Chambre Jugement n 2013-0028 Opérations présumées constitutives de gestion de fait des deniers publics de la région Picardie Poste comptable de la paierie régionale de la région Picardie (80) Exercices 2001 à 2008 Audience publique du 3 septembre 2013 Lecture publique du 18 septembre 2013 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA CHAMBRE, Vu l arrêté du 21 mars 2012 portant délégation des procédures mentionnées à l article L. 212-1 du code des juridictions financières par lequel le Premier président de la Cour des comptes a transféré en l état les procédures en cours devant les chambres régionales des comptes (CRC) du Nord Pas-de-Calais et de Picardie à la CRC de Nord Pas-de-Calais, Picardie ; Vu le code des juridictions financières ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu l article 60 de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 modifié ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la comptabilité publique ; Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; Vu le réquisitoire n RGF 2009-01 en date du 14 août 2009, par lequel le procureur financier a saisi la chambre afin de statuer sur des opérations présumées constitutives de gestion de fait des deniers publics de la région Picardie ; JU 2013-0028 GF région Picardie - 1/6 -
Vu la décision du président en date du 1 er septembre 2009 qui désigne un rapporteur et l arrêté du président du 14 février 2013, qui nomme M. Patrice Ros, président de section, rapporteur de l instance ouverte par le réquisitoire ; Vu les notifications du réquisitoire adressées aux ordonnateurs successifs et directeurs ou responsables du conseil régional de Picardie, aux présidents et directeurs successifs de la chambre régionale des métiers et de l artisanat de Picardie, à la Caisse régionale de Crédit agricole de la Somme puis au Crédit agricole Brie Picardie ainsi qu à leurs directeurs successifs ; Vu les accusés de réception des notifications du réquisitoire ; Vu les lettres des 19 octobre 2009, 15 janvier 2010 et 3 juin 2010 enregistrées respectivement au greffe les 22 octobre 2009, 18 janvier 2010 et 4 juin 2010, des présidents successifs de la chambre régionale des métiers et de l artisanat de Picardie ; Vu la lettre du 8 mars 2010 du représentant de la chambre régionale des métiers et de l artisanat de Picardie, enregistrée au greffe le 9 mars 2010 ; Vu le rapport n 2013-0172 de M. Patrice Ros, magistrat instructeur, en date du 28 juin 2013, et les conclusions du procureur financier du 22 août 2013 ; Vu les lettres du 2 juillet 2013 informant les parties de la clôture de l instruction ; Vu les pièces communiquées par les conseils des parties, enregistrées au greffe de la chambre le 1 er juillet 2013 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l audience ; Après avoir entendu à l audience publique le magistrat-rapporteur, M. Patrice Ros et le procureur financier ; Entendu les conseils des parties à l instance ; Vu ensemble les pièces à l appui ; I - SUR LA PROCEDURE Attendu que par réquisitoire susvisé, le représentant du ministère public a saisi la chambre d opérations présumées constitutives de gestion de fait en ce qui concerne les deniers de la région Picardie ; Attendu qu en application de l article 11 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, les comptables publics sont seuls chargés de l encaissement des recettes, du paiement des dépenses et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics ainsi que du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités ; JU 2013-0028 GF région Picardie - 2/6 -
Attendu que l article 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963 dispose que «Toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d un comptable public, s ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d un poste comptable ou dépendant d un tel poste doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l emploi des fonds ou valeurs qu elle a irrégulièrement détenus ou maniés. Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d un organisme public et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d exécuter en vertu de la réglementation en vigueur. Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions et entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions régulières. Néanmoins, le juge des comptes peut, hors le cas de mauvaise foi ou d infidélité du comptable de fait, suppléer par des considérations d équité à l insuffisance des justifications produites. Les comptables de fait pourront, dans le cas où ils n ont pas fait l objet pour les mêmes opérations des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l article 433-12 du Code pénal, être condamnés aux amendes prévues par la loi» ; Attendu qu en application de l article L. 231-3 du code des juridictions financières, «la chambre régionale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu elle a déclarées comptables de fait. Elle n a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu elle a déclarés comptables de fait (...) l action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la chambre régionale des comptes en est saisie» ; que l article R. 231-1 du même code précise «qu elle déclare et apure les gestions de fait des collectivités et établissements publics de son ressort et prononce les condamnations à l amende» ; Attendu qu il appartient, en conséquence, à la chambre de se prononcer sur l existence d irrégularités présumées constitutives de gestion de fait ; II - SUR L EXISTENCE D UNE GESTION DE FAIT Le dispositif mis en place par la région Picardie Attendu que la région Picardie a mis en place auprès de la chambre régionale des métiers et de l artisanat de Picardie un fonds d avances remboursables au profit des artisans qui créent ou reprennent une entreprise ; Attendu que la délégation de ce fonds a fait l objet d une convention en date du 11 décembre 1987, reconduite annuellement par 16 avenants ; que ce dispositif a été étendu par convention signée le 13 mai 2002 puis par 7 avenants ; Attendu que, par délibération en date du 18 décembre 2009, le conseil régional a mis fin à la délégation de gestion des avances remboursables confiée à la chambre régionale des métiers et de l artisanat par dénonciation de la convention en vigueur ; JU 2013-0028 GF région Picardie - 3/6 -
