Les réseaux de résistance juifs



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Transcription:

Une vocation communautaire Les réseaux de résistance juifs Une résistance spécifiquement juive a existé, dès 1940 à travers onze réseaux, composés de plus de six cent membres près à risquer leur vie pour d autres Juifs et la libération du sol français. Le livre «Organisation juive de combat, France 1940-1945» recense tous ces réseaux et le parcours d hommes et de femmes d exception. Organisation juive de combat, France 1940-1945 (éditions Autrement, 2006) Présentation de l Armée Juive (AJ), du Mouvement de jeunesse sioniste (MJS), de l Oeuvre de Secours aux enfants (OSE)-Réseau George Garrel, du Comité Amelot, de la Sixième-Eclaireurs Israélites de France, du réseau Westerweel, des aumôniers, du réseau Marcel, du service André, du réseau SF-WIZO, service familial clandestin de placement d enfants et de l hôpital de la Fondation Rotschild. L armée Juive (AJ-OJC) Au lendemain de la défaite, le premier noyau de l'armée juive fut élaboré à Toulouse sous le nom de "Main Forte" avec pour but la lutte contre les nazis et la création d'un Etat juif en Palestine. Les jeunes membres du groupe aidaient à ravitailler les détenus des camps d'internement situés dans la région de Toulouse. Ils tentaient de les faire évader de ces camps. L'Armée juive (AJ) elle-même fut fondée en janvier 1942. Le recrutement de l'aj s'effectuait par la méthode "un ami amène un ami", ce qui réduisait le danger de dénonciation au minimum. L'AJ élargit les cercles de ses membres et ses activités grâce à des accords de coopération avec le Mouvement de la Jeunesse Sioniste (MJS) et celui des Eclaireurs Israélites de France (EIF). L'AJ créa des unités dans certaines villes de France. Dès la première moitié de 1943, l'aj commença à mettre en place une filière de passage vers l'espagne pour les jeunes qui souhaitaient rejoindre les forces alliées ou la David Knout et sa sœur à Tel-Aviv en mars 1950, deux des fondateurs de l AJ Cinq filles du groupe MJS aux environs de Grenoble à l automne 1943 : Léa Spiber, Ruth Usrad, Erna Einhorn, Frida Wattenberg et Théa Epstein CDJC/Mémorial de la Shoah Abraham Polonski, responsable national de l OJC Palestine. Au cours de l'automne 1943, l'aj décida également de créer un maquis dans la région du Tarn. A la veille de la Libération, l'armée juive prit le nom d'organisation Juive de Combat (OJC) et fut reconnue officiellement comme unité des Forces Françaises de l'intérieur. Le Mouvement de Jeunesse sioniste (MJS) En France, avant la guerre, la Fédération sioniste regroupait un certain nombre de mouvements s'efforçant de propager le sionisme au sein de la jeunesse juive. Après la défaite de la France, on assista à l'émergence de cercles d'études à Toulouse, Limoges, Périgueux, Montpellier, etc. En mai 1942, se tint à Montpellier une réunion des délégués des différentes organisations de jeunesse sionistes où Il fut décidé que les responsables devaient poursuivre une activité sioniste intensive, tout en refusant de s'intégrer à l'ugif. Le Mouvement de Jeunesse Sioniste, organisation clandestine est né. Il réunissait tous les jeunes sionistes de France, sans distinction d'appartenance politique ou idéologique, en insistant sur les éléments unificateurs : la Palestine, l'esprit pionnier et le travail productif. A Montpellier, les dirigeants du MJS décidèrent d'être présents ans toutes les formes de lutte contre les nazis et 1

