UNE AUTRE CONSCIENCE POUR UN AGE NOUVEAU

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Transcription:

UNE AUTRE CONSCIENCE POUR UN AGE NOUVEAU

DU MEME AUTEUR Chez le même éditeur L'ACCESSIBLE DU MERVEILLEUX L'ENIGME QUE NOUS SOMMES L'EMPRISE DE L'ETRANGE Chez d'autres éditeurs LE TAROT MAGIQUE (Ed. du Rocher) L'ASTROLOGIE SACREE (Ed. du Rocher) UN CHEMIN SUR LA BRISE (Ed. Lavauzelle) L'ETREINTE DES MASQUES (La Baconnière) LA QUETE DE L'INTEMPOREL (Ed. Trigramme)

FREDERIC LIONEL UNE AUTRE CONSCIENCE POUR UN AGE NOUVEAU ÉDITIONS ROBERT LAFFONT PARIS

Si vous désirez être tenu au courant des publications de l' éditeur de cet ouvrage, il vous suffit d'adresser votre carte de visite aux Editions Robert Laffont, Service «Bulletin», 6, place Saint-Sulpice, 75279 Paris Cedex 06. Vous recevrez régulièrement, et sans aucun engagement de votre part, leur bulletin illustré, où chaque mois, sont présentées toutes les nouveautés que vous trouverez chez votre libraire. C Editions Robert Laffont, S.A., Paris, 1983 ISBN : 2-221-01117-1

A Marie-Claude Leburgue, chef du département Education et Société de la radio Suisse-Romande, qui me donna l'idée de cet ouvrage, en évoquant la mission de l'occident appelé à promouvoir une nouvelle Renaissance.

AVANT-PROPOS L'époque mouvementée actuelle contribue largement à promouvoir, en Occident, une révolution psychologique dont les conséquences sont imprévisibles. L'espoir de voir surgir un «âge nouveau» se répand. On le voudrait différent, sans pour autant se le représenter clairement. Rêver d'un monde mirifique ne suffit pas à le faire éclore, mais l'aspiration d'un demain lumineux reflète une quête éternelle de l'homme cherchant à découvrir le bonheur, qui semble toujours lui échapper. Notre civilisation favorise-t-elle cette découverte? Voilà la question qui s'impose. En ce siècle qui se veut rationnel, scientifique et logique, l'humanité tâtonne sur les routes de l'existence et se heurte aux obstacles qu'elle dresse elle-même sous ses pas. Luttes, affrontements, violences et fanatismes

UNE AUTRE CONSCIENCE créent un état psychopathologique peu propice aux solutions des problèmes propres à l'âge moderne qui, maintenant, tend vers sa fin. L'âge nouveau, appelé à prendre la relève, ne saurait être bénéfique que si l'homme occidental, fier de sa science, soumet le pouvoir qu'elle confère à une vision différente des choses de la Vie, ce qui postule un autre état de conscience. Il se doit de comprendre que les sombres nuages qui s'accumulent à l'horizon d'un monde déboussolé sont le résultat de son incurie et qu'il est temps de faire mentir les nombreux prophètes annonciateurs de déluges. Astrologiquement, le système solaire quitte, en son mouvement précessionnel, le signe zodiacal des Poissons pour aborder celui du Verseau. S'agit-il d'un tournant débouchant sur un crépuscule des dieux ou, au contraire, d'un cycle porteur d'espoir? L'homme occidental, héritier d'alexandrie, d'athènes, de Rome et de Nazareth, peut-il, doit-il être optimiste et croire en un avenir lumineux? La dégradation des valeurs essentielles, la licence qui s'étale en faisant tache d'huile feront-elles sombrer une civilisation dont le berceau fut le pourtour méditerranéen, ou bien les temps sont-ils venus de renverser la tendance et de transformer en espoir la peur qui habite les hommes? Il s'agit non seulement du bonheur de l'humanité, mais de sa survie. Grand est le scepticisme lorsqu'on évoque un possible retournement, mais

AVANT-PROPOS est-ce une raison suffisante pour ne pas l'envisager? «Les maux qui dévorent les hommes sont le fruit de leurs choix», a dit Pythagore. S'il en est ainsi, pouvons-nous bien choisir? Pour répondre à cette interrogation essentielle, il faut aller au fond des choses. Quelles sont les raisons d'un apparent déclin? Quelles sont les causes qui semblent le précipiter? Doit-on jeter le manche après la cognée ou œuvrer pour promouvoir une nouvelle renaissance? Un long passé, une grande expérience et l'une des plus vieilles traditions engagent l'homme occidental à relever le défi. Tâche ardue, à n'en point douter, puisque la folie destructrice, partout, semble triompher. L'âge nouveau, prometteur d'aurores qui chantent, tiendrait-il sa promesse, parce que les hommes, ayant trop longtemps subi la violence de leurs passions, laisseraient filtrer à travers leurs propres contradictions une lueur d'espoir? Il y a toujours un moment en lequel, las du combat, les adversaires du moment découvrent l'intelligence, fille de Sagesse. L'heure de l'intelligence n'a peut-être pas encore sonné, mais accélérer sa venue s'inscrit dans le rythme de l'époque. Mission ou démission, tel est le dilemme auquel l'occident doit faire face. Son choix est capital. L'avenir de la civilisation en dépend!

