Projet de fin d études Génie Climatique et énergétique FICHE DE LECTURE Analyse comparative de différents réseaux de chaleur Par CEULEMANS Leslie Tuteur INSA : R. Boussehain Tuteur entreprise : M. Götz Août 2014
Un réseau de chaleur est une installation qui comprend une ou plusieurs sources de chaleur, un réseau primaire de canalisations empruntant la voirie publique ou privée et aboutissant à des postes de livraison de la chaleur aux utilisateurs, les sous-stations. L intérêt pour les réseaux de chaleur s est accru ces dernières années en Suisse. En effet, ce pays, soucieux de l environnement, favorise la mise en place de chauffage à distance (CAD) afin de réduire les consommations d énergies fossiles, de diminuer les gaz à effet de serre et de faciliter l adaptabilité aux énergies nouvelles futures. La Ville de Genève, plus particulièrement, souhaiterait atteindre en 2050, une utilisation complète des énergies renouvelables pour le chauffage et l eau chaude sanitaire. La performance d un système ne s évalue pas, dans l absolu, uniquement sur la quantité d énergie qu il consomme. La performance s apprécie à travers d autres solutions sur la base énergétique mais aussi environnementale et économique. Le but de ce projet est de déterminer, parmi trois réseaux de chaleur situés à Genève, lequel est le plus rentable et performant : CADéco Jonction Alimenté par deux pompes à chaleur haute température d une puissance de 4.9 MW chacune, d un couplage chaleur-force, de panneaux solaires et de chaudières bicombustibles d appoint, il admet une puissance installée de 28.5 MW et délivre 44 GWh/an d énergie utile pour le chauffage et l eau chaude sanitaire de 25 sous-stations à une température de 75 C / 55 C. Les pompes à chaleur sont alimentées grâce au réseau Génilac qui pompe l eau du Rhône et à terme l eau du lac, à une température de 6 C minimum. Le couplage chaleur-force est dimensionné afin de couvrir la part d eau chaude sanitaire en été lorsque les panneaux solaires ne produisent pas. De plus, il doit couvrir au maximum la part d énergie électrique consommée par les pompes à chaleur. CAD Palettes Ce réseau distribue 55.3 GWh/an d énergie utile à une température de 85 C/65 C répondant aux besoins de 44 sous-stations. Il admet une puissance installée de 33 MW grâce à trois chaudières bois d une puissance de 1 MW chacune, le complément étant assuré par des chaudières bicombustibles. Les chaudières bois ont été dimensionnées afin de couvrir la part d eau chaude sanitaire en été et d assurer la part minimal d énergie renouvelable obligatoire en Suisse (20% de l énergie nécessaire à la production d eau chaude sanitaire doit être renouvelable). L objectif 2050 étant de couvrir 20% des besoins totaux par du renouvelable CAD Eaux-Vives Le troisième réseau de chaleur s apparente au CADéco Jonction car il est alimenté par deux pompes à chaleur haute température d une puissance de 10 MW chacune. Sa puissance installée étant de 35 MW, des chaudières bi combustibles assureront le complément. Il distribue 67.5 GWh/an d énergie utile à une température de 75 C / 55 C en raccordant 121 sousstations. L implantation d un couplage chaleur-force afin de couvrir les consommations électriques des pompes à chaleur, n est pas prévu dans le projet à cause de l investissement qu engendre le CCF. En période estivale, les chaudières bi combustibles prendront le relais afin de couvrir la part d eau chaude sanitaire. Ceulemans Leslie Analyse comparative de différents réseaux de chaleur Page 2
Afin de comparer les performances et la rentabilité de chaque réseau, plusieurs facteurs d influence ont été étudiés : Mixité d usage et foisonnement A l échelle d un quartier ou d un aménagement, on parle de mixité d usage quand plusieurs fonctions sont représentées : habitat, tertiaire, équipement Dans le cas d un réseau de chaleur, la mixité d usage est un élément essentiel à la pertinence énergétique car elle procure un effet de foisonnement. L effet de foisonnement se caractérise par une diminution de l intermittence de puisage et un lissage des pics des besoins. Une installation doit répondre au pic de besoin le plus élevé même si cette demande n intervient qu une ou deux fois dans l année : il y a donc une dégradation de rendement de génération. Grâce à la mixité d usage, l intermittence du réseau est réduite, la puissance appelée maximale plus faible. La consommation d énergie primaire et donc le coût d exploitation seront amoindris. En Suisse, le foisonnement observé sur différents CAD en fonctionnement s établit entre 0.6 et 0.8. Dans notre étude le foisonnement est choisi à 0.75 sauf pour le CADéco Jonction qui admet moins de sous-stations que les deux autres. Sa mixité d usage est donc plus faible d où un foisonnement plus petit (0.8) La durée d utilisation équivalente à pleine puissance