UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE (PARIS IV) ÉCOLE DOCTORALE - III - LITTÉRATURES FRANÇAISES ET COMPARÉE Thèse de Doctorat Littérature et civilisation françaises Le pictural dans la poétique de Rimbaud Madoka TANIGUCHI Soutenance prévue au 27 octobre 2012 Directeur de Recherche : M. André GUYAUX (Université Paris 4) Membre du jury : M. Jean-Luc STEINMETZ (Université de Nantes) M. Olivier BIVORT (Université de Venezia) M. Henri SCEPI (Université Paris 3) 1
La Position de thèse Madoka TANIGUCHI Le lien entre la poésie et la peinture a été, depuis l'antiquité, un objet de réflexion, comme le montre la fameuse expression d Horace, ut pictura poesis. S il est possible d étudier la relation existant entre un poème et un tableau, il est également possible de s intéresser à l image poétique qui, sans faire référence à une œuvre picturale en particulier, évoque une image plastique à l esprit du lecteur. Cette impression picturale de l image poétique, que nous appellerons le pictural, trouve de nombreux exemples riches et intéressants dans les poèmes de Rimbaud. Les poèmes de Rimbaud, en particulier ses premiers poèmes et les poèmes descriptifs des Illuminations, produisent de fortes impressions visuelles. Comme le montrent les deux lettres de mai 1871, dans lesquelles Rimbaud exprime sa poétique du «voyant», l importance des «visions» est évidente chez Rimbaud. Plusieurs études se sont penchées sur le pouvoir symbolique de la création dans l acte de «voir» chez Rimbaud 1. En outre, l interprétation proposée par Verlaine pour le terme Illuminations, en anglais : «Painted Plates» ou «Coloured Plates», a encouragé la critique à s'intéresser à l'aspect pictural des poèmes réunis dans ce recueil 2. La critique rimbaldienne a ainsi multiplié les réflexions sur l aspect pictural de la poésie de Rimbaud 3. Néanmoins, il n a pas été épuisé ni traité de façon complètement satisfaisante. Dans l ensemble des études antérieures, sous le terme de picturalité, plusieurs niveaux s'entremêlent la recherche des images plastiques comme source de ses poèmes ; la question du poète «voyant» et l importance de la vision et de la vue chez Rimbaud ; l'analyse du mode d'expression verbale présentant l'image plastique ; la question, enfin, des 1 Olivier Bivort, «Notes sur le dérèglement d un sens : la vue», Parade sauvage, n 5, juillet 1988, p. 9-19. ; Jacques Plessen, «Ut pictura poesis. Voix et vue dans les Illuminations», Parade sauvage. Colloque n 1 : Rimbaud ou la liberté libre, 1986, p. 85-96. Parmi les études qui soulignent le sens spirituel des «visions», on peut citer les études de Marc Eigeldinger mais Rimbaud n a jamais utilisé le mot de «voyance». Marc Eigeldinger, «La Voyance avant Rimbaud», dans Lettres du voyant (13 et 15 mai 1871), éditées et commentées par Gérald Shaeffer, Minard et Genève, Droz, coll. «Textes littéraires français», 1975 ; id., «Notes sur la poétique de la voyance», Revue des sciences humaines, n 193, janvier-mars 1984, p. 25-28. 2 Lettres de Verlaine à Charles de Sivry, [16? août 1878] et 3 novembre 1878, Correspondance générale de Verlaine. 1857-1885, établie et annotée par Michael Pakenham, Fayard, 2005, p. 617-618 et 636. 3 Par exemple, Johannes Tielrooy, «Rimbaud et les frères Van Eyck», Neophilologus, t. XX, 1935, p. 264-265 ; Suzanne Bernard, «Rimbaud, Proust, les impressionnistes», Revue des sciences humaines, fasc. 78, 1955, p. 257-262 ; David Scott, «Rimbaud and Boucher : "Fête d hiver"», Journal of European Studies, 9, 1979, p. 185-195 ; R. R. Hubert, «Graphisme poétique et poésie graphique : les illuminations de Fernand Léger», «Minute d éveil». Rimbaud maintenant, SEDES - CDU, 1984, p. 149-157 ; Yves Letournel, «Recherches de facture chez Rimbaud et Cézanne», Parade sauvage, n 14, mai 1997, p. 93-129 ; Paule-Élise Boudou, «Les merveilleuses images», dans Rimbaud, textes de Pierre Brunel, Matthieu Letourneux, Paule-Élise Boudou, Association pour la diffusion de la pensée française, 2004, p. 105-136. 2