CHAPITRE PREMIER LE MYSTERIEUX MIROIR DE LA PURE VERITE Il est dit que le monde est le mystérieux miroir de la pure vérité. Contemplons le reflet qu'il nous renvoie en évitant d'embuer sa surface par nos craintes, nos a priori et nos idées préconçues. Faisons abstraction de tout conditionnement intellectuel, familial, social ou religieux, pour voir les choses telles qu'elles sont en leur essence. Ce n'est guère facile! La confusion joue avec les données des problèmes que les hommes voudraient résoudre. On les classe en catégories en les détachant de leur contexte initial et, ayant ainsi apparemment mis de l'ordre dans le désordre, on propose et on impose de fausses solutions. Le trouble et la confusion règnent en ce monde et le pourquoi de cette confusion, de ce trouble,

ainsi que la peur qu'ils engendrent, nous conduit à cette vue d'en haut qui englobe le passé, le présent et l'avenir. L'homme est le fruit du passé, il existe dans le présent, et ses actions conditionnent l'avenir. Il s'ensuit que l'âge nouveau sera ce que nous le ferons et, dès lors, il faut assumer nos responsabilités. Pour ce faire, contemplons sans parti pris les reflets que nous renvoie le mystérieux miroir du monde, en nous élevant pour bien les distinguer, afin de les relier pour découvrir la trame sur laquelle les Parques tissent le destin de l'humanité. Si les événements et les différentes péripéties évoquées dans les chapitres qui suivent ne se présentent pas dans un ordre chronologique, c'est qu'indépendamment de leur déroulement historique, ils témoignent d'une constante évolution dont il importe de saisir le sens. Elle se poursuit, mais l'ignorance des hommes leur fait prendre des initiatives qui n'en tiennent pas compte et se retournent, alors, contre leurs auteurs. Distinguer le fil qui établit la relation conduit d'une chose à toutes les autres, à l'instar du fil réunissant des perles pour en faire un collier. L'homme parle du sens de l'histoire et non de celui de l'évolution, ce qui est commode pour remettre sa responsabilité entre de chimériques mains, négligeant de se soumettre aux lois de la Vie. Prétendre connaître l'histoire et prétendre se plier à ses impératifs, sans réaliser que c'est l'homme qui les détermine, c'est nier l'évidence, ce

qui est d'autant plus regrettable que l'histoire est le journal illustré de son devenir. Si par ignorance, ambition ou inconscience les initiatives de l'homme s'opposent à la Loi de la Vie, son dynamisme renverse les obstacles. Guerres, révolutions, épidémies, catastrophes ne sont que les conséquences de l'imprévision des individus, pour les forcer, grâce aux expériences acquises, à découvrir leur démesure et leur déraison. «Ce n'est pas ma volonté que je fais, mais la volonté de mon Père», a dit Jésus. La volonté du Père est l'expression de la Loi et, dès lors, elle s'inscrit dans les fastes de l'histoire. Lorsque des hommes bien inspirés s'intègrent au mouvement évolutif, naissent les civilisations qui épanouissent les facettes de leur génie originel. Toute œuvre humaine se dégrade et, aujourd'hui, par l'action d'hommes qui se disent civilisés, se multiplient les symptômes de la décadence. Elle pourrait ne pas être inéluctable, car partout dans le monde se manifeste une aspiration dont certains excès sont certes regrettables, mais qui prouvent la vigueur d'une quête essentielle, celle de comprendre le sens du périple terrestre. Même aux heures les plus sombres l'espoir est permis, puisqu'une sève inépuisable, celle de la Vie, pulse et agit dans le creuset du monde. L'homme conscient, l'homme vivant et intelligent peut, par son action, tant visible qu'invisible, lorsqu'elle s'exerce en parfaite symbiose avec les forces vives de la nature, ordonner harmonieuse-

