Jeunes sans diplôme et risques d'exclusion sociale



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Transcription:

Jeunes sans diplôme et risques d'exclusion sociale Exploitations spécifiques de l'enquête "Génération 92" pour l'observatoire de la Pauvreté et de l'exclusion Convention n C176 du 30 mars 2000 Rapport final Marc Bordigoni 1

Les jeunes sans diplôme dans Génération 92 Introduction 4 Les jeunes sans diplômes : définition 5 Remarque à propos des parcours possibles pour certains jeunes présentant 7 le baccalauréat professionnel sans avoir obtenu préalablement un BEP 7 Sociodémographie 8 Une légère surreprésentation masculine 8 Une fois sur deux "à l'heure" en sixième 8 Des âges très hétérogènes 8 Plutôt de milieux populaires, donc moins de professions intermédiaires et un peu plus de familles nombreuses, dont certaines issues de l'immigration 9 Situation sur le marché du travail 11 Évolution du taux de chômage durant les cinq premières années de vie professionnelle 13 Catégories socioprofessionnelles 14 Opinions sur les parcours de formation et les débuts de vie professionnelle 15 La formation initiale est un atout 15 A propos des premiers pas professionnels 15 Les dépendants : des garçons à la maison? 18 Les indépendants : une nouvelle famille 19 Vivre chez soi mais sans emploi : de jeunes mères de familles 19 En emploi et chez "Papamaman" : des ados prolongés? 19 Emploi précaire et logement indépendant : vers l'indépendance 20 Emploi précaire et chez "Papamaman" : un début de transition? 20 Comparaison des temps des divers sous-groupes 21 Quel serait le rôle de l'âge dans l'appartenance à tel ou tel groupe 22 Age et comportements matrimoniaux 24 Indépendance, précarité et exclusion 25 Expériences du marché du travail 26 2

Quels emplois cinq ans après l'école? 27 Quelques métiers emblématiques des jeunes sans diplôme 27 Les métiers choisissent selon le niveau de formation des non diplômés 32 Des appréciations variées des emplois occupés 32 Quelles ressources pour les dépendants? 34 En conclusion 37 Supplément : À la recherche de tous les "dépendants" dans Génération 92 39 Liste des tableaux 42 3

Introduction La définition des sortants sans qualification du système de formation initiale (voie scolaire et apprentissage) fait l'objet d'une attention soutenue de la part des pouvoirs publics et des services statistiques du ministère de l'éducation nationale. La définition retenue est la suivante 1 : "Un jeune sort du système éducatif "sans qualification" lorsqu'il cesse sa formation initiale aux niveaux VI ou V bis de la classification interministérielle des niveaux de formation. Selon les termes de la classification, ce jeune interrompt sa formation sans avoir achevé un cycle complet de CAP ou BEP, et sans avoir eu accès à une classe de seconde indifférenciée." À partir de cette définition, l'estimation du nombre de sortants sans qualification est de 60 000 jeunes par an. Dans le cadre d'un colloque organisé par le ministère de l'éducation nationale autour du programme "NouvellesS ChanceS" le Céreq a réalisé une exploitation particulière de l'enquête Génération 92 2. Ce travail a retenu la définition ci-dessus des jeunes sans qualification afin d'assurer une unité à l'ensemble des travaux présentés au cours de ce colloque. L'Observatoire nationale de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ministère de l'emploi et de la Solidarité) a demandé au Céreq d'exploiter l'enquête Génération 92 afin de fournir des éléments d'appréciation statistique de la situation des jeunes en risque d'exclusion sociale. Selon Olivier Galland l'estimation de la pauvreté des jeunes est particulièrement délicate à mener, d une part parce que par définition, les jeunes sont dans une période de leur vie qui les voit passer d'un ménage (celui des parents) à un autre (le leur), et que les sources statistiques nécessaires (enquêtes auprès des ménages), mobilisées ordinairement pour la mesure de la pauvreté, sont compliquées à exploiter au regard de cette transition, d'autre part, parce que les enquêtes du type Génération 92 sont des enquêtes auprès des individus (et non des ménages) et ne comportent que quelques informations sur les transferts de ressources, ce qui ne permet pas de prendre en compte l'ensemble des revenus dont dispose effectivement la personne interrogée. L'objet étant bien d'avoir une idée de l'exclusion, comprise comme opposée à l'intégration, cette dernière est mesurée à l'aune de deux types d'indicateurs : le premier relève la plus ou moins grande proximité de l'individu du marché du travail, et à ses formes ordinaires ; la seconde est du registre familial et pose comme principe l'intégration du jeune à une famille (au quasi sens de ménage) dont il devient un parent et non plus un enfant, les principaux indicateurs mobilisables étant 1 Pascale Poulet-Coulibando, "Qu'est-ce qu'un sortant sans qualification" in Les sortants du système scolaire sans qualification, MENRT, DPD, 27-28 octobre 1999, Paris, p. 5. 2 Marc Bordigoni, "Les jeunes sortis sans qualification en 1992 : que deviennent-ils?" in Les sortants du système scolaire sans qualification, MENRT, DPD, 27-28 octobre 1999, Paris, p. 75-87. 4

