L engagement des travailleurs indochinois en France en faveur de l indépendance du Vietnam (1943-1952)



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Transcription:

L engagement des travailleurs indochinois en France en faveur de l indépendance du Vietnam (1943-1952) Pierre Daum Journaliste RESUME Le 2 septembre 1945, lorsque Ho Chi Minh déclare l indépendance du Vietnam, 25 000 Vietnamiens se trouvent en France. La moitié d entre eux jouissent d un statut très particulier : réquisitionnés la plupart de force en 1939 pour servir comme ouvriers (ONS) dans les usines d armement de métropole, ils vivent dans une dizaine de camps de travailleurs indochinois, répartis dans le grand sud de la France. Soumis à un régime d internement autoritaire, ils vont, dans leur très grande majorité, s enflammer en faveur de l indépendance de leur pays : distributions de tracts à l intérieur des camps, publication de journaux, manifestations, meetings, grèves, etc. Dès 1943, à l instigation d une poignée d ONS formés par deux étudiants vietnamiens de l Ecole centrale de Paris membres du mouvement trotskyste du Vietnam, des idées révolutionnaires pénètrent dans les camps. Du 15 au 17 décembre 1944 se réunit à Avignon le premier Congrès des Vietnamiens de France, qui affirme son soutien à la lutte nationaliste. Après la venue de Ho Chi Minh en France (juin-septembre 1946), les conflits entre staliniens et trotskystes deviennent de plus en plus importants, pour aboutir à la «Saint-Barthélemy indochinoise» du camp de Marseille, le 16 mai 1948. Peu avant, au Vietnam, toute la direction du mouvement trotskyste avait été assassinée, dont le grand leader Ta Thu Thau, en septembre 1945. Ce bouillonnement nationaliste en métropole inquiète les autorités françaises, engagées depuis novembre 1946 dans la guerre d Indochine. Une répression sévère s abat sur les 12 000 travailleurs indochinois toujours retenus en France. En 1948, des premières rafles de militants sont organisées à l intérieur des camps, avant leur expulsion. Peu à peu, la mobilisation s affaiblit, et la plupart des ONS finiront par être rapatriés avant le 31 décembre 1952. 21

MIGRANCE 39 Àla fin de l année 1944, alors que la France métropolitaine finit de se libérer, le conflit mondial se poursuit en Allemagne contre les résidus de l armée allemande (qui capitulera le 8 mai 1945) et, dans le Pacifique, contre les Japonais. Le 9 mars 1945, les troupes japonaises reprennent l offensive en Indochine, désarment les soldats français, et arrêtent leurs officiers. Ils installent un gouvernement à leur solde, dirigé par l empereur vietnamien Bao Dai. L épisode ne durera que cinq mois, puisque le 10 août, les Japonais capitulent face aux forces alliées 1. Profitant de la vacance du pouvoir, les milices Vietminh, dirigées par Hô Chi Minh, s emparent sans violence des principaux bâtiments à Hanoï le 19 août. Le 22, le Vietminh prend Arrivée de la délégation vietnamienne à Marseille. Eté 1946. Archives Dang Van Long. possession de Hué. A Saïgon, un comité exécutif, présidé par les communistes avec participation de militants trotskystes prend le pouvoir les 24 et 25 août. Le 29, Bao Dai abdique. Le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh, leader du parti communiste vietnamien, proclame l indépendance du Vietnam à Hanoï 2. Mais l idée que des peuples colonisés puissent eux aussi vouloir se libérer du joug de l occupant n entre pas dans les plans du général de Gaulle et de ses ministres issus de la Résistance, qui, au contraire, tablent sur la reprise en main des colonies afin de restaurer la grandeur de la France. Dès le 25 septembre, un corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO), mené par le 22