ment ce qui semble dérangé. Il peut œuvrer en plein accord avec sa vocation humaine et associer ses forces créatives à celles qui s'exercent dans le Cosmos. Telle est sa prédestination! Pour nous en convaincre, explorons en ce cycle qui s'achève, le cheminement dont notre civilisation est l'aboutissement. L'Occident se cherche sans se connaître, sans réaliser sur quels postulats il peut appuyer sa marche en avant. Les idées s'affrontent, se heurtent et, parfois, se concilient, mais le doute habite les esprits. Le doute peut déboucher sur une voie de vérité, à condition d'échapper au despotisme des idées qui cristallisent des opinions, influençant l'action des hommes. «La plus grande recherche humaine, a suggéré Kant, est de connaître ce que l'on doit faire pour devenir un homme.» En dédaignant cette vérité première, des réactions se font jour et elles se traduisent par l'échafaudage de théories et de doctrines qui prétendent se suffire à elles-mêmes. En un siècle qui a vu la libération de l'énergie atomique, l'homme persiste à se référer à des projections mentales qui se sont révélées fausses, mais auxquelles il veut croire, à défaut du courage nécessaire à leur abandon. L'erreur de départ, dont théories, doctrines et systèmes sont le reflet, découle d'une ambiguïté

entre le sens à attribuer à deux mots nullement synonymes : exister et être. En fait, la réalité de l'etre se manifeste dans l'existence, puisque l'homme est un Etre qui donne existence, en son corps, à une série de mécanismes physiques, affectifs, cérébraux, qui doivent permettre l'expression de la Vie qui l'anime. Il faut donc qu'il veille à ce que son existence se déroule dans des conditions favorisant le fonctionnement harmonieux de son organisme, tout en prenant conscience que ses moyens d'expression doivent refléter ses aspirations essentielles. Le bien- Etre, qui diffère du bien-exister, conditionne l'épanouissement de ses facultés et, par voie de conséquence, conduit à la maîtrise de son destin. Faute d'admettre cette «indivi-dualité», l'homme pratique une politique incohérente sur tous les plans de son activité. Elle n'est plus adaptée à l'époque des savants actuels qui cherchent à englober le mystère que porte l'homme en lui, en une formule qui rendrait compte d'une Réalité universelle qu'il incorpore. Au rythme présent de l'évolution, s'impose une ordonnance plus conforme aux aspirations de générations qui récusent l'organisation stérilisante basée sur l'efficacité et la rentabilité. Elle ne peut éclore que par une mutation fondamentale des mécanismes de pensées, donc, par une véritable révolution psychologique. La «Renaissance» occidentale est à ce prix. Elle

dégagerait une vocation humaine donnant un sens à l'existence et enchanterait une génération qui se cherche, encline à fuir le vide qui l'habite en s'imaginant, trop souvent, pouvoir le combler par la drogue, la violence ou l'abdication. Les aînés se doivent de la détromper. Les interdits manquent d'efficacité, mais l'expérience d'une longue évolution dégage des vérités intangibles. Détaché du temps et de l'espace, chacun peut se rendre compte que des divisions insensées de la Grèce antique nous ne retenons rien, sauf le sentiment de leur inutilité. En revanche, nous captons avec fierté les effluves subtiles d'une civilisation dont la nôtre est issue. Ainsi un enseignement se dégage et doit être médité. Nous retenons en notre âme les divines proportions que l'art grec nous révèle. Nous nous rappelons que l'esprit pythagoricien illumina le ciel de l'attique cinq siècles avant la naissance de Jésus. Nous admirons les temples antiques ou ce qui en reste, en imaginant les fastes des sanctuaires où la Religion élaborait ses mystères, pour donner aux hommes recueillis un avant-goût des béatitudes célestes. Nous ne saurions être ce que nous sommes, sans nous référer aux sommets de réalisations humaines qui forment notre patrimoine sacré. Puissions-nous l'enrichir!

CHAPITRE II HUMANISME ET LIBERTE Grandioses et tragiques, sublimes et sordides sont les sommets et les abîmes de l'épopée humaine, dont il convient de dépasser l'aspect kaléidoscopique, pour découvrir une Réalité qui le transcende. Vienne un homme de génie, il pourrait dans un langage clair et limpide, adapté au rythme de notre époque, révéler le sens profond et la magie d'une Tradition qui comporte la quintessence d'une longue, très longue expérience humaine. Il s'emparerait alors de l'universelle angoisse en la transformant en l'espoir d'un avenir lumineux. La Tradition est, avant tout, le lien qui unit hier à aujourd'hui. Elle est la Loi qui trace l'itinéraire, plongeant ses racines dans ce qui a été pour aller vers ce qui sera. Tout l'existant porte l'empreinte de l'évolution, étant le fruit du passé et la semence

