La contribution de l informatisation à la croissance française : une mesure à partir des données d entreprises



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SYNTHÈSES La contribution de l informatisation à la croissance française : une mesure à partir des données d entreprises Bruno Crépon et Thomas Hecel* Les modèles classiques de décomposition de la croissance permettent d estimer deux types de contribution : d une part, l effet de la diffusion de l informatique stricto sensu sur la croissance, par accumulation de capital informatique dans tous les secteurs de l économie ; d autre part, la contribution à la croissance des gains de productivité réalisés dans les secteurs producteurs des nouvelles technologies. À l instar des études américaines sur la comptabilité de la croissance, on évalue l importance de ces deux types de contribution en France au cours des 15 dernières années. Alors que d autres études font appel aux données de la comptabilité nationale, l originalité de cette étude est d utiliser des données individuelles d entreprises agrégées par secteurs d activité. Ces données d origine fiscale présentent l avantage de fournir une mesure du stoc de capital informatique au sein de chaque entreprise grâce au poste comptable des immobilisations en matériel de bureau, mobilier et informatique. Les effets de diffusion de l informatique sont importants, de l ordre de 0,3 point pour une croissance de 2,6 % par an en moyenne sur la période 1987-1998. Ils sont concentrés dans un petit nombre de secteurs fortement équipés en matériels informatiques. L effet des gains de productivité dans les secteurs producteurs des nouvelles technologies contribue également de façon significative à la croissance puisque il est évalué à 0,4 point sur la même période. Au total, la contribution du processus d informatisation en France représente, selon ces estimations, 0,7 point de croissance annuelle sur la période 1987-1998. Par ailleurs, la diffusion de l informatique et les gains de productivité dans les secteurs producteurs de nouvelles technologies ont aussi sensiblement limité la hausse des prix de la valeur ajoutée, de 0,3 point et 0,4 point respectivement pour une croissance de 1,4 % par an en moyenne sur la période 1987-1998. * Bruno Crépon et Thomas Hecel appartiennent à la division Marchés et stratégies d entreprise du département des Études économiques d ensemble de l Insee. Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d article. 93

On a longtemps pensé que les investissements informatiques des entreprises, pourtant massifs, n avaient pas conduit aux gains de productivité qu on pouvait en attendre. La croissance particulièrement forte que les États-Unis ont connue au cours de la seconde moitié des années 90 a ranimé le débat sur ce paradoxe de la productivité attribué à Solow. Le taux de croissance de la productivité du travail est en effet passé de 1,5 % à 2,5 % de la période 1991-1995 à la période 1996-1999 dans les secteurs marchands non agricoles. De nombreux économistes ont cherché à expliquer le rebond du taux de croissance de la productivité du travail observé depuis 1995 par l informatisation et, plus généralement, par l utilisation des nouvelles technologies de l information et de la communication (NTIC). Selon les estimations les plus récentes (Oliner et Sichel, 2000), près de la moitié de cette hausse de la productivité du travail pourrait être attribuée à l utilisation des nouvelles technologies. Une question importante est de savoir si la contribution de l informatisation à la croissance provient de la diffusion des ordinateurs dans l économie ou au contraire trouve seulement son origine dans le dynamisme des secteurs produisant les nouvelles technologies. Ainsi, contrairement à Oliner et Sichel, Gordon (2000) soutient que l accélération des gains de productivité observée au niveau agrégé est localisée dans les secteurs producteurs des NTIC et résulte des progrès techniques importants réalisés dans le domaine des nouvelles technologies. Dans les autres secteurs, simples utilisateurs des nouvelles technologies, le rythme de croissance de la productivité du travail n aurait pas augmenté structurellement du fait d une utilisation plus intensive des ordinateurs. Dans le cas de la France, la problématique est bien sûr largement différente. Il n a en effet pas été observé de cycle de croissance important et durable au cours des années 90, pas plus que d augmentation du rythme des gains de productivité du travail. On cherche donc simplement à mesurer la place de l informatique dans le système productif français et la contribution qu elle apporte à la croissance, en s intéressant également au poids des secteurs qui produisent les NTIC et à leurs performances. Deux types de décomposition permettent d analyser la croissance de la valeur ajoutée et la croissance des prix. La première, la plus classique, dite «primale» explique le taux de croissance de la valeur ajoutée en fonction de la croissance des différents facteurs de production. La seconde, moins utilisée, dite «duale» explique le taux de croissance des prix de la valeur ajoutée par la hausse des coûts de chacun des facteurs de production (cf. encadré 1). L intérêt des approches primale (par facteur de production) et duale (par prix des facteurs de production) est qu elles ne nécessitent pas d hypothèse particulière concernant la technologie de production. En revanche, elles reposent très fortement sur des hypothèses de concurrence sur les marchés des biens et des facteurs, ainsi que sur l hypothèse de rendements d échelle constants (1). L approche primale est néanmoins très largement suivie en pratique. La comptabilité de la croissance est un exercice régulièrement effectué pour les facteurs de production standards (voir en particulier Accardo, Bouscharain et Jlassi (1999) pour une approche très complète dans le cas de la France). C est cette approche qui a été suivie dans toutes les études ayant cherché à mesurer la contribution de l informatisation à la croissance (voir Oliner et Sichel (2000) et Jorgenson et Stiroh (2000) pour les États- Unis ; voir Hecel (2000) (2) et Mairesse, Cette et Kocoglu (2000b) pour la France). En revanche, il n existe pas d étude à notre connaissance ayant cherché à déterminer l impact de l évolution du prix du matériel informatique sur l évolution des prix, tant en France qu aux États-Unis. Une mesure de l informatisation : le stoc d équipement informatique Pour déterminer la place tenue par l informatisation dans l économie, il est essentiel de pouvoir mesurer le stoc d équipement informatique. On ne dispose en France que de peu d informations sur ce sujet. Les travaux de 1. De nombreux travaux ont mis en évidence la fragilité des mesures de la productivité globale des facteurs (PGF) à ces hypothèses (Hall, 1988 ; Roeger, 1995 ; Klette et Griliches, 1996 ; Crépon, Desplatz et Mairesse, 1999). 2. Cette étude prolonge en fait celle de Hecel (2000) dans laquelle on estime la contribution du capital informatique à différents niveaux d agrégation. Plusieurs différences notables existent avec celle-ci. Tout d abord, les prix de la nouvelle base de l Insee, la base 95, ont pu être utilisés. Le facteur travail a, par ailleurs, été introduit, ce qui nous a permis de calculer le taux de croissance de la PGF. Nous avons également effectué la décomposition duale, c est-à-dire de l évolution des prix. Enfin, la comptabilité de la croissance a été effectuée en distinguant les secteurs producteurs des NTIC des autres secteurs. 94

