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Transcription:

Entreprise & finance Faisant à présent l objet d un cadre légal spécifique en France, les plateformes de crowdfunding ont vu leur nombre exploser ces derniers mois. Face à la diversité des acteurs du secteur et à celle des modes de financement qu ils proposent, il est parfois difficile pour les investisseurs d évaluer le niveau de risque de ce type de placements. Mieux vaut donc prendre quelques précautions Crowdfunding, crowdequity, crowdlending Comment s y retrouver? DOSSIER Il y a un an, la France comptait environ une dizaine de plateformes de crowdfunding. Aujourd hui, on en recense plus de 80! Parallèlement, leurs encours ont également connu une croissance fulgurante. Selon l association Financement Participatif France, les porteurs de projets (entreprises, associations, etc.) ont levé par ce biais 133,2 millions d euros durant le premier semestre 2015, soit presque autant que les 152 millions d euros qu ils avaient récoltés sur l ensemble de l année précédente! Ce mode de financement n intéresse en effet plus s eulement les start-up, mais également des entreprises établies, comme 5àSec et Alain Ducasse Entreprise. La première raison de ce succès tient à l entrée en vigueur d un cadre législatif spécifique à ce secteur le 1 er octobre 2014, qui a contribué à lui donner plus de visibilité. Mais deux autres facteurs expliquent aussi cet engouement. «D une part, de nombreuses entreprises, en particulier les PME, ont vu leur accès au crédit bancaire se dégrader au lendemain de la crise des subprimes, explique Nicolas Lesur, fondateur de la plateforme Unilend et président de l association Financement Participatif France. D autre part, les particuliers ont subi une nette Le crowdfunding n intéresse plus s eulement les start-up, mais également des sociétés comme 5àSec, EDF Energies Nouvelles et Alain Ducasse Entreprise. 14 Option Finance n 1335 - Lundi 5 octobre 2015

diminution du rendement de leur épargne, en raison de la baisse générale des taux d intérêt. Il s agissait donc d un environnement propice au lancement de solutions permettant aux premiers de lever des fonds et aux seconds d accéder à des placements plus rémunérateurs.» Une offre variée Si cette multiplication du nombre de plate formes de crowdfunding offre une réelle alternative de financement à bien des projets en France, elle n est toutefois pas dénuée de risques. Cette abondance d offre a en effet de quoi entraîner une certaine confusion dans l esprit des investisseurs. D abord, ces jeunes sociétés opèrent sous différents statuts juridiques. Elles ne disposent donc ni des mêmes prérogatives ni des mêmes contraintes réglementaires. Pour remédier à cette situation, le cadre législatif entré en vigueur il y a un an a créé deux statuts qui leur sont spécialement dédiés, à savoir celui de conseiller en investissement participatif (CIP) et celui d intermédiaire en financement participatif (IFP). Le premier permet de proposer aux particuliers et aux institutionnels de financer des projets par le biais d actions et d obligations. Le second les autorise quant à lui à mettre en place des prêts entre particuliers et entreprises. Mais cette «homogénéisation» n est toutefois pas totale. EOS Venture et Prêt d Union exercent en effet des activités de crowdfunding alors qu ils sont des prestataires de services d investissement (PSI), tandis qu Unilend fait de même avec un statut de prestataire d établissement de crédit. Soumises à des contraintes réglementaires «Pratiquement aucune plateforme ne publie son chiffre d affaires, son résultat net ou encore sa marge opérationnelle, ce qui rend difficile d évaluer la viabilité de leurs business models.» Jean-Claude Huyssen, directeur des agréments, des autorisations et de la réglementation, ACPR différentes de celles qui concernent les IFP et les CIP, elles disposent également de prérogatives plus étendues (voir encadré ci-dessous). De ce fait, les financements proposés aux investisseurs varient d une plateforme à l autre. Alors que les premiers sites comme My Major Company et Kiss Kiss Bank Bank ne proposaient que des dons, les «crowdfunders» peuvent dorénavant réaliser des placements en «crowdequity» et en «crowdlending». Dans le premier cas, ils entrent au capital d une entreprise avec notamment pour perspective de