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2 La Société des Nations Vers un monde multilatéral, Michel Marbeau DOI : /books.pufr Éditeur : Presses universitaires François-Rabelais Année d'édition : 2017 Date de mise en ligne : 17 octobre 2018 Collection : Perspectives Historiques ISBN électronique : Édition imprimée ISBN : Nombre de pages : 297 Référence électronique MARBEAU, Michel. La Société des Nations : Vers un monde multilatéral, Nouvelle édition [en ligne]. Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2017 (généré le 05 mai 2019). Disponible sur Internet : < ISBN : DOI : / books.pufr Ce document a été généré automatiquement le 5 mai Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. Presses universitaires François-Rabelais, 2017 Conditions d utilisation :

3 1 Née à la fin de la première grande conflagration mondiale, morte à la seconde, la Société des Nations ( ) fut la première organisation internationale d envergure, fruit de l espoir utopique d un monde apaisé. Sa mémoire est frappée d une légende noire car, dans l imaginaire collectif, la SdN est coupable d avoir échoué à enrayer la marche vers la seconde guerre mondiale. Accusée d inertie bureaucratique, vilipendée pour son incapacité à imposer des règlements pacifiques, la SdN a été désignée comme bouc émissaire des échecs de la sécurité collective. Cette SdN ridiculisée et honnie est pourtant mère de l ONU. La SdN a-t-elle été un échec ou une réussite? La réponse est loin d être évidente. Son échec résulte des contradictions et de l irrésolution du monde de l entre-deux-guerres, les États membres n ayant pas su s entendre ou ayant privilégié un nationalisme étroit. En revanche, la SdN a largement contribué au renouveau des relations internationales en s employant à créer une diplomatie ouverte. Son œuvre technique, d une très grande variété, est une incontestable réussite, et le prélude aux organisations internationales contemporaines. Ce livre propose pour la première fois une synthèse complète de la genèse et de l histoire de la SdN ( ), sujet majeur pour la connaissance des relations internationales du XX e siècle. MICHEL MARBEAU Agrégé d histoire, spécialiste en histoire des relations internationales de l entre-deuxguerres (organisations internationales, femmes et relations internationales), Michel Marbeau enseigne à l École alsacienne de Paris après avoir travaillé plusieurs années dans l enseignement supérieur à l Institut d études politiques de Paris, à l université de Paris I- Panthéon-Sorbonne et à l université de Paris 3-Sorbonne Nouvelle.

4 2 SOMMAIRE Remerciements Introduction Partie I. Origine et constitution de la Société des Nations Chapitre 1. Préhistoire de la Société des Nations Les «faiseurs de plans» (XIV e -XVIII e siècle) Un XIX e siècle paradoxal : des progrès malgré le triomphe des nationalités et de l'individualisme Chapitre 2. La Société des Nations, fille de la «Très Grande Guerre» Une idée du président Wilson? Le projet britannique Le projet français Chapitre 3. Vers la création d'une organisation internationale Quel projet choisir? Les débats de la Conférence de la paix Le Pacte de la Société des Nations, un élément du traité de Versailles Partie II. L organisation et le fonctionnement de la Société des Nations Chapitre 1. Les États membres Les vainqueurs et les neutres Le temporaire rejet des vaincus La défection des États-Unis L'évolution de 1920 à 1946 Chapitre 2. L Assemblée et le Conseil L Assemblée Le Conseil Chapitre 3. Le Secrétariat Les fonctions du Secrétariat Les structures du Secrétariat Le personnel Chapitre 4. L esprit de Genève Genève ville internationale Les palais des Nations La ruée, chaque automne Militer en faveur de la Société des Nations Chapitre 5. Les organismes liés à la Société des Nations Le BIT (Bureau international du travail) La CPJI (Cour permanente de justice internationale)

5 3 Partie III. L œuvre politique, entre espoirs et crises ( ) L œuvre politique, entre espoirs et crises ( ) Chapitre 1. La Société des Nations et l application des traités de paix L'administration du territoire de la Sarre La protection et la garantie de la ville libre de Dantzig La protection des minorités Le contrôle de l'administration des territoires sous mandat Chapitre 2. Vers le règlement pacifique des conflits internationaux et le renforcement de la sécurité collective Du protocole à l'idée européenne Des réponses aux différends politiques Chapitre 3. Des échecs répétés ( ) Les crises des années 1930 L expansion japonaise en Mandchourie L'Allemagne met la Société des Nations en échec L'affaire éthiopienne Un bilan mitigé dans les autres affaires Vers la guerre Partie IV. Les succès de l œuvre technique ( ) Les succès de l œuvre technique ( ) Chapitre 1. Vers une meilleure connaissance du monde Le recueil et la diffusion des informations L'œuvre juridique Chapitre 2. L œuvre technique La prise en charge des problèmes économiques et sociaux du monde entier L'œuvre économique et financière Les communications et le transit L'hygiène L œuvre sociale et humanitaire La coopération intellectuelle Chapitre 3. La réforme Bruce : vers une promotion des activités techniques? Genèse d une réforme Qu est-ce que le rapport Bruce?

6 4 Partie V. La fin de la Société des Nations ( ) Chapitre 1. La Société des Nations paralysée? ( ) L'adaptation du Secrétariat à l'état de guerre L'intervention dans le conflit russo-finlandais L adoption de la réforme Bruce et son échec Le Secrétariat en crise Chapitre 2. La Société des Nations en temps de guerre ( ) Des structures fonctionnant au ralenti Les fonctions exercées par la Société des Nations au cours de la guerre Chapitre 3. De la Société des Nations à l Organisation des Nations unies ( ) La nécessité d'un sacrifice S'inspirer de la Société des Nations sans reconnaître explicitement la filiation La dissolution de la Société des Nations Conclusion Sources Annexes Index Cahier d'illustrations

7 5 Remerciements 1 Mes premiers remerciements se dirigent évidemment vers Pierre-Antoine Dessaux, sans qui cet ouvrage n'aurait jamais vu le jour. Je me souviendrai donc toujours d une réunion d anciens élèves de l École alsacienne pour célébrer les 30 ans de leur baccalauréat qui nous a permis de nous retrouver et d évoquer ce projet! Je suis honoré que cet ouvrage appartienne à la collection que tu diriges. Merci aussi à Samuel Leturcq d avoir accepté de publier cet opus et de me faire confiance. Merci enfin à Bertrand Jouanneau et à Mickaël Robert pour leur remarquable travail d édition et de relecture. 2 Je n oublie enfin pas mes deux maîtres, qui m ont mis le pied à l étrier et ont été à l origine de mes travaux sur la Société des Nations : René Girault ( ), trop tôt disparu, et Robert Frank.

8 6 Introduction 1 La Société des Nations est un organisme tout à la fois célèbre et méconnu. Alors que de nombreux ouvrages ont été publiés sur l ONU, dont les archives restent pourtant encore difficiles d accès, voire inaccessibles, la SdN reste d autant plus curieusement oubliée que la majeure partie de ses archives est ouverte. Certes, de nombreux travaux portent sur des questions ponctuelles fort intéressantes, mais une récente synthèse d ampleur manque 1. Peu de colloques lui ont été consacrés et rien ne paraît prévu pour le soixantedixième anniversaire de sa dissolution. 2 D où viennent ces lacunes? Leurs origines sont difficiles à déterminer. Les historiens, même spécialisés dans les relations internationales ne sont pas nombreux à travailler sur les organisations internationales, laissant le champ libre aux politologues, qui semblent être plus intéressés par les enjeux des questions actuelles plutôt que par un passé pour eux déjà ancien. Peut-être faut-il aussi prendre en considération la légende noire qui frappe cette organisation depuis la fin de la guerre : elle a échoué puisqu elle n a pu sauver la paix. Elle est donc en quelque sorte maudite. Cette image négative est aussi colportée par la littérature, notamment par des œuvres importantes ou/et ayant connu un certain succès. On pense immédiatement à Belle du seigneur d Albert Cohen, qui dresse un portrait au vitriol de l organisation internationale et de ses fonctionnaires. Céline n est pas en reste dans ses pamphlets (Bagatelle pour un massacre) ou dans son unique pièce, L Église. Les caricaturistes de toutes nationalités s en sont aussi donné à cœur joie dans leurs quotidiens. Les défenseurs de la SdN n ont généralement pas connu la même audience et il est très difficile d inverser ce flux négatif lorsque la dénonciation est exprimée avec talent. Ce ressenti fait donc loi. Toute affirmation contraire paraît vouée à l échec. Cette image, même si elle est erronée, reste et demeure tenace au point que de nombreux éditeurs contemporains rechignent à publier un ouvrage sur une organisation mal aimée et donc à leurs yeux peu susceptible d attirer des lecteurs. 3 Cette vision, bien que commune, est réductrice. L historien contemporain ne peut en rester à ce désolant constat d échec. En effet, la SdN a trop souvent été comprise comme une force politique placée au-dessus des gouvernements et des peuples. Il semble qu on lui ait donné une personnalité propre qu elle n avait pas. La SdN n est pas au-dessus des Etats et n a ni gouvernement, ni force armée. Il ne faut pas oublier que le seul organe dont dispose cette organisation est son secrétariat. Or ce dernier, n ayant seulement qu un rôle administratif, se contente de mettre en application les directives proposées

9 7 par les organes exécutifs de la SdN, c est-à-dire les représentants des différents gouvernements 2. Ces derniers, consciemment ou non, ont fait de la SdN un bouc émissaire, un alibi facile de leur absence de responsabilité ou de leur manque de courage. 4 Loin de vouloir absoudre cette organisation de tous défauts, nous avons essayé d adopter une vision plus nuancée et qui ne reste pas uniquement axée sur les grandes questions politiques et diplomatiques généralement bien connues. Nous avons en effet largement tenu compte d aspects beaucoup plus «techniques» (organisations et commissions techniques), voire culturels et mémoriels, anodins en apparence, mais qui montrent à notre avis la réelle portée de cette première grande organisation internationale et son caractère tout à fait novateur. On est même alors surpris de réaliser l ampleur de la modernisation du monde contemporain engagée par la SdN. 5 Notre objectif, est donc d essayer de montrer que Genève est incontestablement devenue l une des capitales du monde, notamment au moment des sessions automnales de l Assemblée. 6 Il est bien sûr impossible de dépeindre précisément toutes les questions traitées par la SdN. Aucune synthèse ne peut prétendre à l exhaustivité. Il faudra pour cela se reporter à des ouvrages plus conséquents 3 ou à des histoires des relations internationales 4. Outre l information contenue dans ce livre, nous souhaitons proposer aux historiens, étudiants et curieux les moyens de prolonger l intérêt qu ils peuvent porter à telle ou telle question. Les nombreuses notes infrapaginales et les sources qui closent cet ouvrage sont destinées à répondre à cet objectif. NOTES 1. Hormis Pierre Gerbet, Victor-Yves Ghebali et Marie-Renée Mouton, Le rêve d un ordre mondial De la SdN à l'onu, Paris, Imprimerie nationale, 1996, 492 p., réactualisation d'un ouvrage déjà ancien paru chez un autre éditeur : Les palais de la paix. Société des Nations et organisation des Nations unies, Paris, Richelieu, Notre «Que sais-je» paru aux PUF, bien que plus récent (2001) ne pouvait proposer qu une information limitée. 2. Voir les propos d Émile Giraud, ancien conseiller juridique de la SdN, dans La nullité de la politique internationale des grandes démocraties ( ). L échec de la Société des Nations. La guerre, Paris, Recueil Sirey, 1948, p Voir infra Sources. 4. Jean-Baptiste Duroselle, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, II e éd ; René Girault et Robert Frank, Turbulente Europe et nouveaux mondes, , Paris, Payot, coll. «Petite bibliothèque Payot», n o 523, 2004, 528 p. ; René Girault, Robert Frank et Jacques Thobie, La loi des géants , Paris, Payot, coll. «Petite bibliothèque Payot», n o 543, 2005, 544 p.

10 Partie I. Origine et constitution de la Société des Nations 8

11 9 Chapitre 1. Préhistoire de la Société des Nations Les «faiseurs de plans 1» (XIV e -XVIII e siècle) 1 L idée d une organisation, d une association d États destinée à conserver la paix est ancienne et est européenne 2. Le plus ancien projet connu semble être celui du juriste normand français Pierre Du Bois (vers 1250-après 1321) dans De reçuperatione Terre Sancte, au début du XIV e siècle (vers ). L auteur propose une croisade française vers la Terre sainte sous la houlette du roi Philippe le Bel, et non sous celle du pape et de l Église. La condition absolue et préalable du succès de cette entreprise est la paix entre les nations chrétiennes. Il s agit donc de créer une confédération qui serait placée sous la direction d un concile ou d une assemblée où les nations garderaient leur indépendance ; des délégués des princes (laïcs et ecclésiastiques) y siègeraient. Pierre Du Bois introduit aussi l idée d un tribunal d arbitrage international (composé de trois laïcs et de trois ecclésiastiques) destiné à régler les conflits entre les princes. Les contrevenants risquent d être déportés en Terre sainte pour combattre les infidèles! Ce texte original et ambitieux ne sera pas pris en compte par le roi, qui a d'autres soucis, frontaliers notamment. Peu de temps après, Dante Alighieri ( ), dans De Monarchia (1308), livre lui aussi ses idées pour parvenir à la paix du genre humain. Contrairement au réaliste Pierre Du Bois, il prône une monarchie temporelle universelle sous l égide de l empereur, qui ordonnerait une Société universelle des États. Cette thèse paraît bien peu en phase avec le développement du nationalisme à cette époque. 2 Au XV e siècle, Georges de Podebrady (Jiri 2 Podebrad, ), élu roi de Bohême en 1458, est l auteur d un projet de paix ( ) qu il fera transmettre au roi Louis XI. L objectif de Podebrady est double : il s agit d établir la paix dans toute la chrétienté, mais aussi de défendre la foi chrétienne «contre l abominable Turc». Le roi veut fédérer les jeunes nations (l empereur et le pape sont exclus du projet) France, Pologne, Hongrie, Bourgogne, Bavière... en créant une assemblée votant à la majorité simple. Il prévoit aussi une cour de justice, une procédure d arbitrage international, une force armée commune et un budget fédéral qui serait alimenté aux dépens de la dîme ecclésiastique.

12 10 3 On cite souvent le Querela Paris (ou Complainte de la paix) de 1517 d Érasme ( ) pour comprendre son point de vue sur la paix, mais c est dans la «consultation sur la guerre aux Turcs» que le grand humaniste s exprime sur l idée d un pouvoir supranational. Il considère, comme Dante, que la monarchie universelle serait idéale, mais, plus réaliste, il pense qu un équilibre plus ou moins fédératif des puissances serait plus approprié 5. 4 Faut-il aussi inclure, parmi les précurseurs d un nouvel ordre européen, voire international, les courants théologico-politiques de la Renaissance qui prônent une réorganisation de l Europe sous l égide d un souverain de droit divin unique? Ainsi Carion (Chronique et Histoire universelle), Sleidan (L Histoire des quatre empires souverains) militent en faveur de princes allemands, Galatin écrit en faveur du roi d Espagne et Guillaume Postel ( ) privilégie le roi de France. Ce dernier déclare, dans De ce qui est premier pour réformer le monde, qu «il fault qu entre et sur toutz les Roys de ce monde, combien qu ils feussent des-ia Christiens, il y en aye Un, qui, corne Très Christian, soit sur toutz les Roys et princes 6». Pour Postel, cet honneur ne doit revenir ni à l empire turc, ni à l empire germanique, mais au roi de Gaule, descendant direct de la branche aînée de Noé! 5 À partir du XVII e siècle, la mode des projets précis devient plus courante : plusieurs plans importants voient le jour dans les décennies Le moine français Émeric Crucé ( ) publie en 1623 Le Nouveau Cynée (ou Discours d Estat représentant les occasions et moyens d établir une paix générale et la liberté du commerce par tout le monde 7 ). Dans cette œuvre, il préconise l instauration d une assemblée mondiale permanente où tous les princes seraient représentés par des ambassadeurs. Il est intéressant de remarquer que Crucé ne limite pas son plan à la seule participation des princes chrétiens d Europe occidentale et centrale, il souhaite inclure l empereur des Turcs, les juifs, les rois de Perse et de Chine, le grand-duc de Moscovie et les monarques des Indes et d Éthiopie, soit la majeure partie du monde alors connu. Cette assemblée disposerait d une force armée pour faire respecter ses décisions. Crucé pense qu «il serait nécessaire de choisir une ville, où tous les Souverains eussent perpétuellement leurs ambassadeurs» : il propose Venise, ville neutre et centrale et facilement accessible. Un dernier élément, surprenant, de son plan est sa dimension économique : il se préoccupe de la libre circulation des hommes et du commerce, il envisage la création d une monnaie commune et prône l uniformisation des poids et mesures. Crucé devance ainsi des préoccupations des XIX e et XX e siècles. 6 Huigh de Groot, plus connu sous le nom d Hugo Grotius ( ), publie à Paris son impressionnant De Jure Belli ac Lacis (Le droit de la guerre et de la paix 8 ) en 1625 et le dédie à son bienfaiteur, Louis XIII. Cette œuvre a fait de son auteur l un des précurseurs du droit international. Pour lui, la loi divine et la loi naturelle ne suffisent plus, il faut créer une loi qui s impose à toutes les puissances, puisque les États semblent des acteurs irréconciliables sur le théâtre de l Europe. Il s agit non plus de créer une institution, mais de s efforcer de mettre sur pied des instances de rencontre entre puissances pour régler les conflits par l arbitrage : il parle d «assemblées où les litiges des puissances chrétiennes seraient jugés par celles d entre elles qui n y sont pas intéressées, afin de chercher les moyens de forcer les parties à se réconcilier sous des conditions raisonnables». 7 Maximilien de Béthune, duc de Sully ( ), célèbre ministre d Henri IV, prétend dans le premier tome de ses mémoires, publiées en 1638 sous le titre Mémoires des sages et

13 11 royales Œconomies d Estat, domestiques, politiques et militaires de Henry le Grand, que son souverain avait un «grand dessein» : un plan de réorganisation politique de la chrétienté. Ce projet émane en fait de la pensée personnelle du ministre. Le projet n est pas évoqué d un seul tenant, des idées sont en fait dispersées à travers les milliers de pages des Mémoires. Il s agit de diviser l Europe en quinze États de puissance comparable 9. Ils formeraient une confédération dirigée par un conseil de l Europe, composé d un conseil général composé de délégués de chaque État (quatre pour chaque grande puissance, deux pour les autres), dont le siège serait fixé, chaque année, dans une ville du centre de l Europe (à proximité du Rhin) et de six conseils provinciaux. Ces conseils ont le devoir de régler les rapports entre les nations et à l intérieur de chacune entre les souverains et leurs sujets. Il s agit aussi de régler les questions d intérêt commun et d élaborer des projets. Les décisions prises sont exécutoires et définitives. Le conseil devrait disposer de forces armées. Comme chez Crucé, Sully est favorable à la liberté du commerce et à la suppression des barrières douanières. 8 Il convient aussi de retenir les idées d un humaniste connu pour d autres travaux : Comenius (Jan Amos Komensky). Ce prêtre tchèque ( ) est considéré comme le «père» des sciences de l éducation moderne grâce à plusieurs de ses ouvrages très novateurs comme La porte ouverte sur les langues (1631), Orbis Pictus (1658), premier livre associant des images au texte, et surtout La Grande Didactique (1638). Mais de 1645 à sa mort, il compose une gigantesque compilation de tous ses travaux dans une œuvre inachevée, De emendatione rerum humanorum consultatio catholica, décomposée en sept livres. Dans le sixième, «Panorthosia» (réforme universelle), il considère qu il est possible de remédier aux erreurs du monde (depuis l individu jusqu à la «société universelle» en passant par la famille, l école, l Église et l'état) par la création d institutions et d organes internationaux chargés du progrès scientifique, de l élaboration des lois internationales, des accords entre religions. Leur objectif commun est de parer aux conflits et d instaurer un monde juste. 9 À la charnière entre le XVII e et le XVIII e siècle, le quaker anglais William Penn ( ), fondateur et législateur de la Pennsylvanie et inspirateur de la constitution des États- Unis, écrit son Essay towards the Present and Future Peace of Europe by the Establishment of an European Diet, Parliement, or Estates (1693) dans un contexte de guerre générale en Europe. La paix est donc une nécessité et dans la quatrième section de son ouvrage, il songe à la création d une diète européenne composée de représentants des États en nombre proportionnel à l importance démographique et économique de chacun d entre eux. Elle devrait comprendre tous les États européens, Russie et Turquie y compris, et disposerait d une armée pour faire respecter ses décisions. Penn souhaite qu une langue commune soit choisie, envisage qu une politique éducative, technique et artistique soit mise en place et songe, comme Crucé, à la liberté et la sécurité des déplacements et du commerce. 10 Au XVIII e siècle, la vague des projets est dominée par les travaux de l abbé de Saint-Pierre, récupérés et revisités quelques décennies plus tard par Rousseau, et par ceux de Kant. 11 Après avoir accompagné le cardinal de Polignac, ministre plénipotentiaire français aux conférences d Utrecht, l abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre ( ) écrit à son retour le Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe ( ). Académicien (de 1695 à 1716, date à laquelle il est exclu pour avoir critiqué le roi), philosophe, théologien, passionné de médecine et de sciences naturelles, esprit éclectique, l abbé représente bien les précurseurs du siècle des Lumières. Il prône la création d une «confédération» au sein de laquelle les grandes puissances constitueraient une «société

14 12 européenne» et enverraient des «représentants perpétuels» à un «Congrès ou Sénat perpétuel». Il prévoit aussi un secrétariat international, une armée fédérale et des sanctions obligatoires. Ses idées seront reprises par des auteurs moins connus comme Gabriel-Henri Gaillard dans Les avantages de la paix (1766) ou Potier de Saint-Germain dans Nouvel essai sur le projet de paix perpétuelle (1788). 12 Voltaire et Frédéric II de Prusse ont raillé ce projet jugé impraticable. Jean-Jacques Rousseau, malgré la longueur du texte, la lourdeur du style et l architecture trop complexe de l ouvrage, est plus intéressé au point d en publier un abrégé en 1761 (Extrait du projet de paix perpétuelle de monsieur l abbé de Saint-Pierre), peut-être pour qu il soit ainsi plus utile à la postérité que sous sa forme originelle. Il y mêle aussi librement des réflexions de son cru. Il paraît plutôt suivre son modèle avec une visible sympathie. Il le commente dans L Émile et surtout dans son Jugement sur la paix perpétuelle de 1782, publié après son décès 11. Dans ce court opuscule, Rousseau prétend être convaincu de l «utilité générale et particulière» de ce projet et convient que les «avantages qui résulteraient de son exécution [...] sont immenses». L idée séduit «malgré l évidente impossibilité du succès». L abbé de Saint-Pierre «voyait assez bien l effet des choses quand elles seraient établies, mais il jugeait comme un enfant des moyens de les établir». Pour Rousseau en effet, l occupation des rois et de leurs ministres «se rapporte à deux seuls objets : étendre leur domination au dehors, et la rendre plus absolue au dedans». Il faudrait donc pour que l on passe de la théorie à la pratique que «la somme des intérêts particuliers ne l emportât pas sur l intérêt commun». Rousseau ne se fait donc pas d illusion, les princes ne sont par nature pas raisonnables. Les États ne sont pas prêts à abdiquer de leur souveraineté au profit d une puissance plus haute à laquelle ils pourraient avoir à rendre des comptes. Le seul moyen de réaliser un tel plan serait sans doute la force : «admirons un si beau plan, mais consolons-nous de ne pas le voir exécuter ; car cela ne peut se faire que par des moyens violents et redoutables à l humanité». À la lecture des autres écrits politiques de Rousseau, on peut tempérer ce pessimisme ici affiché. Tout est possible si l on respecte la volonté générale : on ne peut assurer la paix que sur le principe de la volonté nationale, ce qui sous-entend que le peuple et ses représentants disposent du pouvoir. Emmanuel Kant, fin lecteur de Rousseau, réfléchit aussi sur cet aspect. 13 Mais avant d évoquer le philosophe allemand, il ne faut pas oublier les travaux du philosophe et juriste britannique Jeremy Bentham ( ). Onze ans après sa mort, son «plan pour une paix universelle et perpétuelle» paraît dans The Principles of International Law. Dans ce document, écrit semble-t-il en 1789, il recommande la création d un congrès (avec des représentants de chaque nation, dont les débats seraient publics) et d une cour de justice. Si son plan s adresse au monde entier, il n évoque que l Europe et plus particulièrement la Grande-Bretagne et la France L influence de Kant ( ) dans l élaboration des principes qui ont permis la création de la SdN est essentielle 13. Certains pensent que c est le philosophe de Königsberg qui a employé pour la première fois l expression de «société des nations» («Völkerbund») dans l article 7 de l Idée d une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784). Son célèbre Projet de paix perpétuelle (Zum ewigen Frieden 14 ) de 1795 est l élément clé de sa réflexion sur la guerre et la paix, mais ce n est ni la première ni la dernière fois qu il aborde cette question. La compréhension de son point de vue ne peut s arrêter à l étude de cet ouvrage. 15 Que recherche Kant? Il s agit à la fois d élaborer une théorie de la paix fondée sur des principes capables de la rendre éternelle, mais aussi de fournir la preuve que cette

15 13 conception de la paix est la seule qui pourra se réaliser dans les faits : ce qui est valable en théorie doit l être aussi en pratique. Kant ne veut pas être considéré comme un utopiste ou un philanthrope animé de pieux sentiments. Il veut élaborer, sous forme d articles («articles préliminaires» et «articles définitifs», qui constituent le corps de son Projet), les fondements d un véritable droit de la paix et non pas réagir comme Grotius (catalogué de «triste consolateur») pour qui le recours à la guerre peut être réglementé et tenu dans les bornes d un droit naturel des nations, c est-à-dire reconnaître que la guerre est un droit, ce qui perpétue l état de nature entre les nations selon Kant. 16 Les États ne s accordant jamais, il faut prévoir la médiation de règles communes, pouvant être acceptées par tous. Les princes, les législateurs risquent de s'opposer à cela. Il y a donc une condition politique nécessaire à la réalisation de la paix. Il faut que celle-ci soit à la fois un programme de politique intérieure et un programme de politique étrangère. La guerre et la paix dépendent donc du régime politique que se donnent les nations. Kant a appris de Rousseau que les monarques sont le principal obstacle de la paix. Pour lui, le choix qui s impose, pour permettre le succès, c est la «constitution républicaine» («premier article définitif»). Dans ce type de constitution, où les hommes sont libres et égaux, la guerre deviendra de plus en plus l affaire des citoyens : ces derniers, qui souffrent de la guerre plus que les souverains et les diplomates, exigeront désormais qu on ménage leur sang et leurs ressources. 17 À partir de ce moment précis, que peut-on dire du rapport entre les États? Pour Kant, le gouvernement républicain ne bénéficie pas seulement aux sujets d un État, mais il est aussi le moyen de réaliser une communauté internationale pacifique 15. Kant souhaite-t-il la création d un gouvernement mondial? Il refuse résolument cette solution politique qui entraînerait pour lui la disparition de toute liberté. Il lui préfère une libre alliance des États («deuxième article définitif»), une libre fédération plutôt qu une république universelle dominée par un chef. Il ne souhaite pas non plus un système comme celui des États-Unis d Amérique avec une union fondée sur une constitution de l État et par conséquent indissoluble, il préfère, dit-il dans la Doctrine du droit (1796), un «congrès permanent des États», c est-à-dire une «union arbitraire en tout temps révocable de différents États». 18 Quatorze plans ou projets différents ont été brièvement présentés, du XIV e au XVIII e siècle. Ils sont le témoignage du foisonnement d'idées d union depuis fort longtemps, quelles que soient les régions du vieux continent : de l Europe centrale (Podebrady, Comenius) à la France (Du Bois, Postel, Crucé, Sully...) et à l Angleterre (Penn, Bentham), de la mer Baltique (Kant) à la péninsule italienne (Dante). Toutes les confessions religieuses européennes sont représentées (catholiques, protestants...). Une minorité, sans doute nostalgique des anciens grands empires (romain, carolingien, Saint-Empire romain germanique), est favorable à la création d une monarchie universelle dominée par un empereur ou un roi (Dante, Érasme en théorie, Postel). La majeure partie préfère une confédération d États. Certains souhaitent l union pour bouter les musulmans hors d Europe et de la Terre sainte (Du Bois, Podebrady), mais la plupart envisagent plutôt une paix universelle qui mettrait fin aux cruelles guerres qui déchirent trop régulièrement l Europe et qui entretiennent une anarchie permanente. L union se caractérise par la volonté de créer une institution transnationale permanente ou siégeant régulièrement. Elle disposerait d un conseil, assemblée ou congrès, où siégeraient les délégués des souverains, mais aussi d une cour de justice ou d un tribunal d arbitrage. L organisation pourrait aussi disposer d une force armée, destinée à faire respecter les décisions prises.

16 14 Un siège permanent ou tournant régulièrement dans des villes proches de la Rhénanie ou à Venise est aussi envisagé. Le cadre géographique de l union est surtout européen, mais peut s étendre parfois aux Turcs et au monde connu (Crucé). 19 Si le problème de la paix et de la guerre motive principalement la nécessité de ces organisations, la dimension économique est parfois prise en compte (liberté de commerce chez Crucé, Sully, Penn). 20 Si nombreux soient-ils et quelle que soit l importance ou l influence du rédacteur (Sully, Rousseau, Kant), ces projets et ces réflexions restent encore trop abstraits, isolés, utopiques. Ils n ont pas une audience suffisante et ne sont pas repris par un chef d État éclairé. Le contexte de l affirmation des États nationaux n est pas non plus favorable. Ce ne sont pas pour autant de pures vues de l esprit puisqu il y a bien la nécessité de revenir régulièrement sur ces idées, des jalons sont plantés. La SdN et l ONU sont donc en gestation. Un XIX e siècle paradoxal : des progrès malgré le triomphe des nationalités et de l'individualisme 21 Le nationalisme, l affirmation des nationalités modifient profondément la situation de l Europe au XIX e et à l aube du XX e siècle. La Belgique et la Grèce deviennent indépendantes (1830) ; le «printemps des peuples» de 1848 secoue, parfois violemment, le Vieux Continent ; l Italie ( ) et l Allemagne ( ) réalisent leur unité ; les empires multinationaux, comme celui des Habsbourg, connaissent de graves difficultés. À cela s ajoutent les lancinantes questions irlandaise, polonaise et balkanique. Les rivalités entre les grandes puissances, les conflits directs ou périphériques, la course aux armements peuvent laisser croire que l idée de paix, que l organisation des rapports entre États ne risque pas de progresser. Or, contrairement aux apparences, c est pendant cette période que des avancées substantielles sont perceptibles. Le «Concert européen 16», simple alliance ou première organisation européenne? 22 Napoléon, véritable bête noire des monarchies européennes, est enfin vaincu par la coalition des principales d entre elles (britannique, russe, autrichienne et prussienne). À Vienne, du I er novembre 1814 au 9 juin 1815, vainqueurs et vaincus se réunissent, nombreux (200 délégations et plusieurs milliers de participants), en congrès. C est la première grande rencontre de la diplomatie européenne depuis le traité de Westphalie (1648). Les grandes puissances victorieuses souhaitent désormais garantir la paix, reconstruire l Europe et la redessiner grâce au démantèlement de l Empire. Il s'agit aussi de privilégier le retour à l'ordre, à la légitimité monarchique et donc d en finir avec cet esprit révolutionnaire qui sévit depuis L acte final du Congrès de Vienne traduit l affirmation des quatre grandes monarchies aux dépens des petites et du principe des nationalités. L idée de rencontres périodiques des monarques ou de leurs représentants est officialisée le 26 septembre 1815 lorsqu est signé le traité de la Sainte-Alliance regroupant les trois monarchies continentales. Le traité est ouvert «à tous les princes chrétiens» et ne propose que des principes vagues et abstraits. Il sera suivi, le 20 novembre, par la signature de la Quadruple-Alliance, avec la Grande-Bretagne (traité de

17 15 Paris). Les signataires s engagent à automatiquement intervenir au cas où un Bonaparte reprendrait le pouvoir en France et à se consulter si des troubles révolutionnaires se développaient en France. Dans l article 6 de ce traité, il est précisé que «pour assurer et faciliter l exécution du présent traité et consolider les rapports intimes qui unissent aujourd hui les quatre souverains pour le bonheur du monde, les hautes parties contractantes sont convenues de renouveler, à des époques déterminées, soit sous les auspices des souverains, soit par leurs ministres respectifs, des réunions consacrées aux grands intérêts communs et à l examen des mesures qui dans chacune de ces époques, seront jugées les plus salutaires pour le repos et la prospérité des peuples et pour le maintien de la paix en Europe». Cet article crée ce que l on a appelé le «Concert européen». La Sainte-Alliance est une «société d assurances mutuelles pour monarques absolus 17». Il s agit en effet, malgré des divergences, de se prêter assistance, aide et secours. L alliance est dirigée contre tous ceux qui souhaitent changer de souverain et de régime ; elle défend l équilibre défini à Vienne. Ainsi les monarques se soutiendront à plusieurs reprises pour étouffer les mouvements libéraux qui s éveillent à travers toute l Europe. Ils se concertent à l occasion de congrès ou de conférences : Aix-la-Chapelle (1818), Carlsbad (1819), Vienne et Troppau (1820), Laybach (1821), Vérone (1822). Après cette dernière conférence, les réunions du Concert ne se font plus au sommet hormis à Paris en 1856 et à Berlin en 1878, les empereurs, rois et chefs de gouvernements n y participent plus. Ce sont de simples conférences d ambassadeurs. Les désaccords sont souvent trop importants pour qu une approche commune puisse vraiment perdurer. Cette union autoritaire utilise donc des méthodes diplomatiques classiques de concertation. Les intérêts des États passent largement avant les principes établis en Ce n est pas, comme l affirme bien Pierre Gerbet 18, une organisation internationale au sens où on l entend aujourd hui, avec une charte commune, un siège et un secrétariat permanents. Les réunions n ont pas non plus lieu suivant une périodicité régulière. La paix, des projets à la Cour permanente d arbitrage de La Haye Les projets 23 La vogue des projets d union d États souverains n est pas épuisée. Au XIX e siècle, de nombreux projets ou plans encore européens voient le jour. Leur nombre est sans doute moindre que précédemment, et rares sont ceux qui ont une portée pratique voire philosophique importante. Le seul qui mérite une attention particulière est De la réorganisation de la société européenne ou De la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l Europe en seul corps politique, en conservant à chacun son indépendance nationale, publié en 1814 par Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon ( ), assisté de «son élève», Augustin Thierry 19. Saint-Simon souhaite aller plus loin que les grandes idées du XVIII e siècle et aboutir à une réalisation concrète : «la philosophie du siècle dernier a été révolutionnaire ; celle du dix-neuvième doit être organisatrice» (p. VIII), d autant que «le défaut d institution mène à la destruction de toute société» (p. VIII). Mais l auteur est en même temps conscient que le moment de l unité n est pas encore là : «cette époque est loin de nous encore, et des guerres affreuses, des révolutions multipliées doivent affliger l Europe durant l intervalle qui nous en sépare» (p. 64). 24 Saint-Simon ne conçoit une institution qu avec une constitution parlementaire calquée sur le modèle britannique. Ce parlement serait constitué de deux chambres. Tout d'abord une chambre des députés, formée de négociants, de savants, de magistrats et

18 16 d administrateurs (soit quatre pour un million d administrés sachant lire), élus pour dix ans et disposant d un confortable salaire. À côté de cette chambre doit figurer une chambre des pairs, héréditaires, nommés par le roi. Saint-Simon place ensuite au-dessus de ce parlement un «chef suprême de la société européenne», le roi. Le financement de l ensemble est prévu par l impôt. Le parlement doit aussi «avoir en propriété et souveraineté exclusive une ville et son territoire» (p. 59), donc un siège permanent. 25 Ce parlement européen serait «placé au-dessus de tous les gouvernements nationaux et investi de juger leurs différends» (p. 50). Il disposerait de larges attributions : «toute question d intérêt général de la société européenne sera portée devant le grand parlement et examinée et résolue par lui» (p. 59). Il a aussi l instruction publique de toute l Europe sous sa houlette et doit établir «un code moral tant général que national et individuel». 26 L Angleterre est présentée comme un modèle de parlementarisme efficace. Elle doit donc se rapprocher du continent et notamment de la France, qui vient à peine de se doter d un parlement. Ce couple doit être le moteur de la réorganisation de l Europe. 27 La majeure partie des autres projets n ont généralement pas un caractère aussi abouti, précis. Ils sont plus vagues et ont des orientations fort variées. Giuseppe Mazzini ( ) souhaite créer une «Jeune Europe», véritable union des proscrits de toutes les monarchies. Victor Hugo ( ), «le plus grand lyrique de l idéal d union européenne» selon Denis de Rougemont, clame sa foi européenne pendant une quarantaine d année. En 1849 déjà, lorsqu il préside le Congrès de la Paix de Paris, il appelle la constitution d un nouvel édifice, les États-Unis d Europe. Un de ses discours européens les plus connus est sans doute celui qu il a prononcé à la tribune de l assemblée législative le 17 juillet Richard Cobden ( ) envisage de son côté l union de l Europe par le libre-échange. Du Principe fédératif du socialiste français Pierre-Joseph Proudhon ( ) est plus précis et défend le principe du fédéralisme. Ce principe est aussi, différemment, au centre de la réflexion du juriste suisse Johann Caspar Bluntschli ( ), qui se réfère au modèle du fédéralisme suisse. Dans L Organisation d une société d États européens (1878), il prône une union d États souverains menée par un conseil fédéral représentant les États et un sénat représentant les peuples. Constantin Franz ( ), dans un ouvrage paru en 1879, pense lui aussi à un système fédéral, mais sur le modèle de l unité fédérale allemande réalisée par Bismarck. Il souhaite d abord une union des pays centraux et nordiques d Europe, préalable d une fédération mondiale (avec l Amérique du Nord notamment chrétienne). Enfin, signalons le cas de l Écossais James Lorimer, professeur de l'université d Edimbourg, qui publie aussi à la fin du siècle un projet d'état fédéral européen avec Genève comme siège. L organisation du mouvement pacifiste 28 Le mouvement pacifiste prend de l ampleur. À partir de 1812 aux États-Unis, un peu plus tard en Europe (1816 en Angleterre, 1830 en Suisse), des sociétés nationales privées de la paix voient le jour. Elles sont souvent en relation et décident donc d organiser un premier congrès universel de la paix, qui se tient à Bruxelles en Les délégués des différentes associations nationales y siègent et se réunissent ainsi régulièrement. 29 Les promoteurs de la paix étaient bien conscients que leurs efforts ne pourraient aboutir que si les gouvernements du monde entier pouvaient s engager et coopérer. À défaut de pouvoir réunir les pays et leurs représentants, ils créèrent un forum international dans

19 17 lequel des parlementaires élus pourraient se rencontrer. Ainsi, les députés pacifistes William Randal Cremer ( ) et Frédéric Passy ( ), fondateur de la Ligue française de la Paix, conçoivent l UIP (Union interparlementaire) à Paris en Cette institution doit être un foyer de concertation interparlementaire à l'échelle mondiale pour la paix et la coopération entre les peuples, pour encourager le progrès de la démocratie représentative. Les membres de l UIP doivent convaincre leurs gouvernements de résoudre leurs différends grâce à un arbitrage. L UIP est dirigée par un conseil qui élit un président. Des réunions sont prévues chaque année. Son siège a été fixé à Berne ( ), puis Bruxelles ( ), Oslo ( ) et enfin Genève depuis Les représentants des sociétés nationales pour la paix pensent aussi que le mouvement a besoin d un secrétariat permanent destiné à coordonner les activités de leurs sociétés et à organiser les conférences annuelles. Ainsi le troisième Congrès universel pour la Paix de Rome (1891) décide de créer le Bureau international permanent de la paix (le mot «permanent» sera vite supprimé). Le bureau voit le jour en Son siège est situé à Berne, capitale d un pays neutre, la Suisse. Bien que privé, il reçoit des fonds de quelques États (Danemark, Suède, Norvège et Suisse). Cette aide ne suffit pas, la situation financière du bureau est difficile. Au début du siècle, il était contrôlé par une commission de 35 membres (dont 3 devaient obligatoirement vivre à Berne) issus de pays très divers, sous la houlette d un président. Le bureau et son action ont vite été reconnus : il reçoit le Grand Prix de l Exposition universelle de Paris en 1900 et surtout le prix Nobel de la paix en Dans ce bureau se distinguent de nombreuses personnalités (13 ont obtenu le prix Nobel de la paix entre 1901 et 1982), comme la baronne autrichienne Bertha von Suttner ( ), amie de Nobel, auteur du célèbre Die Wajfen Nieder, publié en Elle obtient le prix Nobel de la Paix en L apothéose : les conférences de La Haye et la création de la Cour permanente d arbitrage 31 Le mouvement pacifiste, avec Bertha von Suttner à sa tête, l influence de l imposant ouvrage de l industriel et financier polonais Bloch et la préoccupation de souverain de voir une Europe constamment en proie à la guerre et aux conflits armés va entraîner le tsar Nicolas II à proposer la convocation d une conférence internationale de la paix, qui se tient finalement à La Haye en Elle réunit une centaine de représentants de 26 États, qui débattent sur le désarmement, le droit humanitaire et les lois et coutumes de la guerre et enfin le règlement pacifique des conflits internationaux. Un accord est conclu sur plusieurs documents dont la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux de 28 juillet Il s agit de parvenir à assurer pacifiquement le règlement des différends internationaux (article 1), notamment d accepter «d avoir recours, tant que les circonstances le permettent, aux bons offices ou à la médiation d une ou plusieurs Puissances amies» (article 2). Mais cette convention est avant tout l acte fondateur de la CPA (cour permanente d arbitrage) (article 20), dont le bureau international est fixé à La Haye (article 22). Cette convention sera «révisée sur certains points» et complétée après une seconde conférence de La Haye en 1907 convoquée à l initiative des États-Unis : une nouvelle convention est adoptée le 18 octobre. Il s agissait d essayer de rendre l arbitrage obligatoire. À cette occasion, le philanthrope américain Andrew Carnegie offrit la somme d un million et demi de dollars pour la construction du

20 18 palais de la Paix sur un terrain offert par le gouvernement des Pays-Bas. Il est édifié en Il abrite aussi, aujourd hui, la Cour de justice internationale. 32 La CPA est la première organisation mondiale pour le règlement pacifique des conflits internationaux 23. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, la CPA n est pas une cour au sens strict du terme. Elle n a pas de juges permanents (les parties choisissent elles-mêmes les arbitres sur une liste de juristes compétents en droit international préalablement désignés par chaque nation contractante). Elle laisse aux parties le soin de décider du lieu de l arbitrage, du droit applicable et de la langue utilisée pour la procédure. Les délibérations sous les auspices de la CPA se déroulent à huis clos et sont secrètes. Sa compétence pour administrer ses instruments de règlement des différends est fondée sur le consentement des parties à un différend. Elle n est pas obligatoire. Par conséquent, elle ne peut découler que d un accord d arbitrage contenu dans un traité ou dans un contrat, ou d un accord de soumission d un différend existant à l arbitrage. 33 La CPA comprend un bureau international, qui est son secrétariat, sous la direction d un secrétaire général qui prête assistance aux parties en remplissant toute tâche administrative associée au règlement du litige. Le conseil administratif assure le contrôle du bureau international. Il est composé des représentants diplomatiques, accrédités à La Haye, des États parties aux conventions. Les membres de la CPA sont les juristes nommés par les États parties, parmi lesquels les parties en litige peuvent, si elles le désirent, choisir les personnes à qui elles confieront le règlement de leur différend. 34 La CPA est une incontestable avancée mais ses limites sont importantes. Sa compétence n est pas obligatoire, bien qu affirmée avec plus de force en 1907 qu en Les États ne se sentent pas obligés d avoir recours à cette institution. La CPA n est généralement intervenue que dans des différends secondaires. Les conférences ont aussi posé le problème de la course aux armements, mais n ont rien pu faire pour l enrayer. La création d organisations internationales techniques 35 Les publicistes actuels font de la mondialisation un phénomène très récent, ainsi que l organisation nécessaire des nations pour y faire face. C est inexact. Le XIX e siècle a été révolutionnaire à plus d un titre. L expansion économique, l industrialisation de l Europe et de l Amérique du Nord, les multiples innovations techniques, le processus de colonisation ont entraîné un développement considérable des échanges, la révolution des moyens de transport et de la circulation de l information. Il apparaît vite nécessaire de réglementer, d organiser ces intenses mouvements. 36 Les premières formes d organisation sont des commissions internationales permanentes créées pour permettre la libre navigation du Rhin (1815) ou du Danube (1856). La première remonte à l Acte final du Congrès de Vienne, qui consacre le principe de la liberté de navigation sur les cours d eau internationaux 24. Des dispositions qui s ensuivirent, celles concernant le Rhin prévoyaient la création d une commission centrale «afin d établir un contrôle exact sur l observation du règlement commun, et pour former une autorité qui puisse servir de moyen de communication entre les États riverains, sur tout ce qui regarde la navigation» (annexe 16B de l Acte final du Congrès de Vienne). La première session de la commission a lieu le 15 août 1816 à Mayence. En 1831, la première convention rhénane pose des principes juridiques uniformes pour la navigation du Rhin.

21 19 37 Des organisations techniques plus complexes voient aussi le jour, comme l Union télégraphique internationale ou l Union postale universelle. La première, a été crée en 1865 à Paris 25. Avant cette date, les lignes télégraphiques s arrêtaient aux frontières nationales ; en effet, chaque pays utilisait un système différent et avait son propre code, pour assurer le secret des messages militaires et politiques envoyés par le télégraphe. Les messages devaient ensuite être transcrits, traduits et remis de la main à la main d un côté à l autre de la frontière avant d être retransmis sur le réseau télégraphique de l État voisin. Rien d étonnant donc à ce que des pays aient décidé de conclure des accords afin de permettre l interconnexion de leurs réseaux nationaux respectifs, chaque liaison nécessitant de nombreux accords (par exemple, il n en fallut pas moins de quinze pour la liaison entre la capitale de la Prusse et les localités bordant la frontière du royaume avec les États allemands, en vue d obtenir les droits de passage nécessaires à la construction des lignes). Puis les États conclurent des conventions bilatérales ou régionales qui fixaient les relations en matière de communication télégraphique entre les pays contractants. Ainsi, en 1864, existait-il plusieurs conventions à caractère régional, y compris des accords prévoyant l interconnexion des réseaux entre les différents groupes. Le développement des réseaux télégraphiques dans un nombre croissant de pays et l utilisation accrue de cet instrument de communication amenèrent 20 États européens à se réunir afin d élaborer un accord-cadre. Ils adoptèrent aussi des règles communes visant à normaliser les équipements afin de permettre leur interconnexion globale, des instructions d'exploitation uniformes (jusqu alors, elles étaient souvent différentes d un pays à l autre) et des règles communes de tarification et de comptabilité internationales. 38 Le 17 mai 1865, à Paris, après deux mois et demi de négociations serrées, la première convention télégraphique internationale était signée par les 20 pays participants et l institution au sein de laquelle ils allaient pouvoir amender ce premier accord était créée, sous le nom d Union télégraphique internationale. Depuis, le développement des télécommunications n a cessé de s'accélérer et l histoire de l Union en est le reflet fidèle. Ainsi, faisant suite à l invention du téléphone en 1876 et à son essor, l Union entreprend, dès 1885, l élaboration d une législation internationale pour la téléphonie. L invention de la télégraphie sans fil c est-à-dire la première forme de radiocommunication en 1896 et son usage, notamment dans le domaine maritime, amènent la convocation en 1903 d une conférence préliminaire des radiocommunications chargée d étudier une réglementation internationale des communications radiotélégraphiques, suivie en 1906 de la conférence radiotélégraphique internationale de Berlin au cours de laquelle est signée la première convention radiotélégraphique internationale. L annexe de cette convention contient le premier règlement relatif à la télégraphie sans fil ; ce règlement, amendé et révisé depuis par de nombreuses conférences des radiocommunications, est connu aujourd hui sous le nom de Règlement des radiocommunications. Voici la situation de l Union au moment de la première guerre mondiale. Son activité continue toujours, sous le nom d Union internationale des télécommunications depuis C est à partir d un projet d'heinrich von Stephan, haut fonctionnaire postal de la Confédération de l Allemagne du Nord, que le gouvernement suisse ouvre à Berne le 15 septembre 1874, en présence des représentants de 22 nations, une conférence qui aboutit à la fondation, le 9 octobre, de l Union générale des postes (qui deviendra l Union postale universelle en ). Le traité de Berne de 1874 permit d unifier un écheveau de services et de règlements postaux disparates en un territoire postal unique, destiné à l échange réciproque d envois de la poste aux lettres. Grâce à lui fut substitué aux tarifs

22 20 applicables au courrier échangé entre les 22 pays réunis à Berne un tarif unique. En outre, le principe de la liberté de transit des envois de la poste aux lettres sur l ensemble du territoire unique fut garanti par toutes les parties. Les obstacles et les frontières qui avaient entravé la libre circulation et le développement du courrier international étaient enfin abattus. 40 L Office central pour les transports internationaux par chemin de fer, secrétariat permanent créé à l issue de la première convention internationale sur le transport de marchandises par chemin de fer ( ), permet de définir des horaires et des tarifs internationaux. On peut aussi évoquer les conventions et bureaux internationaux s occupant de la question de la propriété intellectuelle. En effet en 1883 est signée la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. C est le premier instrument international conçu pour permettre aux habitants d un pays que leurs créations intellectuelles soient protégées dans d autres pays par des titres de propriété, tels que les brevets d invention, les marques, les dessins ou modèles industriels. La convention entre en vigueur en 1884 avec 14 États parties. Un bureau international, dirigé par un directeur général, est chargé d'assurer les tâches administratives et d organiser les réunions des États membres. En 1886 est signée la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Les ressortissants des États parties peuvent obtenir la protection internationale de leur droit d exercer un contrôle sur l utilisation de leurs œuvres originales (romans, poésies, pièces de théâtre, chansons, opéras, dessins, peintures, sculptures,..) et de percevoir une rémunération à cet égard. Un bureau international est aussi créé. En 1893, ces deux petits bureaux ont été réunis pour former une organisation internationale appelée BIRPI (Bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété intellectuelle). Son siège est situé à Berne Si les organisations liées aux transports et aux échanges sont majoritaires, la dimension purement humaine n est pas oubliée. Des organisations de santé publique ont aussi vu le jour. En 1851, une première conférence internationale se tient à Paris afin de mettre sur pied une convention internationale sanitaire. Elle échoue. Une convention sera bien signée en 1892, mais elle est limitée au choléra, puis à la peste (1897). Un bureau sanitaire international est ouvert à Washington, mais sa portée est en fait bien limitée. Il faut attendre 1907, avec la création de l OIHP (Office international d hygiène publique) à Paris, pour voir enfin un secrétariat et un comité permanent. 42 Mais la principale organisation prenant en compte les hommes est bien sûr la Croix- Rouge 29. L origine du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) remonte à l expérience italienne du banquier et financier genevois Henry Dunant ( ). Il a en effet assisté à la bataille de Solférino (1859) et est marqué par le nombre important des blessés et par leur détresse. Il publie en 1862 Un souvenir de Solférino. À l issue de son récit, il se demande s il ne serait pas possible de «constituer des sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés, en temps de guerre, par des volontaires zélés, dévoués et bien qualifiés pour une telle œuvre». Dunant appelle également la création de «quelque principe international, conventionnel et sacré, lequel une fois agréé et ratifié, servirait de base à des sociétés de secours pour les blessés dans les divers pays de l Europe». Son livre rencontra un grand succès et le projet est repris par la Société genevoise d utilité publique. Elle crée en 1863 une commission de cinq membres (dont Dunant) qui étudie ces idées. La commission permet la réunion d une conférence internationale le 26 octobre 1863 qui réunit aussi bien des délégués de gouvernement et des personnes venues à titre privé. Cette conférence adopte dix résolutions qui

23 21 constituent le fondement des sociétés de secours aux militaires blessés. Durant une deuxième conférence, du 8 au 28 août 1864, la convention pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne est ratifiée le 22 août. C est ainsi que naît le droit humanitaire. L organisation, située à Genève, a pour organe principal une assemblée formée des membres du CICR. Une direction, menée par un directeur général, est l organe exécutif du CICR et assume la responsabilité de faire appliquer les objectifs généraux de l organisation. Son financement repose sur des contributions volontaires des États, d organisations supranationales, de collectivités, mais aussi de sources privées. 43 À tous ces exemples, on pourrait sans doute ajouter bien d autres réalisations. Nous n avons pas pris en compte l Internationale socialiste, mais elle peut aussi s inscrire dans le cadre de notre réflexion. Elle a pour but les transformations des sociétés capitalistes en sociétés socialistes et l unification de celles-ci dans une fédération mondiale. L Association internationale des travailleurs (ou Première Internationale) a été créée en 1864 et fut dissoute en La Seconde Internationale naquit à Paris en juillet 1889 et vit toujours sous le nom d internationale socialiste. 44 On l aura compris, la SdN n a pas été créée ex nihilo. Elle est le résultat d un ensemble de réflexions multiformes sur l organisation des États et de premières réalisations de faible ampleur, mais dont ses concepteurs ont su tirer de nombreuses leçons. La SdN n est donc pas le produit du hasard, elle est le résultat d un mouvement ascendant, de plus en plus structuré. La première guerre mondiale paraît être une rupture, c est plutôt un palier, voire au contraire un accélérateur d une évolution déjà sous-jacente. Cependant c est bien la guerre et sa violence inédite qui poussent les nations à franchir un pas supplémentaire. NOTES 1. Expression de Pierre Gerbet dans La Construction de l Europe, Paris, Imprimerie nationale, coll. «Notre Siècle», 1994, p Edith Wynner et Georgia Lloyd, Searchlight on Peace Plans, New York, E.P. Dulton & Co., Denis de Rougemont, Vingt-huit siècles d Europe. La conscience européenne à travers les textes d Hésiode à nos jours, Paris, Payot, 1961, 427 p. Voir aussi l'article d Ivan Keller, «Les plans et projets d'union européenne dans l'histoire», Historiens et géographes, n o 345, octobre 1994, p Charles-Victor Langlois, De recuperatione Terre Sancte. Traité de politique générale par Pierre Dubois, Paris, A. Picard, Le texte est disponible dans Jean-Pierre Faye (éd.), L Europe une. Les philosophes et l Europe, Paris, Gallimard, coll. «Arcades», 1992, p Ernest Denis, Georges de Podiébrad. Les Jagellons, Paris, Armand Colin, Otakar Odlozilik, The Hussite King. Bohemia in European Affairs , New Brunswick (New Jersey), Rutgers University Press, Jacques Le Goff, L Europe est-elle née au Moyen Âge?, Paris, Le Seuil, 2003, p Guerre et paix dans la pensée d Érasme, choix et traduction de Jean-Claude Margolin, Paris, Aubier, Claude-Gilbert Dubois, Celtes et Gaulois au XVI e siècle. Le développement d un mythe nationaliste, Paris, Vrin, 1972, p. 148.