donc très traditionnellement le fait d'habiter chez ses parents ou non, de vivre en couple ou non, d'avoir ou non des enfants. En fait, c'est l'écart à la norme qui devient signifiant pour certains groupes définis selon des critères de niveaux de formation, s'appuyant sur le fait que, pour ce qui concerne le marché du travail, tous les travaux précédents ont déjà montré le poids du diplôme dans l'exclusion. C'est donc un champ défini différemment de celui retenu à l occasion du travail réalisé pour le ministère de l'éducation nationale qui a été retenu dans le présent travail : font partie du champ d'observation l'ensemble des jeunes sortis sans diplôme du système éducatif. Les jeunes sans diplômes : définition Sont considérés comme n'ayant aucun diplôme les jeunes qui entrent sur le marché du travail en 1992 et ne sont pas titulaires d'un CAP ou d'un BEP ou d'un baccalauréat (général, technologique ou professionnel). Ainsi, par exemple, ne seront pas considérés comme diplômés des jeunes sortis au niveau IV mais ayant uniquement obtenu un BEPC (19 500 jeunes) ou tout autre diplôme général d'un niveau inférieur au baccalauréat (150 jeunes), voire le certificat d'études primaire (160 jeunes). A la différence des indicateurs de Génération 92, dans lesquels sont appelés "non diplômés" les jeunes ayant échoué à l'examen qu'ils présentaient juste avant d'arriver sur le marché du travail, il sera ici question de jeunes n'ayant effectivement pas obtenu un titre de niveau V ou IV. Ainsi, il est possible qu'un individu ayant échoué à l'examen en 1992 (CAP, BEP, mention complémentaire ou baccalauréat) ait préalablement obtenu un de ces titres ; s'il le déclare en diplôme antérieur il est donc considéré comme diplômé. Par exemple, pour les jeunes de niveau IV arrivés sur le marché du travail en 1992, 26% n'ont aucun diplôme au sens défini ci-dessus ; pourtant ils sont 37% à avoir échoué à l'examen présenté mais, parmi ces derniers, un peu moins du tiers avait auparavant obtenu un titre de niveau V ou IV ( un CAP, un BEP environ 12 000, ou un autre baccalauréat ou équivalent environ 600). L'ensemble des non diplômés représente 27,5% des sortants 92 : - diplômés : 387 048 : 72,5% - sans diplôme : 146 567 : 27,5% Ils se répartissent comme suit : non diplômés de niveau VI : 22 220 individus, soit 4,2 % de Génération 92 non diplômés de niveau Vb: 43 809 individus, soit 8,2 % de Génération 92 non diplômés de niveau V : 51 826 individus, soit 9,7 % de Génération 92 non diplômés de niveau IV : 28 712 individus, soit 5,4 % de Génération 92 Le nombre de jeunes de niveaux Vbis et VI (appelés "sans qualification" par le MEN) est donc légèrement plus important que le chiffre de 60 000 annoncé par le ministère à partir de 1994. Par contre, le nombre des sortants "sans 5

diplôme", tel que définis ci-dessus, atteint plus du double de ce chiffre ; c'est donc plus du quart des primo-arrivants sur le marché du travail en 1992 qui ne possède aucun titre scolaire. 6

Remarque à propos des parcours possibles pour certains jeunes présentant le baccalauréat professionnel sans avoir obtenu préalablement un BEP Parmi les élèves qui se présentent au baccalauréat général, quelques uns seulement ont déjà un diplôme (de niveau IV ou V) ; le cas est déjà plus fréquent pour ceux qui se présentent en section technologique et c'est la règle pour ceux qui se présentent en section professionnelle. Ceux qui ne déclarent pas de diplôme antérieur (BEP) à leur présentation au Bac Pro l'ont peut être simplement omis, ou plus certainement sont des jeunes qui se présentent au Bac Pro sans détenir de BEP. De telles situations, en effet, sont possibles ; une rapide enquête téléphonique auprès de quelques personnes de l'onisep a confirmé que de tels cas pouvaient avoir lieu : échec en baccalauréat techno et inscription en Bac Pro "en rattrapage", soit tertiaire soit industriel, échec au baccalauréat général et inscription directe en baccalauréat professionnel tertiaire par apprentissage, mais aussi par la voie scolaire (on parle alors de "Bac Pro en un an", voir loi quinquennale et Mission Générale d'insertion MGI), soit encore de "simples politiques d'établissement". Rappelons que les jeunes inscrits en Brevet technologique proviennent de classe de troisième et ont à ce titre encore moins souvent passé un CAP ou un BEP. Il est donc tout à fait possible de trouver des jeunes se présentant au baccalauréat professionnel sans avoir passé préalablement un BEP. Même si "les textes" ne prévoient pas explicitement le cas, il en est d'autres qui invitent à de telles pratiques comme palliatif à une sortie sans qualification d'un baccalauréat général ou technologique. De même, la préparation d'un brevet technologique est le fait pour moitié au moins de jeunes ayant réussi une première étape de leur parcours en filière professionnelle et tentant un retour en classe de seconde générale. 7

Sociodémographie Une légère surreprésentation masculine Dans l'ensemble des jeunes sortants sans diplôme, l'équilibre entre les sexes est modifié, conséquence logique de la tendance régulière à la meilleure réussite des filles dans le système scolaire. Les garçons représentent 57% des jeunes sortis du système de formation initiale sans diplôme. Une fois sur deux "à l'heure" en sixième Comme l'a montré depuis longtemps la sociologie de l'éducation, le destin scolaire de nombreux élèves est scellé dès l'entrée en sixième ; c'est ce que confirme le tableau ci-dessous. Pour l'ensemble de Génération 92, 70% des jeunes entrent en sixième à l'heure, ce n'est déjà plus le cas que d un jeune sur deux pour ceux qui n'obtiendront aucun titre scolaire, et la proportion s'inverse pour les jeunes qui n'atteindront pas le niveau V. Niveau et diplôme en 92 Part d'entrée "à l'heure" en 6ème (en%) Effectifs Total population "génération 92" 69,2 533 615 Total population "sans diplôme" 48,3 146 567 Total population "VI-Vb" 34,1 71 338 SES, CPPN 28,0 18 232 5, 4, 3 30,5 24 131 1ere année CAP-BEP TERT. 44,4 13 718 1ere année CAP-BEP INDUST. 37,7 15 257 Des âges très hétérogènes L'âge des jeunes sans diplôme est compris, au moment de leur arrivée sur le marché du travail, entre 15 et 22 ans. Autant l'âge des jeunes sortis des niveaux Vb et VI est généralement juste supérieur à celui de la fin de l'obligation scolaire (16 ans), autant celui des autres jeunes est plus élevé. Cela rend compte des efforts faits pour essayer de décrocher un titre scolaire en se maintenant dans le système de formation initiale pendant des durées de plus en plus importantes. On retrouve trace ici, une fois de plus, du paradoxe qui veut que les jeunes se destinant (ou destinés) a priori à aboutir rapidement sur le marché du travail sont obligés de rester plus longtemps dans le secondaire que leurs camarades qui poursuivront des études : l'âge médian à la sortie de la formation initiale est de 21 ans pour les jeunes ayant tenté et échoué un baccalauréat professionnel industriel, il est de 19 ans pour les jeunes ayant réussi leur baccalauréat général (source : indicateurs DEVA, Cdrom 2000 ou sur www.cereq.fr). 8

