Où en est-on de la préservation de la santé des marins vis à vis de l amiante?



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Transcription:

Où en est-on de la préservation de la santé des marins vis à vis de l amiante? Dr Thierry SAUVAGE, Dr Chistophe DUPORT et Dr Gwendoline De FLEURIAN Service de Santé des Gens de Mer de Marseille En 2000, un décret précisait les modalités de la protection des marins vis à vis des risques pour leur santé après une exposition à l amiante. 7 ans après ce décret et devant de multiples difficultés rencontrées dans son application, il a semblé intéressant, à la demande de la direction du service de santé des gens de mer, de faire le point sur cette démarche de prévention au service médical de Marseille. Dans notre rôle de préservation de la santé des marins au travail, nous sommes amenés à surveiller l apparition de maladies d origine professionnelles chez des personnes ayant été exposé très régulièrement et / ou étant encore exposé occasionnellement à l amiante. L amiante a été utilisée de manière massive jusqu en 1977 dans la construction navale. L évaluation des expositions des marins à l amiante n est devenue une obligation que depuis 1998. Cette évaluation et cette surveillance devraient découler de la connaissance de la présence d amiante sur les navires et des postes de travail où les personnels peuvent être en contact avec ce produit. Or, actuellement, la connaissance de ces expositions est défaillante. De facto, les personnels des services médicaux des gens de mer suspectent fortement que certaines catégories de marins ont été exposées soit du fait de leur métier (essentiellement les métiers de la machine) soit du type de navire sur lequel ils ont été amenés à naviguer (vapeurs, vraquiers transportant de l amiante). La surveillance va alors être mise en route sur des présomptions alors qu elle devrait découler d une étude des risques professionnels et d une déclaration de la part de l armateur. C est une situation où la démarche d évaluation a été inversée. Ce faisant, l approche actuelle ne permet pas une connaissance satisfaisante de la situation réelle et un certain nombre de personnes ayant été en contact avec l amiante ne bénéficient d aucune surveillance particulière. La tentation serait grande de suivre tous les marins de commerce, de la grande plaisance et des grosses unités de pêche dans une démarche systématique, au faible rendement, consommatrice d énergie et de temps, onéreuse et à la finalité douteuse. Il a donc paru intéressant d évaluer les différents moyens qui permettraient de mieux connaître la réalité de l exposition à l amiante parmi les marins. Pour cela, deux méthodes d évaluation ont été utilisées : D une part, une analyse statistique des dossiers de reconnaissance de maladies professionnelles liées à cette exposition. D autre part, une évaluation de la protection des marins contre le risque ォ amiante サ mise en? uvre par les compagnies maritimes à bord des navires français. I. La connaissance des marins malades de l amiante : L étude consiste en une exploitation statistique des dossiers des marins pour lesquels une maladie professionnelle en relation avec une exposition à l amiante a été reconnue par les services compétents de l ENIM. Cette étude a porté sur 308 dossiers. Les critères d inclusion ont été : Les marins inscrits dans les quartiers de France métropolitaine. les noms de famille commençant par une lettre comprise entre A et M. 1