œuvres d'art inspirées par les poèmes de Rimbaud et la définition de la problématique reste ambiguë. On ne sait pas exactement d où vient cet aspect pictural et comment il se rattache à la poétique de Rimbaud. Par conséquent, le consensus autour du caractère pictural des textes du poète «voyant» et de ses «visions» demeure trop vague 4. Concernant la signification du titre Illuminations, André Guyaux questionne l authenticité du titre Illuminations, et de sa glose en anglais, apparus un peu tardivement sous la plume de Verlaine, en 1878, alors que ce dernier parle de poèmes réunis dans ce recueil comme de «poèmes en prose» en 1872 et en 1875 5. Nous n avons pas l intention de prétendre que l aspect pictural recouvre la nature tout entière de la poésie de Rimbaud. Nous proposons de traiter le pictural chez Rimbaud d une façon plus large que par le rapport entre un certain poème et une certaine peinture. Nous nous intéresserons plutôt au lien entre l image mentale et le mot dans la poésie. Alors que l image plastique est représentative, l image poétique est présentative. Quand on compare une image poétique à une image plastique, on traite cette image telle qu'elle se présente à l'esprit du lecteur. Définissons les deux termes, image poétique et image plastique, afin d éviter la confusion causée par la polysémie du terme image : l image poétique désigne l image mentale évoquée par l agencement des mots dans la poésie ; l image plastique désigne l image visuelle, comme la peinture, le dessin, la gravure, la photographie ou la sculpture. Si la référence à une image plastique existe, comme dans le cas de certains poèmes de Hugo, ou que la référence à l image plastique est clairement affichée comme dans le cas de Gaspard de la nuit, il convient de s'interroger sur les relations entre la poésie et la peinture telles qu'elles remontent au Laocoon de Lessing. Il existe de nombreuses études sur cette question. Parmi les plus suggestives, on peut citer celles de Bernard Vouilloux autour des écrits sur l art, qui reflètent les relations entre la littérature et la peinture du XVIII e au XX e siècle, ou celles de Nicolas Wanlin sur l apparition de l œuvre d art dans les poèmes du XIX e siècle 6. Du côté pictural, l approche sémiologique de Louis Marin ou de Meyer Schapiro est suggestive 7. Cependant, dans le cas de l absence de la référence à une image plastique, on fait 4 Ainsi, Jean-Pierre Bertrand souligne l importance de la vision chez Rimbaud. Jean-Pierre Bertrand et Pascal Durand, Les Poètes de la modernité. De Baudelaire à Apollinaire, Éditions du Seuil, 2006 («Rimbaud, hétérodoxe et orthodoxe», p. 240-258.). 5 Rimbaud, Œuvres complètes, édition établie par André Guyaux, avec la collaboration d Aurélia Cervoni, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 2009, p. 942. 6 Bernard Vouilloux, «Le tableau : description et peinture», Poétique, n 65, février 1986, p. 3-18. ; id., La Peinture dans le texte. XVIII e -XX e siècle, Éditions du CNRS, 1994 ; rééd. 2005. ; Nicolas Wanlin, Du pittoresque au pictural. Valeurs et usages des arts dans la poésie française de 1830 à 1872 : Aloysius Bertrand, «Gaspard de la nuit», Théophile Gautier, «Œuvres poétiques complètes», Paul Verlaine, «Poèmes saturniens» et «Fêtes galantes», thèse de l Université Paris-Sorbonne, soutenue le 7 novembre 2006. 7 Louis Marin, Études sémiologiques, Klinksieck, 1971 ; Meyer Schapiro, «Sur quelques problèmes de sémiotique de l art visuel : champ et véhicule dans les signes iconiques», Style, artiste et société, traduit de 3