Encadré 1 LE CADRE THÉORIQUE DE LA COMPTABILITÉ DE LA CROISSANCE La croissance d une économie, d un secteur ou d une entreprise peut être décomposée à partir de la croissance des différents facteurs entrant dans la production. Le formalisme correspondant à cette décomposition a été proposé par Solow (1957) et a été notamment utilisé dans le cas de la France par Carré, Dubois et Malinvaud (1972). De même, l évolution des prix peut être approchée à partir de l évolution du prix des différents facteurs de production. On se place dans le cadre habituel des études consacrées à la comptabilité de la croissance : constance des rendements d échelle, concurrence parfaite sur le marché des produits et des facteurs. L approche «primale» et l approche «duale» Deux types de décomposition permettent d analyser la croissance. La première, la plus classique, dite «primale» explique le taux de croissance de la valeur ajoutée en fonction de la croissance des différents facteurs de production. La seconde, moins utilisée, dite «duale» explique le taux de croissance des prix de la valeur ajoutée par la hausse des coûts de chacun des facteurs de production. Dans la première approche, le cadre théorique utilisé pour décomposer la croissance repose sur une fonction de production Y = A reliant la production aux différents facteurs. La comptabilité de la croissance tf( X1,, X K) consiste à décomposer la croissance de la production sur la base de la fonction précédente différenciée : log F dlogy = X d log X d A + log t log F = ε dlog X + dlog PGF F où ε représente l élasticité de la production au facteur. La contribution du facteur à la croissance est alors F simplement définie par ε dlog X.. La part non expliquée dlog At = dlog PGF correspond au taux de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF), c est-à-dire à la part de la croissance qui ne peut être attribuée à l augmentation d'aucun des facteurs de production et que l on attribue au progrès technique (1). Cette première décomposition par facteur de production est classiquement qualifiée de «primale». Sous l hypothèse de rendements d échelle constants ( ε F = 1), on peut montrer que l évolution des prix peut se décomposer de façon similaire à partir de l évolution du prix des inputs, des élasticités de la production à chacun des facteurs et d un terme résiduel s interprétant aussi comme le taux de croissance de la PGF (2) : F dlog P = ε dlog PX dlog PGF La contribution du prix du facteur à l évolution des prix est alors simplement définie comme ce qu on appelle l approche duale.. C est Sous l hypothèse de concurrence parfaite sur le marché des facteurs et le marché des produits, l élasticité de la production est mesurée par la part de la rémunération du facteur dans la valeur ajoutée : ε (3). On peut donc F = π déterminer la contribution de chaque facteur à la croissance pour autant que l on puisse mesurer la part de sa rémunération dans la valeur ajoutée. ε F dlog PX Décompositions de la croissance et de l évolution des prix Le cadre théorique de la comptabilité de la croissance a été appliqué ici avec les hypothèses usuelles (concurrence sur le marché des biens et des facteurs, rendements d échelle constants) en introduisant un nombre relativement élevé de facteurs de production. En ce qui concerne le travail, trois niveaux de qualification (L i ) sont distingués : non qualifié, qualifié, très qualifié. Quant au capital, son hétérogénéité est prise en compte en introduisant neuf actifs différents (K i ) dont le capital informatique. La croissance peut ainsi être décomposée de la façon suivante : () log Y = π log L + π log K + log PGF (1) Li i Ki i 1. Certains types de gains de productivité, tels que ceux liés aux changements organisationnels, semblent en effet difficilement attribuables à un facteur de production particulier. Il y aurait donc conceptuellement place pour un progrès technique autonome, même si les services rendus par l ensemble des facteurs de production étaient parfaitement mesurés. 2. La décomposition de l évolution des prix est fortement liée à celle de la croissance de la valeur ajoutée qui fait aussi intervenir les indices de prix des facteurs de production et de la valeur ajoutée pour le calcul des taux de croissance. 3. Sous l hypothèse de concurrence parfaite, le producteur maximise son profit en égalisant la productivité marginale de chacun de ses inputs à leurs coûts, si bien que les parts des inputs dans la valeur ajoutée correspondent aux élasticités de la production par rapport aux inputs. En notant P l indice des prix de la valeur ajoutée et P le coût du facteur, on a en effet : P AF t = ε = P AF X AF F t t PX = = π PY 95

Encadré 1 (suite) où π Li et π Ki représentent la part de la rémunération de chaque qualification et de chaque forme de capital dans la valeur ajoutée. De même, l évolution des prix est décomposée suivant l évolution du coût de chacune des formes de travail et du coût de chacune des formes de capital : ( ) log P = π log P + π log P log PGF (2) Parmi toutes ces composantes, on s intéresse plus particulièrement aux contributions de l informatique : log K pour la croissance de l activité et log P pour l évolution des prix. π K INF Li Li Ki Ki INF π K INF K INF En utilisant l approche primale, il est aussi possible d obtenir une décomposition de la croissance de la productivité du travail. Ainsi, en considérant les effectifs globaux L, somme directe des effectifs des différentes catégories de travailleurs, on peut décomposer la croissance de la productivité du travail suivant la formule suivante : ( ) log Y L = π L log Li L+ π K log Ki L+ log PGF i i = π π~ log L L+ π log K L+ log PGF L Li i Ki i où ~π L = π π représente la part de la rémunération de la catégorie de travailleurs i dans la rémunération totale du travail, et L la part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée. La quantité π L i Li Li ~ log L i L s interprète comme l évolution de la qualité moyenne du travail. Les quantités π K i log K i L i correspondent à l évolution de l intensité capitalistique pour chacun des biens de capital et reflètent la substitution des différentes formes de capital au travail. On s intéresse plus spécifiquement à la contribution apportée par le capital informatique π K log K INF L. Elle mesure la répercussion d une variation des équipements informatiques par tête INF sur la croissance de la productivité du travail. La part de la rémunération de chaque facteur Pour ces décompositions, la détermination de la part de la rémunération de chaque facteur dans la valeur ajoutée est une étape importante. Le principe retenu pour mesurer la part de la rémunération des différents facteurs consiste à ventiler la part des salaires dans la valeur ajoutée (hors taxe) entre les différentes formes de travail, et la part résiduelle entre les différents types de bien de capital au prorata de leur part dans le coût total du capital. Plus précisément, la procédure d agrégation retenue détermine la part globale de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée L et sa ventilation entre les trois catégories de qualification ~π L = wl i i Σ wl. La part de chaque i l l qualification du facteur travail est alors définie par π L = απ ~. La part de la rémunération globale du capital, définie comme le complément à 1 de cette part, est ensuite ventilée entre les neuf types de biens de capital au prora- i L Li ta de leur part dans le coût total du capital ~π K = ck Ki Σ ck K i i l l. Le coût du capital y est défini suivant la formule de Jorgenson, soit par = p ( ( )( p p ) r K 1 1 δ K 1+ K K 1+ i i i i ). La part de la rémunération de chaque bien de capital considéré est alors π = ( 1 α π ) ~ Ki L Ki On a choisi de ventiler la totalité de la part résiduelle dans la valeur ajoutée pour estimer la part de la rémunération de chacun des éléments de capital plutôt que de mesurer directement leurs rémunérations (à partir de la formule du coût d usage) car c est l approche la plus communément suivie, en particulier dans les travaux de Jorgenson. En théorie, suivant le modèle sous-jacent, ces deux approches devraient conduire à des parts identiques. En pratique, l approche privilégiée ici présente un avantage certain, celui de ne pas nécessiter une mesure en niveau du coût de chaque élément de capital, mais uniquement une mesure rendant compte du coût relatif de chacun d entre eux (4). Néanmoins, ventiler la part résiduelle des salaires dans la valeur ajoutée entre les différentes formes de capital conduit vraisemblablement à surestimer la part de chacune des formes de capital considérées et ceci pour au moins deux raisons. En premier lieu, si les entreprises appliquent un taux de marge sur leur coût global, la part résiduelle à ventiler entre les différentes formes de capital est trop importante. En second lieu, si certains facteurs ne sont pas observés, comme par exemple les actifs incorporels, leur rémunération est répartie à tort entre les différentes formes de capital. 4. La raison sous-jacente d un tel choix est que les parts relatives (définies ci-dessus) sont mieux mesurées que les parts dans les coûts totaux. De fait, celles-ci ne seront pas biaisées si il existe une erreur de mesure multiplicative et identique sur la rémunération de chacune des formes de capital. ~ 96

Mairesse et al. (2000b), effectués à partir de données de la comptabilité nationale pour l ensemble de l économie, comblent, à ce titre, une lacune importante. Suivant ces travaux, la contribution de l informatique stricto sensu à la croissance est évaluée à 0,09 point et 0,13 point sur les périodes 1989-1995 et 1995-1999 (cf. le tableau 5 de Mairesse et al. (2000b) publié dans ce numéro). Ces contributions peuvent être comparées à celles obtenues par Oliner et Sichel (2000). Pour les États-Unis, les contributions à la croissance du capital informatique sur les périodes 1991-1995 et 1996-1999 sont beaucoup plus fortes (de 0,25 et 0,63 point respectivement). Selon les estimations de Mairesse et al. (2000b), l informa- Encadré 1 (fin) Les surplus de croissance et de baisse des prix À partir de ces deux approches, on a défini deux notions de surplus : un surplus de croissance et un surplus de baisse des prix. Le surplus de croissance est estimé comptablement en comparant la croissance observée à ce qu elle aurait été si le capital informatique avait augmenté au même rythme que les autres biens. Le surplus s écrit alors : ( log log ) π K INF AUTRES INF K K (3) où log K AUTRES est le taux de croissance des autres biens de capital. Le taux de croissance des autres biens de capital est défini comme la moyenne de leurs taux de croissance, pondérés par leurs élasticités relatives (mesurées par la part dans les coûts de chaque bien de capital). De même que dans la décomposition primale, on peut définir le surplus de baisse des prix en comparant l évolution du coût du capital informatique à celle des autres biens de capital par : ( log P log P ) π K INF K INF K AUTRES où log P K AUTRES représente l évolution du coût des autres biens de capital. Taux de croissance et hétérogénéité des biens de capital Tel que défini dans le cadre théorique de la comptabilité de la croissance (voir équation (1) ), le taux de croissance du capital est une moyenne pondérée des taux de croissance de chacun des éléments qui le composent, avec pour poids les parts relatives de chacun d eux dans le coût total : DIV ( ) = π π = i ( i j ) log K log K c K c K log K K K i K i K j i Ne pas distinguer les biens de capital entre eux modifie ce taux de croissance. Il peut alors être approximé par une moyenne pondérée des taux de croissance de chacun des éléments qui le composent avec pour poids les parts des éléments de capital dans le stoc total et non plus par leurs parts dans les coûts : TOT ( ) = ( ) ( ) log K log K K K log K i i j i Contribution globale de l informatisation à la croissance Quand on distingue secteurs producteurs et secteurs utilisateurs, il convient d ajouter aux effets de diffusion le taux de croissance de la PGF puisqu il représente les progrès techniques importants réalisés dans le domaine des nouvelles technologies. La contribution globale de l informatisation à la croissance est alors déterminée en sommant ces deux composantes, pondérées par la part des deux groupes de secteurs dans la valeur ajoutée totale, soit : U U P ( K INF ) ( P P P log K + K log KINF + log PGF ) INF INF U σ π σ π U P où σ et σ représentent la part respective des secteurs utilisateurs et producteurs dans la valeur ajoutée totale. U P σ + σ = 1. ( ) De la même façon, on peut définir la contribution globale de l informatisation et des nouvelles technologies à l évolution des prix par : U U P ( K K ) ( K ) P P P log P + log P log PGF INF INF INF KINF U σ π σ π (4) (6) (7) (8) (5) 97