24 22 7. Paru chez Jacques de Villery, 1623, X-226 p. Original disponible et téléchargeable sur Gallica ( saisir «La Croix, Emeric de» et non «Crucé». 8. Le droit de la guerre et de la paix, Paris, PUF, coll. «Léviathan», 1999, 872 p. Voir notamment livre 3, chap. XX, p Il s agissait là aussi de mettre fin à l hégémonie espagnole et à celle des Habsbourg en Europe. Sur Sully, voir Bernard Barbiche et Ségolène Dainville-Barbiche, Sully, Paris, Fayard, 1997, 698 p. Sur le plan, voir Jean-Pierre Faye, «L Europe une...», op. cit., p Le texte intégral est sur Gallica. 10. Le dessein européen, Archives du Quai d Orsay, Paris, Imprimerie nationale, 1995, p L édition d Utrecht, chez Antoine Schouten, est parue en trois volumes : 1, 1713, XXIV-400 p. ; 2,1713, 423 p. ; 3,1717, XXXIV-455 p. Elle est disponible sur Gallica. 11. Le Jugement a été publié dans les Œuvres complètes, III, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», Les deux textes sont disponibles in extenso sur La traduction du plan est disponible dans Jean-Pierre Faye, «L Europe une...», op. cit p Théodore Ruyssen, «Les origines kantiennes de la SdN», Revue de métaphysique et de morale, 31 e année, n o 4, 1924, p , disponible sur Gallica, rubrique «presse et revues».voir aussi Thomas Bruns, Kant et l Europe. Étude critique de l interprétation et de l influence de la pensée internationaliste kantienne, thèse, Sarrebruck, 1973, 289 p. 14. Œuvres philosophiques, III, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», Voir aussi Projet de paix perpétuelle, Paris, Hachette, coll. «Classiques Hachette philosophie», 1998,160 p. Excellent appareil critique de Monique Castillo. 15. Cette idée sera retenue par les rédacteurs du Pacte de la SdN : la forme républicaine du gouvernement est une condition d'admission à la SdN. 16. Jean-Baptiste Duroselle, «Le Concert européen», Relations internationales, n o 39,1984, p Du même auteur, voir aussi L idée d Europe dans l histoire, Paris, Denoël, 1965, p Guillaume de Bertier de Sauvigny, La Sainte-Alliance. Textes choisis, Paris, Armand Colin, 1972, 383 p. 18. Le rêve d un ordre mondial, Paris, Imprimerie nationale, 1996, p Paris, Égron/Delaunay, 1814, XVIII-112 p. Disponible sur Gallica. 20. Ralph Uhlig, «The Interparliamentary Union : Forerunner of the League of Nations?», in The League of Nations, , Geneva/New York, United Nations Publications, 1996, p Voir aussi et Yéfime Zarjevski, La Tribune des peuples : histoire de l Union interparlementaire , Lausanne, Payot, 1989, 230 p. 21. Rainer Santi, 100 Years of Peacemaking, Genève, International Peace Bureau, International Peace Bureau Centenary Exhibition Catalogue, Voir Bertha von Suttner and Other Women in Pursuit of Peace, Genève, Office des Nations unies, 1994, 76 p. 23. Voir Voir site de la commission centrale pour la navigation du Rhin site de l'union internationale des télécommunications, qui a succédé à l UTI. Historique disponible. 26. L UPU est aujourd'hui une institution spécialisée de l ONU. Voir Cette organisation est depuis 1980 l OTIF (Organisation intergouvemementale pour les transports internationaux ferroviaires). Son siège est à Berne. 28. De cette petite organisation est issue l actuelle l OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) dont le siège est désormais situé à Genève. C est aussi une institution spécialisée du système des Nations unies. Voir

25 Voir pour l historique, le fonctionnement et l action. Une bonne introduction : Véronique Harouel, Histoire de la Croix-Rouge, Paris, PUF, coll. «Que sais-je?», n o 831, 1997,128 p.

26 24 Chapitre 2. La Société des Nations, fille de la «Très Grande Guerre 1» 1 Dans une note datée du I er août 1917 et publiée le 14, le pape Benoît XV lance un appel à la paix : «Exhortation à la paix adressée aux chefs des peuples belligérants.» Ce document débute par une déclaration de principes préconisant le droit et la justice dans les rapports internationaux et la substitution de l arbitrage à la force et se termine par des propositions concrètes pour le rétablissement de la paix : évacuation des territoires occupés, liberté des mers, renonciation à toute indemnité et dommage de guerre, examen dans un esprit de conciliation des litiges territoriaux... Cette tentative fut un échec complet. Les omissions sont en effet importantes, l Allemagne et l Autriche, d abord plutôt favorables, ne font rien pour appuyer sa démarche et les Alliés n apprécient pas une initiative trop favorable aux puissances centrales. Les principales puissances de l Entente continuent la guerre, mais dans les projets d après-guerre, l idée d une organisation de la paix avec une structure placée au-dessus des nations fait son chemin. Ce qui était observé avec mépris avant-guerre est désormais pris au sérieux face à l ampleur du désastre. Les trois grandes puissances (États-Unis, Royaume-Uni et France) élaborent chacune de leur côté des projets concrets. Une idée du président Wilson? Wilson, le «père fondateur» de la Société des Nations 2? 2 Il est abusif de faire de Wilson l unique père de la SdN. Mais le président américain a le mérite d être le seul chef d État à clairement assumer publiquement la nécessité de la création d'une société des nations et le seul à avoir véritablement contribué à concevoir l organisation, contrairement à Lloyd George et Clemenceau, qui laissent travailler des experts. L idée d organisation internationale dans les discours 3 Dans son fameux discours dit des «Quatorze points» du 8 janvier 1918, devant le Congrès, le président Wilson affirme qu «il faut qu une association générale des nations

27 25 soit constituée en vertu des conventions formelles ayant pour objet d offrir des garanties mutuelles d indépendance politique et d'intégralité territoriale aux petits comme aux grands États 3». Ce discours fondamental est bien connu, mais le président évoque pour la première fois en public la création d une organisation internationale dès le 27 mai 1916 devant la Ligue pour le triomphe de la paix : «Toutes les nations de l univers doivent instituer une sorte de ligue pour obtenir que le droit prévale contre toutes les agressions égoïstes, pour éviter qu une alliance ne se dresse contre une autre alliance 4.» Cette idée revient à plusieurs reprises dans ses discours importants, notamment dans celui dit de «La paix sans victoire» du 22 janvier 1917 devant le Sénat : «Il doit y avoir non pas un simple équilibre de puissance, mais institution d une association de puissances ; et non pas de rivalités organisées, mais une paix commune organisée 5». Le projet est très brièvement évoqué dans son discours de guerre prononcé devant le Congrès le 2 avril Le 4 juillet 1918, il s exprime à nouveau à Mount Vernoun : il propose quatre objectifs, le quatrième prévoyant une organisation de la paix. Selon Charles Zorgbibe, Wilson a prononcé 44 fois les mots «League of Nations» avant la Conférence de la paix, dans ses discours et messages. Wilson, également le plus prédisposé des chefs d Etats à soutenir une telle organisation 5 Woodrow Wilson ( ) est juriste de formation. Il est devenu professeur d'université (chaire de science politique) puis président de Princeton. Il donne des cours de droit constitutionnel et de droit international. Il entre en politique comme gouverneur démocrate du New Jersey. Il est élu en 1912 et sera le 28 e président des États-Unis de 1913 à Il ne faut pas oublier que la première guerre mondiale est d abord une guerre essentiellement européenne. Le président est isolationniste, comme la majeure partie de la population et des responsables politiques. Cependant, son isolationnisme ne signifie pas un complet détachement des affaires internationales. S il ne veut pas participer au conflit dans un premier temps, il essaie de jouer, comme Théodore Roosevelt au tout début du siècle, les arbitres et envoie son émissaire, le colonel House, à plusieurs reprises en Europe (quatre voyages, de mai 1914 à novembre 1917). 7 Wilson, qui n a pas à charge de conduire une guerre, peut avoir une vision plus globale de la situation. Les gouvernements européens, au contraire, essaient sinon d emporter la victoire, du moins de gérer le conflit. 8 Si au début de son premier mandat, la politique extérieure lui paraît secondaire, elle devient progressivement prioritaire à ses yeux, au point que le président accepte de quitter son pays pendant plusieurs mois pour participer à la Conférence de la paix de Paris de C est du jamais vu aux États-Unis : avant lui aucun président n est allé en Europe pendant son mandat. Après 1945, des visites présidentielles ont lieu, mais de courte durée. Wilson prend le risque de paralyser la politique intérieure des États-Unis qui se retrouve sans son président, qui assume là-bas à la fois le rôle de chef d'état et de chef de gouvernement. Le président est aussi personnellement passionné par le projet de la création d une organisation. Cette idée le poursuit sans cesse. À Paris, il prend même la présidence de la commission chargée d élaborer le Pacte de la future institution

28 26 internationale, alors que ce type de travail est généralement assuré par des experts ou des personnalités politiques d un rang plus modeste. 9 Wilson est aussi mu par de fortes convictions personnelles. Il rejette radicalement l idée d équilibre européen au profit d une nouvelle diplomatie ouverte et non plus secrète, morale aussi : les intérêts matériels doivent être subordonnés aux principes moraux, bien supérieurs. Pour lui, les États-Unis sont un idéal de liberté et un modèle de démocratie qu il convient de propager. La création d une organisation internationale est un élément essentiel de cet état d esprit. Le Pacte panaméricain 10 Il ne faut enfin pas oublier que Wilson a déjà connu un précédent. Sans remonter à son premier songe de 1887 Wilson pensait à la création d une union des États mondiaux, dont les États-Unis seraient «le pilote», son conseiller, le colonel House, lui suggère, le 16 décembre 1914, de pousser plus avant la réconciliation avec l Amérique latine en créant une organisation de sécurité collective panaméricaine qui devrait servir de modèle à l Europe. Wilson écrit un texte destiné aux ambassadeurs des principaux États du continent. Il est question d une «garantie commune et mutuelle de l intégrité territoriale et de l indépendance politique sous les formes républicaines de gouvernement». Le succès est limité puisque seulement six petits États acceptent ce pacte et que des pays comme le Chili, le Brésil et l Argentine le refusent. C est cependant l esquisse d une Société des Nations américaine. Faut-il y voir le brouillon d un projet d organisation mondiale à une échelle plus limitée? Rien ne nous permet encore de l affirmer. Le rôle de la LTEP (League to Enforce Peace) et du «double» du président 6 La LTEP, la ligue pour le triomphe de la paix 11 Formée le 17 juin 1915 au cours d un congrès au Independance Hall de Philadelphie, la LTEP a été un groupe de pression important, dont les dirigeants sont le professeur de droit et ancien président William Howard Taft ( ), Hamilton Holt et Theodore Marburg. La LTEP est favorable à la création d une organisation mondiale, d une cour internationale et d un arbitrage international obligatoire. Si une nation en attaquait une autre après des tentatives d arbitrage, des sanctions économiques, voire militaires, contre l agresseur seraient justifiées. Un certain nombre de personnalités influentes en font partie : des hommes politiques, des universitaires (juristes surtout), des journalistes ou patrons de presse, des banquiers et des entrepreneurs 7. Bien que la majorité des fondateurs de la LTEP soient des républicains, la ligue n est pas inféodée à ce parti. Après les élections de 1920 et le rejet du Sénat, elle est moribonde et cesse de fonctionner le 21 octobre Wilson est attentif à ses idées. Il prononcera son premier discours évoquant la nécessité d une organisation internationale au cours de la première assemblée nationale de la ligue à Washington le 27 mai 1916, mais ne veut pas non plus qu elle ait trop d influence sur sa propre pratique politique.

29 27 Le rôle du «double» du président : Edward Mandell House ( ) 13 Fils d un planteur et exportateur de coton texan d origine hollandaise, il est affublé, depuis 1892, du titre de «colonel». Il a en effet été nommé colonel à titre honorifique de l état-major particulier du gouverneur du Texas James S. Hogg qu il a aidé à faire réélire. Il n a cependant jamais porté l uniforme, mais ce titre lui colle à la peau. Il rencontre Wilson en 1911 et devient rapidement un de ses proches, son conseiller privilégié, son ami. «House est mon second moi-même», «il est moi-même, indépendant de moi. Ses pensées et les miennes sont une. Si j étais à sa place, j agirais exactement comme il le suggère [...] 9.» House aide Wilson à accéder à la présidence. Il n est à la tête d aucun ministère, il n a pas de vraie fonction officielle, il les refuse. Cette véritable «éminence grise» est un passionné de politique étrangère, c est lui qui pousse Wilson dans ce domaine. Le rôle de House est effectivement notable. Il effectue quatre importantes missions pendant la guerre en Europe et rencontre plusieurs hauts responsables dans les capitales des différents belligérants. Bien qu il n ait pas le statut de secrétaire d État, il correspond avec les ambassadeurs américains en poste, qui préfèrent aussi s adresser à lui. Concernant la SdN, son rôle est également majeur, puisque Wilson lui demande de rédiger un projet en juillet 1918 et qu il travaille avec le président pour établir d autres versions. Il ne faut cependant pas surévaluer son action, comme il a tendance à le faire lui-même dans ses Papiers intimes. À plusieurs reprises, il s y donne la part belle, considérant qu il trouve toutes les idées et que Wilson n a qu à s occuper de la forme. Cette vision est très exagérée. 14 Outre House, il serait possible de prendre en compte d autres personnages importants, comme Robert Lansing 10, secrétaire d État à partir de 1915 et spécialiste de droit international. La lente maturation d un projet 15 Le fait que le président soit publiquement et intimement très favorable à la création d une organisation internationale signifie-t-il qu il ait une idée très claire de ce que doit précisément être cette organisation? Rien n est moins sûr. D après tous ceux qui ont étudié précisément ses propos, tant publics que privés, l image que se fait le président de la future organisation n'est pas toujours très claire, elle est même souvent confuse et contradictoire. Wilson est un homme qui connaît parfois des doutes, des passages à vide, il a un caractère souvent changeant. Si, à partir de 1916, l idée de création d'une organisation devient récurrente, cela est beaucoup moins net auparavant. Pendant longtemps, il privilégie une diplomatie destinée à tout faire pour arrêter les combats. Il s'éloigne aussi parfois du champ des relations internationales, privilégiant la situation intérieure pour préparer sa réélection (1916). Même pendant les négociations qui vont permettre la création de la SdN, ses partenaires ont des doutes sur ses intentions : le Britannique Robert Cecil relève le 6 janvier 1919 qu il «n avait qu une idée vague de ce qu impliquait la conception présidentielle de société des nations». Cecil force cependant le trait ou méconnaît la réalité car les États-Unis disposent d un plan précis, plusieurs fois remanié, que Wilson souhaite ne pas divulguer trop tôt. En effet, dès le 16 juillet 1918, House adresse à Wilson un premier projet, composé de 23 articles 11. Les deux hommes se retrouvent le 15 août dans la résidence d été du colonel à Magnolia, Massachusetts. Ils retravaillent le texte, qui est ramené à 13 articles 12. Le préambule énonce les objectifs de

30 28 la future organisation. Suivent des articles sur la compétence de la ligue, puis sur sa structure interne. Wilson rejette provisoirement l idée proposée par House de la création d une cour de justice internationale. Ce dernier avait prévu des sanctions commerciales en cas d agression. Le président envisage également des sanctions militaires (article 10). Arrivés en France pour participer à la Conférence de la paix, les deux hommes rédigent, le 8 janvier, une nouvelle mouture, qui doit être confrontée au plan britannique afin de parvenir à un texte commun. 16 Il faut cependant reconnaître que Wilson impose que ce projet soit débattu lors de la conférence de la paix et qu il obtient que le Pacte de la SdN constitue le préambule de tous les traités de paix qui seront signés avec l Allemagne et ses alliés. Le projet britannique Le rôle important de Lord Robert Cecil 17 En Grande-Bretagne, le projet de création d une organisation internationale n est pas conçu ni directement suivi par les premiers ministres (Herbert Asquith et David Lloyd George). Ceux-ci laissent des experts travailler, sous l égide des secrétaires du Foreign Office Edward Grey (de 1905 à 1916) et Arthur Balfour( ). Une personnalité se détache tout particulièrement du lot, Lord Robert Cecil ( ), aussi appelé Viscount Cecil of Chelwood 14. Deuxième fils de Lord Salisbury et cousin d Arthur Balfour, ce juriste est parlementaire conservateur depuis 1906 et ministre pendant le conflit : il est nommé sous-secrétaire aux affaires étrangères ( ), ministre du blocus ( ) et secrétaire d État adjoint aux affaires étrangères en C est un ardent défenseur de l idée de ligue au sein du milieu associatif. En effet, dès le 3 mai 1915, la League of Nations Society est fondée, suivie par la League of Free Nations Association en juin Cecil prend la tête de la League of Nations Union, qui regroupe les diverses associations favorables à la SdN et compte de nombreux adhérents. 18 Lord Robert Cecil est aussi celui qui fournit le document qui sera le point de départ du projet britannique. Son Memorandum on Proposais for Diminishing the Occasion of Future Wars est remis au gouvernement à l automne Après avoir montré l ampleur du coût humain et financier, ainsi que la cruauté de l ennemi, l auteur considère qu il faut tout mettre en œuvre afin de ne pas reproduire un tel drame. Il est nécessaire de trouver un autre moyen de régler les différends internationaux. La solution de l arbitrage lui apparaît peu convaincante (difficulté de trouver des arbitres), il lui préfère une conférence des puissances. Pour obliger toutes les parties à prendre en compte ce principe, il considère qu il doit être inclus dans un traité de paix. Cecil prend en compte la question des sanctions à l égard d un agresseur : il ne croit pas à la force, susceptible de conduire à la guerre, mais propose l instauration d un blocus ou de sanctions économiques. Il considère aussi qu un accord de réduction des armements est souhaitable. Les plans britanniques 19 Le mémorandum de Cecil est la base des travaux de la commission Phillimore, constituée le 3 janvier 1918 et chargée d établir le projet britannique de société des nations. Elle est conduite par Lord Walter G.F. Phillimore. un spécialiste de droit international et auteur

31 29 d une analyse des anciens plans de paix publiée en 1917 : Three Centuries of Treaties of Peace and their Teaching, Elle est aussi composée de hauts fonctionnaires du Foreign Office (Crowe, Tyrrell) et du conseiller juridique de ce ministère. Cecil J. Hurst. Trois historiens (Pollard. Corbett et Rose) participent également aux travaux. Le «plan Phillimore» est prêt le 20 mars à l issue de neuf réunions du comité 16. Après un long rappel historique en guise de préambule, ce rapport de 18 articles envisage la SdN comme une version élargie et institutionnalisée du Concert européen du XIX e siècle. Elle est constituée uniquement par les grandes puissances mondiales, représentées par leurs ambassadeurs. Il n y a rien sur la création d une cour permanente de justice internationale ni sur le désarmement ou une possible coopération humanitaire, économique et sociale. 20 Si le rapport Phillimore est bien le plan officiel du gouvernement britannique, il faut aussi tenir compte de la parution d une publication d un membre du War Imperial Cabinet : The League of Nations : A Practical Suggestion du général sud-africain Jan Chritiaan Smuts ( ). Son projet, du 16 décembre 1918 d après l avant-propos, composé de 21 articles, a été très apprécié par Wilson. Ce juriste de formation insiste sur la création d un secrétariat international coordonnant les activités humanitaires, sociales, économiques, etc., d un monde en paix et non pas d une organisation s occupant uniquement du règlement de conflits passés. Smuts prend largement en compte la question des colonies des ennemis vaincus. Il distingue notamment les anciennes colonies allemandes des territoires dominés par l Empire ottoman et par l Autriche-Hongrie. Les premières, «habitées par des barbares» incapables de se gouverner eux-mêmes, devraient être accordées aux dominions (Australie et Afrique du Sud) et non pas devenir des mandats (articles 2 à 9). Smuts prévoit une assemblée avec les représentants de toues les nations et un conseil formé avant tout par les grandes puissances et par la rotation de petites et moyennes puissances. Il propose aussi de nationaliser les entreprises produisant des armes de guerre et l abandon de la conscription (articles 15 à 17). Hormis ces deux dernières idées, ce document aura une influence certaine sur les débats futurs, bien qu il soit le fruit d une initiative personnelle et non du gouvernement britannique. Le projet français Le rôle prépondérant de Léon Bourgeois 21 Comme les Britanniques avec Lord Robert Cecil, les Français disposent d un infatigable pèlerin en matière d organisation internationale avec Léon Bourgeois ( ). Grand juriste, Bourgeois s est aussi illustré par une impressionnante carrière politique locale (député puis sénateur de la Marne) et nationale (président de la Chambre des députés puis du Sénat, maintes fois ministre). Il fut en 1895 le premier radical-socialiste à accéder au poste de président du Conseil. Il participa aux conférences de la Paix de La Haye de 1899 et 1907 en tant que chef de la délégation française. Bourgeois est légitimement considéré comme l un des «pères spirituels» de la SdN. Il défend depuis la fin du XIX e siècle l idée de la nécessité de la solidarité des hommes, matérialisée par la création d une juridiction internationale permanente, obligatoire, placée au-dessus des souverainetés. Les titres de ses ouvrages rappellent d ailleurs cet état d'esprit : Solidarité (1894), Pour une Société des Nations (1910). Dans un discours prononcé à l École des sciences politiques le 5 juin 1908, il précise :

32 30 Le but de la Conférence de La Haye est [...] l organisation juridique de la vie internationale, la formation d une société de droit entre les nations. Pour que cette société pût naître et pût vivre, il fallait réunir les conditions suivantes : 1. Le consentement universel des États à l établissement d un système juridique international. 2. L acceptation par tous d une même conception du droit commun à tous, d un même lien entre grands et petits, tous égaux dans le consentement et dans la responsabilité. 3. L application précise et détaillée de ces principes, successivement à tous les domaines des relations internationales, domaine de la paix comme de la guerre, et, en même temps, la codification d un certain nombre d obligations réciproques, les unes encore morales et conditionnelles, les autres, sans conditions ni réserves, vraiment juridiques et dont la nonexécution constituerait une rupture de la convention, une mise hors de la Société. 4. L organisation de sanctions efficaces, morales ou matérielles, et de juridictions internationales permettent d assurer l exécution des lois internationales. 22 Il ajoute un peu plus loin que «la Société des Nations est créée. Elle est bien vivante 19.» 23 La première guerre et ses dommages relancent l action de Léon Bourgeois, qui préside la commission interministérielle d études pour la SdN à partir de 1917, chargée d élaborer un projet de pacte d'une future organisation internationale, et qui crée, pendant l été 1918, l AFSDN (Association française pour la Société des Nations) qui vise à préparer les Français à cette nouveauté. Après l élaboration du projet français, Léon Bourgeois se verra tout naturellement confier la charge de le défendre dans le cadre de la Conférence de la paix. Précisons enfin que l action de toute une vie se verra récompensée par le prix Nobel de la paix en Si la forte personnalité de Bourgeois domine incontestablement le terrain, il ne faut pas oublier le rôle actif de l association La Paix par le Droit, dirigée par le grand universitaire Théodore Ruyssen, qui lance, dès l été 1915, une campagne en faveur de la création d un congrès des nations, d une organisation permanente. L association dispose d une publication du même nom, mensuelle puis bimestrielle. L équipe rédactionnelle est composée d universitaires, souvent protestants. Par ailleurs, Ruyssen est également Secrétaire général de l Union internationale des associations pour la SdN. Mentionnons aussi la Ligue des droits de l'homme, qui soutient un discours semblable à celui de La Paix par le Droit lors de ses congrès de 1916 et L hebdomadaire L Europe nouvelle créé par Louise Weiss, dont le premier numéro paraît le 12 janvier 1918, soutient immédiatement l idée de société des nations. Cet hebdomadaire a rapidement une certaine influence dans les milieux intellectuels et économiques. 25 Mais comme en Grande-Bretagne, le gouvernement reste sceptique : Clemenceau, arrivé à la présidence du Conseil en novembre 1917, n est pas un chaud partisan d une organisation internationale, mais laisse travailler les experts nommés par le gouvernement précédent. Les travaux de la CIESdN 26 Aristide Briand a permis la création d un comité d études, sous la houlette de l historien Ernest Lavisse. Il s'agit de préparer des dossiers utiles à ceux qui représenteront la France au congrès de la paix qui devrait solder le conflit. L idée de société des nations fait partie des axes de réflexion. Mais l organisme qui mérite la plus grande attention est la CIESdN (Commission interministérielle d études pour la Société des Nations 20 )

33 31 27 Alexandre Ribot, alors président du Conseil, fit adopter le 5 juin 1917 un ordre du jour des débats de la Chambre des députés sur les buts de guerre, parmi lesquels figure l idée de la création d une organisation internationale nommée Société des Nations. Ce même mois, le Quai d Orsay rédige des études préparatoires. On retiendra celle d un proche de Bourgeois dont il est chef adjoint du cabinet, Joseph Alban Maximilien Jarousse de Sillac, du 8 juin Ce dernier incite le gouvernement français à développer une politique en faveur d un organisme. Alexandre Ribot soutient cette position et décide de créer, par un arrêté du 22 juillet 1917, une commission au sein du ministère des Affaires étrangères, placée sous la direction de Léon Bourgeois. Cette commission est chargée de centraliser tous les documents et toutes les questions qui concernent le gouvernement français en relation avec la SdN. Douze membres sont d abord prévus, ils seront rejoints par d autres. Majoritairement composée de diplomates et de juristes, cette commission bénéficie de membres prestigieux. Outre Bourgeois, on trouve des diplomates de premier rang, avec le Secrétaire général du Quai d Orsay Jules Cambon, ancien ambassadeur à Berlin, et le directeur des affaires politiques, Pierre de Margerie. L université est représentée par l'historien Ernest Lavisse, directeur de l École normale supérieure et membre de l Académie française, et par le physicien Paul Appell, doyen de la Faculté des sciences de Paris. L ancien ministre des Affaires étrangères, historien et membre de l Académie française Gabriel Hanotaux ainsi que le prix Nobel de la paix 1909 et sénateur Paul-Henri-Benjamin d Estournelles de Constant y participent. La commission est aussi composée de grands juristes, souvent de réputation internationale comme André Weiss, Henri Fromageot, Louis Renault, Jules Basdevant et Charles Lyon-Caen. Quelques diplomates alors moins connus sont nommés : Jean Gout, Clauzel. Ils dirigeront plus tard le service français de la SdN, véritable interface entre cette institution et le gouvernement français. 28 La commission a travaillé 18 mois, entre le 28 septembre 1917 et le 8 mars 1919, siégeant 25 fois. Le travail a été exécuté dans la plus grande discrétion, sans communiqués. Elle a pu ainsi élaborer le plan français pour une Société des Nations sans doute le plus abouti de tous les projets alliés, comme le confirme d ailleurs Lord Robert Cecil dans son autobiographie : «I found that there was a French scheme for the League, much more elaborate than ours 21.» Scott Blair résume parfaitement les éléments principaux de ce plan 22 : «Il s agit d une fédération permanente d États, formée initialement pour des puissances alliées, associées et neutres démocratiques, chacune préservant sa souveraineté nationale. La SdN est représentée par un conseil international composé des représentants désignés par les chefs de gouvernements et chargé, afin de maintenir la paix par la substitution du droit à la force dans le règlement des conflits, de mettre en œuvre les nombreux pouvoirs de la SdN : le tribunal judiciaire, les sanctions diplomatiques, juridiques et économiques, les dispositions militaires, avec une force internationale sous l égide d un service permanent d état-major général.» Ces derniers points constituent l originalité du plan français : il prévoit la création d une armée internationale avec un commandement unique, composée de contingents fournis par chaque nation. Le service permanent d état-major international a pour mission d inspecter les effectifs et les armements de chaque État. Le projet adopté par la CIESdN est transmis au gouvernement, qui dispose donc ainsi d un plan complet dès le 8 juin 1918.

34 32 NOTES 1. Expression de Jean-Pierre Rioux (Le Monde, 19 mars 1994). 2. Concernant les points de vue de Wilson et de l'administration américaine, il convient de consulter Charles Zorgbibe, Wilson. Un croisé à la Maison-Blanche, Paris, Presses de Sciences Po, 1998,410 p. 3. Cité par Jean-Jacques Becker, L Europe dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 1996, p Cité par Jean-Baptiste Duroselle, De Wilson à Roosevelt. Politique extérieure des États-Unis , Paris, Armand Colin, 1960, p Ibid. 6. Expression employée par Charles Zorgbibe, Wilson..., op. cit., p Ruhl J. Bartlett, The League to Enforce Peace, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1944, X-252 p. 8. Voir Charles Zorgbibe, Wilson..., op. cit., et Guide to the Microfilm Publication of the Diary, Reminiscences, and Memories of Colonel Edward M. House, ms House a en effet donné ses papiers à cette université en Charles Zorgbibe, Wilson..., op. cit., p Lire ses Mémoires de guerre, Paris, Éditions de la nouvelle revue critique, Reproduit dans David Hunter Miller, The Drafting of the Covenant, New York, G.P. Putnam s Sons, 1928, vol. 2, p Ibid., p George W. Egerton, Great Britain and the Creation of the League of Nations, London, Scolar Press, 1979, XIII-274 p. 14. De Cecil voir A Great Experiment : An Autobiography, New York, Oxford University Press, 1941, puis AU the Way, London, Hodder & Stoughton, Sur son action, voir Maja Bachofen, Lord Robert Cecil und der Völkerbund, Zurich, Europe Verlag, Le mémorandum est en annexe du livre de Cecil, A Great Experiment..., op. cit., p Le plan est reproduit dans David Hunter Miller, The Drafting of the Covenant, op. cit., p Ibid., p Marie-Adélaïde Zeyer, Léon Bourgeois, père spirituel de la Société des Nations. Solidarité internationale et service de la France ( ), thèse de l École des chartes, Alexandre Niess et Maurice Vaïsse (dir.), Léon Bourgeois. Du solidarisme à la Société des Nations, Langres, Éditions Dominique Guéniot, 2006,151 p. Serge Audier, Léon Bourgeois. Fonder la solidarité, Paris, Michalon, 2007,128 p. 19. Pour une Société des Nations, Paris, Eugène Fasquelle, 1910, p Voir Scott Blair, «Les origines en France de la SdN. La commission interministérielle d études pour la Société des Nations », Relations internationales, n o 75,1993, p Robert Cecil, A Great Experiment..., op. cit., p Scott Blair, «Les origines en France de la SdN...», art. cit., p Le plan est reproduit en français dans David Hunter Miller, The Drafting of the Covenant, op. cit., p

35 33 Chapitre 3. Vers la création d'une organisation internationale Quel projet choisir? Les débats de la Conférence de la paix 1 Une source désormais ancienne, mais toujours incontournable, permet à l historien de bien connaître l élaboration du Pacte : The Drafting of the Covenant de David Hunter Miller, qui fut le conseiller juridique de la délégation américaine à Paris 1. La commission pour la Société des Nations 2 Le 25 janvier 1919, au cours de la deuxième séance plénière de la Conférence de la paix, Wilson prononce un discours au sujet de la SdN. Il demande à ce que le Pacte soit intégré au traité et à ce qu une commission étudie le sujet. Il obtient gain de cause. 3 Une commission pour la SdN est donc créée, elle a 15, puis 19 membres. Les grandes nations ont droit à deux délégués, les petites et moyennes à un seul. Les États-Unis sont représentés par Wilson en personne et par House, la Grande-Bretagne choisit tout naturellement Lord Robert Cecil et le général Smuts. La France désigne Bourgeois et le doyen de la Faculté de droit de Paris, Ferdinand Larnaude. Le Premier ministre Orlando et le sénateur Scialoja sont les représentants de l Italie. La délégation japonaise est constituée par le baron Makino et le vicomte Chinda. Les petites nations présentes sont la Belgique (Hymans), le Portugal, la Serbie, la Chine et le Brésil. Elles seront rejointes par la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Grèce (Venizelos). Cette commission a, et c est très rare, un niveau de représentants très relevé. Ce sont en effet souvent d obscurs experts qui siègent dans ce type de réunions. On trouve ici plusieurs chefs d État ou de gouvernement et des responsables politiques de tout premier plan. Cette commission fut le groupe le plus brillamment composé de tous ceux que vit éclore la Conférence de la paix. 4 Wilson est désigné président de la commission, qu il domine incontestablement. Elle siège d ailleurs chambre 315, dans le bureau du colonel House, au troisième étage de l hôtel

36 34 Crillon, siège de la délégation américaine. Ses membres vont se réunir au cours de quinze sessions pendant deux périodes, entrecoupées par un voyage de Wilson aux États-Unis, du 3 au 13 février puis du 22 mars au 28 avril. Pendant l absence de Wilson c est House qui représente les États-Unis. 5 Les discussions sont généralement courtoises, mais parfois vives. Elles se terminent quelquefois fort tard. House rappelle le 12 avril, dans son journal intime, que la veille, les débats se sont prolongés au-delà d une heure du matin. Last night we did not adjourn the meeting of the Committee for the League of Nations until a quarter past one o clock. Again Cecil and the others wished to quit ans again the President and I held them to the task until it is the last quarter of an hour that does the work. Everybody practically gave up and we passed matters almost as fast as we could read them during the last fifteen minutes. This is a game I have played all my life, and I felt so much at home that when it was over I was not even tired. Around half past twelve Cecil asked how long the meeting was to continue. I told him until daylight or until we had finished... We were not in a humor to take anything except what we wanted and what we wanted was finally passed... It was an exhibition of Anglo-Saxon tenacity. The President, Cecil and I were alone with about fiften of the others against us, and yet in some way we always carried our point. 2 6 Si les négociations sont parfois tendues, le Pacte a été très rapidement élaboré, puisqu il est achevé dès le 13 février. Le lendemain, Wilson le présente au cours de la troisième séance plénière. La commission se réunit à nouveau du 22 mars au 28 avril, mais ne fait que retoucher le Pacte, qui sera définitivement adopté lors de la cinquième séance plénière de la conférence, le 28 avril. Il faut aussi reconnaître que les discussions portent sur un texte déjà écrit. La commission a surtout pour fonction d éplucher et de remanier au besoin le texte Hurst-Miller, lui-même fruit d études antérieures et de nombreux essais de rédaction. Les discussions informelles qui se poursuivent dans l intervalle des séances sont aussi essentielles. House précise que «dans l intervalle des séances, nous accomplissons, Cecil et moi, presque tout le travail délicat et nous nous efforçons d écarter des réunions les moindres prétextes à froissement 3». Les débats Le projet Hurst-Miller 7 À Paris, Britanniques et Américains modifient quelque peu leurs points de vue, tenant compte des idées de Smuts et de ce qu ils savent de leurs projets respectifs. Ainsi Cecil et Wilson élaborent-ils de nouveaux projets. Les conceptions de chacun évoluent, mais surtout les deux délégations se décident petit à petit à constituer un projet de Pacte commun. Les rencontres informelles chez Cecil à l hôtel Majestic ou chez House à l hôtel Crillon se multiplient à la fin du mois de janvier et les premiers jours de février. Ainsi, avant même la première réunion de la commission, les Anglo-Saxons constituent un projet de Pacte commun, combinant les vues exprimées par Lord Robert Cecil, le général Smuts et Wilson. On peut d abord parler d un projet Cecil-Miller le 27 janvier, transmis au Britannique Cecil J. Hurst qui procède à une radicale révision du document, avant de rencontrer l Américain David Hunter Miller le I er février et d établir à l aube du 2 février (4 heures du matin!) le projet Hurst-Miller 4. Les désaccords portaient sur cinq points principaux : la question du retour à la liberté des mers exigé par les États-Unis, celle du devenir des colonies allemandes et du poids des petites nations au sein du Conseil. Aussi,

37 35 les dominions britanniques peuvent-ils devenir des membres indépendants de la SdN? Enfin, faut-il privilégier un système d arbitrage forcé un peu compliqué (États-Unis) ou une cour permanente de justice internationale? Malgré ces divergences initiales, les deux conseillers juridiques de leur délégation parviennent à s entendre. 8 Le projet commun est prêt pour la première réunion de la commission, qui a lieu dès le lendemain. Wilson, d abord peu enthousiaste pour lui cette rédaction n a «ni chaleur, ni couleur» et prêt à proposer une quatrième version de son projet, finit par accepter le projet Hurst-Miller sur les conseils de House. Clemenceau contre la Société des Nations? 9 La position française n est pas facilitée par l attitude du chef de gouvernement. Clemenceau n accordait que très peu d importance à l idée de société des nations et n a jamais soutenu le CIESdN. Il chercha même à enterrer le plan établi par cette commission, n écoutant ni les protestations de Hanotaux, ni celles de Bourgeois. Devant la Chambre des députés, le 29 décembre 1918, Clemenceau se prononce clairement en faveur de la diplomatie traditionnelle de l équilibre des forces et des systèmes d alliance. Il n'entérine que tardivement la nomination de Bourgeois et de Larnaude à la commission de la SdN pendant la Conférence de la paix. Rappelons qu au-delà du «parlage et [...] surparlage de [la] Société des Nations» qu il dénonce dans Grandeurs et misères d une victoire, il «honore [Bourgeois] d une aversion particulière 5». Scott Blair rappelle que Clemenceau avait confié à House en avril 1919 que Larnaude lui tapait sur les nerfs et que Bourgeois l'assommait! Lors d un tête-à-tête avec le colonel House, le 7 janvier, Clemenceau se laissa convaincre de privilégier la conception anglo-saxonne de la SdN aux dépens du plan français. 10 Cependant, toute la responsabilité de l échec du plan français ne repose pas entièrement sur les épaules de Clemenceau. Bourgeois a en effet sa part de responsabilité. Il impose sa vision de la SdN, tout en sachant qu'elle est trop éloignée de celle des Anglo-Saxons. Il connaît en effet le point de vue de Wilson par l intermédiaire de l ambassadeur de France à Washington, Jules Jusserand, et de Jarousse de Sillac, qui avait rencontré de nombreux partisans de la SdN aux États-Unis, comme House. Il refuse d admettre que sa conception musclée de la SdN ne peut pas être acceptée par un sénat américain majoritairement républicain et qu elle pose aussi aux Américains des problèmes d ordre constitutionnel. Peut-être faut-il comprendre la position de Clemenceau à la lumière de cet entêtement. Le président du Conseil est plus réaliste et pragmatique. Il ne se fait pas d illusion sur les chances de succès du plan français. Les discussions 11 Le projet anglo-saxon sert de base de départ aux discussions au sein de la commission. L influence anglo-saxonne se prolonge aussi jusque dans les discussions qui ont lieu généralement en anglais. Les délégations britanniques et américaines parviennent à travailler en complète harmonie. La majeure partie des débats se déroulent sans heurts, on se contente bien souvent de modifier le vocabulaire employé. Mais certains points suscitent d âpres débats. Wilson et Cecil sont opposés à la présence de petites puissances au Conseil, mais ils sont obligés de céder devant l insistance des Français, des Italiens et des représentants des petites et moyennes puissances : il y aura quatre d entre elles au Conseil. La France et l Italie ont insisté à plusieurs reprises afin que des mesures

38 36 coercitives soient prises contre un État agresseur. Ils ne furent pas suivis. Bourgeois a aussi défendu énergiquement mais sans succès son idée d armée internationale ou, à défaut, d'un état-major international. Il ne parvient pas non plus à joindre au Pacte le travail des conférences de La Haye, les Anglo-Saxons préférant que la SdN soit libre de toute association. La seule concession qu ils accepteront, c est de mettre en évidence, dans l article 13, la nécessité d un arbitrage en cas de dispute. Concernant les mandats, une distinction sera faite, comme le suggérait le général Smuts, entre les différents types de mandats. 12 Si tous les membres convenaient de la nécessité de créer un secrétariat, la nature de ce dernier est peu évoquée dans les projets définitifs et ses fonctions paraissent limitées. Le texte adopté par la commission deviendra seulement l article 6 du Pacte, et le Secrétaire général peut convoquer le Conseil en cas de guerre ou de menace de guerre (article 11). Le dirigeant de la SdN était appelé «chancelier» pendant la majeure partie des négociations. Les Britanniques notamment avaient une préférence pour un homme d État d envergure ayant joué un rôle important pendant la guerre. Il pourrait avoir une réelle influence politique. Le nom du Grec Eleftherios Venizelos fut retenu, mais ce dernier déclina l offre qui lui fut faite, estimant que son pays avait besoin de lui. Thomas Masaryk, le père fondateur de la toute jeune Tchécoslovaquie, refusa pour les mêmes raisons. On pensa aussi au général Smuts et à Cecil lui-même, mais ces deux personnages ne suscitaient pas l unanimité malgré leurs compétences. La commission décida alors de placer un fonctionnaire à la tête du Secrétariat, elle préféra finalement le titre de «secrétaire général» à celui de «chancelier». Les suffrages se portèrent d abord sur Sir Maurice Hankey, organisateur du War Cabinet de Londres et alors secrétaire de la délégation de l Empire britannique à la Conférence de Paris. Il avait aussi élaboré un mémorandum sur la SdN. Après plusieurs mois de tergiversations, il finit par refuser. Son compatriote Eric Drummond emporte alors la partie. Il n est pas choisi au hasard comme l affirme l anecdote rappelée dans Le rêve d un ordre mondial 6, mais pour ses qualités de diplomate et son intérêt affiché pour une future organisation internationale. Le Pacte de la Société des Nations, un élément du traité de Versailles Le Pacte 13 L édifice de la SdN repose sur la base juridique d un pacte composé de 26 articles, précédés d un bref préambule. Le Pacte correspond aux 26 premiers articles du traité de Versailles, qui en compte 440. Il est aussi intégré aux autres traités : ceux de Saint- Germain, Trianon et Neuilly. 14 Le préambule définit l engagement général des nations qui vont signer et ratifier le traité. Le principe de la paix et des moyens de la conserver sont d emblée affichés : ne pas recourir à la guerre, refuser la diplomatie secrète au profit de relations «au grand jour», accepter «les prescriptions du Droit International». Suivent 26 articles destinés à définir précisément ce nouveau type de relations internationales. 15 Les articles 1 à 7 définissent la structure de l organisation. Le premier s intéresse à la composition de la SdN, aux États membres, dont la liste est proposée en annexe. Cette liste n est pas définitive, la SdN étant ouverte à toute candidature. Les articles suivants

39 37 décrivent l organisation et le rôle des principales institutions que sont l Assemblée (article 3), le Conseil (article 4), assistés d un secrétariat permanent (article 6), dont le nom du premier chef d orchestre, le Secrétaire général, est précisé en annexe : Sir James Eric Drummond. 16 Les dix articles suivants (8 à 17), qui représentent près de 40 % des articles, sont consacrés aux moyens de garantir la paix. C est le cœur du Pacte. L article 8 insiste sur la nécessité de réduire les armements. À défaut d'une armée ou d un état-major, les rédacteurs prévoient la création d une commission permanente des questions militaires et navales, chargée d observer la question et d informer le Conseil. L article 10 met l accent sur la solidarité de tous les membres en cas d agression de l un d entre eux. L article 11 insiste sur le fait que toute guerre ou menace de guerre intéresse la SdN. Les articles 12 à 15 proposent des modes de règlement pacifique des différends. Avant que tout conflit se développe, il convient de mettre en place une procédure d arbitrage ou un règlement judiciaire ; le Conseil examine aussi la situation (article 12). L article 14 prévoit la création d une cour permanente de justice internationale, dont les avis ne sont pas obligatoires. Le Conseil a dans toutes ces questions un rôle majeur (article 13). Au cas où un État membre recourt à la guerre contrairement aux engagements pris (articles 12, 13 et 15), des sanctions obligatoires sont prévues (article 16) : elles sont d abord économiques et financières, mais peuvent être, si besoin, militaires. Le contrevenant peut aussi être exclu de la SdN. Si le différend concerne un ou plusieurs États non membres, des dispositions sont prises pour les inviter à le régler et, en cas de refus, les dispositions de l article 16 sont applicables (article 17). 17 Les articles 18 à 21 traduisent la prédominance de la SdN sur tous les autres traités ou engagements internationaux. S ils existent encore, ils doivent être enregistrés par le Secrétariat (article 18) et contrôlés (article 19), voire abrogés s ils sont incompatibles avec les termes du Pacte (article 20). Certains ne peuvent être remis en cause (article 21), comme la doctrine Monroe, condition sine qua non pour que les États-Unis, membre fondateur et grande puissance, puisse entrer dans la SdN. 18 La question des mandats, qui avait suscité maints débats lors de l élaboration du plan anglo-saxon puis lors des réunions de la commission pour la SdN, se réduit à un article (22). Trois types de mandats sont prévus, suivant le degré de développement des territoires en question. Les mandataires ont des devoirs : envoyer un rapport annuel concernant les espaces dont ils ont la charge, qui sera examiné par une commission permanente donnant son avis au Conseil concernant toutes les questions relatives à l exécution des mandats. Le mandataire ne peut pas absolument faire ce qu il veut, son pouvoir est exercé au nom de la SdN. 19 Les articles 23 à 25 peuvent paraître à première vue techniques et moins importants que tout ceux qui concernent la paix. Si la prévention de la guerre est bien un aspect fondamental, la SdN doit aussi contribuer à organiser un monde en paix, à développer le sens de la solidarité entre les hommes et les peuples. Les principaux domaines envisagés sont les conditions du travail humain (article 23a), la répression de la traite des femmes et des enfants (article 23c), ainsi que celle du trafic de l opium et autres drogues nuisibles (article 23c), le maintien de la liberté des communications et du transit (article 23e), le traitement équitable du commerce de tous les membres de la SdN (article 23e) et l hygiène (articles 23f et 25). Cette énumération sommaire n est cependant pas limitative. Bien qu aucune clause ne spécifie que la SdN peut élargir son champ d expérience en matière de collaboration internationale, l article 24 laisse supposer que c est possible.

40 38 20 Enfin, l article 26 prévoit que le Pacte n est pas un texte rigide, il peut être amendé. Des efforts seront d ailleurs faits pour tenter de renforcer le Pacte par voie d amendements constitutionnels. La portée du document 21 Le Pacte est un texte intimement lié aux règlements de la première guerre mondiale. Ce lien est perceptible à la fois par la teneur de la majeure partie des articles et par la composition des premiers États membres (alliés et neutres). Les autres questions sont plus brièvement évoquées à la fin du document, mais elles montrent que le champ d activité de la SdN est très grand. Les activités techniques se sont considérablement développées et ramifiées au point que le Secrétaire général Joseph Avenol a lancé une grande réforme de l organisation appelée «réforme Bruce». Ainsi, si la SdN s est vue conférer, par les traités de paix de 1919 et ceux des années suivantes, certaines tâches relatives à leur application et si elle a tenté, avec un succès relatif, d empêcher d autres conflits, les États membres ont décidé de lui confier ou de placer sous ses auspices des entreprises ambitieuses non mentionnées par le Pacte : des lancements d emprunts internationaux destinés soit à permettre l établissement de très nombreux réfugiés chassés de leurs pays par suite de la guerre, soit de venir en aide à un pays en difficultés financières ; des convocations de conférences mondiales (conférence économique de 1927, conférence monétaire et économique de 1933) destinées à remédier, si possible, par des solutions d ensemble aux maux économiques et financiers des divers États dans le monde ; l établissement d un plan universel de limitation de la production des stupéfiants aux besoins de la consommation mondiale ; la création de toute une organisation spécialisée dans la tâche de stimuler la coopération intellectuelle entre nations. 22 Ainsi, bien que fortement décrié, ce pacte, à la fois novateur et prudent, autorise toutes sortes d adaptations en fonction des circonstances. Bien que très court, il permet le fonctionnement d un organisme très important et le développement de champs d activité fort divers. Le Pacte représente un double point de départ dans les relations internationales contemporaines. Il traduit tout d abord la reconnaissance du droit international comme le stipule le préambule : «il importe [...] d observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règles de conduite effective des Gouvernements». C est aussi la reconnaissance du poids, de plus en plus important, des activités techniques et de la nécessité de les organiser au sein d une organisation centrale. 23 Le Pacte est aussi un compromis entre deux conceptions, la conception ancienne en vertu de laquelle la souveraineté des États est absolue, et la conception plus récente et plus hardie selon laquelle les États devaient consentir à certaines limitations dans l exercice de leur souveraineté. En effet, celle-ci est respectée, sauvegardée ; par l interprétation de l article 1, 3 et de l article 26, 2, chaque État a la possibilité de se retirer de la SdN. Bien souvent, l institution genevoise ne peut que «préparer des plans», «recommander» ou «proposer» des solutions, non les imposer. La SdN est donc bien une association d États a priori indépendants et maîtres de leur destin. Cependant, un certain nombre d articles introduisent un certain nombre de limites. En effet, les premiers articles font de la SdN une organisation indépendante, dotée de son propre budget. De plus, trois articles (10, 12 et 15) limitent la liberté des membres en cas de différends ou de guerre. L article 16, 4 permet même l exclusion d un État, contre sa volonté s il ne respecte pas les principes du

41 39 Pacte. La SdN a un large droit d intervention, y compris auprès des non membres, comme le stipule l article Le Pacte a sans doute des imperfections, des ambiguïtés et des lacunes. C est un compromis entre des parties ayant parfois des points de vue fort éloignés. Les rédacteurs ont dû péniblement concilier ces divergences. Les travaux de la commission de la SdN ont été conduits très rapidement dans le cadre de la Conférence de la paix et comme il avait été décidé, le 25 janvier 1919, que le Pacte devait faire partie du traité, il y avait une obligation de résultats avant l issue de la conférence. Rappelons enfin qu il s agit d un domaine entièrement nouveau des relations internationales : les concepteurs du Pacte n ont aucun précédent sur lequel s appuyer. 25 L histoire de la SdN a montré que certains articles importants (10,12 et 16) suscitent des problèmes d interprétation. Sans doute peut-on reprocher à la commission de la SdN de ne pas avoir prévu une procédure destinée à interpréter le Pacte en cas de désaccord. 26 On a souvent fait reposer l échec final de la SdN sur les imperfections de son texte fondateur. C est exagéré. Rappelons que ce document ne crée pas une force politique en dehors ou au-dessus des gouvernements et des peuples, mais un moyen de les unir en vue de la réalisation de l ordre international. Si la volonté des gouvernements et des peuples fait défaut, tout succès est impossible. Le Secrétariat de cette institution est au service des États, il se contente de mettre en pratique les décisions qu ils ont prises, il n est pas autonome. NOTES 1. Deux volumes publiés à New York chez G.P. Putnam's Sons, 1928, VIII-555 p. et IV-857 p. Le procès-verbal de la commission en français est disponible dans le long document 20 (vol. 2, p ). 2. The Historcal Significance of the House Diary, compoundobject/collection/1004_6/id/5270/show/5110. Aller jusqu à la page 151 («ms_0466_s2_v7_151»). Les papiers du colonel House ont été déposés à l'université de Yale (MS 466), y compris ses carnets. Une copie numérisée est disponible. 3. Papiers intimes du colonel House. T. IV. La fin de la guerre, Paris, Payot, 1931, p David Hunter Miller, The Drafiting of the Covenant, op. cit., p ; en français p Raymond Poincaré, Au Service de la France. X. Victoire et Armistice, 1918, Paris, Plon, 1933, p Ibid., p. 37.