face au problème de l image présentative : il s agit alors du rapport entre l image mentale et le mot, entre la formation de l image et la forme d expression. Dans le cas de Rimbaud, l image plastique de référence est absente : on a uniquement affaire à l'image poétique, à l image évoquée par les mots, dont la force évocatrice fait penser à l image plastique. Comment analyser une telle image? Bien que nous nous intéressions ici principalement à l image poétique, nous n avons pas l'intention de proposer l analyse thématique des images contenues dans les poèmes de Rimbaud comme l ont fait Jean-Pierre Richard, Jean-Pierre Giusto, ou Marc Eigeldinger 8. Ce dont nous voudrions traiter, c est de l image poétique qui évoque l impression picturale le pictural ; nous voudrions analyser non pas son caractère thématique, mais son fonctionnement, son rôle dans la poésie de Rimbaud. Nous nous pencherons ainsi sur le pictural dans les poèmes de Rimbaud dès qu il possède une force d évocation concrète. Bien que le lien direct entre les poèmes de Rimbaud et telle œuvre picturale reste hypothétique du fait notamment de lacunes dans l information biographique, la naissance du pictural à l image poétique s impose au lecteur. Quel rôle le pictural joue-t-il et quel rapport a-t-il avec la poétique de Rimbaud? Il existe à ce stade une lacune dans l argumentation nécessaire pour montrer l importance du pictural dans la poétique de Rimbaud. Comme le remarque André Guyaux à propos de l'usage des phrases nominales courtes des Illuminations, «le tableau surgit, déjà entier, et souvent sous cette forme nominale», l évocation de l image picturale est liée en effet aux caractéristiques de la syntaxe, au style des poèmes de Rimbaud 9. Notre hypothèse est que la force figurative si manifeste de la poésie de Rimbaud, son caractère pictural, trouve sa source dans les caractéristiques stylistiques, dans la mise en question du rapport entre les mots et l image poétique. En analysant les poèmes de Rimbaud du point de vue stylistique, nous proposerons une explication à ce phénomène en particulier par l utilisation des concepts d image poétique et de pictural. L évocation de l impression picturale est si forte dans les poèmes de Rimbaud qu on confond souvent image représentative et image présentative. Dans son analyse de la picturalité des poèmes en prose d Aloysius Bertrand et de Rimbaud, en conclusion de son l américain par J.-C. Lebensztejn, Gallimard, 1982, p. ; id., Les Mots et les images. Sémiotique du langage visuel (1996), traduit de l américain par Pierre Alferi, préface d Hubert Damisch, Macula, 2000. 8 Jean-Pierre Richard, «Rimbaud ou la poésie du devenir», dans Poésie et profondeur, Éditions du Seuil, 1955 ; Marc Eigeldinger, Rimbaud et le mythe solaire, Neuchâtel, À la Baconnière, 1964 ; Marie-Joséphine Whitaker, La Structure du monde imaginaire de Rimbaud, Nizet, 1972 ; Jean-Pierre Giusto, Rimbaud créateur, PUF, 1980. 9 André Guyaux, Poétique du fragment. Essai sur les «Illuminations», Neuchâtel, À la Baconnière, 1985, p. 193. 4
analyse de la picturalité propre à Rimbaud, David Scott tombe, nous semble-t-il, dans ce piège 10. Il nomme «signifiant», pour la commodité de l explication de son idée, l image évoquée par le sens du mot : la «vision» du poème en prose de Rimbaud créée par «l évocation d un signifié dont la richesse suggestive devient signifiant 11». Mais l image présentative du mot n est pas le signifiant du mot. Le signifiant du mot indique le composant acoustique et le composant idéographique. Cette catégorisation crée une confusion entre l image figurative de l art plastique, qui est effectivement le signifiant du langage plastique, et l image présentée dans l esprit du lecteur par le signe verbal composé du signifié et du signifiant. Ce que David Scott essaie de dire lorsqu il parle «intégrer dans le texte sa propre illustration» ou lorsqu il évoque «la tension entre les deux stratégies de lecture» désigne en fait l image poétique. Son explication par le terme signifiant confirme cependant que ce dont il s agit dans l aspect pictural des poèmes de Rimbaud est la force évocatrice de l image poétique qui fait penser à une image équivalent au signifiant du langage plastique. Il faut trouver un terme différent de signifiant : nous choisirons le terme pictural, qui désigne l impression picturale qui naît de l image poétique ou la plasticité de l image poétique. Le pictural de Rimbaud joue sur le rapport entre l image poétique et le