La durée d utilisation équivalente à pleine puissance (DUP) est le facteur permettant de déterminer le surdimensionnement ou sous-dimensionnement d un réseau de chaleur. On cherche à obtenir une DUP aussi élevée que possible. En général, un réseau doit admettre une DUP minimum de 2'000 heures par an. En dessous de ce seuil, il est considéré comme surdimensionné. Les installations ne fonctionnent pas à leur meilleur rendement et la consommation d énergie primaire se voit augmenter. A 5'000 heures par an, le réseau est dit de très performant. Pertes de rendements du réseau Les pertes de chaleur dues aux rendements des installations informent sur la performance des machines produisant l énergie utile de chaleur. De plus, ce critère va jouer un rôle dans le coût d exploitation du réseau. En effet, plus le réseau admet des installations à haut rendement, plus la consommation d énergie primaire sera moindre. Facteur de ressource primaire Le facteur de ressource primaire correspond à la quantité d énergie primaire consommée relativement à la quantité d énergie utile délivrée. Un système est d autant plus performant que son facteur de ressource est faible. Densité énergétique La densité énergétique d un réseau de chaleur correspond à la quantité totale de chaleur livrée sur une année par rapport à la longueur totale du réseau. Exprimée en. La limite basse admise de la densité énergétique pour un réseau de chaleur est de 1.5 kwh/m.an. Le réseau est dit de rentable lorsqu il admet une densité énergétique de 3 MWh/m.an. La densité moyenne en France est de 7.2 MWh/m.an contre 4.1 MWh/an pour la Suisse. Ceulemans Leslie Analyse comparative de différents réseaux de chaleur Page 3
Energétique CADéco Jonction CAD Palettes CAD Eaux-Vives DUP (h) 2 974 2 276 2 029 Pertes rendements 8.20% 11.84% 2.52% Facteurs de ressource primaire 0.68 1.12 0.45 Densité énergétique (MWh/m.an) 11 11 8 Tableau 1: Analyse énergétique Contenu de l énergie ( Le contenu représente le rapport entre la quantité de produite lors de la combustion et la quantité d énergie primaire consommée. Part renouvelable (%) Représente la quantité d énergie d origine renouvelable par rapport à la quantité d énergie finale consommée. Environnemental CADéco CAD CAD Eaux- Jonction Palettes Vives Contenu CO2 (g CO2/kWh) 231 157 192 Réduction des GES 41% 51.2% 73.3% Part d'énergie renouvelable 70% 38.15% 85.72% Tableau 2: Analyse environnementale Les études énergétique et environnementale élaborées, l analyse économique est le dernier paramètre d influence d un réseau de chaleur. Cette analyse économique s intéresse aux coûts d investissements et d exploitation afin de déterminer le coût du kwh de chaleur revendu aux clients. Coûts d investissements Les coûts d investissements représentent les coûts liés à la production de chaleur ainsi qu à la distribution de chaleur. Les coûts liés à la production de chaleur regroupent les investissements des systèmes de génération alors que les coûts liés à la distribution de chaleur représentent les coûts des conduites à distance ainsi que les coûts liés aux sousstations. Coûts d exploitations Les coûts d exploitations sont dits de variables car ils dépendent de la consommation d énergie primaire. Le dimensionnement énergétique de l installation reste théorique et l anticipation exacte des besoins est difficile. Amortissement Le remboursement de ces investissements s effectue par tranche, c est ce que l on appelle les annuités, on parle alors d amortissements. L amortissement des réseaux de chaleur s effectue sur 30 ans avec un taux d intérêt à 5% soit un montant des tranches annuelles de 6.51% des investissements totaux. Les panneaux solaires, qui de leur fort coût, admettent un amortissement sur 15 ans à un taux d intérêt de 5% soit une annuité de 9.63%. Honoraires Les honoraires sont les coûts facturés par les entreprises pour les frais d études. Dans cette analyse, ils sont évalués à 12% du coût d investissement. Ceulemans Leslie Analyse comparative de différents réseaux de chaleur Page 4
Economique CADéco CAD CAD Eaux- Jonction Palettes Vives Coût de l'investissement (CHF-HT/MWh.an) 504 453 728 Coût de l'exploitation (CHF -HT/MWh.an) 95 125 106 Coût du kwh de chaleur utile (CTS CHF- HT/kWh) 12.89 15.4 15.3 Tableau 3: Analyse économique hors coût génie civil Optimisation technico-économique Afin d optimiser les réseaux de chaleur, plusieurs facteurs peuvent être ajustés. Cependant, certains d entre eux vont permettre l amélioration d un poste à défaut d un autre : La mixité d usage des bâtiments raccordés permet d obtenir un foisonnement des puissances appelées. Ainsi, plus cette mixité est importante, plus le foisonnement est grand et donc plus coût d investissement est faible. L implantation du réseau est donc la première phase à étudier. Une durée d utilisation