42 Partie II. L organisation et le fonctionnement de la Société des Nations 40

43 41 Chapitre 1. Les États membres Les vainqueurs et les neutres 1 L article premier du Pacte est consacré à la composition de l organisation. Le premier paragraphe évoque les premiers États membres, qualifiés d «originaires». La première annexe du Pacte précise les noms des États originaires (32), tous sont signataires du traité de Versailles et font partie du camp des vainqueurs ou sont nés des cendres des empires centraux défunts (Tchécoslovaquie, Pologne...). La Grande-Bretagne a obtenu un siège pour ses dominions (Afrique du Sud, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande) et même pour son joyau, l Empire des Indes, qui n est qu une colonie administrée par la métropole. Les autres puissances coloniales (France surtout, mais aussi Belgique, Italie) ne réclament rien. 2 Treize autres États sont «invités à accéder au Pacte» sans aucune réserve, par une déclaration déposée au Secrétariat dans les deux mois de l entrée en vigueur du Pacte. Ce sont des États neutres, principalement européens (Suède, Norvège, Pays-Bas et Suisse) et latino-américains (Argentine, Chili...). 3 Ces deux listes ne sont en aucun cas closes définitivement. Le deuxième alinéa de l article premier du Pacte précise que l élargissement est envisageable, mais sous condition : les candidats doivent se gouverner librement. L admission n est possible que si une majorité des deux tiers de l Assemblée est obtenue. Ils doivent aussi accepter de respecter les règles de la SdN. 4 Si l élargissement est possible, la diminution du nombre de membres l est tout autant. Tout membre peut en effet se retirer de la SdN, mais en suivant, là encore, une procédure précise : un préavis de deux ans est nécessaire avant tout départ définitif. Le retrait n est possible que si le pays a par ailleurs rempli toutes ses obligations internationales. Le deuxième alinéa de l article 26 stipule aussi que «tout Membre de la Société est libre de ne pas accepter les amendements apportés au Pacte, auquel cas il cesse de faire partie de la Société». 5 Enfin, la qualité d adhérent peut être retirée à chaque membre s'il ne respecte pas les principes fondamentaux de la SdN (article 16) : «peut être exclu de la Société tout Membre qui s est rendu coupable de la violation d un des engagements résultant du Pacte.

44 42 L exclusion est prononcée par le vote de tous les autres Membres de la Société représentés au Conseil.» Cet article ne sera utilisé qu une seule fois, après que l URSS eut envahi la Finlande en L Italie et l Allemagne se retireront avant de subir des sanctions. 6 La SdN est donc une libre association d'états qui peuvent intégrer l organisation comme s en retirer. Mais ils ont aussi des devoirs et s ils ne les respectent pas, ils peuvent être mis sur la touche par les autres membres. Le temporaire rejet des vaincus 7 Les listes de la première annexe du Pacte ne mentionnent aucun pays vaincus : ni l Allemagne ni l Autriche ni la Turquie ne font partie du premier wagon des pays membres. La toute jeune Russie soviétique paie aussi son retrait du conflit. Si aucun texte officiel n indique que ces nations ne doivent intégrer la SdN, les vainqueurs s y refusent, la France notamment. 8 Le cas allemand est le plus intéressant 1. Si le gouvernement impérial est loin d être internationaliste, la nouvelle majorité, arrivée au pouvoir en novembre 1918, est beaucoup plus sensible à l idée de la création d une organisation internationale, le SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands - Parti social-démocrate) notamment ; les centristes n y sont pas hostiles non plus. Au-delà de cette grande idée, les politiciens allemands comprennent bien l intérêt d une Société des Nations dominée par les Américains : elle les protégerait de l animosité des autres vainqueurs 2. 9 Mathias Erzberger, homme politique influent et membre du gouvernement, publie un ouvrage en faveur d une société des nations, Der Völkerbund : Der Weg zum Welfrieden («La Société des Nations : le chemin vers une paix mondiale»). Le gouvernement crée et finance en décembre 1918 la Deutsche Liga für Völkerbund, placée sous l égide d Ernst Jäckh. Cette association organise une active publicité en faveur d une société des nations et suscite de l intérêt dans la majeure partie de la classe politique, excepté la droite nationaliste et les communistes. 10 En réaction aux projets alliés de société des nations, les Allemands rédigent leur propre plan, notamment par Walter Schücking, pacifiste et professeur de droit international. Il est présenté au gouvernement fin avril 1919 et sera transmis aux Alliés. 11 Les Alliés ignorent ces propositions. Ils considèrent, comme l affirmera l article 231 du traité de Versailles, que l Allemagne est responsable de la guerre. Elle ne peut s associer aux autres nations sur un pied d égalité. Georges Clemenceau, dans une célèbre lettre qui accompagne la réponse des Alliés, considère que «si le peuple allemand démontre par des actes son intention de satisfaire aux conditions de la paix, son renoncement pour toujours à la politique agressive qui lui a aliéné le reste du monde et qui a été la cause de la guerre [... ] alors il sera possible de compléter dans un avenir non éloigné la Société des Nations en y admettant l Allemagne». La porte n est pas fermée, mais l Allemagne doit accepter tout ce qui lui est imposé. Les actes de l Allemagne devaient déterminer la longueur de la quarantaine. L entrée ne sera possible qu en 1926, lorsque les relations franco-allemandes se décrispent grâce à Briand et Stresemann. Précisons que l Allemagne mettra plus de temps à intégrer le concert genevois que les autres vaincus : l Autriche et la Bulgarie sont admis dès décembre 1920, la Hongrie en septembre Ce refus d intégrer la SdN, comme les sanctions prévues par le Pacte vont entretenir un sentiment désagréable en

45 43 Allemagne. Les Allemands et leur gouvernement ont l impression que les changements politiques depuis novembre 1918 ne sont pas pris en compte et que les Alliés veulent maintenir deux camps opposés. Ce sentiment est exprimé par l expression désormais bien connue de «Diktat». La défection des États-Unis 12 Les États-Unis apparaissent, à première vue, en première ligne des nouveaux États membres. Or le Sénat, qui doit ratifier les traités d après la Constitution, dispose d une majorité hostile à Wilson depuis les élections partielles de novembre 1918, qui ont donné une légère majorité aux Républicains (49 contre 47). Si la majeure partie des démocrates est favorable au vote du traité tel qu il est, les républicains sont plus critique. Ils souhaitent déposer des amendements. La majorité des deux tiers est nécessaire pour permettre la ratification du traité, elle ne peut donc être obtenue qu au prix de quelques modifications. Wilson peut compter sur un compromis sans grande difficulté. 13 Mais le président adopte une position particulièrement intransigeante, il refuse tout amendement et tout compromis. Il compte s appuyer sur une opinion publique globalement favorable à l institution pour obliger les sénateurs à céder. 14 Le sénateur Henry Cabot Lodge, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, figure de proue du parti républicain et très hostile à Wilson, va profiter de l occasion pour tenter de mettre le président en difficulté. Le rôle de l inimitié tenace qui sépare les deux hommes a sans doute joué un rôle considérable dans cette affaire. Cabot Lodge n est pas foncièrement hostile au principe d une société des nations, mais considère que les intérêts et la sécurité des États-Unis doivent être protégés par des amendements et des réserves. 15 Au printemps et à l été 1919, la population américaine paraît majoritairement favorable à l idée d une société des nations. Mais le retour à la vie quotidienne contribue à l étiolement progressif de l intérêt de la population pour l organisation internationale : les nombreux combattants américains partis à la guerre rentrent, les problèmes économiques et sociaux préoccupent les Américains, leur passion pour les événements sportifs (boxe, baseball) est ravivée. Les milieux économiques sont eux aussi majoritairement favorables à la SdN. Par contre, plusieurs minorités y sont hostiles : les germano-américains qui considèrent que le traité est un diktat, les Irlando-Américains qui souhaitent l indépendance de l Irlande, les Italo-Amércains qui n acceptent pas que l Italie n ait pas obtenu les terres irrédentes qu elle revendiquait. Certains libéraux et surtout les nationalistes n apprécient pas cette nouvelle institution. 16 Wilson veut convaincre la population américaine du bien-fondé du traité et forcer ainsi le Sénat à céder. Il entreprend alors, malgré sa fragile santé, un voyage de propagande. Mais ses adversaires font de même et parviennent souvent à casser l effet qu il a pu produire sur ses concitoyens. Il est surtout victime d une attaque cardiaque et doit annuler sa campagne. Cet accident de santé a eu un effet catastrophique sur l adhésion américaine à la SdN. L épouse de Wilson, soucieuse de protéger son mari, filtre tout ce qui lui parvient. Le président n a donc qu une vision déformée de l évolution de la situation. House avait entrepris une tentative de conciliation avec Cabot Lodge par l entremise de son ami Stephen Bonsal. Il essaie d entrer en communication avec le président, sans succès. C est le début de la rupture entre les deux hommes, sans qu il y ait eu de véritable querelle.

46 44 17 Le point de départ de la discussion générale sur le Pacte de la SdN au Sénat est un rapport de la commission des Affaires étrangères rédigé par Lodge, qui ne prévoit pas moins de 45 amendements et 4 réserves. Ce document suppose à la fois une nouvelle rédaction du Pacte, une renégociation entre les Alliés et une interprétation américaine du traité. 18 Le Sénat, par un premier vote à la majorité simple, repousse tous les amendements proposés par Lodge (par 55 voix sur 96). Lodge ne se démobilise pas et propose un nouveau document (constitué de 14 réserves), qui est adopté le 7 novembre. Le Sénat ne s est cependant pas encore prononcé sur la totalité du Pacte. 19 L intransigeance de Wilson va faciliter les chances de succès du camp anti-sdn. Le président rejette radicalement les réserves, considère que c est une trahison des États- Unis vis-à-vis des Alliés. Il va même jusqu'à demander aux sénateurs démocrates de voter contre la ratification du traité puisqu il le considère désormais dénaturé. Ainsi, le 19 novembre 1919, les sénateurs repoussent la ratification (55 non, 39 oui). Devant ce vote paradoxal, unissant dans le «non» les partisans de la SdN et ses adversaires, le Sénat décider de réexaminer le Pacte. Wilson n écoute pas ses conseillers, il refuse toujours le compromis et s attaque violemment au Sénat, qu il met en cause devant le pays. 20 Le 19 mars 1920, le vote final a lieu et le traité, accompagné des 14 réserves de Lodge et d'une dernière ajoutée (en faveur de l indépendance de l Irlande), est voté par 49 sénateurs contre 35. La majorité est acquise, mais pas par les deux tiers. Il manque seulement 7 voix. Le rejet est désormais définitif. Beaucoup de démocrates, initialement favorables au traité, ont suivi leur président. Ce vote est en quelque sorte confirmé par l élection du candidat républicain Harding, très hostile au Pacte de la SdN. C en est fini des espoirs internationalistes de Wilson. Commence ce que Jean-Baptiste Duroselle appelle «l Ère du Nationalisme». 21 La défection des États-Unis est vraiment un coup dur pour la SdN. Des cadres importants et compétents sont obligés de démissionner, le manque à gagner est également conséquent : grâce à leur puissance économique et financière, les Américains auraient été les principaux bailleurs de fonds de la nouvelle organisation. Le retrait américain pose en outre le problème de l universalité de la SdN. Certains historiens, journalistes et anciens fonctionnaires (William Rappard) ont vu dans cette défection le «commencement de la fin». Le désarroi des dirigeants européens ne céda cependant pas à la panique et l aventure continua tout de même. Peut-être ce retrait a-t-il accéléré l ouverture de la SdN à de nouvelles candidatures, notamment celles des pays vaincus. Sans doute a-t-on exagéré l importance de cette défection. Reconnaissons seulement que si l absence des États-Unis ne condamne nullement la SdN, leur présence aurait sans doute contribué à assurer le succès de l institution permettant de surmonter les hésitations, le défaut de foi et d énergie des autres. Leur départ a entraîné une incontestable perte d autorité. 22 Les États-Unis n ont cependant pas cessé de collaborer avec la SdN. Ils ont participé à ses travaux techniques et humanitaires à partir de 1923, sont entrés en 1934 dans l Organisation internationale du travail. Même dans le domaine proprement politique, les États-Unis ne se sont pas désintéressés des questions générales ou particulières (conflits déterminés). Ils ont même été à l origine d initiatives importantes. Mais cette collaboration n est pas toujours suivie.

47 45 L'évolution de 1920 à Au moment de l ouverture de la première assemblée de novembre 1920, la SdN compte 42 membres, soit plus des trois quarts de la population mondiale. Ce sont essentiellement des États européens (38 %) et américains (40,4 %). L Afrique (4,7 %), l Asie (11,9 %) et l Océanie (4,7 %) sont peu représentés, les États indépendants étant alors peu nombreux dans ces continents. L Europe se taille la part du lion puisque l institution est dominée par la France et la Grande-Bretagne. 24 Le nombre d États membres augmente jusqu en La SdN a, cette année-là, 60 membres. La part des Européens est encore plus conséquente qu auparavant : 28 pays (46,6 %). 25 Les vaincus sont accueillis finalement relativement tôt puisque dès la fin de l année 1920 plusieurs d entre eux deviennent membres : l Autriche, la Bulgarie. L Allemagne devra attendre la bonne volonté d Aristide Briand à l égard de son collègue Stresemann (1926). La Russie, écartée à la fois pour son retrait prématuré de la Grande Guerre et pour son idéologie, est finalement accueillie en À partir de 1927, plusieurs pays se sont retirés à l issue de l expiration du préavis de deux ans prévu par le Pacte. Ce sont surtout des pays d Amérique latine (11 entre 1927 et 1941), mais aussi des pays dont l action est contestée par d autres membres : le Japon (1935) à l issue de la crise mandchoue, l Allemagne nazie (1935), l Autriche, que cette dernière annexe (1938), l'italie (1939), mise en cause dans la crise éthiopienne. Un seul membre sera expulsé : l URSS, à la suite de son agression contre la Finlande le 14 décembre Il est enfin intéressant de remarquer que même pendant la seconde guerre mondiale, période pendant laquelle on a l impression que la SdN n existe plus, il reste au minimum 44 membres, soit un peu plus qu au moment de l ouverture de la première assemblée, et même lors de l autodissolution de l organisme, alors que l ONU existe déjà (1946). NOTES 1. Christoph M. Kimmich, Germany and the League of Nations, Chicago, The University of Chicago Press, 1976, 266 p. 2. Jean-Michel Guieu, «Les Allemands et la Société des Nations ( )», Les Cahiers Irice, n o 8, 2011, 3. Robert H. Haigh, David S. Morris et Anthony R. Peters, Soviet Foreign Policy, the League of Nations and Europe, , Totowa (New Jersey), Barnes & Noble Books, 1986,138 p.

48 46 Chapitre 2. L Assemblée et le Conseil L Assemblée 1 L article 3 du Pacte fixe brièvement le fonctionnement de l Assemblée. «L Assemblée se compose de Représentants des Membres de la Société.» C est en effet l organe égalitaire de l institution, où chaque État, quelle que soit son importance démographique, économique ou politique, a le même poids. Les «petits» ont autant d importance que les «gros», une majorité de petits États peut théoriquement imposer sa volonté à une minorité de grandes puissances. La contribution financière importante de ces dernières par rapport à la foule des contribuables modestes ne change rien et ne donne aucun privilège. Le choix du terme «assemblée» est aussi révélateur. Il rappelle les représentations populaires des pays démocratiques et non les délégations diplomatiques des différents États. 2 Comme le stipule le quatrième alinéa, «Chaque Membre de la Société ne peut compter plus de trois Représentants dans l Assemblée et ne dispose que d une voix.» Tous les États peuvent donc librement participer aux débats. Les trois délégués ont généralement trois suppléants et sont accompagnés de délégués techniques et de secrétaires. Lorsqu un vote doit avoir lieu, le premier délégué vote au nom de toute la délégation et de son pays. Les délégations, placées dans le parterre de la salle de la Réformation, sont classées par ordre alphabétique. 3 Les attributions de l Assemblée sont importantes : elle «connaît de toute question qui rentre dans la sphère d activité de la Société ou qui affecte la paix du monde» ( 3), ce sont les mêmes attributions que celles confiées au Conseil (article 4, 4). 4 Le deuxième alinéa évoque la périodicité et le lieu de réunion de manière assez vague. D'une manière générale, les indications fournies par l article 3 sont insuffisantes pour assurer le bon fonctionnement de l Assemblée. C est lors de la première assemblée, réunie à partir du 15 novembre 1920 dans la sobre et austère salle de la Réformation de Genève, que son fonctionnement et ses attributions sont plus précisément fixés, en faisant l organe central de la SdN. 5 Concernant la périodicité et le lieu de réunion, il est décidé que l Assemblée se réunira chaque année le premier lundi de septembre, au siège de la SdN. La salle de la

49 47 Réformation puis le palais électoral à partir de 1930 serviront de lieu de réunion de l Assemblée jusqu à l inauguration de la salle des Assemblées du nouveau palais des Nations en septembre Les débats ont lieu, suivant l ampleur de l ordre du jour, pendant trois ou quatre semaines. L ordre du jour de chaque session est fixé quatre mois à l avance et communiqué à chaque État. Si la première assemblée a été convoquée par le président Wilson comme le stipulait l article 5, 3 du Pacte, c est le président du Conseil qui a cette tâche par la suite. Les débats sont organisés par un président, élu par l Assemblée ; il est renouvelé lors de chaque session. 7 Les décisions doivent être prises à l unanimité (sauf en ce qui concerne les questions de procédure). Elles prennent la forme de résolutions et si elles ne s'imposent pas, elles constituent des obligations morales. 8 La première assemblée organise aussi son travail et pour ce faire crée six commissions dans lesquelles toutes les délégations ont la possibilité d être représentées. Chacune élit un président et un rapporteur, qui présentera un rapport et les conclusions de ses travaux devant l Assemblée. Celle-ci vote alors l adoption ou le rejet des propositions. Les divers rapports soumis par les organes de la SdN et les projets déposés par les États membres sont envoyés aux commissions. Chaque commission a une activité très précise. L ensemble traduit bien la variété des questions débattues et étudiées à la SdN : La première commission s occupe des questions constitutionnelles et juridiques, des amendements au Pacte. La deuxième regroupe les activités techniques de la SdN (économie et finance, hygiène, communication et transit, opium...). La troisième prépare la mise en place de la Cour de justice internationale. La quatrième traite de la gestion financière de la SdN et du fonctionnement de son Secrétariat. La cinquième s'intéresse aux questions politiques et à l admission de nouveaux membres. La sixième s occupe du désarmement et de la réduction des armements. 9 Ces commissions seront sujettes à des modifications par la suite. L ordre ici présenté sera modifié et la troisième commission originelle sera supprimée après la création de la Cour de justice internationale et remplacée par une commission chargée des questions sociales et humanitaires. 10 Chaque année sont aussi présentés devant les délégués le rapport sur l œuvre du Conseil et sur l activité du Secrétariat depuis la précédente assemblée. Cette dernière écoute également les questions dont le Conseil ou un État membre ont demandé la discussion. 11 L Assemblée doit enfin arrêter et approuver à l unanimité le projet de budget de la SdN et des organismes autonomes (comme l Organisation internationale du travail). Cette fonction est très importante et donne régulièrement lieu à des débats passionnés sur la nécessité de réduire les frais de l institution et sur la répartition de la contribution de chaque État membre. 12 Si le Conseil a, on le verra, un rôle décisionnel important, l Assemblée n est pas pour autant une institution de second plan. C est elle qui est sur le devant de la scène, elle a une influence et une portée véritablement mondiales puisque les délégués de toutes les nations, quelles que soient leurs conceptions politiques, s y rencontrent. Lorsque l Assemblée est réunie, Genève devient le centre de la diplomatie mondiale. Les discours de certains délégués importants sont attendus et appréciés, comme ceux d Aristide

50 48 Briand de 1926 et de Tous les propos sont décortiqués, analysés et retransmis par la presse écrite et la radio : les débats sont en effet intégralement ouverts à la presse et au public qui se ruent, chaque automne, sur les places disponibles de la salle de la Réformation. Les dirigeants politiques des différentes nations ont conscience de l importance de cette tribune et répondent présent. William Rappard dans ses Vues rétrospectives sur la Société des Nations 1 montre bien dans un tableau l'importance des délégations, la qualité du personnel présent chaque année. Si la proportion des premiers ministres et ministres des Affaires étrangères figurant parmi les délégués est mineure entre 1920 et 1923 (entre 12 et 12,8 %), elle devient conséquente à partir de 1924 et augmente régulièrement par la suite, dépassant systématiquement 41,5 % à partir de 1927 et atteignant même 57,1 % en 1937 : 28 premiers ministres et ministres des Affaires étrangères figurent parmi les délégués présents. Le Conseil 13 L article 4 définit la composition et l organisation du Conseil. Comme pour l Assemblée, tout est très brièvement présenté. 14 Le premier alinéa précise d emblée le caractère restreint de ce conseil. Il définit deux types de membres. D une part, les membres permanents, «représentants des principales puissance alliées et associées», non nommées. Il s agit des cinq principaux vainqueurs : les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'italie et le Japon. Le nombre de membres permanents sera revu à la baisse lorsque les États-Unis quitteront la SdN. Les grandes puissances se distinguent des autres à cause de leurs intérêts mondiaux, de leurs responsabilités politiques et économiques considérables. D autre part, quatre membres non permanents font aussi partie du Conseil. Ils «sont désignés librement par l Assemblée et aux époques qu il lui plaît de choisir». Les noms de quatre États sont mentionnés, dans l attente de la tenue de la première assemblée. Les pays sélectionnés ne l ont pas été au hasard. Il s agit de la Belgique (nation sévèrement touchée par la guerre et proche de la France), de la Grèce (proche des Britanniques et dont le dirigeant, Venizelos, a été envisagé comme premier Secrétaire général), de l Espagne (pays neutre) et du Brésil (représentant des républiques d Amérique latine). Aucune indication ne précise combien de temps dure leur mandat auprès du Conseil. De manière générale, l Afrique et l Océanie ne sont pas représentées, l Asie l est seulement par le Japon. On ne peut que constater une surreprésentation de l Europe. 15 Même si les grandes puissances ont un rôle prédominant, le Conseil a donné l occasion dès le début aux petites puissances, à la différence de l ancien «Concert européen», de prendre une véritable influence statutaire dans la conduite des affaires internationales. 16 Le deuxième alinéa stipule que le nombre de membres du Conseil, aussi bien les permanents que les autres, peut augmenter. Les rédacteurs du Pacte comprennent d emblée que la SdN est susceptible d avoir de nouveaux adhérents, ce qui devrait entraîner l élargissement du Conseil. Les nouveaux candidats, suggérés par le Conseil, seront choisis par une majorité de délégués de l Assemblée. 17 Le cinquième alinéa est plus étonnant. Sont invités aussi en tant que membres temporaires du Conseil des États non représentés lorsqu une question les concernant tout particulièrement est portée devant le Conseil.

51 49 18 Chaque État membre du Conseil ne dispose que d une voix et n a, contrairement à l Assemblée, qu un seul représentant. La périodicité des réunions n est pas clairement fixée : «le Conseil se réunit quand les circonstances le demandent, et au moins une fois par an, au siège de la Société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné» ( 3). Dans la pratique, le Conseil s est réuni environ quatre fois par an jusqu en Depuis cette date, le nombre des sessions a été réduit à trois (janvier, mai et septembre), en partie pour permettre aux ministres des Affaires étrangères, qui ne peuvent quitter leur capitale trop fréquemment, d assister aux réunions. Il peut être convoqué en session extraordinaire en cas d urgence (à Paris du 26 au 30 octobre 1925, fréquemment dans la seconde moitié des années 1930). 11 réunions ont eu lieu la première année. Une telle fréquence, exceptionnelle, se justifie par les exigences propres à la mise en place d une institution naissante. 19 Tout comme l Assemblée, le Conseil bénéficie d un certain prestige, grâce à la présence de ministres des Affaires étrangères parmi ses membres, notamment à partir de 1925 (Chamberlain, Briand et Stresemann s y retrouvent). 20 Les réunions ont généralement lieu à Genève, mais parfois ailleurs, notamment la première année (à Paris pour la première réunion le 16 janvier 1920, à Londres le 13 février, à San Sébastien en juillet ). 21 Les attributions du Conseil sont aussi floues que celles de l Assemblée : «Le Conseil connaît de toute question rentrant dans la sphère d activité de la Société ou affectant la paix du monde.» Dans l esprit des rédacteurs du Pacte, le Conseil est l organe de décision 2 de la SdN. Le nombre restreint de ses membres doit permettre d organiser des rencontres rapides, n importe où. Ses discussions n étant pas publiques, il peut y avoir des négociations discrètes entre les grandes puissances, conformes aux anciennes habitudes diplomatiques, notamment celles contractées pendant le conflit et la Conférence de la paix, qui réunissaient les principaux responsables alliés. Les décisions sont prises à l unanimité, excepté pour les questions de procédure. Lorsque certaines questions très techniques lui sont soumises, notamment juridiques, il peut disposer des avis consultatifs de la Cour de justice internationale. Il lui est arrivé de créer lui-même des comités de juristes afin de leur soumettre telle ou telle difficultés juridique. Le Conseil a aussi été amené à créer un certain nombre de commissions techniques consultatives dont il recueille les avis, et même de véritables «organisations», telles l Organisation d hygiène ou l Organisation de coopération intellectuelle. 22 Une présentation du Conseil ne suffit cependant pas. La constitution de ce corps restreint au sein de l organisation a en effet continuellement posé de délicats problèmes : la «compétition» entre les nations pour l attribution des sièges a occasionné de nombreuses et violentes tensions. 23 En 1920, la première assemblée reconduit les mandats de la Belgique, de l'espagne et du Brésil. La Grèce est remplacée par la Chine. La réélection paraît concevable vu l importance de ces pays, mais elle est aussi due à une forme de chantage que certains entretiennent : quitter la SdN si le siège au Conseil n est pas confirmé. Cette attitude est cependant délicate car il est dangereux d écarter trop longtemps certaines nations souhaitant aussi intégrer le Conseil. Les membres extra-européens de la SdN se font entendre et plaident pour une représentation proportionnelle, pour une sélection régionale ou une rotation des sièges.

52 50 24 En 1922, deux nouveaux sièges temporaires sont ajoutés. Trois des quatre États mentionnés dans le Pacte sont encore là. Les deux nouveaux sièges sont confiés à un pays d Amérique latine (l Uruguay) et à un pays Scandinave (la Suède). Les grandes puissances deviennent donc minoritaires au sein du Conseil. 25 D importantes tensions ont lieu au cours de l année L admission de l Allemagne dans la SdN paraît enfin acquise. Cependant cette puissance ne conçoit son entrée qu avec un siège parmi les membres permanents du Conseil. Cette faveur est alors aussi revendiquée par la Pologne puis par l Espagne et le Brésil, tous deux membres temporaires. Leurs demandes sont éconduites par crainte d un effet boule de neige. 26 Une assemblée extraordinaire est convoquée en mars 1926 afin de tirer la situation au clair. Devant l opposition des petits États neutres, hostiles à l élargissement, la situation reste bloquée et conduit ce rassemblement à l échec. L admission de l Allemagne est provisoirement ajournée. 27 Au cours de la session ordinaire de l Assemblée, à l automne de la même année, l Allemagne finit par être admise, dans les conditions qu elle souhaitait. Si l Espagne et le Brésil acceptent finalement le vote, cette décision entraîne leur démission de la SdN. Le retrait du Brésil devient effectif en 1928, tandis que l Espagne reviendra sur sa position avant l expiration du préavis de deux ans exigé par le Pacte ; elle retrouvera un siège parmi les non-permanents. L Assemblée entérine également trois nouvelles règles : Le nombre de non-permanents passe de six à neuf. Le Conseil passe donc de dix à quatorze membres. La durée de leur mandat est fixée à trois ans. Six d entre eux perdront, au bout de ce laps de temps, leur droit à la rééligibilité pendant trois ans, permettant ainsi une rotation des sièges. Trois d entre eux peuvent être réélus si au moins les deux tiers de l Assemblée les déclare rééligibles. La Pologne, partiellement à l origine des difficultés de l année 1926, obtient un siège non permanent et le conservera jusqu en Hormis quelques changements de pays membres (exemple de la Chine qui n est pas réélue en 1928 et doit laisser sa place à la Perse), la situation reste inchangée jusqu en 1933, date à laquelle le nombre de non-permanents passe à dix. Les changements seront plus importants par la suite, avec l arrivée de l URSS, le départ du Japon, de l Allemagne (1935) puis de l Italie (refus de siéger puis préavis de retrait) et l octroi, en 1936, d un onzième siège non permanent. 28 Le Conseil, conçu comme un organe exécutif, a perdu, avec le poids du nombre, de sa souplesse, de son importance et de son efficacité. Cela entraîne aussi, comme le remarque bien William Rappard 3, une scission en deux du Conseil : d un côté les grandes puissances, qui se concertent entre elles avant les séances du Conseil ; de l autre les non-permanents, qui sont appelés à enregistrer avec dépit les délibérations auxquelles ils n ont pas participé.

53 51 NOTES 1. Académie de droit international. Recueil des cours, t. 71, II, 1947, p Ou «organe d action». La Société des Nations, ses fins, ses moyens, son œuvre, Genève, Société des Nations, 1938, p Ibid., p. 157.

54 52 Chapitre 3. Le Secrétariat Les fonctions du Secrétariat 1 L action de la SdN devant être permanente, il fallait qu'elle puisse disposer d un organisme lui-même permanent, établi au siège de cet organisme, Genève en l occurrence 1. Le Secrétariat doit en somme assumer vis-à-vis du Conseil et de l Assemblée le rôle que les services des ministères jouent envers les gouvernements nationaux. Il est chargé d assurer, entre un conseil et le suivant, entre une assemblée et la suivante, la continuité voulue dans l activité de la SdN. C est donc une administration publique, servant des intérêts généraux, ceux de la communauté internationale ; ce n est pas un organe dirigeant, mais un organe subordonné dont le rôle est de préparer et d exécuter les décisions prises par d autres organes (l Assemblée et le Conseil). À la différence des services de ministères nationaux, il pratique très rarement l administration directe (Haut Commissariat de la SdN pour la Sarre), l action sur le terrain est dévolue aux services des pays concernés. Le travail du Secrétariat reste généralement peu perçu de l extérieur, hormis lorsque des publications sont livrées à l appréciation du public. 2 C est la première fois qu un organisme d une telle ampleur est créé. Il existait déjà des bureaux permanents des unions internationales créées au cours de la seconde moitié du XIX e siècle. Ils étaient de taille fort réduite, avec peu de personnel et un champ d activité très limité et très technique, souvent sous la surveillance d un gouvernement international. S il faut rechercher un éventuel modèle, peut-être convient-il d observer la structure des organisations interalliées créées pendant la Grande Guerre (conseil suprême de guerre, conseil interallié des transports maritimes...). Quoi qu il en soit, aucun n a eu l ampleur du Secrétariat de la SdN. 3 Le Secrétariat est en fait une création de son premier chef, le Secrétaire général : Eric Drummond. Les dispositions du Pacte sont en effet particulièrement sommaires. Il est question du Secrétariat dans quatre articles (2, 6, 7 et 11) seulement. L article 2 se borne à mentionner le Secrétariat parmi les organes de la SdN. L article le plus important est le sixième, il évoque la nomination du Secrétaire général et celle de ses subordonnés. L article 7 ouvre l accès du Secrétariat aux femmes comme aux hommes et accorde aux

55 53 fonctionnaires le bénéfice des privilèges et immunités diplomatiques. L article 11, enfin, oblige le Secrétaire général à convoquer le Conseil à la demande d un membre de la SdN. 4 Ce manque de précision est un atout et un inconvénient. C est un atout car les responsables de la SdN ont réussi à organiser de manière empirique une administration tout à fait remarquable, dont les statuts ont pu évoluer au cours du temps. Il n y a pas une structure rigide, monolithique, préconçue et mal adaptée à la pratique du travail quotidien. L'inconvénient tient principalement aux défauts que ce flou artistique de départ a pu alimenter : certains ont sous-estimé cette administration, jugée comme auxiliaire, d autres l ont au contraire trop surestimée, n hésitant pas à parler d un gouvernement du monde, bouc émissaire facile lorsque les tensions internationales sont importantes, oubliant par là même que ce sont ceux qui prennent les décisions, et non ceux qui les préparent ou les exécutent, qui jouent le premier rôle. 5 Comme le remarque Émile Giraud 2, le Secrétariat a cinq tâches principales : la première regroupe les tâches matérielles et techniques (traduction de discours, discussions et documents, rédaction et reproduction de procès-verbaux, rapports, distribution et envoi de documents), qui mobilisent une bonne partie des fonctionnaires. La deuxième est consacrée à la documentation : recueil de statistiques, collection d informations, constitution d études sur des sujets divers. Ce sont des travaux fort modernes et de grande qualité, appréciés et exploités par les administrations nationales. La troisième représente toute l'aide directe fournie par des fonctionnaires internationaux expérimentés aux travaux des organes directeurs (participation aux travaux, à la rédaction de projets de résolution, influence importante dans les domaines techniques). La quatrième est concentrée autour de l action politique personnelle du Secrétaire général (cf. infra). La cinquième tâche, enfin, concerne le travail du service de l information, qui renseigne le Secrétariat sur les opinions exprimées dans les différents pays sur l institution et son action (revue de presse) et qui, surtout, fait connaître au monde l'activité de l institution (livres, tracts, publications périodiques, presse, émissions radiophoniques parfois). Les structures du Secrétariat La tête Le Secrétaire général 6 Le Secrétaire général est évoqué essentiellement dans l article 6 du Pacte, consacré au Secrétariat, et plus brièvement dans l article 11. C est la seule personne mentionnée dans le Pacte. Sans que cela soit explicitement précisé, on comprend facilement qu il est le chef de cette administration et que ses prérogatives sont essentiellement administratives et internes. Le terme même «secrétaire général» est significatif, on est loin de l acteur majeur de la vie internationale que devait être le «chancelier» du projet britannique. Aucun article ne limite pourtant la fonction de secrétaire général, mais l état d esprit des rédacteurs puis le comportement du premier titulaire du poste ont maintenu son activité dans un cadre purement administratif. Jamais un secrétaire général ne s est permis de juger publiquement une situation politique délicate ou d exprimer son point de vue. Rien ne lui interdit pourtant de s exprimer à l Assemblée et au Conseil, auxquels il participe. Ce type de comportement n est envisageable que dans des réunions secrètes ou des discussions privées. Nombre d historiens n ont pas hésité à se poser des questions sur la

56 54 personnalité des secrétaires généraux choisis. On en vient parfois à regretter qu un homme comme Albert Thomas directeur du BIT (Bureau international du travail)-, personnage haut en couleur et beaucoup moins réservé, n ait pas occupé cette fonction. Il est cependant difficile de savoir si une forte personnalité aurait pu obtenir des résultats plus probants. Force est de constater que les rédacteurs du Pacte, en tranchant en faveur d un administrateur aux dépends d un homme d État, ne souhaitaient pas avoir à ce poste un meneur d hommes, un personnage capable de prendre des risques, pouvant faire jeu égal avec les dirigeants des grandes nations et capable de bousculer leur inertie. Ce choix d origine n a sans doute pas été le meilleur. 7 Le Secrétaire général est par contre le maître du Secrétariat, qu il a largement contribué à organiser et créer. C est lui qui recrute le personnel international. Le service du personnel n a son mot à dire que pour les fonctionnaires de deuxième et troisième division. Les principaux cadres sont choisis par le Secrétaire général. 8 Le premier Secrétaire général est désigné par une annexe du Pacte, mais selon la procédure normale, il est «nommé par le Conseil avec l approbation de la majorité de l Assemblée» (article 6, 3). La durée de son mandat n est pas déterminée. Il ne peut a priori pas être remercié, sauf si le Pacte est amendé, ce qui n a jamais été le cas. Il n y a que la démission qui permet le départ. Cependant, le rapport du «comité des treize» suggère il est suivi par l Assemblée - que le secrétaire soit nommé pour dix ans. Son mandat peut être prolongé par le Conseil, avec l approbation de la majorité de l Assemblée. 9 Le salaire du Secrétaire général est de francs suisses. Il bénéficie aussi de francs suisses de frais de représentation. Ce salaire correspond à celui d un ambassadeur d une grande puissance. Une résidence est également mise à sa disposition. Les secrétaires généraux Eric Drummond 10 Eric Drummond ( ) est le premier Secrétaire général de la SdN 3. Il est nommé à ce poste par la commission de la SdN préparant le Pacte pendant la Conférence de la paix. Son nom est indiqué dans l annexe du Pacte. Il a 43 ans lorsqu'il obtient ce poste et le conserve de 1919 jusqu à sa démission en 1933, soit pendant près de 14 ans. Sir James Eric Drummond est issu d une vieille famille de la noblesse écossaise. Il a fait ses études au prestigieux établissement d Eton à Oxford. Il intègre le Foreign Office en 1900, à un moment où beaucoup d «Etoniens» fournissent le personnel de ce ministère. Déjà noble, il sera élevé à la dignité de chevalier en 1916 en reconnaissance des services qu il a rendus pendant le conflit et il devient en 1937 le seizième comte de Perth, après le décès de son demi-frère, sans descendants. 11 Après un début de carrière sans éclat, il est soudain propulsé en avant grâce à ses postes successifs de secrétaire privé auprès des sous-secrétaires au Foreign Office Fitzmaurice et Wood ( ), auprès des secrétaires du Foreign Office Grey ( ) et Balfour ( ) et même auprès du Premier ministre Herbert Asquith ( ). Drummond a aussi participé aux réflexions sur la création d un organisme international et s était exprimé sur le sujet dès juin 1915 dans un mémorandum traitant de la réduction des armements. Cecil et House le connaissent et l'apprécient. Après avoir assuré, par ses

57 55 postes de secrétaire privé, la liaison entre le Foreign Office et le cabinet pendant la guerre, il est attaché à la délégation britannique pendant la Conférence de la paix. 12 Drummond a été formé à l école de la diplomatie d avant Il connaît le rôle souverain des grandes puissances dans les affaires internationales et le danger que leur compétition non bridée peut occasionner : il s agit de la modérer le plus possible. Contrairement à certains idéalistes, il est conscient de ce qu il peut faire ou pas. Cela ne signifie pas qu il n a aucune considération pour son poste, mais il en connaît les limites. Il voit son rôle comme celui d un exécutant, d un fonctionnaire et non pas comme un dirigeant politique. Durant sa carrière au Foreign Office, il a appris et compris le pouvoir que peut exercer un fonctionnaire à travers sa capacité à conseiller, à influencer celui qui prend les décisions. Sachant que les puissances et leurs dirigeants sont jaloux de leurs prérogatives, il ne faut pas avoir d initiative non souhaitée et surtout pas d initiative politique. Il lui semble d abord impossible d agir autrement. Au soir de sa vie, il précise à Schwebel que la forte personnalité d Albert Thomas était incompatible avec le poste de secrétaire général 4. Si ce dernier avait été à la tête de la SdN, il aurait été obligé de démissionner. La capacité d initiative ne peut s exercer que dans une organisation non politique telle que l Organisation internationale du travail. Contrairement au Secrétaire général des Nations- Unies, qui a une capacité d initiative en vertu de l article 99 de la charte. Il ne peut pas prendre de position publique dans un conflit, cela aurait cassé son initiative possible. Il ne peut pas non plus appeler l opinion publique à défendre la SdN car il usurperait un rôle qui n est pas le sien. 13 À la politique au grand jour, prônée par Wilson, il préfère les discussions privées, le travail de fond que les historiens anglo-saxons qualifient de «behind the scene», que l'on peut traduire par «derrière les coulisses». Lorsqu il a besoin d entamer des discussions avec un État, Drummond préfère communiquer directement avec les responsables politiques plutôt que passer par des intermédiaires. 14 Les conceptions et le comportement de Drummond correspondent tout autant à ses propres expériences personnelles de diplomate qu à son tempérament. L Américain Raymond B. Fosdick le trouvait trop mesuré, trop prudent, pas assez énergique. Il est vrai que Drummond a une conception restrictive de sa fonction. Il n est pas très imaginatif, n a pas une personnalité charismatique. Le Secrétaire général est un homme timide, détestant faire et préparer des discours, s exprimer en public. C est cependant un homme d une grande finesse, qui a la rare capacité de pouvoir concilier des positions divergentes. Il est très disponible pour ses principaux collaborateurs - mais inaccessible pour le reste du personnel-, même dans les périodes où le travail est intense. Il sait agir avec tact, discrétion et discernement. Drummond s est forgé une solide réputation de bon administrateur, il a aussi de réels talents d organisation. Il est servi par un personnel de qualité, qu il a largement contribué à choisir. Il a su créer une administration qui fonctionne, avec un esprit de corps et non un conglomérat de fonctionnaires nationaux conservant chacun leurs méthodes. 15 On peut légitimement lui reprocher de ne pas avoir essayé de donner à son action plus de relief, cependant il a su pourtant donner à sa fonction un prestige certain, à la SdN une réputation. Son rôle a aussi été beaucoup plus politique qu on peut le croire par l influence qu il a pu avoir sur les décideurs politiques, par les conseils qu il a pu leur prodiguer. 16 Drummond a bénéficié de la période la plus calme des relations internationales de l entredeux-guerres. Lorsqu il décide de démissionner, au cours de l année 1931, et qu il

58 56 l annonce officiellement, le 23 janvier 1932, les nuages s'amoncellent. Lorsqu il part, le 30 juin 1933, Hitler est au pouvoir depuis six mois. Pourquoi ce départ? Très rapidement, des mauvaises langues ont considéré que l ampleur des difficultés à résoudre (conséquences de la forte dépression économique mondiale, conflit sino-japonais, Conférence du désarmement...) l avait découragé. Il semble plutôt, comme il l a lui-même toujours affirmé, qu il ait démissionné pour des raisons personnelles. Il a fourni énormément d efforts pendant près de 14 ans et il aspire à retourner au Foreign Office. Son départ fut unanimement regretté. Peu après son retour, son ministère de tutelle lui confie l ambassade de Rome, jusqu en Le Foreign Office n eut pas là une heureuse initiative. En effet, confier au Secrétaire général sortant une ambassade semblait signifier que ce poste était plus prestigieux que le précédent. De plus il était encore en poste dans la capitale italienne lorsque la SdN mit en place des sanctions contre l Italie à la suite de l affaire éthiopienne. À l issue de ce poste, il se retire du Foreign Office et retourne en Grande-Bretagne. Il deviendra représentant des pairs d Écosse de 1941 à sa mort en En 1946, il devient chef du groupe du parti libéral à la Chambre des Lords. Son décès suscite des hommages de la part du président de l Assemblée de l'onu, ils symbolisent la continuité entre les deux organisations. Joseph Avenol 17 Le profil, le caractère et la réputation de Joseph Avenol sont très différents de ceux de Drummond. Joseph Avenol fait l unanimité contre lui. En dehors de quelques travaux dans lesquels il est seulement cité ou qui concernent son action antérieure à sa nomination, il y a peu de témoignages, peu d études précises ou générales qui le jugent positivement. L ouvrage le plus virulent est très certainement celui de James Barros, au titre particulièrement évocateur : Betrayal from within. Joseph Avenol, Secretary General of the League of Nations, La presse de l époque n est pas plus enthousiaste : L Europe nouvelle, par exemple, ne lui était guère favorable. Quels sont les arguments des détracteurs de Joseph Avenol? 18 Ils le jugent tout d abord incapable d assumer ce type de fonction. Jean Monnet émet un jugement très sévère dans ses Mémoires. C est une vision a posteriori, qui ne correspond pas au point de vue qu il avait, semble-t-il, en 1923 : «J'étais au contraire confiant et ma confiance m amena à laisser ma succession à un de mes adjoints, Avenol, qui avait fait du bon travail à la section politique. Je commis là une erreur de jugement que j ai regrettée depuis. Avenol n avait pas le caractère qu il eut fallu pour être un bon secrétaire général de la SdN, comme la suite devait le démontrer.» (p. 118) Monnet précise qu «il croyait peu à l idéologie de la SdN». Certains notent qu il préfère les livres, les fleurs et s occuper de la construction et de l aménagement du nouveau palais des Nations. Un des anciens adjoints, Aghnidès, soutient que c était un épicurien, un jouisseur, qu il aimait la bonne chère, les belles voitures, les voyages - il était souvent absent. Ses détracteurs se demandent alors quand il peut se consacrer sérieusement aux affaires politiques. De toutes façons, selon certains, sa carrière antérieure le conduit à une interprétation étroite de sa charge. Émile Giraud dit qu il aurait eu une gestion de fonctionnaire, de «bureaucrate». Toujours selon Giraud, Avenol a «peu d aptitudes pour remplir un rôle politique», Jean Siotis parle d «irresponsabilité politique 6». Il aurait peu de caractère, serait paresseux, sans convictions. Il aurait conservé les méthodes, l organisation de Drummond, mais sans l œil du maître : chacun en arrive à faire ce qu il veut. Bien qu il

59 57 soit plus aimable sur le plan social, qu il invite beaucoup, il n est pas admiré, respecté par la plupart de ses subordonnés. 19 On lui reproche son silence, voire ses complaisances lors des grandes crises ayant éclaté pendant son mandat, que ce soit l Anschluss, le différend italo-éthiopien, Munich. Une exception est à considérer : l exclusion de l URSS de la SdN et l organisation de l assistance humanitaire et technique apportée à la Finlande. Mais, là encore, on lui reprochera d intervenir tardivement et d avoir agi par anticommunisme primaire. Ses prises de décision sont jugées lentes et peu osées : par exemple, l élaboration d un plan d urgence d évacuation du Secrétariat se fait attendre. On lui reproche de trop s occuper des directions techniques et de souhaiter trop ardemment transformer l institution en une organisation économique. Les jugements sur l homme sont tout aussi durs. Siotis lui trouve une «personnalité effacée», Giraud déclare qu il «parlait mal. Sa parole était terne, embarrassée, sans chaleur, souvent imprécise et obscure.» 20 On insiste souvent sur son milieu d origine plutôt conservateur. Siotis affirme que «son tempérament et son idéologie faisaient de lui un ultraconservateur. Issu des rangs de l inspectorat des finances, à une époque où le mot socialisme était une injure dans son milieu, il était le type même de l homme qui ne pouvait pas s entendre avec les hommes de gauche qui gouvernèrent la France à partir de 1936.» Giraud ajoute qu il «croyait peu [...] aux principes et aux méthodes de la démocratie 7». En avril 1946, lors de la dernière assemblée de la SdN, durant la discussion du rapport de M. Lester, personne n a mentionné le nom de Joseph Avenol, excepté M. Kopecky, délégué de Tchécoslovaquie, qui voit en l ancien Secrétaire général le symbole des forces réactionnaires qui ont saboté la SdN. 21 La défaite de la France l a désespéré. En effet, tous les plans qu il avait échafaudés s effondrent. Les premières déclarations du nouveau gouvernement semblent le convaincre. Plusieurs auteurs insistent sur cette adhésion. La phrase suivante est évocatrice : «J ai la plus grande vénération pour le maréchal Pétain et plusieurs de ses collaborateurs. Ils amorcent pour qui connaît la France, une grande œuvre pour l avenir : lutte contre l alcoolisme, protection de la famille, formation de la jeunesse, tout cela est une nécessité vitale 8.» Il écrit à Baudoin le 4 juillet 1940 : «[...] je désire vous prier de faire connaître à M. le maréchal Pétain et au gouvernement mon adhésion pleine et sans réserve». Il propose de donner sa démission si le gouvernement en exprime le désir. 22 À partir de cette défaite, «Joseph Avenol ne craignait pas [...] d exprimer tout haut à ses proches collègues toute l admiration qu il ressentait soudain pour Hitler et Mussolini», ces deux hommes qui, selon lui, «allaient réaliser l Europe et faire expier à la Grande- Bretagne ses forfaits 9». Arthur W. Rovine nous informe que des rumeurs circulaient dès juillet 1940 sur sa volonté de transférer les biens de la SdN entre les mains des Allemands et des Italiens. Le même auteur évoque une lettre envoyée par Avenol à Sweester en septembre 1940 dans laquelle il déclare que la période actuelle consacre le début d une grande révolution et qu on ne peut tout rejeter des programmes des puissances de l Axe. Enfin, à la fin du mois de juin 1940, sous couvert d une circulaire interne informant le personnel du Secrétariat de nécessaires réductions de personnel, il aurait souhaité se débarrasser des éléments qui n adhéraient point à l ordre nouveau, notamment les fonctionnaires anglo-saxons. 23 Lorsqu il meurt le 2 septembre 1952 à Duillier-sur-Nyon (Pays de Vaud), son décès passe presque inaperçu. On ne peut que constater un grand contraste avec la mort de Drummond : Avenol n eut pas droit à un hommage posthume de la part de l ONU.

60 58 24 Les attaques portées à son encontre doivent être, à partir des sources dont nous disposons, nuancées. Il reste néanmoins encore de nombreux points obscurs et flous sur ce vaste sujet. Le caractère généralement négatif des jugements émis sur Avenol ne doit pas masquer ce qui ressort des insuffisances structurelles de la SdN ou des erreurs commises par les grandes démocraties occidentales. Ainsi, peut-on parler de «trahison»? Nous suivons le point de vue de Victor-Yves Ghebali : «nous croyons que Joseph Avenol ne fut ni le renégat, ni le Machiavel que certains auteurs ont voulu dépeindre 10». 25 Joseph Louis Anne Marie Avenol est né à Melle (département des Deux-Sèvres) le 9 juin Il est issu d une famille de magistrats et représente un milieu très catholique et conservateur. Il entreprend alors des études de droit à Poitiers, puis à Paris. Il intègre l École libre des sciences politiques et en 1905, il est reçu major au concours pour la nomination d adjoint à l inspection des finances. Il deviendra, après deux ans de «tournées», inspecteur de quatrième classe et suit alors une carrière classique et sans prestige d inspecteur des finances. Au début du premier conflit mondial, il est chargé par Ribot de missions spéciales et ses qualités d expert financier lui valent d être nommé en 1916 délégué à la commission interalliée de ravitaillement à Londres. 26 À partir de cette date, son rôle devient important. Il va rester à Londres pendant plusieurs années. Le cas Avenol est intéressant car il est au centre d'importants changements dans l organisation diplomatique française. En effet, à partir de 1918, le système des attachés commerciaux, dépendant du ministère du Commerce et de l Ambassade ne peut répondre à une diplomatie qui doit être de plus en plus attentive aux renseignements économiques. Le besoin d experts ayant de grandes compétences dans le domaine financier se fait sentir. Il faut notamment s occuper du grave problème de l endettement auprès des Anglo-Saxons. Comme le remarque Robert Frank, deux agences financières (Londres et New York) sont créées pendant le conflit 11. Elles doivent centraliser les opérations d emprunt de guerre sur les deux places. Ces organismes sont dirigés par des «délégués financiers» dépendant du ministère des Finances ; Joseph Avenol détient ce poste à Londres. Après la guerre, il est nommé attaché financier à l ambassade de France en Grande-Bretagne, le 22 octobre 1919 ; il est le premier à occuper une telle fonction. 27 Avenol conserve ce poste jusqu en Mais il n est pas pour autant en permanence à Londres. Ses fonctions et responsabilités diverses l entraînent bien souvent à quitter la capitale britannique. En effet, Avenol travaille parallèlement auprès d organismes internationaux : le Conseil suprême économique (en qualité de membre de ce conseil, il fut chargé de suivre pour la France les premières négociations pour le rétablissement des relations commerciales avec la Russie), mais aussi le comité consultatif économique et financier de la SdN à partir du 28 octobre 1919 (à ce titre il participe à la conférence financière de Bruxelles en 1920 et au comité financier de la SdN pour le relèvement de l Autriche, dans lequel il eut un rôle majeur). Il est expert financier dans la plupart des grandes conférences économiques et financières d après-guerre : Londres, San Remo, Hythe, Spa, Boulogne, Cannes, Gênes, Bruxelles. 28 En 1922, il semble que Poincaré l ait décidé à se présenter pour le poste de secrétaire général adjoint de la SdN, afin de remplacer Jean Monnet. Avenol avait marqué sa préférence pour la Banque de France, mais il s incline. À partir de janvier 1923, il exerce ses nouvelles fonctions. Il est plus spécialement chargé de la haute direction des organisations techniques. Il accomplit de nombreuses missions en Europe centrale et

61 59 orientale, ainsi qu en Extrême-Orient (il est un de ceux qui engagent l assistance technique à la Chine) et au Canada. 29 Quoique l on puisse penser à son sujet a posteriori, sa nomination au poste suprême du Secrétariat va de soi pour maintes raisons. Tout d abord, il est le bras droit de Drummond depuis 1923 et a rempli avec sérieux les fonctions qui lui étaient dévolues. Sa nomination représente alors une continuité dans l exercice du pouvoir. De surcroît, aucun autre candidat ne semblait pouvoir le devancer. N oublions pas non plus l accord tacite de 1919 conclu entre Français et Britanniques : lorsqu un Britannique était à la tête de la SdN, son adjoint et le directeur du BIT étaient français, l adjoint de ce dernier britannique. Or Albert Thomas meurt et sera remplacé par Harold Butler ; comme Drummond démissionne, le poste revient logiquement à Avenol. Cependant, les Allemands et les Italiens essaient de faire traîner la procédure pour négocier au mieux quelques postes clés. Ce ne sont pas les qualités d Avenol qui sont mises en cause, mais davantage sa nationalité. Il est finalement nommé Secrétaire général par le Conseil le 17 octobre Le 9 décembre, sa nomination est confirmée par l Assemblée lors de sa session extraordinaire. Le 30 juin 1933, Drummond transmet ses pouvoirs à Avenol. Ce dernier prend possession de ses fonctions le lendemain. Avenol est le premier Secrétaire général à avoir été nommé suivant la procédure normale, Drummond avait été choisi par les fondateurs. 30 Il sait qu il doit prendre en main une situation complexe et difficile. Il semble qu il n ait effectivement pas fait preuve d une habileté politique très grande. Il est indécis, changeant, ne veut froisser aucune puissance et malgré son hostilité aux agressions allemandes, il ne proteste pas vraiment, ne veut pas gêner les autorités suisses, hostiles à toute intervention de la SdN. Avenol est plus préparé à assumer un rôle de responsable dans les questions économiques et financières - sa gestion des finances sociétaires est efficace - qu à des responsabilités politiques. Rappelons, une fois encore, que malgré ses carences personnelles, il ne peut être rendu responsable de toutes les incohérences et insuffisances des principaux États membres. Un autre secrétaire général aurait-il pu faire quelque chose? Rien n est moins sûr. A-t-il peu de ferveur à l égard de l organisation? C est difficile à dire, il n a en tout cas jamais eu de manifestation franche et spontanée en faveur de l idéal sociétaire. 31 Ses seules initiatives importantes ont été de permettre l intervention de la SdN dans le conflit soviéto-finlandais et la mise en place de la réforme Bruce. Quels que soient les motifs de l intérêt soudain du Secrétaire général pour cette guerre, il montre la capacité de la SdN a pouvoir réagir, l autonomie de cette institution. L implication personnelle du Secrétaire général dans cette affaire conduit à l exclusion de l URSS de la SdN et la coordination de l aide à la Finlande. Constatant les difficultés de la SdN à agir sur le plan politique, il cherche à stimuler les activités économiques et sociales de la SdN, à obtenir la participation active d États non membres sans obligations politiques, comme les États- Unis, pour retrouver l universalité qui fait défaut à l organisme depuis ses débuts. Il s agit selon lui de séparer toutes les activités techniques de la SdN de ses activités politiques et de les regrouper dans un comité central, qui jouirait de la même autorité que le Conseil en matière politique. Malgré le contexte difficile, Avenol essaie de pousser le projet aussi loin que possible. Il réussit à faire adopter le rapport Bruce par l Assemblée, réunie en décembre 1939 pour examiner d'urgence le conflit russo-finlandais. Mais la mise en place de la réforme devient impossible lorsque l Europe de l Ouest s embrase véritablement lors des invasions d avril-mai 1940.