mot dans la poésie. Cette mise en question est-elle proche de la problématique de l exploration de l image poétique chez Tristan Tzara, qui coupait le lien entre le contenu et le contenant du signe linguistique en détectant le lien arbitraire entre le signifié et le signifiant du mot 12? Tzara exclut des mots le fonctionnement de la signification et juxtapose les images afin de refuser d être réduit au système de langue : il détruit le statut des mots en tant que moyen de communication, en s appuyant sur la méfiance du langage dans la société après la Grande Guerre 13. Cependant, à la différence des poèmes de Dada, qui ne signifient rien, les poèmes de Rimbaud ne cherchent pas à ne rien signifier. Dans la lettre du 13 mai 1871 le correspondant d Izambard, faisant référence au poème qu il a joint à sa lettre, écrit : «Ça ne veut pas rien dire 14». Tzvetan Todorov a défendu la thèse de l'illisibilité des poèmes de Rimbaud, en s'appuyant sur la destruction de la syntaxe, leur discontinuité et leur absence de référence ; il affirme que Rimbaud élève au rang de littérature des textes qui ne parlent de 10 David Scott, «La structure spatiale du poème en prose d Aloysius Bertrand à Rimbaud», Poétique, n 59, septembre 1984, p. 295-308. 11 Ibid., p. 308. 12 Le Cours de linguistique générale de Saussure est publié en 1916, l année où le mouvement Dada apparaît. 13 Tristin Tzara, «Essai sur la situation de la poésie», Le Surréalisme au service de la Révolution, n 4, 1931, p. 19. 14 Lettre à Izambard, 13 mai 1871, Rimbaud, Œuvres complètes, éd. cit., p. 341. 5
rien, qui n ont pas de sens 15. Contre cette étiquette de l illisibilité, André Guyaux remarque que le référent et le sens diffèrent : l absence de référent ne signifie pas que le texte n a pas de sens 16. Si ce n'est pas pour refuser toute signification aux mots, quelle est alors la fonction de l'image poétique, si éloquente au sein du tressage hermétique des mots, chez Rimbaud? Le sens réside dans la façon d exprimer, ce que souligne Sergio Sacchi en montrant qu'il s'agit chez Rimbaud de la «forme» et non pas du «message» 17. N est-il donc pas légitime de penser que la manière qu il a dû faire apparaître le pictural est dotée d une signification? Chez Rimbaud, l image poétique dont l évocation est fortement visuelle est dépourvue de toute référence à une peinture particulière. Comme l a éminemment montré Olivier Bivort, en se penchant sur l analogie stylistique entre certains poèmes descriptifs des Illuminations et la description de tableaux dans la critique d art de l époque, l impression picturale des poèmes des Illuminations est créée de la ressemblance du style avec celui qui est utilisé pour la description de tableaux 18. Olivier Bivort considère qu en choisissant un modèle discursif référentiel, Rimbaud sélectionne «un signifiant contre un signifié 19». Pour notre part, nous considérons qu en empruntant à la forme linguistique qui désigne l image plastique, Rimbaud fait place à l image poétique, et c est ce geste linguistique de désigner l image, l existence du pictural comme moyen d expression, qui est porteur de sens. Quelle signification l utilisation du pictural occupe-t-elle dans ce cas? Nicolas Wanlin, dans son étude des poèmes d Aloysius Bertrand, de Gautier et de Verlaine, tente de voir le sens dans la présence de l œuvre d art en tant qu intermédiaire entre le poète et le monde extérieur 20. Dans les poèmes de Rimbaud, qui sont exclus du corpus de Nicolas Wanlin en raison de l absence de toute référence aux peintures, l image plastique est absente mais l image poétique est présente. N est-ce pas cette image poétique, le pictural, qui fonctionne comme médium dans la poésie de Rimbaud 21? Qu est-ce que ce pictural transmet? Quel rôle se charge-t-il dans la poésie de Rimbaud? Cette problématique est ancrée dans la poétique fondamentale de Rimbaud, qui donne 15 Tzvetan Todorov, «Une complication de texte : les Illuminations», Poétique, n 34, avril 1978, p. 241-253 : recueilli dans 16 André Guyaux, «Hermétisme du sens et sens de l hermétisme dans les Illuminations», dans Rimbaud Maintenant. «Minute d éveil», SEDES - CDU, 1984, p. 199-208. 