La reconnaissance d une maladie professionnelle en relation avec l amiante. Les dossiers instruits depuis 2001. Seul 277 dossiers ont été retenus. Les critères d exclusion ont été : L absence de reconnaissance de maladie professionnelle et en particulier certains dossiers dont l instruction est toujours en cours. L absence de relevé de navigation (antérieur à 1972) Les auteurs remercient les services de l ENIM pour leur coopération. 1. Répartition par types de maladies : cf. schéma 1 Tableau 30 B Lésions pleurales bénignes 69.3 % 30 A Asbestose 1.4 % 30 A et B 8 % 30 D Mésothéliome 2.5 % 30 B et E Tumeurs pleurales primitives 0.3 % 30 bis Cancers broncho-pulmonaires 18 % 2. Répartition par quartier d inscription : cf. schéma 2 3.Fonctions prédominantes exercées par ces marins 3.a Tableaux 30 et 30 bis : cf. schéma 3 Un pourcentage significatif (40%) de personnes ont exercé au pont ou au service général et présentent des maladies liées à l amiante. L exposition professionnelle de marins autres que du service machine est avérée. Cela est sans doute du : à l utilisation massive et à la présence ubiquitaire de l amiante sur les navires les plus anciens, au fait que le lieu de travail soit aussi le lieu de vie. 3.b Tableaux 30 : cf. schéma 4 Lorsque l on ne tient compte que des pathologies du tableau 30 plus en rapport avec une exposition à l amiante (en excluant les cancers broncho-pulmonaires où d autres expositions notamment le tabagisme, peuvent être incriminées), on ne retrouve pas de différence statistique significative quant aux professions exercées. De nouveau, il existe un pourcentage de personnel pont et ADSG malades. Dès lors l extension de l ensemble des avantages du dispositif de cessation anticipée d activité ォ amiante サ à ces catégories de marins devraient être étudiée. 4. Répartition par les circonstances de découverte : cf. schéma 5 Le suivi systématique n est à l origine que de la découverte de 40% des malades. Cela montre : La prévalence importante des lésions pleurales asymptomatiques, Le manque de rendement du dépistage systématique tel que pratiqué en 1998 auprès des marins actifs. Manifestement, le dépistage ne s adresse à la bonne population. 2

5. Moyennes d âge et intervalles de survenue de la maladie : cf. schémas 6 et 7 La moyenne d âge des marins au moment du diagnostic est de 67 ans. L intervalle moyen entre le départ à la retraite et le diagnostic est de 15 ans. Sur les 277 marins de l étude, seuls trois étaient actifs au moment du diagnostic. L intervalle moyen entre le début de carrière et le diagnostic est de 48 ans. Il n y a pas de différence statistiquement significative entre le taux d invalidité permanente partielle et l âge au moment de la reconnaissance. IPP entre 1 et 10% 168 patients 67 ans IPP entre 11 et 70% 28 patients 69.3 ans IPP entre 71 et 100% 41 patients 65.3 ans Le diagnostic des cancers ne se fait pas plus tôt que la découverte des lésions pleurales bénignes. Le dépistage actuel s adressant aux actifs, intervient trop tôt dans la carrière des marins. Par contre, le suivi post-professionnel est tout à fait nécessaire. Celui-ci, actuellement réalisé de manière informelle, devrait devenir une priorité. 6. Le tabagisme des marins malades : La consommation cumulée de tabac au moment de l expertise est connue pour 237 de ces marins. Il n y a pas de différence significative (p=0.27) pour la consommation de tabac selon le type de navigation. Pêche 52 marins 24 paquets-années Long cours 89 marins 20 paquets-années Cabotage 61 marins 25 paquets-années Navigation portuaire et côtière 35 marins 27 paquets-années Cela corrobore les données sur le tabagisme de l étude sur ォ les risques cardio-vasculaires chez les gens de mer サ réalisée en 1995-1996 par le Dr Caillard. Cependant il existe une différence significative (p<0.001) en fonction du diagnostic. Les fumeurs les plus importants sont les plus exposés à la survenue d un cancer broncho-pulmonaire : 21 paquets-années (198 marins) pour la présence de plaques pleurales, la fibrose et le mésothéliome, diagnostics les plus spécifiques de l exposition à l amiante. 36 paquets-années pour les cancers broncho-pulmonaires. Il n est pas possible de savoir si les patients présentant un cancer broncho-pulmonaire associé à des plaques pleurales (effectif trop faible : cinq marins) ont une consommation tabagique différente des patients souffrant d un cancer isolé. 3