leurs collaborateurs : sauvetage des Juifs, jeunes et adultes, intensification de l'éducation sioniste, participation à la Résistance armée pour la libération de la France, et envoi de volontaires aux armées alliés. En août 1942, pendant les grandes rafles en zone Sud, un service social commença à fonctionner, se préoccupant du sauvetage des jeunes, mais aussi de celui des adultes : on essayait de faire sortir des internés des camps de détention, de les cacher pour les soustraire aux griffes de la police française, de les munir de fausses pièces d'identité et de leur procurer aide sociale et morale. Avec le temps, cette activité de sauvetage fut appelée "Education physique». Les membres du MJS en collaboration avec l'ose, les EIF et l'aj participèrent également aux activités de sauvetage par le passage d'enfants et d'adultes en Suisse. Des membres du MJS partirent en groupes de l'aj vers l Espagne pour se joindre aux armées alliées. D'autres furent intégrés aux maquis et aux groupes de corps francs dans les villes et participèrent aux combats pour la libération de la France. L OSE Réseau George Garrel L œuvre de Secours aux Enfants fut fondée en 1912 par un groupe de médecins juifs afin d'améliorer l'état sanitaire de la population juive de l'empire tsariste. L'Union-OSE s'installa à Paris en 1923, où fut créée une branche française. Celle-ci se spécialisa dans la médecine infantile et l'action médico-sociale familiale. A partir de début de la Seconde Guerre mondiale, l'action de l'ose- France s'étendit à toute la France, occupée et non-occupée. Cette action concernait le sauvetage des enfants juifs, mais revêtait aussi un caractère médico-social important destiné à aider les populations juives de la région parisienne, ainsi que celles réfugiées dans de nombreuses villes de province. En 1942, l'ose gérait près de vingt homes et maisons qui accueillaient environ 1 600 enfants, la plupart libérés des camps de la zone sud : Gurs, Rivesaltes et Les Milles. A partir de juillet-août 1942, les arrestations massives suivies des premières déportations obligèrent l'ose à concevoir une stratégie pour convaincre les parents à disperser les enfants, leur fabriquer de fausses identités, trouver des personnes et des institutions disposées à les cacher, tout en organisant des filières permettant de les transférer dans Georges Garrel, responsable du réseau Garel, après la guerre CDJC/Mémorial de la Shoah ces cachettes, ou de passer clandestinement les frontières. Cette expérience tragique convainquit le Dr Joseph Weill et Lazare Gurvic de créer différents réseaux. Le circuit créé par l'ingénieur Georges Garel, dit Gasquet, devait à partir de décembre 1942 choisir les institutions ou les familles d'accueil et maintenir les contacts avec les enfants cachés, afin de pouvoir les surveiller, régler les frais d'entretien, rassurer les familles encore joignables et retrouver les enfants à la fin de la guerre. Ce réseau, composé de volontaires en partie non-juifs, fonctionna jusqu'à l'automne 1944. Mgr Salièges (cf document sur les Justes), archevêque de Toulouse, confia à Georges Garel des adresses d'institutions charitables, qui purent cacher rapidement 300 enfants. Le circuit Garel se développa ensuite sur plus de trente départements, avec l'appui d'une douzaine d'organisations catholiques, protestantes, et laïques, officielles ou privées, et permit de sauver plus de 1 260 enfants de l'arrestation ; seuls quatre enfants furent arrêtés. En revanche, sur une centaine de membres du circuit, près de trente furent assassinés ou déportés. Le Comité Amelot Le 15 juin 1940, des responsables de divers courants de la Fédération des sociétés juives de France (FSJF), du Bund, du Poale Zion de gauche et du Poale Zion de droite décident d'unir leurs efforts pour secourir les Juifs émigrés et créer un comité dont le siège est fixé dans les locaux de la "Colonie scolaire" au 36 de la rue Amelot, d'où son nom de "comité de la rue Amelot" ou simplement "rue Amelot". En septembre, David Rapoport - l'un des fondateurs de la "Colonie scolaire", dès 1925, au sein de la FSJF -, de retour à Paris, rejoint le comité, dont il devint très vite la cheville ouvrière. Par prudence, il exigea que la direction du comité reste ignorée du public et des autorités. C'est ainsi que sous l'étiquette de la Colonie scolaire et de son dispensaire, La Mère et l'enfant, le comité Amelot David Rapoport, président du comité de la rue Amelot CDJC 2

