Nous reconnaissons d abord au programme d éthique et de culture religieuse (ECR) plusieurs avantages appréciables.



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Transcription:

Le 11 mars 2008 Madame Michelle Courchesne Ministre de l Éducation, du Loisir et du Sport 1035, rue De La Chevrotière, 16 e étage Québec (Québec) G1R 5A5 Madame la ministre, La place de la religion à l école s est beaucoup modifiée au cours des dernières années. Après la déconfessionnalisation des commissions scolaires et des écoles publiques, c est maintenant l enseignement religieux confessionnel qui doit être remplacé par un Programme d éthique et de culture religieuse (ECR) dès l automne 2008. Tout au long de ce processus, nous avons tenté de faire valoir nos points de vue de façon constructive. Nous avons pris le temps d étudier attentivement le nouveau programme, dans le cadre des consultations auxquelles une première version a donné lieu et après son adoption officielle en juillet 2007. Nous constatons qu un effort sérieux a été fait pour tenir compte de certains commentaires soumis dans notre mémoire du 1 er juin 2005 à la Commission de l'éducation concernant l'enseignement religieux à l'école, ainsi que dans notre réponse à la consultation du Comité sur les affaires religieuses en 2006. Tel qu'adopté, le programme ECR comporte à notre avis des avantages importants mais aussi de sérieuses limites. Nous désirons maintenant faire connaître les grandes lignes de notre analyse à votre gouvernement et à la population. Nous reconnaissons d abord au programme d éthique et de culture religieuse (ECR) plusieurs avantages appréciables. o Le programme respecte le droit à l égalité comme valeur fondamentale d une société démocratique sans pour autant nier la diversité des appartenances ni l importance particulière du christianisme catholique et protestant dans l histoire et la culture québécoises. o Il devrait favoriser le développement d une meilleure compréhension mutuelle entre les tenants de différentes convictions religieuses ou séculières, et permettre aux jeunes de mieux se respecter en dialoguant autour de questions éthiques et religieuses. o Le programme devrait aider à «acquérir une pensée autonome, critique et créatrice [ ], connaître et apprécier les valeurs fondamentales de la société québécoise» (Primaire, p. 30). Ce dernier élément laisse entendre qu'il est possible de partager des valeurs communes pardelà les choix individuels, du moins en ce qui a trait au vivre ensemble. 1 de 6

o L intégration des volets éthique et religieux met en lumière la complémentarité de ces deux domaines dans la formation du discernement éthique (Primaire, p. 8), alors que la culture contemporaine aurait tendance à faire de l éthique un domaine réservé à la seule raison. o La place de la religion dans la société est valorisée. Ceci représente une contribution importante dans un contexte où une certaine conception de la laïcité tendrait à restreindre la religion à l espace privé, et où tout enseignement relatif à la religion a failli être complètement évacué des programmes scolaires. o Pour aider à dépasser dans une certaine mesure les limites de l analyse extérieure et objective qui prévaut dans l ensemble du programme ECR au sujet du phénomène religieux, il est précisé qu il peut être saisi «dans ses dimensions expérientielle, historique, doctrinale, morale, rituelle, littéraire, artistique, sociale et politique» (Primaire, p. 9). o Pour compenser le morcellement du programme en fragments plus ou moins disparates, deux thèmes au second cycle du secondaire («Des religions au fil du temps» et «L expérience religieuse»), visent à «faciliter chez l élève l établissement de liens significatifs entre différents aspects d une religion pour en saisir la cohérence, la complexité et le génie propre» 1. Nous voulons toutefois souligner un certain nombre de limites et de difficultés, inhérentes pour une bonne part à la nature même du programme ECR, mais dont un certain nombre nous paraissent contournables. o L approche phénoménologique impose des limites importantes à la compréhension que les élèves pourront acquérir au sujet de l expérience religieuse. Le programme vise à faire comprendre certaines manifestations du religieux en tant que phénomène socioculturel. Cette approche implique une prise de distance critique par rapport à l expérience du sujet, ce qui suppose une capacité d abstraction et induit un processus de relativisation qui ne nous paraissent pas appropriés à tous les niveaux du primaire et du secondaire. o La cohérence interne des religions ne peut pas être perçue à travers une succession d exemples tirés de différentes religions à tour de rôle. On peut se demander quel effet aura sur les élèves une exposition à un tel «kaléidoscope» alors que leur propre identité commence à peine à se former. À notre avis, il ne suffirait pas de répondre qu ils sont déjà exposés à une semblable diversité à travers les médias ou dans leur milieu. L école devrait être un lieu d intégration plutôt que de reproduction de l éclatement culturel ambiant. o Le programme affirme une prétention à la neutralité qu il convient de recevoir avec circonspection. Une certaine vision du monde et de l être humain sous-tend inévitablement un programme touchant à des questions d'ordre éthique et religieux. C est ainsi que la conception de la personne sous jacente au programme n intègre pas de façon constitutive la dimension spirituelle ou transcendante. Parmi les exemples relatifs aux 1 COMITÉ SUR LES AFFAIRES RELIGIEUSES, Avis à la ministre de l Éducation, juillet 2007, p. 8. 2 de 6