De même, il existe un rapport entre le taux d invalidité permanente partielle et l importance du tabagisme (différence statistiquement significative avec p<0.0001). cf. schéma 8 IPP entre 1 et 10% 168 patients 20.8 paquets-années IPP entre 11 et 70% 28 patients 20 paquets-années IPP entre 71 et 100% 41 patients 37 paquets-années On retrouve ici l importance du tabagisme dans la genèse des cancers broncho-pulmonaires. Simplement son rôle comme facteur principal ou comme co-facteur de l amiante reste à déterminer. II. L évaluation de la présence d amiante à bord des navires : Les décrets n ー 98-332 du 29 avril 1998 et 2000-564 du 16 juin 2000 mettent en?uvre les différents aspects de la prévention vis à vis du risque professionnel lié à l amiante. Le décret 2006-761 du 30 juin 2006 en transcrivant une directive européenne reprend et étend cette protection. Parmi d autres points, sont obligatoires : la recherche et la cartographie de l amiante à bord, le dossier technique du navire, le mesurage du degré d exposition des marins, l établissement de fiches individuelles d exposition. De nombreuses compagnies ont procédées au désamiantage ou au remplacement de leurs navires les plus anciens. La suite de l exposé ne les concerne que de manière partielle. Pour les autres, l application de ces décrets se heurte à de nombreux obstacles, ne permettant pas in fine d effectuer cette protection de manière efficace. 1. La répartition des marins malades de l amiante en fonction du type de navigation : cf. schéma 9 Pêche 65 marins 23.5 % Long cours 98 marins 35.3 % Cabotage 72 marins 26 % Navigation portuaire et côtière 42 marins 15.2 % Certains navires du fait de présence massive d amiante à bord, auraient-ils exposés davantage leurs équipages? Les navires à vapeur sont connus pour avoir contenus de l amiante en grande quantité du fait des techniques de construction navale. Or il n y a pas de relation directe entre type de navire et exposition à l amiante. 25 % des malades ont été exposé sur des navires de pêche (exclusivement en Atlantique et en mer du Nord). 15 % l ont été en navigation portuaire en ayant navigué sur des vedettes pourtant réputées pour ne pas contenir d amiante. Des vedettes à passagers pratiquant la navigation côtière, construites en bois avant 1983, se sont révélées posséder des cloisons contenant de l amiante. 2. L évaluation individuelle d exposition à l amiante : L armateur a obligation d établir une fiche individuelle d exposition pour tous ses marins exposés à l amiante même de manière ponctuelle. Ces déclarations semblent largement sous-évaluées : 35 déclarations ont été reçues depuis 2002 par le service médical pour 3045 marins au commerce à Marseille. Toutes les déclarations viennent d une seule compagnie. 4