tique occuperait encore une place nettement moindre dans la combinaison productive en France, ce qui expliquerait, en grande partie, sa faible contribution à la croissance. Dans cet article, la contribution du capital informatique à la croissance est mesurée à partir de données individuelles d entreprises agrégées par secteur d activité (cf. annexe). Le champ de l étude est différent de celui de Mairesse et al. (2000b), puisque les données proviennent d un échantillon d entreprises (environ 300 000 par an) des secteurs marchands de l industrie et des services, hors secteurs financiers. Cette source présente l intérêt de donner une mesure de l équipement informatique provenant directement des déclarations des entreprises à travers le poste comptable des immobilisations en «matériel de bureau, mobilier et informatique». Ces informations fournissent une alternative intéressante aux évaluations de la comptabilité nationale, même si elles concernent uniquement les ordinateurs et ne comprennent pas l informatique incorporée aux procédés de production. Cette mesure n intègre pas non plus les autres actifs correspondant aux nouvelles technologies de l information et de la communication (NTIC) tels que les logiciels ou les matériels de communication, qui sont pris en compte dans les études américaines et françaises basées sur la comptabilité nationale (Mairesse et al., 2000b). Il convient de noter les hypothèses sur lesquelles reposent l évaluation du stoc de capital informatique présentée ici. D une part, le poste comptable «matériel de bureau, mobilier et informatique», utilisé pour mesurer le capital informatique, contient d autres types d actifs. La part du capital informatique dans ce poste est fixée à 50 % sur la base d informations tirées de la comptabilité nationale. D autre part, pour reconstituer des séries de capital au coût de renouvellement à partir de postes comptables enregistrés aux coûts historiques, il est nécessaire d effectuer des hypothèses concernant la durée de vie du capital informatique et certaines approximations liées au fait qu on ne dispose pas de séries d investissements (cf. annexe). La contribution du capital informatique à la croissance et à l évolution des prix Les entreprises ont rapidement accumulé du capital informatique au cours des dix dernières années. Ceci explique qu en dépit de la place encore marginale qu il occupe dans la combinaison productive, le capital informatique contribue fortement à la croissance de la valeur ajoutée. Sur la période 1987-1998, l accumulation de capital informatique a apporté une contribution de 0,3 point à la croissance, évaluée à 2,6 % en moyenne annuelle. D autre part, l utilisation de ce facteur a permis de limiter les coûts de production et donc le taux de croissance des prix. Ainsi, la baisse du prix des ordinateurs a apporté une contribution négative de 0,3 point à la croissance des prix, évaluée à 1,4 % en moyenne annuelle sur la période. L importance croissante du capital informatique dans la combinaison productive Dans le cadre théorique de la comptabilité de la croissance, le poids d un facteur dans la combinaison productive est évalué par la part de sa rémunération dans la valeur ajoutée (cf. encadré 1). La rémunération du capital informatique représente, en 1998, 1,8 % de la valeur ajoutée. Cette part a régulièrement crû, malgré des fluctuations procycliques. Ainsi en 1984, elle n était que de 1,2 %. Cette évolution traduit l importance croissante de l informatique au sein du système productif. Cette part reste néanmoins très faible relativement à celles des autres facteurs de production (cf. tableau 1). On retrouve des résultats bien connus concernant la place respective du travail et du capital dans leur ensemble. Le travail représente ainsi environ les deux tiers de la valeur ajoutée. Le niveau de qualification le plus élevé représente un peu plus de la moitié de la part de la rémunération du travail et le plus bas approximativement un sixième. Les installations techniques représentent un peu moins des deux tiers de la rémunération du capital, les bâtiments, constructions et installations générales en représentent un tiers. Seulement 5 % de la rémunération du capital est consacrée à l informatique. Le stoc de capital informatique a très fortement augmenté en volume sur la période 1987-1998. Son taux de croissance annuel est estimé à près de 20 % (cf. tableau 1). La forte évolution du stoc de capital informatique est liée à l augmentation massive des achats d ordinateurs par les entreprises, rendue possible par la baisse des prix, et à l amélioration des performances des ordinateurs prise en compte ici grâce à l utilisation d un indice de 98

prix hédonique (cf. encadré 2). La méthode hédonique consiste, pour l essentiel, à retrancher de l évolution des prix unitaires une composante correspondant à l amélioration de la qualité perçue par les utilisateurs. L indice de prix utilisé ici est donc calculé à qualité constante. Les performances des ordinateurs s étant considérablement accrues en vingt ans, la baisse du prix des ordinateurs est très vive sur toute la période (Cette, Mairesse et Kocoglu, 2000a). Le taux de croissance du capital informatique traduit donc la forte augmentation des services rendus par des ordinateurs de plus en plus puissants. Pour les autres facteurs de production, on retrouve des résultats standards : le capital a augmenté beaucoup plus vite que le travail sur la période 1987-1998. Le taux de croissance annuel des effectifs est estimé à 0,9 %. Il recouvre des évolutions très différentes par qualification. Les effectifs très qualifiés ont fortement augmenté, au rythme annuel de 2,8 %, alors que ceux des non qualifiés ont diminué. Cette évolution de la part des effectifs très qualifiés améliore la qualité du facteur travail (+ 0,5 %). L accumulation du capital informatique contribue pour 0,3 point de croissance par an La décomposition de la croissance au niveau agrégé est présentée dans le tableau 2. Pour une croissance de 2,6 % en moyenne annuelle sur la période 1987-1998, la contribution du travail dans son ensemble est de 1,0 point et celle du capital de 1,2 point. La partie résiduelle, correspondant aux gains de productivité globale des facteurs (PGF) est, quant à elle, de 0,4 %. La contribution du capital informatique à la croissance est importante. Elle est évaluée à 0,3 point de croissance par an, en moyenne. Elle représente près du quart de celle de l ensemble du capital. Elle est donc relativement élevée, surtout en regard du faible poids des ordinateurs dans la combinaison productive. Cela est dû à la très vive progression en volume de ce facteur de production. Le volume des deux autres biens de capital a, quant à lui, progressé beaucoup moins rapidement si bien que leurs contributions à la croissance sont d un ordre de grandeur comparable. La décomposition primale peut également être utilisée pour calculer la contribution du capital informatique à la croissance de la productivité du travail (cf. encadré 1). Celle-ci a progressé de 1,7 % en moyenne sur la période 1987-1998 (cf. tableau 3). Dans cette croissance, 0,3 point s explique par la progression du capital informatique par tête. La contribution de la progression de l intensité capitalistique dans son ensemble est de 0,9 point et l essentiel de cette contribution est liée aux installations techniques (0,6 point). Enfin, les gains de productivité du travail sont aussi liés à une élévation de la qualité du travail (0,4 point) et aux gains de PGF (0,4 point). L évaluation de la contribution du capital informatique à la croissance est sensiblement plus forte que celle d autres études sur données fran- Tableau 1 Facteurs de production sur la période 1987-1998 En % Part dans la Taux de croissance annuel valeur ajoutée Volume des facteurs Coût des facteurs Travail 68,2 1,4 2,0 dont :Taux de croissance des effectifs 0,9 Amélioration de la qualité du travail 0,5 Non qualifiés 9,5-0,6 0,7 Qualifiés 23,5 0,4 3,0 Très qualifiés 35,1 2,8 2,5 Capital 31,8 3,7-0,3 Constructions, bâtiments et installations générales 10,5 1,3 1,4 Installations techniques 19,6 3,8 0,0 Informatique 1,7 19,4-15,1 Lecture : il s agit de parts et de taux de croissance annuels moyens. Champ : entreprises non financières non agricoles. 99