besoins humains, par exemple, les besoins spirituels ne sont pas mentionnés (Primaire, p. 60). Cette dimension n apparaît pas non plus lorsqu il est question de l identité (p. 62) ou de la liberté (Secondaire, p. 56). Tout au plus la dimension spirituelle de la personne humaine est-elle inférée au deuxième cycle du secondaire par le biais de deux thèmes : «Des questions existentielles» et «L'expérience religieuse» (Secondaire, p. 84). o Même si le programme appartient au «domaine du développement personnel», les objectifs de cet ordre passent au second plan dans la mesure où ils ne sont visés que de façon indirecte, cédant le pas à une perspective d éducation citoyenne au vivre ensemble dans un contexte de démocratie pluraliste 2. Par exemple, les valeurs morales qui sont présentées sont choisies en fonction de leur pertinence pour le vivre ensemble mais le programme ne fournit que peu de repères pour la conduite de la vie personnelle. La réflexion éthique «permet» le développement moral de la personne (p. 8), mais ne le vise pas comme objectif explicite. L expression des convictions est «rendue possible» (Primaire, p. 10) sans être encouragée. La connaissance de soi ne fait pas partie des objectifs du programme au même titre que la reconnaissance de l autre, bien que «le développement de l identité» constitue un élément de contenu prescrit (Primaire, p. 62). o Les éléments de contenu prescriptifs pouvant être traités à partir de différents exemples indicatifs, il est impossible de savoir avec précision, à la seule lecture du programme d études, quels aspects des différentes religions seront effectivement présentés ou comment le temps sera partagé entre les deux volets de l'éthique et de la culture religieuse. Les indications qui sont fournies sur la place à faire aux différentes traditions religieuses (Primaire, p. 67) sont aussi sujettes à diverses interprétations. La marge de manœuvre laissée aux responsables pédagogiques pour la mise en œuvre du programme demeure donc considérable, alors que l on peut s interroger sur le degré de préparation d une bonne partie du personnel enseignant. o Une forte impression de surcharge s impose à la lecture du programme, au primaire comme au secondaire. La multiplicité et la complexité des éléments abordés permettront-elles de couvrir l ensemble du contenu prévu en éthique et en culture religieuse à l intérieur du temps alloué? Seule l expérience concrète qui sera faite du programme ECR permettra de juger si ses avantages l emportent sur ses limites et quels effets positifs ou négatifs il pourra avoir sur les jeunes. Au sujet des conditions de cette mise en œuvre, nous devons aussi exprimer certaines préoccupations. Le caractère obligatoire du programme La décision du gouvernement de rendre obligatoire et exclusif le programme ECR n est pas sans soulever la question du rôle de l État en matière d éducation morale et religieuse. On peut comprendre la visée universelle d un programme destiné à favoriser le vivre ensemble. Dès qu on touche la dimension éthique et religieuse de la cohésion sociale, il devient cependant très 2 Cf. Georges LEROUX, Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour un programme, Fides, 2007, p. 67-68, 84-86 3 de 6