de l'avenir. L'évolution manifeste une énergie vitale et universelle, une sève inépuisable qui semble obéir à une idée rectrice, puisque des formes toujours mieux adaptées remplacent celles qui s'évanouissent dans l'éternité des temps. La Tradition n'est donc pas une doctrine. Elle n'est pas un système et se retrouve aussi bien sur les hauts plateaux du Tibet, que dans la masse imposante des Pyramides, aussi bien dans les pierres levées burinées par l'âge, qu'au cœur du sanctuaire de l'eglise de la Nativité. Riche de ses enseignements, notre cycle tourmenté donna naissance à l'un de ses fleurons, l'humanisme! Un humanisme nullement compris comme ensemble de tendances intellectuelles ou philosophiques, mais comme un développement ayant l'homme pour objet. A ce titre, l'humanisme est une découverte intérieure de la mesure de l'homme, de sa raison, de son devenir. Il implique l'harmonie et la conscience d'une universalité rendant arbitraire toute classification stérilisante, qui escamote soit l'imbrication des phénomènes les uns avec les autres, soit les relations qui les rendent tributaires les uns des autres. L'humanisme ne peut exister que lorsque la pleine liberté permet l'expression de la plus grande originalité exaspérée jusqu'au génie. Il est l'expression de la «Liberté-Principe» qui s'affirme dans toutes les libertés exprimées à tous les stades, soumises, comme il se doit, aux notions essentielles que l'homme doit respecter s'il ne veut pas violer sa

propre nature, qui reflète fidèlement l'ordre Souverain, l'ordre Cosmique. En plaçant la charrue devant les bœufs, c'est-àdire, en cherchant à conclure avant de démontrer le bien-fondé de la conclusion, on pourrait affirmer que la mission de l'occident fut et reste la manifestation d'un humanisme qui fait de l'homme la mesure de toute chose, puisqu'il est, en son corps, le miroir d'une ordonnance transcendantale. Avoir, en notre siècle, préféré la démesure à la mesure, n'est pas en soi la preuve d'une démission, car nombreux furent les sommets suivis de douloureux plongeons caractérisant une civilisation en dents de scie, dont de nombreux aspects reflètent, néanmoins, le génie de l'homme. Les raisons d'une visible décadence hantent les esprits. Les causes, souvent de nature subtile, méritent grande attention. Aussi faut-il procéder par étapes et ne pas se baser sur de fausses notions qui risquent d'empêcher une approche objective. Si les prémices d'un âge nouveau se dessinent, il ne tiendra sa promesse que grâce aux énergies spirituelles intégrées aux données de la science et de la technique moderne. Dans l'orgueilleuse pensée que la science aurait réponse à tout, l'homme négligea l'esprit. Il fait, aujourd'hui, son entrée fracassante au cœur même des hypothèses les plus avancées de la recherche fondamentale. La science aborde les brûlants rivages de la métaphysique en escamotant

CHAPITRE XXII CONNAIS-TOI TOI-MEME Partir de l'homme en envisageant une civilisation facilitant son évolution, donc sa compétence, c'est envisager une collaboration des différentes branches professionnelles, scientifiques, artisanales ou artistiques, afin qu'à tous les niveaux de son action s'épanouisse le génie humain. C'est dans un milieu harmonieux que les qualités de l'homme se réveillent et seules les qualités de l'homme doivent servir de matériaux à l'édification d'une société valable. L'homme se qualifie en outre en pratiquant un métier, en collaborant à l'ordonnance d'une profession, en développant son esprit inventif, en affinant ses facultés d'initiative et son sens de la solidarité. De la connaissance qu'il a de lui-même, il dégage

une discipline qui l'aide à se réaliser et à s'intégrer dans la société dont il inspire la direction, sans avoir la prétention de l'assumer, à moins que ses facultés l'y prédestinent. La collaboration des hommes, pour l'accomplissement d'une œuvre, appelle la hiérarchie des valeurs que l'homme manifeste. Un exemple de cette collaboration et de cette hiérarchie nous est fourni lorsqu'un spectacle se monte. Il y a l'auteur de la pièce. Il représente le sommet de la hiérarchie. Entre en jeu le metteur en scène, qui s'efforcera de respecter l'esprit que reflète l'œuvre, sans pour autant renoncer à son génie propre qui lui suggérera une interprétation ne trahissant pas les intentions de l'auteur. Il choisira des interprètes auxquels il rendra sensible le souffle qu'il donne à l'œuvre et saura concevoir les décors les mieux adaptés, que décorateurs, machinistes, électriciens mettront en place sous sa direction. Du costumier au maquilleur, toute l'équipe comprenant le sens de l'œuvre collaborera pour la rendre parfaite et participera au succès qu'elle considérera comme sien. En transposant cet exemple dans le quotidien, la tâche qui incombe aux instituteurs, aux instructeurs, aux parents ou aux dirigeants, quelle que soit leur action éducative, sociologique, scientifique, économique ou politique, sera de rendre sensible l'œuvre magistrale qu'accomplissent les hommes conscients de leur rôle et de leurs moyens.

