Du même auteur. L Amour est un souffre-bonheur, Mon Petit Éditeur, 2013

Dimension: px

Commencer à balayer dès la page:

Download "Du même auteur. L Amour est un souffre-bonheur, Mon Petit Éditeur, 2013"

Didier Sylvain
il y a 8 ans
Total affichages :

2 Du même auteur L Amour est un souffre-bonheur, Mon Petit Éditeur, 2013

3 Sismographe ALOÏS Mon Petit Éditeur

4 Retrouvez notre catalogue sur le site de Mon Petit Éditeur : Ce texte publié par Mon Petit Éditeur est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d auteur. Mon Petit Éditeur 14, rue des Volontaires PARIS France IDDN.FR R.P Cet ouvrage a fait l objet d une première publication par Mon Petit Éditeur en 2014

Son impression sur papier est strictement réservée à l acquéreur et limitée à son usage personnel.

5 Pour Mamie Juju, Charlotton.

7 La mort est un assassin. Aujourd hui, nous sommes le 13 mars et je vis un deuil à moitié consommé. La femme que j aime, la femme qui m a élevée de cœur et d esprit se vide de tout son sens. La maladie d Alzheimer gangrène son visage et je ne peux que regarder ce qui est en train de se passer. Incapable de l aider. Comme la plupart des gens, j ai découvert cette maladie par hasard. Avant on en parle peu, on sait juste que ça parle vaguement d un problème de mémoire, sans se douter une seule seconde des méandres dans lesquels elle va nous mener. Me voilà face à elle maintenant, découvrant l envers du décor, les facettes d un terrorisme intérieur qui ne laissera rien. Une curée qui annihile toute envie de croire en Dieu. 7

La maladie d Alzheimer gangrène son visage et je ne peux que regarder ce qui est en train de se passer. Incapable de l aider.

9 Cela a commencé il y a plus de quinze ans. Tu avais une cinquantaine un peu passée et dans mes yeux d enfant insouciant je n ai pas compris l émergence de ma douleur à cet instant précis. Je passais mes vacances, mon temps libre chez toi, avec toi, entourée de l innocence des jours tranquilles, où tout se passe toujours comme dans les films. On s amuse, on joue à des jeux de société, on mange à pleine bouche, on ose perdre du temps à regarder les dessins animés, à écouter la musique, à refaire le monde. J étais la première petite fille, j avais cette pole position que les autres n auraient pas dans ton cœur. Ce lien qui nous unissait était plus fort que les autres, plus pérenne, plus universel sans que nous ne puissions expliquer pourquoi. Toi, la question ne s est même pas posée, tu as eu la première place très rapidement, sans que l on ne se le dise jamais vraiment. Dès que je pouvais venir me réfugier dans ta grande maison familiale dans la campagne Champenoise, j y courais. La maison était immense, le jardin rempli d arbres fruitiers, de baies, de géraniums. L été, tu disais toujours à la marmaille encore à table : «Allez chercher les desserts dans le jardin!» et nous partions tous en furie vers le framboisier, le cerisier, le groseillier se servir allègrement de ce dessert maison hors du commun. 9

On s amuse, on joue à des jeux de société, on mange à pleine bouche, on ose perdre du temps à regarder les dessins animés, à écouter la musique, à refaire le monde.

10 Le cerisier était immense, je n en ai jamais revu un d aussi grand et majestueux. Tu refusais de lui couper les branches du bas, qui traînaient presque sur l herbe pour pouvoir laisser la chance aux plus petits d avoir eux aussi, leur part du gâteau. Avec le recul, on ressemblait à une de ces séries télévisées sur les familles unies qui vivent dans de belles maisons et qui transpirent la joie et l amour quotidiennement. Tu avais le CV de grand-mère le plus appétissant du village : femme de boulanger, excellente pâtissière, cuisinière gourmande et à l écoute de chacun. Les matins étaient toujours synonymes d oranges pressées, de pain frais et de la radio. RTL, la valise RTL, les chansons, les humoristes parfois. Il y a eu Hermesse, la chienne pour parfaire ce décor proche d une utopie de l épicurisme. Un croisement Labrador et Setter Irlandais, pleine de vie, le complément idéal pour les enfants qui couraient dans le jardin. Le pack premium «vie à la campagne» all inclusive. Noël ressemblait à une fête gargantuesque, on le faisait toujours ici, sur la grande table en bois du salon. Les plats s enchevêtraient au champagne, les rires, la montagne de cadeaux, de photographies, tout était là pour signifier l importance d être réunis par toi. Tu cuisinais tout, les plats, entrées et bien sûr, les bûches. Des dizaines de bûches étaient alors entreposées à cette période dans le sous-sol, près de ton atelier. Ça sentait la crème pâtissière, le chocolat, le noël réussi. Tu m avais montré tes astuces, tes poches à douilles, fait goûter la crème à même la poche, choisi les personnages à placer en guise de décoration, et parfois même décider du goût des différentes couches de crème. 10

Avec le recul, on ressemblait à une de ces séries télévisées sur les familles unies qui vivent dans de belles maisons et qui transpirent la joie et l amour quotidiennement.