fonctionnant au grand jour put couvrir une activité clandestine, ce qui lui permit de devenir le principal recours pour les Juifs émigrés lorsque débutèrent les persécutions. Après les rafles du 16 et 17 juillet 1942 dites du "Vel' d'hiv", l'activité clandestine de la rue Amelot se trouva devant des problèmes à résoudre d'une urgence imprévue : continuer à aider les internés, secourir ceux qui avaient pu échapper aux rafles et devaient se cacher, leur trouver des filières de passage en zone Sud, s'occuper des enfants livrés à eux-mêmes après l'arrestation de leurs parents. L'ampleur de la tâche devait conduire les dirigeants de la rue Amelot à revenir sur leur refus antérieur d'accepter la carte de légitimation de Le personnel du comité de la rue Amelot et quelques membres du comité de la colonie l'ugif. Ils la reçurent à leur corps défendant, ce qui leur scolaire quelques jours avant la grande rafle du permit de poursuivre leur oeuvre de sauvetage, mais ne le protégea ni des arrestations, ni de la déportation. Le comité Amelot subit de lourdes pertes. A la fin de l'année 1942, un certain nombre de dirigeants du Comité dont Henry Bulawko furent arrêtés pour être déportés. Celui-ci revint des camps et devint président de l Union des déportés d Auschwitz. David Rapoport mourut d'épuisement à Buna-Monowitz le 2 juillet 1944. La Sixième-Eclaireurs Israélites de France Le scoutisme juif avait été intégré par l'ugif à sa 4ème direction, dont il devenait la 6ème section. La Sixième présentait trois facettes : la zone Nord, la zone Sud et le maquis, la Résistance armée. La Sixième en zone Nord : Dans cette zone, le port de l'étoile jaune fut imposé dès juin 1942, et les nombreuses brimades infligées aux Juifs rendaient les tâches de sauvetage plus difficiles et plus dangereuses qu'en zone dite "non occupée". La Sixième en zone Sud : Le 25 août 1942, Robert Gamzon (Castor) apprit qu'une grande rafle visant des Juifs étrangers de plus de seize ans entrés en France après 1936 aurait lieu le lendemain. Il chargea le quartier général des EIF à Moissac et le secrétariat général de répercuter cette information à tous les chefs éclaireurs et à toutes les fermes EIF. En Robert Gamzon, fondateur dépit de l'hospitalité accordée par de nombreux Juifs français qui des EIF, commandant de la Marc-Haguneau, hébergeaient des Juifs étrangers, de nombreuses arrestations eurent lieu. compagnie sous le nom de capitaine Il fallait aussi fournir de faux papiers à ceux qui s étaient échappés. Lagnès CDJC La Sixième au maquis : Le passage à l'option militaire du réseau Sixième-EIF se déroula en deux phases. Le 16 décembre 1943, un groupe de huit cadres et jeunes agriculteurs du chantier de Lautrec forma un maquis dans une ferme abandonnée, La Malquière, dans les monts de Lacaune, à l'est de Vabre. Le 29 avril 1944, un groupe similaire, également venu de Lautrec, désormais fermé, créa lui aussi un maquis dans les ruines d'une ferme, Lacado, à 7 kilomètres de La Malquière. Le 11 juin, fort de 60 hommes, le maquis EIF prit le nom de compagnie Marc Haguenau, formée de trois pelotons. Le 6 septembre, elle s'embarqua en gare de Castres, participa aux combats de la libération de Nevers, puis fit sa jonction avec la 1ère armée de De Lattre. Elle rêvait d'aller libérer les Juifs détenus dans les camps allemands et prit part à la dure campagne des Vosges, de l'alsace et de la traversée du Rhin. Les combattants de la compagnie MarcHague acclamés par la population à Elle perdit encore deux des siens sur les champs de bataille. Castres lors de la Libération C'est avant qu'ils ne découvrent ce qui s'était passé dans les camps nazis. Le réseau Westerweel En 1938 et 1939, plusieurs "transports d'enfants juifs" venus d'allemagne et d'autriche, ainsi que des réfugiés isolés, arrivèrent en Hollande. Une grande partie des jeunes engagés dans le mouvement sioniste rejoignit des harcharot (fermes-écoles) pour se former aux tâches agricoles 3