Répartition des jeunes sans diplôme selon leur année de naissance Année de Naissance Effectifs % Age en 1992 Avant 70 3956 2.7 + de 22 ans 71 9363 6.4 21 72 22541 15.4 20 73 34086 23.3 19 74 37566 25.6 18 75 19676 13.4 17 76 18162 12.4 16 77 1217 0.8 15 Le quart des jeunes sans diplôme arrive sur le marché du travail avant d'avoir atteint l'âge de la majorité légale. Niveau et diplôme en 92 Part de femmes (en%) Age médian à la sortie de formation initiale Effectifs Total population "génération 92" 47,6 20 533 615 Total population "sans diplôme" 43,1 20 146 567 Total population "VI-Vb" 44,2 17 71 338 SES, CPPN 46,0 16 18 232 5, 4, 3 47,4 17 24 131 1ere annee CAP-BEP TERT. 68,2 18 13 718 1ere annee CAP-BEP INDUST. 15,7 18 15 257 Niveau et diplôme en 92 Profession du père : Cadres, Indépendants et P.I. Études de la mère: Niveau Bac et supérieur Effectifs Total population "génération 92" 35,5 15,5 533 615 Total population "sans diplôme" 24,8 7,9 Total population "VI-Vb" 18,8 5,2 71 338 SES, CPPN 15,3 2,6 18 232 5, 4, 3 17,9 3,9 24 131 1ere année CAP-BEP TERT. 25,2 10,0 13 718 1ere année CAP-BEP INDUST. 18,8 5,8 15 257 Plutôt de milieux populaires, donc moins de professions intermédiaires et un peu plus de familles nombreuses, dont certaines issues de l'immigration 9

Ces jeunes sont souvent issus de familles nombreuses : 7,3% sont enfant unique, 27 % n'ont qu'un frère ou une sœur, 25,3 % font parti d'une famille de trois enfants, 12,5% d'une famille de quatre enfants et 27,9% d'une famille de plus de 5 enfants. De manière aussi prévisible, selon les normes établies par la sociologie de l'éducation, ils sont le plus souvent issus de milieux populaires, repérés par la catégorie sociale et professionnelle du père et/ou de la mère (voir tableaux ci-dessous) ou par la part de parents ayant suivis des études supérieures. Si plus du tiers des jeunes issus de Génération 92 ont un père ayant un emploi ou un statut de cadre, technicien ou profession intermédiaire, ce n'est plus le cas que du quart des jeunes non diplômés. Comme l'indique les tableaux synthétiques comparant quelques données de Génération 92 pour les jeunes sans diplôme et pour les seuls sortants de niveaux Vb et VI il y a un écart significatif entre les données concernant l'ensemble de Génération 92 et les non diplômés, mais bien évidemment la situation des non diplômés ne peut être réduite à la réalité des niveaux Vb et VI. Plus de 95% des jeunes interrogés dans Génération 92 sont nés en France. Il a semblé plus pertinent, avec les réserves et critiques que l'on sait, de regarder les situations des uns et des autres selon le lieu de naissance du père. 85% des jeunes interrogés ont un père né en France, 6% un père né dans un pays du Maghreb et 6% dans un pays de l'europe du Sud, les autres origines, Afrique, Europe du nord, etc. représentant moins de 1% (voir tableau). En prenant le nombre de jeunes diplômés et en le rapportant au nombre de jeunes non diplômés selon le lieu de naissance du père, on peut construire un indicateur de réussite dans l'institution scolaire (tous niveaux confondus) estimé par l'obtention d'un titre scolaire. Indice (rapport diplômés/non diplômés) d'obtention d'un titre scolaire selon le lieu de naissance du père Indice Nombre de % "sans diplôme" 1 France 2,94 114 625 78.2 2 Pays du Maghreb 1,32 14 237 9.7 3 Autres pays d'afrique 1,35 2 436 1.7 4 Indochine 2,54 530 0.4 5 Union européenne du nord + Suisse + Norvège 3,25 559 0.4 6 Union européenne du sud 2,16 9 722 6.6 7 Turquie 0,18 3 406 2.3 8 Autres pays 2,42 1 052 0.7 Les différences de probabilité d'obtenir un titre scolaire quelconque selon l'origine géographique du père sont importantes, mais il n'y a là rien de nouveau, les pères nés en France représentent 85% dans Génération 92, ils ne sont "plus que" 78% chez les jeunes sortis sans diplôme. Si la part des enfants nés d'un père d'origine étrangère est légèrement plus importante il ne faut pas oublier que plus des ¾ des jeunes sans diplôme sont nés en France de parents nés en France. 10

Le profil sociodémographique des jeunes sans diplôme fait apparaître un groupe plus masculin que la classe d'âge, d origine plus populaire, un peu plus souvent issu de l'immigration et, pour quelques uns issu d'une famille nombreuse (mais il ne faudrait pas pour autant voir dans le garçon d'origine maghrébine, issu d'une famille nombreuse dont le père n'est pas né en France et serait ouvrier, l'idéal type du jeune sans diplôme) ; ces derniers sont au nombre de 3 826, les fils d'ouvriers nés en France sont eux 22 862. Le nombre de garçons sortis sans diplôme dont le père est français et cadre supérieur ou profession libérale est très largement supérieur à celui des garçons sortis sans diplôme dont le père ouvrier est né au Maghreb. Pour les filles les deux valeurs sont identiques. Le tableau cidessous présente quelques chiffres permettant de redonner leur poids réel aux divers groupes et d éviter ainsi la stigmatisation ordinaire que produit la lecture trop rapide de quelques pourcentages. Nombre de jeunes sans diplôme selon la CS et le lieu de naissance du père, garçons et filles Garçons Jeunes dont le père est né au Jeunes dont le père est né en France Maghreb Ouvriers Ouvriers Artisans Cadres sup. Prof. Inter. 3826 22 862 6963 6140 5386 Filles Jeunes dont le père est né au Jeunes dont le père est né en France Maghreb Ouvriers Ouvriers Artisans Cadres sup. Prof. Inter. 3073 19 710 5078 3088 3802 Situation sur le marché du travail Cinq ans après la sortie de l'école, la majorité (62%) des jeunes est en emploi mais un quart (26%) est au chômage. Les autres se répartissent également entre l'inactivité et la reprise de formation (6% chacun). Mais la situation est nettement différenciée selon le type de formation suivie et le niveau atteint : ainsi le taux de chômage croit quand le niveau de formation décroît. Taux de chômage cinq ans après la sortie de l'école (non diplômés) selon niveau et le sexe Niveau IV Niveau V Niveau Vb Niveau VI Garçons 13 20 26 40 Filles 16 30 35 42 Aux niveaux IV et VI, la différence entre garçons et filles est peu significative, alors qu'elle prend un ampleur forte pour les jeunes ayant suivi la filière professionnelle (CAP ou BEP) ; il n'y a par contre pas de différence entre les 11