Il faut, pour qu'un travail commun soit créateur, que tous les collaborateurs se sentent concernés en ayant le respect de l'effort fait par chacun et l'esprit d'équipe ne doit pas se limiter à l'acte professionnelle, mais doit déborder pour faire naître le chef-d'œuvre à la gloire de la civilisation. Il s'agit d'une vision mais, à cette époque tourmentée, soumise à la tyrannie des idéologies, il faut œuvrer à la promouvoir. Il faut éveiller les hommes à l'idée d'une collaboration conduisant à la création des conditions qui permettent l'éclosion de la Liberté et du bonheur sur Terre. Est-ce original? Peut-on prétendre qu'il n'y a rien de nouveau sous le Soleil, quand le caractère gigantesque et accéléré de l'évolution, et l'importance des problèmes mondiaux déconcertent et font peur? Peut-on, dans un monde en conflit qui engendre l'angoisse, dans un monde dans lequel l'homme angoissé trouble la cité et la cité troublée agite la nation, et dans lequel la nation agitée amplifie le conflit, prétendre à un changement fondamental, tout en déclarant que cela a déjà été vainement tenté? Il faut pourtant sortir du cercle vicieux et ne pas invoquer les échecs du passé, dont le présent n'a que faire! De la valeur de l'homme dépendent les règles, les lois, les mœurs et les comportements. La valeur des hommes doit se dégager en abandonnant les fausses notions que raffermissent l'affectivité, l'éducation, les diverses propagandes, les réactions pas-

sionnées, les influences du milieu, en un mot le conditionnement auquel on souscrit à défaut d'être libre. Tout conditionnement est un obstacle à l'activité de l'intelligence qui doit pouvoir ne s'embarrasser de rien, pour pénétrer les faits et les événements dégageant alors l'essentiel, sans qu'aucune projection mentale ne l'escamote. Hélas, les sens, même prolongés par des instruments ultra-sophistiqués, ne peuvent appréhender, tant dans l'infiniment grand que dans l'infiniment petit, qu'un Univers limité. Les structures psychologiques humaines s'opposent à une pénétration essentielle, à moins d'être réceptives en captant les impulsions subtiles qui ne se perçoivent que dans le calme du mental au repos. Or, il s'agite, car grand est le pouvoir de l'imagination qui amplifie les mille et une difficultés de l'existence engendrant, par voie de conséquence, un sentiment d'insatisfaction et de frustration. Constatons que nous entretenons dans l'exercice de nos comportements quotidiens un sentiment d'insécurité, d'insatisfaction et, partant, de frustration. Aussi, éprouvons-nous le besoin d'échapper à l'insatisfaction et à rechercher la satisfaction en nous imaginant qu'en y parvenant, nous découvririons les certitudes qui nous délivreraient de toute crainte que suscite l'incertitude ou la frustration. En recherchant la satisfaction, nous voulons également goûter au plaisant de l'existence, ce qui nous

incite à nous évader tête baissée dans l'illusion rassurante. Nous imaginons ainsi un Ciel habité par un Père si grand qu'il sait tout, voit tout, peut tout. Il va sans dire qu'on s'appliquera à se concilier ses bonnes grâces, en se persuadant que l'apparence d'un comportement vertueux saurait lui suffire. Pauvres humains limités que nous sommes, oubliant que croire en lui peut, par opposition, conduire à ne pas croire en lui ou, pis encore, à se vouer au diable, son opposé! Enfermé dans un dilemme, nous ne pouvons en sortir qu'en prenant la sage détermination de nous ouvrir à une Réalité accessible à l'homme ayant dépassé les limites conceptuelles. Alors, se révèle la sagesse et s'exprime l'amour. La sagesse lui commande, comme cela a été dit et répété, le «connais-toi toi-même», sans jugement, sans justification, sans condamnation, comme seule voie du discernement. L'intelligence dépouillée des voiles des conditionnements intellectuel, politique, sociologique ou idéologique, remplacera, de ce fait, l'agitation et, en premier lieu, celle de la pensée. La pensée agitée se dirige vers les zones où la satisfaction va provoquer des assurances qui ne sont rien d'autre que les projections mentales. On affirmera être uni au tout, sans avouer qu'il s'agit d'une broderie existentielle du mental agité, sans réaliser que ce genre d'affirmation est un subterfuge. On joue avec Maya, c'est-à-dire, avec un

élément de duperie. On fait comme si, et on s'abandonne à l'illusion. Assis en tailleur au pied du mont Blanc, il serait vain de s'imaginer que Maya, la grande illusion, transportera le bien intentionné au sommet, lui donnant la satisfaction d'y parvenir sans avoir fait l'indispensable effort. Grande, en effet, serait la satisfaction de pouvoir se vanter et de se réjouir d'une chose réussie, quoique non méritée. On affirmera, il est vrai, avoir reçu la récompense à laquelle on pouvait prétendre. Que l'homme sorte donc de ses rêves ambitieux qui, sur le chemin d'une authentique réalisation, suscitent les illusions largement répandues sur Terre et soigneusement entretenues parce que satisfaisantes. Il est donc loisible d'affirmer que rien n'est nouveau sous le Soleil, même si les problèmes changent de dimension, mais il est également loisible d'affirmer que les expériences du passé, ainsi que les échecs et les souffrances qui en découlent portent en eux le ferment du changement. Le concevoir, c'est passer un seuil. Le Sphinx, symbole du Grand Mystère des choses de la Vie, le garde. Ne craignons pas de les aborder!

