réalisation d études interdisciplinaires couplant chimie et biologie permet d appréhender la complexité de la contamination environnementale en s intéressant non plus à une fraction variable de la contamination, mais aux effets générés par cette contamination sur les organismes exposés. Ce couplage offre ainsi l avantage, en interconnectant des disciplines, de proposer des approches innovantes pour répondre aux questionnements scientifiques posées. Les données obtenues dans les différentes études de recherche permettent de renseigner sur la présence de polluants non réglementés au sein des écosystèmes, mais également de documenter des concentrations environnementales réalistes. Aussi, ces dernières doivent pouvoir être utilisées afin d améliorer la surveillance de l environnement en contribuant par exemple à l implémentation des listes de substances à surveiller. Ce travail soulève toutefois la question de la transférabilité des méthodes et des coûts de la surveillance. A côté des polluants chimiques que nous pourrions qualifier de conventionnels même si émergents, d autres familles de polluants doivent être prises en compte. C est notamment le cas des nanomatériaux (sujet abordé au cours de la seconde session) ou encore des Page 4
microplastiques qui font appel à des méthodologies de quantification spécifiques et nécessitent donc des approches spécifiques. - Effets des polluants environnementaux sur la santé humaine Cette session était articulée autour des présentations de Lydie Sparfel (IRSET, Rennes) sur l immunotoxicité des hydrocarbures aromatiques, d Andreas Kortenkamp (Université de Brunel, Royaume-Uni) sur les effets neuro-développementaux de mélanges de d éthers phénoloques polybromés (PBDE), d Anna Bensick (ANSES, Lyon) sur les effets des nanomatériaux sur le cerveau et de Xavier Coumoul (Université de Paris 5) sur les maladies chroniques du foie. Ces 4 présentations ont permis d illustrer la diversité des cibles des polluants environnementaux au sein des organismes et la multiplicité des mécanismes d action. Face à cette diversité, il existe un réel besoin de connaissances en particulier pour comprendre les mécanismes d action de ces polluants au niveau moléculaire, en s appuyant sur des approches in vitro mais également in vivo, une étape à franchir en rapprochant toxicologie et biologie structurale. Ces travaux pourront alors contribuer à l identification de nouveaux mécanismes d action des polluants et donc de nouveaux biomarqueurs utilisables aussi bien en toxicologie qu en écotoxicologie. C est par exemple le cas des indicateurs d immunotoxicité présentés par Lydie Sparfel qui sont de plus en plus utilisés pour évaluer l état de santé des organismes sauvages. Les différents travaux réalisés dans ce contexte nécessitent de travailler dans des conditions réalistes d exposition c est-à-dire utilisant de faibles doses mais également des mélanges de polluants environnementaux. En effet, l exposition à des mélanges complexes de molécules peut entraîner des réponses parfois éloignées de celles mises en évidence via l étude d un polluant unique, comme démontré par la présentation d Andréas Kortenkamp. L étude des effets toxiques et des mécanismes associés dans un contexte d exposition multiple est également applicable aux nanoparticules, polluants pour lesquels il existe un manque important de données notamment au niveau de l exposition réelle aux nanoparticules synthétiques. Les métabolites des polluants doivent également être pris en considération dans un objectif d augmentation du réalisme des expositions, puisque ces molécules sont des contributeurs importants de l exposition. Ainsi, le développement d études toxicologiques basées sur des conditions réalistes d exposition nécessite, comme évoqué au cours de la première session, un rapprochement entre la communauté des biologistes et celle des chimistes afin de disposer de méthodes d administration et de mesures des concentrations de polluants adaptées aux contraintes expérimentales. La complexité de l exposition et des effets qui en découlent est également temporelle et il est important d évaluer les effets des polluants seuls et en mélange à des périodes identifiées comme critiques d exposition d une part, mais également sur le long terme. Pour ce dernier point, des approches épidémiologiques doivent être développées et intégrées au côté des études de toxicologie environnementale. Ce rapprochement des communautés (chimistes, toxicologues, épidémiologistes) permettra la réalisation d études basées sur des conditions réalistes d exposition. Page 5
- Effets des polluants environnementaux sur les écosystèmes Cette troisième session, basée sur les présentations de Renata Behra (EAWAG, Suisse) sur l utilisation des algues en écotoxicologie, de Patrice Couture (INRS, Canada) sur les effets des métaux chez les poissons, de Luc Belzunces (INRA, Avignon) sur les approches toxicopathologiques chez les abeilles et de Jeanne Garric (IRSTEA, Lyon) sur l évaluation des risques environnementaux basée sur les invertébrés aquatiques, a mis en lumière la grande diversité des modèles biologiques utilisés en écotoxicologie. Cette diversité qui peut être imputable aux questionnements scientifiques des laboratoires ou aux choix méthodologiques de ces derniers, contraste avec le faible nombre d espèces habituellement prises en considération dans le cadre de l évaluation des risques. Force est en effet de constater que la recherche en écotoxicologie développe un grand nombre d outils pouvant apporter des informations complémentaires aux approches réglementaires