Encadré 2 L INDICE DE PRIX DU MATÉRIEL INFORMATIQUE Le secteur de la production d équipement informatique a connu au cours des dernières décennies des gains de productivité considérables et, simultanément, des baisses de prix importantes. Le prix de l investissement en matériel informatique a ainsi baissé de près de 13,5 % par an sur la période 1978-1998. Il a été divisé par deux en moyenne tous les quatre ans, alors que le prix des installations techniques a crû au rythme annuel moyen de 2,3 % sur la même période. La méthode des prix hédoniques La mesure des prix dans le secteur informatique a fait l objet de travaux importants destinés à prendre en compte l amélioration de la qualité des produits, de telle sorte que le volume mesuré reflète bien l augmentation des services rendus par les équipements informatiques. On utilise pour cela la méthode des prix dits hédoniques (Griliches, 1971). Ce type d indice n est construit par l Insee que depuis 1990 (Moreau, 1991). Il ne diffère pas sensiblement de l indice des prix américains calculé suivant des méthodes similaires par le Bureau of Economic Analysis (BEA), du moins jusqu en 1995 (1). Pour la construction des séries de capital, il est nécessaire de disposer d une série de prix du matériel informatique sur une période longue. On a construit un indice composite sur la base des résultats obtenus par le BEA qui calcule ce type d indice depuis le milieu des années 70. L indice est défini comme celui du BEA en ajoutant la moitié des variations de change avant 1990 (2). Il est ensuite raccordé à l indice de la comptabilité nationale à partir de 1990. La série obtenue est enfin lissée par une moyenne mobile sur trois ans. La chute du prix du matériel informatique au cours des 25 dernières années (cf. graphique) reflète le progrès technique réalisé dans le domaine de l informatique et les améliorations considérables des ordinateurs. Le rythme de la baisse du prix du matériel informatique ainsi construit est à peu près constant sur l ensemble de la période. Il est d environ - 13,5 % par an. 1. Il semble, à partir de cette date, que l indice des prix américain décroisse plus vite que l indice français. Pour plus de détails, voir (Lequiller, 2000). 2. Un effet dollar a été ajouté à l indice du BEA pour tenir compte de la domination des États-Unis dans le domaine de fabrication des ordinateurs. On suppose néanmoins que les variations du change ne sont pas répercutées intégralement sur les prix des importations d ordinateurs. C est pourquoi on a choisi de n ajouter qu une partie des variations du change. Pour plus de détails, voir (Berthier, 1998). C est également la procédure suivie par Mairesse et al. (2000b). Évolution de l indice des prix du matériel informatique de 1978 à 1998 Logarithme du prix de l'informatique 1,25 0,75 0,25-0,25 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998-0,75-1,25 Lecture : logarithme de l indice de prix du matériel informatique calculé à partir de l indice de la comptabilité nationale après 1990, et à l aide de l indice du BEA avant. Indice basé à 1 en 1990. Sur le graphique figure également la droite de tendance sur l ensemble de la période 1978-1998. Source : Insee après 1990, BEA avant. 100

çaises qui donnent des estimations comprises entre 0,1 et 0,2 point (cf. encadré 3). Cette différence provient, pour l essentiel, d évaluations différentes de la part de l informatique dans la combinaison productive, qui tient à l utilisation d informations différentes. Quant à l évolution du capital informatique, toutes les études sur données françaises trouvent une très forte accumulation au cours des quinze dernières années, de l ordre de 20 % par an. Les estimations sur données américaines donnent des contributions plus fortes, s échelonnant de + 0,2 à + 0,6 point durant les années 90. Elles semblent indiquer de plus une accumulation beaucoup plus vive du matériel informatique sur la seconde moitié des années 90, qui résulte en grande partie de la baisse plus rapide du déflateur utilisé dans ces études (cf. encadré 3). Une estimation comptable du surplus de croissance Pour estimer comptablement le surplus lié à l accumulation de capital informatique, on compare la croissance observée avec ce qu elle aurait été si le capital informatique avait crû au même rythme que les autres biens de capital (cf. équation 3 de l encadré 1). On peut évaluer ce taux de croissance à 2,9 % par an. L écart de croissance entre le capital informatique et les autres formes de capital est alors de 16,6 %, ce qui, compte tenu de la part de 1,7 % de l informatique dans la valeur ajoutée, conduit à un surplus de croissance important, de 0,3 point sur la période 1987-1998. Cette définition comptable du surplus est évidemment très réductrice. En particulier, si le capital informatique avait crû au même rythme que les autres biens de capital, il y aurait certai- Tableau 2 Décomposition de la croissance sur la période 1987-1998 Valeur ajoutée Prix Taux de croissance 2,60 1,44 En % Contribution du travail 0,97 1,64 Non qualifiés - 0,07 0,07 Qualifiés 0,08 0,71 Très qualifiés 0,96 0,85 Contribution du capital 1,19-0,07 Constructions, bâtiments et installations générales 0,12 0,15 Installations techniques 0,74 0,02 Informatique 0,32-0,25 Taux de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) 0,44 0,12 Lecture : il s agit des évolutions annuelles moyennes. Champ : entreprises non financières non agricoles. Tableau 3 Décomposition de la croissance de la productivité apparente du travail sur la période 1987-1998 Taux de croissance de la valeur ajoutée 2,60 - Taux de croissance des effectifs 0,91 - Taux de croissance de la productivité du travail 1,69. Amélioration de la qualité du facteur travail 0,36. Contribution de l'intensité capitalistique 0,88 Constructions, bâtiments et installations générales 0,03 Installations techniques 0,55 Informatique 0,31 Taux de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) 0,44 En % Lecture : évolutions annuelles moyennes. Champ : entreprises non financières non agricoles. 101

nement eu moins de substitution entre capital informatique et autres biens de capital si bien que ceux-ci auraient alors augmenté plus vite que cela n a été le cas. Prendre en compte ou non l hétérogénéité des biens de capital Les gains de PGF obtenus sont faibles par rapport à ceux d autres études. Ainsi, à titre d exemple Accardo et al. (1999) trouvent des gains de PGF de l ordre de 0,8 % en moyenne annuelle sur la période 1990-1997 (3). Outre l utilisation de données différentes, cette différence peut trouver son origine dans la distinction du capital infor-matique des autres facteurs de production. Tel que défini dans le cadre théorique de la comptabilité de la croissance, le taux de croissance du capital est une moyenne pondérée des taux de croissance de chaque élément le composant, avec pour poids les parts relatives de chacun d eux dans le coût total du capital (cf. équation (5) de l encadré 1). En revanche, quand on ne distingue pas les biens de capital entre eux, le taux de croissance peut 3. Cette valeur correspond aux estimations de la PGF quand les auteurs ne prennent pas en compte la structure de qualification de la main-d œuvre. Encadré 3 UNE COMPARAISON AVEC D AUTRES ÉTUDES FRANÇAISES ET AMÉRICAINES Les résultats présentés ici sont comparables à plusieurs travaux basés sur le cadre théorique de la décomposition de la croissance. Données individuelles d entreprises ou comptabilité nationale : des différences qui tiennent à la source utilisée L évaluation de la contribution du capital informatique à la croissance est sensiblement plus forte que celle d autres études sur données françaises (Mairesse et al., 2000b ; Shreyer, 2000) qui donnent des estimations comprises entre 0,1 et 0,2 point (cf. tableau A) (1). Cette différence provient pour l essentiel d évaluations différentes de la part de l informatique dans la combinaison productive. Celle-ci est estimée à 0,4 % par Mairesse et al. (2000b) alors qu elle est de 1,7 % selon nos calculs. Ces dif-férences trouvent, en partie, leur origine dans l utilisation d informations différentes. Les deux études citées sont en effet basées sur les données de la comptabilité nationale alors que l étude présentée ici repose sur l agrégation de données individuelles d entreprises. Ces études ont néanmoins pour point commun de mettre en évidence un niveau relativement faible de la part de l informatique dans la valeur ajoutée et une augmentation tendancielle de cette part qui transparaît aussi à travers les données utilisées ici (cf. graphique I). Toutes les études sur données françaises trouvent également une très forte accumulation de capital informatique au cours des dix dernières années, de l ordre de 20 % par an. C est essentiellement parce que l on observe une très forte baisse du prix des équipements informatiques (cf. encadré 2), que le taux de croissance des services rendus par les ordinateurs est si fort et la contribution importante. Les comparaisons avec les estimations américaines restent difficiles Des incertitudes quant à l évaluation de la part de l informatique transparaissent également dans les études sur données américaines (cf. tableau B). Il est donc délicat de comparer les parts en niveau entre ces deux pays. Ces parts apparaissent néanmoins croissantes dans toutes ces études ainsi que dans nos estimations, ce qui reflète l importance grandissante de l informatique dans la combinaison productive aussi bien en France qu aux États-Unis. Les estimations sur données américaines semblent de plus indiquer une augmentation beaucoup plus vive du rythme d accumulation du capital informatique sur la seconde moitié des années 90 qui résulte en grande partie de la baisse plus rapide du déflateur utilisé dans ces études. Ainsi, la baisse de l indice de prix de l investissement en matériel informatique utilisé par Jorgenson et Stiroh (2000) est d environ - 15 % sur la période 1990-1995, soit assez proche de celle que nous avons (- 13,5 % sur la période 1987-1998). Elle atteint, en revanche, près de - 30 % sur la période 1995-1998, ce qui contribue à renforcer le taux de croissance mesuré des équipements informatiques. Ces très fortes estimations pour la seconde moitié des années 90 sont en outre sous-estimées selon Whelan (2000). Ce dernier montre en effet qu elles ne prennent pas en compte la faiblesse du taux de déclassement physique des ordinateurs et l obsolescence technologique rapide des matériels qui conduit les entreprises à renouveler leur stoc de capital informatique. Ceci le conduit à des estimations plus élevées du stoc de capital informatique ainsi qu à une contribution à la croissance plus forte, de l ordre de 0,82 point sur la période 1996-1998. 1. En fait, les évaluations de Shreyer (2000) correspondent à la contribution du capital informatique, mais aussi du matériel de télécommunication. La contribution qu il obtiendrait pour le capital informatique uniquement (non disponible) semble donc très proche de celle de Mairesse et al. (2000b). 102