Certaines sont la conséquence d une intervention sur des matériaux qui ont fait l objet d une analyse révélant la présence d amiante dans leur composition. D autres l ont été au nom du principe de précaution : les marins étant à bord au moment d une intervention sur des matériaux contenant de l amiante. 3. La cartographie de l amiante à bord : Le décret n ー 98-332 du 29 avril1998 impose une recherche de l amiante dans les calorifugeages, les flocages et les faux-plafonds. Or à l usage, l amiante se retrouve dans de nombreux autres endroits du navire : Parfois de manière systématique : les filtres et joints de la machine. Parfois dans des zones insoupçonnées : les isolations des fours et les filtres des aspirations en cuisine Parfois sur des zones très étendues du navire rendant toute tentative de désamiantage illusoire : végrages, cloisons et revêtement de sols sur les car-ferries. Les matériaux les plus anodins ont pu incorporer de l amiante comme, par exemple, les colles des dalles de sols. L obligation du décret du 29 avril 1998 est donc un minimum insuffisant. Il est en voie d être complété par le décret n ー 2006-761 du 30 juin 2006 qui impose une recherche plus générale de présence d amiante à bord. 4. Le dossier technique du navire : Le décret du 29 avril 1998 impose l établissement d un dossier technique pour chaque navire. La recherche d amiante a pu montrer la nécessité de pratiquer des opérations d enlèvement ou de confinement qui en règle générale ont été réalisées. Un revêtement de l amiante en bon état a pu conduire à de simples mesures de surveillance avec une périodicité maximum de trois ans. Les compagnies concernées ont oublié le caractère périodique de cette surveillance et l obligation d établir un dossier technique exhaustif avec les résultats des diverses inspections, mesurages et prélèvements. Cette obligation est pourtant la base de la prévention lorsqu il est nécessaire d intervenir sur ces bords. En effet, ce dossier devient un élément de référence lorsqu il faut programmer les opérations d entretien. Son absence et l omission de sa mise à disposition auprès des personnels concernés peuvent conduire à mettre en danger les personnes qui sont amenés à réaliser les interventions techniques. Pour exemple, ce calorifugeage de car-ferries pour lequel une composition à base d amiante et un mauvais état conduisent à une mesure de confinement et d ensachement en 1998. Le dossier technique du navire n est pas établi. L état major du navire est renouvelé et le souvenir de l intervention est oublié. En 2005, une nouvelle intervention est menée sur ce calorifugeage sans précaution particulière puisque le revêtement en bon état faisait penser que ce matériau était de pose récente et ne devait donc pas contenir d amiante. Les personnels ont été mis en contact avec le toxique lors des opérations de démontage et de perçage de ce matériau. 5. L entretien technique et les pièces détachées : Les opérations d entretien peuvent introduire des pièces contenant de l amiante à bord de navires certifiés sans amiante. C est ce qui est survenu par deux fois à notre connaissance. Des analyses fortuites ont montré récemment que des joints introduits lors d opérations de maintenance sur deux navires sous pavillon français, contenaient de l amiante. Un des arrêts techniques avait eu lieu en Chine, pays ou l utilisation de l amiante est autorisée et réglementée. 5

L autre concernait un joint originaire d un pays de l union européenne, fourni par le sous-traitant d une société leader sur son marché et certifié comme ne contenant pas de l amiante. 6. Les navires sortis de flotte : L état actuel des connaissances en matière d amiante à bord des bâtiments construits avant 1998 est inexistant. Les archives et parfois les compagnies maritimes ont disparu et la connaissance et la mémoire de la présence d amiante sur ces navires se sont aussi dissipées. Plus grave, le diagnostic amiante n ayant pas été réalisés de manière correcte en première intention dans de nombreuses compagnies, la réalité de la présence d amiante n est pas non plus connue sur certains navires sortis de flotte depuis 1998. Il y a parfois simplement une absence de communication voire une rétention de l information concernant les archives de ces compagnies en matière de recherche d amiante sur leurs navires. 7. Une protection dans quel but? : Ce constat peu satisfaisant, amène à s interroger sur le rôle exercé par les services compétents de l état devant ce qui se révèle un problème majeur de santé au travail mais aussi de santé publique en rapport avec une exposition professionnelle. Pour les marins, l action de l état dans ce domaine, se repartit sur trois services des Affaires Maritimes : les centres de sécurité des navires qui a la tâche du contrôle préventif en ce qui concerne la sécurité, l inspection du travail maritime qui fait mettre en?uvre si nécessaire la protection du marin vis à vis des risques professionnels, le service de santé des gens de mer qui outre son rôle de conseiller technique auprès des autres services, réalise la surveillance médicale des marins et le dépistage de ces maladies. Cependant il ne faut pas se tromper de finalité : L ensemble de la réglementation nationale et internationale a pour but de préserver la sécurité de la navigation et du navire, et en empêchant la survenue des événements de mer, de sauvegarder la vie humaine. Le risque pour la santé lié à des expositions chroniques à des nuisances physiques ou chimiques à petites doses au long d une carrière de marin, est peu ou prou pris en compte par cet ensemble réglementaire. Il y a confusion entre sécurité des navires et protection du travailleur maritime vis à vis des expositions professionnelles. Cette manière d appréhender la sécurité du travail en mer est aussi bien souvent celle des responsables ォ hygiène et sécurité サ des entreprises maritimes. Le document unique d évaluation des risques est devenu un instrument d analyse du risque de l activité maritime et de prévention des accidents. La réglementation a prévu qu il s agissait aussi d un moyen de prévention des expositions et des maladies professionnelles. Mais cet aspect est le plus souvent méconnu ou omis. Lorsque le document unique de prévention a été établi dans les entreprises maritimes en Méditerranée, il ne prend pas en compte le risque amiante. La protection des marins vis à vis de l amiante passe par la bonne application de la réglementation existante. Le centre de sécurité des navires, l inspection du travail maritime et le service de santé des gens de mer ont chacun une partie des prérogatives que donne cette réglementation. Pour pouvoir la mettre en?uvre de manière efficace, il faut que les trois services travaillent de concert. III. Conclusion : Ce tour d horizon montre qu il est malaisé de connaître à titre individuel les expositions à l amiante auxquelles ont été soumis les marins. De nombreuses raisons font aussi qu il est difficile d évaluer l étendue 6