du fait par exemple des différences de sensibilité des espèces ou des capacités de bioaccumulation. Toutefois, l utilisation à des fins réglementaires de ces différentes espèces nécessite de disposer d une connaissance fine de ces dernières et de leurs réponses aux stress comme cela fut illustré pour les algues par Renata Behra : un besoin de connaissances qui se voit alors accentué par la diversité des espèces considérées. Ce travail passe alors par le développement d approches mécanistiques basées sur l utilisation d outils sensibles tels que la protéomique et la génomique ou encore l épigénétique permettant d appréhender les mécanismes d action des polluants chez les organismes. Si le développement de méthodologies permettant d appréhender les mécanismes d action des polluants est une nécessité, les réponses obtenues doivent être mises en relation avec celles mesurées à des niveaux d organisation biologique supérieurs. Le lien entre la réponse cellulaire voire moléculaire et la réponse des populations et des communautés doit être exploré. Ce travail, qui conduira à un accroissement de la pertinence écologique des indicateurs développés, passe alors par le couplage d approches de toxicologie environnementale et d épidémiologie qui permettront d intégrer la complexité des effets sur le long terme du fait de l évolution de la sensibilité des organismes et de mécanismes adaptatifs. Cette session a également permis d exprimer des besoins similaires à ceux identifiés lors de la session sur les effets de polluants sur la santé humaine, notamment en termes de réalisme des conditions d exposition. En effet, les effets de faibles doses et de la présence de mélanges de substances sont apparus comme des éléments à considérer dans l avenir. De plus, afin de considérer la complexité des expositions au sein des écosystèmes, il est apparu nécessaire d intensifier les approches de type multi-stress. La présentation de Luc Belzunces a clairement mis en évidence les effets combinés de stress chimiques et de stress biologiques sur les populations d abeilles. Des schémas similaires sont observés chez d autres organismes (mollusques, poissons) légitimant alors ce type d approche qui pourrait se voir étendu à d autres types de stress, notamment physiques. - Epidémiologie environnementale et évaluation des risques Cette dernière session a combiné aussi bien des approches liées à la santé humaine qu à celle des écosystèmes avec comme point commun l intégration des réponses mesurées sur le long terme. Les enjeux cognitifs de l épidémiologie et de la toxicologie environnementale Page 6
sont apparus comme étant très proches. Les présentations de Phillip Rainbow (Muséum d Histoire Naturelle, Royaume-Uni) et d Alain Geffard (Université de Reims) sur la compréhension des réponses de type biomarqueur et les valeurs seuils ont en effet souligné l intérêt de comprendre les mécanismes de l action toxique à des niveaux d organisation biologique peu élevés, mais aussi d explorer la relation entre les effets individuels et populationnels dans des contextes réalistes d exposition. Pour ce faire, l utilisation de systèmes expérimentaux de type mésocosmes apparait comme une approche pertinente en permettant d intégrer différentes interactions tout en travaillant dans un système contrôlé. De même, la présentation de Béatrice Fervers (Centre Léon Bernard, Université de Lyon) sur le lien entre exposition aux pesticides et cancer a rappelé l intérêt de prendre en compte la complexité des expositions et donc de mieux caractériser ces dernières. Toutefois, comme cela a été mis en évidence par la présentation de Thomas Quintaine (ONCFS) sur les approches épidémiologiques au niveau de la faune sauvage, dans un contexte environnemental, cette caractérisation doit aller plus loin que la simple caractérisation de l exposition toxique et doit s étendre à une caractérisation de l écosystème afin de pouvoir intégrer la complexité des interactions entre les différentes composantes de ce dernier dans l interprétation des effets toxiques. Enfin cette session a permis de revenir sur la notion d interdisciplinarité. En effet, la caractérisation des expositions et des écosystèmes nécessite un regroupement des connaissances issues de la toxicologie et de l écotoxicologie, mais également de la chimie et de l écologie. Cette caractérisation s appuie également sur des approches géographiques basées sur l utilisation de Systèmes d Information Géographique (SIG) qui permettent d accroître la précision de ces caractérisations en intégrant notamment la notion d inégalité environnementale. Conclusions Ce premier colloque organisé par la Fondation Rovaltain a permis d identifier 2 grands enjeux scientifiques pour la recherche en toxicologie environnementale et en écotoxicologie : - La prise en compte de la réalité et de la complexité des expositions environnementales dans les travaux de recherche en intégrant les notions de faibles doses et de mélange de polluants voire de multi-stress. - L étude de la propagation des effets observés à de niveaux d organisation biologique peu élevés jusqu aux niveaux individuels voire populationnels, en intégrant notamment la notion d adaptation des organismes. Les discussions menées au cours de ces deux journées ont également mis en lumière le besoin de multi-disciplinarité dans les études de toxicologie environnementales et d écotoxicologie en combinant chimie, biologie, écologie mais également géographie, hydrologie et bien d autres disciplines. Le prochain colloque de la Fondation sera organisé en octobre 2015. Page 7