sortants de dernière année de CAP et de BEP (24%). Pour ceux qui sont allés jusqu'en classe de terminale,il n'y a pas de différence entre les filières quant à la probabilité d'être au chômage (environ 15% pour les trois filières, générale, technologique et professionnelle). Les sortants de terminales professionnelles sont un peu plus fréquemment en emploi (79%) que les sortants de terminales générales (71%) mais ces derniers ont plus souvent repris une formation (10%) que leurs camarades (2%). Il faut tout de même rappeler que les effectifs sont de tailles différentes : les "bacpro" sont moins de 1000 en entreprise, les "bactechno" environ 6000 et les "bacgéné" plus de 12 00. Au-delà même du fait d'avoir obtenu ou non son diplôme, le fait d'avoir atteint un niveau de formation supérieur change la situation sur le marché du travail, et il semble que plus le niveau est élevé moins l'absence de diplôme se fait sentir. Différence de taux de chômage, au moment de l'enquête, entre diplômés et non diplômés de niveaux IV et V Niveau IV Niveau V Diplômés Sans diplôme Diplômés Sans diplôme Taux de chômage 12,4 14,5 14,9 23,4 La hiérarchie par niveau, et intra-niveau par sexe, est régulièrement respectée pour l'ensemble des indicateurs construits. Parmi les jeunes sortis sans diplômes, au moment de l'enquête, 11% sont des chômeurs de longue durée mais les différences sont marquées. Taux de chômage de longue durée cinq ans après la sortie de l'école (non diplômés), selon niveau et le sexe Niveau IV Niveau V Niveau Vb Niveau VI Garçons 3,5 6,7 8,9 16 Filles 6,3 12,9 17,3 24,7 Durant les cinq années qui séparent la sortie de l'école et le moment de l'enquête, l'ensemble de ces jeunes ont passé près du tiers de leur temps au chômage (tableau E1), mais c'est un peu moins pour les niveaux IV et plus pour les niveaux VI, et toujours plus pour les filles que pour les garçons. La part des contrats autres que le contrat à durée indéterminée est toujours plus importante pour les filles que pour les garçons, tout comme les temps partiels (tableaux H1, H2, I1). La discrimination salariale, toujours fortement marquée selon le sexe, transcende les niveaux de formation puisque la hiérarchie de la moyenne des salaires pour les jeunes qui travaillent en 1997 est la suivante : 12

Salaire moyen selon le niveau et le sexe Filles de niveau VI Filles de niveau Vb Filles de niveau V Garçons de niveau VI Filles de niveau IV Garçons de niveau Vb Garçons de niveau V Garçons de niveau IV Salaire moyen 4 010 F 4 300 F 4 879 F 5 403 F 5 475 F 6 065 F 6 328 F 6 993 F Évolution du taux de chômage durant les cinq premières années de vie professionnelle L'évolution du taux de chômage au cours des cinq années d'observation respecte également les hiérarchies citées. A chacun des niveaux, le taux de chômage des filles est supérieur à celui des garçons, de même le taux de chômage est toujours plus faible quand le niveau croît. Pour chacun des niveaux, on note une diminution du taux de chômage au cours des trois premières années ; mais dès la quatrième, on semble atteindre une sorte de plancher, différent pour chacun des niveaux, qui indique tout de même bien la situation difficile de ces jeunes sur le marché du travail. Évolution du taux de chômage des jeunes sans diplômes Mars 93 à mars 97 (Les jeunes au service national ne sont pas comptabilisés parmi les actifs occupés) ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ NIVEAU * SEXE mars-93 mars-94 mars-95 mars-96 mars-97 Effectif ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ Tous NIVEAUX "non diplômés" féminin 47.5 40.6 35.9 34.7 36.0 63 161 masculin 37.1 31.9 24.4 23.4 24.3 83 406 Tous SEXE 42.2 35.8 29.3 28.1 29.1 146 567 Niveau IV secondaire féminin 29.6 26.4 22.2 22.8 19.9 14 620 masculin 20.6 21.0 19.0 14.1 13.6 14 092 Tous SEXE 26.0 24.0 20.6 18.5 16.7 28 712 Niveau V féminin 43.9 34.8 31.4 30.7 32.7 19 272 masculin 33.9 30.4 20.6 18.4 19.4 32 554 Tous SEXE 38.6 32.2 24.6 22.8 24.1 51 826 Niveau V Bis féminin 54.5 43.9 40.1 38.2 44.5 18 606 masculin 40.6 33.8 27.7 29.3 28.9 25 203 Tous SEXE 46.9 38.2 32.8 32.7 35.0 43 809 Niveau VI féminin 70.6 66.9 57.8 53.1 52.1 10 663 masculin 52.6 42.7 36.1 37.0 42.3 11 557 Tous SEXE 61.2 54.1 46.7 44.7 46.7 22 220 Šƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒœ 13

Catégories socioprofessionnelles Les jeunes sans diplômes occupent le plus fréquemment des emplois non-qualifiés ; soit que ces emplois soient directement identifiés comme tel c'est le cas des emplois de l'industrie et de l'artisanat - soient qu'ils correspondent à des emplois que l'on sait non qualifiés mais ne portant pas explicitement ce terme dans l'intitulé de la nomenclature Insee, c'est le cas des emplois du commerce, de la grande distribution (caissière, vendeur, manutentionnaire) ou encore des emplois dans les entreprises publiques ou dans la fonction publique en particulier les hôpitaux et les établissements scolaires. Les emplois ouvriers sont pour les garçons Les emplois ouvriers, industriels, artisanaux ou agricoles, non qualifiés représentent le tiers des emplois occupés par les jeunes sans diplôme cinq ans après leur sortie de formation initiale. Trois fois sur quatre, se sont des garçons qui occupent ces postes. La proportion de garçons passe à 90% quand on s'intéresse aux emplois qualifiés de l'industrie, de l'artisanat et des transports qui représentent 20% des emplois occupés par les jeunes sans diplôme. Les employé(e)s sont des femmes, sauf dans la police Entre 70 et 80 % des emplois de la fonction publique (à l'exception de la police et de l'armée), de l'administration des entreprises (les moins nombreux), du commerce et des services aux particuliers sont occupés par des femmes. Ils représentent un tiers de l'ensemble des emplois occupés par les non-diplômés. La promotion "sur le tas" est rare Ils sont moins de 10% à occuper des postes classés en "professions intermédiaires" ou "agents de maîtrise" et 2% seulement sont "indépendants". 14