recevoir des dividendes. Dans le second cas, ils prêtent de l argent à une structure, par le biais de prêts ou d obligations, à un taux d intérêt pouvant être compris, selon le profil de risque de l emprunteur, entre 4 % et 12 %! Les dossiers de financement présentés par les plateformes sont, quant à eux, tout aussi divers. Portant à l origine principalement Des activités encadrées par des statuts juridiques spéciaux La législation sur le financement participatif, entrée en vigueur au 1 er octobre 2014, a permis aux plateformes d exercer sous différents statuts juridiques, en fonction de la nature de leur activité. Le statut de conseiller en investissement participatif (CIP) permet de proposer à des particuliers et à des institutionnels de financer des projets par le biais d actions et d obligations. A ce jour, 25 plateformes l ont choisi, dont Wiseed, Investbook, Anaxago ou encore ClubFunding. Les prérogatives des plateformes diffèrent en fonction de leur statut. Le statut d intermédiaire en financement participatif (IFP) autorise quant à lui les plateformes à mettre en place des prêts entre particuliers et entreprises. Actuellement, 49 plateformes opèrent sous cette raison sociale, comme Lendopolis, Credit.fr et Lendix. Les CIP et les IFP sont enregistrés auprès de l Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance (ORIAS) et soumis respectivement à la supervision de l Autorité des marchés financiers (AMF) et de l Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Ils ne peuvent proposer de financer que des projets dont le montant global ne dépasse pas 1 million d euros. Les investisseurs ne sont pour leur part pas autorisés à allouer plus de 1 000 euros par projet, sauf dans le cas des obligations, non plafonnées. Pour éviter ces contraintes, deux plate formes, EOS Venture et Prêt d Union, ont adopté un autre statut, celui de prestataire de services d investissement (PSI). Grâce à celui-ci, elles peuvent lever jusqu à 5 millions d euros par projet et toucher un public plus étendu. «Nous avons la possibilité d exercer dans tous les pays membres de l Espace économique européen, alors que les CIP et les IFP ne peuvent officier qu en France», explique Stéphane Lubiarz, président-fondateur d EOS Venture. En contrepartie, les PSI sont soumis à des contraintes réglementaires comparables à celles des banques et des sociétés de gestion, et sont supervisées conjointement par l AMF et l ACPR. Cette dernière supervise également Unilend, qui est un prestataire d établissement de crédit fonctionnant sur le modèle des bons de caisse. Option Finance n 1335 - Lundi 5 octobre 2015 15

sur des projets culturels, ceux-ci peuvent désormais concerner tant l achat de nouveau matériel industriel, le développement d un réseau commercial que le lancement d une nouvelle gamme de produits. Quant aux porteurs de ces projets, ils sont également de plus en plus variés. «Si les start-up, les TPE et les PME représentent encore la majorité des sociétés recourant au financement participatif, de plus en plus d ETI et de groupes internationaux, comme Saint Jean Industries et EDF Energies Nouvelles, ont récemment choisi de lever des fonds par ce biais», indique Olivier Goy, président et fondateur de la plateforme Lendix. De nombreux dossiers refusés Mais la principale source de confusion pour les investisseurs tient à la difficulté de savoir comment fonctionnent les sociétés de crowdfunding. D abord, elles se montrent souvent peu transparentes au sujet de leurs processus de sélection des dossiers. Seules quelques plateformes s expriment en effet publiquement à ce sujet. «Dans un premier temps, notre système informatique de scoring examine automatiquement les dossiers que nous recevons par Internet, en se basant sur environ 400 critères, comme le volume d affaires ou les retards de paiement des fournisseurs, illustre Thomas de Bourayne, directeur général de Credit.fr. Cette présélection permet ensuite à nos analystes de se concentrer sur environ 20 % des demandes de financement, soit près d une cinquantaine de dossiers par semaine. Ils les évaluent alors en utilisant à la fois les informations disponibles sur les entreprises, celles qu elles nous communiquent, ainsi que le fichier bancaire des entreprises (FIBEN) «Nous évaluons les dossiers que nous recevons en nous basant notamment sur 400 critères de scoring et