délicat d introduire tout élément potentiellement contraignant pour la liberté de conscience. Dans le cas du programme ECR, nous avons dit plus haut pourquoi il nous paraît difficile de lui attribuer un caractère de neutralité. Il paraît inévitable que la conception de la religion qui se dégage de cet enseignement corresponde davantage à la compréhension des sciences humaines qu à celle des confessions religieuses ou de bon nombre de familles. Étant donné l autorité qui est attachée au cadre scolaire, les jeunes tendront-ils à retenir cette perspective comme la plus déterminante? L'Assemblée des évêques a déjà exprimé sa préférence pour le respect du choix des parents en ce qui touche les programmes scolaires relatifs à la religion 3. Nous voulons réitérer notre conviction qu'en toute matière touchant la liberté de conscience, il faut consentir tous les efforts possibles pour s'assurer d'un respect intégral. Si par exemple il s avérait que le programme ECR ou la façon de l enseigner tend à induire chez les jeunes une réaction de confusion ou de relativisme, une interprétation réductrice de la foi religieuse ou un humanisme rationaliste, il y aurait conflit avec les convictions d un bon nombre et son caractère obligatoire pourrait vraisemblablement être contesté. De même, s il portait atteinte au rapport de confiance entre les enfants et leurs parents dans l exercice de leur responsabilité en matière d éducation morale et religieuse. Dans de tels cas, on peut prévoir que certains parents utiliseraient le recours au droit d exemption prévu dans la Loi sur l instruction publique (art. 222). Nous sommes conscients qu il faut un motif très sérieux pour justifier l exemption d un programme scolaire. Le motif le plus grave serait sans doute la violation de la liberté de conscience, qui est un droit fondamental. Le programme en lui-même ne nous semble pas prêter flanc à une telle contestation a priori. De même les exemples de préjudices énumérés au paragraphe précédent peuvent être appréhendés mais demeurent non vérifiables tant que le programme ne sera pas mis en œuvre. C est plutôt a posteriori, à partir de l expérience faite, qu une demande d exemption pourrait à notre avis devenir recevable dans les cas où un préjudice pourrait s'avérer suffisamment grave. La formation des maîtres Des efforts sérieux sont faits par les universités pour offrir une bonne formation initiale aux futurs maîtres en éthique et culture religieuse au secondaire. Dans ce cas, la relève commence à se manifester. À l Université Laval, on signale que depuis que le gouvernement a clairement manifesté sa position concernant l enseignement religieux en 2005, le nombre de demandes d admission au programme de baccalauréat en enseignement secondaire (histoire/éthique et culture religieuse) a considérablement augmenté (70 demandes pour 21 places disponibles) alors qu il était réduit pratiquement à néant les années précédentes. 3 Position de l'assemblée des évêques catholiques du Québec sur l'enseignement religieux confessionnel dans les écoles publiques (26 octobre 2004) ; Mémoire de l'assemblée des Évêques Catholiques du Québec à la Commission de l'éducation concernant l'enseignement religieux à l'école - projet de loi no 95 (1 er juin 2005). 4 de 6