Opinions sur les parcours de formation et les débuts de vie professionnelle L'ensemble des questions d'opinion donne lieu à des réponses qui sont à considérer avec précautions. Il serait nécessaire, pour plus de pertinence, d'appliquer à cet ensemble de questions des traitements statistiques particuliers (mais lourds à mettre en œuvre) qui tiennent compte des effets de certains comportements particuliers dans les réponses aux questions d'opinion (du style toujours répondre oui ou toujours choisir le dernier item proposé). La formation initiale est un atout Les réponses aux questions d'opinion ne sont compréhensibles que par comparaison avec celles fournies par d'autres jeunes ayant eu un parcours scolaire différent. En effet, les différences internes au groupe des non diplômés ne sont pas très importantes et certains résultats peuvent paraître surprenants si on regarde seulement les chiffres les concernant ; c'est par exemple le cas de la réponse à la question : "Ma formation initiale a été plutôt un atout ou plutôt un handicap? " ; 70 % des non diplômés répondent un atout, et même les niveaux VI (68%) plus fréquemment que les niveaux IV (63%). Pourtant, à propos de la formation initiale, et pour ceux qui ont estimé qu'elle avait été plutôt un handicap, des différences apparaissent entre garçons et filles, ainsi que par niveau et filière. Un tiers des garçons et des filles pense que cela tenait à la trop grande généralité de la formation initiale mais la moitié des filles pense surtout qu'elle était "trop faible" alors qu'un quart des garçons la juge au contraire "trop pointue, trop spécifique", et effectivement ce sont les jeunes de niveau V (dernier année de CAP ou BEP) qui sont le plus fréquemment convaincus de cela (33%). Une partie non négligeable (30%) des jeunes ayant suivi une formation professionnelle précise estime que celle-ci est trop pointue par rapport à la réalité du marché du travail, même s'il sont plus nombreux à la penser au contraire trop faible (44%) ou trop générale (26%). A propos des premiers pas professionnels Les débuts de vie professionnelle sont abordés ainsi dans le cadre du questionnaire Génération 92 : " Si vous considérez votre parcours professionnel depuis la fin de vos études en 1992, vous diriez que votre parcours a été: très facile =0 plutôt facile =1 plutôt difficile =2 très facile =3 15

Les résultats sont les suivants : opinion parcours professionnel ----------------------------------------- très facile 4 760 3.2% plutôt facile 49 706 33.9% plutôt difficile 68 685 46.9% très difficile 23 416 16.0% Au regard des normes du jugement scolaire, selon lesquelles il ne faut pas sortir du système de formation sans qualification, il est assez surprenant de noter que plus du tiers des jeunes sortis sans diplôme estiment leur parcours professionnel comme plutôt facile. Il n'y aucune différence d'opinion entre les garçons et les filles. Les réponses varient plus selon le niveau (et la filière de formation) ; ce sont les jeunes qui sont passés par la filière professionnelle du CAP et/ou du BEP qui sont les plus nombreux à considérer leur début d'insertion professionnelle comme "très difficile". La comparaison des deux souspopulations de Génération 92, les plus diplômés et les non-diplômés, révèle le poids des difficultés rencontrés par ces derniers. Rappelons qu'au moment de l'enquête, parmi les plus diplômés, 90% occupent un emploi dans une entreprise, et que l'intérim est tout à fait marginal ( 0,2%) ; au contraire, leurs camarades non diplômés ne sont que 57% en entreprise, plus 5% en intérim. Dans le premier groupe, la majorité (54%) juge son parcours professionnel "très facile ou plutôt facile", chez les non diplômés, ils ne sont que 37% à être du même avis. L'écart est presque identique à propos de la situation professionnelle actuelle (moment de l'enquête) ; les premiers sont 75% à la déclarer comme leur convenant, ils ne sont plus que 55% dans le deuxième groupe. Logiquement, à propos de leur formation initiale, les diplômés de l'enseignement supérieur qui la jugent "trop faible" sont marginaux (7%), encore que ce n'est que parmi ceux qui ont émis un jugement critique sur cette formation (8% de l'ensemble) soit 5 pour mille de l'ensemble. Chez les non diplômés c'est près d'un sur deux (47%) qui l'estime "trop faible", parmi ceux qui ont un jugement négatif sur leur formation initiale (22% de l'ensemble), soit 100 pour mille, donc tout de même vingt fois plus que leurs camarades titrés. Très logiquement, l'écart est aussi important quant à l'optimisme ou à l'inquiétude face à l'avenir professionnel : la moitié des non diplômés se dit optimiste contre 77% des diplômés. L'enquête proposait une question ainsi formulée : Qu'est-ce que c'est pour vous travailler? une nécessité à laquelle il faut bien se soumettre c'est réaliser ses ambitions 16

c'est une manière de se faire plaisir A peu près la même proportion de jeunes de chacun des groupes répond "réaliser ses ambitions"; on peut toutefois penser qu'elles ne sont pas identiques pour chacun des groupes quand bien le terme (ambitions) est identique. Par contre, pour un tiers des diplômés et seulement moitié moins des non diplômés, le travail peut être une manière de se faire plaisir. Une nécessité à laquelle il faut bien se soumettre est perçue par 40% des non diplômés et un quart des plus titrés. Ces chiffres sont à rapprocher des réponses données à cette autre question : "Vous diriez que votre priorité a été plutôt : de faire carrière de gagner correctement votre vie de ménager votre vie hors travail" Il est fort probable là encore que le sens des mots diffère pour les uns et les autres, mais il est tout de même frappant de voir que ceux qui étaient plutôt pour le travail comme un plaisir entendaient aussi ménager la vie hors travail. Il s'agit là de dispositions de "lettrés" (ou tout au moins "titrés") alors que la priorité nette des moins diplômés est de "gagner correctement sa vie". La perception des possibles (dans le travail et hors travail) est donc bien différente selon les atouts que l'école vous fournit pour envisager la vie. 17