L ENGAGEMENT DES TRAVAILLEURS INDOCHINOIS général Leclerc (le «libérateur» de Paris) débarque à Saigon, et entreprend la reconquête officiellement contre les Japonais de la moitié sud de la péninsule. En février 1946, les troupes du CEFEO débarquent à Haiphong et s installent à Hanoï. Hô Chi Minh tente de négocier un état libre au sein de l Union française. Le 6 mars 1946, il signe des «Accords préliminaires» avec le négociateur français Jean Sainteny, qui prévoient qu une solution définitive sera recherchée lors d une conférence à Fontainebleau, en juillet suivant. Le 29 mai 1946, Hô Chi Minh s embarque pour la France en avion. Il y retrouve la délégation vietnamienne, menée par son ministre Pham Van Dong. La conférence de Fontainebleau est un échec. Hô Chi Minh prend le bateau le 18 septembre, et retrouve son pays un mois plus tard. Le 20 novembre, la flotte française bombarde le port et la ville de Haiphong, faisant 6 000 morts, la plupart civils. C est le début de la guerre d Indochine (la «Première résistance» pour les Vietnamiens), qui se terminera huit ans plus tard par la défaire de l armée française à Diên Biên Phu le 7 mai 1954 3. Revenons au 2 septembre 1945. A ce momentlà, environ 25 000 Vietnamiens se trouvent en France. Pendant cinq années, malgré sa faiblesse quantitative, cette immigration va se mobiliser avec une extrême vigueur en faveur de la lutte pour l indépendance menée au pays par leurs compatriotes. Une mobilisation pacifique (distributions de tracts, publication de journaux, meetings, manifestations, grèves, etc.), sans aucun acte violent contre des biens ni des personnes si ce n est entre eux pour cause de dissensions politiques. Ce qui ne les empêchera pas de subir une répression très dure de la part des autorités françaises (surveillance policière étroite, interdiction de manifester, arrestations massives des meneurs et expulsions), extrêmement inquiètes par la présence d «ennemis» sur le sol métropolitain, et des actes «terroristes» qu ils seraient susceptibles de commettre même si aucun d entre eux n a semble-til jamais envisagé de le faire. Ces 25 000 hommes (les femmes ne sont qu une poignée) se composent de quatre groupes sociaux très distincts : quelques centaines d intellectuels (professeurs, médecins, avocats, étudiants) issus de l élite indigène ; quelques milliers de matelots, commerçants et restaurateurs ; cinq mille tirailleurs envoyés en métropole au début de la guerre ; et 14 000 «ouvriers non spécialisés» (ONS). Ces derniers ont une histoire particulière. Lorsque la France entra en guerre contre l Allemagne, en septembre 1939, le gouvernement jugea légitime de piocher dans les réserves humaines de ses colonies (Maghreb, Afrique noire, Madagascar et Indochine) afin de faire venir non seulement des soldats, mais aussi de la main d œuvre destinée à remplacer dans les usines d armements les travailleurs français mobilisés 4. Pour les travaux les plus pénibles, ceux du maniement des poudres, la France fit ainsi venir 20 000 paysans vietnamiens de sa lointaine colonie d Extrême-Orient 5. Recrutés pour la plupart de force, débarqués à la prison des Baumettes à Marseille, ces hommes furent répartis à travers la France dans les entreprises relevant de la Défense nationale. En juin 1940, la défaite française mit brusquement un terme aux réquisitions alors qu il en était prévu au moins 60 000 de plus. Sur les 20 000 déjà en métropole, 4 500 purent être renvoyés chez eux, avant que le blocus maritime britannique, à l été 1941, n interdise aux navires français la route vers l Orient. Après la débâcle, les 15 000 restants furent envoyés en zone sud, et répartis dans une dizaine de «camps de travailleurs indochinois», dont les principaux, pouvant contenir jusqu à 4 000 hommes, se trouvaient à Mazargues (banlieue de Marseille), Sorgues (Vaucluse), Agde (Hérault), Toulouse, Bergerac (Dordogne), Saint-Médard-en-Jalles (à la sortie de Bordeaux), Saint-Chamas (Bouches-du- Rhône) et Vénissieux (Rhône). Ces camps, et les hommes qui y étaient internés, dépendaient d une division spéciale du ministère du Travail, le service de la Main d Œuvre Indigène (MOI). Les camps étaient dirigés par des officiers français de l armée coloniale, qui y appliquaient une discipline très sévère, imprégnée du racisme propre aux colonies. 23