en Palestine. Un groupe d'environ 50 garçons et filles, âgés de quatorze à dixsept ans, furent hébergés à Loodsrecht. Leurs moniteurs, à peine plus âgés qu'eux (par exemple, Joachim Simon, alias Schouchou), assumèrent la direction et la formation des jeunes. Tous attendaient les "certificats" leur permettant de partir pour la Palestine. En juillet 1942, lorsque les arrestations en masse des Juifs commencèrent en Hollande, ces pionniers furent d'abord internés dans le camp de Westerbork (le Drancy hollandais), avant d'être déportés dans les camps de la mort en Pologne et en Allemagne. Peu de temps avant la rafle de Loosdrecht, les moniteurs réussirent, en l'espace d'une seule journée, à cacher les 50 enfants munis de fausses cartes d'identité dans des familles hollandaises non juives. Schouchou était entré en contact avec un enseignant non juif, Joop Westerweel, pacifiste courageux qui avait pris fait et cause pour défendre les innocents persécutés.. Grâce au réseau Westerweel, 150 jeunes gens environ ont pu franchir les frontières ; 80 furent conduits en Espagne en passant par les Pyrénées et 60 réussirent à passer en Palestine avant la fin de la guerre. Près de la moitié des jeunes de Loosdrecht survécurent à la guerre. Les aumôniers Il s agit de rabbins aumôniers proposés par le grand rabbinat de France et officiellement accrédités par les autorités de Vichy à pénétrer dans les camps de la zone Sud, plus exactement le Roussillon et le Sud-Ouest : Noé, Gurs, Le Récébédou, Le Vernet, Rivesaltes, Saint-Cyprien. Le rabbin René Kapel avait été affecté à ce secteur jusqu'au 31 janvier 1943 où, menacé d'arrestation, il dut fuir précipitamment vers Grenoble en plein accord avec son chef hiérarchique, le grand rabbin René Hirschler, aumônier général. Celui-ci assuma cette lourde charge durant près de deux années, du 13 février 1942 au 23 décembre 1943, date de son arrestation à Marseille, suivie peu après de sa déportation. Le rabbin Henri Schilli prit la relève en janvier 1944, se partageant entre ses fidèles de Montpellier et le camp de Rivesaltes. Les aumôniers avaient forgé une chaîne de solidarité pour obtenir des colis alimentaires, des faux papiers d'identité et surtout des lieux de refuge pour les internés libérés ou évadés. Ils avaient entre trente-cinq et quarante ans ; c'était une nouvelle génération de rabbins, sans rien de commun avec leurs aînés. Pour eux, les internés étaient tous les fils d'un même peuple, subissant le même destin tragique. L'aumônerie a été, en dépit de faibles moyens, un authentique bastion de Résistance. Le grand rabbin René Hirschler, avant sa déportation, durant une commémoration en plein air, devant des membres de l Union nationale des combattants à Hartmannswillerkopf (Alsace), le 23 septembre 1934 Joop Westerweel, responsable du réseau néerlandais associé à l OJC CDJC Le réseau Marcel Le réseau Marcel fut créé début 1943 par Moussa Abadi et Odette Abadi. Tous deux rejoignent la Résistance à Nice et y trouvèrent la cause pour laquelle ils allaient risquer leur vie : le sauvetage des enfants juifs. Des Juifs de toute l'europe, réfugiés à Nice, vivaient sous l'occupation italienne depuis novembre 1942. Les Italiens les protégeaient et interdisaient les déportations. Mais en septembre 1943, après l'armistice entre l'italie et les Alliés, les Allemands envahirent les Alpes- Maritimes et les réfugiés juifs furent pris au piège. Moussa Abadi convainquit Mgr Rémond, évêque de Nice de l'aider à sauver les enfants juifs. Il ouvrit les pensionnats catholiques du diocèse et nomma Moussa Abadi inspecteur de l'enseignement catholique du diocèse de Nice. Il mit à sa disposition un bureau à l'évêché. Dans ce bureau, Moussa Abadi, sous le nom de Monsieur Marcel, devint un spécialiste des "fausses vraies cartes d'identité" et des "fausses vraies cartes d'alimentation" : il en fabriqua plus de mille. Le réseau Marcel sauva la vie de 527 enfants. Moussa Abadi (à droite sur la photo), dit M. Marcel, en compagnie du chanoine Rostan, à l évêché de Nice en 1945 4