être approximé par une moyenne pondérée des taux de croissance de chaque composante du capital, mais avec pour poids les parts des éléments de capital dans le stoc total de capital (cf. équation (6) de l encadré 1). Or le coût d usage du capital informatique est beaucoup plus élevé que celui des autres biens de capital du fait de sa dépréciation rapide et de la forte baisse du prix des ordinateurs (4), si bien que le poids correspondant au taux de croissance du capital informatique est plus élevé quand on prend en compte l hétérogénéité des biens de capital. Ne pas distinguer le capital informatique des autres biens de capital conduit donc à un taux de croissance global du capital plus faible (5). Le taux de croissance de la PGF est par conséquent plus fort lorsqu on ignore l hétérogénéité des biens de capital. On peut avoir une idée de l ampleur des différences entre ces deux définitions en reprenant la décomposition de la croissance d une part sans distinguer le capital informatique du matériel de bureau et mobilier, et d autre part sans distinguer les biens de capital entre eux. Quand on mélange matériel informatique et matériel de bureau et mobilier, les gains de PGF augmentent sensiblement de 0,44 % à 0,48 %. Quand on ignore complètement l hétérogénéité des différents biens de capital, le taux de croissance du capital informatique est fortement diminué car mêlé à un grand nombre de biens dont le poids est important si bien que les gains de PGF passent de 0,44 % à 0,71 %. On obtient donc des évaluations très proches de ce qui est en général obtenu dans les études ne distinguant pas les différents types de capital. 4. Pour fixer un ordre de grandeur, on calcule le coût d usage correspondant à 100 francs placés en capital informatique et 100 francs placés en un autre bien de capital à partir d un taux d intérêt de 10 %. Avec les notations de l encadré 1, on a : ckinf KKINF ( r+ δ p p) pkkinf = ( 01. + 02. + 0135. ) 100 = 435. c K 01. + 01. 001100. = 19 KAUT AUT ( ) 5. Utiliser un déflateur unique pour tous les biens de capital conduit sans doute à fortement sous-estimer le taux de croissance du capital informatique du fait de la baisse très rapide du prix des ordinateurs. L erreur effectuée en utilisant un déflateur commun pour le capital informatique et les autres biens de capital contribuerait donc à amplifier la sous-estimation du taux de croissance de l agrégat de capital de façon importante. Encadré 3 (suite) Tableau A Évaluations pour la France* En % Tableau B Évaluations pour les États-Unis* Mairesse, Cette et Kocoglu (2000b) (1) Shreyer (2000) (2) 1969-1979 1979-1989 1989-1999 1980-1985 1985-1990 1990-1996 Part de la rémunération du capital informatique 0,4 0,4 0,5 0,3 0,9 0,9 Taux de croissance du capital informatique 30,1 31,1 22,6 nd nd nd Contribution à la croissance du capital informatique 0,11 0,13 0,10 0,17 0,23 0,17 1. Concerne seulement le matériel informatique. 2. Concerne non seulement le matériel informatique, mais aussi le matériel de communication. * Il s agit de données annuelles moyennes. Sources : Mairesse et al. (2000b), tableaux 3,4 et 5 ; Shreyer (2000), tableau 4. Jorgenson et Stiroh (2000) Oliner et Sichel (2000) En % 1973-1990 1990-1995 1995-1998 1974-1990 1991-1995 1996-1999 Part de la rémunération du capital informatique nd 1,0 1,3 1,0 1,4 1,8 Taux de croissance du capital informatique nd 18 34 31 18 36 Contribution à la croissance du capital informatique 0,20 0,19 0,46 0,27 0,25 0,63 * Il s agit de données annuelles moyennes. Sources : Jorgenson et Stiroh (2000) ; Oliner et Sichel (2000). 103

L affaiblissement considérable de la productivité globale des facteurs quand on prend en compte l hétérogénéité des facteurs de production est un résultat classique. À titre d exemple, la mesure du taux de croissance de la PGF dans Accardo et al. (1999) est très sensible à la correction que les auteurs introduisent pour tenir compte de l hétérogénéité du facteur travail puisqu elle passe de + 0,8 % à - 0,5 % sur la période 1990-1997 selon qu elle est ou non prise en compte. La baisse du prix du matériel informatique diminue de 0,3 point le taux de croissance du prix de la valeur ajoutée De la même façon que pour la décomposition de la croissance de la valeur ajoutée (approche primale), l évolution du prix de la valeur ajoutée peut être décomposée en fonction de l évolution du coût des différents facteurs et des gains de productivité globale selon l approche duale (cf. encadré 1). La diffusion des ordinateurs a contribué à modérer l inflation de façon substantielle, en modérant la progression des coûts de production. De fait, le coût du capital informatique a baissé de plus de 15 %, en moyenne annuelle, sur la période 1987-1998 (cf. tableau 1). Malgré la faible part du capital informatique dans la combinaison productive, il en résulte une contribution négative et substantielle évaluée à 0,3 point, pour une croissance globale des prix de 1,4 % (cf. tableau 2) (6). Le coût global des facteurs croît, en moyenne, de 1,6 %. Cette hausse s explique par celle du coût du travail qui apporte une contribution de 1,6 point à l élévation du coût global des facteurs. Le coût total du capital apporte une contribution globalement négative, qui est liée à la baisse du coût du capital informatique d une part et à la faible progression du coût des autres formes de capital d autre part. Comme dans la décomposition primale, on peut définir le surplus de baisse des prix en comparant l évolution du coût de l informatique à celle du coût des autres biens de capital (cf. équation 4 de l encadré 1). Compte tenu de la faible évolution du prix des autres biens de capital, cette quantité n est pas sensiblement différente de la contribution de l informatique à la croissance des prix. Ainsi, si le prix de l informatique avait crû au même rythme que le prix des autres biens de capital, l inflation aurait été de 1,7 % au lieu des 1,4 % observés. La baisse du prix des ordinateurs a donc contribué de façon non négligeable à limiter la progression globale des prix. Le rôle particulier des secteurs producteurs des NTIC La contribution de l informatisation à la croissance de l économie ne tient pas seulement à sa diffusion dans les secteurs utilisateurs. Pour certains auteurs (Gordon, 2000), cette diffusion est même négligeable, l essentiel résultant de l existence de gains de productivité globale des facteurs importants dans les secteurs qui produisent les nouvelles technologies. Il est donc utile d effectuer les analyses précédentes séparément sur les secteurs producteurs des NTIC et sur les autres secteurs, appelés secteurs utilisateurs. Dans cette approche, on examine le rôle du matériel informatique en tant que facteur de production via les effets de diffusion dans tous les secteurs et en tant que produit du processus de production via les gains de productivité dans les secteurs producteurs (7). Les gains de PGF dans les secteurs producteurs des NTIC ont été très importants, de 5,2 % selon l approche primale et de 5,8 % selon l approche duale sur la période 1987-1998. Ils ont apporté une contribution substantielle à la croissance au niveau agrégé sur la période 1987-1998, de 0,4 point pour une croissance de 2,6 %. La diffusion de l informatique a également apporté une contribution importante évaluée à 0,3 point. L un dans l autre, gains de productivité globale et diffusion de l informatique expliquent 0,7 point des 2,6 % de croissance sur la période 1987-1998. De même, la contribution globale de l informatisation à l évolution des prix sur la période est importante : elle est évaluée à - 0,7 point pour une progression modérée des prix de 1,4 % en moyenne annuelle, là encore les deux tiers pouvant être imputés à des évolutions trouvant leur origine dans les secteurs producteurs. 6. La PGF évaluée avec l approche duale (0,1 %) est sensiblement plus faible que celle évaluée avec l approche primale (0,4 %). Cette différence entre les évaluations de la PGF suivant les deux approches a été fréquemment rapportée et commentée. Roeger (1995) montre qu elle peut être liée à une concurrence imparfaite sur le marché des produits. 7. On ne se limite pas aux seuls secteurs producteurs de matériel informatique. On considère aussi les secteurs producteurs des autres NTIC. Une approche complète examinerait le rôle des NTIC (et pas seulement du matériel informatique) en tant que facteur de production. On ne dispose cependant pas de données sur les autres NTIC utilisées dans les entreprises. 104