sur les informations fournies par le fichier bancaire des entreprises (FIBEN) de la Banque de France.» Thomas de Bourayne, directeur général, Credit.fr de la Banque de France, auquel nous sommes l une des rares plateformes à avoir souscrit.» Surtout, comme la plupart des jeunes entreprises, les sociétés de crowdfunding communiquent très peu d éléments concernant leur situation financière et leurs résultats. Les seules informations disponibles pour évaluer l importance de ces plateformes portent sur le nombre de dossiers pris en charge et le volume d encours. Proximea a par exemple levé à l heure actuelle un peu moins de 2 millions d euros pour le compte de deux entreprises, tandis qu Unilend et Anaxago ont financé respectivement environ 160 et 60 projets, pour des montants totaux aux alentours de 12,75 millions et de 25 millions d euros. «Pratiquement aucune plateforme ne publie son chiffre d affaires, son résultat net ou encore sa marge opérationnelle, constate Jean-Claude Huyssen, directeur des agréments, des auto- Comment se financent les plateformes? Comme la plupart des start-up, les plateformes de crowdfunding démarrent le plus souvent leur activité en ne disposant que du capital social constitué par leurs fondateurs. Les Les sociétés de crowdfunding prélèvent le plus souvent des commissions comprises entre 5 % et 8 % de la somme qu elles permettent aux entreprises de récolter. professionnels estiment que, selon leurs ambitions, les plateformes doivent disposer de 500 000 euros à 3 millions d euros pour démarrer leurs activités. L essentiel de leurs coûts porte en effet sur la construction et la maintenance de leur plateforme Internet, sur les dépenses en marketing, ainsi que sur les ressources humaines. Leurs revenus provenant essentiellement des commissions prélevées sur les flux financiers traités par leur intermédiaire, comprises le plus souvent entre 5 % et 8 % du montant des transactions, la plupart des plateformes n atteignent pas la rentabilité avant au moins trois ans. Pour tenir jusque-là, elles sont de plus en plus nombreuses à procéder à des levées de fonds, principalement auprès de business angels et de fonds d investissement. Depuis le début de l année, Credit.fr a ainsi levé 3 millions d euros auprès de Truffle Capital, Unilend a récolté 8 millions d euros provenant des fonds Ventech et 360 Capital Partners, ainsi que de Bpifrance, tandis que Prêt d Union a bouclé début juillet un tour de table de 31 millions d euros, le plus important du secteur, auprès notamment d Eurazeo Croissance et de Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur de PriceMinister. Compte tenu du développement de leurs activités, d autres plateformes se préparent quant à elles à élargir leur gamme d outils de financement. Wiseed ambitionne par exemple de faire figure de pionnier en France en s introduisant en Bourse d ici environ deux ans, espérant suivre les traces de Lending Club, la plateforme américaine fondée par le Français Renaud Laplanche, qui a récolté à l occasion de sa cotation sur le NYSE en décembre dernier 870 millions de dollars! 16 Option Finance n 1335 - Lundi 5 octobre 2015

risations et de la réglementation de l Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Elles préfèrent en effet s exprimer sur l évolution de leur nombre d utilisateurs et de leur volume d encours, ce qui n est pas suffisant pour que les investisseurs puissent se faire une idée précise de la viabilité de leurs business models.» Les revenus des plateformes proviennent pour l essentiel des commissions qu elles prélèvent sur les flux financiers traités par leur intermédiaire, qui se situent le plus souvent entre 5 % et 8 % du montant levé (voir encadré ci-contre). Par conséquent, certains investisseurs craignent qu une partie d entre elles privilégient la quantité de dossiers traités plutôt que leur qualité. Certes, la majeure partie des sites de crowdfunding affirme ne donner suite qu à entre 1 % et 5 % des demandes de financement qu ils reçoivent de la part des entreprises. Mais compte tenu de leur «jeunesse», ces sociétés ne peuvent pas prouver l efficacité de leurs manières de procéder, ne disposant pas encore d un important track record concernant le succès de leurs projets déjà financés ou leurs échecs! A ce jour, rares sont les défauts de paiement qui ont été rendus publics, à l exception