MIGRANCE 39 Pendant toutes ces années, la MOI loua la force de travail de ces hommes à des sociétés publiques ou privées, encaissant l argent de cette location, sans jamais reverser un quelconque salaire à ces ouvriers 6. Revenons à nouveau au 2 septembre 1945. A cette date-là, les communications entre l Indochine et la France étaient toujours coupées. Quelques bateaux avaient repris la mer, mais aucun courrier n avait été échangé depuis quatre ans. Que savaient les 25 000 immigrés vietnamiens en France des événements importants qui se passaient dans leur pays? Certainement pas grand-chose 7. Ce qui n empêche pas que, sous l impulsion des 14 000 travailleurs indochinois (plus d un millier d entre eux étaient décédés au cours des cinq années précédentes, principalement à cause de maladies contractées dans les camps), un vaste mouvement de mobilisation avait déjà été lancé depuis une année. À l été 1944, au moment de la Libération de la France, les camps sont en ébullition : certains commandants et leurs adjoints, ceux dont on avait subi tant de brimades, sont purement et simplement expulsés des camps, après avoir été, pour certains, roués de coups. Le fonctionnement des camps est alors confié en partie à des comités démocratiquement élus parmi les travailleurs. Ce processus est soutenu, voire impulsé, par un noyau de militants trotskystes, formé dès le début de 1943 par six hommes, deux étudiants à l Ecole Centrale de Paris, et quatre travailleurs-interprètes enfuis des camps 8. Dans le même temps, en septembre 1944, des délégués des ONS prennent contact avec des représentants des intellectuels vietnamiens (qui possédaient depuis 1943 une association domiciliée à Paris, l Amicale des Annamites en France), afin de créer une Délégation générale des Indochinois de France (Ban Tông Dai-Diên Viêt Nam tai Phap 9 ), censée représenter tous les Vietnamiens présents en métropole. Celleci voit le jour les 15, 16 et 17 décembre 1944, lors d un premier congrès national tenu à Avignon, dans la grande salle de l hôtel de ville, prêtée à cet effet par le nouveau maire communiste. Une centaine de délégués sont présents, venus de la France entière, et représentants les quatre grands groupes composants cette immigration : les ONS, les tirailleurs, les matelots et les intellectuels. Ces derniers, quoique minoritaires, obtiennent la présidence de la Délégation. La déclaration finale du congrès donne une idée précise à la fois des préoccupations des Vietnamiens de France (amélioration urgente du sort des ONS), et de leur degré (à peu près nul) de connaissance de la situation au Vietnam : «Le Congrès a décidé d entreprendre une action énergique pour réaliser immédiatement les réformes les plus urgentes exigées par l état lamentable de la M.O.I. [ ] Il donne mission à la Délégation d agir vigoureusement auprès des autorités établies pour que les travailleurs indochinois aient les mêmes droits que les travailleurs français et en particulier les droits syndicaux. Le Congrès a adopté à l unanimité un programme politique réclamant l établissement d un régime démocratique en Indochine. Seul un gouvernement responsable devant une chambre élue au suffrage universel peut assurer le respect des libertés essentielles pour lesquelles se battent les armées alliées 10». Le gouvernement de de Gaulle va tout simplement ignorer aussi bien le congrès que la Délégation, ainsi que les revendications exprimées pourtant très modérées, puisqu il n est question ni de démantèlement de la MOI, ni de rapatriement immédiat, ni d indépendance (on est huit mois avant la déclaration d indépendance de Hô Chi Minh à Hanoï 11 ). Dans son Rapport sur le Congrès tenu par les Annamites, l envoyé de la MOI, M. de Monie, conclut lapidairement : «Ne pas tenir compte de cette Délégation, en faisant ressortir l illégalité de sa composition» 12. A ce moment-là, sur quelles forces politiques françaises la Délégation peut-elle s appuyer? Essentiellement sur le Parti communiste français (PCF), et son relais syndical, la Confédération générale du travail (CGT). Or, sur la question de «l établissement d un régime démocratique en Indochine», voire de l indépendance, les communistes français mettront très longtemps à en admettre l idée. En janvier 1945, leur position était claire- 24