de la présence d amiante sur les navires français. Or, la protection de leurs marins vis à vis des expositions professionnelles est une obligation des armateurs, toujours réaffirmée par l évolution de la réglementation. Quelques actions pourraient cependant faire évoluer favorablement cette situation : 1. La création d une banque de données recueillant les résultats des recherches d amiante sur les navires français. 2. 3. Un suivi post-professionnel renforcé et un dépistage qui s adresse aux pensionnés. 4. 5. L amiante est un cancérogène parmi d autres auxquels peuvent être exposés les marins du fait de leur métier. La réglementation terrestre concernant l exposition aux produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction n a pas été retranscrite dans le code du travail maritime. Les études de postes, la surveillance médicale renforcée des personnels exposés et le financement restent à organiser. La préservation de la santé des marins étant ou ayant été exposé à l amiante est pourtant un sujet fédérateur pour une démarche novatrice. 7

Annexe : L évolution de la réglementation : 1. Dépistage et prévention : Décret n ー 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l amiante à bord des navires de commerce et de pêche de plus de 12 mètres: Interdiction d utiliser de l amiante dans les constructions neuves Interdiction d embarquer de l amiante. Recherche de présence d amiante dans les calorifugeages, les flocages et les faux-plafonds. Contrôle par un expert agréé de l état de conservation suivant une grille d évaluation définie par un arrêté conjoint des ministres chargés de la marine, de la santé et de l environnement. Désamiantage ou contrôle périodique au moins tous les trois ans. Mesures d empoussièrement avec définition de normes. L armateur a obligation de constituer un dossier technique concernant la recherche et l enlèvement de l amiante sur son navire. Instruction ENIM n ー 5/98 du 19 janvier 1998 sur les modalités de prise en charge des examens de dépistage des maladies liées à l amiante. Décret n ー 2000-564 du 16 juin 2000 relatif à la protection des marins contre les risques liés à l inhalation des poussières d amiante : Article 2 : évaluation du risque sur le navire afin de déterminer la nature, la durée et le niveau d exposition. Article 3 : information des marins vis à vis de ce risque et en fonction du poste de travail. Article 4 : formation à la prévention et à la sécurité des personnels organisée par l armateur ; Article 5 : mise en place de moyens de protection individuelle si nécessaire et adaptation des temps de travail ; Articles 11 et 25 : fiches individuelles d exposition établies par l armateur ; Article 13 : projet d arrêté fixant les modalités de la surveillance médicale renforcée ; Article 16 : attestation d exposition délivrée par l armateur ; Article 17 : plan de retrait ; Intervention sur des matériaux ou appareils susceptibles d émettre des fibres d amiante : Article 24 : concentration moyenne dans l air inhalé ne doit pas dépasser 0.1 fibre/cm 3 /h ; Article 26 : surveillance médicale renforcée. Directive 2003/18/CE du parlement européen et du conseil du 27 mars 2003 modifiant la directive 83/477/CEE du conseil concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l amiante pendant le travail (non retranscrit en droit français pour le moment) : Préambule : Tous les travailleurs devraient être protégés contre les risques liés à l exposition à l amiante et, par conséquent, les exceptions prévues pour les secteurs maritime et aérien devraient être supprimées. Art 8 : Les employeurs veillent à ce qu aucun travailleur ne soit exposé à une concentration d amiante en suspension dans l air supérieure à 0.1 fibre par cm 3 mesurée par rapport à une moyenne pondérée dans le temps sur 8 heures (TWA) Décret n ー 2006-761 du 30 juin 2006 : Sous-section 3 (interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles d émettre de l amiante) : Art R 231-59-16 : L armateur et le chef d établissement sont tenus d évaluer le risque éventuel de présence d amiante, de s informer mutuellement des résultats des recherches des matériaux contenant de l amiante. Sous-section 1 (dispositions communes) : Art R. 231-59-7. La concentration en fibres d amiante inhalé par un travailleur ne doit pas dépasser 0.1 fibre/cm 3 /h (soit une fibre/l) 2. Réparation : Circulaires ENIM n ー 12 et 13 du 22 octobre 2002 et n ー 19/03 du 4 avril 2003sur le dispositif de cessation anticipée d activité ォ amiante サ. 8