62 60 32 La marge de manœuvre du Secrétaire général, déjà bien réduite, se verra presque annihilée avec l effondrement français et ses multiples conséquences. En effet, la défaite entraîne une remise en cause du traditionnel soutien de la France. Le plan d évacuation d urgence du Secrétariat vers Vichy et les nouveaux acteurs politiques français ne sont pas particulièrement favorables à la SdN. La défaite française rend la Suisse sensible aux griefs des Allemands, d'autant plus qu'elle est encerclée et que ses nouveaux dirigeants ne sont pas très proches des Alliés. Elle exerce des pressions sur la SdN, les hauts fonctionnaires suisses démissionnent, tout comme ceux d autres nations, qui préfèrent servir leur pays à nouveau. 33 Nous avons évoqué quelques arguments qui suggèrent qu Avenol aurait joué la carte de l Axe. Or, mis à part quelques propos maladroits, voire même graves, il n y a aucune preuve tangible d une quelconque adhésion aux idéologies fascistes, ni de réelle volonté de composer avec ces puissances. Rovine, pourtant peu enclin à défendre Avenol, reconnaît que «the rumors still persists although there is no adequate proof». 34 Il a cependant manifesté un désarroi moral. «Il fut frappé de stupeur quand eut lieu le désastre français qui était complètement en dehors de ses prévisions. Il crut que les puissances occidentales avaient définitivement perdu la guerre, que la démocratie avait terminé sa carrière et que le sceptre de la puissance avait passé dans les mains d Hitler. C était donc à celui-ci qu il appartenait de réorganiser le monde sur les fondements nouveaux.» Son action devient désordonnée, à la fois pragmatique et contradictoire. Il prend des positions permettant de penser qu il est proche de l Axe, il fuit devant les responsabilités et s engage dans des solutions de facilité... On peut parler d aveuglement politique. Il commet une grave erreur de jugement en croyant en une défaite durable du «monde libre». Il n ose pas non plus assumer le transfert vers Princeton. Sa perception des événements est alors véritablement réductrice et administrative. Il craint que la SdN perde son caractère international et souhaite une invitation officielle de la part du gouvernement américain. 35 Son maréchalisme de 1940 ne peut être contesté, il adhère clairement à l élan de forte popularité que connaît le maréchal en Mais les milieux politiques rejoignant Vichy sont très variés et il faut être prudent à propos de la conviction réelle des gens qui choisissent alors ce camp : certains deviendront des collaborationnistes purs et durs, d autres finiront par entrer dans la Résistance. Dans plusieurs lettres d Avenol, une des raisons invoquées pour sa démission est liée au différend franco-britannique, notamment depuis Mers el-kébir. Mais on peut douter de sa bonne entente avec les responsables de Vichy. Si son maréchalisme avait été aussi fervent et visible qu on le prétend, il aurait été réintégré parmi les fonctionnaires français, malgré le nombre non négligeable d inspecteurs des finances qui gravitent autour du pouvoir, à commencer par Baudouin. La solidarité de corps n a même pas payé. Précisons enfin qu Avenol ne sera pas inquiété après la guerre. 36 Sa tentative de satisfaire Vichy par sa démission (le 25 juillet), tout en se ménageant un moyen de rester aux commandes via un homme de paille, échoue. Certains fonctionnaires mettent à profit l un de ses absences pour diffuser des informations qui l obligent à quitter réellement ses fonctions le 31 août. 37 Après son départ de Genève, il s installe dans un village de Haute-Savoie. Bien qu attaché au régime de Vichy, il déplore, selon son amie Vera B. Lever, la faiblesse du vieux maréchal qui ne sait pas se joindre à la lutte lorsqu elle se déclenche en Afrique du Nord.

63 61 Il faut noter que ce moment précis représente une grande période de revirements politiques. Toujours selon la même personne, Avenol aurait également aidé de jeunes savoyards à échapper à la «relève» et des agents de la Gestapo auraient fait irruption chez lui et volé diverses choses. Il fut prévenu par une amie qu il figurait sur la liste des prochaines arrestations que les Allemands allaient faire. Il part clandestinement pour la Suisse le 31 décembre 1943 et obtient le statut de réfugié politique. 38 Avenol envoie des rapports à Blum, Monnet, Bidault : études, propositions concernant l Europe, les régions, la maîtrise de l inflation. Ses réflexions sur l Europe attirent surtout notre attention. En 1944 paraît l Europe silencieuse. Une des grandes thèses de l ouvrage est la suivante : l Europe bientôt libérée devrait créer un conseil de l Europe occidentale, renonçant par là même au protectorat de la «trinité» États-Unis/URSS/Empire britannique. On retrouve dans cette idée de Conseil de l Europe les propos de Churchill pendant la guerre et dans celle de la «trinité» écartée l influence de Coudenhove-Kalergi, qui exclut lui aussi la Grande-Bretagne de l Europe. Sean Lester 39 Le moins célèbre des trois secrétaires généraux est l Irlandais Sean Lester 12. Il est resté en poste pendant une grande partie de la guerre et a tout fait, pendant ce contexte difficile, pour garder vivante l idée de SdN. Il parvient à maintenir, cahin-caha, la survie d une organisation discréditée. 40 Né le 27 septembre 1888 dans le comté d Antrim en Irlande, il fait des études à Belfast. Lester entame une carrière de journaliste à Dublin et travaille, de 1909 à 1912, pour deux importants journaux de la ville. Il soutient la cause du Sinn Fein et participe au combat pour l indépendance de l île. Après l établissement de l État irlandais libre, il sert au ministère des Affaires étrangères, de 1922 à Pendant cette dernière année, il quitte l Irlande pour devenir délégué permanent de l Irlande auprès de la SdN jusqu en Il représente son gouvernement à chaque conférence internationale à Genève. Lester participe aussi aux travaux du Conseil et préside plusieurs comités (concernant notamment des conflits latino-américains comme celui du Chaco). Sean Lester a même été président du Conseil pendant un laps de temps limité. 41 De 1934 à 1937, il occupe le poste, très délicat, de haut commissaire de la SdN à Dantzig, au moment où la pression des nazis devient de plus en plus forte et où ils font tout pour détruire la Constitution de la ville libre. 42 Au cours d une réunion secrète du Conseil le 30 septembre 1936, le Secrétaire général Joseph Avenol informe les membres du Conseil de son intention d engager Lester comme secrétaire général adjoint. L Irlandais occupera ce poste de 1937 à août Il a, pendant cette période, des fonctions essentiellement administratives ; Avenol le laisse en dehors des décisions politiques. Le Secrétaire général, souhaitant se débarrasser du courant britannique à l intérieur de la SdN, aurait envisagé la démission de Lester. Mais ce dernier tient bon. Le désaccord entre les deux hommes paraît total. Ainsi le secrétaire général adjoint est favorable au transfert de l institution à Princeton, contrairement à Avenol. Il essaie de résister à la politique menée par son supérieur, qu il juge néfaste. L historien doit cependant reconnaître qu il ne dispose que de peu d éléments sur le rôle de Lester au moment de la vraie-fausse démission d Avenol. On sait seulement que l Irlandais ne porte pas le Français dans son cœur et qu ils ne se voient plus.

64 62 43 Quoiqu il en soit, Sean Lester est seul aux commandes à partir d août Il a les prérogatives d un secrétaire général, mais «par intérim» est accolé à son titre. Il n a pu en effet être nommé suivant la procédure normale. Sa nomination n'a pu être entérinée par l Assemblée qui ne se réunit plus. Être le «patron» d une organisation internationale pendant une telle guerre n est pas chose facile, d'autant plus que Lester ne dispose pas de l affection des siens : sa femme et ses enfants sont rentrés en Irlande en juin Il ne quittera pas Genève avant le mois de septembre Toute activité politique est désormais impossible à cause de la guerre et de la neutralité suisse. Le travail ne peut être que technique : les questions économiques, financière et de transit sont privilégiées. Le Secrétaire général prépare des rapports annuels sur le travail de la SdN. Lester doit jongler avec un budget toujours plus réduit : les dépenses sont réduites au maximum, les salaires fortement diminués. Lui-même vit dans la résidence à laquelle il a droit en tant que Secrétaire général, La Pelouse. Il se contente d habiter dans un petit appartement à l étage. Tout le rez-de-chaussée est condamné. 44 La gestion des activités de la SdN n est pas toujours aisée. Plusieurs sections ou organismes dépendant de l institution genevoise ont émigré outre-manche (Haut Commissariat aux réfugiés) et outre-atlantique (la section économique, financière et de transit dirigée par Alexander Loveday est partie à Princeton). Les communications ne sont pas toujours aisées et ses subordonnés délocalisés bénéficient d une grande indépendance. Son autre grande difficulté vers la fin de la guerre est d essayer de maintenir l existence de la SdN, menacée non plus par l Axe, mais par certains Alliés (Américains et Soviétiques surtout) qui lui préfèrent une nouvelle organisation internationale, l ONU. Lester s est enfin efforcé de maintenir, autant que possible, le caractère international de l ONU. Il a tout fait, avec succès, pour que tous les États membres ne quittent pas le navire pendant le conflit. 45 La fin de la guerre ne signifie pas le retour au calme pour Sean Lester. La transition de la SdN à l ONU n est pas facile. La Conférence de San Francisco est pour lui une véritable épreuve. Le Secrétaire général et ses collaborateurs ne sont pas invités en tant que représentants officiels mais sont logés dans un hôtel secondaire et mal placés dans la salle de l Opera House où se tient la conférence. Déjà mal vus parce que représentants d une organisation discréditée, il semble que la nationalité de Lester - irlandaise n arrange pas les choses. Les Soviétiques notamment n apprécient pas la présence d un citoyen d un pays neutre. Il n est pas invité, ni consulté par les comités qui préparent la conférence. Le Woodrow Wilson Award, décerné à l automne 1945 par la Woodrow Wilson Foundation pour avoir maintenu les principes et les mécanismes de la SdN pendant la guerre, n est qu un maigre lot de consolation. 46 Lester mettait un point d honneur a bien préparer la tenue de la dernière assemblée de la SdN qui s ouvre en avril 1946, à Genève. Les délégués des nations auprès de cette dernière assemblée le félicitent pour son action. Il fut même confirmé à son poste et nommé Secrétaire général à part entière avec effet rétroactif au 1 er septembre Une dernière tâche incombait à Sean Lester : contribuer à organiser le transfert des compétences, du personnel et des biens de la SdN à l ONU après la dissolution officielle de la SdN en avril Il assume ses fonctions jusqu à l été Il peut ainsi rentrer en Irlande. Plusieurs postes honorifiques à l étranger lui sont alors proposés par son gouvernement (ambassadeur auprès des Nations-Unies, ambassadeur à Washington) et par l ONU, qu il décline systématiquement. Tel Cincinatus, il préfère rester chez lui, avec

65 63 sa famille, et pêcher dans les lacs du comté de Galway. Il meurt à son domicile le 13 juin La haute direction 48 La haute direction comprend le Secrétaire général adjoint, les sous-secrétaires généraux et dans les dernières années le conseiller juridique, les directeurs, le trésorier. Ils ne constituent pas un corps particulier, mais méritent d être distingués par l importance de leurs fonctions. Contrairement au poste de secrétaire général, le leur a une durée fixe : sept ans renouvelables en général. 49 La composition nationale de la haute direction a fortement évolué entre 1919 et la fin de la SdN (1946). Au début, 75 % des titulaires de ces postes ont la même nationalité que les membres permanents du Conseil (100 % pour les postes les plus élevés), seulement 8 nationalités sur 52 sont représentées (14 %). La situation change petit à petit au profit des petites puissances, mieux représentées : en 1938, 25 % des membres de la haute direction sont représentés parmi les membres permanents du Conseil (50 % parmi les plus élevés). 14 nations sur 58 sont désormais présentes (25 %). 50 Au début de l ère Drummond, les membres de la haute direction et le Secrétaire général se rencontrent environ une fois par semaine. Les réunions finissent par s espacer, pour disparaître sous Avenol. Le secrétaire général adjoint 51 Il est à l origine considéré comme un égal du Secrétaire général par ses collaborateurs, avec une autorité plus circonscrite. En 1919, ce poste n existe pas : il y a seulement quatre postes de sous-secrétaires généraux. C est à partir de 1922 que Jean Monnet devient secrétaire général adjoint 13. Il peut remplacer le Secrétaire général en cas d absence. Joseph Avenol occupe le poste après la démission de Monnet en Il est reconduit dans ses fonctions en 1926, puis en Sous Drummond, le secrétaire général adjoint a un rôle ambigu, voire flou. C est la plus importante personnalité après le Secrétaire général, mais il a moins d influence dans le travail quotidien du Secrétariat que la plupart des directeurs. Avenol s occupe plus particulièrement des organismes techniques, cependant il est informé de tout ce qui est important. Il doit être capable de prendre la place du Secrétaire général à n importe quel moment. 52 Le secrétaire général adjoint est tout désigné pour succéder au secrétaire général démissionnaire : Avenol puis Lester seront dans ce cas. Ils ont tous deux une longue expérience du Secrétariat. 53 Lorsque Avenol obtient le poste suprême, il donne une plus grande autorité administrative au secrétaire général adjoint, il lui confie, lui délègue le contrôle de toute l administration. Conformément aux décisions de l Assemblée de 1932, un second poste de secrétaire général adjoint est créé. Son titulaire, qui dirigeait la section politique, conserve cette fonction. Ce que le poste gagne en autorité, il le perd en prestige. Le secrétaire général adjoint devient petit à petit un subordonné. Le poste de sous-secrétaire général 54 C est l un de ceux qui pose le plus de problèmes et qui suscite le plus de débats au sein de la SdN. En effet, ce statut est particulièrement lié à la nationalité de celui qui l occupe et

66 64 fait de son titulaire le représentant officieux de son gouvernement. Il s agit de fournir des postes honorifiques et un salaire conséquent à des représentants des grandes puissances. Les sous-secrétaires italiens et allemands se considèrent trop souvent comme les supérieurs de leurs concitoyens membres du personnel du Secrétariat. Avec le départ de l Allemagne et de l Italie et la promotion d anciens hauts fonctionnaires à ces postes, ce travers tend à disparaître, ce qui n a cependant pas suffi à redorer le blason de ladite fonction. Certains délégués de l Assemblée étaient favorables à sa disparition, d autres pas. Ses titulaires ont cependant souvent occupé des responsabilités administratives précises. En 1930, le sous-secrétaire général japonais est directeur de la section politique et le sous-secrétaire allemand est directeur de la section des bureaux internationaux et de la coopération intellectuelle. 55 Ils sont quatre en 1919, trois après le retrait des États-Unis en 1920, deux après la création du poste de secrétaire général adjoint. Un troisième poste est créé lorsque l Allemagne entre à la SdN et le conseiller juridique est assimilé à ce rang. Le nombre baisse après le départ de l Italie et du Japon. Il n en reste plus qu un à l automne Les directeurs 56 La nationalité joue bien sûr un rôle dans leur nomination, mais ils sont choisis aussi en fonction de leurs compétences. Ce sont de véritables et dévoués fonctionnaires internationaux de premier plan. Ils n ont pas de privilèges particuliers (pas de cabinet). Leur contrat est généralement de sept ans, renouvelable. La structure de l organisation, les services 57 Le Secrétaire général et ses premiers collaborateurs n ont aucun cadre préexistant leur permettant de bâtir une administration internationale. Fallait-il préserver le caractère national du personnel, peut-on créer un corps de fonctionnaires internationaux? Drummond choisit cette audacieuse solution. Précisons d emblée qu elle n a pu réussir que grâce à la qualité, à l engagement et à l enthousiasme des premiers fonctionnaires ainsi qu à l attitude des gouvernements qui ont accepté de jouer le jeu. 58 Comment organiser le Secrétariat? Drummond opte pour une formation empirique à partir d un catalogue de toutes les tâches prévues par le Pacte et les traités. Il propose ensuite un squelette de services répondant à ces multiples tâches. Les plus importantes subdivisions administratives sont les «sections» (équivalent des «divisions» américaines et des «departments» britanniques). 59 D abord séparés en deux groupes, les services du Secrétariat furent divisés en trois groupes majeurs : l organisation générale du Secrétariat (services généraux, haute direction), les services administratifs internes (service du personnel...) et les organismes spécialisés (minorités, mandats...). 60 Les sections et services sont cependant regroupés en 1939 et en mai 1940 suivant trois vastes départements. Le département I (ou département des affaires générales) regroupe les anciennes sections politique, des minorités, des mandats, du désarmement, de la coopération intellectuelle. Le département II regroupe les sections économiques et financière réunifiées, ainsi que celle du transit. Le département III, enfin, est composé des anciennes sections d hygiène, des questions sociales et de la répression du trafic de l opium. Chaque département est placé sous l autorité d un directeur unique. Ainsi

67 65 Alexander Loveday se trouve à la tête du deuxième. Les sections n ont généralement pas le pouvoir de régler des situations, elles sont au service de l Assemblée et du Conseil, d organisations techniques ou commissions techniques permanentes comme l OCT (Organisation des communications et du transit), l OEF (Organisation économique et financière) ainsi que l OH (Organisation d hygiène), soumises au Conseil et à l Assemblée. Les sections assurent leur secrétariat. Ainsi, par exemple, la section des mandats assume le secrétariat de la commission permanente des mandats, qui se réunit une fois par an, puis deux fois après La section prépare le travail du Conseil et de l Assemblée sur cette question, correspond avec les gouvernements des puissances mandataires. Elle collecte enfin des documents sur les zones mandataires, sur la politique des puissances mandataires... Il est aussi révélateur et intéressant de remarquer que les sections fonctionnent suivant un axe spécifique, elles n ont pas un caractère régional ni national : elles ont une vision mondiale de leur domaine, même si elles peuvent, à un moment ou à un autre, être amenées à traiter d une question régionale précise, mais temporaire (lorsque le problème est réglé, on change de secteur). Seule la section des mandats doit travailler sur une zone géographique précise, les territoires mandataires. Services généraux du Secrétariat Services de l'administrationintérieure Organismes spécialisés Section centrale Service du personnel Section des minorités Section politique Services intérieurs Section économique et financière :-Section financière- Section des relations économiques Section juridique Intendance Section des mandats Section d information Services sténographiques généraux Section des communications et transit Trésorerie Distribution des documents Section d hygiène Bibliothèque Service des documents Section du trafic de l'opium Service de publication, impression et reproduction des documents Section des questions sociales Registry and Indexing of Publications Service Section du désarmement Section des bureaux internationaux et de la coopération intellectuelle 61 Les sections ont des effectifs très réduits au début ; elles gagnent progressivement en ampleur pour atteindre généralement leur apogée au milieu des années 1930 avant de connaître un certain repli lié aux réductions de frais et de personnel. Le poids numérique des sections est très variable : la section centrale n a jamais eu plus de 5 fonctionnaires, la

68 66 section politique en a 15 en 1938, la section économique et financière (divisée en deux sections entre 1931 et 1939) a 54 membres la même année. Certaines sections ont plus de prestige que d autres : tout est lié aux sujets traités et au charisme de certains directeurs. 62 Ainsi la section des communications et du transit a connu trois remarquables directeurs : le professeur Attolico, Sir Arthur Salter et le Français Robert Haas, décédé prématurément en La section d hygiène a été dominée pendant 18 ans ( ) par le docteur Ludwik Rajchman, futur fondateur de l UNICEF. La stabilité du personnel dirigeant est souvent exceptionnelle, preuve s il en est de l intérêt qu il porte à son action : si la longévité de Rajchman constitue un record, de nombreuses sections n enregistrent que des mouvements limités. Ainsi la section politique a connu seulement trois dirigeants, la trésorerie, assimilée à une section, en a eu deux. 63 Les différentes sections profitent d un personnel provenant de 40 pays. Si les services fonctionnent bien sûr suivant des règles générales communes, chacune conserve son individualité, son propre profil. L organisation du travail peut être fort différente d une section à l autre, suivant la personnalité du directeur, les traditions administratives de certains de ses membres. Face à un personnel aussi cosmopolite, il fallait choisir des langues de travail bien définies : le français, langue diplomatique par excellence depuis le XVII e siècle, et l anglais, plus récemment promu (la Conférence de la paix de 1919 est le premier grand rendez-vous diplomatique où l anglais est officiellement utilisé aux côtés du français). Le français domine cependant nettement : de nombreux hauts fonctionnaires, dont le Secrétaire général à partir de 1933, sont français, la majeure partie du petit personnel est recruté sur place et le Secrétariat est situé dans une ville francophone où tous vivent. Le budget 64 Pour faire face à ses dépenses, la SdN dispose d un projet de budget établi chaque année aux mois de mars ou avril par son administration financière et supervisé par le Secrétaire général. Ce projet prévoit toutes les dépenses de la SdN, y compris celles des organismes autonomes (BIT, Cour permanente de justice internationale). Le projet est ensuite examiné par la commission de contrôle (dont les membres sont élus par l Assemblée) au cours du mois de mai et en juin, il est communiqué aux États membres. Lors de la session annuelle du mois de septembre, le projet de budget est présenté à l Assemblée, qui saisit une commission composée de représentants de tous les États membres. L Assemblée se prononce définitivement ensuite. Une fois accepté, le budget devient opérationnel à partir du 1 er janvier suivant. 65 Les fonds proviennent des contributions des États membres. On affecte à chaque État des unités calculées en fonction de leur situation économique et financière. Ainsi, en 1929, le budget de la SdN a été fixé à dollars. Si on divise ce chiffre par les 986 unités fixées par l Assemblée, chacune d'elle est donc ramenée à dollars. La Grande- Bretagne offre la plus importante contribution, avec 105 unités ( dollars, soit 10,6 % du total), la France et l Allemagne en fournissent 79 (8 % chacune), la Chine 46 (4,6 %), la Belgique 18 (1,8 %), la Grèce 7 (0,7 %), l Albanie et le Salvador 1 (0,1 % chacun). 66 Au regard des procès-verbaux des débats de l Assemblée, on remarque que le budget suscite souvent des débats mouvementés. Les dépenses proposées dans certains domaines paraissent trop élevées et l on remet en cause la répartition fixée des unités. Les délégués se plaignent de la gabegie financière. Ces protestations sont souvent exagérées. Le budget

69 67 est en effet sévèrement contrôlé et la SdN est globalement bien gérée. Les dépenses sont limitées au regard de l ampleur des activités de l organisation. Les sommes allouées à la SdN paraissent même ridicules par rapport aux budgets des États. On sait par exemple qu en 1922 les dépenses de l entretien du British Museum sont 27 fois plus importantes que la contribution britannique à la SdN! La section d information a calculé que le gain total du commerce des armes dans le monde pour la seule année 1929 pourrait maintenir l activité de la SdN pendant 685 ans! 67 Le budget a connu des évolutions non négligeables. Il a connu une progression quasi continue de 1920 à 1932 (de 20 à 33,6 millions de francs suisses), puis un fléchissement ensuite. Après 1939, sa réduction est drastique, passant de 32,2 à 21,4 millions de francs suisses pour 1940 (-66,5 %), atteignant le niveau de L année la plus noire sera 1942 (9,6 millions de francs suisses). 68 Entre 1921 et 1930, le Secrétariat représente environ 65 % du budget de la SdN. Cette proportion baisse par la suite (50 % en ), sans doute à cause de l augmentation de la part allouée au BIT. Le personnel Statut, droits et devoirs Privilèges et immunités diplomatiques 69 Suivant l article 7, 4 du Pacte, «Les représentants des Membres de la Société et ses agents jouissent, dans l exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités diplomatiques.» Cet article est aussi évoqué dans l article premier du Statut du Personnel (1922). Ce type de mesures permet de protéger les fonctionnaires internationaux contre toute tentative d une autorité locale (qu'ils soient en Suisse, en mission à l extérieur ou en congés) ; ils peuvent ainsi poursuivre leurs activités et ont une garantie contre l arbitraire. Ces privilèges sont l immunité devant les juridictions civiles et criminelles et l immunité fiscale. Des centaines de personnes ont été protégées par l article 7 du Pacte et ont très rarement abusé de la situation (on retrouve parfois des loyers ou des factures impayés, spécialité du fonctionnaire français Louis Destouches - futur «Céline» d après son dossier personnel). Les bagages des fonctionnaires ne sont généralement pas ouverts. 70 La SdN n édite pas de passeports diplomatiques. Les fonctionnaires doivent en obtenir auprès de leurs gouvernements respectifs (Drummond a un passeport diplomatique fourni par le Foreign Office), à moins qu il ne s agisse de passeports spéciaux. Le département politique fédéral de Berne édite également à leur intention des «cartes de légitimation». La SdN peut aussi leur donner des lettres de mission, qui peuvent faire office de papiers diplomatiques. Il n existera jamais de système simple et rationnel. Il n y a heureusement jamais eu de problèmes majeurs. Droits de réserve du fonctionnaire 71 Il doit observer la plus grande discrétion à l égard des activités de la SdN, notamment celles ayant un caractère confidentiel. Il doit éviter d affecter son organisation par ses actions ou ses propos. Il est préférable qu il s abstienne de parler en public de problèmes politiques contemporains. Il ne peut accepter ou remplir aucun mandat, fonction ou emploi qui soit incompatible avec ses fonctions au Secrétariat. Toute candidature à des

70 68 fonctions d'ordre politique doit être soumise à l approbation préalable du Secrétaire général. Les décorations, les honneurs 72 Le Statut du Personnel précise qu aucune fonction du Secrétariat ne peut, pendant toute la durée de ses fonctions, accepter de distinctions honorifiques ou de décorations, sauf pour services rendus avant sa nomination. Le Secrétariat a peur que certains États se servent de ce subterfuge pour obtenir des renseignements ou des services. Les fonctionnaires se sont ainsi distingués lors des réceptions officielles par la sobriété de leurs costumes contrastant avec les médailles ou rubans arborés sur la poitrine des autres convives. Quant aux promotions dans l administration d origine d un fonctionnaire, si elles constituent parfois un moyen d attacher le fonctionnaire à son pays, elles ne font souvent qu homologuer un statut de toutes façon occupé. Rappelons que nombre d entre eux n ont pas démissionné mais sont en disponibilité sans solde. Fonctionnaire international ou représentant d une nation? 73 C est à présent sur le statut des fonctionnaires qu il convient de s'interroger. Le Secrétariat, par les différentes mesures évoquées, cherche à les dénationaliser, les détacher juridiquement de leurs États d origine. Ils doivent a priori conserver une certaine objectivité, ne pas favoriser une nation plutôt qu une autre et ne pas être des passerelles entre l organisation et leur gouvernement, La tentation de bon nombre de gouvernements a été d y voir toujours des ressortissants. Est-ce qu un fonctionnaire peut rester neutre lorsque son gouvernement se bat pour qu il obtienne un poste important ou de l avancement? Une loi italienne du 16 juin 1927 interdit à tout Italien d accepter un poste international sans l autorisation du gouvernement. Devant ces risques, l Assemblée décida en 1932 que tous les nouveaux fonctionnaires devraient prêter un serment de loyauté à la SdN. 74 Toutes les règles ou mesures possibles n ont jamais empêché de contacts plus ou moins étroits entre bon nombre de fonctionnaires et leur État d origine. Toutefois, peu d abus ont été constatés. Les fonctionnaires, surtout ceux des années 1920, étaient généralement mus par un véritable esprit international. Poids et classification Poids 75 Le poids du nombre des fonctionnaires a souvent été exagéré. En réunissant tous les organismes internationaux (SdN, organismes autonomes, Union panaméricaine, bureaux internationaux...), il n a jamais excédé personnes. Le Secrétariat représente un peu moins de la moitié de ce chiffre. Le nombre de fonctionnaires est donc en fait limité vu l ampleur des tâches. 76 Ce nombre n a jamais été constant. D après les chiffres établis par Ranshofen-Wertheimer, on peut établir ce tableau :

71 69 77 Le personnel du Secrétariat connaît une augmentation continue jusqu en Les conséquences des restrictions financières notamment dues à la crise économique et au départ de plusieurs nations entraînent une diminution progressive et limitée du personnel. À partir de la déclaration de la seconde guerre mondiale et des événements de 1940, le nombre de fonctionnaires plonge et devient inférieur à celui de l année de la création de l organisation. Classification 78 L article 8 du Statut du personnel de 1933 précise qu il est organisé en trois divisions, selon la nature des services du fonctionnaire. La première division 79 Elle regroupe les fonctionnaires qui effectuent les travaux préparatoires à partir desquels les décisions sont prises. Ils mettent à exécution les résolutions de l Assemblée ou du Conseil. Ce n est pas un ensemble uniforme puisqu il prend en compte la haute direction ( cf. supra) et les membres de section. Les chefs de section dirigent une section ou travaillent sous l autorité d un directeur ou d un sous-secrétaire général. Le Secrétariat essaie progressivement d harmoniser la situation en donnant le statut de directeur à tous ceux qui dirigent une section, excepté celles qui sont mineures ou ont très peu de personnel. Ils dirigent la section quand un directeur quitte ses fonctions. Ce statut est aussi le moyen de promouvoir un ancien membre de section. Le titre de conseiller est purement honorifique. Ceux qui l ont obtenu ne sont pas nombreux (quatre en 1938). Il s agit en quelque sorte de récompenser des membres de sections à qui on ne peut attribuer le rang de chef de section ou de directeur. Ce sont des membres de section qui ont servi au moins sept ans et qui reçoivent depuis trois ans le salaire maximum de leur catégorie. Les membres de section représentent le plus important contingent de la première division. C est la cheville ouvrière du Secrétariat, ils fournissent l essentiel du travail intellectuel et administratif. Ils ont en général une haute qualification (beaucoup de normaliens, d agrégés, d inspecteurs des finances, de médecins spécialisés... chez les Français). Pendant les dernières années, on assimile les interprètes, les traducteurs... à des membres de section. Ils étaient à l origine divisés en deux groupes, A (senior) et B (junior). Cette distinction sera vite abolie car le travail effectué est le même. En 1935, on la remet en place pour des raisons budgétaires et pour créer une stimulation pour les plus jeunes membres dans leur travail quotidien. Il existe d importantes différences entre les membres de sections différentes :

72 70 certains se contentent d accomplir un travail purement administratif tandis que d autres ont des fonctions plus politiques et d importantes responsabilités. Les traducteurs, interprètes... sont aussi des personnels hautement qualifiés, qui ont la même grille salariale que les membres de section, ils ont aussi les mêmes privilèges et immunités diplomatiques que les précédents, c est pour cela qu ils seront assimilés à des membres de section. 80 On peut ajouter à tous ces personnels les «experts» et les «spécialistes» qui ont des contrats à durée limitée vers la fin des années La deuxième division 81 Elle regroupe le personnel effectuant le travail administratif courant et le secrétariat. Les fonctions et titres sont là aussi variés : secrétaires, sténo-dactylos, copistes, employés de bureau... Le statut le plus important est celui de «classe intermédiaire» qui regroupe les personnels les plus expérimentés et les plus anciens. Ce statut offre un salaire équivalent, voire un peu supérieur, à celui d un membre de section débutant. Il est en théorie possible de passer dans la première division, mais c est, en pratique, très rare. C est la division du Secrétariat la plus importante sur le plan numérique. Ses membres ont une plus grande sécurité de l emploi que ceux de la première division. La troisième division 82 Elle regroupe le personnel technique du Secrétariat : les chauffeurs, électriciens, jardiniers, menuisiers, liftiers, cyclistes et messagers, opérateurs téléphoniques, gardiens de nuit... Ils sont généralement recrutés localement et souvent de nationalité suisse. 83 Des origines à 1938, la première division a représenté entre 26 et 31 % du personnel, la deuxième entre 57 et 62 % et la troisième entre 11 et 17 %. À partir de la guerre, la réduction des effectifs touche surtout la deuxième division. En 1940, la répartition est la suivante : 54 % (1 re division), 40 % (2e) et 16 % (3 e ) Recrutement 84 Si le niveau d étude, la qualification, l âge sont des éléments de sélection suffisants dans une administration nationale, ce n est pas le cas pour un organisme international. Il faut être capable de s intégrer dans un corps multinational, avoir un état d esprit particulier, maîtriser les langues étrangères, notamment le français et l anglais, les deux langues officielles. Le fonctionnaire doit de plus être capable de s expatrier pour une période plus ou moins longue et s adapter à un cadre différent et parfois très éloigné de sa contrée d origine. Le Secrétaire général doit aussi tenir compte d un paramètre, sans cesse fluctuant, qui ignore les qualités de tout candidat : la nationalité. Il doit respecter un certain équilibre entre les nations. 85 Le Secrétariat effectue souvent une première sélection parmi les candidats possibles à un poste et se renseigne auprès du ministère des Affaires étrangères du pays de ceux-ci. Les pays ne cherchent généralement pas à surévaluer le candidat, ils ont intérêt à jouer le jeu, sinon plus aucun de leurs nationaux ne risque d être choisi si le fonctionnaire ne convient pas. Contrairement à ce que l on pourrait croire, on sait qu il n y avait pas beaucoup de

73 71 candidats pour la première division. Le choix était donc assez rapide. Le Secrétaire général ou un directeur rencontrait les quelques bons candidats avant de fixer son choix. 86 Si le Secrétaire général et son administration ont les mains entièrement libres pour les deuxième et troisième divisions, ce n est pas toujours le cas pour la première, notamment les principaux postes. Les États membres exercent en effet de fortes pressions pour placer leurs nationaux. Structure nationale 87 Le Pacte n'évoque pas la composition nationale du Secrétariat. Mais rapidement la nécessité d avoir la meilleure représentativité possible est devenue évidente afin que l institution internationale soit la plus crédible possible. Il n y a cependant jamais eu de répartition mathématique entre les différentes nations. Le Secrétariat a adopté un juste milieu entre la recherche des personnes les plus compétentes sans tenir compte de leur origine nationale et une représentativité nationale parfaite. 88 On peut légitimement se demander si le nombre de postes ne dépend pas de l importance de la contribution d un pays au budget de la SdN. On peut aussi ajouter au critère de l unité ceux de la population, du poids économique, voire politique d'un pays. L observation stricte de la situation montre que cet argument ne tient pas vraiment. Des pays comme la Chine et l Inde, qui font partie des contributeurs les plus importants, ont une population importante et sont des puissances non négligeables, n ont que peu de postes dans la première division : en 1929 l Inde contribue pour 5,6 % du budget et n a que 1,6 % des postes, la Chine contribue pour 4,6 % et n a que 1,1 % des postes. Inversement, l Autriche contribue pour 0,9 % et a autant de fonctionnaires que l Inde ; la Grèce verse 0,7 % du budget et a autant de postes que les Chinois. 89 L importance du facteur national dans une administration de ce type est nulle pour la troisième division, très faible pour la deuxième, mais fondamentale pour la première, qui regroupe les fonctions les plus importantes. Il ne faut ainsi pas être surpris ou scandalisé de constater que les Suisses sont très nombreux : en 1935 ils représentent 31,5 % de l effectif total (toutes divisions confondues). Leur nombre augmente pendant la guerre : 35,5 % en septembre 1941, 38,5 % en janvier Cependant, la plupart occupent des postes dans les deuxième et troisième divisions. Si on prend en compte seulement la première division, les Suisses ne sont plus que 4,4 % en 1938 et 6 % en Année Nombre de nationalités représentées Nombre de membres de la SdN Nombre de nationalités représentées (en pourcentage) (16) , (40) 56 67, (46) 54 79,6 90 La représentativité, mauvaise au départ, a tendance à nettement s améliorer, pour devenir bonne à la fin des années Les Français et Britanniques ont toujours été les plus nombreux, mais s ils représentent à eux seuls la moitié des postes importants, ils ne

74 72 sont plus qu un tiers en Il devient difficile pour un Français ou un Britannique d obtenir un poste dans les dernières années. 91 Les postes de première division sont marqués par une prédominance européenne, britannique et française avant tout 15. L Italie jusqu'à son départ, la Suisse, l Allemagne sont bien représentées. Les États Scandinaves aussi, dont les membres sont réputés pour leur sérieux. La situation n est pas la même pour l Asie, singulièrement absente à l exception du Japon. L Amérique latine est aussi sous-représentée. Ce sont certes, pour la plupart, de petits pays, qui ont parfois eu des difficultés à régler leurs contributions. Même les plus importants sont peu représentés (Argentine, Mexique), voire pas du tout (Brésil). Faut-il y voir une des raisons motivant le départ de neuf pays latino-américains entre 1927 et 1940? 92 Un dernier cas mérite notre attention, celui des fonctionnaires d États non membres. En effet, sur les 152 fonctionnaires de la première division travaillant au Secrétariat en octobre 1938,16 sont issus d États non membres ou de pays ayant quitté la SdN. Ce phénomène, observé vers la fin de cette institution, est perceptible dès le début de son fonctionnement. Il y a toujours eu des Américains. Certains ont occupé d importantes fonctions : Raymond B. Fosdick fut brièvement sous-secrétaire général ( ), mais le cas le plus intéressant est sans doute celui de Arthur Sweetser, membre de la section de presse et d information qui est resté au Secrétariat de 1919 à 1942, soit 23 ans en poste, un record. On sait que 38 Américains servent ou ont servi la SdN en mai Comment expliquer cette présence américaine? Sans doute faut-il se souvenir du rôle des Américains dans la fondation de la SdN et sans doute les secrétaires généraux et même le gouvernement américains ne veulent-ils pas couper tous les ponts. Sans doute faut-il aussi y voir la recherche d universalité souhaitée par tous. La plupart des fonctionnaires non membres sont issus de pays qui ont rompu avec l institution : des Allemands (quatre encore en 1938), des Autrichiens et des Italiens. Certains ont perdu leur nationalité, comme ces Autrichiens n ayant pas accepté de devenir Allemands après l Anschluß et devenus «sans État» en Sociologie du personnel L âge du personnel 93 L âge du personnel des deuxième et troisième divisions importe finalement peu. Concernant la première division, la situation est un peu différente. Il doit avoir à la fois une certaine maturité et ne pas être trop âgé. Les principaux fonctionnaires ont une quarantaine d années et les autres une trentaine. Hormis Jean Monnet qui a 31 ans quand il devient secrétaire général adjoint, Eric Drummond et Joseph Avenol ont 44 ans. Les directeurs de section ont aussi la quarantaine : Comert (section d information) a 39 ans et Mantoux (section politique) 43 ans. Les membres de section ont près d une dizaine d années de moins : Louis Destouches (alias «Céline») a 30 ans, Jacques Rueff 31 ans et l historien Maurice Baumont 35 ans. La répartition par sexes 94 L article 7, 2 stipule que «toutes les fonctions de la Société ou des services qui s y rattachent, y compris le Secrétariat, sont également accessibles aux hommes et aux femmes». Le statut du personnel y fait aussi référence (articles 12 de celui de 1922 et 9 de

75 73 celui de 1933). Ces textes traduisent bien les changements, liés à la première guerre mondiale : la place de la femme dans la société est réévaluée dans bon nombre de pays, le droit de vote lui est accordé (Danemark, Pays-Bas, Islande, Russie soviétique pendant la guerre et dans un très grand nombre de pays européens dans l entre-deux-guerres, dont la Grande-Bretagne en 1918 et l Allemagne). Seule la France se distingue jusqu en Initialement, pendant les premières négociations engagées dans la commission pour la SdN pendant la Conférence de la paix de Paris, rien n est prévu pour favoriser l emploi des femmes dans le futur secrétariat de la nouvelle organisation internationale. C est le représentant britannique Lord Robert Cecil qui propose le 26 mars 1919 un amendement de l article 7 permettant l entrée des femmes au Secrétariat. Il fut sans doute influencé par une conférence des femmes suffragistes des pays alliés et des États-Unis et par la programmation de la réception d une délégation de 17 femmes par la commission le 17 avril. 95 Précisons d'emblée que la différence entre théorie et réalité reste importante 16. À première vue, la parité semble à peu près respectée. Contrairement à certains États membres, la SdN offre aux femmes des salaires équivalents à ceux des hommes lorsqu elles occupent les mêmes fonctions. Si l on observe toute la période, les femmes représentent en moyenne environ la moitié du personnel. Cependant leur proportion diminue au fur et à mesure (57,6 % du personnel en 1921, 50,8 % en 1925, 47,4 % en 1930, 41,3 % en 1938). Une analyse plus fine permet de se rendre compte que le principe de l égalité prévu par le Pacte n est pas bien respecté. Si les femmes sont nombreuses au total, elles occupent majoritairement des postes subalternes sans responsabilités dans les deuxième et troisième divisions. Les femmes représentent les deux tiers de ce personnel. La situation est très différente pour la première division où les femmes constituent toujours moins de 10 % du personnel total. Pourquoi si peu de femmes? Si l accès des femmes à certaines responsabilités est désormais accepté, si beaucoup ont une excellente formation, on ne leur offre pas des postes importants dans leurs administrations nationales. Les recruteurs de la SdN ne trouvent donc pas de femmes ayant une grande expérience, contrairement à la gent masculine. De plus, l accès à certains postes importants dans des administrations nationales leur reste impossible. Ainsi, l accès du Foreign Office leur est toujours barré. Aucune femme n entrera au Quai d Orsay par le grand concours avant Suzy Borel (future épouse de Georges Bidault) en Le concours redeviendra inaccessible après cette date. Ce qui est manifeste dans la diplomatie est vérifiable dans les autres administrations. Si l on enlève les traductrices, les interprètes, assimilés à des membres de section vu leurs importantes qualifications, le nombre de femmes exerçant effectivement des responsabilités est extrêmement limité. De plus, sur les onze sections générales et spéciales que compte la SdN, les femmes n ont pu avoir accès qu à six d entre elles : la section d information, la section des minorités, la section des communications et transit, la section d hygiène, la section des bureaux internationaux et de la coopération intellectuelle, la section des questions sociales et la section du trafic de l opium. Elles n ont jamais travaillé dans les plus prestigieuses : la section politique, la section économique et financière, la section juridique, la section des mandats et la section du désarmement. Parmi les quelques femmes ayant occupé d importantes fonctions, on retiendra les cas de Rachel Crowdy, de Florence Wilson et de Nancy Williams. 96 Dame Rachel Crowdy ( ), infirmière de formation, a pris en charge à volontaires de la Croix-Rouge britannique en France pendant la guerre. Elle fut appelée

76 74 par le Secrétaire général pour devenir chef de la section des questions sociales en On lui confia aussi la section du trafic de l opium. Elle quitta la SdN en Florence Wilson ( ), parente éloignée du président Wilson, a fait des études à l université de Pennsylvanie puis à Columbia avant d obtenir un diplôme de bibliothécaire à l institut Drexel. Durant la guerre, elle est sollicitée par le colonel House pour constituer une bibliothèque pour ses services puis celle de la commission américaine de la paix. Sir Eric Drummond lui confie l organisation de la bibliothèque de la SdN. Elle devient l unique femme à diriger une bibliothèque en Europe et assume cette charge pendant sept ans, d octobre 1919 à janvier On peut citer encore l Anglaise Nancy Williams qui fut chef du personnel. Les femmes ayant assumé des postes importants n ont pas eu la vie facile. Leur position est jalousée par certains hommes. Des employés subalternes ont parfois du mal à être dirigés par des femmes. Par ailleurs elles n ont jamais obtenu le même statut que leurs collègues masculins. Rachel Crowdy assume la direction de deux sections, sans avoir le statut de directeur. Il en est de même pour Nancy Williams. Il est intéressant de noter que lorsqu elles quitteront leurs fonctions, elles seront systématiquement remplacées par des hommes, au rang de directeur et donc au salaire afférant. Le service Les contrats 97 Au début, ils sont souvent limités : cinq ans environ. Cependant ils sont renouvelables. On s est ensuite demandé s il fallait maintenir ce caractère non définitif afin d éviter le syndrome de l habitude et de l encroûtement bureaucratique ou au contraire donner aux fonctionnaires la garantie d un emploi permanent. Le rapport Noblemaire, adopté en 1921 par l Assemblée, préconisa des contrats à long terme pour tous les fonctionnaires, excepté les postes dirigeants. Un âge limite sera ensuite fixé, à 55 ans, puis 60 ans. Vers 1932, la situation est la suivante : le Secrétaire général a un contrat de dix ans, le secrétaire général adjoint de huit ans et les sous-secrétaires généraux et directeurs de sept ans. Les membres de section ont soit un contrat permanent, soit «temporaire», c est-à-dire de sept ans au plus, renouvelable. Au cours des années 1930, un certain nombre de fonctionnaires, qualifiés d «experts» ou de «spécialistes», n ont qu un contrat d une année renouvelable. Les promotions 98 Elles sont bien sûr possibles. De nombreux directeurs de section des dernières années avaient débuté comme membres de section. Mais elles ne sont pas toujours possibles pour les postes importants, qui sont politiques (sous-secrétaire général, secrétaire général adjoint...). Les chances de fortes promotions étaient surtout possibles pour ceux qui sont arrivés au début des années C est plus difficile pour ceux qui ont obtenu un poste dans les années Les salaires 99 Le salaire des fonctionnaires internationaux est plutôt confortable, il a été fixé suivant les grilles du Civil Service britannique. On a également tenu compte du facteur d expatriation et du coût de la vie à Genève, relativement onéreux. Le salaire élevé, au moins au début,

77 75 est aussi un moyen d attirer des personnels de premier rang, compétent, notamment des États-Unis ou de Grande-Bretagne où les salaires sont hauts. 100 Le Secrétaire général a, en 1932, un salaire de francs suisses, les membres de la première division ont un salaire qui va de (membre de section depuis peu) à francs suisses (secrétaire général adjoint). Les salaires de la deuxième division vont de à francs suisses (3 600 à si recrutement local) et ceux de la troisième de à francs suisses. Si, cette même année, les salaires des principaux dirigeants sont bloqués, les fonctionnaires peuvent bénéficier d'augmentations chaque année : de 100 à 200 francs suisses pour la troisième division, de 150 à pour la deuxième et de 800 à pour la première. Ces augmentations ne sont pas automatiques, elles sont la reconnaissance du travail fourni, néanmoins elles sont rarement refusées. Cependant, à partir de 1932, les nouvelles nominations et promotions connaissent une réduction de 10 % par rapport aux précédentes. 101 Les principaux fonctionnaires ont aussi droit à des indemnités annuelles de représentation qui vont de francs suisses pour un directeur à pour le Secrétaire général. 102 Les salaires représentent environ un peu moins de 50 % des dépenses du Secrétariat les premières années, 65 % dans les années 1930 et à peu près 50 % après La présence au Secrétariat 103 Les fonctionnaires travaillent environ 42 heures par semaine. Ils ont droit à leur samedi après-midi et à leur dimanche. S ils sont nommés en fonction de leurs compétences dans un poste précis, ils peuvent être transférés dans un autre service si besoin. Certains, remarqués par le Secrétaire général ou le secrétaire général adjoint, peuvent intégrer leur cabinet et donc les servir directement. 104 Le Secrétariat est déserté pendant environ 36 heures le week-end. Comme des événements peuvent survenir à ce moment précis, le Secrétaire général a décidé qu un service de nuit et de week-end devait être assuré par des agents de la première division. Ils disposent d une chambre et doivent être prêts à réagir en cas de situation délicate. Cette astreinte n a jamais été vraiment mal vécue et a été particulièrement tranquille jusque dans les années 1930, plus mouvementée ensuite. Les congés 105 Les fonctionnaires ont bien sûr droit à des congés : 36 jours ouvrables pour la première division et les recrutements non locaux de deuxième division, 33 pour les recrutements locaux de deuxième division, 15 pour les personnels de moins de 30 ans de troisième division et 21 pour ceux qui ont plus de 30 ans. Ils bénéficient aussi de certains jours fériés et de deux ou trois jours accordés à l issue de l Assemblée annuelle, période de travail particulièrement intensif. Les fonctionnaires de première division retournant dans leurs foyers ont droit au paiement de leurs frais de voyage ainsi qu à celui de leurs femmes et de leurs enfants de moins de 21 ans. Le voyage est payé une fois par an dans tous les pays d Europe, y compris l Afrique du Nord française et italienne, une fois tous les deux ans dans les foyers situés en Égypte, Asie Mineure, Arabie, Amérique du Nord jusqu au 100 de longitude ouest et enfin une fois tous les trois ans dans les foyers situés au-delà.