L ENGAGEMENT DES TRAVAILLEURS INDOCHINOIS Manifestation des travailleurs indochinois du camp de Mazargues. Marseille. Septembre 1946. Archives Dan Van Long. ment décrite dans le journal communiste Ce Soir. Elle s aligne sur celle du gouvernement de de Gaulle : «Grande puissance mondiale, la France doit participer à la guerre du Pacifique. Grande puissance coloniale, elle doit reprendre la garde de ses possessions océaniennes et reconquérir l Indochine». Jusqu en mars 1947, soit pendant deux ans et demi, les députés communistes votèrent régulièrement les crédits nécessaires à l envoi en Indochine des troupes du CEFEO 13. Et même plus : à l été 1945, Phan Nhuân, responsable du groupe de langue vietnamienne au sein du PCF, effectue une tournée dans les camps d ONS afin d inviter ses compatriotes à s engager dans le CEFEO, censé partir combattre les Japonais et, par la même occasion, rétablir la souveraineté de la France en Indochine. Dès lors, lorsqu ils apprennent les événements d août 1945 dans leur pays, les Vietnamiens de France réagissent seuls, sans aucun soutien. Leur première action date d octobre 1945 : des tracts sont distribués à Marseille aux soldats en partance pour l Indochine : «Appel au peuple français! Le gouvernement envoie des troupes pour reconquérir l Indochine où le Viêt-Nam a proclamé son indépendance. Des rencontres sanglantes se sont déjà produites. La propagande se répand en fausses nouvelles pour présenter les révolutionnaires annamites comme des nippophiles et des émeutiers. On prépare l opinion pour une guerre impérialiste» 14. La réaction du gouvernement est rapide. Le 19 octobre 1945 est ordonnée la dissolution de la Délégation générale des Vietnamiens de France. Qu à cela ne tienne! Lors d un 2 e congrès tenu à Marseille les 2 et 3 décembre 1945, une nouvelle organisation voit le jour : Le Rassemblement des ressortissants annamites en France (Viêt Kiêu Liên Minh), plus dominée par les ONS que par les autres groupes de Vietnamiens en France. Cette organisation est tacitement acceptée par les autorités françaises, qui espèrent qu elle prenne les mêmes positions que Hô Chi Minh qui, à ce moment-là, cherche un compromis avec Paris (Accords du 6 mars 1946, suivis par la Conférence de Fontainebleau de l été 1946). 25

MIGRANCE 39 Finalement, c est plus auprès de la CGT que les travailleurs vietnamiens vont recevoir leurs premiers soutiens. Des soutiens tout d abord strictement syndicaux puisque, à la Libération, les ONS parqués dans les camps ne possèdent aucun droit syndical. Les gouvernements qui se succèdent vont se trouver dans une situation très embarrassante, le ministère du Travail poussant à la reconnaissance des droits syndicaux des Indochinois à égalité avec les travailleurs français, tandis que son collègue aux Colonies refuse de les leur accorder. Sans attendre une décision gouvernementale, des milliers d ONS vont adhérer à la CGT. Pour la centrale syndicale, ils constituèrent un important renforcement de troupes, à la fois dans les rapports de force au sein des entreprises, et lors des défilés du 1 er mai. Le 30 mars 1945, le mot d ordre est lancé au sein de la CGT : «Par une résolution unanimement approuvée, le Comité confédéral national de la CGT adresse l expression de sa solidarité aux travailleurs indochinois de France. Il demande aux Unions départementales de prendre en main leurs revendications et de veiller à ce que, dans les camps, ils soient traités en citoyens et travailleurs libres 15». D un soutien syndical, la CGT va passer à un soutien logistique dans les débuts de la mobilisation des ONS pour l indépendance. Ainsi, le 4 novembre 1945, la salle des fêtes de la mairie d Avignon est réservée par la CGT pour une réunion publique destinée aux travailleurs et tirailleurs indochinois de la région. Dans son discours de bienvenue, prononcé devant 500 personnes (dont un indicateur de la Sureté nationale), Lucien Thrilles, secrétaire général de l Union départementale de la CGT expose les positions de son syndicat qui «soutient, par tous les moyens moraux et matériels en sa possession, l attitude courageuse des populations d Indochine