équivalente à pleine puissance (DUP) inférieure à 2'000 heures/an implique un surdimensionnement du réseau. La consommation d énergie primaire sera donc plus importante entraînant une hausse des coûts d exploitation. Le foisonnement choisi, qui dépend de la mixité d usage, va permettre d abaisser la puissance installée qui, avec un bon dimensionnement, optimisera la DUP du réseau. La densité énergétique nous renseigne sur la rentabilité du réseau. En dessous de 1.5 MWh/m.an le réseau ne peut supporter les frais d investissements. Afin d optimiser cette densité énergétique, il faut veiller à raccorder des sous-stations dont les besoins de chaleur sont suffisants par rapport aux coûts d investissement que cela va engendrer. De plus, plus le réseau sera dense, plus cette densité sera importante. Le choix de l énergie primaire utilisée va impacter les coûts d exploitation. En effet, l électricité n est pas à priviliégier étant donné que son coût d achat est très haut par rapport aux autres énergies comme le bois. Cependant, en mettant en place des panneaux photovoltaique, par exemple, les consommations d électricité seront diminuées. L utilisation d énergies renouvelables permet de diminuer fortement les coûts d exploitation mais génèrent des coûts d investissements plus fort. Le choix des systèmes de génération peuvent influencer l aspect économique. En effet, une installation ayant un rendement moyen, admettra des consommations d énergie primaire plus importantes. Cependant, une installation plus performante aura un coût d investissement plus haut. Si l on se réfère au CADéco Jonction, il est préférable d investir et économiser sur les consommations d énergie primaire. D autres facteurs peuvent influencer le poste économique, comme le choix de dimensionnement des canalisations. En effet, pour ces trois réseaux, le canalisations sont dimensionnées avec un gradient de perte de pression faible permet de diminuer les pertes de charges en augmentant le diamètre des conduites et de limiter les consommations électriques des pompes. Cependant, augmenter le diamètre des conduites implique une augmentation des coûts d investissements. Ceulemans Leslie Analyse comparative de différents réseaux de chaleur Page 5
Conclusion Grâce à cette étude, les trois réseaux de chaleur présentés ont été comparés suivant trois postes distincts (énergétique, environnemental et économique). Le but était de définir lequel de ces réseaux est considérés de plus rentable et performant. D un point de vue économique, le réseau CADéco Jonction est le plus rentable car le coût du kwh de chaleur utile est le plus bas. En effet, la mise en place d un couplage chaleur-force, malgré son coût d investissement, a permis d économiser 63% des consommations électriques des pompes à chaleur, qui sont les installations prioritaires pour la production de chaleur. Etant donné que l électricité a un coût d achat supérieur au gaz naturel, le couplage chaleur-force a compensé son investissement par l économie d achat d électricité de ces pompes à chaleur. D un point de vue énergétique, le CADéco Jonction se place aussi en tête grâce à une durée équivalente à pleine puissance de 2'974 heures. Bien que le CAD Eaux-Vives admette un facteur de ressource primaire plus petit que le CADéco Jonction, il ne compense pas l efficacité de la diversité des installations du CADéco Jonction. Cependant, d un point de vue environnemental, le CADéco Jonction est le réseau qui émet le plus de gaz à effet de serre. En effet, grâce à l utilisation de bois pellets comme énergie primaire, le CAD Palettes est le réseau qui émet le moins de gaz à effet de serre. En conclusion, nos trois réseaux de chaleur permettent de supprimer les consommations de mazout des sous-stations raccordées, de réduire les consommations d énergie primaire fossile grâce à l utilisation d énergies renouvelables. Le CADéco Jonction est le réseau le plus rentable mais est aussi le moins soucieux de l environnement. Dans le cas d une future mise en place d un réseau de chaleur, la solution que je privilégierai est l installation de pompes à chaleur performantes complétée par un système de génération produisant de l énergie électrique (panneaux photovoltaïque ou couplage chaleur-force). L avantage du couplage chaleur-force étant de couvrir les besoins d eau chaude sanitaire en été et d assurer une revente d électricité pendant cette période, ce qui permet de faire des bénéfices et donc d abaisser le coût du kwh de chaleur à l année. Le bois restant une très bonne solution mais la difficulté réside dans le dimensionnement des chaudières car les puissances installées maximales autorisées dans une ville dense restent généralement inférieures aux besoins nécessaires d un réseau de chaleur. Ceulemans Leslie Analyse comparative de différents réseaux de chaleur Page 6