CHAPITRE XXIII LE CHOIX Il faut avoir la vision de l'eternel pour voir les choses comme elles sont en leur essence. Nous n'avons pas la vision de l'eternel parce que, prisonniers d'un univers psychologique structuré, nous ne nous intéressons, en fait, qu'à ce qui se meut dans le cadre de nos limites. Nous ne concevons les choses qu'à l'échelle de nos limites, et nous prétendons organiser notre vie individuelle, physique et intellectuelle, dans le cadre de nos concepts qui sont à la mesure de notre prison. Nous voulons que l'organisation que nous établissons ainsi, participe à l'harmonie universelle, donc éternelle, sans admettre qu'il y a là un phénomène d'opposition qui relève d'une situation contradictoire.

Nous aspirons à dépasser ce qui contraint en refusant de nous rendre libre. On pourrait dire, avec Maeterlinck, que le rêve de l'homme serait d'être un passant qui ne passerait pas. Mais l'homme passant qui ne voudrait pas passer souffre de la présence en lui de cette permanente contradiction. Il souffre et c'est pourquoi il a le besoin impérieux de cette certitude dans tous les ordres de pensée ; il se crée également une certitude qui est un artifice qu'il emploie pour détruire la contradiction. Passionnément, il défend cet artifice et, passionnément, il refoule la contradiction en partant en guerre contre le contradicteur, qu'il n'hésitera pas à supprimer pour consolider sa certitude. Quelles que soient les justifications habilement présentées, cette façon d'agir s'apparente davantage à la barbarie qu'à la civilisation. Au spectacle des carnages, des meurtres, des tortures, des viols et des orgies, perpétrés par des hommes se voulant civilisés, on serait tenté d'affirmer que la civilisation est aussi près de la barbarie que le fer poli l'est de la rouille. Il suffit de le mouiller pour la faire apparaître. Alors, pourrait s'écrier la civilisation, en s'adressant à l'homme de l'âge nouveau : «Prends soin de moi, je suis ta sauvegarde! La barbarie est un royaume vers lequel je retourne volontiers, dès que tu cesses de m'accorder tes faveurs et tes soins, qui peuvent faire de moi une réalité vivante. Ecoute mes paroles. Sache et retiens en ta mémoire ce que

je vais te dire : C'est du respect que tu portes à l'intelligence-conscience et à l'amour qui en résulte, que fleurissent mes dons. Cueille aujourd'hui les roses du destin dont le parfum subtil imprègne les routes de la révélation. Ton bonheur en dépend.» A force de convulsions, les hommes cessent de croire qu'ils pourraient un jour atteindre le bonheur. S'emparer de l'universelle angoisse pour la transformer en espoir, telle est la mission de l'occident, et cette affirmation est, en fait, une conclusion situant le choix qui s'impose. Déclin ou renouveau, telle est la question. Résumons les données justifiant cette affirmation.

CONCLUSION Nous vivons dans un siècle en lequel l'homme dispose d'énergies qui, de partout, l'entourent, le pénètrent, l'informent. Ces énergies traversent les espaces, elles sont omniprésentes et favorisent le sentiment d'une interdépendance des hommes de tous les horizons. L'anachronisme persiste pourtant ; nous pensons et nous raisonnons en partant de concepts périmés et en acceptant des préjugés établis qui centrent nos problèmes sur nos préoccupations égocentriques. Nous appliquons un système figé et nous croyons que tout peut être défini par oui ou par non, par bon ou par mauvais. Nos habitudes de pensée nous entraînent à commettre l'erreur de suivre un sillon tracé d'avance ; un sillon qui aboutit à une conclusion que nous souhaitons logique en fonction même d'une hypothèse de départ que nous n'avons pas vérifiée.

Dans notre monde électronique, vibratoire, ondulatoire, la relation toujours mouvante de l'homme en résonance avec son milieu devrait épanouir l'individu, le rapprocher, dans une compréhension commune, de son voisin ; l'inciter à dépasser les frontières de ses propres limites intellectuelles. En fait, aujourd'hui, plus que jamais, nos opinions nous divisent, nos dogmes s'entrechoquent et nos théories se fractionnent, opposant des groupes d'hommes à d'autres groupes d'hommes, par le simple fait d'un credo politique, social ou démagogique périmé. Aujourd'hui plus que jamais, l'homme cherche à savoir, à se spécialiser, à posséder, et aujourd'hui plus que jamais, il a besoin de comprendre et de s'épanouir. La dimension nouvelle appelée «temps» a bouleversé ce qui était statique et l'épanouissement psychologique passe, nécessairement, par le refus d'une culture mnémotechnique, par le refus d'une robotisation qui fait de nous les esclaves de l'organisation tentaculaire qui enserre notre existence. Seul un homme qui fait usage de toutes ses facultés, dans son travail et lors de ses loisirs, cesse de fuir devant lui-même, cesse de s'agiter pour tuer le temps. Découvrir un dilettantisme à l'échelle de notre monde, développer ses facultés psychiques grâce auxquelles nous pouvons, par nous-mêmes, réussir notre propre devenir, c'est aborder les problèmes de notre époque par la seule voie qui nous sorte