luttant pour leur indépendance contre les forces impérialistes anglaises et françaises en Extrême Orient» 16. Dès la fin de 1945, alors que les nouvelles en provenance du Vietnam deviennent plus précises, une immense vague d adhésion au projet d indépendance va déferler dans l ensemble des camps, et toucher très certainement la quasi-totalité des 14 000 ONS présents en métropole. Les années 1946 et 1947 vont être marquées par la multiplication de meetings (destinés surtout aux Vietnamiens eux-mêmes) et de manifestations (destinées à la population et aux autorités françaises) dans les rues de la quinzaine de villes de France où se trouvent des camps. Avec des banderoles, rédigées en vietnamien ou en français, sur lesquelles sont écrits : «Vive l indépendance totale du Vietnam!» ou «Longue vie à Hô Chi Minh!». En plus de leurs propres manifestations, les Vietnamiens participent aux grands défilés du 1 er mai, organisant leurs cortèges et leurs slogans. A Marseille, par exemple, le 1 er mai 1946, 4 000 ONS participèrent au défilé sous leurs propres bannières sur lesquelles est inscrit : «Abolition de l indigénat! Droit de vote aux Indochinois et Indochinoises! A bas les colonialistes!» 17. Le jour de Noël 1946, les ONS de Sorgues et de Valréas (Vaucluse) entament une grève de la faim pour dénoncer «la guerre que mène la France démocratique contre le Viêt-Nam, notre chère patrie» 18. Le 12 février 1947, trois ONS du camp de Sorgues distribuent rue de la République à Avignon un tract titré SOS Indochine : «La classe ouvrière française va payer une fois de plus de sa sueur et de son sang les frais d une guerre sanglante provoquée par une poignée de capitalistes impérialistes. [ ] Travailleurs de France, notre cause est la vôtre! Les armes qu on envoie contre le Viêt- Nam se retourneront contre vous! [ ] Vive l amitié des peuples français et vietnamien!» Signé : Le Rassemblement des Vietnamiens en France 19. On pourrait multiplier les exemples de ce genre d action. Pour la période 1946/1947, une dizaine d archives départementales du sud de la France en regorgent. Elles regorgent aussi de notes de police observant de très près ces mouvements, et, à partir de 1947, d instructions préfectorales visant à les empêcher. Par exemple, le 25 mars 1947, des travailleurs indochinois du camp de Sorgues qui se rendent à Avignon pour manifester sont refoulés par la police. A la veille du 1 er mai 1947, une instruction du gouvernement est envoyée à tous les préfets du sud de la France, leur demandant d «inter- 26

L ENGAGEMENT DES TRAVAILLEURS INDOCHINOIS Ho Chi Minh. 1946. Archives Pierre Daum. dire que des Annamites puissent se constituer en cortège et participer à la manifestation cégétiste» 20. Le 30 août 1947, à Marseille, le nombre de Vietnamiens admis à participer au défilé de la Libération est fixé à 40 au maximum. Quelques jours auparavant, une lettre du préfet du Vaucluse adressée le 12 août 1947 au colonel Dorin, commandant régional des camps d Indochinois à Marseille, donne une idée des préoccupations de l Etat français : «Mon attention a été fréquemment appelé sur des incidents ou manifestations provoquées par les éléments indochinois qui sont cantonnés au camp Badaffier à Sorgues. La grande majorité des Annamites affiche en effet ouvertement des sentiments favorables aux troupes Viet-Namiènes qui combattent contre notre pays, et par suite elle n obéit plus aux consignes et ordres qui lui sont donnés par les cadres composés d officiers français» 21. En 1946 et 1947, la mobilisation des travailleurs indochinois en faveur de la lutte menée par leurs compatriotes est d autant plus massive qu elle s articule parfaitement avec leur colère de ne pas pouvoir rentrer enfin chez eux, après sept ou huit années d exil forcé. Pourquoi ne le peuvent-ils pas? Parce que toutes les places disponibles sur les bateaux en partance pour l Extrême-Orient sont réquisitionnées pour le transport des soldats du CEFEO dont les effectifs atteignent 100 000 en 1947. Dans les manifestations de ces deux annéeslà, les mots d ordre concernent autant l indépendance que le rapatriement. Un