Quelle indépendance chez les non diplômés? Dans le questionnaire de Génération 92, il est demandé à chacun des jeunes interrogés s'il vit encore chez ses parents, s'il vit en couple et s'il a déjà un ou plusieurs enfants. Ces questions peuvent être utilisées comme des indicateurs d'une plus ou moins grande autonomie, au même titre que les questions relevant de la situation de chacun sur le marché du travail. Dans un premier temps, une variable regroupée a été construite résumant la situation de chacun des jeunes par rapport au travail : soit il a un contrat à durée indéterminée, il est fonctionnaire ou élève fonctionnaire, aide familial ou travailleur indépendant, et auquel cas son emploi sera qualifié de "stable"; soit il est en CDD, en intérim ou sous toutes formes de contrat particulier (y compris contrat de qualification), et il est alors considéré comme ayant un emploi "temporaire". La première situation peut être comprise comme un gage d'indépendance, la seconde comme celui d'une précarité ; le troisième groupe est constitué de tous les jeunes qui, pour quelque raison que ce soit, ne travaillent pas au moment de l'enquête. La répartition de l'ensemble des jeunes sans diplôme en six classes est la suivante : Logement et travail : effectifs et pourcentages Emploi stable Temporaire Pas d emploi Logt indépendant 22442 15,3% 23 556 16,1% 25 370 17,3% Pas logt indep. 19 338 13,2% 24 456 16,7% 30345 20,7% (les % manquants correspondent au cumul des non-réponses à l'une ou l'autre des questions) Pour mener à bien le travail exploratoire nous allons examiner rapidement chacun de ces six sous-groupes dont les dénominations figurent dans le tableau suivant : Logement et travail : noms des groupes Logt indépendant Pas logt indep. Emploi stable Temporaire Pas d emploi Emploi précaire & Vivre chez soi sans Indépendants logement ind. emploi En emploi & chez Emploi précaire & Dépendants "Papamaman" chez "Papamaman" Les dépendants : des garçons à la maison? Premier constat : un jeune sur cinq cumule des difficultés maximales (n'a ni travail ni logement indépendant, 21%) cinq ans après la sortie de l'école. Ce groupe est constitué quasi exclusivement de jeunes ne vivant pas en couple (95%) ; les deux tiers sont des garçons. Seulement 7% de ces jeunes se déclarent inactifs, 15% sont en formation et 75% sont à la recherche d'un emploi. Dans la très grande majorité, leurs pères sont nés en France (72%) et seulement 15% au Maghreb ; mais si l'on raisonne en fonction du lieu de naissance du père "seulement" 19% des jeunes dont le 18

père est né en France font partis de ce groupe des "dépendants" alors que, pour les jeunes dont le père est né au Maghreb, ce sont 32% qui en font partis, soit le plus fort pourcentage de tous les groupes. En effectif, il y a quatre fois plus de jeunes dont le père est né en France (21704) que de jeunes dont le père est né au Maghreb (4621). Le fait que le père, au moment de l'enquête, soit au chômage ou retraité accroît la probabilité de faire partie de ce groupe ; cependant, 73% des pères des jeunes de ce groupe travaillent, soit dans le privé soit dans le public la fréquence de travail du père dans le public y est légèrement plus importante que pour l'ensemble de la population des jeunes sans diplôme (24% contre 21%). Les indépendants : une nouvelle famille Ce groupe rassemble les jeunes (15% de l'ensemble) qui cumulent les deux indicateurs d'indépendance (ne pas vivre chez ses parents et avoir un emploi "stable"). Il est aussi constitué d'une majorité de garçons (57%, ce qui correspond au poids des garçons dans l'ensemble du groupe des jeunes sans diplôme) ; le niveau de formation est globalement plus élevé que dans l'ensemble des non diplômés : 36% des filles de ce groupe ont atteint le niveau IV ainsi que 27% des garçons (parallèlement les jeunes de niveau VI ne sont que 7% dans ce groupe). Filles ou garçons, les trois quart vivent en couple, et un tiers a déjà un enfant. Sans que les écarts soient vraiment importants, on peut tout de même noter que, de tous les groupes c'est celui dans lequel les pères ouvriers sont les moins nombreux, les mères un peu plus souvent actives, et les parents travaillent un peu plus fréquemment dans le privé. Comme on pouvait s'y attendre, les signes d'intégration parentale, les meilleures trajectoires scolaires (au sein des jeunes sans diplômes) confortent les probabilités d'une meilleure insertion des enfants. Vivre chez soi mais sans emploi : de jeunes mères de familles Un nombre un peu plus important de jeunes est sans emploi mais dans un logement indépendant (17%). Pour moitié, ce groupe est constitué de femmes vivant en couple et ayant un enfant au moins ; les filles sont 76% dans ce groupe. En retrait du marché du travail pour un quart d'entre elles, on peut penser qu'il ne s'agit que d'une situation transitoire car la plupart se déclare "en recherche d'emploi" au moment de l'enquête, expriment une forte appréhension quant à son avenir professionnel. Au regard des normes choisies comme indicateurs d'exclusion, on peut dire que ce groupe correspond à une forme d'intégration par la famille, primant au moins temporairement sur l insertion par la vie professionnelle. S'il est impossible de conclure à un retrait définitif du marché du travail pour ces jeunes mères de famille, et si elles expriment effectivement des inquiétudes à propos du monde du travail, il paraît tout de même probable qu'elles ne sont pas (globalement) engagées dans un des processus menant à une situation d'exclusion sociale. Mais ce risque n'est pas non plus à écarter complètement, en particulier en cas de rupture de la situation matrimoniale. En emploi et chez "Papamaman" : des ados prolongés? Parmi les jeunes qui bénéficient au moment de l'enquête d'un emploi catalogué comme stable un peu plus de la moitié vit encore chez ses parents. Il s agit dans les trois quarts des cas de garçons, célibataires et sans enfant. Il est 19

frappant que ce groupe soit le moins inquiet pour l'avenir ; loin de cumuler des handicaps, même s'ils n'ont pas de diplôme (la moitié du groupe est constitué de garçons ayant atteint le niveau V voire IV), ces jeunes prolongent leur adolescence (au moins par le fait de n'être pas encore en couple ni à même de fonder une famille) tout en commençant une vie professionnelle dans des conditions plutôt favorables, chose dont ils sont parfaitement conscients. Pour des raisons diamétralement opposées aux filles du groupe précédent, ces garçons ne sont pas inscrits dans un processus d'exclusion sociale ou professionnelle. Emploi précaire et logement indépendant : vers l'indépendance Ce groupe est constitué de presque autant de femmes que d'hommes (hommes 54%) ; les jeunes qui ont suivi une formation devant mener à un baccalauréat sont nombreux (28%) et inversement ceux qui n'ont pas dépassé le niveau VI sont rares (6%). Comme leurs camarades ne vivant plus chez leurs parents (qu'ils travaillent ou non), ils vivent généralement en couple (72%) et ont souvent un enfant (33%). Ils ont commencé une vie de famille dans une situation professionnelle parfois inconfortable (17% travaillent en intérim au moment de l'enquête) et si certains encourent le risque de se trouver pris dans un processus d'exclusion, du fait de la précarisation de leur situation professionnelle, l'ensemble du groupe ne se caractérise pas par des signes patents d'exclusion sociale. Ce qui les différencie sûrement de leurs camarades du dernier groupe qui connaissent comme eux une situation d emploi précaire. Emploi précaire et chez "Papamaman" : un début de transition? Fortement masculin (70%) ce groupe est proche des "dépendants" ; la part des jeunes de niveau VI y est significative (17%) ; mais les niveaux IV sont tout de même 15%. Plus souvent enfant d'ouvriers travaillant dans le privé, ce sont de jeunes célibataires sans enfants. 20