notable du vendeur de cigarettes électroniques Smok it, qui a fait faillite en décembre 2014, trois mois après avoir levé 75 000 euros sur Unilend. Plusieurs pistes pour y voir plus clair S il est encore trop tôt pour distinguer avec certitude quelles plate formes sont dignes de confiance et lesquelles ne le sont pas, les investisseurs peuvent toutefois déjà se fonder sur certains éléments aisément accessibles pour se forger une opinion. Même s ils n abondent pas en informations, les sites Internet de celles-ci, en premier lieu, peuvent tout de même donner des indications quant au respect, notamment, de certaines obligations réglementaires. «Une partie des plateformes permettent de consulter en accès libre les détails de leurs projets de financement, alors qu elles sont légalement tenues de réserver cet accès aux personnes qui se sont préalablement enregistrées sur leur site Internet, et qui sont donc censées avoir lu et approuvé des conditions d utilisation expliquant les risques liés au «Certaines plateformes ne publient pas toujours sur leur site Internet le document d information réglementaire obligatoire incluant le bilan des sociétés qui souhaitent lever des fonds par leur intermédiaire.» Philippe Gaborieau, président, Happy Capital «La dégradation des conditions d accès de certaines entreprises au crédit bancaire et la baisse des rendements de l épargne des particuliers ont favorisé le développement du financement participatif ces dernières années.» Nicolas Lesur, fondateur, Unilend crowdfunding, met en garde Philippe Gaborieau, fondateur et président de la plateforme Happy Capital. Par ailleurs, d autres plateformes ne publient pas systématiquement le document d information réglementaire obligatoire comprenant entre autres le bilan des sociétés souhaitant procéder à une levée de fonds par leur intermédiaire.» Si les autorités de surveillance n ont à l heure actuelle pas encore prononcé de sanctions à l égard de ces plateformes elles se contenteraient pour l instant de leur envoyer des courriers les invitant à se mettre aux normes, cette tolérance devrait toutefois prendre fin dès le début de l année prochaine, d après plusieurs professionnels. Mais les investisseurs doivent aussi se montrer extrêmement vigilants quant au statut juridique des sociétés porteuses de projets. «Selon le cadre réglementaire du crowdfunding, les plateformes ne peuvent proposer d investir que dans des entreprises dont la raison sociale n engage pas la responsabilité des actionnaires au-delà du montant de leur placement, telles que les SA et les SARL, explique Natalie Lemaire, directrice des relations avec les épargnants au sein de l AMF. Or, nous avons constaté que certaines plateformes offrent la possibilité de financer des sociétés en nom collectif (SNC) et des sociétés en participation (SEP). Les investisseurs doivent absolument les éviter car ils deviendraient alors coresponsables à titre personnel des activités de celles-ci, et pourraient donc être contraints, notamment, de régler leurs créances ou d être directement impliqués en cas de litige avec des clients ou des fournisseurs.» Surtout, les investisseurs peuvent évaluer les plateformes en se renseignant sur leur management. «Le profil des dirigeants et des équipes est un bon indicateur pour se faire une idée du potentiel de développement et du niveau de risque de ces sociétés, poursuit Natalie Lemaire. A priori, la présence d une majorité de collaborateurs ayant précédemment exercé des responsabilités dans les secteurs de la banque, de l assurance-crédit ou du private equity est un élément rassurant.» Par ailleurs, les crowdfunders potentiels peuvent également considérer comme un élément positif le fait que l actionnariat ou le conseil d administration de certaines plateformes inclue des investisseurs «reconnus». Alors que la plupart d entre elles Option Finance n 1335 - Lundi 5 octobre 2015 17