exemple parmi d autres : le 30 novembre 1946, sous le titre «700 travailleurs Viêt-namiens manifestent en faveur de leur rapatriement», le journal Dordogne Sud rapporte en ces termes les doléances des Indochinois toujours stationnés à Bergerac : «Nous sommes ici 700 travailleurs. Nous avons été pour la plupart requis pour la durée de la guerre. Cela fait sept ans que nous n avons pas vu nos familles. [ ] Nous ne faisons rien et touchons l allocation de chômage (10 francs par jour). Notre présence ici est donc parfaitement inutile. [ ] Nous ne sommes pas de la même race, nous ne sommes pas de la même couleur, mais contre le capitalisme et l oppression, nous 27

MIGRANCE 39 sommes frères de lutte. Là est notre force et là nous puiserons la volonté de vaincre». A partir du début de l année 1948, la mobilisation des travailleurs indochinois en France va progressivement s affaiblir, à la fois à cause de conflits internes, et d une répression beaucoup plus forte de l Etat. Les dissensions commencèrent très tôt, dès 1946, entre militants et sympathisants trotskystes (IVème Internationale), et ceux qui s alignèrent rigoureusement sur les positions du Vietminh et de Hô Chi Minh, lui-même sur la ligne stalinienne du Komintern. Elles portèrent à la fois sur des questions de prise de pouvoir au sein des comités des camps, et sur les positions à prendre sur ce qui se passait au Vietnam. En mars 1946, le choix «prudent» de Hô Chi Minh (lui-même certainement poussé par Staline, qui cherchait à obtenir au moins la neutralité de la France dans son conflit avec les Etats-Unis) de rechercher une solution négociée avec la France (Accords préliminaires du 6 mars avec Jean Sainteny) fut vivement critiqué par le groupe trotskyste, qui réclamait «l indépendance totale». Ce groupe était en plus particulièrement suspicieux vis-à-vis des dirigeants Vietminh, qu ils soupçonnaient fortement d avoir décapité le mouvement trotskyste vietnamien, en assassinant en septembre 1945 Ta Tu Thau, son grand leader, et, quelques mois plus tard, une vingtaine d autres dirigeants 22. Ainsi, lorsque Hô Chi Minh arrive en France, en juin 1946, et qu il rencontre à plusieurs reprises des milliers d ONS lors de meetings au sein même des camps, il est certes accueilli en véritable héros, mais il sent bien que ce soutien n est pas aveugle. Lorsqu il repart en septembre, il laisse comme représentant à Paris Tran Ngoc Dahn, avec pour titre chef de la Délégation permanente de la République démocratique du Vietnam, et comme mission, entre autres, de briser l influence des trotskystes à l intérieur des camps. Pendant un an et demi, le conflit entre sympathisants trotskystes et agents recrutés par Dahn va monter en intensité (bagarres, coups de poings, bastonnades), jusqu à la tragique nuit marseillaise du 15 au 16 mai 1948. Dans le camp de Mazargues, où se trouvaient encore quelques 2 000 ONS, une rixe sanglante opposa les deux parties. Au matin, on releva 5 morts et 20 blessés très graves 23. A partir de ce moment-là, les autorités françaises commencèrent à organiser sérieusement le rapatriement de ces «dangereux» étrangers. Quelques mois auparavant, la politique de l Etat s était déjà clairement infléchie vers une répression plus musclée du mouvement en faveur de l indépendance. Dans la nuit du 30 janvier au 1 er février 1948, la police française organisa une vaste rafle dans la plupart des camps : 126 travailleurs indochinois, considérés comme des meneurs, sont arrêtés et menés au camp de Bias (Lot-et-Garonne). Un mois plus tard, ils sont embarqués de force sur un bateau en partance pour l Indochine 24. Une seconde rafle a lieu dans la nuit du 14 au 15 juillet 1948, avec l arrestation de 400 ONS. La Délégation générale des travailleurs indochinois (une organisation strictement trotskyste, créée début 1948) publie la déclaration suivante : «Les arrestations se sont simultanément produit à Mazargues, Colgate, Port de Bouc, Montauban, Bias, Sainte-Livrade, Sorgues, Privas, Romans, Montélimar, Roanne, Lyon, Belfort, Épinal, Cambrai Les travailleurs ont été frappés et jetés sauvagement dans des