Comparaison des temps des divers sous-groupes Afin de mieux rendre compte des différences réelles entre chacun des groupes distingués précédemment, il est possible de reprendre certains indicateurs dont nous disposons pour l'ensemble de Génération 92. Ainsi, la répartition des temps passés dans les diverses situations (par rapport au marché du travail) devrait être différenciée selon la typologie construite, si celle-ci rend compte d'une réalité plus complexe que les simples données aux deux questions mobilisées, c'est-à-dire si l'indépendance peut effectivement être estimée à partir de l'autonomie dans le logement et l'insertion sur le marché du travail. Si l'on retient le pourcentage de temps passé en emploi, on distingue trois classes de deux groupes chacune : la première comprend les "indépendants" et ceux qui ont un emploi "stable" mais vivent encore chez leurs parents (en fait tous ceux qui ont un emploi stable au moment de l'enquête sont ceux qui ont le plus travaillé sur l'ensemble de la période) ; la seconde comprend ceux qui n'ont pas encore stabilisé leur situation professionnelle, quelque soit leur mode de résidence ; la troisième comprend les "dépendants" et ceux qui ne travaillent pas mais habitent indépendamment des parents ; mais si on regarde la part de temps déclarée en inactivité le dernier groupe, plutôt féminin avec enfant (voir au dessus) se distingue nettement des "dépendants". Le type de statut au moment de l'enquête (stable versus précaire) "résume" bien des types de trajectoires différenciés sur le marché du travail et confirme les différences observées quant aux divers groupes constituant l'ensemble des jeunes sans diplôme. La part de temps passée en emploi au chômage ou en inactivité est bien spécifique à chacun des sous-groupes. Les "dépendants", ainsi que le groupe constitué au ¾ de jeunes mères, ont connu le pourcentage de temps passé en emploi le plus faible (de l'ordre du tiers) alors que les indépendants ont passé les 4/5ème de leur temps en emploi. Part du temps passé en emploi, chômage, inactivité, formation entre octobre 92 et avril 97 (hors temps passé au service national) ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ Emploi Chômage Inactivité Formation Effectif ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ Tous 58.8 27.9 7.2 6.1 146 567 NR 71.5 17.6 5.1 5.8 1 060 dépendants 33.0 48.8 7.7 10.6 30 345 emploi+parents 80.2 14.9 1.9 2.9 19 338 indépendants 82.3 12.1 2.4 3.2 22 442 log +précaire 73.6 19.1 3.6 3.8 23 556 log ss emploi 34.3 37.0 21.1 7.5 25 370 précaire+parents 65.0 25.2 3.3 6.4 24 456 ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ Un autre manière de suivre l'histoire de chacun des groupe consiste à mesurer l'évolution du taux de chômage au cours des années, ce qui vient encore confirmer les précédentes. 21

Evolution du taux de chômage :Mars 93 à mars 97 (Les jeunes au service national ne sont pas comptabilisés parmi les actifs occupés) ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ mars-93 mars-94 mars-95 mars-96 mars-97 Effectif ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒˆƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ Tous 42.2 35.8 29.3 28.1 29.1 146 567 NR 29.1 27.1 18.4 11.4 4.7 1 060 dépendants 63.0 60.1 55.6 56.2 76.0 30 345 emploi+parents 26.3 21.4 14.0 10.3 6.0 19 338 indépendants 23.7 17.5 11.9 7.8 3.3 22 442 log +précaire 32.8 23.9 18.8 17.0 8.9 23 556 log ss emploi 52.4 50.0 45.9 54.0 72.4 25 370 précaire+parents 45.0 35.7 26.2 23.8 16.6 24 456 Šƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ ƒƒƒƒƒƒƒƒƒƒ Ceux qui ont été repérés comme "indépendants" voient leur taux de chômage, déjà faible en mars 1993, décroître régulièrement, tout comme leurs camarades qui vivent chez leurs parents tout en travaillant (avec un emploi "stable"). A l'inverse, les "dépendants" ne passent jamais en dessous d'un taux de chômage dramatique (55%) et connaissent même en fin de période (mars 1997) la situation la pire (76% de chômeurs dont un tiers de chômeurs de longue durée). Les jeunes qui ont un emploi précaire au moment de l'enquête se divisent bien en deux groupes distincts selon qu'ils habitent ou non chez leurs parents : les premiers connaissant une situation toujours plus difficile sur le marché du travail que les seconds. Mais le retour sur le marché du travail des jeunes femmes ayant eu des enfants et vivant en dehors de chez leurs parents semble particulièrement difficile puisqu on observe un fort accroissement du taux de chômage en fin de période (72% dont un quart de chômeurs de longue durée) ; d'après les critères retenus (autonomie de vie par rapport aux parents et insertion sur le marché du travail) ces dernières ne feraient cependant pas partie des jeunes en voie d'exclusion sociale (du fait de leur statut de parent) que rien n autorise à penser qu'aucune ne se retrouvera un jour dans une telle situation du fait de ses difficultés perdurantes sur le marché du travail. Quel serait le rôle de l'âge dans l'appartenance à tel ou tel groupe Sachant qu'au moment de l'enquête, en 1997, les jeunes sans diplômes ont entre 21 et 26 ans, il est probable que la situation n'est pas identique pour tous. En effet qui n'a pas lu les récits de jeunes rapportés par les journalistes ou par les sociologues, dans lesquels sont relatées des "mises à la porte" après le retour du service militaire ou à la suite d'une naissance et dans lesquels la cause principale invoquée, outre la mésentente avec les parents, est l'âge "avancé" du jeune. Pour se faire une idée de l'effet possible de l'âge, il est nécessaire de prendre en considération au moins deux variables différentes car il ne faut pas oublier que l'âge au moment de l'enquête est directement dérivé de l'âge de sortie du système de formation initiale et recoupe donc très précisément le niveau de formation atteint, même s'il ne se concrétise pas par un titre scolaire. Âge au moment de l'enquête des jeunes "sans diplôme" 26 ans et + 12948 8.9 12948 8.9 25 ans 22541 15.4 35489 24.3 24 ans 34086 23.3 69575 47.6 23 ans 37566 25.7 107141 73.3 22 ans 19676 13.5 126817 86.7 22