17 Sergio Sacchi, «Voici le temps des exégètes», Europe, n 746-747, juin-juillet 1991, p. 120-129 ; rééd. dans Études sur les «Illuminations» de Rimbaud, textes recueillis par Olivier Bivort, André Guyaux et Mario Matucci, Presses de l Université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 21-30. 18 Olivier Bivort, «Le modèle du discours pictural dans quelques poèmes des Illuminations», Lès Valenciennes. Malédiction ou révolution poétique : Lautréamont / Rimbaud, n 13, 1990, p. 147-166. 19 Ibid., p. 159. 20 Nicolas Wanlin, thèse cit. 21 De ce point de vue, l étude de Jean-Luc Steinmetz, soulignant une parenté entre le système des images des Illuminations et le système de projection de la lanterne magique qui projette des images sur l écran, apparaît tout à fait pertinente : Jean-Luc Steinmetz, La Poésie et ses raisons, José Corti, 1990 [«La lanterne magique des Illuminations», p. 59-72]. 6
forme aux «visions». Le fonctionnement du pictural est lié à l incorporation du poète dans le poème, dans le sens de la «prolongation» de l acte de peindre que Michael Fried observe dans les tableaux de Courbet, et à la sensation et la mémoire du lecteur 22. Nous tenterons de montrer que le pictural est profondément lié à la question de l expression de la subjectivité et à la poétique de Rimbaud. La tentative de trouver la source picturale des poèmes de Rimbaud aboutit à une impasse. Les tentatives de recherche de parenté entre l expression poétique et l image plastique sont intéressantes mais elles se limitent à une forme particulière d analyse stylistique. Nous tenterons par conséquent de lier le problème du pictural dans les poèmes de Rimbaud à sa poétique. Nous concentrerons notre attention sur la question du pictural, sa présence et son évolution dans la poésie de Rimbaud. Notre intérêt sera porté principalement sur les poèmes descriptifs des Illuminations. Afin de comprendre la structure du pictural dans les Illuminations, nous commencerons par examiner les premiers poèmes de Rimbaud, dans lesquels se manifeste la naissance d une forme primitive du pictural sous l influence de modèles poétiques préexistants. En comparant cette forme primitive du pictural à celle des Illuminations, nous observerons l émergence du pictural dans les Illuminations. Dans notre premier chapitre, nous tentons d établir l existence d un rapport effectif entre Rimbaud et l art, en examinant le cadre de réception de l art du XIX e siècle et en analysant la circulation des journaux littéraires et artistiques. Dans le deuxième chapitre, nous examinons le pictural créé par l image satirique des poèmes de Rimbaud, pour y trouver le modèle verbal de la parodie plutôt que la caricature : chez Rimbaud, c est la prise de distance avec l objet et avec soi-même qui ressort clairement. Dans le troisième chapitre, nous nous penchons sur le motif de Vénus dans les premiers poèmes pour montrer comment Rimbaud enrichit le pictural sur le modèle, dont il s éloigne, des poèmes parnassiens et non pas directement sur la peinture : le trait satirique et l originalité du poète passent par l effet d appel au lecteur. Dans les quatrième, cinquième, et sixième chapitres, nous traitons du pictural propre à Rimbaud, tel qu il émerge à une forme d expression déjà établie : le quatrième chapitre, il est consacré au pittoresque, le cinquième à l ekphrasis, le sixième à la métaphore. Dans le septième chapitre, nous examinons l incorporation du moi du poète dans le poème et le rôle du pictural dans ce processus. Dans le huitième chapitre, nous analysons la 22 Michael Fried, Le Réalisme de Courbet. Esthétique et origines de la peinture moderne (1990), traduit de l anglais par Michel Gautier, Gallimard, coll. «NRF Essai», t. II, 1993. 7
correspondance entre langage poétique et langage plastique dans les dessins de Roger de La Fresnaye pour les Illuminations. 8