78 76 NOTES 1. Jean Siotis, Essai sur le Secrétariat international, Genève, Droz, 1963, 272 p. Nous devons beaucoup au remarquable et très complet ouvrage de Egon F. Ranshofen-Wertheimer, The International Secretariat. A Great Experiment in International Administration, Washington, Carnegie Endowment for International Peace, 1945, XXVIII-500 p. 2. «Le Secrétariat des Institutions internationales», Académie de droit international. Recueil des cours, t. 79, II, 1951, p James Barros, Office without Power. Secretary-general Sir Eric Drummond , Oxford, Clarendon Press, 1979, XII-423 p. Peter van den Dungen, «Sir Eric Drummond : The First international Civil Servant», in The League of Nations, , op. cit., p The Secretary General of the United Nations, p New Haven (Connecticut), Yale University Press, 1969, 284 p. Pour une vision plus nuancée, voir nos «Réflexions sur un haut fonctionnaire français devenu Secrétaire général de la Société des Nations : le cas de Joseph Avenol», Relations internationales, n o 75,1993, p Émile Giraud, «Le Secrétariat des institutions internationales», Académie de droit international. Recueil des cours, t. 79, II, 1951, p Jean Siotis, Essai sur le Secrétariat international, Genève, Droz, 1963, p Ibid., p. 107 ; Émile Giraud, «Le Secrétariat...», art. cit., p Les points de vue sur l inspection de Siotis doivent être nuancés. En témoigne celui, certes plus tardif, de F. Bloch Lainé dans Profession : fonctionnaire, Paris, Le Seuil, 1976, p Lettre à Hambro du 29 août 1940 (AMAE, Papiers Avenol, vol. 3, p. 70). Concernant son attitude face à Vichy, voir plusieurs lettres, notamment celle envoyée à Baudouin le 4 juillet 1940 (ministère de l Économie, des Finances et du Budget, service de l inspection générale des Finances, dossier administratif RE306/91, carton 6, Avenol 186-1). 9. Victor-Yves Ghebali, Organisation internationale et guerre mondiale. Le cas de la Société des Nations et de l'organisation internationale du travail pendant la seconde guerre mondiale, thèse, Université des sciences sociales de Grenoble, 1975, t. I, p Ibid., p Robert Frank, «L entrée des attachés financiers dans la machine diplomatique, », Relations internationales, n o 32, 1982, p ; Jean-Baptiste Duroselle, «Notes de lecture : inspecteurs des finances et politique étrangère dans les années 30», Relations internationales, n o 13, 1978, p Douglas Gageby, The last Secretary General Sean Lester and the League of Nations, Dublin, Town House, Voir aussi dans Arthur W. Rovine, The First Fifty Years : The Secretary General in World Politics , Leiden, Sijthoff, 1970, p Antoine Fleury, «Jean Monnet au Secrétariat de la Société des Nations», in Gérard Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), Jean Monnet, l Europe et les chemins de la Paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p Les chiffres entre parenthèse tiennent compte des fonctionnaires issus d État non membres. 15. Christine Manigand, Les Français au service de la Société des Nations, Berne, Peter Lang, 2003, 16. Michel Marbeau, «Les femmes et la Société des Nations ( ). Genève, la clé de l égalité?», in Jean-Marc Delaunay et Yves Denéchère (dir.), Femmes et relations internationales au XX e siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2007, p

79 77 Chapitre 4. L esprit de Genève 1 Siège de la SdN, Genève est devenue un centre privilégié des relations internationales de l entre-deux-guerres, «les halles centrales de la diplomatie 1». C est un lieu de rencontre privilégié, chaque automne. Genève ville internationale Genève siège de la Société des Nations 2 2 Dans le premier projet de Pacte de la SdN (14 février 1919), le siège n est pas encore fixé. Il faut trouver rapidement un siège à cette future SdN. Comme elle doit être dans un lieu qui se situe au-dessus des coalitions antérieures et qui doit être ouvert à tous, l enjeu du choix du siège est important. Il apparaît évident à tous qu il est préférable de le situer dans un pays qui ne soit pas trop dépendant d une grande puissance, c est-à-dire ni dans une de ces grandes nations, ni dans un pays qui subit une trop grande influence de ces dernières. Ainsi, la Suisse apparaît d emblée comme le pays hôte idéal et la ville de Genève au premier rang : le rôle humanitaire de la Croix-Rouge internationale depuis sa création en 1863 et surtout pendant la Grande Guerre favorise la cité de Calvin. 3 Cependant, même si Genève a d importantes chances, la Belgique est candidate. Ses chances ne sont pas saugrenues : elle a été injustement victime de la guerre. De plus les Belges font valoir avec justesse que Bruxelles était, avant-guerre, un des grands lieux de séjour des congrès internationaux : la deuxième ville de congrès après Paris. Genève était bien loin derrière 3. Bruxelles a comme inconvénient d être un pays trop proche de l Entente. La SdN ne doit pas lui être inféodée. Le presbytérien Wilson a, de plus, une évidente préférence pour Genève. 4 Le choix est fixé par la sous-commission de la SdN. Le 10 avril elle décide de désigner Genève comme siège de la future organisation par douze voix contre six, malgré l énergique intervention de la France en faveur de Bruxelles. La décision est entérinée par la Conférence de la paix le 28 avril Le lieu du siège sera indiqué dans l article 7 du Pacte, même si une clause restrictive est ajoutée à cet article 4. Malgré cette décision importante, les partisans de Bruxelles batailleront ferme, sans succès final, pour que la première assemblée se tienne dans la capitale belge et non à Genève.

80 78 5 La SdN ne s est pas tout de suite installée à Genève, mais à Londres. Elle bénéficie de prestigieux locaux à Sunderland House, Curzon Street, dans un superbe bâtiment, très luxueux, mais peu adapté à sa nouvelle fonction. Des locaux supplémentaires sont aussi loués fin 1919 aux 117 et 118 de Piccadilly. Ce n est que vers la fin du mois d octobre 1920 que le transfert commence. Genève vers Au moment de l installation de la SdN, Genève est une ville de taille moyenne, d environ habitants en Elle a une très forte proportion d étrangers, quoiqu en diminution pendant la période qui nous intéresse : 41,2 % en 1914, 16,3 % en Le tourisme s est développé dès la fin du XVIII e siècle : Jean-Jacques Rousseau (La Nouvelle Héloïse) et Horace-Bénedict de Saussure n y sont pas pour rien. De nombreux écrivains cherchent à retrouver les émotions de ces derniers pour cette ville et surtout pour le lac Léman et les montagnes. D ailleurs, pour Saussure, qui aura un certain rôle dans le développement de l intérêt des touristes pour les Alpes et pour la Suisse, Genève est «la porte des Alpes». En effet, depuis la ville on peut bien apercevoir le splendide massif. Les hôteliers insistent d ailleurs sur ce critère pour attirer leur clientèle : dans une annonce parue au moment de l inauguration de l hôtel des Bergues en 1834, il est précisé que cet établissement est «le seul d où l'on voit le Mont-Blanc à Genève». Le lac, le jet d'eau, la vieille ville deviennent des clichés destinés à séduire les touristes. Bénéficiant de surcroît d une infrastructure hôtelière de premier choix, Genève devient une ville-séjour fort prisée. C est aussi un havre de paix libre et démocratique qui accueille tous ceux qui fuient des régimes politiques dictatoriaux. N oublions pas, et ce n est pas négligeable, que Genève est aussi un haut lieu de la mémoire protestante, bien que la communauté protestante genevoise soit devenue minoritaire depuis Les Suisses et la Société des Nations 7 Si Genève a recueilli rapidement la majorité des suffrages pour l établissement du siège de la SdN, les partisans de Bruxelles ont tout fait pour que leur choix soit pris en compte. Ils ont tout fait pour que cette dernière soit choisie. Le rôle et les initiatives du juriste William Rappard, qui agit à titre officieux, furent essentiels pour que la ville suisse l emporte. La nouvelle de la victoire de Genève fut suivie d un important élan d enthousiasme en Suisse, qui ne faiblit pas lors de la session de la première assemblée de 1920 : la foule fut très présente pour accueillir et acclamer les délégués, les balcons de nombreuses artères et des hôtels furent fleuris et couverts de drapeaux. 8 Cependant cet enthousiasme ne peut cacher les problèmes que pose l établissement de la SdN sur le sol suisse ni les importantes oppositions que ce projet entraîne. Les Suisses tiennent avant tout à leur neutralité, principe qu ils ont plus ou moins réussi à imposer depuis Marignan. Ils vont donc négocier pour que la présence de la SdN en Suisse et l appartenance de la Suisse à cette organisation ne soient pas contradictoires avec le principe de neutralité : elle obtient une dispense des sanctions militaires prévues par l article 16 du Pacte contre un État agresseur. 9 La neutralité conservée, il faut convaincre les Suisses du bien-fondé de l adhésion ou non du pays à un tel organisme : la parole est donnée au peuple par voie référendaire. La campagne est très vive entre les partisans du «oui» et ceux du «non» (notamment les

81 79 socialistes, hostiles à une «internationale capitaliste») et le résultat finalement assez serré puisque le 16 mai 1920, citoyens (56,3 %) votent pour l adhésion et contre (11 cantons et demi pour, 10 et demi contre). La méfiance est donc bien réelle. Elle est très nette en Suisse alémanique, moins en Suisse romande et notamment à Genève où le «oui» l emporte largement (83,4 % des votants). L adhésion ne signifie pas pour autant un grand enthousiasme. Il semble que la société que constitue la fonction publique internationale, qui s installe à partir de 1920, et les patriciens genevois s ignorent largement. Cette méfiance ou cette indifférence croît à mesure que la SdN paraît échouer face aux rivalités des grandes puissances et à la montée des totalitarismes. Robert de Traz restitue bien l état d esprit, souvent contradictoire, de ses concitoyens : J entends qu à «l esprit de Genève» s ajoute et s oppose «un esprit genevois». Cette ville ouverte à toutes les curiosités, à toutes les innovations, est aussi une bourgade très particularisée et très méfiante. Sous la culture cosmopolite persiste un génie local, lucide, réservé. Il y a le Genevois qui ouvre sa porte et celui qui la tient close [...] Bon connaisseur et fin analyste, le même auteur montre que si les deux esprits ne cessent de s opposer, mais qu «ils coexistent dans la même tête. [...] Tels patriciens qui sursautent au seul mot d internationalisme, s enorgueillissent de leurs lointaines origines françaises ou italiennes [...]. À Genève le cosmopolitisme fut dans les mœurs, dans celles de la classe la plus polie, la plus cultivée, avant de se formuler en institutions et en programmes 6.» Les palais des Nations Les premiers bâtiments 11 Lorsque les touristes visitent le palais des Nations, les guides ne manquent pas de leur signaler que ce fut le siège de la SdN et qu il représente désormais la principale annexe de l ONU en Europe. Il ne faut cependant pas oublier que ce bâtiment a finalement peu servi à l organisation internationale. Ce n est qu en 1936 que le Secrétariat y emménage, alors que l ensemble n est pas encore achevé. 12 Après avoir largement contribué au choix de Genève comme siège de la SdN, les Américains ont envisagé d installer les bureaux et les salles de réunion de l organisation au bord du lac, à 15 ou 20 km de la ville. Ce projet n eut pas de suite eu égard aux contraintes politiques, matérielles et financières qu il impliquait. 13 Le Secrétariat prit possession en 1920, pour 5,5 millions de francs suisses, de l hôtel National - qui sera plus connu à partir de 1924 sous le nom de «palais Wilson», en hommage au président décédé quelques années auparavant-, construit au bout du quartier des Pâquis par Jacques-Élisée Goss en Ce bâtiment de 5 étages et de 225 pièces ne pouvait rester en l état, il dût être transformé pour son nouvel usage. Comme cet hôtel ne dispose pas d une salle de réunion suffisamment grande, les sessions automnales de la SdN ont lieu en ville, dans l austère salle de la Réformation, construite en 1867, à l occasion du 350 e anniversaire de la naissance de Calvin. C était le seul lieu susceptible d accueillir toutes les délégations, mais aussi les journalistes. Il fut lui aussi adapté à ses nouvelles fonctions. Les locaux annexes étant insuffisants, la SdN loua l hôtel Victoria, adossé à la salle de la Réformation.

82 80 14 Cette absence de regroupement de tous les bâtiments n apparaît vite pas satisfaisante, c est pourquoi la SdN se lance dans un projet de construction. En 1923, on pense d abord consacrer un budget de trois millions de francs suisses pour construire une «salle des assemblées avec dépendances» attenantes à l hôtel, sous la direction de l architecte genevois Marc Camoletti. Mais l espace s'avère vite insuffisant. L hôtel National et la salle de la Réformation ont cependant l avantage d être situés à proximité du centre-ville et des hôtels où les délégations ont pris leurs quartiers. C est alors pendant 16 ans le centre des relations internationales de l époque. Avec sa double rangée de platanes, le quai Wilson dont presque tous les passants, à cette date, sont illustres, c est le promenoir politique de l univers Ce premier bâtiment est peu commode. Les conditions sanitaires sont médiocres. Seuls les plus hauts fonctionnaires bénéficient de conditions de travail satisfaisantes. La majeure partie du personnel travaille sans bonne ventilation ni lumière. 16 Ces locaux sont, conformément à l article 7 du Pacte, inviolables. Ils sont protégés par le propre service de sécurité de la SdN et par la police suisse, suite à des accords avec l organisation. Le projet architectural pour un nouveau palais 17 Un concours international est lancé en mars 1926, auquel participent des architectes de grande renommée parmi lesquels Auguste Perret et Le Corbusier 8. Le jury est composé de neuf membres, choisis parmi les plus grands architectes d Europe : il est présidé par Victor Horta (l un des maîtres de l art nouveau belge) et y figure aussi l un des plus grands artistes de la «Sécession» viennoise, Josef Hoffmann. Le 17 avril 1926, le programme et le règlement du concours sont définis : on demande aux candidats de concevoir un monument de style pur, aux lignes harmonieuses, groupant d une manière pratique et moderne tous les organismes essentiels nécessaires au fonctionnement de la SdN (grande salle pour l Assemblée, mais aussi bureaux du Secrétariat permanent). Il doit aussi s intégrer dans le site grandiose qu offre l emplacement choisi au bord du lac, en face du massif du Mont-Blanc. Le coût des projets ne doit pas dépasser la somme globale de 13 millions de francs suisses. La date de clôture des projets est fixée au 25 janvier projets sont envoyés, provenant de 25 pays. Après examen, aucun ne reçoit le premier prix : «Le concours n avait pas donné de résultats permettant de recommander l exécution d un projet.» Toutefois, neuf équipes se voient récompensées. Ce résultat, annoncé le 5 mai 1927, souleva de vives protestations. Finalement, après avoir été désigné par l Assemblée le 10 septembre 1927, un comité restreint de cinq délégués à la SdN a pour mission de choisir un projet parmi les neuf primés, la décision est donc retirée aux architectes constituant le jury du concours. Le comité charge officiellement en janvier 1928 Henri-Paul Nénot et Julien Flegenheimer d élaborer un nouveau projet et leur adjoint Carlo Broggi, Camille Lefèvre et Joseph Vago. Les heureux élus formèrent le «comité des cinq architectes». Les résultats, une fois encore, suscitent l indignation, notamment celle de Le Corbusier 9, qui s estime injustement exclu. Il déclenche une polémique entre l «académisme» et le «modernisme», dénonce la régularité de la décision du jury et adresse une requête au président du Conseil de la SdN le 28 février Comme un nouveau terrain est choisi la même année, on permet à quelques architectes exclus de présenter un nouveau projet en fonction de ce changement. Le Corbusier présente le sien le 13 avril 1929 devant le comité des cinq, mais cela ne change

83 81 rien à la décision première. Pire, Le Corbusier a l impression qu on lui a pris des idées et quelles ont été imposées aux architectes élus, sans qu il soit incorporé à l équipe désignée, prévenu ni indemnisé. Pour lui, écrit-il en 1931, «plus rien des quatre projets primitifs ne subsiste dans le plan définitif du Palais actuellement en cours de construction, celui-ci est, tant dans l ensemble de ses éléments constitutifs que dans les particularités techniques essentielles, un pur et simple plagiat des projets de M. Le Corbusier et de son associé». Dans sa nouvelle requête de 1931, l architecte demande une compensation financière (plus d un million de francs suisses) et morale pour les préjudices occasionnés par cette affaire ; il n obtiendra rien. Le second palais 19 En complément du bâtiment initialement prévu, les architectes doivent réaliser une grande bibliothèque, grâce au don du milliardaire américain John D. Rockefeller (dix millions de francs suisses). Ainsi, à l origine envisagé sur les propriétés Moynier et Bathololoni à Sécheron, achetées par la SdN, le futur palais doit finalement être bâti sur un espace plus grand : la propriétaire de la villa Barton ne souhaitant pas vendre son bien, le parc de la colline de l Ariana au Petit-Saconnex est choisi en septembre Propriété de la ville de Genève, il est échangé contre les terrains de Sécheron. Le palais ne sera donc pas construit sur les bords du lac et sera assez éloigné du centre-ville. Cette décision a été prise sans concertation avec les architectes ; ils vont devoir, une fois de plus, réviser leurs plans pour les adapter au nouvel emplacement. Ils sont approuvés en juin. La première pierre est posée le 7 septembre 1929, mais les travaux ne commencent véritablement qu en Le Secrétariat ne peut emménager qu en février 1936 et la salle des Assemblées est inaugurée en septembre Jusqu à cette période, les activités de la SdN sont toujours concentrées sur le quai Wilson. 20 L ensemble dessine un double fer à cheval parallèle au lac, en épousant les niveaux du terrain. Les formes sont simples, rectilignes et sobres : il n y a ni décor pittoresque ni sculpture. Cet édifice a été conçu suivant la tradition monumentale néo-classique que l on retrouve, à la même époque, dans le palais de Chaillot de Paris. Cette quête de monumentalisme, la recherche d une réinterprétation dans un esprit moderne des éléments de l architecture classique, répond aux aspirations d internationalisme, d universalité des formes, à l affirmation d un académisme moderniste, à l absence de caractéristiques régionales, culturelles L ossature du bâtiment est constituée de structures métalliques et de béton armé. L ensemble est revêtu de pierres de taille blanche. 22 Le complexe des bâtiments qui est mis à disposition de la SdN dans les années est très important et même considérable pour une ville comme Genève. En effet, le bâtiment représente à cette époque un volume de m 3, soit des dimensions proches de celles du château de Versailles ( m 3 ). En terme de surface au sol, la SdN comprend m 2 contre pour Versailles. La bâtisse fait alors 400 m de long. Albert Cohen s'est amusé à railler ce gigantisme dans Belle du Seigneur 11. Et puis c est immense, tu comprends. Mille sept cents portes, tu te rends compte, chacune avec quatre couches de peinture pour que le blanc soit impeccable [...] et note bien toutes les portes avec cadre en métal chromé. Et puis mille neuf cents radiateurs, vingt-trois mille mètres carrés de linoléum, deux-cent douze kilomètres de fils électriques, mille cinq cents robinets, cinquante-sept hydrants, centsoixante-quinze extincteurs! Ça compte, hein? C est immense, immense. Par

84 82 exemple, combien crois-tu que nous ayons de water closets? Je ne sais pas. Mais dis un chiffre, à ton idée. Cinq. Six cent soixante-huit, articula-t-il, maîtrisant une fière émotion. Et ils sont vraiment bien compris, tu sais. Ventilation mécanique par machines renouvelant l air huit fois par heure et chasse d'eau automatique toutes les trois minutes à cause des gens distraits ou pas consciencieux. Si tu veux, je peux t en faire visiter un. 23 Le coût total de la construction est d environ 35 millions de francs, il dépasse de loin ce qui était prévu initialement. 24 Il faut aussi aménager l intérieur de ce gigantesque espace. Les marbres de toutes les couleurs sont omniprésents tant sur les sols que sur certains murs. Chaque nation a offert des décorations : lambris de bois nobles, fresques, plafonds à caissons, tapis, mobilier. Retenons seulement les fresques de couleur or et sépia du peintre catalan José Maria Sert financées par le gouvernement espagnol pour la salle du Conseil, qu il réalise de 1934 à On remarquera notamment l immense fresque du plafond, La leçon de Salamanque, représentant cinq colosses figurant les cinq continents. Ils se tiennent le poignet en signe de fraternité et symbolisent l idéal de paix de la SdN. Derrière l un des colosses sont représentées la cathédrale et l université de Salamanque où officia Francisco de Vitoria, dominicain qui jeta les bases théoriques du droit international. Les peintures (maintenant déplacées) de la salle des Assemblées sont dues à d anciens Nabis français comme Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel ou Maurice Denis. La ruée, chaque automne La ruée 25 Les sessions d automne de la SdN entraînent l arrivée de nombreuses délégations diplomatiques, de personnalités politiques, de journalistes, d une nuée de curieux et de parasites qui gravitent autour du beau monde. Geneviève Tabouis et Robert de Traz ont bien restitué ces déplacements. C est comme à Deauville pendant la saison, s exclamaient les diplomates qui, à mes côtés, prennent d assaut, en gare de Genève, les omnibus d hôtels, autos des délégations et vulgaires taxis genevois pour essayer de trouver à se loger. Genève est subitement devenue la capitale du monde et les Genevois en sont tout surpris. 13 Plus de cinquante nations se rassemblent, sous les espèces de délégués, d'experts, de secrétaires, de conseillers secrets. Qu on y ajoute une multitude de journalistes, de curieux, d intrigants, d humanitaires. Enfin des émissaires d'états qui n appartiennent pas encore à la Ligue : il en est pour suivre la session à la façon de l Anglais qui suivait la ménagerie dans l espoir de voir dévorer le dompteur. De nobles Hindous promènent leurs turbans et leurs barbes. Des Abyssins sombres et solennels, en vêtements blancs recouverts de pèlerines de soie noire, invoquent le Lion de Juda. Beaucoup de gens parlent anglais. D'autres, plus nombreux chaque fois, parlent allemand. Cette foule cosmopolite, diverse de langages et de teints, d'allures, de gestes et de regards, roule à heures fixes de la Salle de la Réformation, où se tient l'assemblée, au Secrétariat où siègent les Commissions. Elle passe les ponts, assaillie par des photographes, des camelots criant le Journal de Genève, la Chicago Tribune ou les Débats, la Frankfurter en même temps que le Corriere En effet, les membres des délégations sont nombreux. Si l on prend l exemple de la délégation française, elle est conséquente. Elle comprend des ministres, voire le président

85 83 du Conseil et leur entourage proche, des experts, le service français de la SdN, service spécial du Quai d Orsay créé pour être une interface entre le gouvernement français et l organisme genevois. À ces derniers s'ajoutent les membres des consulats de Genève et de Lausanne. C est donc parfois plusieurs dizaines de personnes qui doivent être logées à Genève, pendant parfois plusieurs semaines. Les journalistes de toute nature (rédacteurs de presse écrite surtout, mais aussi photographes et caricaturistes) sont envoyés à Genève afin d observer, interviewer, croquer et tirer le portrait de toutes ces personnalités qui se rendent dans cette petite ville. En effet, outre les journalistes diplomatiques tels que Geneviève Tabouis, on remarque à Genève les premiers photojournalistes, comme Lucien Aigner ou Erich Salomon, «le roi des indiscrets» tel que l appelait Aristide Briand. Les caricaturistes s en donnent à cœur joie, notamment les Hongrois Aloysius Derso et Emery Kelen qui ont suivi la diplomatie mondiale à Genève et le Secrétariat de la SdN pendant une bonne partie de la période. Leur perception était d autant plus intéressante qu ils pouvaient assister à de très nombreuses réunions, contrairement aux photographes. Ils ont livré quelques portfolios ou albums qui sont devenus des documents incontournables pour tout historien de la SdN La confédération helvétique et la ville de Genève ont dû redoubler d efforts pour l accueil de cette foule. C est tout particulièrement nécessaire dans le domaine des transports et des télécommunications. Genève était, au moment de l installation de la SdN, en retard dans ces domaines par rapport à beaucoup d autres villes européennes. 28 Si la ville reste mal reliée aux pays voisins et aux autres cités de la Confédération, les Chemins de fer fédéraux entreprennent la reconstruction de la gare Cornavin entre 1927 et 1932 sous la direction de l architecte Julien Flegenheimer. 29 L aérodrome de Cointrin est mis en exploitation en Cependant, à l époque, on voyage encore essentiellement en train et en voiture. Le trafic de Cointrin est limité : en 1922, année des premiers vols commerciaux, on sait qu il a accueilli 534 passagers pour 393 mouvements d avion. 30 La présence de la SdN est aussi l occasion de développer le réseau des télécommunications. Encouragée par les autorités fédérales, la société britannique Marconi établit une filiale à Berne qui obtient une concession de télégraphie sans fil pour l ensemble du pays et qui devient en 1928 Radio Suisse. En 1930, à l issue de négociations, la Confédération passe avec la SdN une convention qui permet la création du poste de Radio Nations, station construite à Prangins par Radio Suisse, avec l aide matérielle de la Confédération et de la SdN. «Radio Nations servit non seulement à la transmission d innombrables télégrammes officiels, [...] mais aussi à des émissions radiophoniques officielles». Cette radio «contribua donc à appuyer une action internationale, entreprise pour le maintien de la paix 16», Des lieux de mémoire de la Société des Nations : les hôtels, les restaurants 31 La présence de la SdN a été aussi une aubaine pour l'hôtellerie 17 dans une ville qui connaît de graves difficultés économiques dans l immédiat après-guerre. Il s agit en effet d accueillir tous ceux qui se rendent à Genève. Comme les sessions de l Assemblée et certaines conférences sont longues, les hôtels se transforment en annexes de ministères, en mini-ambassades, voire en centres de presse.

86 84 32 Les représentants de chaque nation ne vont pas en ordre dispersé dans les différents hôtels. Chaque délégation et tous ceux qui gravitent autour, notamment les experts mais aussi certains journalistes, tâchent de trouver une chambre dans le même établissement. Ainsi, les Britanniques vont à l hôtel Beau Rivage, les Allemands à l hôtel Métropole et les Français à l hôtel des Bergues. Certains hôtels nouveaux apparaissent, comme l hôtel Cornavin, à proximité de la gare, construit en Les hôteliers genevois sont rois. «Les ministres eux-mêmes doivent se contenter de chambres de courriers», répondent-ils, même aux plus illustres membres de la délégation française. De toute éternité celle-ci a élu domicile quai du Rhône, à l hôtel des Bergues Ce dernier hôtel est devenu quelque peu légendaire grâce au beau monde qui s y réunissait mais aussi grâce à l impression que plus de réunions se sont tenues dans cet hôtel qu au palais des Nations. Fondé en 1834, c est une importante bâtisse, un peu massive, située sur le quai des Bergues, entre le pont du même nom et celui du Mont- Blanc. Après une longue rénovation, il rouvre en février La délégation française en fera vite son refuge favori, au point de devenir à la fois lieu de séjour de travail et de décontraction. Le service français de la SdN travaille en permanence dans cet hôtel : les agents du service y ont à la fois leurs chambres et leurs bureaux. On retrouve aux Bergues un peu les mêmes conditions, plus agréables, que celles que connaîtront les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères à Vichy 19 : un étage est consacré aux bureaux, équipés d un fil télégraphique direct avec Paris, les autres aux chambres. 34 Nombreuses sont les réunions et les dîners, officiels ou officieux, où l on discute sur les sujets politiques marquants du moment. Il s y passe parfois des discussions plus importantes qu au palais des Nations ou qu à l Assemblée. Ainsi, par exemple, après avoir prononcé son discours du 5 septembre 1929 à la tribune de l Assemblée en faveur d un «lien fédéral», d un «lien de solidarité» entre les nations européennes, Aristide Briand convie 27 représentants des nations européennes représentées à la SdN à déjeuner à l hôtel des Bergues 20. Après le repas, il leur précise son dessein et les différents délégués y réagissent. Ce déjeuner permet à Briand d étudier à nouveau les orientations du projet et les nations invitées proposent au ministre français de préciser ses objectifs dans un mémorandum, qui sera discuté lors de la session de septembre 1930 à la SdN. On voit donc là une illustration de l importance de ces lieux de rencontre privilégiés que sont les hôtels. 35 Un autre lieu très prisé par tous est la brasserie Bavaria située à proximité de l hôtel Métropole est la «potinière de la SdN» sur les murs de laquelle étaient accrochées des caricatures de Derso et Kelen. Il manquerait quelque chose à la Société des Nations s il fallait l'amputer d'une brasserie, située au Jardin Anglais. C est la potinière classique. Les grands jours, tous s'y entassent. Délégués, journalistes, membres du Secrétariat, tout le monde s'y donne rendez-vous. Les murs sont couverts de caricatures qui font la joie du public cosmopolite. On fraternise... Sous le signe de Bacchus la paix est enfin réalisée Une micro-société mondaine à Genève 36 La vitalité culturelle et mondaine fut particulièrement grande pendant «les années SdN» - alors qu elle était déjà riche avant et constitua toute une vie «parallèle» aux activités plus sérieuses de l organisation. «Ville de moins de habitants, Genève

87 85 connut des saisons culturelles dignes d'une capitale, grâce à la présence de la SdN 22.» L orchestre de la Suisse romande, créé au lendemain de la première guerre mondiale par le grand chef Ernest Ansermet, devient très vite réputé. Au Grand Théâtre se succèdent de grandes formations musicales et lyriques (Opéra de Paris, Opéra de Vienne...), théâtrales européennes (Comédie française...). Toutes les grandes vedettes du spectacle et des conférenciers prestigieux se donnent rendez-vous à Genève. Des expositions importantes sont organisées, comme celle de juin à août 1939 sur les chefs-d œuvre du Prado sur l initiative de la SdN, qui accueillit visiteurs. «C est une foule à toutes les heures du jour qui se presse sur les marches du petit temple genevois», écrit Paul Claudel 23, qui sait à quoi s en tenir, lui qui est venu à quatre reprises depuis sa retraite du château de Brangues en Isère pour voir et revoir cette prestigieuse exposition 24 présentée avec un accrochage aéré sur un seul rang, ce qui était très innovant à l époque. 195 œuvres, parmi les plus belles du Greco (Portrait du Chevalier à la main sur le cœur...), de Velasquez (Les Ménines...), Goya (La Maja nue...) et tant d autres ont été soustraites «à l incendie espagnol» et sont présentées à Genève. Mon Dieu! Voilà donc ce que nous avons failli perdre! Pleurons d allégresse, mes frères, ici rassemblés des quatre coins du monde civilisé [...], pleurons d émotion, et enrichissons, en même temps que de nos larmes, d un tribut de 2,30 F ce comptoir débordant de billets de banque et de monnaies que nous avons à franchir avant d être admis à l intérieur de toute cette gloire du Siècle d or Les œuvres arrivèrent en février 1939, dans un train transportant 1868 caisses, qui furent remises au Secrétaire général Joseph Avenol, qui les fit déposer au Secrétariat. Cette évacuation sans précédent avait été possible grâce à la volonté des autorités républicaines espagnoles et à l action d un comité international constitué par les responsables de grands musées européens et du Metropolitan 26. Mais avant même l organisation de toute exposition, Franco est victorieux, la guerre d Espagne s'achève et les œuvres sont restituées officiellement. Les premiers rapatriements ont lieu dès le mois de mai. Cependant, le gouvernement de Franco, soucieux de montrer un nouveau visage de l Espagne, autorise la tenue de l exposition à Genève. 38 En marge de cette vie culturelle officielle ont lieu de très nombreuses réceptions, organisées par des délégations diplomatiques, par des hommes politiques ou par des personnalités très fortunées, qui donnent des bals ou des soirées dans de somptueuses villas situées à proximité de Genève. Tout comme les autres lieux à la mode (Riviera française, Paris...), il est préférable d être présent pour y être vu. Cela dit, tout comme dans les hôtels ou les restaurants, ces lieux de sociabilité sont autant de possibilités de discussions officieuses non dénuées d importance. 39 Les observateurs de l époque sont désormais les seuls à pouvoir restituer l ambiance de cette vie parallèle. C'est cette douceur de se rencontrer, c est cette délicieuse espérance qui provoquent, en marge des réunions officielles, les entretiens les plus libres, les invitations à dîner ou à danser, les tête à tête. Quelle satisfaction, au milieu de tels convives, de se dire : «Je suis là», et de penser qu on assiste à des événements historiques, ou tout au moins pittoresques. Voilà ce qui attire à Genève tant de personnes assurément sans responsabilités mais heureuses d'un spectacle varié et qui a peut-être besoin de leur sympathie : femmes du monde, hommes de lettres ou d affaires, duchesse de X, donna Y, lady Z. Et Paul Valéry et Bernard Shaw, et M me Wilson, quand ce n est pas Einstein ou le maharadja de Kapurthala. On a dit du mal de ce charmant snobisme, et l on a eu tort. Il faut autour des vedettes internationales à la fois un murmure d admiration et des remarques ironiques. Une

88 86 galerie d élégantes et de gens d'esprit empêche les grands de la terre de devenir solennels ou brutaux. C est une façon de leur rappeler qu'ils ne doivent pas seulement réussir, mais plaire. 27 Chaque soir vers 10 heures, dans le salon vert de l hôtel des Bergues, commençaient ce qu on appellera bientôt dans le monde entier : «Les soirées de Genève». Arrivaient successivement Herriot, Anna de Noailles, Hélène Vacaresco, déléguée roumaine, Politis, Paul Valéry, l historien Ferrero, Titulesco, Benès et d autres. Herriot parle de ses débuts au Quartier latin, lorsqu il prêtait cinq francs à Verlaine pour ses aventures sentimentales, puis de Napoléon, sa grande admiration. «J ai le projet d une pièce de théâtre à la Bernard Shaw... Napoléon se serait évadé de Sainte-Hélène et il serait venu s établir en Amérique!!!» Anna de Noailles parle toujours d amour : «À votre avis, quelle est la plus belle des lettres d amour?» Paul Valéry marque sa préférence pour celle de la religieuse portugaise. Herriot préfère celle de de M lle de Lespinasse [...]. Vers les 2 heures du matin, le barman des Bergues, l Italien Carlo Beltramo, qui écoute Herriot bouche bée, vient offrir son dernier «cocktail S.D.N.», son «drink Protocole», ou son orangeade «arbitrage». Fièrement, il tend à Herriot une petite brochure qu il vient de rédiger et dont il se montre fort satisfait : Elixir des dieux, Genève, capitale des Nations Il y a donc bien, comme des témoins de l époque l ont bien ressentie, une «atmosphère de Genève» que l on ne trouve nulle part ailleurs. La Société des Nations, un objet littéraire 41 La SdN est, on l a déjà remarqué, l objet privilégié de toute une littérature à partir de sa création. On distinguera surtout des études concernant toutes les activités politiques, économiques, sociales et juridiques. Beaucoup de publications, de qualité inégale, cherchent à défendre l action de l institution, d autres à la remettre en cause (comme René Benjamin dans Les augures de Genève, le comte de Saint Aulaire dans Genève contre la paix et l auteur de La Garçonne, Victor Margueritte, qui écrit L avortement de Genève ). 42 Aussi, la SdN devient un objet littéraire. Si un inventaire complet reste encore à faire, précisons que certains écrivains trouvent leur inspiration à travers cette nouvelle institution. On pensera immédiatement au roman Belle du Seigneur, chef-d œuvre de l écrivain suisse Albert Cohen, paru en 1968 mais commencé dès les années L auteur, genevois depuis 1914, connaît bien ce milieu international pour avoir été fonctionnaire auprès du BIT (et non auprès de la SdN, comme on le dit souvent). Cohen avait déjà pris en compte la SdN dans Mangeclous en Dans Belle du Seigneur, l auteur relate les amours de Solal, sous-secrétaire général adjoint de la SdN, et d Ariane Deume, épouse d un fonctionnaire belge de l institution. Si l intérêt de cette œuvre réside avant tout dans cette splendide histoire d amour, l'historien observera davantage la scène et le contexte du roman perçu avec un cynisme sans doute excessif, mais plein d humour. Sous la plume de Cohen, les fonctionnaires internationaux deviennent de jargonnants ambitieux avides de privilèges, des parasites, toujours prêts à créer des commissions inutiles qui les empêchent de trancher dans le vif. Il n y a généralement pas de contexte précis, hormis dans la dernière partie du roman, lorsque Solal demande à la SdN de prendre en compte le cas des réfugiés allemands qui ont dû quitter en grand nombre l Allemagne nazie. Cohen ne se prive alors pas de dénoncer l incurie de la SdN et des grandes puissances.

89 87 43 Herbert George Wells a été un ardent propagandiste de l internationalisme et du pacifisme de la SdN. Avant même la naissance de l institution, il s est engagé en faveur de la création d un organisme de ce type. Il développe ses idées dans des essais comme The Open Conspiracy (1928) et The New World Order (1940), mais aussi, en filigrane dans certains romans de science-fiction comme The Shape of Things to Corne (1933). 44 Un autre cas intéressant est celui de Céline. On oublie souvent que le docteur Destouches, avant de devenir Céline, a travaillé pour le compte de la SdN 29. Il a fait partie de la section d'hygiène dirigée par le docteur Ludwik Rajchman de 1924 à Il vit entre Genève et l étranger, en mission pour le compte de la SdN. Il y mène une vie très libre, loin de son épouse et de sa fille. Il rencontre la danseuse Élisabeth Craig, dédicataire du Voyage au bout de la nuit. Il accumule les traites non payées qui viennent sur le bureau de ses supérieurs. Plus intéressant surtout est son œuvre littéraire. Son expérience et ses voyages vont nourrir ses œuvres : l Afrique, les usines Ford, etc., deviennent des passages entiers du Voyage. Avant ce grand roman, il écrit une thèse consacrée à La vie et l œuvre de Philippe Ignace Semmelweis qu il soutient en Il en offrira un exemplaire à Rajchmann, qui sera sans doute le premier de ses lecteurs à constater son talent littéraire. Dans les archives de la SdN figure aussi le tapuscrit d un article publié la même année dans Presse médicale, «La vie, Pasteur, Semmelweis et la mort». Le début de ce texte, non publié, fait vraiment figure de travail préparatoire du Voyage, mais ne faisait pas assez scientifique pour figurer dans la revue. Il écrit aussi une pièce de théâtre en 1926, qu il publiera en 1933, L Église. Ce texte constitue en somme à la fois une répétition générale du Voyage au bout de la nuit par les thèmes abordés et à Bagatelle pour un massacre 31 ou d autres pamphlets pour son antisémitisme, qui n est ici que suggéré. L auteur met notamment en scène dans le troisième acte, censé se dérouler à la SdN, Yudenzweck, directeur des compromis à Genève, qui n est autre que Ludwik Rajchman. Précisons que Destouches aura le cynisme ou l inconscience de faire lire son manuscrit à Rajchman! Ce dernier considérait presque Destouches comme un fils et l'écrivain l admirait beaucoup, ce qui paraît surprenant. «Est-ce donc de la perversion, de la folie, qui lui fait accorder tant de place à son ancien patron, alias Yubelblat, dans Bagatelles pour un massacre, un long pamphlet violemment antisémite et actuellement proscrit 32?» Un enseignement nouveau 45 La présence de la SdN et du BIT a fortement influencé l enseignement genevois, qu il soit primaire, secondaire ou universitaire. On pensera d abord à la célèbre Ecole internationale de Genève (Ecolint) créée en 1924 par des pédagogues locaux et des fonctionnaires des deux institutions. Cette école privée a notamment été dirigée par Marie-Thérèse Maurette ( ) de 1925 à 1950, épouse de Fernand Maurette ( ), normalien, géographe devenu haut fonctionnaire du BIT 33. Elle va durablement influencer cette école de sa pédagogie fondée sur une éducation à la paix, sur le respect et l ouverture aux autres et fortement orientée vers l international. L enseignement de la géographie, de l histoire universelle et le bilinguisme (anglais et français, langues officielles de la SdN) sont privilégiés. 46 Sur le plan universitaire, l Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, fondé en 1927, est le plus ancien établissement continental dédié aux relations internationales et le premier à se consacrer uniquement à ces questions 34. Là encore le rôle de certains fonctionnaires de la SdN est essentiel puisque les fondateurs ne sont

90 88 autres que le juriste suisse William Rappard ( ), président de la commission des mandats de la SdN, et l historien français Paul Mantoux ( ), interprète de Clemenceau pendant la Conférence de la paix et directeur de la prestigieuse section politique de la SdN. Il dirigera l institut de ses origines à L institut se livre à l étude scientifique des questions internationales contemporaines au point de vue historique, politique, juridique et économique. Il s agit, notamment, de promouvoir la coopération internationale en proposant une réflexion novatrice sur les grands défis du monde contemporain. Militer en faveur de la Société des Nations Associations 47 La violence de la guerre a suscité chez beaucoup de citoyens, dans de nombreux pays participant au conflit, la prise de conscience de la nécessité de l émergence d un nouvel ordre mondial, dans la lignée d un certain nombre de mouvements pacifistes qui prônaient la création d une institution internationale en faveur de la paix mondiale. Des associations ont donc vu le jour dès la guerre comme la League of Nations Society et la League of Nations Society britannique qui deviendront The League of Nations Union en Cette dernière comptera environ adhérents au milieu des années 1920 et plus de en Cette association influence surtout le parti libéral, moins les conservateurs excepté les influents Lord Robert Cecil et Austen Chamberlain. Ce groupe de pression organisera en 1935 un Peace Ballot en faveur du désarmement et de la sécurité collective en Grande-Bretagne : plus de 11 millions de Britanniques y participeront! 48 Aux États-Unis, c est la LTEP (League to Enforce Peace 35 ) qui de 1915 à 1923 va essayer de convaincre les Américains de croire en une organisation destinée à promouvoir sécurité collective et arbitrage. Elle organise à cette fin des meetings dans de nombreuses villes. La LTEP soutient le projet de Wilson lorsqu il est examiné par le Sénat afin d être ratifié et de permettre aux États-Unis d entrer dans la SdN, mais ne peut empêcher la défection finale. L organisation continue sans succès un travail d information stipulant que le coût d une participation des États-Unis à la SdN représenterait une somme ridicule par rapport aux dépenses militaires du pays. 49 En France, comme le confirme Jean-Michel Guieu 36, l'organisation d un mouvement français de soutien à la SdN a été plus longue et laborieuse qu ailleurs. L association La Paix par le Droit, la Ligue des droits de l Homme puis la Ligue pour une Société des Nations basée sur une constituante mondiale ne parviennent pas facilement à s entendre afin de former une seule association qui pourrait avoir un rôle plus important. Il faut attendre l automne 1918 pour voir naître l AFSDN (Association française pour la Société des Nations), mais ce n est qu un feu de paille puisqu un mois plus tard apparaît la Ligue française pour la société universelle des Nations. Devant la nécessité de participer à une union internationale des association pour la SdN, les associations françaises parviendront enfin à constituer en 1920 une fédération française des associations pour la SdN. Cette fédération n empêchera pas l apparition de nouvelles associations au cours des années 1920 et témoigne donc de leur influence limitée auprès du public français. Cependant il y a bien, comme le montre Christine Manigand, une «fermentation intellectuelle» qui, au contact des délégations du monde entier, s épanouira, surtout après 1945.

91 89 50 À ces trois exemples il faudrait en ajouter bien d autres. Ces associations essaient de peser sur les décisions de la SdN et sur celles des délégués. Elles envoient un courrier important, sollicitent des rendez-vous, proposent des dîners... Il est difficile d évaluer leur capacité réelle à infléchir la politique internationale dans le cadre de la SdN, mais elle fut sans doute pas négligeable, notamment dans le développement de l idée européenne 37. Les femmes et Genève, la clé de l égalité? 51 Avant même d être présentée sur les fonds baptismaux, la SdN suscite un engouement particulier auprès des associations féministes. Elles y voient le moyen de faire progresser leurs préoccupations politiques (la paix notamment) et sociales et bien sûr la cause des femmes au niveau international. Mais la nouvelle organisation internationale peut aussi faire office de cheval de Troie pour améliorer les législations nationales (suffrage féminin, égalité...). La SdN est un «atout dans leur stratégie 38». Et de fait, un travail tout à fait considérable sera réalisé via la SdN. 52 Le rapport de la SdN avec les femmes fait partie des aspects qui ont suscité le moins de travaux de la part des historiens. Il existe cependant des études anciennes 39, des plaquettes éditées vers la fin des années Mais toutes ne recouvrent que partiellement le sujet. Les recherches les plus intéressantes sont récentes mais essentiellement axées sur les rapports entre l organisation internationale et les mouvements féministes Il y a beaucoup de femmes chaque fin d été et au début de l automne à Genève dans l entre-deux-guerres. La presse, les témoins et écrivains de l époque en dressent un portrait saisissant. 54 D abord, la SdN est parfois assimilée à une femme. Officiellement ce n est pas le cas : les tampons émis par l organisation, les médailles commémoratives parfois éditées ne représentent jamais la SdN sous la forme d une allégorie féminine. C est la presse qui s en charge. La pauvre allégorie, tantôt nommée «Miss SdN», «Miss Genève» et même «la Vénus de Genève», est souvent ridiculisée, incapable de réagir, faible. Mais ce sont les femmes qui assistent aux débats, les déléguées et les diplomates auxquels les journalistes s intéressent avant tout, avec un sexisme, voire un antiféminisme peu mesuré. Les femmes jouent un rôle très actif dans les commissions. [...] La cinquième commission s occupant des questions sociales et humanitaires est l antre habituel de ces vestales de la diplomatie, plus intelligentes que séduisantes. 42 Dans les bancs du public, il y a des femmes, beaucoup de femmes. La curiosité féminine n est pas un vain mot. Elles ont vite fait de repérer les vedettes et leurs yeux ne s en détachent plus. [...] La chaleur est accablante. Le seul fait d écouter fait perler aux tempes des gouttelettes de sueur. [...] À la fin des séances plénières, les femmes ont perdu leur fard. Mais elles consentent à s enlaidir pour l amour de la politique. Des femmes, il y en a aussi beaucoup parmi les journalistes. Elles grillent des cigarettes et sténographient des discours. Les plus jeunes et les plus élégantes sourient. 43 Cette année, à côté des éléments féminins des délégations, il y a toute une série de nouvelles recrues, venues à Genève par snobisme. La SdN est devenue un spectacle à la fois populaire et mondain, qui attire les masses en quête de l avenir [...] et les charmantes mondaines un peu lasses des dernières saisons de danse, ce qui faisait dire hier à un délégué érudit : «On demande des calculatrices, on envoie des danseuses.» 44

92 90 55 Les auteurs dramatiques Francis de Croisset et Robert de Fiers ont écrit une comédie, inachevée, dont le titre a connu un très grand succès et a servi, des années durant, à qualifier les mondaines qui partent pour Genève de «précieuses de Genève 45». Ils proposent une véritable satire au vitriol de ces mondaines qui préfèrent la cité du Léman plutôt que Cabourg, où l on s ennuie et où l une des protagonistes, Yvonne, devrait faire du crochet avec sa belle-mère et voir son beau-père sommeiller sous une ombrelle, alors que «tous les gens chics vont maintenant à Genève». On peut y rencontrer les grandes figures des relations internationales mondiales, mais on peut aussi y faire la fête, séduire les jeunes attachés d ambassade anglais ou des diplomates plus en vue, même si les précieuses ne veulent pas le reconnaître devant leurs maris. «Ah! te voilà jaloux, maintenant! Mais, à t entendre, la Société des nations serait un lieu de rendez-vous, c est admirable! Comme si ce n était pas là qu on rencontre le plus de femmes sérieuses 46!» Les «précieuses» sont particulièrement actives pendant l «ère Briand», après 1931 leur présence est moins remarquée : «Déroute des précieuses. Les précieuses de Genève semblent avoir totalement disparu de la surface du globe. Où est-il le temps où la comtesse de Noailles, la princesse d Arenberg, la marquise de Crussol, M me Suzanne Schreiber, M me Louise Weiss, M me Van Diest et leur suite aussi collectionnaient les entretiens bruyants avec les «ténors» de la session? Il n y a pour ainsi dire plus de femmes, et les grands séducteurs ont bien du chagrin. M. Léger est désespéré 47.» 56 Futile à première vue, le phénomène des «précieuses de Genève» doit donc être perçu à sa juste dimension, comme un témoignage original et pertinent de l importance de Genève dans les relations internationales de l entre-deux-guerres. Bien que mis en avant par des antiféministes, il atteste une prise de conscience, un intérêt et un engagement croissant des femmes dans la vie politique, économique et sociale de leur temps. Car, si brillante soit-elle, la raillerie ne doit pas faire oublier l important travail réalisé par les femmes en faveur des relations internationales, comme fonctionnaires ou comme déléguées, ni l attention bienveillante et la vigilance des représentantes d associations féminines et de journalistes. Pour beaucoup de femmes, la SdN est une tribune, où l on peut faire entendre la cause des femmes, où elles peuvent exposer leurs préoccupations sociales (protection de l enfance, abolition de l esclavage, contrôle des stupéfiants...) et politiques (la paix) : «Ce que nous allons faire, monsieur? Ce que seules des femmes peuvent concevoir : une morale nouvelle, pauvre être! Et la paix du monde sur la terre, malheureux 48!» 57 Nous avons déjà évoqué le rôle des associations féminines dans la participation des femmes au Secrétariat de la SdN. Toutefois elles participent aussi aux délégations et à des commissions. 58 Chaque année l Assemblée se réunit à Genève au début de l automne pendant quelques semaines. Chaque État membre envoie une délégation de trois membres, accompagnés de trois suppléants, de délégués techniques ou experts et de secrétaires et interprètes. Les gouvernements peuvent désigner les membres des délégations à leur convenance. Cependant la SdN encourage les gouvernements des États membres à comprendre des femmes dans les délégations et surtout les organisations féministes exercent de fortes pressions sur les gouvernements afin de permettre le choix de femmes dans les délégations. On peut prendre l exemple français 49. Les associations féministes françaises constatent le retard de la France par rapport à beaucoup d autres nations. À partir de 1928, elles demandent régulièrement au ministère des Affaires étrangères la nomination de déléguées ou au moins de déléguées suppléantes ou de conseillères. Des

93 91 associations différentes soutiennent chacune des candidates et se mènent une lutte sans merci. En 1932, le gouvernement dirigé par Édouard Herriot finit par céder et désigne Germaine Malaterre-Sellier ( ) comme conseiller technique. Elle occupera cette fonction de 1932 à Là encore, les femmes sont très peu nombreuses, cependant leur nombre a tendance à croître à partir de la fin des années Au total, 16 femmes participent à l Assemblée comme déléguées, 160 comme déléguées adjointes et 42 comme expertes. En 1920, les deux premières catégories représentent seulement un peu plus de 1 % des délégués pour monter à 6,3 % en Il n y aura pas de déléguées à part entière avant En 1920, il n y a que 2 déléguées adjointes et 1 conseillère technique ; en 1931, 3 déléguées, 8 déléguées adjointes et 3 expertes ; en 1938,1 déléguée, 14 déléguées adjointes et 3 expertes. 60 Si le nombre de déléguées est limité, celui des nations représentées est honorable et bien plus élevé que dans le Secrétariat. Au total, 37 nations ont accepté que des femmes fassent partie de délégations mais beaucoup d'entre elles sont à des postes subalternes (secrétaires, interprètes...). 61 Les pays qui ont le plus fréquemment accepté des femmes dans leur délégation sont la Grande-Bretagne puis la Norvège et la Roumanie, l Australie, la Suisse et le Danemark, les Pays-Bas. Hormis la Roumanie, ce sont des États Scandinaves (depuis 1920) et certains pays anglo-saxons qui sont particulièrement représentés. Des pays ayant un important rôle dans la SdN comme la France n ont nommé de conseillères techniques qu à partir de 1932 et jamais de déléguées. Les Suisses ne sont pas un exemple non plus, les Suissesses n occupant que des postes subalternes. 62 Contrairement au Secrétariat où les fonctionnaires sont des quasi-inconnues, les membres des délégations sont souvent des personnalités reconnues dans leur pays voire dans le monde entier. Elles ont souvent été les premières à obtenir certains postes. Prenons l exemple de la Russe Alexandra Kollontaï ( ). Elle s est fait connaître par ses œuvres, comme Bases sociales de la question féminine (1908), Les Amours des abeilles travailleuses (1923) et pour ses positions sur l union libre, les femmes célibataires, la sexualité. Lorsque les Bolcheviks prennent le pouvoir, elle devient commissaire du peuple aux affaires sociales ( ). Elle est la seule femme du gouvernement formé par Lénine et la première femme ministre de l histoire. En 1923, elle entame une carrière diplomatique et devient la première femme nommée chef d une délégation commerciale (à Oslo) puis, l année suivante, la première ambassadrice en Norvège ( ). Elle sera ensuite nommée à Mexico ( ), à nouveau à Oslo ( ) et à Stockholm ( ). De 1935 à 1938, elle est nommée déléguée à part entière et déléguée adjointe. Elle est la seule femme à avoir participé aux travaux du Conseil en septembre Certaines femmes sont aussi d ardentes militantes dans des associations nationales et transnationales (l Allemande Gertrude Baümer est présidente du Bund Deutscher Frauen, la Française Germaine Malaterre-Sellier est en 1928 présidente de la section de la paix du Conseil national des femmes, vice-présidente de l Alliance internationale des femmes). 63 L Assemblée ouverte, le travail est réparti suivant six commissions (sept à partir de 1938) dans lesquelles toutes les délégations ont la possibilité d être représentées. Chacune élit un président et un rapporteur, qui présentera un rapport et les conclusions des travaux devant l Assemblée. Celle-ci vote alors l adoption ou le rejet des propositions. Chaque commission a une activité bien précise. Les femmes commencent à participer aux commissions à partir de 1921 et leur nombre croît petit à petit. Elles sont 5 en 1921, 22

94 92 en 1930 et 42 en Leur présence paraît donc de plus en plus acceptée, La participation des femmes se concentre surtout dans le travail d une seule section. Sur les 386 femmes ayant participé aux commissions (certaines plusieurs fois) en tant que déléguées, déléguées adjointes et expertes, 52,5 % sont regroupées dans la cinquième commission (questions sociales). Elles participent aussi régulièrement à la première commission (questions juridiques), à la deuxième (questions techniques) et à la sixième (questions politiques). Elles sont très peu représentées dans les troisième (réduction des armements) et dans la quatrième (questions financières). 64 Les femmes ont pu aussi avoir des déléguées dans des commissions permanentes ou temporaires créées pour continuer le travail des six commissions qui œuvrent chaque automne dans le cadre des sessions ordinaires de l Assemblée. Ces commissions sont généralement consultatives. Les femmes ont participé à certaines commissions : la commission permanente des mandats (Anna Bugge Wicksell, Valentine Dannevig), la commission permanente de l hygiène (D r Alice Hamilton), le comité pour la répression de la traite des femmes et des enfants (Adrienne Avril de Sainte-Croix y participe de 1922 à 1936, Gertrud Baümer, Elsa Matz, Annie Baker, Grace Abbott, Estrid Hein, M me Curchod- Secrétan, baronne de Montenach), dans la commission consultative du trafic de l opium (Hamilton Wright) et dans la commission internationale de coopération intellectuelle (participation de Marie Curie, Gabriela Mistral, Kristine Bonnevie). Ces commissions sont nommées par le Conseil et composées de délégués des États ; elles ne recouvrent pas forcément celles des délégations traditionnelles. NOTES 1. Ludovic Nadeau, L Illustration, n o 4887, 31 octobre 1936, p Alfred Dufour, Histoire de Genève, Paris, PUF, coll. «Que sais-je?», n o 3210,1997, 127 p. ; Encyclopédie de Genève, 8. Genève, ville internationale, Genève, Association de l encyclopédie de Genève, 1990, 293 p. ; Antoine Fleury, «L Enjeu du choix de Genève comme siège de la Société des Nations», in L Historien et les relations internationales. Recueil d études en hommage à Jacques Freymond, Genève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1981, p Claude Tapia et Jacques Taieb, «Conférences et congrès internationaux de 1815 à 1913», Relations internationales, n o 5,1976, p «Le Siège de la Société est établi à Genève. Le Conseil peut à tout moment décider de l établir en tout autre lieu.» 5. Robert de Traz, L Esprit de Genève, Paris, Grasset, 1929, p. 49. Existe désormais en collection de poche avec une préface d Alfred Dufour (Lausanne, Éditions l Âge d Homme, coll. «Poche suisse», n o 139,1995). 6. Ibid., p Ibid., p Genève Concours pour le palais des Nations. Projets d architecture pour la cité universelle, Genève, Institut d architecture de l université de Genève, 1995, 63 p. Lire aussi Jean-Claude Pallas, «L'histoire du palais des Nations», in First Organization for the Establishment of World Peace, Geneva/New York, United Nations Publications, 1996, p

95 93 9. Requête de MM. Le Corbusier et P. Jeanneret à M. le président du Conseil de la Société des Nations, Paris, Imprimerie Union, 1931, 35 p. Voir articles «Genève», «Palais des Nations» et «Stratégies de projet», in Le Corbusier, une encyclopédie, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1987, p et Le Corbusier livre sa conception du dossier dans Une maison. Un palais, Paris, Éditions Crès, coll. «L Esprit nouveau», 1928, 229 p. 10. Genève , op. cit., p Albert Cohen, Belle du Seigneur, Paris, Gallimard, coll., «Folio», n o 3039,1968, p Jo Frémontier, José Maria Sert. La rencontre de l extravagance et de la démesure, Paris, Les Éditions de l Amateur, 2008, p ; Collectif, Le patrimoine culturel du palais des Nations, Les peintures murales de José Maria Sert, New York, Éditions des Nations Unies, 1985, 32 p. 13. Geneviève Tabouis, Ils l ont appelée Cassandre, New York, Éditions de la Maison française, 1942, p Robert de Traz, L Esprit de Genève, op. cit., p Le testament de Genève. 10 années de coopération internationale, Paris, Georges Lang, 1931, 38 p. ; Au banquet des nations, Derso et Kelen, 1937, 34 p. 16. Commémoration du soixantième anniversaire de la première assemblée de la Société des Nations réunie à Genève le 15 novembre 1920, Genève, 1980, p. 51 ; Antoine Fleury, «La Suisse et Radio Nations», in The League of Nations in Retrospect, Berlin/New York, De Gruyter, 1983, p Les nuitées sont multipliées par 4,4 entre 1922 et 1938, elles passent de à L Hôtellerie genevoise, Genève, Société des hôteliers de Genève, 1993, p Elles retombent par la suite : en 1940 du fait des risques de guerre et du déclenchement de cette dernière qui entraîne la fin des déplacements touristiques et de celle de nombreuses délégations. 18. Geneviève Tabouis, 20 ans de suspense diplomatique, Paris, Albin Michel, 1958, p Témoignage de Jean Daridan accordé à l auteur le 21 octobre Gérard Bossuat, Les fondateurs de l Europe, Paris, Belin, 1994, p ; Michel Marbeau, «Un acteur des nouvelles relations multilatérales : le SFSdN», Matériaux pour l histoire de notre temps, n o 36, 1994, p. 18 ; Élisabeth du Réau, L idée d Europe au XX e siècle, Bruxelles, Complexe, 1996, p Voir aussi AMAE, SdN, UE, 1, p ; compte rendu, résumé des échanges tenus entre les participants, ainsi que la liste des invités. 21. L Illustration, sans date, cité sur une carte émise par la brasserie. 22. Commémoration du soixantième anniversaire..., op. cit., p Paul Claudel, «La peinture espagnole», in Œuvres en prose, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1965, p Ce texte reprend «Le Prado à Genève» paru initialement dans La Revue de Paris les 15 décembre 1939 et 1 er janvier Voir 15, 26 juillet, 17 et 30 août 1939 dans Journal, II ( ), Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1969, p. 277, 279 et Paul Claudel, «La peinture espagnole», art. cit., p. 211 et «Le sauvetage des trésors du Prado», Le Temps, samedi 9 avril Robert de Traz, L Esprit de Genève, op. cit., p Geneviève Tabouis, 20 ans de suspense diplomatique, op. cit., p Théodore Deltchev Dimitrov, Louis-Ferdinand Céline (docteur Destouches) à la Société des Nations ( ). Documents, Genève/Gex, Foyer européen de la culture, Marta Aleksandra Balinska, Une vie pour l humanitaire. Ludwik Rajchman , Paris, La Découverte, coll. «L'espace de l histoire», 1995, p Louis-Ferdinand Céline, Bagatelle pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, 379 p. 32. Marta Aleksandra Balinska, Une vie pour l humanitaire..., op. cit., p Georges Walker, Marie-Thérèse Maurette, pionnière de l éducation internationale, Genève, École internationale de Genève, 2009, 87 p. 34. L institut est devenu depuis sa fusion avec l Institut universitaire d études du développement en 2008 l Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID).