du labyrinthe de la confusion en lequel nous risquons de dépérir. Ne pas reconnaître que ce devenir est essentiel, qu'il postule un humanisme authentique, qu'il prend sa racine au plus profond de nous-mêmes, c'est méconnaître sa destinée, c'est la trahir. A ce titre, nous sommes tous plus ou moins complices! Trahir notre destinée, donc notre mission, c'est emprunter le tragique toboggan sur lequel nous glissons, toboggan à la pente savonneuse que notre ignorance rend toujours plus glissante. Il est difficile de rester fidèle à sa destinée car, pour ce faire, il faut être disponible, ce qui veut dire libre, libre de tout concept préétabli, libre de toute opinion préconçue, libre enfin, de tout conditionnement psychologique. Le jeu de l'existence entraîne les hommes et le tourbillon de l'existence les happe. Ils se trouvent enchaînés à des événements, dont ils ne pensent, à tort, ne pas être responsables. Dès lors, ils invoquent le hasard, la mauvaise fortune, la malchance. Le hasard a bon dos. Suivant le cas, on le veut malencontreux ou providentiel, on le craint ou on le cajole, mais n'est-ce pas en pure perte? Existet-il vraiment, ce perfide ou providentiel hasard? Le hasard, au début de l'emploi qu'on en faisait, se rattachait au mot «jeu». On préfère lui donner une interprétation différente. Si, entre les causes qui nous semblent connues et

l'effet que nous escomptons, un accroc se produit, nous invoquons le hasard. C'est une attitude paresseuse, puisqu'elle nous incite à persévérer dans notre ignorance des véritables causes qui ont modifié l'effet attendu. La constatation d'effets imprévus n'implique pas qu'il y ait indéterminisme et jeu de fantaisie dans l'ordre des choses. Il y a, tout simplement, interférence de forces multiples dont certaines échappent à notre discernement. Il faut bien des fils pour former la trame d'un tissu. Il en va de même pour la trame qui détermine les événements auxquels nous sommes mêlés. Pour reconnaître les fils, il faut, pour commencer, non pas trancher les nœuds gordiens noués par notre subconscient dont les réflexes nous dominent, mais dissoudre ce qui les provoque. L'homme libre doit et peut choisir sa voie. Ce choix doit être intelligent. «Intellegere» veut dire comprendre. Comprendre, c'est découvrir une vérité qui, à tous les niveaux de conscience reste parfaitement accessible, à condition d'aborder cette vérité le mental au repos et l'esprit ouvert. Dès lors, le bien et le mal se situent sur le seul plan du jeu existentiel que l'homme conscient, que l'homme libre aborde sans concept, sans projection mentale et sans se soucier du phénomène apparent qui fausse le jugement. Il est conscient d'oeuvrer dans le sens d'une vocation qui lui est dévolue, qu'il est appelé à accomplir.

L'homme psychologiquement libre ne s'accroche pas à son cadre momentanément valable. Il accepte de mourir à ses habitudes. Il élargit le domaine de sa compréhension en découvrant que la nature humaine, libérée de son égoïsme et de l'ignorance qui l'avilit, retrouve son essence première. L'homme apprend à affronter sans peur et sans reproche les forces obscures qui le contraignent. Il devient acteur conscient sur la scène du monde. Il intervient dans le jeu, mais ne se laisse pas piper par lui. Pris dans l'agitation fébrile du monde, il connaît la règle du jeu. Elle consiste à regarder comme égaux le plaisir et la peine, le gain et la perte, la victoire et la défaite. Comprendre la règle du jeu, c'est admettre la dualité existentielle qui se manifeste dans toutes choses, mais ne l'admettre qu'au niveau du jeu. L'homme conscient est libre de se retirer du tapis vert autour duquel se poursuit le jeu de l'existence, de renoncer à la mêlée, mais il peut aussi choisir, précisément, de la considérer comme un champ d'expérience qui favorise son évolution. Dans une grotte isolée, l'anachorète peut trouver le chemin de la vérité. Dans la mêlée, c'est certainement bien plus difficile, mais l'existence de chacun traduit l'aspiration profonde de son Etre à se révéler dans l'existence, de recréer dans le quotidien l'harmonie que les luttes des hommes rendent précaire. La Loi qui régit les hommes les pousse vers cette