camionnettes, menottes aux poings sous la menace de mitraillettes braquées sur eux [ ]. En février comme aujourd hui, ce sont principalement les délégués élus des travailleurs qui ont été arrêtés» 25. Le PCF et la CGT réagissent par des communiqués, sans grands effets. Le 9 septembre, 700 ONS sont arrêtés et embarqués sous la menace de mitraillettes. Sans meneur, et avec des effectifs de plus en plus réduits, la mobilisation des travailleurs indochinois en France s éteint inexorablement. En 1949, les camps ferment les uns après les autres. En 1950, les ONS ne sont plus que 2 000 en France, la plupart travailleurs libres, éparpillés aux quatre coins de l Hexagone. Le 31 décembre 1952, le service de la MOI disparaît. Il ne reste alors qu un millier de travailleurs vietnamiens en France, dont la plupart ont fondé une famille avec une femme française. L action des quelques militants parmi eux n est plus significative. 28

L ENGAGEMENT DES TRAVAILLEURS INDOCHINOIS NOTES 1. Le 6 août 1945, un bombardier américain lâcha une bombe atomique sur Hiroshima, qui fit 75 000 morts et 90 000 blessés sur une population de 250 000 personnes. 2. Pour une étude développée de cette «Révolution d août» et ses suites, voir Pierre BROCHEUX, «Le déclin et la fin de l empire français en Extrême-Orient», in Pierre BROCHEUX et Daniel HEMERY, Indochine, la colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris, La découverte, 2011 (édition de 1994 augmentée et mise à jour), pp. 325-369. 3. Les accords de Genève, signés le 20 juillet 1954, consacrent le retrait de la puissance coloniale française en Indochine, laissant un pays coupé en deux. Au nord, les communistes du Vietminh ; au sud, un gouvernement fantoche à la solde des Etats-Unis. Cinq ans plus tard, les premiers soldats américains débarquent, marquant le début de la guerre du Vietnam, qui durera jusqu en 1975, date de la réunification du pays. La guerre d Indochine fit environ 500 000 morts vietnamiens (sur 23 millions en 1945) ; la guerre du Vietnam en fit 3 millions. 4. En 1916, la France avait déjà fait venir 48 000 paysans vietnamiens qu elle envoya travailler jusqu en 1918 dans ses usines d armement. Voir Mireille FAVRE, Un milieu porteur de modernisation : travailleurs et tirailleurs vietnamiens en France pendant la 1 re Guerre Mondiale, Thèse de l Ecole nationale des Chartes, 1986. 5. 14 000 Marocains, 6 000 Algériens et 4 000 Malgaches furent aussi recrutés. Au moment du départ de ces derniers, une épidémie se déclencha à Tananarive, et les Malgaches ne purent jamais être envoyés vers la métropole. Quant aux travailleurs nord-africains, contrairement aux Indochinois, non seulement ils ne furent pas soumis à un régime de privation de libertés, mais ils furent aussi tous renvoyés dans leur pays dès juillet 1940. Source : Les Documents français, Revue des hautes études politiques, sociales, économiques et financières N 6, juin 1942, éditée provisoirement à Clermont- Ferrand, p. 19. 6. Voir Pierre DAUM, Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), Arles, Actes Sud, 2009. 7. Sur l identité réelle de Hô Chi Minh, et sur le fait que le Vietminh était dirigé par les communistes, Alain RUSCIO, dans sa thèse de doctorat, Les communistes français et l Indochine, 1944-1954, soutenue en 1984, université de Paris 1, p. 177, pense qu «il paraît plus probable que ce ne fut qu au cours du dernier trimestre 1945 que les Vietnamiens de France furent réellement informés». 8. Les deux élèves-ingénieurs sont Hoang Don Tri et Nguyen Duoc, et les quatre interprètes-ons : Hoang Khoa Khoi, Dang Van Long, Dao Gia Trung et Nguyen Van Lien. Ces hommes, dans leurs écrits, ont tendance à accorder un rôle central au mouvement trotskyste dans les camps, et plus généralement au sein de l immigration vietnamienne de l immédiat après-guerre. Voir par exemple ANH Van (pseudonyme de Hoang Don Tri), Les travailleurs vietnamiens en France, 1939-1950, in Cahiers Léon Trotsky n 40, décembre 1989, Paris, Institut Léon Trotsky, pp. 5-19. 9. Le nom vietnamien de cette Délégation comprend le mot Viêt-Nam, appellation encore interdite en France, car trop nationaliste. 