L attribution des avances Attendu qu en vertu des dispositions conventionnelles, la région n a fixé que les conditions générales d octroi des avances s imposant à tous les demandeurs ; que la chambre régionale des métiers et de l artisanat s est vue confier le soin d instruire les demandes et de participer à la décision finale d attribution et de la notifier ; Attendu que peuvent être constitutives d extraction irrégulière de fonds publics les pratiques par lesquelles les tiers, à partir des subventions qui leur sont allouées, ne font qu exécuter des décisions qui demeurent prises par la collectivité ; Attendu que la décision d attribution des avances relève d un comité ad hoc dans lequel sont représentées, notamment, la région et la chambre des métiers et de l artisanat qui disposent, à ce titre, du même nombre de voix ; Attendu que s il peut être discuté du point de savoir si, au sein du comité d attribution, la chambre régionale de métiers et de l artisanat dispose d un pouvoir autonome et souverain pour sélectionner les entreprises bénéficiaires et décider du montant et des modalités d attribution, il n est pas établi que la région dispose des pouvoirs pleins et entiers en la matière ; Attendu que, dans ces conditions, les subventions accordées par la région à la chambre régionale de métiers et de l artisanat ne présentent pas un caractère fictif ; Attendu que, depuis la délibération en date du 18 décembre 2009, le conseil régional décide de l attribution des aides ; qu il en assure également leur suivi financier ; Attendu que, depuis 2010, le rôle de la chambre régionale des métiers et de l artisanat est essentiellement d ordre consultatif ; qu il se borne à donner des avis techniques sur les dossiers de demande d avances des artisans ; La gestion des fonds dédiés aux avances remboursables Attendu que la chambre régionale des métiers a, depuis 1991, confié le paiement des avances et leur remboursement à un établissement bancaire, le Crédit agricole Brie Picardie ; que les comptes ouverts auprès de cette banque ont été dédiés au dispositif régional ; Attendu que l intervention de la banque s est limitée aux obligations d un dépositaire des fonds ; qu elle procède ainsi au versement des aides sur la base des décisions du comité d attribution ; Attendu que les remboursements effectués par les artisans ainsi que les dotations de la région non consommées ont été reversés dans la caisse du payeur régional ; que quatre titres ont été ainsi émis et recouvrés par la région pour un montant total de 4 701 745,96 euros : - titre n 1781 du 1 er septembre 2011 d un montant de 1 071 169,23 euros ; - titre n 3167 du 31 décembre 2011 d un montant de 2 049 580,67 euros ; - titre n 208 du 16 février 2012 d un montant de 715 731,49 euros ; - titre n 48 du 5 février 2013 d un montant de 865 264,57 euros ; JU 2013-0028 GF région Picardie - 4/6 -
Attendu que le montant des dossiers en cours de remboursement s élève à 338 427,75 euros ; Attendu que la prochaine émission de titre interviendra en septembre 2013 ; que le solde du compte de la chambre des métiers et de l artisanat ouvert auprès du Crédit agricole Brie Picardie sera aussi intégralement reversé ; que les dernières échéances des remboursements des avances interviendront en 2016 et feront l objet de la même procédure ; Attendu que, pour les avances accordées depuis 2010, les remboursements des artisans sont directement enregistrés par le comptable public ; Sur le placement des fonds Attendu qu en application de la convention qui lie la chambre des métiers et de l artisanat au Crédit agricole Brie Picardie, les dépôts des fonds régionaux faisaient l objet de placements audessus d un solde moyen ; Attendu que les placements, constitués de valeurs d Etat et de comptes à terme, sont conformes à la réglementation applicable aux collectivités locales en vertu des dispositions de l article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales ; Attendu que la totalité des intérêts s élèvent à 219 347 euros ; que cette somme a été reversée dans la caisse du comptable public lors de l émission du titre en date du 1 er septembre 2011 ; que, depuis cette date, aucun placement n a été effectué en raison d un solde du compte de la chambre des métiers et de l artisanat insuffisant ; Attendu que des mesures de régularisation ont été engagées par les parties à l instance ; que la convention portant délégation de la gestion des avances à la chambre des métiers et de l artisanat a été dénoncée en décembre 2009 ; que des reversements ont été effectués par ladite chambre dans la caisse du comptable public à partir de 2011 ; Attendu qu il résulte de ce qui précède que les irrégularités présumées constitutives de gestion de fait ne sont pas établies ; qu en conséquence il n y a pas d intérêt pratique à déclarer une gestion de fait. ORDONNE ce qui suit : STATUANT DEFINITIVEMENT DIT n y avoir lieu à déclaration de gestion de fait des deniers de la région Picardie, en ce qui concerne les faits évoqués ci-dessus. JU 2013-0028 GF région Picardie - 5/6 -
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie réunie en chambre plénière le trois septembre deux mille treize. Délibéré, hors la présence de M. Patrice Ros, magistrat chargé de l instruction et du procureur financier et en présence de Mme Isabelle Lhomme, greffier par : M. Christian Colin, président de séance, MM. Jacques Mérot, Bernard Matagne, Jean-Pierre Richard et Dominique Corbeau, magistrats. Le Greffier, Le Président de séance, Isabelle LHOMME Christian COLIN En foi de quoi, le présent jugement a été signé par M. Colin, président de séance et Mme Lhomme, greffier de la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie. En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. La requête en appel ou la demande en révision doit justifier, sous peine d irrecevabilité ou de rejet d office, de l acquittement de la contribution fixée à l article 1635 bis Q du code général des impôts aux termes duquel «une contribution pour l aide juridique de 35 est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative» 1. 1 Article 54 de la loi n 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. JU 2013-0028 GF région Picardie - 6/6 -