harmonie qui est union au-delà des contraires. Aller à son encontre, c'est trahir sa vocation. Cette trahison fondamentale ne pardonne pas. Inéluctablement nous en sommes les victimes. Il est vain d'invoquer le hasard ou une mystérieuse force qui nous poursuit. L'injustice apparente n'est qu'illusoire. Nous négligeons le processus qui dévide l'écheveau de nos existences, peut-être successives. Tout le mal vient de notre ignorance qu'aucun savoir acquis ne peut dissiper. Le «mal per se», n'existe pas, écrivait un grand maître de l'himalaya à l'un de ses disciples. Il ajoutait : «Tout mal, grand ou petit, est dans l'action humaine, dans l'homme qui est, grâce à l'intelligence, le seul agent libre de la nature.» C'est l'homme qui a inventé les faux dieux pour justifier toutes les ruses et pour accomplir toutes les formes de crimes, sous prétexte que les dieux l'exigent. La nature n'est ni bonne ni mauvaise. Elle se conforme simplement à des lois immuables, soit qu'elle donne Vie et la joie, soit qu'elle envoie la souffrance et la mort, et détruise ses créations. Il ne faut donc blâmer ni la nature ni une divinité imaginaire, mais la nature humaine avilie par l'égoïsme. L'égoïsme nous cache, sous un voile opaque, ce qui est Beau, ce qui est Vrai, ce qui est Bien. Notre quête de puissance nous égare. Seul l'événement douloureux nous rappelle à l'ordre. Nous sommes bourrés de bonnes intentions, mais nous attachons un grand prix à ce que nous convoi-

tons, à ce que nous possédons, à ce que nous croyons. Alors, nous préférons ne pas comprendre. Nous accusons le hasard. Nous déplorons le mauvais sort. Nous accusons ceux qui ne nous comprennent pas. Nous partons en guerre contre nos semblables, afin de justifier l'injustifiable. Si la mission de l'occident doit avoir un sens, elle doit s'employer à faire admettre que tous les individus, ressortissants de n'importe quelle nation, font partie de la famille humaine. Il ne s'agit pas d'une simple constatation, mais d'une définition soulignant l'importance de la fraternité conduisant au respect du caractère individuel de chacun. Ce respect engage à prendre la défense de tout individu ou de tout groupe d'individus qui seraient soumis à une quelconque oppression au nom d'une idéologie ou d'un statut, quel qu'il soit, afin de préserver le respect de l'individu sans qu'il puisse être établi, au nom d'un préjugé, une différence avantageant ou désavantageant les uns ou les autres. Ainsi, s'établirait une tradition hautement humaine dont chacun pourrait se réclamer, en faisant prévaloir son caractère humain, pour être, au nom de ce caractère, respecté dans ses droits et respecté dans ses libertés. Le vaste champ d'expérience qu'offre le monde, est à notre disposition, à condition de l'admettre. Jour après jour, il faut chercher la Pierre Philosophale et le Tao nous rappelle, que notre corps nous

sert d'alambic pour distiller, goutte après goutte, jour après jour, notre propre immortalité. Si nous oublions le Grand Œuvre, si nous nous laissons égarer par les plaisirs que nous prenons en exaltant nos sens pour mieux les goûter, ce sont les plaisirs qui nous perdront. Lorsque seront émoussés leurs attraits, nous nous regarderons dans un miroir, et le désespoir de notre existence ratée sera le compagnon de notre désillusion. Inutile alors de chercher autour de soi pour trouver un appui. Le monde hostile, aussi égoïste que nous-mêmes, nous ignorera. Amers, nous nous prosternerons, en nous écriant : «Ai-je mérité cela?» Et les dieux muets ne répondront pas. Dès lors, n'est-il pas plus sage de tenter la grande aventure en admettant que " le Seigneur du Ciel puisse, à travers l'homme de la Terre, s'exprimer " comme l'annonça saint Paul. Etre le canal de cette expression et goûter ainsi l'ineffable joie d'accomplir son destin est à portée de l'homme conscient de sa stature et de sa mission. Puisse une nouvelle Renaissance faire mentir les prophètes qui se complaisent à prédir de prochaines catastrophes. Si elles doivent avoir lieu, envisageons-les avec sérénité. C'est la meilleure façon de les éviter!

ACHEVE D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE S.E.G. 33, RUE BÉRANGER CHATILLON-SOUS-BAGNEUX N d'édition : M 969 Numéro d'impression : 2204 Dépôt légal : janvier 1983

Œuvres de FRÉDÉRIC LIONEL chez Robert Laffont PRÉSENCE DE LA GRANDE TRADITION L'ACCESSIBLE DU MERVEILLEUX L'ÉNIGME QUE NOUS SOMMES L'EMPRISE DE L'ÉTRANGE