Distinguer secteurs producteurs et utilisateurs ne modifie pas la contribution de l accumulation de capital informatique à la croissance (0,3 point) par rapport aux évaluations sur l ensemble de l économie. Elle permet, en revanche, de chiffrer la contribution des gains de productivité dans les secteurs producteurs (0,4 point). Des secteurs qui produisent surtout des services informatiques Les secteurs producteurs des NTIC ne se limitent pas aux secteurs produisant le bien de capital spécifique qu est l informatique. Ils incluent plusieurs secteurs des services. On retient la même définition que Berthier (2000) qui classe les secteurs producteurs des NTIC selon trois filières : la filière informatique proprement dite qui regroupe la fabrication et le commerce des machines de bureau et de matériel informatique plus les activités de services informatiques ; la filière électronique (fabrication de composants électroniques et de matériels électriques, d appareils de mesure et de contrôle, de réception et d enregistrement) et la filière télécommunication (fabrication d appareils et activités de télécommunication). La part de ces secteurs dans la valeur ajoutée totale sur le champ retenu ici est relativement stable de 1987 à 1998. Elle est de 7,6 % en moyenne sur cette période. Utilisant les données de la comptabilité nationale, Berthier (2000) trouve un poids de ces secteurs dans la valeur ajoutée totale de 4,8 %, compatible avec cette évaluation. De fait, le champ retenu ici est plus restreint que celui de Berthier. Il ne comprend que les secteurs privés hors secteurs agricoles et financiers, dont le poids dans la valeur ajoutée totale estimé à partir des données de la comptabilité nationale est de 64 % en moyenne sur la période d étude. On retrouve donc approximativement le même poids pour les secteurs des NTIC que Berthier quand on tient compte de cette différence (0,64 x 7,6 % = 4,9 %). Au sein des secteurs producteurs des NTIC, le secteur des services informatiques est le plus gros en termes de valeur ajoutée. Il représente 25 % de la valeur ajoutée de l ensemble des secteurs producteurs des NTIC en moyenne sur la période 1987-1998. Le secteur de fabrication d ordinateurs vient en second avec une part de 19 %. L appareil productif français est donc plutôt positionné sur la production de services informatiques que sur celle d ordinateurs. Une main-d œuvre très qualifiée dans des secteurs où l informatique occupe une place importante Les parts de la rémunération de chaque facteur dans la valeur ajoutée sont différentes entre secteurs producteurs et secteurs utilisateurs (cf. tableau 4). Les secteurs producteurs sont beaucoup plus intensifs en main-d œuvre très qualifiée et en informatique que les secteurs utilisateurs. La plupart des facteurs de production ont crû plus fortement dans les secteurs producteurs de nouvelles technologies. Toutefois, contrairement à ce qu on aurait pu attendre, l accumulation de capital informatique y a été légèrement moins vive que dans les secteurs utilisateurs. Ce sont les installations techniques et l emploi qualifié qui ont assuré l essentiel de la croissance des facteurs dans les secteurs producteurs. On remarque, en outre, que dans ces secteurs, l emploi non qualifié a connu une baisse considérable (- 3,3 %). Des gains de productivité très élevés dans les secteurs producteurs La décomposition de la croissance de la valeur ajoutée et des prix dans les secteurs producteurs et les secteurs utilisateurs montre l importance des gains de PGF dans les secteurs producteurs (cf. tableau 5). Selon l approche primale, ils s élèvent en effet à 5,2 % et selon l approche duale à 5,8 %. Ceci tranche nettement avec les gains de PGF dans les secteurs utilisateurs. Ils sont de l ordre de 0,1 % suivant l approche primale et sont négatifs suivant l approche duale. Ainsi, ce sont principalement les gains de productivité qui ont permis aux secteurs producteurs de se développer plus rapidement et de baisser fortement leurs prix. Ces évaluations sont très proches de celles obtenues par Accardo et al. (1999) pour le secteur de construction du matériel électrique et électronique (taux de croissance de la PGF de 6,0 % sur la période 1990-1997), qui comprend, entre autres, les trois secteurs producteurs des NTIC qui ont les gains de PGF les plus élevés (8). 8. Il s agit du secteur de fabrication du matériel informatique et des machines de bureau, du secteur de fabrication de composants électroniques et de fabrication d appareils de réception, et du secteur d enregistrement et de reproduction. 105

Tableau 4 Parts des taux de croissance des facteurs dans les secteurs utilisateurs et producteurs de NTIC En % Part des facteurs Taux de croissance Taux de croissance du volume des facteurs du coût des facteurs Utilisateurs Producteurs Utilisateurs Producteurs Utilisateurs Producteurs Travail 67,9 72,7 1,35 2,63 2,4 2,3 Dont : Taux de croissance des effectifs 0,86 1,71 Amélioration de la qualité du travail 0,49 0,92 Non qualifiés 9,9 4,7-0,52-3,25 0,7 0,4 Qualifiés 24,0 17,1 0,36 0,56 3,0 2,1 Très qualifiés 33,9 50,9 2,65 3,88 2,5 2,6 Capital 32,1 27,3 3,67 4,60-0,2-1,1 Constructions, bâtiments et installations générales 10,8 6,5 1,38-1,34 1,4 2,6 Installations techniques 19,8 17,5 3,70 4,48 0,0 0,1 Informatique 1,5 3,3 19,90 16,73-15,1-14,9 Lecture : il s agit de parts et de taux de croissance annuels moyens. Champ : entreprises non financières non agricoles. Tableau 5 Contribution de l'informatique à la croissance de la valeur ajoutée et des prix dans les secteurs producteurs et utilisateurs En % Décomposition à la croissance Décomposition de la de la valeur ajoutée croissance des prix Utilisateurs Producteurs Utilisateurs Producteurs Taux de croissance de la valeur ajoutée ou des prix 2,13 8,28 1,91-4,32 Travail 0,90 1,89 1,63 1,62 Non qualifiés - 0,07-0,16 0,08 0,03 Qualifiés 0,08 0,08 0,74 0,36 Très qualifiés 0,89 1,96 0,81 1,24 Capital 1,18 1,24-0,06-0,18 Constructions. bâtiments. et installations générales 0,14-0,08 0,15 0,21 Installations techniques 0,73 0,77 0,02 0,09 Informatique 0,30 0,55-0,23-0,48 Taux de croissance de la PGF 0,05 5,15-0,34 5,76 Lecture : il s agit d évolutions annuelles moyennes. Champ : entreprises non financières non agricoles. Tableau 6 Contribution globale de l'informatisation à la croissance sur la période 1987-1998 En % Valeur ajoutée Prix Taux de croissance 2,60 1,44 Contribution globale 0,71-0,69 Utilisateurs (92,4 % de la VA) 0,28-0,21 Producteurs (7,6 % de la VA) 0,43-0,47 dont : Informatique 0,04-0,04 PGF 0,39-0,44 Lecture : il s agit d évolutions annuelles moyennes. Champ : entreprises non financières non agricoles. 106