21 ans 19379 13.3 146196 100.0 On peut comparer le pourcentage de jeunes de chaque tranche d'âge présent dans chacun des deux groupes les plus distincts ; c'est à dire les jeunes dépendants (ne répondant pas à aucun des deux critères d'indépendance retenus, à savoir : "vivre dans un logement indépendant" et "avoir un travail stable", et les jeunes qui à l'inverse cumulent les deux critères d'indépendance. Comme on pouvait s'y attendre, les deux courbes ont des pentes inverses ; dans les deux cas toutefois le mouvement est continu et, comme il a été rappelé, l'âge constitue dans ce cas précis une variable corrélée au niveau de formation, ou en tout cas au temps passé dans le système éducatif. 40 Pourcentage de jeunes dans chacun des deux groupes extrêmes, "indépendants" et "dépendants", selon leur âge au moment de l'enquête (1997) 35 30 25 20 15 10 5 0 21 ans 22 ans 23 ans 24 ans 25 ans 26 ans Dépendants Indépendants 23

Age et comportements matrimoniaux Il est donc intéressant de regarder les comportements "matrimoniaux" à cinq ans des jeunes sans diplôme arrivés sur le marché du travail en 1992. Si l'on observe bien une fréquence plus grande de la vie en couple selon l'âge au moment de l'enquête, plus surprenante est la courbe indiquant le fait d'avoir un enfant au moins ; on remarque que, quelque soit l'age de sortie du système de formation initiale, la part des jeunes ayant au moins un enfant cinq ans plus tard est quasi constante (20%, et plus précisément 18% à 21 ans et par exemple 21% à 25 ans). Cette dernière information laisse à penser qu'il n'y a pas de véritable point de rupture dans les comportements des jeunes observés selon leur âge au moment de la sortie de l'école. Mêmes chez les plus jeunes, l'arrivée d'un enfant est aussi fréquente que chez les plus âgés. Pourcentage de jeunes "sans diplome" dans chacune des situations, selon leur âge au moment de l'enquête (1997) 60 50 40 30 20 10 0 21 ans 22 ans 23 ans 24 ans 25 ans 26 ans Vie en couple A un enfant 24

Indépendance, précarité et exclusion Au regard des deux critères d'indépendance retenus, on peut considérer qu'il y a un groupe de jeunes qui ne semble pas menacé par les processus d'exclusion. Il comprend trois des sous-groupes identifiés : les "indépendants", c'est-àdire ceux qui ont un logement indépendant et un travail "stable", les jeunes ayant un emploi stable mais sans avoir encore quitté le domicile parental et ceux qui se sont installés mais connaissent des situations plus difficiles (plus "précaires") sur le marché du travail. Ce premier groupe représente 45% des jeunes sans diplôme. On peut les considérer comme "autonomes". Le second groupe est constitué par les jeunes qui ont été appelés "dépendants". De fait, ils sont quasiment exclus du marché du travail, n'ont pas la possibilité de passer à l'état d'adulte, dépendent de leurs parents pour leur logement comme pour leur subsistance; on a vu qu'ils représentaient 21% de l'effectif global. Le troisième groupe comprend les jeunes qui, vivant hors du domicile parental, n'ont pas de travail et ceux qui, vivant chez leurs parents, ont un travail précaire. Ils se distinguent par le fait de satisfaire à l'un ou l'autre des critères de l'indépendance alors que leur situation est particulièrement fragile sur le marché du travail ; ils sont 34%. Une part d'entre eux constitue sûrement une population pour qui les risques d'exclusion sociale ne peuvent être niés, on peut les considérer comme des "précaires" non seulement sur le marché du travail mais également dans le début de leur vie adulte. En conclusion, parmi les jeunes sortis du système de formation initiale sans diplôme en 1992, cinq ans après la moitié est autonome (n= 65 000), un sur cinq est dans une situation de dépendance voire d'exclusion du marché du travail et du marché matrimonial (n= 30 000, deux fois sur trois ce sont des garçons), et le dernier tiers est encore en situation transitoire, voire précaire, avec pour certains un risque d'exclusion comparable aux précédents (n= 50 000). Quelques remarques complémentaires : Parmi les dépendants, deux sur trois sont des garçons (alors qu'il n'y a, dans l'ensemble des non diplômés, "que" 57% de garçons). Les enfants d'ouvriers sont un peu surreprésentés (47% au lieu de 44%). Les enfants de pères nés au Maghreb sont une fois et demi plus souvent dans le groupe des dépendants (15 % au lieu de 10%), mais 50% d'entre eux sont "autonomes" alors que ce n'est le cas que de 46% des enfants de père né en France ; ces derniers sont plus souvent dans le groupes des précaires (85% au lieu de 78%). Les niveaux Vb et VI sont les plus nombreux dans ce groupe, mais parmi les jeunes sortis au niveau Vb, il y en a autant dans le groupe des "autonomes" que dans celui des "dépendants". 25

Expériences du marché du travail Chacun de ces trois groupes se caractérise, par définition, par une situation différente sur le marché du travail au moment de l'enquête : 100% des "autonomes" sont en emploi, 50% des précaires aussi, et évidemment 0% des "dépendants". Mais on observe que leur passé professionnel (ou l'absence d'expérience professionnelle) caractérise aussi chacun des groupes. Ainsi, un quart des jeunes "dépendants" n'a exercé aucune activité rémunérée durant les cinq années qui suivent la sortie de l'école, ce n'est plus que le cas de 14% des jeunes "précaires". Entre octobre 1992 et octobre 1997, les "autonomes" ont passé les 4/5 ème de leur temps en emploi, les "précaires" ont occupé un emploi pour la moitié de la période et les "dépendants" n'ont travaillé que le 1/3 de la période. Ces derniers ont été au chômage la moitié de la période, 10 % du temps est passé en formation et 8% en "inactivité". La part de temps passée au chômage est de 49% pour les "dépendants", 31% pour les "précaires" et 16% pour les "autonomes". L'évolution du taux de chômage de chacun des trois groupes, entre mars 1993 et mars 1997, tendrait à donner le sentiment d'un renforcement avec le temps de l'inscription dans chacune des trois situations. En début de période, le taux de chômage des jeunes qui sont "autonomes" en fin de période est de 28% ; il décroît au fil des années pour atteindre 6% en mars 97. Pour les jeunes "précaires", il est de 49% en début de période d'observation et ne baisse que de 10% en cinq ans ; il est de 39% en mars 1997. La situation s'inverse pour les jeunes "dépendants" : entre le début et la fin de la période d'observation le taux de chômage a progressé de 13% ; il est de 63 % en mars 1993 et atteint 76% en mars 1997. Si l'on n'est pas en mesure de construire une prédiction à partir des éléments de la situation initiale on voit nettement que se profilent des "destins" extrêmement différents, qui donnent la nette impression de se renforcer avec le temps. Ce phénomène se vérifie pour les jeunes sans diplômes qui font l objet de l étude, mais également pour l'ensemble des jeunes interrogés dans Génération 92 (voir plus bas). 26