11 Le million de bûches à peine disparues, données à toutes tes connaissances, c étaient les galettes des rois qui prenaient la place. La frangipane maison embaumait tout l atelier, tu me laissais placer quelques fèves, et parfois même en mettre deux. Tout au long de l année les spécialités s enchaînaient : confitures, tartes, gâteaux d anniversaires ou de baptême. On aurait dû se douter qu un jour cela finirait. Que l idée que cela puisse durer encore trois ou quatre décennies était totalement invraisemblable. Mais avec toi, le temps s arrêtait et on avait envie d avoir treize ans, dans ta maison, pour toujours. Mais le temps avance, passe et efface les meilleures choses pour, inéluctablement, nous amener vers la fin. Parfois cela se passe en un éclair de seconde, quelqu un meurt subitement, disparaît de notre vie. L anéantissement d une seconde à l autre était une possibilité. L avantage de cette disparition type «triangle des Bermudes» est qu elle te fait l effet de l arrachage de pansement à vitesse grand V. Une immense souffrance d un seul coup. Un meurtre sans préméditation. Toi, ça a été différent. Sournois, vicieux, silencieux, presque imperceptible durant les premières années Nous étions en week-end familial, tous ensemble près d un étang dans les Ardennes. Comme à chaque fois lors de ces réunions de famille, les repas, les apéros prennent autant de place que l art de la pêche. Les hommes accrochés à leurs cannes et à leurs bières ne revenaient que pour manger, ils comparaient leurs prises, mais sans plus. Je crois que ce qui les intéressait surtout, c était ce moment d extrême tranquillité, où l excuse du poisson qui rôde est le plus beau prétexte inventé pour prôner le droit au silence. 11

Tout au long de l année les spécialités s enchaînaient : confitures, tartes, gâteaux d anniversaires ou de baptême. On aurait dû se douter qu un jour cela finirait.

12 Parfois, les plus jeunes péchaient eux aussi. Mais les emmêlages de ligne à répétition ont eu raison des invitations des plus grands à les rejoindre. Les femmes de leur côté cuisinaient, bien sûr, jouaient au rami, lisaient des magazines, se reposaient au soleil. Les gosses n avaient besoin de rien. La forêt qui entourait les lieux était vaste et le seul but que nous avions tous était de construire une cabane hors du commun, à l écart des plus grands pour venir y manger le midi. Il nous arrivait de rester deux ou trois jours parfois, les caravanes et toiles de tente étaient sur le terrain de l étang, tout était prévu pour passer un moment loin de tout. Les amis, la famille étaient réunis et nous étions au moins une dizaine à chaque fois. Comment imaginer qu un décor aussi idyllique puisse être le premier acte d un théâtre de la maladie. Pourtant, ça y est, quelque chose s en vient. L heure est aux courses, nous établissons toi et moi une liste rapide, mentale, cinq ou six éléments et nous partons seules. Les autres continuent de vaquer à leurs occupations, insouciants et inconscients de ce qui va se produire quelques minutes plus tard. J aimais ces instants privilégiés avec toi, j avais l impression que rien ne pouvait nous séparer, que tu m avais élue pour faire les courses avec toi, que j avais gagné. En voiture vers l épicerie, tu commences à m évoquer le fait que tu oublies des choses, que ça te déplaît. J ai à peine treize ans et certains mots n existent ni dans ma mémoire, ni encore réellement dans l actualité du pays. Je me dis que moi aussi il m arrive de ne pas me rappeler de ce que j ai mangé à la cantine hier midi. Ton air inquiet ne m alarme pas et nous entrons dans le magasin pour une dizaine de minutes. 12

La forêt qui entourait les lieux était vaste et le seul but que nous avions tous était de construire une cabane hors du commun, à l écart des plus grands pour venir y manger le midi.

Documents pareils

1. La famille d accueil de Nadja est composée de combien de personnes? 2. Un membre de la famille de Mme Millet n est pas Français. Qui est-ce?

1. La famille d accueil de Nadja est composée de combien de personnes? 2. Un membre de la famille de Mme Millet n est pas Français. Qui est-ce? 1 LA FAMILLE 1.1 Lecture premier texte Nadja va passer quatre mois de la prochaine année scolaire en France. Aujourd hui, elle a reçu cette lettre de sa famille d accueil. Chère Nadja, Je m appelle Martine