Une autre différence importante concerne le rôle de l informatique : il est systématiquement plus important dans les secteurs producteurs que dans les secteurs utilisateurs, avec une contribution double dans les premiers. Ainsi, la contribution de l accumulation de capital informatique à la croissance est de 0,3 point dans les secteurs utilisateurs et de près de 0,6 point dans les secteurs producteurs. De même, la contribution à l évolution de la baisse des prix du coût du capital informatique est de - 0,2 point dans les secteurs utilisateurs et de - 0,5 point dans les secteurs producteurs. Une contribution globale importante de l informatisation Dans les secteurs utilisateurs, la contribution de l informatisation à la croissance est définie comme précédemment à partir de la part de la rémunération du capital informatique dans la valeur ajoutée et du taux de croissance du capital informatique : elle représente l effet sur la croissance de la diffusion du capital informatique dans ces secteurs. En revanche, dans les secteurs producteurs, il convient d ajouter aux effets de diffusion le taux de croissance de la PGF puisqu il représente les progrès techniques importants réalisés dans le domaine des nouvelles technologies. On peut alors déterminer une contribution globale de l informatisation à la croissance en sommant ces différentes composantes, pondérées par la part de ces deux groupes de secteurs dans la valeur ajoutée totale (cf. équation 7 de l encadré 1). On parvient ainsi à une contribution à la croissance très substantielle, de 0,7 point, pour une croissance de 2,6 % (cf. tableau 6). Une part importante de cette contribution correspond aux gains de PGF dans les secteurs producteurs (0,4 point). La contribution de la diffusion du capital informatique n est pas négligeable pour autant, puisque tous secteurs confondus elle s élève à 0,3 point, soit un peu moins que la contribution des gains de PGF réalisés dans les secteurs producteurs. Ainsi, bien que les effets de diffusion du capital informatique soient deux fois plus forts dans les secteurs producteurs (0,55 point contre 0,30 point), les distinguer des secteurs utilisateurs ne modifie pas la contribution de l accumulation de capital informatique à la croissance. Ceci résulte de la part limitée dans la valeur ajoutée totale des secteurs producteurs sur le champ de l étude (7,6 %). En revanche, en dépit de cette faible part dans la valeur ajoutée, les secteurs producteurs apportent une contribution substantielle à la croissance du fait de leurs gains de productivité globale très élevés. De la même façon, on peut définir la contribution globale de l informatisation à l évolution des prix (cf. équation 8 de l encadré 1). Les gains de productivité globale réalisés dans les secteurs producteurs auraient permis de modérer la croissance des prix de 0,4 point, la baisse du coût du capital informatique permettant une modération de l inflation de 0,3 point. Le processus d informatisation et le progrès technique dans le domaine des NTIC auraient donc permis de réduire de façon substantielle l inflation, de 0,7 point pour une inflation de 1,4 % sur la période 1987-1998. Des secteurs plus dynamiques que les secteurs utilisateurs La décomposition comptable de la croissance en termes de productivité du travail montre que les secteurs producteurs des nouvelles technologies ont été beaucoup plus dynamiques que les secteurs utilisateurs. Le taux de croissance de la valeur ajoutée des secteurs producteurs est de plus de 8 % alors que celui des secteurs utilisateurs est de 2,1 % sur la période 1987-1998 (cf. tableau 7). Cette croissance résulte avant tout d une très forte augmentation de la productivité du travail dans les secteurs producteurs, elle-même liée au fort taux de croissance de la PGF. Ceci confirme donc que les secteurs producteurs profitent depuis un certain temps des progrès techniques effectués dans le domaine des nouvelles technologies, qui leur ont permis de fortement accroître la productivité de leurs travailleurs. Par ailleurs, la décomposition de la croissance montre également que les secteurs producteurs des NTIC sont plus dynamiques en termes d emploi. Le taux de croissance des effectifs y est de 1,7 % alors qu il n est que de 0,9 % pour les secteurs utilisateurs. Seuls les travailleurs les plus qualifiés ont cependant bénéficié de ce dynamisme de l emploi puisque les effectifs des deux autres qualifications ont stagné ou diminué dans les secteurs producteurs (cf. tableau 4). 107

Les effets de diffusion sont concentrés dans quelques secteurs Si les effets de gains de PGF sont concentrés dans un petit nombre de secteurs, les secteurs producteurs des NTIC, il est aussi intéressant d analyser l hétérogénéité des effets de diffusion entre les secteurs utilisateurs. La diffusion de l informatique n a pas touché tous les secteurs de l économie de la même façon. L exploitation des données à un niveau sectoriel fin (2 chiffres de la nomenclature) pour les secteurs utilisateurs montre en effet que l essentiel des effets de diffusion est concentré dans quelques secteurs fortement contributeurs. Les poids des facteurs dans la combinaison productive mesurés par la part de leur rémunération dans la valeur ajoutée, varient beaucoup d un secteur à l autre. Ils sont relativement stables sur la période 1984-1998. Pour chaque facteur, la part de la variance totale expliquée par les différences intersectorielles est en effet très forte, proche de 90 % (cf. tableau 8). Seuls 10 % de cette variance résulte des variations dans le temps. Le capital informatique est le facteur de production pour lequel la part dans la valeur ajoutée a le plus varié dans le temps. La moyenne est effectivement passée de 1,2 % en 1984 à 1,8 % en 1998 (cf. graphique I). Cette croissance reflète le mouvement d équipement en matériel informatique au niveau agrégé. L évolution de la distribution de la part du capital informatique montre, par ailleurs, que la dispersion de cette part augmente dans le temps : l écart interquartile, d environ 0,9 % en 1984, passe à 1,6 % en 1998. L utilisation de l informatique reste donc marginale dans un grand nombre de secteurs. Ainsi en 1998, la moitié des secteurs avaient une part de l informatique inférieure à 1,3 % et pour le quart d entre eux, elle était inférieure à 1,0 %. L informatique peut être aussi utilisée intensivement : dans le quart des secteurs, la part de l informatique dépasse 2,6 %. Enfin, on note que la distribution de la part de l informatique est fortement asymétrique (la médiane est en effet nettement inférieure à la moyenne), soulignant que l utilisation de l informatique reste le fait d un petit nombre de secteurs. La part du capital informatique dans la valeur ajoutée en 1998 en fonction de sa part en 1984 Graphique I Évolution de la distribution de la part du capital informatique sur la période 1984-1998 (secteur utilisateurs) En % 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Moyenne 3 e quartile 2 e quartile (médiane) 1 er quartile Lecture : sur ce graphique figurent plusieurs statistiques de la distribution de la part de l informatique dans la valeur ajoutée : la moyenne où chaque secteur est pondéré par sa valeur ajoutée, ainsi que les trois principaux quartiles. Champ : entreprises non financières non agricoles, hors secteurs producteurs des NTIC. 108

Graphique II Évolution de la part de l informatique de 1984 à 1998 (secteur utilisateurs) 4,0 Part en fin de période (en %) 3,0 2,0 1,0 0,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 Part en début de période (en %) Lecture : chaque secteur est représenté sur ce graphique par la part de l informatique dans sa valeur ajoutée en début et en fin de période. Champ : entreprises non financières non agricoles, hors secteurs producteurs des NTIC. progresse continûment entre ces deux dates (cf. graphique II). Toutefois, la forte concentration de la distribution des parts vers des valeurs faibles, montre que les secteurs qui utilisaient faiblement l informatique en 1984 n ont que marginalement accru leur recours à l informatique au cours de ces 15 années. En revanche, la part de l informatique a fortement augmenté dans les secteurs qui utilisaient déjà fortement l outil informatique (9). Lorsque l on classe les secteurs par ordre décroissant d intensité de recours à l informatique, la moitié de la contribution globale de l informatique à la croissance est effectuée dans seulement 13 secteurs sur 90, cumulant un peu plus du quart de la valeur ajoutée (cf. graphique III). Il s agit principalement des secteurs du commerce de gros, du commerce de détail, de l industrie pharmaceutique, des services aux professionnels, de la publicité et des études de marché, et de la location sans opérateur (véhicules automobiles, machines et équipements). L essentiel 9. Sauf pour les deux extrêmes dont la part est restée à peu près constante ; il s agit des secteurs «publicité et études de marché» (4 %) et «postes et courrier» (2,5 %). Graphique III Cumul des parts dans la valeur ajoutée en fonction du cumul des parts dans la contribution agrégée du capital informatique à la croissance (secteurs utilisateurs) Cumul des parts dans la valeur ajoutée (en %) 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Cumul des parts dans la contribution agrégée du capital informatique (en %) Lecture : pour obtenir ce graphique, on a calculé pour chaque secteur sa part dans la valeur ajoutée agrégée ainsi que sa part dans la contribution agrégée du capital informatique. Ce sont les cumuls de ces deux parts qui ont été représentés après avoir classé les secteurs de façon croissante en fonction du poids de l informatique dans leur combinaison productive. Champ : entreprises non financières non agricoles, hors secteurs producteurs des NTIC. Source : évaluations à partir de la source fiscale des entreprises soumises au BRN. 109