10. Manifeste du Congrès national des Indochinois à Avignon, 17 décembre 1944, document reproduit par Liêm- Khê TRAN-NU, (aujourd hui LUGUERN), Les Travailleurs indochinois en France de 1939 à 1948, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier. Université de Paris X, 1987/1988, annexe 8, p. 248. 11. Cette revendication d un «régime démocratique en Indochine» correspond aux mots d ordre des nationalistes vietnamiens au Vietnam à la veille de la Seconde guerre mondiale. Pour une étude sur le mouvement national au Vietnam dans les années 1920-1930, voir Daniel HEMERY, «Résistances, nationalismes, mouvements sociaux (1900-1939)», in BROCHEUX et HEMERY, op. cit., pp. 275-323. 12. Archives nationales d outre-mer (ANOM), INF 208/1562. 13. Le 5 mai 1947, les ministres communistes sont limogés du gouvernement à cause d un conflit aux usines Renault. Le 18 mars, ils avaient encore voté en faveur des crédits destinés au CEFEO. 14. Service historique de la défense (SHD), Vincennes, 10- H-61, dossier n 4. Cité par Alain RUSCIO, op. cit., p. 176. 15. L Humanité, 30 mars 1945. 16. Archives départementales du Vaucluse (AD Vaucluse) Note d information de la Sureté nationale, 5 novembre 1945, 4W9489. 17. ANOM, INF 102/981. 18. AD Vaucluse, Tract, 4W9489. 19. AD Vaucluse, 4W9489. 20. AD Vaucluse, 4W3692. 21. AD Vaucluse, 4W9489. 22. Très puissant à Saïgon dans les années 1930, le mouvement trotskiste constituait un sérieux rival pour Hô Chi Minh. Sur la question toujours pas élucidée de l assassinat de ses dirigeants, voir HOANG KHOA Khoi, «Qui a assassiné Ta Tu Thau et les trotskistes vietnamiens?», in Chroniques vietnamiennes, Paris, spécial, août 1997, p. 16. 23. Pour le détail sur les événements de Mazargues, voir Dominique FOULON, «Massacre à Mazargues», in Carnets du Vietnam n 24, janvier 2010, pp. 14-18. 24. En décembre 1947 avaient débuté de longues et difficiles négociations avec l ex-empereur Bao Dai. Elles 29

MIGRANCE 39 aboutirent le 8 mars 1949 : la France reconnaît l indépendance du Vietnam dans le cadre de l Union française, avec un gouvernement dirigé par Bao Dai. 25. Déclaration de la Délégation générale des travailleurs indochinois, 17 juillet 1948, In Bulletin d information n 1 édité par le Comité de défense des travailleurs vietnamiens, août 1948, archives du CERMTRI. BIBLIOGRAPHIE ANGELI Pierre, Les Travailleurs indochinois en France pendant la seconde guerre mondiale (1939-1945), Thèse de doctorat, Faculté de Droit de l Université de Paris, soutenue le 16 mai 1946, 212 p. ANH Van (pseudonyme de Hoang Don Tri), Les travailleurs vietnamiens en France, 1939-1950, in Cahiers Léon Trotsky n 40, décembre 1989, Paris, Institut Léon Trotsky, pp. 5-19 BROCHEUX, Pierre et HEMERY, Daniel, Indochine, la colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris, La découverte, 2011 (édition de 1994 augmentée et mise à jour), 451 p. DAUM, Pierre, Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), Arles, Actes Sud, 2009, 277 p. FAVRE, Mireille, Un milieu porteur de modernisation : travailleurs et tirailleurs vietnamiens en France pendant la 1 re Guerre Mondiale, Thèse de l Ecole nationale des Chartes, 1986, 2 vol., 769 p. FOULON, Dominique, «Massacre à Mazargues», in Carnets du Vietnam, n 24, janvier 2010, pp. 14-18. HOANG KHOA Khoi, «Qui a assassiné Ta Tu Thau et les trotskistes vietnamiens?», in Chroniques vietnamiennes, Paris, spécial, août 1997, p. 16. Les Documents français, Revue des hautes études politiques, sociales, économiques et financières, N 6, juin 1942, éditée provisoirement à Clermont-Ferrand. RUSCIO, Alain, Les communistes français et l Indochine, 1944-1954, thèse de doctorat d état, 1984, université de Paris 1. Cette thèse fut éditée sous une forme réduite dans Alain RUSCIO, Les Communistes français et la guerre d Indochine 1944/1954, Paris, L Harmattan, 1985, 423 p. TRAN-NU, Liêm-Khê (aujourd hui LUGUERN), Les Travailleurs indochinois en France de 1939 à 1948, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier. Université de Paris X, 1987/1988, 254 p. SITE INTERNET www.travailleurs-indochinois.org 30