96 Ruhl J. Bartlett, The League to Enforce Peace, op. cit. 36. «Pour la paix par la Société des Nations. La laborieuse organisation d'un mouvement français de soutien à la Société des Nations ( )», Guerres mondiales et conflits contemporains, n o 222, 2006/2, p , Voir aussi Christine Manigand, Les Français au service de la Société des Nations, Berne, Peter Lang, 2003, p Jean-Michel Guieu, «L'Europe des militants français pour la Société des Nations, d'un aprèsguerre à l autre ( )», in Katrine Rücker et Laurent Warlouzet (dir.), Quelle(s) Europe(s)? Nouvelles approches en histoire de l intégration européenne, Berne, Peter Lang, 2006, jmguieu.free.fr/recherches/articles_pdf/guieu_europe_militants_sdn.pdf. 38. Christine Bard, Les filles de Marianne. Histoire du féminisme , Paris, Fayard, 1995, p Ki-Tcheng, La femme et la Société des Nations, thèse de doctorat en droit, Paris, Les Presses modernes, 1928,131 p. 40. Dorothea Mary Northcroft, Women at Work in the League of Nations, London, Page & Pratt, 1925, 32 p. Rééd. Wadsworth & Co., The Rydal Press, 1928, 40 p. 41. Voir Karen Offen, European Feminisms A Political History, Stanford (Californie), Stanford University Press, 2000, p (chap. 12 : «Globalizing and Politicizing European Feminist International Activity, »). Lire surtout le remarquable travail malheureusement peu accessible de Carol Ann Miller, Lobbying the League : Women s International Organizations and the League of Nations, thèse pour le grade de docteur en philosophie, Université d Oxford, 1992, 328 p. L auteur a résumé son travail dans «Geneva. The Key to Equality : Interwar Feminists and the League of Nations», Women s History Review, vol. 3, n o 2,1994, p Voir aussi notre article : «Les Femmes et la Société des Nations», in Yves Denechère et de Jean- Marc Delaunay (dir.), Femmes et relations internationales au XXe siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2007, p L. Valquière, «La Liberté à Genève. Impressions de séance et de couloirs», La Liberté, dimanche 12 septembre Fernand Gigon, «La capitale du monde», L Illustration, 20 septembre L. Valquière, «La Liberté à Genève...», art. cit. 45. Francis de Croisset, Le souvenir de Robert de Fiers suivi de Robert de Fiers et Francis de Croisset, Les précieuses de Genève, Paris, Éditions des Portiques, 1929, 214 p. Cette comédie en trois actes a été publiée inachevée. Après la mort de Robert de Fiers (en 1927), Francis de Croisset a préféré la publier en l état. Ce texte est passé pour une critique en règle de la SdN, alors que pour Francis de Croisset, «quoi qu'on en ait dit, elle ne devait, à aucun moment, devenir une satire de la société des Nations, mais bien de certains de ses satellites» (p. 75). 46. Robert de Flers et Francis de Croisset, Les précieuses de Genève, op. cit., p Candide, rubrique «Oui et non», jeudi 26 septembre 1935», p Robert de Flers et Francis de Croisset, Les précieuses de Genève, op. cit., p Michel Marbeau, «Une timide irruption. Les femmes dans la politique étrangère de la France dans l entre-deux-guerres», in Yves Denéchère (dir.), Femme et diplomatie. France-XX e siècle, Berne, Peter Lang, 2004, p Voir aussi Sabine Dullin, Des hommes d influences. Les ambassadeurs de Staline en Europe , Paris, Payot, 2001, 383 p.

97 95 Chapitre 5. Les organismes liés à la Société des Nations Le BIT (Bureau international du travail) 1 1 L idée de protection légale des travailleurs est curieuse. Avant même le développement international du mouvement ouvrier (Internationale ouvrière de 1864), des précurseurs comme le Gallois Robert Owen (dès 1816) ou le Français Daniel Le Grand dans l industrie textile réclamaient l instauration d une législation internationale de protection des travailleurs. Mais il faut attendre l extrême fin du siècle et le début du suivant pour voir naître des initiatives concrètes. Deux conférences internationales pour la protection ouvrière (Berlin en Berne en 1897) n aboutirent à aucun résultat probant. Les premiers succès relatifs reviennent aux milieux économiques qui permettent la fondation de l Association internationale pour la protection légale des travailleurs en 1901, qui crée à son tour l Office international du travail la même année, dont le siège est fixé à Bâle. Il s agit d étudier les carences de la législation dans ce domaine et de pousser des États à signer des conventions, comme la «Convention internationale sur l interdiction du travail de nuit des femmes employées dans l industrie» signée à Berne en 1906, applicable dans la plus grande partie de l Europe et dans l Empire britannique. Si intéressant soient-ils, les résultats sont encore limités car les États ne les prennent pas en compte. Pendant la Grande Guerre, des voix s élèvent pour qu une conférence ouvrière ait lieu parallèlement à une conférence de la paix. 2 Cet appel fut entendu : les vainqueurs souhaitent obtenir la paix sociale et ne veulent pas voir se répandre les mouvements révolutionnaires. Le 25 janvier 1919, la commission de la législation internationale du travail est créée afin de rédiger les clauses sociales du traité, elle est présidée par Samuel Gompers, dirigeant de l AFL (Americain Federation of Labour). La commission, partant du constat que «la paix universelle ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale», élabore la constitution de l OIT (Organisation internationale du travail), qui est intégrée au traité de Versailles (partie XIII) et aux divers traités. Les motivations des membres de la commission sont clairement exposées dans le préambule de cette constitution de 40 articles, elles sont triples : premièrement, les conditions déplorables de trop nombreux de travailleurs («il existe des conditions de

98 96 travail impliquant pour un grand nombre de personnes l injustice, la misère et les privations») sont de moins en moins bien acceptées, il faut les atténuer. Deuxièmement, l injustice «engendre un tel mécontentement que la paix et l'harmonie universelle sont mises en danger» : s il n y a pas d améliorations, les risques de troubles sociaux et de révolutions sont importants. Troisièmement, il est nécessaire que les mesures prises le soient à l échelle mondiale et non locale. En effet, toute réforme sociale a d inévitables conséquences sur les coûts de production. Or tout pays s engageant seul dans un tel processus voit son industrie désavantagée face à ses concurrents, ainsi «la non-adoption par une nation quelconque d un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays». 3 Tout comme la SdN, l OIT est composée de trois institutions : la CIT (Conférence internationale du travail), le conseil d administration et le BIT. 4 La CIT se réunit une fois par an avec les représentants des États membres. Chaque État a droit à quatre délégués : deux gouvernementaux, un patronal et un ouvrier. Chacun dispose d une voix et vote en fonction de son opinion. Les débats peuvent aboutir à des conventions (votées aux deux tiers des délégués au moins) et à des recommandations (votées à la majorité simple). Les conventions doivent permettre l unification des règles appliquées par les États dans le domaine de la protection du travail. Les projets de convention votés sont transmis aux États qui doivent les soumettre à leur parlement. Si ces derniers les approuvent, l État doit les appliquer en modifiant leur législation. Les recommandations n ont aucun caractère obligatoire. La première session annuelle de la CIT s est réunie à Washington le 29 octobre Le conseil d administration, lui aussi tripartite, est formé de 24 membres : 12 délégués gouvernementaux (8 permanents émanant des plus grands États industriels, les 4 autres sont choisis pour 3 ans parmi les autres pays), 6 délégués patronaux et 6 délégués ouvriers (tous choisis pour 3 ans et élus par leurs délégués respectifs de la conférence). Le conseil désigne le directeur du BIT et les membres des commissions techniques, arrête le budget, fixe l ordre du jour de la conférence et surveille l activité du BIT. 6 Ce dernier, enfin, est le secrétariat permanent de l OIT. Son siège, après avoir été brièvement à Londres et Gênes, est situé à Genève (dans la propriété Thudichum). Le BIT est un organe autonome, qui dépend de la SdN pour son budget. Il est dirigé par une homme admirable ayant une forte personnalité et travailleur infatigable, Albert Thomas ( ). (Ce dernier, normalien, historien, fait partie de ces socialistes (Jaurès, Andler, Blum, Péguy...) gagnés à cette idéologie par le bibliothécaire de l École normale supérieure, Lucien Herr. Député-maire de Champigny-sur-Marne, il a été secrétaire d'état puis ministre de l Armement pendant la guerre ainsi que l organisateur de l économie de guerre. Il a démissionné en 1917, lorsque la SFIO se retire de l Union sacrée. Outre l immense travail qu il accomplit à Genève, il entreprend de très nombreux voyages à travers le monde afin de bien connaître la situation sur le terrain ; il affirme l indépendance de l OIT par rapport à la SdN et donne un grand crédit à son institution. Il meurt prématurément en On a souvent essayé d opposer son énergie à celle des secrétaires généraux de la SdN. 7 Les services du BIT sont répartis dans trois divisions : la division diplomatique (envoi des projets aux États membres, contrôle des procédures de ratification, de l application des conventions), la division des recherches (élaboration d études...) et la division des renseignements et des relations (réunion de l information, contacts avec les organisations

99 97 ouvrières, patronales...). Elle collabore par ailleurs avec la SdN et avec des commissions consultatives. La CPJI (Cour permanente de justice internationale) 8 Conformément à l article 14 du Pacte, le Conseil charge un comité consultatif de juristes de préparer un projet de cour permanente de justice internationale 3. Un statut est adopté en décembre 1920, qui doit être ratifié par la majorité des États membres pour entrer en vigueur. Le premier juge est élu en septembre La cour commence à fonctionner début Elle est composée de 15 membres élus pour 9 ans par l Assemblée et le Conseil sur une liste de personnes présentées par les groupes nationaux de la Cour d arbitrage. C est un corps de magistrats indépendants, ayant déjà occupé dans leur pays les plus hautes fonctions judiciaires. Si leur nationalité importe peu, ils sont censés représenter tous les principaux systèmes juridiques du monde. Ils se réunissent une fois par an, au palais de la Paix de La Haye, aux côtés de la Cour permanente d arbitrage. La SdN vote le budget et les nominations. 9 La cour a pour fonctions principales d éviter les conflits armés et de développer le droit international en édifiant progressivement une jurisprudence internationale. 10 Elle rend en premier lieu des «arrêts» (jugements). Elle peut être saisie par un État s il veut en assigner un autre. Celui-ci ne peut s abstenir de répondre, sous peine de s exposer à un jugement par défaut. 11 Elle peut en second lieu donner des avis consultatifs sur tout différend ou tout point qui lui est soumis par le Conseil ou l Assemblée. En pratique ces avis sont demandés par le Conseil, qui répond à une requête de gouvernements : la procédure est moins rigide et plus discrète que celle des jugements proprement dits. 12 De 1922 à la guerre, la CPJI a connu 29 procès entre États et rendu 27 avis consultatifs. En même temps étaient élaborés plusieurs centaines de traités, conventions ou déclarations qui lui attribuaient une compétence certaine pour telle ou telle catégorie de différends. 13 Bien que décriée, son impact a été très important puisqu elle a contribué à poser des bases d'un droit international naissant, à le préciser dans de nombreux domaines alors ambigus. On peut prendre l exemple de l affaire de l usine d azote de Chorzow entre les gouvernements allemand et polonais. En récupérant une partie de la Haute-Silésie, la Pologne s était emparé d une usine appartenant à des sociétés allemandes, en violation à un engagement international (Convention de Genève du 15 mai 1922) et à un arrêt de la CPJI (1926). L arrêt du 13 septembre 1928 met à la charge de la Pologne l obligation de réparer le préjudice lié à cette saisie. «C est un principe de droit international que la violation d un engagement entraîne l obligation de réparer dans les formes adéquates. [...] La réparation doit autant que possible effacer toutes les conséquences de l acte illicite et rétablir l état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n avait pas été commis.»

100 98 NOTES 1. Voir les ouvrages d'antony Alcock, History of the International Labour Organisation, London, Macmillan, 1971 et de l'ancien directeur général du BIT David A. Morse, The Origin and Evolution of the ILO and its Rôle in the World Community, Ithaca (New York), Cornell University Press, Voir aussi celui de Marc Montceau, L Organisation internationale du travail, Paris, PUF, coll. «Que saisje?», n o 836, Denis Guérin, Albert Thomas au BIT, De l internationalisme à l Europe, Genève, Institut européen de l université de Genève, coll. «Euroypa», 1996, 93 p., files/2914/0351/6342/guerin.pdf. Voir aussi le numéro 2 des Cahiers Irice : «Albert Thomas, société mondiale et internationalisme. Réseaux et institutions des années 1890 aux années 1930», 2008, 200 p. 3. La Cour permanente de justice internationale, livre trilingue (anglais, espagnol, français) publié en 1939, réédité en 2012,

101 Partie III. L œuvre politique, entre espoirs et crises ( ) 99

102 100 L œuvre politique, entre espoirs et crises ( ) 1 La tâche politique de la SdN n est pas mince. Elle comporte deux axes principaux : en premier lieu l'application et la gestion des traités de paix. Il lui appartient de trouver des solutions, de résoudre des situations délicates, que les négociateurs des grandes puissances n ont pas réussi à démêler auparavant. Sa deuxième grande tâche est de contribuer au maintien de la paix dans le monde, de régler au plus vite et pacifiquement les conflits internationaux. Mais en a-t-elle les moyens? L article 16 prévoit effectivement des sanctions contre tout Etat agresseur. Mais celles-ci sont essentiellement économiques. Les sanctions militaires ne sont pas obligatoires et si elles l étaient, la SdN ne disposerait d aucune force militaire internationale - la proposition des Français, conduits par Léon Bourgeois, ayant été fermement rejetée par les Anglo-Saxons pendant la Conférence de la paix. 2 Les résultats globaux de cette mission politique sont plutôt décevants. La guerre débute en 1937 en Asie, en 1939 en Europe. La SdN est légitimement jugée inefficace, discréditée. Ce jugement sévère doit cependant être nuancé. L organisation n a pas ménagé son ardeur pour tenter de résoudre les différends, en témoignent les multiples négociations, discussions qu elle impulse. Il convient également de s interroger sur la marge de manœuvre dont dispose la SdN dans ces situations : si les puissances ne lui donnent pas les moyens d agir, peut-elle résoudre les tensions internationales? N oublions pas, enfin, que la SdN a retardé, atténué voire empêché des conflits et qu elle a accompli sa tâche convenablement tant qu elle le pouvait.

103 101 Chapitre 1. La Société des Nations et l application des traités de paix L'administration du territoire de la Sarre 1 La Sarre fait partie des revendications françaises à l issue de la guerre 1. Ce territoire de km 2 (selon les limites fixées après le traité) et de habitants environ a été français de Louis XIV à 1815 et détient d importants gisements houillers qui compenseraient la destruction des mines du Nord et du Pas-de-Calais par les armées allemandes en retraite. La question sarroise suscite de houleux débats au sein du conseil des quatre, opposant Clemenceau aux deux dirigeants anglo-saxons, qui refusent l annexion. Ils finissent par s entendre le 9 avril 1919 et décident que la souveraineté du Reich sur ce territoire sera suspendue et confiée à une administration internationale contrôlée par la SdN, Ce sera la première expérience de gouvernement international. Les mines de charbon deviennent par la même occasion propriété de l État français. Un plébiscite est prévu 15 ans après la ratification du traité de paix afin de savoir si ce territoire réintègre l Allemagne, reste sous administration internationale ou est rattaché à la France. Ces décisions seront précisées dans les articles 45 à 50 du traité de Versailles. 2 Concrètement, l administration de la Sarre est confiée à une commission de gouvernement composée de cinq membres (un Français, un Sarrois, un Belge, un Danois et un Canadien), nommés pour un an (puis cinq ans), renouvelables, choisis par le Conseil de la SdN. Ils sont désignés en février 1920 et le préfet français Victor Rault en assume la présidence. La commission s installe à Sarrebruck. Elle dispose d une forte autorité et d une grande liberté d action. Elle est responsable de l ordre public et dispose d une division de soldats français. C est la première force militaire mise au service de la SdN par l un de ses membres. La commission est autorisée à nommer, révoquer les fonctionnaires et créer les organes administratifs et représentatifs qu'elle estime nécessaires. Elle gère le réseau ferré, essaie de veiller à l équilibre budgétaire du territoire. Mais en matière économique, sa marge de manœuvre est limitée. En effet, les mines, l une des principales richesses de la région, sont directement contrôlées par la France. Elles sont gérées par la régie française des mines, qui dépend du ministère des Travaux publics.

104 102 3 La commission connaît des débuts difficiles. Elle doit s imposer face à une population qui refuse ce statut : grève des services publics (août 1920), des cheminots... Elle n hésite pas à faire preuve d une grande fermeté pour obtenir le rétablissement de l ordre : proclamation de la loi martiale, appel aux troupes françaises. Chaque trouble de l ordre public se heurte à la même détermination : en 1923, la grève des mineurs sarrois consécutive à l occupation française de la Ruhr est sévèrement réprimée. 4 La SdN s efforce aussi de créer une forme d autonomie politique et judiciaire. Elle permet la création, en mars 1922, d un conseil consultatif (ou Landesrat) formé de 30 membres, tous élus au suffrage universel direct par la population sarroise. Ce conseil, sans réels pouvoirs, examine et donne son avis sur le budget et les projets d ordonnances qui modifient les anciennes lois ; il reflète les idées des Sarrois. Les premières élections ont lieu le 25 juin 1922 et sont remportées par le parti du Centre (Zentrum), peu favorable à la commission. Sur le plan judiciaire, la SdN favorise la création d une cour supérieure de justice à Saarlouis, chargée de transformer le droit local. Enfin, un comité d études de huit membres est chargé de préparer des lois. 5 Si l administration internationale a su se faire respecter par sa bonne gestion, favorisant l essor économique de la région, elle ne réussit pas à détourner les Sarrois de l Allemagne. Ils trouvent, non sans raison, que la commission est trop inféodée à la France. Ils attendent avec impatience le plébiscite. La protection et la garantie de la ville libre de Dantzig 6 Avant même les débats de la Conférence de la paix, la reconstitution d une Pologne indépendante fait partie des objectifs des Alliés (treizième point du président Wilson). Le nouvel État devait en outre bénéficier d un accès à la mer. Or cet accès n allait pas de soi puisque l Allemagne s étendait jusqu aux pays baltes. En 1919, la Pologne revendique un port de la basse Vistule, au bord de la mer Baltique à Dantzig 2. L Allemagne ne peut que s opposer à cette prétention - principe des nationalités oblige : plus de 90 % des habitants sont allemands et cela reviendrait à couper l'allemagne en deux. Contrairement au cas sarrois, temporaire, le statut de Dantzig est définitif. 7 Après de longues discussions, le comité des quatre parvient à un compromis au début du mois d avril 1919 : Dantzig et son arrière-pays immédiat deviennent une ville libre. Ôtée à l Allemagne, sa souveraineté ne passe pas pour autant entre les mains des Polonais : elle est placée sous l égide de la SdN, Dans le traité de Versailles, le cas de Dantzig est notamment examiné dans les articles 100 à 104 et La ville bénéficie d une assemblée du peuple (Volkstag) de 72 membres et d un sénat, élu par le Volkstag, qui a le pouvoir exécutif. Les élus ont élaboré une constitution démocratique le 11 août 1920, acceptée le 17 novembre par le Conseil de la SdN. Elle ne peut être amendée sans l accord de la SdN. Un haut commissaire de la SdN réside à Dantzig. Il veille à ce que la Constitution soit garantie et statue en première instance sur toutes les contestations qui viendraient à s élever entre la Pologne et la ville libre au sujet du traité. Contrairement à la commission de gouvernement de la Sarre, son pouvoir est en fait assez limité. Mais il peut opposer son veto à tout traité ou accord international s'appliquant à la ville de Dantzig. Le premier haut commissaire, Sir Reginald Tower, avait été administrateur temporaire nommé par les Alliés. Sa charge s achève en novembre

105 et son successeur, le général Sir Richard Cyril B. Haking, est nommé le 17 décembre Il prend ses fonctions en janvier D après l article 104 du traité, une convention doit stipuler que la ville libre est placée dans les limites des frontières douanières de la Pologne, assurer aux Polonais une zone franche dans le port, le libre usage des voies d eau, des docks, bassins, quais, etc., nécessaires au commerce de la Pologne. Le port est administré par un organe autonome appelé «conseil du port» et des voies d eau. Il est chargé de l exploiter et doit en assurer le libre usage à la Pologne. La convention doit aussi assurer à la Pologne le contrôle et l administration de la Vistule et de l ensemble du réseau ferré dans les limites de la ville libre ainsi que le contrôle de l'administration des communications postales, télégraphiques et téléphoniques entre la Pologne et le port de Dantzig. Aucune discrimination ne doit être faite au préjudice des Polonais, minoritaires. Les affaires extérieures de la ville doivent enfin être assurées par le gouvernement polonais. La convention est signée le 9 novembre 1920 à Paris. 10 On peut considérer que malgré de nombreuses controverses, tout a convenablement fonctionné jusque dans les année Mais les relations entre Dantzig et la Pologne vont en se détériorant, notamment à partir de la construction du port de Gdynia sur la Baltique par les Polonais, destiné à concurrencer la ville libre (1924). La protection des minorités 11 La question des revendications des nationalités opprimées en Europe a marqué les relations internationales de la fin du XIX e siècle à la première guerre mondiale 3. N oublions pas que c est cette question qui provoque le drame de Sarajevo le 28 juillet 1914, considéré comme l origine immédiate de la guerre. Il faut reconnaître que les empires, notamment celui d Autriche-Hongrie, avaient des frontières peu satisfaisantes du point de vue national, à tel point que dans ce dernier empire, les minorités slaves se trouvaient être majoritaires selon le recensement de 1910! 12 La Grande Guerre de entraîne l effondrement et l éclatement des quatre grands empires - austro-hongrois, russe, allemand et turc. Sur les décombres s édifient de nouvelles nations (Tchécoslovaquie, Pologne, Yougoslavie), d autres s étendent (Grèce, Roumanie, Italie) et les centres des empires sont réduits à de fragiles petits pays (Autriche, Hongrie). Ces changements entraînent des remaniements de frontières complexes que les grandes puissances essaient de gérer tant bien que mal pendant la Conférence de la paix de Paris en Mais il était illusoire de croire que la conférence pouvait régler en si peu de temps le résultat de centaines voire de milliers d années d incessantes migrations, guerres et invasions. Les territoires étaient habités par des populations inextricablement mélangées du point de vue ethnique, linguistique et religieux. Les progrès étaient tout de même spectaculaires : les transformations d après-guerre ont permis de réduire les minorités nationales de 60 à 20 ou 25 millions. Mais ce qui change surtout, c est l identité des minorités. Ce ne sont plus les mêmes, c est un renversement du statu quo ante. Le nouveau statut territorial s est en effet établi au détriment des nations vaincues. Ainsi, en Europe, ce sont les Allemands et les Hongrois qui deviennent des minorités dans certaines régions qu ils dominaient auparavant. Les populations du nouvel État tchécoslovaque, par exemple, ont été soumises pendant des siècles à l oppression des populations allemandes

106 104 et hongroises les méprisant et se sentant supérieures. Or ces dernières se trouvent subitement dominées. La Tchécoslovaquie englobe quelque 3 millions d Allemands, Hongrois et Juifs. 14 Bien que moins nombreuses, ces nouvelles populations minoritaires posent problème. Elles font entendre leur voix, disposent encore de moyens puissants à l intérieur des nouveaux pays - rappelons qu'elles constituaient la haute bourgeoisie et la noblesse terrienne de ces territoires - et de forts appuis extérieurs, comme l Allemagne. 15 Ces minorités pouvaient rapidement devenir une entrave à une paix désormais tant souhaitée. Les puissances ont alors imaginé à Paris un système de droits, plaçant les minorités sous la protection internationale et non pas sous celle d États comme ce fut le cas à partir du traité de Berlin de 1878 : la protection des minorités est placée sous la garantie de la SdN. Mais avant que la nouvelle institution ne s assure que les minorités sont bien respectées, les Alliés font signer des traités spéciaux relatifs à la protection des minorités aux nouveaux pays et à ceux qui ont obtenu une extension territoriale aux dépends des empires. Des chapitres spéciaux concernant ce problème sont aussi insérés dans les traités de paix signés par l Autriche, la Hongrie, la Bulgarie et la Turquie. Des engagements seront ensuite pris lors de la signature de la convention germano-polonaise sur la Haute-Silésie (15 mai 1922) et celle relative au territoire de Memel (8 mai 1924) et par l Irak, qui accède à l indépendance en Quels sont les droits et garanties des minorités, placées sous l égide de la SdN? Le droit à la nationalité, à la vie, à la liberté individuelle et à la liberté de culte ; le droit à l égalité devant la loi, à l égalité des droits civils et politiques, à l égalité de traitement et de garanties en droit et en fait ; droits relatifs à l usage de la langue minoritaire dans les relations privées et de commerce, en matière de religion, de presse ou de publications. Il s agit en quelque sorte d assurer aux minorités l égalité avec la majorité. 17 Le respect du droit des minorités est possible grâce à une grande innovation que l on redécouvre depuis quelques années sur le plan humanitaire : ce que l on appelle désormais le droit d ingérence. En effet, la SdN est autorisée à intervenir dans les affaires intérieures d un État si le droit des minorités n est pas respecté. Toute personne, association ou État peut adresser à la SdN des renseignements sur la situation d une minorité. Il est également possible d adresser des plaintes sous forme de pétitions. Comment la SdN peut-elle agir? 18 Le Secrétariat reçoit une pétition. Il vérifie préalablement si elle est recevable. Il la communique au gouvernement intéressé pour qu il formule des observations, puis il transmet pétition et observations aux membres du Conseil. Les documents sont examinés par trois membres du Conseil désignés par le président. Ce groupe est appelé «comité des trois» ou «comité de minorités». Il apprécie tous les éléments du dossier, aidé par la section des minorités (dirigée par le Norvégien Erik Colban puis par son second, l Espagnol Plablo de Azcarate), et décide si l infraction ou le danger d infraction mérite d être signalé à l attention du Conseil ou si les griefs ne sont pas fondés et donc la pétition rejetée. 19 Si l infraction est constatée, le Secrétariat entre en négociation avec un représentant du gouvernement incriminé. Si les discussions aboutissent à un résultat satisfaisant, la question est close, on n en parle plus. Ces débats se déroulent à huis clos, sans publicité et ne figurent dans aucun procès-verbal. Cette discrétion est préférable afin de ne pas mettre le gouvernement sur la sellette et surtout pour éviter des tensions

107 105 supplémentaires entre communautés. On pensait alors qu elles se rapprocheraient plus difficilement sous la contrainte. Si aucun accord n est trouvé, les membres du comité demandent l inscription du différend à l ordre du jour du Conseil et tout devient public et officiel. 20 D après Marie-Renée Mouton, 300 pétitions environ ont été reçues au Secrétariat de 1921 à 1928, 143 ont été jugées recevables. À deux exceptions près, le recours auprès de la CPJI de La Haye a toujours été évité. Le Conseil n est intervenu officiellement que 18 fois. Tous les autres cas ont été traités par le comité des trois. À partir de 1929, les pétitions affluent. L Allemagne profite de son entrée (depuis 1926) à la SdN pour se faire porteparole des anciens vaincus et stimule les pétitions. La situation deviendra très difficile à gérer lorsque les nazis accèdent au pouvoir, les minorités devenant une pièce maîtresse de leur politique d expansion. 21 La majeure partie des pétitions provient des minorités allemandes et hongroises. Celles-ci se plaignent d atteintes à la propriété privée (les minorités ont été lésées par des réformes agraires) et souhaitent marquer leur individualité culturelle. D une manière générale, ces pétitions sont européennes, au point que l on puisse parler, pour certaines parties de ce continent, d une véritable culture de la pétition chez des communautés conscientes de l intérêt du procédé et soutenues par leurs voisins. Le bilan est moins riche pour le Proche et le Moyen-Orient. Pourtant l Empire ottoman laissait une situation complexe à gérer. La plupart des territoires perdus sont devenus des mandats et les pétitions des minorités ont été traitées par les puissances mandataires et par la section des mandats. Les territoires indépendants - Turquie, Perse et Irak à partir de ont chacun des minorités : des Grecs, des Kurdes, des Assyriens... Mais peu de pétitions sont envoyées à Genève semble-t-il. Les historiens, trop européanocentristes, n ont pas encore bien défriché cette question. Le contrôle de l'administration des territoires sous mandat 22 Deux grands empires possédaient des colonies plus ou moins importantes : l Allemagne et l Empire ottoman. Plusieurs d entre elles ont d ailleurs été prises à l ennemi par les Alliés. Ces derniers entendent les annexer afin de compléter leurs propres empires. Les nations alliées s étaient partagés ces colonies en secret. Lorsque le président Wilson envisagea de confier à une nouvelle organisation internationale les territoires pris à l Allemagne et à l Empire ottoman pour qu elle les administre elle-même ou que leur gestion soit confiée à de petits États, la France et la Grande-Bretagne réagirent avec virulence. Après d âpres discussions, un compromis est adopté le 30 janvier Il deviendra ultérieurement l article 22 du Pacte, l un des plus longs. Il permet, au moins dans les régions concernées, de limiter le colonialisme sans frein. 23 Bien que les territoires en question ne soient pas directement administrés par la SdN, cet article marque une conception nouvelle de la gestion des colonies : elles sont pour la première fois soumises à un contrôle international. Les puissances mandataires ne peuvent pas faire ce qu'elles veulent. L autre grande innovation est l objectif recherché par la SdN : le premier alinéa stipule que «le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation».

108 Comme ces territoires «sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne» ( 1), ils seront placés sous la tutelle des «nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d assumer cette responsabilité» ( 2). Ils n administreront pas ces territoires en leur nom propre mais «en qualité de Mandataires et au nom de la Société» ( 2). Le septième alinéa précise que les puissances mandataires doivent rendre compte de leur gestion : «le Mandataire doit envoyer au Conseil un rapport annuel concernant les territoires dont il a la charge». Le Conseil ne pouvant tout assumer seul, «une commission permanente sera chargée de recevoir et d examiner les rapports annuels des mandataires et de donner au Conseil son avis sur toutes questions relatives à l exécution des mandats» ( 9). Cet organe consultatif du Conseil, composé de neuf puis de dix membres en septembre 1927 après l entrée de l Allemagne dans la SdN, se réunit une fois par an jusqu en 1925, deux fois par la suite. Au moins cinq de ses membres ne peuvent être issus des puissances mandataires et ne doivent pas être liés à un gouvernement, afin d éviter toute pression. Outre l étude des rapports et l audition des administrateurs des territoires, la commission étudie les pétitions envoyées par les populations des mandats et, si elles lui paraissent justifiées, peut demander des explications à la puissance mandataire et lui adresser des recommandations. 25 Le secrétariat permanent de cette commission est la section des mandats du Secrétariat. Elle prépare le travail de la commission, du Conseil et de l Assemblée dans ce domaine ; elle correspond avec les gouvernements des puissances mandataires ; elle collecte, classe et diffuse une importante documentation sur les mandats. La section a été d abord dirigée par l une des personnalités les plus marquantes du Secrétariat, l universitaire suisse William Rappard, qui bénéficie d'un personnel très compétent, loin du médiocre et paresseux Adrien Deume croqué par Albert Cohen dans Belle du seigneur : Aussitôt entré, son premier regard fut, comme toujours, pour la caissette des entrées. Non de Dieu, quatre nouveaux dossiers! Seize en tout avec les douze d hier! Et tous pour action! Pas un seul pour information! Charmante réception pour quelqu un qui revenait de congé de maladie. Oui, d'accord, certificat de complaisance [...]. Lutteur se préparant au combat, il retroussa ses manches, se pencha sur le Syrie (Djebel Druze), le referma. Non, décidément, il n'avait pas d atomes crochus avec ce dossier. À revoir ultérieurement lorsqu on serait dans l état d esprit adéquat! Il le fourra dans le dernier tiroir de droite, qu il appelait le purgatoire ou encore la léproserie, réceptacle des dossiers écœurants dont il ne s occupait que les jours de courage. [...] Le second dossier, pris au hasard, se trouva être le N/600/300/42/4, Correspondance avec l Association des Femmes juives de Palestine, déjà feuilleté la veille. Toujours à se plaindre de la Puissance mandataire, celles-là! Mince de culot, vraiment! Il y avait tout de même une différence entre une association de youpines et le gouvernement de Sa Majesté Britannique! Les faire attendre un mois ou deux, ça leur apprendrait. Ou même ne pas leur répondre du tout! Aucun danger, c était du privé. Allez, hop, au cimetière! Il lança le maigre dossier dans le dernier tiroir de gauche, réservé aux travaux qui pouvaient être oubliés à jamais et sans risque Les reproches que l on pouvait faire à la commission ou à la section n étaient pas l incompétence mais l absence d enquête sur place. Elles ne disposaient également d aucun pouvoir de contrainte territoires deviennent des mandats. Ils sont situés dans trois espaces géographiques bien distincts. Les Allemands disposaient de colonies en Afrique (Togoland, Cameroun,

109 107 Sud-Ouest africain, Tanganyika, Ruanda-Urundi 5 ) et dans le Pacifique (Nouvelle-Guinée orientale, Samoa, Nauru et l ensemble des archipels des Mariannes, des Carolines et des Marshall). Enfin, l Empire ottoman doit abandonner la Syrie, le Liban, la Palestine et l Irak au Proche et au Moyen-Orient. Ces territoires représentent près de 20 millions de personnes et 2,6 millions de km 2 28 Les mandats n ont pas tous le même statut. On distingue trois catégories A, B et C «suivant le degré de développement du peuple, la situation géographique du territoire, ses conditions économiques [...]» ( 3). Les mandats A «ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l aide d un Mandataire guident leur administration jusqu au moment où elles seront capables de se conduire seules» ( 4). Seules les anciennes colonies de l Empire ottoman entrent dans cette catégorie. Dans les mandats B, le degré de développement où se trouvent les peuples «exige que le Mandataire y assume l administration du territoire» ( 5), à condition qu il sauvegarde les droits et les intérêts des populations. Toutes les anciennes colonies africaines de l Allemagne entrent dans cette catégorie, excepté le Sud-Ouest africain. Les mandats C enfin «ne sauraient être mieux administrés que sous les lois du Mandataire, comme une partie intégrante de son territoire» ( 6) à cause «de la faible densité de leur population, de leur superficie restreinte, de leur éloignement des centres de civilisation, de leur contiguïté géographique au territoire du Mandataire». 29 Ce n est pas la SdN qui distribue les colonies aux puissances mandataires. La plupart des Alliés occupent et administrent déjà ces territoires. Le partage officiel des dépouilles entre les vainqueurs a lieu en mai et août 1919 pour les colonies africaines et pacifiques et le 25 avril 1920 à San Remo pour les anciens territoires turcs, sans attendre la signature de paix avec ce pays. 30 La Grande-Bretagne obtient le Tanganyika, une partie du Togoland et du Cameroun, la Palestine et l Irak. La France contrôle désormais la majeure partie du Togo et du Cameroun, la Syrie et le Liban. La Belgique obtient le Ruanda-Urundi. Le Japon peut conserver l ensemble des archipels des Mariannes, des Carolines et des Marshall. Les dominions britanniques récupèrent le Sud-Ouest africain (Afrique du Sud), la Nouvelle- Guinée orientale (Australie), les Samoa (Nouvelle-Zélande) et Nauru (l Empire britannique collectivement). 31 Les puissances mandataires ont globalement rempli leur contrat, fournissant régulièrement rapports et informations à la commission permanente des mandats. Mais elles ont malgré tout trop souvent pris l habitude de les gérer comme leurs autres colonies sans penser au bien-être et au développement des peuples. Parmi les différents mandats, ce sont ceux du Proche et du Moyen-Orient qui ont fait le plus parler d eux. C est aussi là que la situation était la plus originale puisque les puissances mandataires étaient censées préparer les pays à l autonomie et par là même à l indépendance. 32 Comme en matière coloniale traditionnelle, la différence entre la France et la Grande- Bretagne est notable. La première, par l intermédiaire des hauts commissaires de la République au Levant (les généraux Gouraud, Weygand et Sarrail et les civils de Jouvenel et Ponsot), a gouverné de manière autoritaire et directe en ne laissant guère de place à une administration indigène. La France se permet de restructurer ses territoires. Ainsi elle favorise la formation du «Grand Liban», en séparant de la Syrie l ancien vilayet ottoman du Liban. La SdN entérinera cette partition en Mais à Damas, ce Liban est considéré comme une création coloniale arbitraire. Les Français balkanisèrent ce qui

110 108 restait de la Syrie en trois «États» autonomes, Alep, Damas et les Alaouites - puis deux par la fédération des deux derniers-, et deux districts séparés, le Sandjak d Alexandrette et le Djebel Druse. Weygand fédéra à nouveau les deux «États» d Alep et de Damas pour constituer l État de Syrie. Les maladresses du général Sarrail entraînent une vigoureuse révolte du Djebel Druse en 1925 qui suscite partout une forte résistance anti-française, jusqu à Damas. Il faudra deux ans aux Français pour permettre un retour à l ordre. C est à partir de ce moment que la France essaie de mettre en place des institutions nouvelles avec des constitutions plus ou moins républicaines. Cette administration coloniale classique a été mise en cause par la commission permanente des mandats, sans que la France accepte de changer véritablement ses méthodes. 33 La Grande-Bretagne mène une politique plus souple, d ouverture, mais dont les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de ses espérances, notamment en Palestine. En effet, les Britanniques ont protégé l immigration juive, ce qui a fatalement entraîné une réaction des Arabes. Les ébauches d organisation politique de la région ont échoué devant le refus de collaboration des Arabes. Les tensions entre les deux communautés étant très vives, notamment à Jérusalem, le Conseil de la SdN dépêcha une commission spéciale destinée à régler la question des lieux saints. 34 Les succès furent plus probants en Transjordanie, territoire détaché de la Palestine en La Grande-Bretagne favorise l installation du prince hachémite Abdallah, fils d'hussein. Il peut établir son propre gouvernement, reconnu par un accord de Ce n est cependant pas encore l indépendance, les Britanniques faisant encore fonction de puissance mandataire auprès du Conseil. Le frère d Abdallah, Fayçal, qui avait dû renoncer au trône de Syrie en raison de l opposition de la France, devient roi d Irak en 1921 grâce au soutien des Britanniques. Après une phase de transition et en accord avec la puissance mandataire, il obtient l indépendance de son pays en 1930, sa reconnaissance par la SdN et son admission comme membre en C est la première fois qu un mandat obtient son indépendance. NOTES 1. Voir Marie-Renée Mouton, La Société des Nations et les intérêts de la France ( ), thèse de doctorat d'état ès lettres et sciences humaines, Université de Paris I, 1988, t. I, p Krupka David, La ville libre de Dantzig , édition à compte d auteur, 2013, 69 p. 3. Pablo de Azcarate, La Société des Nations et la Protection des Minorités, Genève, Centre européen de la dotation Carnegie pour la paix internationale, 1969, 101 p. ; Marie-Renée Mouton, «La Société des Nations et la protection des minorités nationales en Europe», Relations internationales, n o 75, 1993, p Albert Cohen, Belle du seigneur, Paris, Gallimard, coll. «Folio», n o 3039, p Robert Capot-Rey, «Les territoires africains placés sous mandat», Annales de géographie, vol. 47, n o 269,1938, p ; Id., «Un mandat modèle ; le Cameroun français», Annales de géographie, vol. 47, n o 269,1938, p

111 109 Chapitre 2. Vers le règlement pacifique des conflits internationaux et le renforcement de la sécurité collective Du protocole à l'idée européenne La sécurité collective : entre structuration des idées et désaccords 1 Le maintien de la paix est une raison d être de la SdN 1. Or cette paix ne peut être envisageable que si l on parvient à mettre fin à la course aux armements, partiellement responsable du déclenchement de la guerre. L article 8 du Pacte fixe clairement cet objectif : «Les Membres de la Société reconnaissent que le maintien de la paix exige la réduction des armements nationaux au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l exécution des obligations internationales imposée par une action commune.» Comme le montre bien Maurice Vaïsse, les clauses du Pacte sont vagues 2. Pour lui, «le Pacte est un instrument imparfait pour aboutir au désarmement». Le Pacte écarte le désarmement complet et se borne à imposer le devoir de réduire les armements. Les pays peuvent conserver des forces armées pour sauvegarder leur sécurité ou exécuter leurs obligations internationales, mais dans quelle proportion? Quelle procédure de contrôle peut-on employer? Le Pacte n y répond pas. N oublions pas non plus que le Pacte est un compromis et que les désaccords entre les puissances Français et Anglo-Saxons en matière de désarmement étaient importants. Les seconds envisagent un désarmement général et les premiers acceptent si leur sécurité est garantie et si un recours est possible en cas d agression, Léon Bourgeois avait fait des propositions concrètes pendant la Conférence de la paix : il envisageait la création d une armée internationale, d un contrôle du désarmement. Les Anglo-Saxons ne souhaitent pas aller aussi loin et rejettent ces idées. Ce désaccord fausse d emblée les choses. 2 Cependant, malgré les différends, la SdN permet la création, conformément à l article 9 du Pacte, d une commission militaire permanente. Trois délégués par pays sont invités à y

112 110 participer. Ce sont des officiers désignés par leur gouvernement, ils dépendent de leur état-major national. Chacun est spécialisé dans son arme d origine : marine, armée de terre ou armée de l air. Les attributions de la commission sont techniques, il s agit d établir des plans de réduction des armements. 3 Ce n est pas tout. L Assemblée dispose elle aussi d une commission la troisième qui s occupe du désarmement. Le Secrétariat dispose lui d une section spécialisée, la section du désarmement. Cette dernière sert de Secrétariat pour toutes les questions relatives à la mise en application de l article 8 du Pacte. Elle prépare le travail des commissions, publie chaque année l annuaire militaire, qui contient des renseignements d ordre général et statistique sur les armements de presque tous les pays du monde, de même que l annuaire statistique du commerce des armes et des munitions. 4 La première assemblée, réunie en septembre 1920, décide aussi la création d un organisme ayant une vocation plus large, la CTA (Commission temporaire mixte). Elle comprend six membres de la commission permanente, mais surtout et c est cela le plus original seize représentants du monde politique, économique et social ; ainsi trois patrons et trois ouvriers sont délégués par le BIT. Cette commission, qui fonctionne de 1921 à 1924, est chargée de mener des enquêtes sur les situations nationales, sur les possibilités de réduire les armements. Elle fait des propositions au Conseil et à l Assemblée. 5 Ces commissions accomplissent un travail remarquable. S y distinguent des personnalités de grande valeur, comme le lieutenant-colonel Réquin. Mais leurs travaux, leurs progrès sont suspendus à la confrontation entre Français et Britanniques. «Les délégués de la France et de l Angleterre [...] avaient ramené le problème de la réduction des armements et de la sécurité sur son vrai terrain : politique», dit Réquin 3. 6 Une évolution est cependant perceptible à partir de Les discussions au sein de la CTA conduisent au constat suivant : la question des armements ne peut pas être réglée sans celle de la sécurité. Cela permet à l idée de garantie collective de faire son chemin. La résolution XIV, adoptée par la III e assemblée le 27 septembre 1922 et rédigée par Lord Robert Cecil et Henry de Jouvenel, traduit pour la première fois cette préoccupation : un Etat ne peut accepter de réduire ses armements qu en échange de garanties de sécurité, à rechercher au moyen d un traité général ou de traités particuliers. Ces traités de garantie engageraient leurs signataires à se porter assistance effective et immédiate suivant un plan préétabli. Cette résolution va servir de base aux projets présentés dans les années qui suivront. 7 Dès 1923, un projet de traité d assistance mutuelle naît de la fusion de ceux de Lord Robert Cecil et de Réquin, Le projet définitif envisageait deux sortes d assistance, se complétant : l une militaire, immédiate, fournie par des accords défensifs ; l autre générale, progressive et conditionnelle, formée par un traité général d application des articles 10 et 16 du Pacte. Le projet fut voté par l Assemblée de 1923 et transmis aux gouvernements en leur demandant leur avis. Il rencontra l opposition de plusieurs grands États, dont l Angleterre et l Italie, ce qui conduisit à son échec.