Tableau 7 Décomposition de la croissance de la productivité apparente du travail sur la période 1987-1998 Utilisateurs Producteurs Taux de croissance de la valeur ajoutée 2,13 8,28 Taux de croissance des effectifs 0,86 1,71 Taux de croissance de la productivité du travail 1,28 6,57 Amélioration de la qualité du facteur travail 0,33 0,66 Contribution de l'intensité capitalistique 0,89 0,75 Const. bât. et inst. géné. 0,04-0,20 Installations spécifiques 0,55 0,46 Informatique 0,29 0,49 Taux de croissance de la PGF 0,05 5,15 En % Lecture : il s agit d évolutions annuelles moyennes. Champ : entreprises non financières non agricoles. Tableau 8 Part dans la valeur ajoutée de la rémunération des différents facteurs de production sur la période 1984-1998 (secteurs utilisateurs) En % Moyenne Écart-type Variance inter Variance intra Travail 68,5 17,5 92,8 7,2 Non qualifiés 10,7 8,3 91,8 8,2 Qualifiés 24,5 11,7 95,8 4,2 Très qualifiés 33,3 12,7 92,7 7,3 Capital 31,5 17,5 92,8 7,2 Constructions bâtiments et installations générales 10,9 8,4 89,2 10,8 Installations techniques 19,2 14,2 94,9 5,1 Informatique 1,4 1,1 86,9 13,1 Lecture : il s agit d évolutions annuelles moyennes. Champ : entreprises non financières non agricoles. de la contribution de l informatique à la croissance trouve son origine dans ces secteurs. De façon analogue, la contribution de l informatique à l évolution des prix est concentrée dans ces mêmes secteurs. * * * L évaluation de la contribution du capital informatique à la croissance a été réalisée dans cet article à partir des comptes et bilans des entreprises. Cette source permet d estimer le stoc de matériel informatique et, sous diverses hypothèses, la contribution du processus d informatisation à la croissance. Deux mécanismes ont été mis en évidence. Le premier repose sur les gains de productivité dans les secteurs producteurs des nouvelles technologies, le second sur les effets de diffusion de ces technologies dans l ensemble de l économie. Les auteurs remercient Claudie Louvot, Guy Laroque, Jacques Mairesse et Françoise Maurel pour leurs suggestions et critiques qui ont largement permis d améliorer la première version de cet article. 110

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ANNEXE DES DONNÉES D ENTREPRISES ISSUES DE SOURCES FISCALES L exploitation de différentes sources fiscales permet de constituer une base sectorielle très riche distinguant le capital informatique des autres biens de capital à un niveau sectoriel fin. Elle permet ainsi d étudier en détail le rôle joué par l informatique sur la période 1984-1998 en prenant en compte à la fois l hétérogénéité des facteurs de production et celle de la combinaison productive entre les secteurs. La source fiscale des entreprises soumises au BRN La décomposition de la croissance est un exercice relativement classique. Toutefois, les études disponibles en France font, en général, l impasse sur l hétérogénéité des biens de capital. Ceci tranche nettement avec les études faites par exemple aux États-Unis, où il est usuel de distinguer plus de 50 formes de biens d investissement (Stiroh, 1998). De fait, il n existe en France que peu d informations sur les différents biens de capital. Dans cet article, l utilisation des comptes des entreprises permet de prendre en compte cette hétérogénéité et de distinguer neuf biens de capital dont le capital informatique. Les données utilisées concernent les entreprises soumises au régime d imposition aux bénéfices réels normaux (BRN) (1) sur la période 1984-1998. L échantillon d entreprises correspondant est très large puisqu il comprend initialement 600 000 entreprises par an en moyenne. Il couvre la quasi-totalité du système productif puisqu il représente environ 90 % des entreprises imposées en termes de chiffre d affaires. Un important travail de nettoyage a été effectué pour tenir compte de l amélioration dans le temps de la qualité d enregistrement des informations dans les BRN (cf. infra). Les informations de la liasse fiscale fournissent une mesure de l activité et de l utilisation des facteurs de production (valeur ajoutée, emploi et stocs de capital). Ces données ont été agrégées à différents niveaux et, lorsque cela était nécessaire, déflatées en utilisant les indices de prix de la base 95 de la comptabilité nationale. Toutefois, l indice de prix de l investissement en matériel informatique utilisé pour la construction des séries de capital informatique est basé, en partie, sur l indice américain produit par le Bureau of Economic Analysis qui est calculé suivant des méthodes hédoniques sur longue période (cf. encadré 2). Mesurer l hétérogénéité du capital Dans les comptes des entreprises, le capital informatique est inclus dans le poste des immobilisations corporelles intitulé «matériel de bureau, mobilier et informatique». En plus des ordinateurs, ce poste comprend le matériel de bureau (machines à écrire, postes téléphoniques, etc.) et le mobilier (bureaux, chaises, etc.). On a retenu qu une fraction de celui-ci pour mesurer le stoc de capital informatique. Celle-ci a été estimée à 50 % à partir des données de la comptabilité nationale relatives à l investissement en chacun des actifs présents dans ce poste au niveau agrégé (Crépon et Hecel, 2000). Cette fraction a été supposée constante sur la période d étude car elle reste stable au niveau agrégé. Les résultats reposent néanmoins fortement sur l évaluation de cette part (2) et sur l homogénéité de celle-ci entre les différents secteurs de l économie (3). Cette mesure n est pas disponible pour l ensemble des liasses fiscales. Les informations détaillées sur les immobilisations sont dépouillées de façon quasi exhaustive pour les plus grandes entreprises et par sondage pour les autres. Des clés de répartition à un niveau sectoriel fin (2 chiffres) ont été construites à partir de ces données détaillées pour ventiler le poste plus vaste des immobilisations qui est disponible pour l ensemble des liasses fiscales, et qui comprend non seulement le poste «matériel de bureau, mobilier et informatique» mais aussi les postes correspondant aux installations générales, aux matériels de transport et aux emballages (4). Enfin, une correction est introduite pour tenir compte de la valorisation des immobilisations dans les comptes des entreprises au coût historique, c est-à-dire à leur coût d acquisition. Cette correction permet de passer du stoc mesuré au coût historique au stoc mesuré aux prix courants. Elle est fonction de l âge moyen et du taux d inflation du bien de capital considéré (5). La méthode plus standard de l inventaire permanent, en général préférée, n a pas été utilisée ici dans la mesure où elle porte sur les flux d investissement et nécessite l utilisation de séries longues indisponibles avant 1984. 1. Le régime des BRN couvre l ensemble des entreprises dont le chiffre d affaires est supérieur à 3,8 millions de francs. Ce régime d imposition représente environ 95 % de l ensemble du chiffre d affaires des entreprises dites des «BIC-IS» (entreprises soumises aux bénéfices commerciaux et à l impôt sur les sociétés), qui correspondent elles-mêmes à 94 % du chiffre d affaires de l ensemble des entreprises imposées. Le chiffre de 95 % a été calculé en 1990, celui de 94 % en 1992. Voir le Guide d utilisation des fichiers Suse3 (1995) pour plus de détails. 2. Hecel (2000) montre, en effet, que la contribution de l informatique à la croissance est relativement sensible à la part de l informatique dans le poste «matériel de bureau, mobilier et informatique» en laissant celle-ci varier entre 50 % et 75 %. 3. Imposer la même part dans le poste «matériel de bureau, mobilier et informatique» pour tous les secteurs n introduit pas de biais sur la mesure du capital informatique au niveau agrégé. En revanche, elle conduit à sous-estimer ce stoc dans les secteurs où cette part est forte et à le surestimer dans ceux où elle est faible. 4. Différentes tentatives de redressement ex post de ces informations ont été effectuées pour tenir compte du fait que les informations utilisées pour calculer les clés de répartition sont disponibles surtout pour les entreprises de grande taille. Elles n ont conduit qu à des changements mineurs conséquence sans doute de la plus grande contribution des grandes entreprises au stoc de capital si bien que les informations brutes non redressées ont été utilisées ici. Pour plus de précisions, se reporter à (Crépon et Hecel, 2000).5. Pour plus de détails sur cette méthode de correction, le lecteur se reportera à (Crépon et Hecel, 2000). 112