La situation est plus complexe en ce qui concerne le primaire ainsi que les formations d appoint aux enseignants en exercice. Citons à ce propos un extrait du mémoire déposé par la Faculté de théologie et de sciences des religions de l Université de Montréal devant la commission Bouchard-Taylor : La Faculté de théologie et de sciences des religions a collaboré étroitement avec la Faculté de sciences de l éducation et le Département de philosophie, à la mise au point d un baccalauréat en enseignement de l éthique et de la culture religieuse au secondaire, offert à l Université de Montréal depuis l automne 2006. Cette année (2007-2008), toutes les places disponibles dans ce programme ont été comblées. Une solide relève est donc en voie de préparation pour ce secteur. La Faculté contribue également à une offre de cours pertinents pour la formation des futurs enseignants du primaire et elle est impliquée activement, avec d autres partenaires, dans des formations d appoint pour la mise à jour des enseignants en exercice dans les régions desservies par l Université de Montréal. Dans ces deux derniers cas, à notre avis, les exigences de formation sont beaucoup trop restreintes et les ressources financières nettement insuffisantes. Cela risque de compromettre l implantation du nouveau programme, de créer de l insécurité et de l insatisfaction. Nous invitons les Commissaires à attirer l attention du Gouvernement sur cette question et à demander qu on procure un support plus adéquat aux personnes et institutions concernées (p. 22-23). En ce qui concerne la formation du personnel enseignant au primaire, différents moyens sont disponibles pour pallier les limites actuelles de la formation initiale. Certains seront offerts par les commissions scolaires en partenariat avec les collèges ou les universités, d autres par les maisons d édition en rapport avec le matériel didactique produit par elles. Les enseignantes et les enseignants mieux formés peuvent intervenir comme personnes-ressources parmi leurs pairs. Pour celles et ceux qui sont moins préparés, des échanges de cours sont possibles avec des collègues. Tous ces moyens demeurent cependant d une efficacité limitée. La question demeure donc très préoccupante. Ne faudrait-il pas envisager une formation de base obligatoire, assortie de conditions favorisantes, pour satisfaire aux exigences particulières du programme ECR? Au secondaire, la principale difficulté a résidé depuis des années dans la pratique généralisée de confier l enseignement religieux comme «complément de tâche» à des enseignants appartenant au même «champ 14» mais non formés dans cette discipline. Avec beaucoup d autres, nous jugeons indispensable qu une telle pratique cesse avec l implantation du programme ECR, et qu un minimum préétabli de formation soit requis pour dispenser l'enseignement de ce programme. Modalités de mise en œuvre La mise en œuvre du programme fait face à des défis considérables : il n est pas du tout évident qu on disposera des ressources humaines et didactiques nécessaires à temps pour une implantation générale dès l automne 2008 ; de nombreux parents demeurent mal informés ou 5 de 6

rébarbatifs, sinon carrément opposés ; les effets potentiellement négatifs du programme sur les jeunes sont difficilement prévisibles. Pour ces diverses raisons, nous désirons plaider pour une implantation progressive de ce programme, tout au moins au primaire, comme l'autorise l article 459 de la Loi sur l instruction publique. Ceci permettrait une information plus complète des parents et une meilleure acceptation de leur part, laisserait plus de temps pour la formation du personnel enseignant et pour la production de matériel didactique de qualité, et permettrait de mieux prévenir certains effets non désirés du programme. Les questions qui demeurent sans réponse au sujet du programme ECR rendront à tout le moins indispensable un suivi rigoureux en cours d implantation et une évaluation complète au terme d un délai de trois à cinq ans. Ceci nous paraît d une importance capitale et nous espérons que vous pourrez bientôt annoncer les mesures prévues en ce sens. Si jamais les résultats d une telle évaluation révélaient des malaises trop prononcés, il faudrait être prêt à reconsidérer la possibilité d offrir une option qui demeurerait à définir. Ces remarques vous sont soumises, madame la Ministre, avec le souci de contribuer nous aussi à la poursuite des finalités du programme ECR : la reconnaissance mutuelle et la poursuite du bien commun. Cette lettre sera accessible sur notre site web (www.eveques.qc.ca) au début de la semaine prochaine en même temps que sera rendue publique une Déclaration de notre Assemblée des évêques catholiques du Québec. Vous remerciant de votre attention, nous vous prions d agréer, Madame la Ministre, l expression de nos sentiments distingués. Au nom de l Assemblée des évêques catholiques du Québec Martin Veillette, président Évêque de Trois-Rivières 6 de 6