sont uniquement détenues par leur management, d autres, comme notamment Prêt d Union et Credit. fr, ont respectivement accueilli cette année Eurazeo Croissance et Truffle Capital au sein de leur capital, entre autres, tandis qu Unilend et SmartAngels ont noué des partenariats avec Groupama Banque et Allianz (voir encadré ci-dessous). Une tendance durable Une fois ces précautions prises, les investisseurs n ont plus qu à choisir les projets auxquels ils souhaitent contribuer. Ceux qui souhaitent s assurer des rendements réguliers opteront plutôt pour des prêts, les plus «désintéressés» feront des dons, les plus aventureux s essaieront à l investissement en capital et certains feront les trois à la fois! Dans tous les cas, les «crowdfunders» auront tout intérêt à diversifier leurs placements, comme le recommandent les plateformes elles-mêmes, non seulement pour limiter les risques de défauts de paiement, mais aussi pour améliorer leurs chances de prendre part à de véritables «success stories». Les 30 particuliers qui sont entrés à fin 2013 au capital de la start-up charentaise spécialisée dans la robotique Tecdron par le biais de la plateforme FinanceUtile ont par exemple récolté 2,4 fois les 310 000 euros qu ils y avaient investis, suite au rachat de la société six mois plus tard par un investisseur privé. «Le crowdfunding nous permet d investir dans des sociétés non cotées présentant un profil rendement/risque attractif et auxquelles nous n aurions pas pu avoir accès avec nos véhicules d investissement traditionnels.» Matthias Seewald, membre du comité exécutif, Allianz France Alors que le volume d affaires du secteur du crowdfunding devrait continuer de progresser à un rythme soutenu ces prochaines années, les investisseurs devront toutefois sélectionner avec soin les plateformes avec lesquelles ils souhaitent collaborer. Se basant sur son évolution aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les professionnels estiment en effet que ce marché connaîtra durant les trois prochaines années une phase de consolidation importante. En conséquence, les trois quarts des sociétés de crowdfunding actuelles pourraient tout simplement disparaître! Guillaume Clément Banques, assureurs, sociétés de gestion tous des «crowdfunders»? Bien qu il soit à l origine destiné aux particuliers, le crowdfunding intéresse de plus en plus les sociétés financières «traditionnelles» (banques, assureurs, sociétés de gestion, etc.). Sur le segment du «crowdequity», deux initiatives notables ont été lancées cette année. D abord, Banque Populaire Atlantique (BPA, groupe BPCE) a lancé en avril dernier sa propre plateforme, Proximea. «Cet outil nous permet d étoffer la gamme de services que nous proposons aux entreprises de notre région, explique Ulric Le Grand, directeur de Proximea. D un côté, elles peuvent désormais se tourner vers BPA concernant leurs besoins de crédits, et, de l autre, solliciter les particuliers par notre intermédiaire pour renforcer leurs fonds propres.» Quelques jours plus tard, Allianz a pour sa part créé un fonds spécial d investissement en partenariat avec la plateforme SmartAngels destiné à cofinancer certains projets proposés par cette dernière. «Cette façon de procéder nous permet d investir dans des sociétés non cotées présentant un profil rendement/risque attractif et auxquelles nous n aurions pas pu avoir accès avec nos autres véhicules d investissement, principalement en raison du faible montant des tickets qu elles proposent, confie Matthias Seewald, membre du comité exécutif d Allianz France en charge de l unité investissement. Nous avons déjà investi 1,7 million d euros dans quatre projets par ce biais.» Concernant les prêts, Groupama Banque a Banque Populaire Atlantique, Allianz et Groupama Banque ont été parmi les premiers à s être intéressés au financement participatif. de son côté annoncé en début d année son intention d investir 100 millions d euros d ici à 2019 dans des projets de la plateforme Unilend. «Nous souscrirons des prêts à hauteur de 20 % maximum de leur montant total, aux mêmes conditions que les autres prêteurs», précise Bernard Pouy, directeur général de Groupama Banque. Enfin, ce modèle de co-investissement a également séduit une autre catégorie d investisseurs professionnels, les business angels. «Ces derniers doivent parfois renoncer à financer certains projets attractifs car ils ne disposent pas toujours de l intégralité des fonds dont aurait besoin l entreprise, affirme Benjamin Wattinne, directeur général de Sowefund. Notre plateforme veut résoudre ce problème en leur permettant de financer ces projets avec le concours des particuliers.» Selon les professionnels, d autres initiatives de ce type devraient voir le jour durant les prochains mois. 18 Option Finance n 1335 - Lundi 5 octobre 2015