MP 30 BIS 18,05% n=50 MP 30 A 1,44% n=4 MP 30 D 2,53% n=7 MP 30 B-E 0,36% n=1 MP 30 A-B 8,30% n=23 MP 30 B 69,31% n=192 Schéma 1 : Répartition par type de Maladies BRETAGNE 33,57% n=93 MER DU NORD 37,91% n=105 ATLANTIQUE 14,08% n=39 MEDITERRANEE 14,44% n=40 Schéma 2 : Répartition des marins par quartier d'inscription

PONT 35,40% n=80 - matelot : 64 % - patron : 23 % - officier : 13 % ELECTRICIEN 3,98% ADSG n=9 - m. hôtel : 33 % - garçon : 22 % - cuisinier : 22 % - commissaire : 22 % 2,65% n=6 57,96% MECA n=131 - ouvrier : 66 % - officier : 34 % Schéma 4 : Fonctions prédominantes exercées par les marins (Tableau 30) Douleur 2,17% n=6 Asthénie 3,25% n=9 Dyspnee 13,72% n=38 Hemoptysie 2,53% n=7 Epanchement 8,30% n=23 Toux/bronchite 14,80% n=41 Hasard 9,39% n=26 Non communiqué 5,78% n=16 Suivi systématique 40,07% n=111 Schéma 5 : Répartition par les circonstances de découverte

Schéma 6 : Intervalle moyen entre le départ à la retraite et le diagnostic de MP n 30 et 30 BIS 70 60 50 40 30 20 Fréquence 10 0 Sigma = 7,73 Moyenne = 15 N = 274,00-2 5 12 19 26 Schéma 7 : Intervalle moyen entre le diagnostic de MP n 30 et 30 BIS et le début de carrière des marins 80 60 40 Fréquence 20 0 Sigma = 9,43 Moyenne = 48 N = 277,00 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65

IPP 5% n=116 100 75 IPP 10% n=66 Effectif 50 25 IPP 100% n=32 IPP 90% n=15 0 1 2 3 5 8 10 15 20 25 30 35 40 50 60 70 75 77 80 85 90 95100 Taux d'ipp Schéma 8 : Taux d'ipp en fonction de la reconnaissance (Tableaux n 30 et 30 BIS) 15,16% n=42 25,99% n=72 NAVIGATION CÔTIERE CABOTAGE - International 96% - National 4% PÊCHE 23,47% n=65 - PL 45% - PP 35 % - PC 12 % - GP 8 % LONG COURT 35,38% n=98 Schéma 9 : Répartition du type de navigation des marins (Tableaux 30 et 30 BIS)