113 111 Arbitrage, sécurité, désarmement : le Protocole de Genève, un tournant? 8 L échec du traité d assistance mutuelle était un coup dur. La SdN pouvait-elle parvenir à redresser la situation? Le hasard des résultats d élections en France et en Angleterre ouvrit la voie à un compromis possible. En effet, le Cartel des gauches arrive au pouvoir en France avec à sa tête le radical Édouard Herriot ; en Angleterre, les travaillistes l emportent et Ramsay MacDonald s installe au 10 Downing Street. Pour la première fois les deux pays, frères ennemis, pouvaient avoir une convergence de vue. 9 Herriot et MacDonald se retrouvent à Genève en septembre 1924 pour la session de la V e assemblée. C est la première fois que des chefs de gouvernement des deux nations effectuent le voyage à Genève. À la tribune de l Assemblée, MacDonald évoque le désarmement, cher aux Anglais depuis la fin de la guerre, et introduit le concept d arbitrage obligatoire en cas de conflit, ce qui est une incontestable nouveauté. Herriot s exprime le lendemain : «c est le moment le plus solennel de ma vie», précise-t-il dans ses souvenirs 4. Mais il faut parler clair et franc et, devant cette haute Assemblée sur qui pèsent de si lourdes responsabilités morales, il faut envisager avec courage tous les éléments du problème de la paix. L'arbitrage est nécessaire ; il n'est pas suffisant ; c est un moyen ; ce n est pas un but ; il ne répond pas complètement aux intentions visées à l article 8 du Pacte, intentions que je rappelle à mon tour : sécurité et désarmement. Pour nous, Français, ces trois termes : arbitrage, sécurité, désarmement, sont solidaires et ces trois mots ne seraient que de vaines abstractions s ils ne recouvraient pas des réalités vivantes qui fussent les créations de nos communes volontés. 10 Pour Herriot, l arbitrage, c est la justice, mais la justice sans la force est impuissante. «Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort et ce qui est fort soit juste.» Herriot est très acclamé par les délégués et le public. Une résolution franco-britannique est rédigée et sert de base à la rédaction du «Protocole pour le règlement pacifique des différends internationaux» par les ministres des Affaires étrangères et délégués de Grèce et de Tchécoslovaquie, MM. Politis et Benès. Ce document, plus connu sous le nom de «Protocole de Genève», est adopté à l unanimité par l Assemblée le 2 octobre Ainsi ce protocole rend l arbitrage obligatoire. Si un différend a lieu entre deux pays, ils doivent nécessairement le soumettre à des arbitres qu ils choisissent ou à la Cour de justice de La Haye. S ils ne le font pas, le Conseil est tenu d imposer un arbitrage. Si l un d entre eux refuse, il risque d être déclaré «agresseur». Dans ce cas-là, tous les signataires du Pacte doivent venir en aide à l État attaqué et s opposer à l agresseur par des sanctions militaires à condition qu une majorité des deux tiers des membres du Conseil décide de secourir le pays assailli. Ce document est une incontestable avancée par rapport au Pacte. Mais il y est aussi précisé qu une conférence du désarmement sera convoquée en Le protocole ne peut entrer en vigueur que si cette conférence parvient à un résultat concret. Ainsi, les trois termes chers à Herriot sont bien indissociables : «l arbitrage crée la sécurité et la sécurité permet le désarmement». 12 À l issue de la session, après avoir voté le texte, l Assemblée recommande son adoption aux États membres. Dix États le ratifient (dont la France). Mais, une fois encore, la Grande-Bretagne fait tout échouer. En effet, en novembre 1924, le gouvernement

114 112 travailliste de MacDonald est remplacé par un gouvernement conservateur qui décide de ne pas le ratifier. Le 12 mars 1925, Austen Chamberlain, chef du Foreign Office, s exprime devant le Conseil et justifie le rejet du protocole par les dominions et l Inde. Il explique notamment que la flotte britannique la première au monde risque d être souvent sollicitée pour faire le blocus d États agresseurs et de se trouver en face de la marine américaine qui, neutre, peut être amenée à commercer avec ces pays. Chamberlain ne veut pas de conflit avec les États-Unis. Pour lui, le protocole ne favorise pas le désarmement, au contraire. Le protocole est mort. De Locarno au pacte Briand-Kellogg : la paix sans la Société des Nations? 13 L abandon du protocole suscite de légitimes et fortes déceptions. Mais en d autres temps, les conséquences auraient été catastrophiques. Le contexte politique et économique demeure plutôt favorable. Rapidement après cet échec, d autres alternatives se profilent à l horizon : Locarno, le pacte Briand-Kellogg. Ces accords ou pactes permettent de promouvoir un état d esprit tout à fait positif, qui semble aller dans le droit fil du Pacte de la SdN. Mais ces débats n ont pas lieu à Genève, dans l enceinte de l organisation. Les puissances reprennent l habitude de se réunir, parfois plus ou moins secrètement (Thoiry), de prendre des décisions ; sans consulter tous les membres du Conseil et l Assemblée. Les petites puissances sont mécontentes parce que toutes les décisions importantes sont prises sans eux. Cette pratique n a pas pour l heure de répercutions négatives sur la SdN. L institution vit au contraire ses plus belles années. Jamais le public n a été aussi nombreux aux sessions de l Assemblée. Genève, capitale du monde? Oui, d une certaine manière, mais si les tensions étaient plus vives, cette pratique diplomatique ne nuirait-elle pas à la SdN? 14 Avant même l abandon officiel du protocole, Stresemann annonce, en février 1925, que l Allemagne est prête à reconnaître ses frontières rhénanes et propose que les grandes puissances s engagent à ne pas faire la guerre. Cette proposition reste provisoirement lettre morte car la France connaît alors quelques problèmes internes. Mais en avril 1925, la situation s'éclaircit et Briand devient ministre des Affaires étrangères poste qu il occupera presque sans interruption jusqu à son décès en Briand relève le défi. 15 Après avoir d abord pensé se réunir à Lausanne, les ministres des Affaires étrangères anglais, français, allemand, belge ainsi que Mussolini se retrouvent sur les bords du lac Majeur, à Locarno dans le Tessin suisse, du 5 au 16 octobre Ils seront rejoint par leurs collègues polonais et tchécoslovaque. Au cours de cette réunion, plusieurs accords sont signés. Le plus important est le pacte rhénan : l Allemagne reconnaît les frontières occidentales fixées par le traité de Versailles avec la France et la Belgique. Elle renonce donc définitivement à l Alsace-Lorraine et aux cantons belges d Eupen et Malmédy. L Allemagne accepte aussi que la Rhénanie reste démilitarisée. Cet accord est placé sous la garantie de l Angleterre et de l Italie. À côté de ce pacte principal sont signées quatre conventions d arbitrage de l Allemagne avec la France, la Belgique, la Pologne et la Tchécoslovaquie. Deux traités d alliance sont aussi signés : un traité franco-polonais et un traité franco-tchécoslovaque. Il s agit de rassurer ces deux pays, dont les frontières avec le Reich n ont pas été fixées comme celle de l Ouest. N oublions pas que cette bienveillance allemande pour les frontières occidentales a deux contreparties qui seront appliquées peu après : l évacuation de la zone de Cologne et l entrée de l Allemagne dans

115 113 la SdN dans les conditions qu'elle demande, en ayant notamment un siège permanent au Conseil. 16 Si les membres de la SdN sont d accord pour voir l Allemagne réintégrer le concert international, certains d entre eux revendiquent aussi une place au Conseil ou un siège de permanent. Une première tentative de l Allemagne échoue début mars faute d unanimité au Conseil. Ce dernier crée une commission d études pour la réforme des statuts qui propose d accroître le nombre de sièges non permanents du Conseil. L Allemagne peut donc enfin entrer à la SdN. Le 10 septembre 1926, Stresemann et Briand se retrouvent à l Assemblée et prononcent chacun des discours attendus. Celui du ministre français est entré dans la légende : N est-ce pas un spectacle émouvant, particulièrement édifiant et réconfortant que, quelques années après la plus effroyable guerre qui ait jamais bouleversé le monde, les mêmes peuples qui se sont heurtés si durement se rencontrent dans cette assemblée pacifique et s affirment mutuellement leur volonté commune de collaborer à l œuvre de la paix universelle? [...] Messieurs, la paix, c est la signification de ce jour ; pour l Allemagne et pour la France, cela veut dire : c est fini la série des rencontres douloureuses et sanglantes dont toutes les pages de l histoire sont tâchées ; c est fini la guerre entre nous ; c est fini les longs voiles de deuils. Plus de guerres, plus de solutions brutales et sanglantes pour régler nos différends qui certes n ont pas disparu. Désormais c est le juge qui dira le droit. Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons! Place à la conciliation, à l arbitrage et à la paix. 17 Ces mots marquèrent longtemps les esprits. «Les bras de [Briand] s étaient levés, une vision d apocalypse semblait passer devant ses yeux. Le public entier haletait, les mains s agrippaient au parapet des tribunes, des larmes coulaient sur de durs visages. Briand dut vivre alors la plus grande minute de sa vie. Quand il descendit de la tribune, il sembla que la foule s éveillait d un rêve 5.» Le ministre devient «Briand-la-paix», «l apôtre de la paix». 18 Mais Briand et Stresemann ne se contentent pas de beaux discours à l Assemblée, ils poursuivent des négociations secrètes, qui vont a priori à l encontre de ce que prône le Pacte. Ainsi, le 17 septembre, les deux hommes se retrouvent dans un village de l'ain, à proximité de Genève, Thoiry. Au cours d un bon déjeuner, Briand propose d importantes concessions (évacuation de la rive gauche du Rhin, restitution de la Sarre) contre des avantages financiers la France traversait alors une importante crise monétaire. Ce projet n eut pas de suites à cause d indiscrétions, qui alertèrent l opinion publique et la classe politique française, et de la remontée du franc sur le marché des changes. La politique de rapprochement franco-allemand stagnait. Briand parvint à rebondir en proposant aux États-Unis un pacte bilatéral de renonciation à la guerre comme moyen politique. Le secrétaire d État américain Kellogg accepte, mais souhaite l'élargir à toutes les nations. Mais en même temps une renonciation complète est difficile pour les membres de la SdN du fait des obligations qu ils ont pris en signant le Pacte. La France fait donc accepter quelques conditions particulières restrictives aux États-Unis. 15 pays signent à Paris le «Pacte de renonciation générale à la guerre» plus connu sous les noms de «pacte Briand-Kellogg» ou de «pacte de Paris» le 27 août pays y adhèreront, dont la quasi-totalité des membres de la SdN. La guerre est «mise hors la loi». Ce pacte va en apparence plus loin que celui de la SdN, mais il ne faut cependant pas oublier que ce document n est qu une déclaration de caractère moral, aucune garantie ou sanction n étant prévue contre les contrevenant éventuels. Cette «pactomanie» médiatique passe sous silence d autres initiatives prises au sein de la SdN. En effet,

116 114 l Assemblée générale de la SdN accepta à l unanimité, le 24 septembre 1927, une proposition polonaise visant à interdire toute guerre d agression et conseillant l utilisation des méthodes pacifiques pour régler les différends entre nations. «Il doit exister une sorte de lien fédéral.» Vers une Europe unie sous l égide de Briand 19 Le 5 septembre 1929, devant la X e assemblée de la SdN réunie à Genève dans la salle de la Réformation, Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères de la République française, prononce un discours devenu célèbre. Briand considère qu il faut sérieusement s attaquer au «problème du désarmement économique ; car il n y a pas seulement à faire régner parmi les peuples la paix du point de vue politique, il faut aussi faire régner la paix économique». Il ne faut pas résoudre cette question «par les moyens de pure technicité», ce serait trop long. Le problème de la paix économique ne peut être résolu que par l intervention des gouvernements : «c est à la condition de se saisir eux-mêmes du problème et de l envisager d un point de vue politique que les gouvernants parviendront à la résoudre. S il demeure sur le plan technique on verra tous les intérêts particuliers se dresser, se coaliser, s opposer : il n y aura pas de solution.» Que propose-til alors? Une idée nouvelle, qui pourrait à première vue sortir du cadre du programme de la SdN, mais en même temps «la Société n a jamais cessé de préconiser le rapprochement des peuples et les unions régionales, même les plus étendues». Je pense qu entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral ; ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d entrer en contact, de discuter leurs intérêts, de prendre des résolutions communes, d établir entre eux un lien de solidarité, qui leur permette de faire face, au moment voulu, à des circonstances graves, si elles venaient à naître. C est ce lien que je voudrais m efforcer d établir. Évidemment, l Association agira surtout dans le domaines économique : c est la question la plus pressante. Je crois que l on peut y obtenir des succès. Mais je suis sûr aussi qu au point de vue politique, au point de vue social, le lien fédéral, sans toucher à la souveraineté d'aucune des nations qui pourraient faire partie d'une telle association, peut être bienfaisant, et je me propose, pendant la durée de cette session, de prier ceux de mes collègues qui représentent ici des nations européennes de bien vouloir envisager officieusement cette suggestion et la proposer à l étude de leurs gouvernements, pour dégager plus tard, pendant la prochaine session de l Assemblée peut-être, les possibilités de réalisation que je crois discerner. 20 Cet important discours ne véhicule pas des idées absolument neuves, ce n est pas une surprise totale pour maints responsables politiques. En effet, l idée européenne, ancienne comme on l a vu, a connu depuis le début des années 1920 une nouvelle jeunesse grâce à un propagandiste zélé, le comte Richard Coudenhove-Kalergi. Ce dernier a lancé l idée d une «Paneurope» en 1922 dans la presse allemande et autrichienne et fait paraître deux ans plus tard un petit opuscule, le «Manifeste européen». Il fonde un mouvement paneuropéen qui séduit nombre de responsables de la vie économique (les industriels Robert Bosch et Emile Mayrich) et politique (Adenauer, Stresemann, Briand). Coudenhove-Kalergi est bien connu dans les couloirs de l institution genevoise puisqu il est venu présenter un «Mémoire sur l organisation de l Europe» au printemps Briand s enthousiasme au point d accepter en 1927 la présidence d honneur du comité français de Paneurope.

117 Le rôle de Briand dans le développement de l idée européenne est majeur car il est le premier responsable politique de haut rang à publiquement proposer une union européenne. C est grâce à lui que l utopie commence à devenir réaréalité ; c est la première fois que cette question est inscrite à l ordre du jour d une réunion diplomatique d envergure. Ce projet va dans le droit fil des idées qu il défendait depuis plusieurs années en s entendant avec Stresemann. En participant à Locarno et en rejetant toute guerre avec l Américain Kellogg, Briand veut étendre à tout un continent la politique commencée à Locarno. La fédération européenne devrait automatiquement diminuer l importance politique et économique des frontières. C est donc un moyen d assurer la paix. 22 Le discours de Briand a un fort impact sur une assistance émue, bien que les propos soient prudents, vagues et parfois contradictoires. Ce projet vient à point nommé puisque le contexte politique est favorable : la logique de paix l emporte sur la logique de confrontation. Le Belge Paul Hymans n affirme-t-il pas d ailleurs, juste avant que Briand ne prononce son discours, qu «on sent l approche d une époque nouvelle et l éveil d un esprit nouveau»? Briand reçoit le 9 septembre, devant la même Assemblée, le soutien de son collègue Stresemann, qui considère que «dans l économie mondiale, l Europe donne l impression de ne savoir pratiquer que le petit commerce de détail». Les particularismes sont périmés. «Où sont la monnaie européenne, le timbre-poste européen qu il nous faudrait», ajoute-t-il. Stresemann considère aussi que cette union doit être ouverte sur l'extérieur : «Je ne suis pas partisan [...] d une autarcie économique de l Europe.» 23 Les 27 États européens membres de la SdN se réunissent le 9 septembre à l hôtel des Bergues et chargent Aristide Briand d élaborer un mémorandum pour la session de septembre 1930 de l Assemblée 6. Ce n est pas Briand qui rédige le projet, mais des hauts fonctionnaires français du Quai d Orsay. Au premier rang de ses derniers, on trouve Alexis Léger (aujourd hui plus connu sous son nom de plume, Saint-John Perse), alors chef de cabinet de Briand et directeur des Affaires politiques et commerciales du Quai d Orsay, et de jeunes fonctionnaires du service français de la SdN dirigé par René Massigli, François Seydoux et surtout Jacques Fouques-Duparc 7. Le document terminé est immédiatement soumis aux 26 partenaires de la France le 1 er mai Le mémorandum comporte quatre parties précédées d un long préambule. Ce dernier rappelle la chronologie des événements et les raisons pour lesquelles le document a été élaboré. Les Français justifient la nécessité d une union fédérale et rappellent que «la recherche d une formule de coopération européenne en liaison avec la SdN, loin d affaiblir l autorité de cette dernière, ne doit tendre et ne peut tendre qu à l accroître, car elle se rattache étroitement à ses vues». Les unions régionales ne sont d ailleurs pas proscrites par le Pacte, au contraire : l article 21 stipule que «les engagements internationaux, tels que les traités d arbitrage et les ententes régionales, comme la doctrine Monroe, qui assurent le maintien de la paix, ne sont considérés comme incompatibles avec aucune des dispositions du présent Pacte». Cette idée d union n est pas non plus dirigée contre les nations extra-européennes. Enfin, la supranationalité n est pas à l ordre du jour : «l institution du lien fédéral recherché entre gouvernements européens ne saurait affecter en rien aucun des droits souverains des États membres d une telle association de fait». 25 La première partie, un peu vague, affirme la nécessité de rédiger un pacte d ordre général en précisant les principes à suivre et «l objectif essentiel de cette association» dans le cadre de l activité générale de la SdN. La deuxième partie est beaucoup plus concrète. Elle

118 116 prévoit la création d une «Conférence européenne», organe permanent composé des représentants de tous les gouvernements européens membres de la SdN. Cette conférence devrait se réunir chaque année dans un État européen différent «afin d éviter toute prédominance en faveur d un des États d Europe». Il convient également de créer un «comité politique permanent», organe exécutif composé de certains membres de la conférence mais auquel peuvent participer des États extérieurs à l Union, européens ou non et membres de la SdN ou non, et un Secrétariat destiné à «assurer administrativement l exécution des instructions du président de la Conférence ou du Comité européen, les communications entre Gouvernements signataires du Pacte européen, les convocations de la Conférence ou du Comité, la préparation de leurs discussions [...]». Le siège du Secrétariat devrait être situé à Genève. La troisième partie précise la portée de l Union. Ce mémorandum s avère en fait très différent du discours de septembre Dans ce dernier, Briand suggérait que la priorité soit donnée aux problèmes économiques, or le nouveau document dit le contraire : Subordination générale du problème économique au problème politique. Toute possibilité de progrès dans la voie de l union économique étant rigoureusement déterminée par la question de la sécurité et cette question elle-même étant intimement liée à celle du progrès réalisable dans la voie de l union politique, c est sur le plan politique que devrait être porté tout d abord l'effort constructeur tendant à donner à l Europe sa structure organique. 26 L économie n est cependant pas oubliée. Les Français suggèrent «l établissement d un marché commun pour l élévation au maximum du niveau de bienêtre humain sur l ensemble des territoires de la communauté européenne». On relèvera, au sein de la même phrase, deux expressions appelées à avoir un certain succès ultérieurement : «marché commun» et «communauté européenne». Les Français utilisent aussi souvent l expression «union européenne». La quatrième et dernière partie détermine toutes les actions concrètes possibles. Le gouvernement français précise en fin de mémorandum qu il attend les réponses des États membres de la SdN pour le 15 juillet. 27 Au cours des mois de juin et de juillet, les 26 gouvernements envoient leurs impressions et commentaires sur le document. Ces réponses sont majoritairement négatives. Les Britanniques, notamment, craignent que cette union soit une menace contre le commerce international, mais aussi que les institutions européennes prévues entraînent une confusion avec celles de la SdN. Les structures de l Union paraissent trop lourdes : le comité politique et le Secrétariat sont inutiles. La priorité du politique sur l économique est souvent critiquée. Reconnaissons qu elle est maladroite dans un contexte économique et social pour le moins perturbé. 28 Les Français constituent au mois d août un rapport destiné à être présenté lors de la XI e session de l Assemblée en septembre Ils rassemblent les éléments favorables et défavorables à l Union européenne. Les débats de l Assemblée sont tout à fait conformes aux réponses, l enthousiasme de 1929 est retombé. Faut-il y voir une franche hostilité, une réaffirmation des égoïsmes nationaux ou le poids d un contexte économique et social déjà délicat? 29 Le projet n est cependant pas enterré puisque l Assemblée vote, le 17 septembre 1930, la création de la CEUE (Commission d étude pour l Union européenne) intégrée à la SdN. Contrairement à ce qu affirment certains historiens, la CEUE ne cesse pas de se réunir en 1932, mais en En 1932, elle subit «seulement» le contrecoup de la mort de Briand, qui la préside ; il est remplacé par Édouard Herriot, La session de 1938 devait

119 117 avoir lieu, mais n a pu se réunir. L Assemblée décide cette même année de renouveler le mandat de la CEUE pour 1939 et d inscrire la question à l ordre du jour de sa prochaine session. Le début de la guerre empêchera toute nouvelle réunion. Faut-il considérer que la création de cette commission était un enterrement de première classe? Sans doute. Mais un réel travail a été assuré. Des projets concrets destinés à combattre la crise économique ont bien été élaborés, mais restent malheureusement lettre morte puisque cette commission n'a qu un rôle technique, consultatif. Des réponses aux différends politiques 30 La majeure partie des différends traités dans les dix premières années sont européens. Est-ce à dire que l institution se désintéresse des autres continents? Certainement pas. Rappelons cependant que la majeure partie des Etats membres est européenne et que, hormis en Amérique, les États indépendants sont peu nombreux. Pourquoi peu d interventions en Amérique latine ou centrale, où les tensions sont nombreuses? Beaucoup de pays latino-américains comptent parmi les premiers États membres de la SdN. Sans doute ont-ils voulu afficher là leur indépendance par rapport à la grande puissance du continent, les États-Unis. Cette indépendance devenait encore plus nette après le retrait des États-Unis de la SdN. Mais la SdN n a pas pu ou su? s imposer. Remarquons toutefois que les initiatives de la SdN n ont pas été encouragées par les États- Unis, qui ne renoncent pas à leur politique d intervention, se contentant seulement de l adoucir à partir de Les pays concernés n ont pas non plus pris le réflexe d appeler la SdN. Il faudra attendre les conflits de Leticia et du Chaco dans les années 1930 pour voir la SdN résoudre quelques situations inextricables. 31 Les différends sont aussi européens car la guerre laisse de nombreuses traces et problèmes non réglés. Il faut donc, pendant les premières années, liquider les divers conflits mineurs hérités de la guerre. La SdN s initie dans ce cadre à son rôle de conciliatrice et de médiatrice entre États. Elle est saisie tantôt par la conférence des ambassadeurs, organe politique que les puissances alliées ont créé afin de prendre des décisions en commun, tantôt par des États qui s estiment lésés par le tracé d une frontière ou qui se plaignent d incidents de frontière, tantôt par une puissance autre que les États parties au différend. 32 Cette période où les affaires traitées sont presque toutes européennes n est cependant pas représentative des tâches normales qui doivent incomber à la SdN. 33 Les contentieux ont été abondants pendant la période , moins nombreux entre 1924 et 1930, période de «détente» relative du climat politique européen et de prospérité. La majeure partie de ces conflits ont été réglés grâce à une intervention de la SdN. On en parle moins que ceux des années 1930, sans doute parce qu étouffés dans l œuf ou presque, ils n ont pu prendre une ampleur suffisante. Il ne faut cependant pas en minimiser l importance. 34 Nous n énumérerons pas tous les conflits traités par la SdN, nous nous contenterons d en évoquer cinq : le différend des îles Aland, celui de Haute-Silésie, l affaire de Vilna, celle de Corfou et le conflit gréco-bulgare.

120 118 Le différend des îles Åland 35 Les îles Åland sont un archipel de km 2 formé de quelque îles et îlots situé à l entrée du golfe de Botnie dans la mer Baltique, à quelques encablures de Stockholm. Elles ont longtemps appartenu à la Suède avant de passer entre les mains de l Empire russe au tout début du XIX e siècle. Elles sont intégrées au grand-duché de Finlande. En janvier 1918, la Finlande se détache de la jeune Russie soviétique et devient indépendante. La population des îles (environ personnes), de souche suédoise, demande alors son rattachement à la Suède. La Finlande refuse tout droit à l autodétermination, arrête certains chefs séparatistes. La tension monte entre la Finlande et la Suède, dont la population est favorable au rattachement des îles Åland. 36 La Grande-Bretagne, soucieuse d éviter un conflit dans la région, saisit le Conseil au début de l été 1920 et souhaite une médiation de la SdN 8. Une réunion a lieu le 19 juin à Londres, en présence des deux États et de deux délégués de l île. Le premier ministre suédois, le socialiste Hjalmar Branting, plaide la cause des habitants des Åland. Les Finlandais refusent tout plébiscite et toute intervention de la SdN, alléguant qu elle n est pas compétente, les habitants des îles Åland étant citoyens de Finlande. Il s agirait donc d un problème purement interne. Le Conseil nomme un petit comité de trois éminents juristes qui, deux mois plus tard, reconnaissent la compétence de la SdN. Une commission d enquête neutre est envoyée sur place et dans les deux capitales Scandinaves. Ses conclusions sont adoptées par le Conseil en juin La souveraineté finnoise est maintenue, mais la population obtient une très large autonomie et reste sous la protection de la SdN. Les îles sont démilitarisées, elles ne pourront accueillir ni fortification ni garnison. Cette neutralité est garantie par un traité signé à Genève par dix pays. La décision, d abord contestée par les Suédois, est finalement acceptée. On peut parler d un premier franc succès de la SdN. L affaire de Vilna 38 Vilna est, vers 1920, une importante ( habitants) et ancienne ville commerçante sur les bords de la Vilija, affluent du Niemen. Elle est située dans une région qui est l'objet d un conflit armé entre la Pologne et la Lituanie, qui ont des frontières communes encore mouvantes 9. Au début du mois de septembre 1920, la Pologne saisit le Conseil de la SdN de ce différend. Les deux jeunes pays reconnaissent la compétence de la SdN et acceptent un armistice le 7 octobre 1920 suivant une ligne de démarcation provisoire établie par le Conseil. Une mission militaire internationale de contrôle dirigée par le colonel français Chardigny, envoyée pour surveiller la situation, impose le retrait des deux armées à 6 km de part et d autre de la ligne de démarcation. Mais le 8 octobre, le général polonais Zeligowski franchit la ligne et occupe le territoire de Vilna, violant ainsi le Pacte de la SdN. 39 Le Conseil ne réagit pas, ne demande pas le retrait des troupes polonaises. Il faudra attendre trois semaines pour voir les premières délibérations. Le 28 octobre, le Conseil propose qu un plébiscite soit organisé à Vilna, sous son contrôle. Les deux pays donnent leur accord de principe le 7 novembre. Mais les réticences de chacun en font reculer l échéance. La Lituanie n est pas sûre d obtenir une majorité numérique et a une attitude

121 119 ambiguë à l égard de la SdN. Les Polonais font preuve, de leur côté, d une évidente mauvaise volonté ; ils sont surtout soucieux de conserver leur avantage. 40 En mars 1921, le Conseil enterre l idée de plébiscite et engage une nouvelle procédure, fondée sur des pourparlers directs en présence d un représentant de la SdN, en l occurrence le Belge Hymans, membre du Conseil. Le Conseil propose que Vilna devienne un canton autonome dans l État lituanien, qui devrait accepter une coopération avec la Pologne en matière de politique extérieure, militaire, économique et douanière. Aucun accord n est trouvé. 41 La Pologne organise des élections le 8 janvier 1922 à Vilna et la SdN recule : le 13 janvier le Conseil met fin à la tentative de conciliation et rappelle sa commission militaire de contrôle. La Pologne a gagné, elle peut annexer le territoire en mars On peut parler d un premier demi-échec de la SdN. C est un échec puisque le Conseil n a pu faire reculer la Pologne, cependant, en engageant des négociations, il a empêché la poursuite et l extension du conflit. La France a une responsabilité importante dans cette affaire : elle a soutenu son allié polonais et ne veut pas l affaiblir, c est un rempart contre la Russie soviétique et, d une certaine manière, contre l Allemagne. Le différend de Haute-Silésie 43 La Haute-Silésie est une région d Europe centrale située au débouché septentrional de la porte de Moravie, sur la ligne de partage des eaux de la Vistule et de l Oder, entre les Sudètes au sud-ouest, les Beskides occidentales au sud et le plateau de la Petite-Pologne au nord-est. C est une région d environ km 2 où vivent 2,2 millions de personnes. La population est allemande pour un tiers essentiellement des classes dirigeantes et polonaise aux deux tiers ouvriers et paysans en majorité. La Haute-Silésie est avant tout une grande région minière (zinc, houille notamment) et industrielle : c est un grand foyer d industries métallurgiques. 44 Au vu du décalage entre les deux communautés, la délégation polonaise à la Conférence de la paix revendique la région. Le Conseil suprême décide l organisation d un plébiscite. Son objet et ses conditions sont décrites dans l article 88 du traité de Versailles. La Haute- Silésie est sous l administration des vainqueurs depuis juin Le plébiscite a lieu le 20 mars Ses résultats ne s avèrent pas aussi favorables à la Pologne qu on aurait pu le croire tant dans les communes qu au niveau du total des voix individuelles. Le partage paraît inévitable puisque les deux nationalités sont très imbriquées et que les bassins de peuplement homogènes ne sont pas toujours situés à proximité des métropoles. Ainsi, le centre du bassin industriel, formé de grosses agglomérations, est majoritairement allemand, alors qu il est séparé de l Allemagne par une zone de peuplement mixte à majorité polonaise. 46 La préparation du partage suscite de houleux débats entre la France et la Grande- Bretagne. La première soutient la Pologne et est prête à lui octroyer la quasi-totalité du bassin industriel, alors que la Grande-Bretagne défend l indivisibilité du triangle et estime qu il doit revenir à l Allemagne, acteur essentiel des échanges internationaux. 47 Avant qu un compromis soit possible, les Polonais occupent la région en mai Les Allemands ne se laissent pas faire et envoient des corps francs. Pendant six semaines les combats font rage, jusqu à ce que les troupes d occupation alliées parviennent à obtenir un cessez-le-feu et l évacuation de la zone par les belligérants.

122 Les débats franco-britanniques reprennent et chacun se complaît à récuser la thèse de l autre. Le 12 août 1921, ayant constaté leur désaccord, Lloyd George et Aristide Briand soumettent la question au Conseil de la SdN et s engagent à accepter ses recommandations. Le Conseil accepte de la prendre en charge et nomme une commission de quatre membres (un Belge, un Espagnol, un Chinois et un Brésilien), qui commence à travailler le 3 septembre 1921 avec l aide de fonctionnaires internationaux et d experts. En à peine six semaines, un plan de partage est conçu. Il est officialisé et adopté lors d une séance plénière du Conseil le 12 octobre Comme le souhaitaient les Français, le triangle minier est divisé politiquement en deux. Les plus grandes richesses du bassin sont rattachées à la Pologne : toutes les mines de zinc, les quatre cinquièmes de la houille et les deux tiers des usines sidérurgiques. Mais il s agit aussi de maintenir, pour 15 ans au moins, la continuité de la vie économique. Cette continuité se manifeste par la réutilisation de toutes les structures existantes. Les minorités de chaque territoire Polonais du côté allemand et Allemands du côté polonais sont placées sous garantie internationale. 49 La commission préconise la création d un tribunal arbitral mixte, qui sera présidé par le juriste belge Kaechenbeeck, qui réglerait les différends juridiques et celle d une commission mixte dirigée par un neutre ce sera Félix Calonder, ancien président de la Confédération helvétique. Cette commission devra veiller à l exécution des mesures préconisées par le Conseil de la SdN. Elle recevra les plaintes des minorités. 50 La conception précise du plan de partage est laissée à une conférence germano-polonaise organisée sous l égide de la SdN. Elle débute le 23 novembre 1921 et se solde par la signature d'une convention le 15 mai La SdN réussit là encore une belle opération, finalisant un projet que les deux principales puissances européennes n avaient pas réussi à ficeler. L affaire de Corfou 52 Un conflit de frontière opposait la Grèce à l Albanie. La conférence des ambassadeurs envoie une commission de délimitation des frontières gréco-albanaises. Trois officiers italiens dont le général Tellini participant à la commission et leur chauffeur sont assassinés le 27 août à Janina, sur le territoire grec pour des raisons qui restent obscures Mussolini accuse violemment le gouvernement grec d être à l origine de l opération. Il lui adresse un ultimatum le 29 août dans lequel il exige des réparations et l exécution des coupables. Athènes n accepte qu une partie des prétentions italiennes. Le 31 août, Mussolini envoie l escadre de Tarente de l amiral Solari bombarder Corfou et un corps expéditionnaire occuper l île. 54 Devant cette attaque disproportionnée par rapport à l incident, la Grèce saisit le Conseil de la SdN le I er septembre. La session ordinaire de l Assemblée qui ouvre peu après voit défiler les délégués qui blâment le coup de force italien. Pendant ce temps, le Conseil examine la situation avec le délégué grec Politis et celui de l Italie, Salandra. Le Grec essaie de faire amende honorable, se déclarant prêt à verser l indemnité que l Italie fixera. Mais l'italien incrimine la SdN qu il ne juge pas à même de traiter ce problème. Mussolini va jusqu à menacer de se retirer de la SdN.

123 La conférence des ambassadeurs reprend, en l adoucissant, l ultimatum adressé le 29 août : l Italie recevra des excuses et une indemnité mais doit se retirer de Corfou. Une partie de la flotte britannique, qui mouille à Malte, est prête à appareiller. Mussolini doit reculer, mais il obtient 50 millions de lires et des excuses. 56 La SdN n a pas vraiment réussi à s imposer. Le chantage de Mussolini a partiellement fonctionné. Mais il doit composer avec l opinion internationale et choisit, pendant quelques années, de s intégrer plutôt que de jouer le trublion. Le conflit gréco-bulgare 57 Le 19 octobre 1925 a lieu un incident à la frontière gréco-bulgare, à Demir-Kapou. Cet incident entraîne une intervention grecque en Bulgarie pour mettre fin aux agissements de terroristes combattant pour l indépendance de la Macédoine. De nombreux villages bulgares sont pillés et des milliers d habitants doivent fuir la région. Tout en négociant un éventuel retrait grec, le gouvernement bulgare envoie des troupes en renfort et fait appel à la SdN le 23 octobre. Briand, alors président du Conseil de la SdN, convoque une réunion d urgence du Conseil à Paris et adresse un télégramme d exhortation au calme et à la fin des hostilités aux deux parties. Il demande un retrait des troupes et souhaite qu aucune opération militaire ne soit entreprise pendant l examen du litige. Ces fermes propos furent entendus et l offensive grecque sur Petritch, qui devait être déclenchée le 24 octobre au matin, est suspendue. 58 Le Conseil siège du 26 au 30 octobre. Il s assure que les opérations ont cessé et qu il n y a plus de soldats grecs sur le territoire bulgare en envoyant des attachés militaires britannique, français et italien vérifier sur place. 59 Une commission d enquête est envoyée sur les lieux. Elle établit en trois semaines les responsabilités, fixe des indemnités à payer et recommande au Conseil de prescrire aux deux parties un ensemble de mesures d ordre militaire et politique destinées à empêcher le retour de tels incidents. Lors de sa session de décembre, le Conseil approuve le rapport : il n y a pas eu, de part et d autre, d agression préméditée et les torts sont partagés. Le gouvernement grec doit cependant verser des indemnités dans les deux mois à cause des pertes matérielles et humaines qu il a injustement infligées aux Bulgares. Afin d empêcher de nouveaux heurts, le Conseil préconise une réorganisation du service des garde-frontière sous l égide de la Suède, qui envoie des officiers à cet effet. Le Conseil accorde par ailleurs une aide financière aux deux pays. L un et l autre se conforment aux recommandations du Conseil. NOTES 1. Jean-Michel Guieu, «L insécurité collective. L'Europe et la Société des Nations dans l'entredeux-guerres», Bulletin de l Institut Pierre Renouvin, n o 30, 2009, p

124 Maurice Vaïsse, «La Société des Nations et le désarmement», in The League of Nations in Retrospect, op. cit., p Du même auteur, voir aussi Sécurité d abord. La politique française en matière de désarmement, 9 décembre avril 1934, Paris, Pedone, Édouard Réquin, D une guerre à l autre ( ). Souvenirs, Paris, Charles-Lavauzelle et C ie, 1949, p. 62 sq. 4. Édouard Herriot, Jadis. T. II. D une guerre à l autre , Paris, Flammarion, 1952, p Antonina Vallentin, Stresemann, Paris, Flammarion, 1931, p Sur Briand et la SdN, il faut lire la biographie fleuve et quelque peu hagiographique de Georges Suarez chez Plon (volumes V et VI) et le remarquable Aristide Briand, la Société des Nations et l Europe sous la direction de Jacques Bariéty (Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007, 542 p.). 6. L'ouvrage le plus complet et le plus récent sur le mémorandum européen est édité par Antoine Fleury et Lubor Jilek, Le Plan Briand d Union fédérale européenne, Berne, Peter Lang, 1998, 613 p. Le mémorandum est reproduit en fin d ouvrage. 7. Voir Christiane Schwarte, Le Plan Briand d Union européenne : sa genèse au Quai d Orsay et la tentative de sa réalisation à la Commission d étude pour l Union européenne ( ), mémoire de DEA d histoire du XX e siècle sous la direction de Maurice Vaïsse, Institut d'études politiques de Paris, 1992, 192 p. Voir aussi notre article «Un acteur des nouvelles relations multilatérales : le Service français de la Société des Nations ( )», Matériaux pour l histoire de notre temps, n o 36, 1994, p James Barros, The Aaland Island Question. Its Seulement by the League of Nations, New Haven (Connecticut), Yale University Press, 1968 ; Eric Sörling, The Book of Åland, Ålands landskapsstyrelse, 1990, III p. 9. Marie-Renée Mouton, La Société des Nations..., op. cit., p Ibid., p James Barros, The Corfu Incident of Mussolini and the League of Nations, Princeton, Princeton University Press, 1965.

125 123 Chapitre 3. Des échecs répétés ( ) Les crises des années Comment passe-t-on subitement d une période faste où de grandes initiatives qui entraînent l adhésion du plus grand nombre à une période noire de renonciation et d égoïsme national? Faut-il y voir un effet de la crise économique mondiale? 2 La crise économique, déclenchée officiellement en 1929, révèle progressivement des déséquilibres antérieurs et débouche sur des crises sociales, politiques et culturelles, notamment pendant les années , sans doute les plus noires de cette triste période. C est le temps où les longues files de chômeurs stationnent devant les soupes populaires, le temps de la misère, des prix qui montent ou qui baissent trop, le temps des monnaies qui perdent une bonne partie de leur valeur. Ces images ont marqué les esprits des contemporains. 3 Au lieu de s entraider, les Etats et les grandes puissances au premier chef se réfugient dans un égoïsme national étroit : on récupère ses investissements, on relève ses droits de douanes, y compris les libre-échangistes convaincus (États-Unis, Grande-Bretagne). Chacun cherche sa solution pour résoudre ses problèmes. Les États-Unis se réfugient une fois de plus dans l isolationnisme, la Grande-Bretagne dans la préférence impériale, l Allemagne et l Italie dans l autarcie... Il n est plus question d aider les États en difficulté, comme les États danubiens. Personne n a de remède pour mettre fin à cette longue dépression : ni la politique de relance, ni la déflation ne donnent de résultats significatifs. Le pessimisme et les égoïsmes sont tels que la conférence économique internationale de Londres qui s ouvre le 12 juin 1933 semble mort-née. Le président F.D. Roosevelt se chargera personnellement de la torpiller en déclarant que la stabilisation monétaire doit avoir lieu à partir de critères nationaux et non grâce à un effort international, à une solution d ensemble. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour voir renaître une véritable coopération économique internationale.

126 124 L expansion japonaise en Mandchourie 1 4 Le Japon est frappé de plein fouet par une courte crise économique. Ses marchés extérieurs se ferment presque tous. Les exportations plongent et les revenus de l agriculture, de l industrie et des commerçants également. La crise est aussi sociale et politique. Le régime démocratique déçoit et le courant ultranationaliste se développe. Ce dernier souhaite engager une expansion extérieure. 5 La Mandchourie était un premier objectif tout indiqué. Le Sud de la région fait partie depuis 1905 de la sphère d influence japonaise. Le Japon administre la ligne du Sud- Mandchourien, mais tout ce qui est hors de la «zone du chemin de fer» reste sous administration chinoise. Le Japon a permis à de nombreux immigrants japonais de s installer et a investi d importants capitaux dans l économie de la région. 6 Les garnisons de la «zone de chemin de fer» et celles stationnées en Corée occupent Moukden dans la nuit du 18 au 19 septembre 1931 sans déclaration de guerre, sous le prétexte du sabotage de la ligne du Sud-Mandchourien que le Japon administre par des «bandits» chinois. Cette intervention a été organisée par l armée, sans l aval du gouvernement civil, qui doit accepter le fait accompli. 7 Toute la Mandchourie est occupée en trois mois. Le 30 septembre 1931, le Conseil de la SdN demande au Japon de retirer ses troupes si la sécurité des ressortissants japonais est assurée. Le 24 octobre, le Conseil exige le début du retrait. L institution crée le 9 décembre, à la demande de la Chine, une commission internationale d enquête présidée par le Britannique Lord Lytton. La SdN n a pas osé considérer cette intervention militaire comme un acte d agression. Les résolutions du Conseil n ont pas empêché l extension de l occupation militaire japonaise à toute la Mandchourie. 8 Les civils japonais étaient prêts à transiger lorsque la Chine appelle la SdN, mais les militaires refusent, ils veulent poursuivre l opération. Le gouvernement libéral chute en décembre 1931, laissant désormais les mains libres aux nationalistes. L armée gouverne au Japon. 9 Les Chinois réagissent en organisant des manifestations anti-japonaises et des boycotts de produits japonais dans les villes de l Est, à Shanghai notamment. Après l agression de ressortissants nippons, les troupes japonaises débarquent dans cette ville le 26 janvier 1932 jusqu à la signature d un armistice le 5 mai. 10 En Mandchourie, les Japonais mettent en place une sorte de protectorat, le Mandchukuo, avec un gouvernement fantoche, dirigé par le dernier descendant de la dynastie mandchoue, Pou Yi. Ce nouvel État est reconnu par le Japon seulement, le 24 août Après un accord avec le Japon, il confie le 2 septembre sa défense intérieure et extérieure, mais de toute façon, les troupes japonaises occupent le terrain et ne comptent pas le laisser. 11 Les Japonais n en restent pas là, ils continuent le grignotage et s attaquent aux provinces chinoises, le Jehol d abord en février-mars 1933, puis suivront le Chahar, le Hebei et le Suiyan. 12 Comment la SdN a-t-elle réagi? En décembre 1932, elle délibère sur la situation à partir du rapport Lytton, document de 432 pages achevé le 4 septembre et publié le 2 octobre. Le rapport, qui ne nomme pas directement le Japon, est hostile à la pénétration japonaise dans la région. Il suggère que la Mandchourie soit déclarée autonome. Le 24 février 1933,

127 125 l Assemblée finit par voter à l unanimité une résolution reprenant les grandes lignes du rapport Lytton. Elle recommande aux États membres de ne pas reconnaître le Mandchukuo. La délégation japonaise quitte l Assemblée en signe de protestation. Le 27 mars, le Japon, condamné par la SdN, quitte l institution. 13 Pour cette dernière, le résultat est catastrophique. Pour la première fois, une puissance majeure, un membre permanent du Conseil depuis l origine, est prêt à mener une guerre d envergure pour s emparer d un territoire. L efficacité de sa réaction est relative puisqu aucune autre puissance n est décidée à agir avec fermeté. «La Société des Nations s est bornée à une action platonique 2» : on condamne mais rien n est prévu pour faire reculer l agresseur. La victoire japonaise n est pas vraiment une victoire militaire l armée n a rencontré que très peu de résistance mais une victoire politique. On ne prête pas suffisamment d attention à ce conflit si lointain. L'Allemagne met la Société des Nations en échec 14 Aussi grave que soit la crise mandchoue, l épicentre du séisme qui allait bientôt bouleverser le monde d ici quelques années est situé en Europe, en Allemagne plus précisément. Tous les gouvernements allemands, depuis l entrée du Reich à la SdN, souhaitent remettre en cause le Diktat, c est-à-dire les clauses du traité de Versailles, qui ont fait de l Allemagne une puissance politique et militaire de second rang. Stresemann est parvenu à redresser le prestige de sa nation, à la réinsérer dans le circuit international, sans toutefois obtenir les mêmes droits que les autres puissances, notamment sur le plan militaire. Ses successeurs, qui ont en plus à gérer un pays qui traverse une difficile crise économique et sociale, sont moins enclin à la négociation et à la détente. La poussée des nazis n arrange pas les choses. 15 Quand Hitler accède à la Chancellerie en janvier 1933, il souhaite rapidement appliquer ce qu il a prévu dans Mein Kampf. Il va tout faire pour effacer l humiliation subie à Versailles. L Allemagne doit récupérer toute sa souveraineté. Il s agit aussi de réunir tous les peuples allemands, dispersés depuis la défaite. 16 Le nouveau chancelier ne faisait pas grand cas de la SdN, il s est permis, dans bon nombre de ses discours, des critiques en règle de cette institution, qui représente tout ce qu il abhorre le plus : c est le symbole de la paix inique de Versailles la SdN est en effet chargée d exécuter les traités et du cosmopolitisme. L échec de la Conférence du désarmement 17 Le traité de Versailles prévoyait un désarmement général dont celui forcé de l Allemagne et des autres vaincus n était que le prélude. Après le conflit, les Anglo-Saxons ont spontanément considérablement réduit leur armée de terre. Seule la France conserve encore de très importantes troupes. 18 Presque tous les débats sur le désarmement de l entre-deux-guerres se réduisent à «un remarquable dialogue de sourds : les vaincus demandaient aux vainqueurs de désarmer pour aboutir à une égalité de droits tandis que les vainqueurs voulaient obtenir une reconnaissance formelle de leur sécurité par les vaincus avant de baisser leur niveau d armements 3». L Allemagne et la France sont deux puissances dont les points de vue s avèrent difficilement compatibles.

128 Une des principales tâches de la SdN est justement de parvenir à une réduction des armements nationaux. Une commission préparatoire travaille de décembre 1925 à 1931 pour une grande conférence du désarmement, qui s ouvre à Genève le 2 février 1932 sous la présidence du travailliste britannique Arthur Henderson. 62 pays sont représentés, soit la quasi-totalité du monde, y compris de prestigieux non-membres comme les États-Unis et l URSS. Les délégations sont composées d un personnel politique de premier rang (MacDonald pour la Grande-Bretagne, Tardieu pour la France, Brüning pour l Allemagne, Litvinov pour la Russie soviétique...). 20 Très rapidement, chacun cherche à faire entendre sa voix et ignore les importants travaux de la commission préparatoire. Les plans (Tardieu, Hoover, Herriot...) défilent sans être adoptés et les débats s enlisent dans des considérations techniques qui lassent l opinion publique de plus en plus sceptique. 21 Le contentieux franco-allemand est toujours au centre des débats : égalité des droits ( gleichberechtigung) contre sécurité. L Allemagne, agacée et dont l attitude ne cesse de se raidir depuis l arrivée au pouvoir de Von Papen (mai 1932), quitte la conférence en septembre Elle ne reviendra qu à la mi-décembre lorsqu on lui accordera «l égalité des droits dans un système qui assurerait la sécurité de toutes les nations». Mais les modalités de cette égalité et le système assurant la sécurité ne sont pas fixés. Tout reste flou. 22 Le Britannique MacDonald essaie de relancer les négociations en mars 1933 en proposant un plan prévoyant l égalité pour l Allemagne dans un délai de cinq ans, mais aussi un contrôle international par l intermédiaire d une commission permanente. Bien que déçu que les SA et les SS soient assimilés à des troupes, Hitler, chancelier depuis janvier, adhère dans le principe à cette proposition. Mais devant la violence de la situation intérieure allemande et après l envoi d une plainte des Juifs de Silésie au Secrétariat, les puissances souhaitent faire passer le délai de l égalité de cinq à huit ans. 23 C en est trop pour Hitler, qui saisit cette occasion pour annoncer par télégramme, le 14 octobre 1933, le retrait de l Allemagne de la Conférence du désarmement. Il prononce le soir même une allocution radiodiffusée dans laquelle il déclare que les anciens gouvernements de l Allemagne sont entrés à la Société des Nations parce qu ils espéraient et croyaient y trouver un forum préoccupé de faire régner la justice parmi tous les peuples et surtout de parvenir à une réconciliation sincère des anciens ennemis. Mais ceci présuppose le retour du peuple allemand à l égalité des droits... Être considéré au sein d une telle institution comme un membre de second rang à qui des droits égaux sont refusés est une humiliation intolérable pour un peuple de soixante-cinq millions d habitants, tous attachés à leur honneur, et pour un gouvernement qui ne l est pas moins! [...] 4 24 Quelques jours plus tard le 19 octobre, il annonce son retrait officiel de la SdN. Ces décisions sont massivement approuvées par le peuple allemand lors d un plébiscite organisé le 12 novembre 1933 (95 % de oui). Cette défection est un coup dur pour la Conférence du désarmement, qui végète jusqu en 1935, ses travaux n ayant plus de sens depuis le retrait d une telle puissance. C est aussi un coup dur pour la SdN, qui devient de moins en moins représentative avec le retrait de deux puissances comme le Japon et l Allemagne la même année. Hitler a les mains libres pour pouvoir remettre en cause les traités. Les négociations avec les autres puissances sont désormais directes, bilatérales. On en revient à la diplomatie traditionnelle d avant 1914.