Le service André Bass dit Monsieur André, né en Biélorussie, fit la connaissance de Léon Poliakov, qui le présenta à Maurice Brener, directeur adjoint du Joint de France et membre de l'aj. Après les rafles et les déportations massives de Juifs étrangers en zone Sud (août 1942), il fonda le Groupe d'action contre la déportation, plus connu sous le nom de Service André, et se consacra au sauvetage de Juifs. Au moment de l'occupation de la zone Sud par les Allemands (11 novembre 1942) et après une prise de contact avec le pasteur André Trocmé, Monsieur André mit sur pied une filière d'évasion vers le Chambon-sur-Lignon. Cette filière devait par la suite s'étendre à Aixen-Provence, Avignon, Orange, Nîmes, Nice et Cannes. Fin juin 1943, Monsieur André crée un groupe de maquisards juifs sur le Plateau du Chambon, en relation avec Lucien Lublin de l'aj. Ce groupe se prépare à rejoindre les FFI de Haute-Loire lorsque viendrait l'heure des combats de la Libération. Début mars 1944, Monsieur André fut arrêté par la Gestapo à Marseille à la suite d'une dénonciation, mais il parvint à s'évader tandis que d'autres camarades étaient capturés. Les "assistés" du Service André à Marseille et dans ses environs restèrent sans aide jusqu'à ce que les réseaux Sixième des EIF et Education Physique du MJS de Nice, les prennent en charge. Au mois d'août 1944, le groupe de maquisards de Monsieur André devenu le "capitaine André", prit une part active dans les combats pour la libération du Puy-en-Velay le 22 août. Joseph Bass dit Monsieur André (1944) Le réseau SF-WIZO, service familial clandestin de placement d enfants «L'Union des Femmes Juives pour la Palestine», fut créée en 1924 en vue d'apporter un soutien aux institutions fondées en Palestine par la WIZO (Women s International Zionist Organization- Organisation mondiale des femmes sionistes). Dix ans plus tard fut fondée à Paris un cercle féminin d'études juives et sionistes sous le nom de Kadimah. Sa fondatrice et présidente, Juliette Stern, accepte en 1935 de fusionner avec l'union des Femmes Juives pour la Palestine qui prend le nom de Fédération Française de la WIZO. Des sections sont ensuite ouvertes à Lyon, Marseille et Amiens. Lorsque dans Paris occupée furent dissoutes toutes les organisations juives, les autorités allemandes constituèrent le «Comité de coordination» chargé de contrôler toutes les activités juives autres que le culte. Juliette Stern fut nommée membre de ce Comité, devenu en 1942 l'ugif dans l'ensemble de la France, et placée à la tête de la 5e Direction, responsable de l'assistance sociale. La 5e Direction de l'ugif commença à œuvrer aussi dans la clandestinité. Elle gérait un bureau de placement familial, dit Service 42 dans le jargon administratif de l'ugif. Désormais c'était la sécurité même d'enfants menacés d'arrestation et de déportation qu'il fallait assurer, mais cette fois à l'insu des autorités de contrôle. Juliette Stern fit accomplir cette tâche dans le plus grand secret par le Service 42B, plus connu sous le nom de code SF. Sous la direction d'une équipe de militantes de la WIZO, plus de 1 000 enfants ont été pris en charge par le SF qui fut un véritable réseau de résistance au sein même de l'ugif. L hôpital de la Fondation Rotschild Des négligences restées encore inexpliquées ont plongé dans l'oubli un réseau de Résistance né au sein même de l'hôpital de la Fondation de Rothschild à Paris. Des détenus juifs tombés malades au Vel d'hiv et au camp de Drancy avaient été transportés à la Fondation pour une brève hospitalisation, à la suite de laquelle des policiers, les transféraient à nouveau à Drancy en vue de leur déportation. Ces malades étaient groupés dans un pavillon barricadé d'une clôture de barbelés et gardés par des sentinelles de la police. Pourtant, Claire Heyman, assistante sociale juive travaillant sur place parvint à faire évader et placer les enfants et les nourrissons dans des communautés religieuses chrétiennes hors de Paris. Les résistants de ce réseau étaient exposés aux soupçons de la police sur le lieu même de leur travail, voire à des dénonciations de certains de leurs propres collègues. Parmi les victimes des arrestations, on compte le Directeur de l'hôpital, M. Halfon ou le médecin-chef, M. Zadoc-Kahn, mort en déportation. Source : 5