129 127 La remise en cause de l application des traités de paix La Sarre redevient allemande 25 La gestion de la Sarre par la commission de gouvernement présidée par le Britannique Geoffirey Knox ( ) peut être qualifiée d excellente. Elle assure la stabilité politique, sociale, une prospérité économique que ne connaissent pas toutes les régions allemandes. La qualité de cette gestion est globalement reconnue par la population. 26 Cependant, comme le prévoyait le traité de Versailles, un plébiscite doit être organisé au bout de 15 ans. Comme le traité est entré en vigueur le 10 janvier 1920, il faut organiser le vote en janvier La SdN prépare cette échéance dès janvier 1934, prévoyant notamment la création d une commission internationale du plébiscite chargée d en contrôler la bonne marche ; des troupes extérieures sont envoyées pour maintenir l ordre. La commission de gouvernement n hésite pas à être ferme avec les nazis locaux, mais ne peut empêcher leur vigoureuse propagande. 27 Les résultats du vote du 13 janvier 1935 sont sans appel : 90,8 % des votants souhaitent le rattachement à l Allemagne, 8,8 % le statu quo et 0,4 % le rattachement à la France. Le 27 janvier, le Conseil entérine le retour de la Sarre à l Allemagne et le prévoit pour le I er mars. Les émigrés allemands réfugiés en Sarre quittent le territoire ainsi que les antinazis sarrois notoires. 28 Peut-on parler d une défaite de la SdN? A priori non, au contraire, tout a été mené comme prévu dans de bonnes conditions. Les Sarrois, très majoritairement attachés à l Allemagne, ne pouvaient que souhaiter le rattachement au Reich, mais toute victoire des nazis paraît être une défaite de la SdN. L affaiblissement de la Société des Nations à Dantzig 29 La situation de la SdN à Dantzig devient de plus en plus délicate à partir des années Dès 1930, le NSDAP local est le parti le plus important ; il soutient un gouvernement de minorité. C est en mai 1933 qu il obtient la majorité ; un gouvernement nazi s installe donc vers la fin du mois de juin, soutenu par le Reich. Les atteintes à la Constitution sont fréquentes : des journaux comme la Dantziger Landeszeitung ou la Dantziger Volksstimme sont parfois interdits, c est une atteinte à la liberté de la presse, garantie par la Constitution. Hitler décide de calmer ses troupes provisoirement. Il préfère temporiser et s entendre avec la Pologne. Le nouveau Sénat affirme sa volonté de paix et de respect des traités. Cette entente avec la Pologne n est pas de bonne augure pour la SdN puisque cela signifie que les protagonistes entendent régler leurs différends directement, sans passer par le cadre de l institution et de son représentant local. 30 Le 26 octobre 1933, l Irlandais Sean Lester est nommé haut commissaire de la SdN à Dantzig. Homme intègre et vigilant, il n hésite pas à dénoncer haut et fort les manquements et transmet régulièrement au Conseil les pétitions d habitants de Dantzig se plaignant d infractions manifestes à la Constitution. 31 La situation s envenime en 1935 lorsque le Sénat introduit par des décrets-lois, dans le Code pénal et dans le Code de procédure pénale, des dispositions contraires à la Constitution, qui limitent les libertés fondamentales. Le Conseil condamne fermement cette pratique et la Cour de justice internationale confirme l incompatibilité de ces

130 128 décrets-lois et de la Constitution. Les tensions entre le Sénat et le haut commissaire sont vives jusqu au départ de celui-ci, nommé secrétaire général adjoint de la SdN en septembre 1936 et remplacé en février 1937 par un universitaire suisse, Carl Burkhardt. Le nouveau haut commissaire n a pas la pugnacité de Lester au point que certains historiens se sont demandés si son absence de fermeté n était pas coupable. En effet, le grignotage des libertés est de plus en plus évident sans qu il y ait de réaction notable 5. La violation des clauses militaires 32 La volonté hitlérienne de réarmer ne faisait aucun doute depuis le départ de l Allemagne de la Conférence du désarmement. Précisons d emblée que le Reich se réarme clandestinement depuis plusieurs années déjà. Mais, comme il le fera toujours, il attend un bon prétexte pour justifier sa décision. Ainsi la parution d un «livre blanc» légitimant la hausse des crédits militaires britanniques et le vote d une loi rétablissant le service militaire de deux ans le 15 mars 1935 permettent au Führer d annoncer le 16 mars à l ambassadeur de France François-Poncet qu il rétablit la conscription obligatoire d un an à partir du I er octobre 1935 et fixe les effectifs de l armée allemande à 36 divisions, soit hommes. 33 La France saisit la SdN et une résolution du Conseil, réuni en session extraordinaire, condamne l Allemagne le 17 avril et charge un comité, dit «comité des treize», d étudier l organisation d un système de sanctions économiques et financières. Cette résolution apparemment ferme choqua cependant car elle n avait pas été discutée lors de la session mais imposée par trois puissances s étant préalablement réunies à Stresa le 11 avril. Le Conseil avait en quelque sorte été court-circuité, il n avait plus qu à enregistrer une décision prise sans lui. 34 Ces menaces ou condamnations morales ne font pas reculer Hitler, au contraire. Le traité que la France et l URSS signent le 2 mai 1935 lui permet de reprendre l offensive en déclarant que c est une violation du traité de Locarno. Il n ose cependant pas encore s engager dans la remilitarisation de la Rhénanie, ses généraux et lui ont peur d une éventuelle réaction française. Ils se contentent de préparer cette nouvelle étape et d attendre un moment plus favorable. C est la ratification du traité franco-soviétique, le 27 février 1936, qui entraîne la décision d Hitler. Le 7 mars, des troupes allemandes ( hommes) s installent dans les principales villes de la rive gauche de la Rhénanie. 35 Les gouvernements français et belges demandent la réunion du Conseil, considérant que l Allemagne portait atteinte aux traités de Versailles et de Locarno. Le Conseil, convoqué en session extraordinaire, se réunit à Londres. La «contravention» du Reich aux deux traités est constatée. La question de la compatibilité de l alliance franco-russe avec Locarno est soumise à la Cour de La Haye. Hitler refuse cette mesure et propose un plan de paix. Aucun accord n intervient, aucune sanction n est prise. Hitler a une fois de plus réussi. La question des minorités 36 L Allemagne va indirectement provoquer une crise du système de protection des minorités établi par la SdN. En effet, après s être retirée de la SdN, elle signe le 26 janvier 1934 un pacte de non-agression avec la Pologne. Les problèmes concernant les relations entre les deux signataires devront être résolues directement, c'est-à-dire sans passer par les auspices de la SdN. Le 13 septembre de la même année, le colonel Beck, ministre des

131 129 Affaires étrangères de Pologne, annonce à l Assemblée de la SdN que son pays met fin à sa coopération avec le Conseil au sujet des minorités. Ce qui ne pouvait être qu un cas particulier s étend : d autres pays (Roumanie, Yougoslavie...) décident de faire de même. Dans ces circonstances, les minorités adressent de moins en moins leurs pétitions à la SdN, qui n apparaît plus comme un interlocuteur privilégié. L'affaire éthiopienne 37 Grâce à une politique extérieure active, Mussolini souhaite renouer avec la tradition impériale antique. Il s agit également de créer une colonie de peuplement destinée à absorber l excédent de la population de la métropole. Il jette tout naturellement son dévolu vers 1933 sur l Ethiopie, seul État non colonisé d Afrique avec le Liberia. Ce pays a l avantage d être situé à proximité de deux colonies italiennes, l Erythrée et la Somalie. Sa conquête permettrait à l Italie de disposer d un ensemble cohérent et conséquent en Afrique de l Est. Les Italiens ne seraient aussi pas mécontents de laver l affront du désastre subi par l Italie face aux troupes abyssiniennes à Adoua en 1896 lors d une première tentative d annexion. Ce projet ne va cependant pas de soi car l Éthiopie du négus Haïlé Sélassié est située à proximité des sphères d influence françaises et britanniques. De plus, cet État souverain est membre de la SdN depuis Quoi qu il en soit, l armée italienne prépare méthodiquement son coup de force. Le prétexte choisi pour entamer les hostilités est l incident d Ual Ual le 5 décembre 1934 sur la frontière entre l Erythrée et l Éthiopie. Conformément à un traité de 1928 signé par les deux pays, le gouvernement éthiopien propose de soumettre l incident à l arbitrage. L Italie refusa le 15 décembre et le gouvernement éthiopien fit appel à la SdN sans demander encore expressément l examen de la question. L Italie revient sur sa position, mais l arbitrage échoue, ce qui entraîne un second appel de l Éthiopie à l organisation : elle demande l application de l article 11 du Pacte. Le 25 mai, le Conseil de la SdN demande aux deux pays de choisir un arbitre avant le 25 juillet. Ils n y parviennent pas. Le Conseil ajourne à quatre reprises l examen du différend, préférant que les deux parties s entendent. 39 La situation se complique à cause de l attitude ambiguë des grandes puissances 6. En effet, initialement divisées, la France et la Grande-Bretagne ne veulent pas que l Italie se jette dans les bras d Hitler et souhaitent la ménager. Ils vont jusqu'à proposer en août la création d un «mandat commun franco-anglo-italien sur l'éthiopie» dans lequel l Italie aurait un rôle prépondérant. Le Conseil de la SdN fera des propositions similaires le 4 septembre 1935, mais toutes deux seront rejetées par Mussolini qui engage le conflit au début du mois d octobre, sans déclaration de guerre. L Italie mène pendant sept mois une guerre sans merci, utilisant massivement pour la première fois l arme aérienne et l arme chimique (ypérite). La victoire est acquise en mai La SdN réagit rapidement à l attaque italienne et, dès le 7 octobre, le Conseil déclare à l unanimité (moins la voix italienne) que l Italie a violé le Pacte en ayant recours à la guerre. L Assemblée, réunie le 11 octobre, suit dans sa grande majorité (50 voix sur 54) et des sanctions sont fixées. Les dispositions prévues par le Pacte sont amplement suffisantes pour permettre rapidement un recul italien, mais les puissances refusent de jouer complètement le jeu, elles contreviennent ainsi aux obligations et aux engagements qu elles ont pris en ratifiant le Pacte. Aucune sanction sérieuse n est en effet proposée et

132 130 la Grande-bretagne, en vertu d une convention de 1888 prévoyant la liberté de navigation du canal de Suez même en temps de guerre, refuse que l accès au canal soit interdit aux navires italiens. Cette fermeture aurait pourtant fortement gêné les Italiens. Si des sanctions économiques et financières sont adoptées, elles irritent l Italie sans vraiment l handicaper. Un embargo sur les armes à destination de l Éthiopie est décidé mais il pénalise finalement plus les Éthiopiens que les Italiens ainsi que des livraisons d armes à l Italie. Certaines exportations sont interdites, mais pas celles d acier, fer, cuivre, plomb, zinc, coton, laine et surtout pétrole produits pourtant très utiles à l armée italienne. On est loin de l application complète de l'article 16 qui stipule que les membre de la SdN «s engagent à rompre immédiatement avec [l agresseur] toute relation commerciale ou financière, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l État en rupture de Pacte [...]». La SdN et son Secrétariat mènent une politique ambiguë. Avenol partage les positions des grandes puissances. L institution n aide pas l Éthiopie : elle n a pas les bénéfices de la convention de 1930 prévoyant l assistance financière aux pays victimes d agressions ou menacées par la guerre. 41 Le réalisme politique franco-britannique va jusqu à soumettre à Mussolini sans passer par la SdN un plan secret le fameux plan Laval-Hoare de décembre 1935 prévoyant de donner à l Italie les deux tiers de l Éthiopie et d envoyer des colons dans le tiers restant contre une portion infime de territoire donnée aux décombres de l Éthiopie indépendante restante. Mussolini s empresse d accepter mais tout échoue lorsque le plan secret est dévoilé par la presse, entraînant une violente réaction de l opinion britannique. 42 La Grande-Bretagne en revient à une politique de sanctions et permet l embargo sur les produits pétroliers. 43 Les sanctions sont peu efficaces. Les sociétés d armement américaines, soviétiques, allemandes et des sud-américaines continuent à vendre leur matériel et le pétrole provient essentiellement des États-Unis, pays non membre. L Italie peut achever ainsi avec succès sa conquête. 44 Les tentatives de la SdN ont échoué et l organisation parachève son discrédit lorsque l Assemblée vote le 4 juillet 1936 une résolution en faveur de la levée des sanctions économiques et financières prises contre l Italie. Cette attitude ne peut qu encourager l Allemagne à opérer, à son tour, des coups de force. Un bilan mitigé dans les autres affaires En Europe Tension entre la Hongrie et la Yougoslavie 45 Le 8 mai 1934, le gouvernement hongrois lance un appel à la SdN en invoquant l article 11. Il attire l attention du Conseil sur de nombreux incidents survenus le long des 600 km de la frontière hungaro-yougoslave depuis 1931, qui ont occasionné le décès de 15 personnes. Les Hongrois protestent aussi contre la fermeture sans motif du côté yougoslave, lésant ainsi de nombreux propriétaires hongrois qui ont des biens de l autre côté de la frontière. Le Conseil est saisi puisque les négociations directes ne donnent aucun résultat. Le Conseil examine la question en juin, en présence des délégués des deux protagonistes. Les Yougoslaves ne nient pas les faits, mais les expliquent par la présence de «terroristes» établis en territoire hongrois depuis Ils profitent de la

133 131 perméabilité de la frontière pour troubler l ordre public yougoslave. Ils précisent que les autorités hongroises locales sont complices. Les deux pays conviennent que des négociations directes continuent. Elles débouchent sur un accord le 21 juillet. 46 La situation empire lorsque le roi de Yougoslavie et le ministre des Affaires étrangères français Louis Barthou sont assassinés à Marseille le 9 octobre Le gouvernement yougoslave saisit à son tour le Conseil le 22 novembre, invoquant l alinéa 2 de l article 11 du Pacte. L enquête yougoslave aurait démontré que l attentat aurait été organisé et exécuté avec la participation d'éléments terroristes réfugiés en Hongrie, avec la complicité des autorités locales. Les terroristes disposaient de passeports hongrois de surcroît. 47 L affaire est examinée le 5 décembre au cours de la réunion du Conseil en session extraordinaire destinée à préparer le plébiscite de la Sarre. Le représentant hongrois proteste contre les allégations yougoslaves. La résolution du 10 décembre du Conseil précise qu aucun pays ne doit encourager ni tolérer sur son territoire quelque activité terroriste à but politique. Le Conseil invite le gouvernement hongrois à lui communiquer les mesures qu il aura prises pour s acquitter de ce devoir. Le Conseil, considérant que les règles du droit international concernant la répression de l activité terroriste n ont pas encore de précision suffisante, charge un comité d experts d élaborer un avant-projet de convention internationale. 48 Le 12 juin 1935, le gouvernement hongrois rend compte à la SdN de l enquête qu il a poursuivie et fait connaître les sanctions qu il a prises à l égard de certains fonctionnaires hongrois. Les Yougoslaves jugent cet effort insuffisant. Le Conseil, réuni le 25, était en droit de demander des renseignements supplémentaires, mais ne pousse pas l investigation plus avant. Le représentant hongrois annonce que son gouvernement continuera de prendre toutes les mesures nécessaires contre les activités terroristes et fera surveiller les émigrés yougoslaves avec un soin particulier. Le représentant yougoslave prend acte et le Conseil déclare clos l examen de l affaire. La SdN a réussi, dans un conflit certes mineur, à encourager deux nations à résoudre pacifiquement leur différend. La guerre d Espagne 49 Le rapport entre la SdN et la guerre civile espagnole a longtemps été oublié par les historiens 7. Or les aléas de ce conflit sont sans cesse évoqués dans les réunions des instances politiques et techniques de l organisation (Conseil, Assemblée et commissions). C est sans doute l un des aspects les plus débattus pendant cette période. 50 Comme pour tant d'autres conflits, les résultats de l intervention de la SdN sont minces, d autant qu elle a été à l écart des principales initiatives internationales, que ce soit le comité de non-intervention appelé aussi «comité de Londres» qui se réunit pour la première fois le 9 septembre 1936 au Foreign Office qui milite pour la non-intervention de pays tiers dans la guerre civile ou la Conférence de Nyon (du 9 au 14 septembre) qui tente de mettre fin aux actes de piraterie en Méditerranée, notamment à l agression de navires de commerce ravitaillant l Espagne républicaine par des bâtiments ou sousmarins italiens. La commission d enquête sur les bombardements aériens en Espagne est britannique. Ainsi la SdN n a pas en main le problème espagnol malgré plusieurs appels de ce pays. Il s agissait certes d une guerre civile, or le droit d ingérence n existant encore pas, une intervention dans le conflit n est donc a priori pas envisageable. Mais avec

134 132 l engagement italien et allemand, il y a donc bien, dans ce cas-là, une violation du Pacte. La SdN pouvait donc intervenir. 51 Pourquoi ces questions sont-elles traitées en dehors de l organisation? Depuis quelques années, l habitude est prise de ne pas toujours passer par cette institution, c est le retour d une diplomatie traditionnelle. Deux pays ont un rôle majeur dans le conflit espagnol : l Allemagne et l Italie. Or le premier n est plus membre de la SdN et le second ne participe plus à ses travaux. Le seul moyen de les entendre, de les faire participer aux débats sur la non-intervention est de créer une structure en dehors de la SdN. 52 Les tribunes de la SdN permettent aux représentants de la République espagnole de s exprimer publiquement puisqu ils sont exclus du comité de Londres et n ont pas été invités à la conférence de Nyon. Ils dénonceront régulièrement, preuve à l appui (telle la publication par les Républicains d un livre blanc que diffuse le Secrétariat auprès des États membres, livre constitué de documents laissés par les troupes italiennes après leurs défaites à Guadalajara en mars 1937), les menées italiennes et allemandes, l envoi de troupes en Espagne, les lâches bombardements des villes ouvertes et les attaques réitérées de navires de commerce se rendant dans les ports républicains. Les délégués espagnols montrent ainsi que le principe de la non-intervention, pourtant accepté par les deux puissances fascistes, n est pas efficace. Ils dénoncent aussi l interdiction des ventes d armes aux belligérants : cette action ne gêne pas les rebelles et nuit à la République, le gouvernement républicain, pourtant légal et reconnu sur le plan international, étant dans l incapacité de se défendre correctement. Les Espagnols comprennent mal pourquoi le gouvernement légitime est placé au même rang que les insurgés. Ils attirent l attention sur la portée de ce conflit. Il ne s agit pas, pour eux, d une simple guerre civile. Avec l intervention de l Italie et de l Allemagne, le conflit prend une dimension internationale. Il y a bien une agression extérieure conformément à l article 11 du Pacte. Ils comprennent mal l absence de la SdN dans les débats. Cela justifie leur agacement. Ainsi l ancien président de la République Manuel Azaña écrit en 1939 : «Pour se faire entendre de la Société des Nations, il faut être puissant, être préparé à la guerre et prêt à définir le droit pour son propre compte, avec la ferme intention de l appliquer. La République était faible 8.» 53 Les discussions ont cependant débouché sur quelques timides initiatives concrètes tant sur le plan politique que sur le plan humanitaire. Sur le plan politique, quelques résolutions adoptées demandent au comité de Londres d être plus efficace. La SdN est intervenue pour tenter de régler l épineuse question du droit d asile dans les ambassades ; elle a participé à la surveillance du retrait des Brigades internationales. Mais c est sur le plan humanitaire que les initiatives ont été plus nombreuses. Une mission de la SdN a été envoyée en décembre 1936 et janvier 1937 à la demande de la République pour vérifier l état des services de santé, l état épidémiologique de l Espagne en guerre. Le rapport de mission préconise l achat de véhicules pour évacuer les blessés, la vaccination contre la fièvre typhoïde des populations du Sud et des côtes ; il évoque aussi le problème des réfugiés. En octobre 1938, le Secrétariat dépêche une autre mission, menée par deux experts britanniques, Sir Denys Bray et Lawrence Webster. Ils étudient les mesures destinées à assurer le ravitaillement des 2,4 à 3 millions de réfugiés. Le rapport demande, sans succès, la nomination d un commissaire des secours qui surveillerait et activerait l organisation de secours en faveur des réfugiés. La SdN s est aussi préoccupée du sort des enfants espagnols par l intermédiaire d une organisation privée, l Union internationale de secours aux enfants.

135 La SdN s est enfin préoccupée de la sauvegarde du patrimoine espagnol, notamment de l évacuation d'espagne des tableaux du musée du Prado vers Genève. Ils ont été déposés pendant quelques mois dans la bibliothèque de la SdN, avant de revenir en Espagne à l issue du conflit L attitude de l organisation genevoise a déçu les Républicains et n a pas contenté pour autant les Franquistes, qui annoncent le 8 novembre 1939 le retrait de l Espagne de la SdN. En Amérique latine Le conflit du Chaco 56 Le Chaco est une plaine aride qui longe les Andes, de l Amazonie au nord à la Pampa au sud. Elle est encadrée par les rivières Pilcomayo et Paraguay. Les limites entre la frontière bolivienne et paraguayenne sont mal dessinées. La plaine est revendiquée par les deux pays. Cette région semble avoir des réserves de pétrole et des compagnies pétrolières (Standard Oil du côté bolivien et Royal Dutch Shell du côté paraguayen) attisent les tensions. De plus, la Bolivie entend récupérer un accès vers un océan et laver aussi un ancien désastre. Elle a en effet perdu sa côte Pacifique au siècle dernier après un conflit avec le Chili. Elle compte donc, grâce au cours d eau qui limitent le Chaco, pouvoir disposer d un accès à l océan Atlantique. 57 À partir de 1928, les incidents frontaliers se multiplient. Le 10 mai 1933, le Paraguay déclare officiellement la guerre à la Bolivie. Commence un conflit atroce, sanglant et impitoyable. La Bolivie est mise en échec : les soldats boliviens sont loin de leur base et s adaptent mal à ce climat. 58 En juillet 1933, la SdN désigne une commission d enquête composée de représentants latino-américains. L'organisation internationale propose un projet de traité, qui est repoussé par les deux adversaires. Un embargo sur les armes est décidé contre les deux pays afin d atténuer la situation conflictuelle. L embargo est levé pour la Bolivie en janvier 1935 car elle accepte les nouvelles conditions recommandées par l Assemblée en novembre 1924 ; il est intensifié contre le Paraguay, qui traîne les pieds et adresse son préavis de retrait à la SdN. Les négociations continuent cependant et la signature d un protocole de paix à Buenos Aires le 14 juin 1935 met fin aux hostilités. Le Paraguay se voit attribuer la plus grande partie des territoires contestés et la Bolivie bénéficie d un corridor vers le Rio Paraguay. Le conflit a été très meurtrier : plus de victimes, majoritairement boliviennes. Les deux pays sont exsangues. Une conférence de la paix commence et débouche sur la signature d un traité de paix, d amitié et de frontières le 21 juillet 1938 dans la capitale argentine. La SdN a effectivement exercé une utile pression sur les deux belligérants, mais le conflit est finalement résolu par la médiation de pays latino-américains. L affaire de Leticia 59 Un traité signé à Lima le 24 mars 1922 par la Colombie et le Pérou et ratifié en 1928 accordait au second une bande de territoires situés au Nord-Est de l Équateur. En échange, la première obtenait une zone située entre le Putumayo et l Amazone, où fut fondée la petite ville de Leticia.

136 Mais dans la nuit du 31 août au I er septembre 1932, des irréguliers péruviens s emparent de Leticia, destituent et chassent les autorités colombiennes. Ils occupent aussi la région, le «trapèze de Leticia». Les agresseurs sont désavoués par leur gouvernement, mais encouragés par les autorités locales voisines péruviennes. La Colombie réagit en envoyant une flotte sur l Amazone. Les autorités péruviennes soutiennent alors les agresseurs. 61 Le président du Conseil de la SdN envoie le 14 janvier 1933 un télégramme aux belligérants, les adjurant d éviter la guerre. Il n est pas écouté. Les Péruviens bombardent la flottille colombienne et s emparent de Tarapaca. La Colombie fait appel à la SdN en vertu de l article 15 du Pacte. Le Conseil propose aux deux parties qu une commission de la SdN, nommée par lui pour un an, soit chargé de l administration du territoire. D abord refusé par le Pérou, l idée est finalement acceptée par les deux pays le 25 mai. Le 23 juin, la commission prend en main l administration du territoire de Leticia, les troupes péruviennes ayant été préalablement évacuées. À Rio de Janeiro, le 24 mai 1934, les négociations entre les deux parties aboutissent à un accord. Les deux pays reconnaissent que le traité du 24 mars 1922 ne peut être modifié ou amendé sans un consentement réciproque. Le 19 juin 1934, la commission d administration rend officiellement le territoire de Leticia à un représentant du gouvernement colombien et propose sa dissolution. Cette affaire, certes mineure, fut un indéniable succès pour la SdN. Vers la guerre 62 La démission des grandes puissances ne pouvait qu encourager les dictatures et pays expansionnistes à poursuivre leurs menées agressives : la guerre commence en Asie 63 Après avoir mené une action de grignotage pendant cinq ans contre le Nord de la Chine, les Japonais passent à une offensive de grande envergure à partir du 7 juillet Ils entendent profiter d un contexte international favorable, ils ont toujours besoin d élargir leurs débouchés commerciaux et n apprécient guère l hostilité croissante des Chinois à l égard des ressortissants japonais. Le gouvernement chinois appelle la SdN le 12 septembre 1937 en vertu des articles 10, 11 et 17 du Pacte. Le délégué chinois, Wellington Koo, s exprime devant l Assemblée. Il obtient le 28 septembre une résolution condamnant solennellement les bombardements des villes ouvertes et une autre le 6 octobre 1937, plus décevante car le Japon n est pas déclaré agresseur, ce qui ne permet pas la mise en place de sanctions ; son action est seulement condamnée. La SdN assure la Chine de son appui moral et invite ses membres à s abstenir de toute action de nature à affaiblir le pouvoir de résistance de ce pays ainsi qu à examiner dans quelle mesure ils pourraient, à titre individuel, accorder leur aide à la Chine. Cette dernière sollicite une aide technique de la SdN en vue de prévenir et d enrayer les épidémies et de secourir la population civile et les réfugiés. Il fut décidé d envoyer trois équipes complètes anti-épidémiques. 64 L'appel que le gouvernement chinois avait adressé en septembre 1937 à la SdN a continué, sur sa demande, de figurer à l ordre du jour du Conseil au cours des diverses sessions de La résolution du 2 février 1938 regrette l aggravation de la situation et rappelle les termes de celle d'octobre Le 14 mai, le Conseil «exprime sa sympathie à la Chine dans sa lutte héroïque en vue du maintien de son indépendance et de son intégrité

137 135 menacées par l invasion japonaise et pour les souffrances qui en découlent pour le peuple chinois». Il dénonce aussi l emploi de gaz toxiques. Il est bien question d invasion, mais le Japon n est toujours pas considéré comme agresseur et n est donc pas l objet de sanctions. Il n est question que de «sympathie» et d «appui moral», ce qui ne peut suffire à faire reculer les Japonais. La marche vers la guerre civile européenne à partir de 1937 L Anschluss 65 Hitler impose le leader nazi local, Seyss-Inquart, au sein du gouvernement et exige qu il prenne la tête de l État : il remplace Kurt von Schuschnigg le 11 mars Une fois ce vœu accompli, l Anschluss est proclamé le 13. Cet acte ne suscitera aucune réaction de la part de la SdN. L'indépendance de l Autriche était pourtant garantie par les traités : l Anschluss est interdit aux termes de l article 80 du traité de Versailles et l article 88 du traité de Saint-Germain précise que «l indépendance de l Autriche est inaliénable si ce n est du consentement du Conseil de la SdN. En conséquence, l Autriche s engage à s abstenir sauf le consentement dudit Conseil, de tout acte de nature à compromettre son indépendance directement ou indirectement par quelque voie que ce soit [...]». C est donc une violation manifeste de ces traités. La seule réaction viendra du Mexique, qui envoie une lettre au secrétaire général le 19 mars. Mexico proteste contre cette agression et regrette que le Conseil n ait pas été convoqué. Le Secrétariat accusera sans sourciller réception de la note officielle allemande du 18 mars qui annonce à la SdN que l Autriche cesse d être membre de l organisation. Le démembrement progressif de la Tchécoslovaquie et ses conséquences 66 Les Sudètes sont un groupe minoritaire de langue allemande vivant dans une région frontalière de l ouest de la Tchécoslovaquie. Hitler et Konrad Heinlein, le chef du parti allemand des Sudètes, exigent leur autonomie dans le cadre de l État tchèque puis se déclarent en faveur de l annexion de cette région en faveur du Reich. 67 Contrairement à ce qu elle prétend, l Allemagne n est pas qualifiée pour prendre la défense de cette minorité. En effet, si l origine allemande de ce peuple ne peut être niée, il n a jamais fait partie de l Allemagne : il dépendait de l Autriche-Hongrie. De plus, les traités de 1919 ont placé les minorités non sous la protection de leurs anciens tuteurs mais sous celle du Conseil de la SdN. Les minorités mécontentes adressent des plaintes et des pétitions à cette instance de la SdN. 68 Une fois de plus, la SdN va se trouver court-circuitée par les puissances. En effet, cette question sera intégralement débattue en dehors des murs du nouveau palais des Nations. La tension dans les Sudètes et entre la Tchécoslovaquie et l Allemagne est très vive en septembre Le Britannique Chamberlain rencontre à deux reprises Hitler en Allemagne, s entretient avec Daladier. Devant la menace de mobilisation allemande, Mussolini suggère une conférence à quatre, qui a lieu à Munich le 29 septembre. Des accords sont signés le 30 à 1h35 du matin. La Tchécoslovaquie doit abandonner à l Allemagne les territoires germanophones de Bohême, Moravie et Silésie. Le dépeçage commence et s achève en mars 1939 quand la Slovaquie proclame son indépendance et la Wehrmacht entre à Prague. La Hongrie et la Pologne en avaient aussi profité pour rectifier leurs frontières. L ancien président Benes envoya successivement deux

138 136 protestations au Secrétariat, mais elles ne pouvaient légitimement être prises en compte car il n était plus membre du gouvernement à cette époque. Cependant, grâce à l appui des Russes, elles furent inscrites sur l agenda de la session de septembre du Conseil. Le déclenchement de la guerre en empêcha l examen. 69 Si la SdN n a pas eu son mot à dire dans cette affaire, les accords de Munich vont avoir une répercussion directe sur l'ambiance qui règne au Secrétariat entre Munichois et antimunichois. Avenol profite du prétexte des économies à réaliser par le Secrétariat pour se débarrasser de nombre de fonctionnaires anti-munichois. En effet, l Assemblée lui accorda, en septembre 1938, le pouvoir discrétionnaire de prendre toute mesure administrative ou financière pouvant être nécessitée par les circonstances difficiles, économiques et politiques dans lesquelles se trouvait la SdN. Il pouvait ainsi faire ce qu il voulait. Certains historiens n hésitent pas à parler de «purge». Les deux plus importantes victimes de cette mesure furent le directeur de cabinet d Avenol, Marcel Hoden, et le directeur de la section d hygiène, Ludwik Rajchman. 70 L Assemblée était en session ordinaire pendant l effervescence munichoise. La question de l article 16 donne lieu à un très important débat. Cet article, rappelons-le, prévoit des sanctions contre un État qui a recouru à la guerre en violation du Pacte. L article prévoit aussi un engagement de solidarité entre les membres face à l agresseur. Deux courants d opinion s affrontent. Selon le premier, le système des sanctions économiques et financières a cessé d avoir un caractère obligatoire. Selon le second, le système établi par le Pacte doit être maintenu. C est l idéal sociétaire qui est en question. Mais tous les membres considèrent que l aventure de la SdN doit continuer, même en cas de conflit. 71 C est d ailleurs à partir de la fin de l année 1938 que l on commence à concevoir des plans d urgence, des plans de repli hors du siège constitutionnel. En effet, en septembre, l Assemblée confie au Secrétaire général et à la commission de contrôle (résolution du 30 septembre 1938) le pouvoir de prendre des mesures exceptionnelles en cas de crise aussi bien dans les questions financières que dans l administration interne de l institution. Après en avoir préalablement repoussé l idée, Avenol accepte un plan de repli de la SdN en dehors de la Suisse en avril Il s agit de prévenir toute conséquence d une invasion de la Suisse, de ne pas compromettre la sécurité de ce pays par la présence d une organisation peu appréciée par l Allemagne et enfin de se préparer à partir au cas où la Suisse l exigerait subitement. La France est le premier lieu immédiatement accessible et le plus sûr, semble-t-il. Vichy apparaît un bon choix éventuel, du fait de son éloignement des zones possibles de conflit et de l importance de son infrastructure hôtelière. La France accepte de recevoir la SdN à Vichy. On envisage de réquisitionner des hôtels : le Queen s Hôtel pour la SdN et le Pavillon Sévigné pour le BIT. L Albanie tombe entre les mains des Italiens 72 L Albanie est bombardée et envahie par l Italie le 7 avril Le chargé d affaire albanais à Paris écrit à Avenol le lendemain et demande la convocation immédiate du Conseil afin de statuer sur les secours à apporter à ce petit pays 10. Avenol répond que cette lettre ne peut être considérée comme un appel au respect du Pacte : écrite le 8 avril, elle n a pas été postée avant le 11 et lui est parvenue le 12. De surcroît, le Secrétaire général ne comprend pas pourquoi le gouvernement albanais ne l a pas contacté directement ou par ses représentants officiels à Genève. Le 14 avril, les nouvelles autorités pro-italiennes notifient le retrait de l Albanie de la SdN, mais le Secrétariat n en reconnaît pas la

139 137 validité. En mai 1939, le Conseil continue à fermer les yeux sur la situation albanaise en refusant l examen d une demande d assistance formulée par Zog, le roi d Albanie en exil. Dantzig et l invasion de la Pologne 73 En 1939, la mainmise des Nazis sur Dantzig est presque complète. Le haut commissaire a de plus en plus de mal à arbitrer les différends entre Dantzig et la Pologne, à faire respecter la Constitution que les Nazis locaux transgressent grâce à leur forte majorité au Sénat. Ce dernier tente même de faire appliquer les lois de Nuremberg contre les Juifs. Carl Burkhardt tente de faire reculer le plus possible cette mesure. Les Nazis profitent d un voyage du haut commissaire à Berlin pour les imposer. 74 Le jour même de la signature du Pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, le Gauleiter Albert Forster dissout la Constitution et se proclame chef de l Etat. Il déclare l Anschluβ lorsque les troupes allemandes envahissent la Pologne et se présente à la résidence du haut commissaire pour l informer que Dantzig fait à nouveau parti du Reich. 75 Le 3 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre au Reich. Or, en vertu de la loi du 11 juillet 1938, les gouvernements sont tenus de saisir la SdN d un conflit international qui aurait pour conséquence de placer le pays sous le régime du temps de guerre. Ni l un ni l autre ne songe à recourir à la SdN. Le ministre des Affaires étrangères français, Georges Bonnet, se contente de communiquer à la SdN, le 5 septembre, son état de belligérance. La Grande-Bretagne, le Commonwealth et la France annoncent qu elles ne reconnaissent plus la clause facultative de juridiction obligatoire contenue dans l article 36, 3 du statut de la CPJI. NOTES 1. Voir le classique ouvrage de Pierre Renouvin, La question d Extrême-Orient , Paris, Hachette, 1946, p et celui plus récent de Michel Vié, Le Japon et le monde au XX e siècle, Paris, Masson, 1995, p Pierre Renouvin, La question d Extrême-Orient..., op. cit., p René Girault et Robert Frank, Turbulente Europe et nouveaux mondes..., op. cit., p Cité par Alan Bullock, Hitler ou les mécanismes de la tyrannie. 1. L ascension, Verviers, Marabout, 1980, p Burckhardt Carl J., Ma mission à Dantzig , Paris, Fayard, coll. «Les grandes études contemporaines», 1961, 400 p. 6. George W. Baer, Test Case. Italy, Ethiopia, and the League of Nations, Stanford (Californie), Hoover Institution Press, 1976, 367 p. 7. Manuel Azana, «La République espagnole et la Société des Nations», in Causes de la guerre d Espagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p ; Miguel Diaz, La Société des Nations et la guerre d Espagne, mémoire de licence d histoire contemporaine sous la direction de Mauro Cerutti, Université de Genève, 1999,102 p. ; Richard Veatch, «The League of Nations and the Spanish Civil War, », European History Quarterly, vol. 20,1990, p Manuel Azaña, «La République espagnole...», art. cit., p. 52.

140 Mayte Garcia Julliard, «1 er juin-31 août L été espagnol du musée d art et d histoire», Geneva. Revue d histoire de l art et d'archéologie, vol. LI, 2003, p James Barros, Betrayal front within. Joseph Avenol, Seeretary-general of the League of Nations, , New Haven (Connecticut), Yale University Press, 1969, p. 197.

141 Partie IV. Les succès de l œuvre technique ( ) 139

142 140 Les succès de l œuvre technique ( ) 1 Le mot «technique» choisi depuis l origine de la SdN pour évoquer tout un large champ d action de cet organisme a desservi tout ce pan d activité, pourtant fort important. Il y aurait donc d un côté la grande politique, celle de la guerre et de la paix entre les nations, qui mobilise les grands de ce monde, et de l autre un ensemble d activités de caractère souterrain, plus précis, en apparence plus laborieux, donc forcément moins intéressant. Les historiens sont eux-mêmes tombés dans le piège, privilégiant pendant longtemps une histoire des relations internationales fondées sur les relations strictement politiques ou économiques entre les États. De plus, comme la SdN n a pas pu empêcher la seconde guerre mondiale, toutes ses activités ont été regardées à la lumière de cet échec ou ont été purement et simplement ignorées, d où la place souvent modeste consacrée à l œuvre technique dans la majeure partie des ouvrages consacrés à la SdN. C est oublier l ampleur des champs d'activité de ces organismes qui représentent en fait, vers la fin de la période, la majeure partie du travail de la SdN. L œuvre technique concerne de très nombreux pays et réalise mieux l universalité tant souhaitée qui fait défaut à l activité politique. On assiste à un radical renversement des priorités de la SdN. Cette dernière était à l origine un organisme essentiellement politique. Les questions techniques ne sont d ailleurs que brièvement évoquées, pêle-mêle dans l article 23 du Pacte. Mais, progressivement, elles prennent du galon et dépassent les buts fixés par le texte fondateur. À tel point qu il est question, en 1939, de créer un nouveau comité pour les questions économiques et sociales jouissant dans ces domaines de la même autorité que le Conseil en matière politique. Cette réforme, dite Bruce, modifierait profondément l équilibre institutionnel du Pacte. Mais il est déjà trop tard, la guerre passe par là.

143 141 Chapitre 1. Vers une meilleure connaissance du monde Le recueil et la diffusion des informations 1 La SdN dispose d un moyen indirect mais puissant pour acheminer les États vers les solutions de coopération internationale : le rassemblement d une documentation internationale, imprimée sous forme maniable, présentant toute garantie et continuellement tenue à jour. Il en ressort que, malgré la diversité de développement et de civilisation des nations, les problèmes économiques, sociaux et autres sont similaires d un pays à l autre et appellent, sinon des solutions d ensemble, du moins des solutions apparentées. Ces publications, dont l impact réel n est pas encore bien connu faute de travaux, deviennent indispensables aux gouvernements qui ne bénéficient pas toujours d organismes statistiques nationaux performants. 2 Les différents services et sections du Secrétariat recueillent tout d abord les informations auprès des gouvernements, puis ils les trient, les classent et les diffusent. Chaque service publie périodiques, annuaires et travaux occasionnels, c est-à-dire des études précises effectuées par des experts 1. 3 Ainsi le service des renseignements économiques du Secrétariat travaille à fournir à tous ceux qui doivent aborder les problèmes économiques ou financiers sous l angle international des données statistiques ou autres. Il publie le Bulletin mensuel de statistique qui constitue un recueil d indices des changements survenant mois après mois dans l économie des différents États. Il publie aussi les périodiques suivant : L Annuaire statistique, La production mondiale et les prix, Aperçu général du commerce mondial, Le commerce international de certaines matières premières et denrées alimentaires par pays d origine et de consommation, Monnaies et banques, Balances des paiements. La Revue de la situation économique mondiale est destinée à un public plus large que les autres publications et connaît, chaque automne, un certain succès. Si ce service publie beaucoup, la plupart des autres sections ou organisations diffusent aussi les résultats de leur activité. Ainsi, la section d hygiène publie un bulletin trimestriel depuis l année 1932, le Bulletin de l Organisation d hygiène, mais aussi des Rapports épidémiologiques depuis 1921, L Annuaire militaire de la section de

144 142 désarmement est une source unique de renseignement sur les armements des différents États, tirés de milliers de publications officielles de toutes sorte. La section d information du Secrétariat, mise en place par le Français Pierre Comert, publie beaucoup, plus que n importe quel gouvernement ou agence nationale. Elle essaie d entrer en contact avec l opinion publique par l intermédiaire de la presse, en lui fournissant des informations ou grâce à des publications comme Le Résumé mensuel de la Société des Nations qui propose une revue générale de toute l activité de la SdN pendant le mois écoulé. Ce résumé paraît en 6 langues dans plus de 50 pays et est tiré à exemplaires. Elle publie aussi un bilan annuel de toutes les activités, par exemple La Société des Nations en 1933 pour l année Ces publications diverses sont envoyées aux États membres, circulent à l intérieur des differents services du Secrétariat et sont disponibles pour la presse (L Europe nouvelle utilise très souvent ces sources), voire le grand public. Elles sont diffusées dans le monde entier : en 1936, 61 agents autorisés sur les 5 continents vendent ou distribuent les documents de la SdN. 5 Tous les documents passent par le performant service des publications, seul autorisé à publier. La quantité de documents publiés est importante : 1,7 million en 1927 et encore 1,3 million en Précisons aussi que la bibliothèque de la SdN met à disposition des services du Secrétariat, des délégués des États et des chercheurs un fond unique, notamment en matière de droit international. 7 Enfin, l instrument le plus original et le plus moderne dont dispose la SdN pour diffuser son information est Radio Nations. La station radioélectrique est située à Prangins, près de Genève. Il s agit d une société mixte comprenant deux émetteurs à onde courtes, qui appartiennent à la SdN, et un poste à ondes moyennes appartenant à Radio Suisse, société chargée de l exploitation. Elle a été inaugurée en février L idée de créer un tel outil remonte à mars 1919 : le colonel House en parle à William Rappard, délégué officieux du Conseil fédéral de la Suisse à la Conférence de la paix. Mais avec le retrait américain, le projet tombe à l eau. Il est repris à partir de 1926, prend forme à partir de 1928, mais le chemin est long. Les autorités suisses craignent en effet qu une radio de la SdN puisse porter atteinte à leur neutralité. Lorsque les tensions internationales commencent à être vives, Berne souhaite éliminer Radio Nations. Ce sera chose faite en Radio Nations a entretenu des relations radio régulières avec l Extrême-Orient et l Amérique latine. Elle effectue d autre part des services d information hebdomadaires organisés par la section d information du secrétariat. Des communiqués radiotélégraphiques du Secrétaire général destinés aux membres de la SdN ont été émis à l occasion des conflits sinojaponais, bolivo-paraguayen, italo-éthiopien. Ces communications sont censées informer de façon complète, rapide et économique les gouvernements membres des travaux en cours. Un exemple connu d utilisation de Radio Nations est la transmission, le 18 février 1932, du rapport de l Assemblée extraordinaire concernant le conflit sino-japonais. La transmission en anglais de ce rapport a duré trois heures. Après réception à Shanghai, le texte anglais a été traduit en chinois et la traduction a été distribuée aux journalistes à Nankin dans la soirée et transmise par radio à travers la Chine. Le lendemain matin, le 19 février, le rapport était reproduit dans les journaux.

145 143 L'œuvre juridique 8 La SdN a fait œuvre juridique de plusieurs manières. Elle a d abord créé des éléments de droit international en élaborant des conventions internationales ouvertes en principe à tous les États qui veulent bien se lier par une ratification ou une adhésion. Cet aspect de son activité a été particulièrement traité dans les chapitres consacrés à son œuvre politique et le sera dans ceux portant sur son œuvre technique. Certes, dans la liste des nombreux accords et conventions conclus depuis le début sous les auspices de la SdN, il en est un certain nombre qui ne sont pas encore entrés en vigueur faute d avoir réuni le nombre de ratifications requis ; cependant l ensemble des conventions déjà entrées en application représente un élément important du droit international qui se construit ainsi, morceau par morceau. 9 La SdN s est d autre part proposée de codifier certaines grandes questions de droit international de caractère spécifiquement juridique, afin de donner à ce droit plus de précision, de clarté et surtout d'unité. Elle s est efforcée de le faire par étapes, en s'appliquant aux questions paraissant avoir atteint un caractère suffisant de maturité pour se prêter à une codification. L idée de développer le droit international en réaffirmant les règles existantes ou en en formulant de nouvelles est déjà ancienne. Dès le dernier quart du XVIII e siècle, Jeremy Bentham a proposé, quoique sur des bases utopiques, une codification de l ensemble du droit international. Depuis lors, de nombreuses tentatives de codification ont été faites tant par de simples particuliers que par des sociétés savantes et des gouvernements. Mais c est avec la SdN que l on passe vraiment de la théorie à la pratique. 10 Les efforts déployés par les gouvernements pour favoriser la codification et le développement du droit international font un pas en avant, le 22 septembre L'Assemblée de la SdN adopte alors une résolution envisageant la création d un organe permanent désigné sous le nom de «comité d experts pour la codification progressive du droit international». Ce comité doit être représentatif des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde. Composé de 17 experts, il est chargé de dresser une liste de matières dont la solution par voie d entente internationale paraît souhaitable et réalisable, d examiner les observations faites par les gouvernements au sujet de cette liste, de présenter un rapport sur les questions ayant atteint «le degré de maturité suffisant» comme sur la procédure à suivre dans la préparation de conférences visant à résoudre ces questions. C est là la première tentative faite à l échelon international pour codifier et développer des branches entières du droit international et non plus simplement énoncer des règles touchant tel ou tel problème juridique. Des représentants de 47 gouvernements participent à la Conférence pour la codification qui a lieu à La Haye du 13 mars au 12 avril 1930 ; mais les instruments internationaux auxquels aboutissent les travaux ne portent que sur la question de la nationalité (adoption d une convention et de trois protocoles, qui entrent presque tous en vigueur au cours de l année 1937). La conférence faute d adopter des conventions relatives aux eaux territoriales ou à la responsabilité des Etats a dû se borner à adopter quelques vœux. Trop de questions générales de droit international ne sont pas encore mûres pour une codification. 11 Bien qu aucune autre tentative de codification n'ait été faite par la SdN après 1930, elle a adopté, en 1931, une importante résolution relative à la méthode de codification dont

146 144 l idée maîtresse était de renforcer l influence des gouvernements à tous les stades du processus de codification. Cette idée a été ultérieurement reprise dans le statut de la commission du droit international de même que certaines autres recommandations de la résolution portant par exemple sur le recours à un comité d experts pour la préparation des projets de convention et l établissement d une collaboration étroite avec les instituts scientifiques internationaux et nationaux. 12 Rappelons, sans insister, que le plus clair de l œuvre strictement juridique accomplie par la SdN dans l entre-deux-guerres l a été par son organe juridictionnel : la Cour permanente de justice internationale de La Haye. 13 L œuvre juridique de la SdN dans son ensemble a suscité de nombreux travaux, parus dans différentes revues de droit international, ainsi que des thèses de droit. Les historiens gagneraient beaucoup à s intéresser davantage au droit et prendre exemple sur les juristes qui exploitent largement cette source inépuisable (Journal de droit international, Revue de droit international, Revue générale de droit international public, Recueil des cours de l Académie de droit international de La Haye, American Journal of International Law, British Yearbook of International Law...). On ne peut que saluer l initiative de Dzovinar Kévonian et Jean-Michel Guieu de consacrer un numéro de Relations internationales (n o 149, 2012) au thème «Juriste et relations internationales». On lira notamment leur remarquable introduction (p. 3-11). NOTES 1. Roser Cussó, «L activité statistique de l'organisation économique et financière de la Société des Nations», Histoire & mesure, n o XXVII-2, 2012, http ://histoiremesure.revues.org/4553.

147 145 Chapitre 2. L œuvre technique La prise en charge des problèmes économiques et sociaux du monde entier 1 La majeure partie des articles du Pacte sont consacrés à l organisation de la SdN et aux questions d ordre politique. Il s agit, on l a vu, de mettre en application des traités de paix et de parvenir à régler pacifiquement les différends internationaux. Trois articles font exception (23 à 25). L article 23 notamment, qui résume en six points les préoccupations économiques et sociales que doit prendre en charge la SdN. Quels sont les domaines pris en compte? Les conditions du travail humain (article 23a), la répression de la traite des femmes et des enfants (23c), celle du trafic de l opium et d autres drogues nuisibles (23c), le maintien de la liberté des communications et du transit (23e), le traitement équitable du commerce de tous les membres de la SdN (23e), l hygiène (23f et 25). On a du mal à croire que des champs d activité aussi sommairement énumérés puissent progressivement prendre une part prépondérante dans l activité de la SdN. 2 Ces questions sont largement subordonnées à la situation politique d après-guerre. Il s agit non seulement de maintenir la paix, mais aussi d intervenir dans les secteurs économiques et sociaux pour permettre au monde bouleversé par le conflit de se redresser. Les rédacteurs du Pacte précisent d ailleurs dans le point «e» de l article 23 que «les nécessités spéciales des régions dévastées pendant la guerre de devront être prises en considération». Comme le précise aussi le rapport Bruce (1939), «on observait encore des lueurs de guerre en bordure du continent européen ; la famine et les épidémies menaçaient de continuer, avec autant d efficacité, l œuvre des baïonnettes et des bombes». Ainsi, la première grande conférence financière de Bruxelles fixe les grandes lignes selon lesquelles l œuvre de reconstruction peut commencer ; le comité financier s efforce d aider des nations frappées par de lourdes difficultés monétaires et financières. De même, la première tâche de l OH (Organisation d hygiène) est de prendre des mesures de défense contre les épidémies de typhus et de choléra. 3 Pendant les premières années, il a fallu fonctionner dans l urgence pour contribuer à relever le monde épuisé par quatre ans de guerre et lui faire retrouver le chemin du progrès et de la prospérité. Une fois la situation contrôlée voire rétablie, l activité des

148 146 organisations techniques ne cessa pas. Au contraire, celles-ci prennent une ampleur nouvelle. Leur souplesse leur permet de collaborer avec un grand nombre d Etats dont certains ne sont pas membres de la SdN. Ainsi l OH a institué un réseau mondial de renseignements épidémiologiques qui s étend dans 148 États et territoires. Ces organisations prennent en charge des activités nouvelles que le Pacte ne mentionnait pas telle la convocation de grandes conférences économiques internationales en 1927 et 1933 ou la création d une organisation chargée de stimuler la coopération intellectuelle entre les nations. 4 Pour répondre aux exigences de l'article 23 et aux besoins des pays, la SdN a permis la création d organismes techniques et de commissions permanentes dans les trois premières années qui suivent la création de l organisation : l OCT (Organisation des communications et du transit) et les trois commissions sur le contrôle de l opium et des drogues nuisibles en 1921, la commission des questions sociales en 1922, l OEF (Organisation économique et financière) et l OH en L OCI (Organisation de coopération intellectuelle) sera créée en Les organismes auxiliaires ont pour fonction d assister de leur avis le Conseil ou l Assemblée et de faciliter aux États l accomplissement des devoirs internationaux qui leur incombent. Ils ont une certaine indépendance mais pas d organes de décision spécifiques ni de secrétariat propres. Leur fonctionnement dépend en fait des sections du Secrétariat : celle de communication et de transit sert de secrétariat à l organisation du même nom. 5 Leurs structures sont parfois assez complexes et étendues comme en témoigne le cas de l OCI. La CICI (Commission internationale de coopération intellectuelle) est créée en C est le premier jalon de ce qui devient officiellement une organisation technique de la SdN en septembre 1931, l OCI (Organisation de coopération intellectuelle). Celle-ci comprend, outre la CICI, les commissions nationales de coopération intellectuelle, l IICI (Institut international de coopération intellectuelle), à Paris depuis 1926, l IICE (Institut international du cinématographe éducatif), à Rome depuis Leur succès dépend largement du dynamisme et de la force de conviction des directeurs de sections : Salter à l OEF, Haas à l OCT, Rajchman à l OH 1. 7 Tous ces organismes techniques doivent à la fois établir une législation internationale sous forme de conventions, mais aussi fournir une aide concrète aux pays qui en ont besoin. Ils classent, mettent en forme des informations, des statistiques que les États leur fournissent et les diffusent. Ils permettent donc de faire progresser la connaissance dans des domaines très variés. L'œuvre économique et financière Une tentative de prise en charge globale des problèmes économiques 8 Les États membres de la SdN lui ont confié une vaste tâche : celle de donner au monde, en période de malaise et de désordre, des impulsions propres à assainir les économies. La SdN s'est efforcée d y répondre soit par le canal de son comité économique permanent, soit au cours de grandes conférences qui ont jalonné la période d après-guerre : celles de Bruxelles (1920), de Genève (1927) et de Londres (1933). Précisons d emblée que cette œuvre est quelque peu décevante. Les États ont souhaité se réunir, mais lorsqu il s agit

149 147 d agir, force est de constater qu ils préfèrent décider chacun de leur côté. Si les résultats de ces grandes réunions sont limités, elles ont eu le mérite de projeter sur les problèmes nationaux un faisceau de lumière internationale et surtout d accroître sensiblement, dans chaque État, la connaissance que des administrations nationales peuvent avoir de l économie mondiale. Nous n évoquerons ici que les deux premières conférences, celle de Londres ayant été abordée (cf. supra). La Conférence de Bruxelles (24 septembre-8 octobre 1920) 9 Convoquée par le Conseil, elle était destinée à proposer des solutions aux désordres monétaires de l après-guerre. Cette première conférence internationale fut organisée par des fonctionnaires internationaux compétents tels que Jean Monnet et Arthur Salter qui avaient expérimenté leur savoir-faire dans les organisations interalliées pendant la guerre. 39 pays participent aux travaux : outre les membres de la SdN, les États-Unis et plusieurs pays vaincus sont représentés. Les délégués sont répartis dans quatre commissions de travail Les résultats sont de deux ordres. Il s agit d une part de restaurer l'économie en respectant strictement certaines règles : la rigueur budgétaire et fiscale, la stabilité des changes et le retour à l étalon-or, la maîtrise de l inflation et le retour au libre-échange afin de permettre une bonne circulation des biens et capitaux. Il s agit d autre part d'aider certains pays fragilisés à retrouver le droit chemin : la conférence se prononce pour une politique de prêts internationaux (cf infra). 11 La SdN met en place, à l issue de la conférence, un comité financier et un comité économique. Ils doivent réunir des informations, assister le Conseil et certains États membres, proposer des projets de convention. 12 Après avoir traversé les soubresauts du début des années 1920, l économie mondiale s est orientée vers une certaine prospérité, bénéficiant désormais d une plus grande stabilité des monnaies et de budgets à peu près équilibrés. Mais l ouverture de chacun sur l extérieur reste limitée, on se protège derrière de solides barrières douanières, ce qui entrave les échanges internationaux. 13 Le Français Louis Loucheur lance devant la VI e assemblée de la SdN l idée d une coopération accrue et de l organisation d une nouvelle conférence internationale. Son projet de résolution est adopté à l unanimité le 24 septembre La Conférence économique de Genève (4-23 mai 1927) 14 Elle réunit les délégués de cinquante pays, dont deux importants non-membres : les États- Unis et, pour la première fois, l URSS 3. Après une séance plénière de quatre jours, des débats ont lieu dans trois commissions : commerce, industrie et agriculture. 15 Chaque commission présente son rapport à partir du 21 mai en séance plénière. Celui qui est consacré au commerce est le plus important, le plus volumineux et le plus discuté. Il est adopté le 23 mai. La conférence condamne le nationalisme économique et ses résultats. Elle préconise une stabilisation voire une baisse des droits de douane aussi bien dans le cadre d accords internationaux que bilatéraux. «La Conférence estime l octroi réciproque du traitement inconditionnel de la nation la plus favorisée, en ce qui concerne les droits de douane et les conditions du commerce, constitue un élément essentiel du développement libre et normal des échanges entre les États et qu il est hautement

150 148 souhaitable, dans l intérêt de la stabilité et de la sécurité du commerce, que ce traitement soit garanti, pour une période suffisante au moyen de traités de commerce,» La conférence permet la création du comité consultatif, qui est intégré dans l organisation économique de la SdN. Il est chargé de promouvoir et de surveiller la mise en application des résolutions. 16 À l issue de la conférence, le sentiment qui prévaut est l optimisme. Les gouvernements semblent vouloir sortir du cadre du nationalisme économique. Pour Stresemann, c est «une des conférences les plus remarquables et les plus fécondes qui aient jamais été convoquées par la SdN». Le Français Daniel Serruys, qui a joué un rôle majeur dans la commission du commerce, est ravi que la conscience de la nécessité d une collaboration économique internationale soit enfin acquise : «cette consultation internationale fut à la fois le plus courageux examen de conscience et l entreprise la plus déterminée d une coopération économique des peuples sur la base d un principe nouveau. Le principe nouveau, c est celui de la responsabilité mutuelle des peuples en matière économique.» 17 Il faut rapidement déchanter. Les pratiques nationales restent les mêmes. La conférence de 1927 ne peut contraindre les nations à suivre ses résolutions. La SdN ne peut compter que sur la bonne volonté des gouvernements. Elle accomplit la tâche qui lui est confiée, être une tribune et proposer des solutions aux difficultés économiques, mais l intérêt national passe avant la coopération internationale. 18 Concrètement, on peut relever la signature, le 17 août 1927, d un accord commercial franco-allemand, mais presque rien d autre. Les États-Unis augmentent leurs tarifs douaniers. La crise à venir n arrangera pas les choses. Des réalisations concrètes 19 Des États en proie à de grosses difficultés économiques et financières qu ils ne peuvent résoudre seuls font appel à la solidarité internationale. Le Conseil et notamment son organe consultatif, le comité financier, interviennent. La reconstruction financière de l Autriche 20 L Autriche, tout comme l Allemagne et la Russie, succombe à l effondrement monétaire dont est victime l Europe centrale et orientale, exceptée la Tchécoslovaquie. Sa situation financière est critique, tout comme sa situation alimentaire. Elle bénéficie de l aide de la Croix-Rouge, de crédits avancés, des solutions de relèvement sont envisagées mais ne sont pas mises en place car elles exigent sans doute un effort trop important pour des gouvernements pourtant prêts à aider l Autriche. Les Alliés se tournent alors vers la SdN et son comité financier. Un premier plan est engagé au cours de l année 1921, mais sa mise en place est retardée à cause de maintes hésitations. À la fin de l été 1922, la situation devient catastrophique, la monnaie s effondre. Le gouvernement autrichien lance un appel angoissé à la SdN. Un plan de reconstruction est établi et trois protocoles d accord sont signés avec le chancelier Seipel le 4 octobre Un emprunt international (26 millions de livre sterling) est décidé, mais le gouvernement doit aussi exécuter d importantes réformes : rétablir la monnaie (création d une banque centrale d émission et d une nouvelle monnaie, le schilling), mise en équilibre du budget, limitation des dépenses (les fonctionnaires jugés inutiles sont congédiés). Les réformes s effectuent sous la surveillance d un commissaire général de la SdN résidant à Vienne. Les résultats sont

151 149 rapides. La chute de la monnaie est enrayée et les capitaux réapparaissent, les dépôts en banque augmentent, preuve que la confiance est retrouvée. L équilibre budgétaire a été obtenu, le budget supporte aisément le service des intérêts et de l amortissement de l emprunt. Le comité financier met fin aux fonctions du commissaire général, donc au contrôle, à partir du 30 juin L aide à la Grèce 21 On pourrait étudier de nombreux cas de redressement financier mis en place par le comité suite à de pressant appels : la Hongrie, la Grèce, la Bulgarie, l Estonie, le Portugal lequel finit par refuser l aide, Salazar ne souhaitant pas d un contrôle effectué par la SdN. Le cas de la Grèce mérite d être évoqué. 22 Suite aux traités de paix qui mettent fin aux opérations militaires gréco-turques en Asie Mineure (1923), les Turcs résidant en Grèce doivent être évacués en Turquie et les Grecs résidant en Turquie doivent rejoindre la Grèce. Les Grecs vivant en Asie Mineure étaient fort nombreux (environ 1,5 million). Ce retour vers la mère patrie était catastrophique pour les migrants, qui perdaient tout, et pour le pays d accueil, pays de 5 millions d habitants au territoire exigu. Le gouvernement hellénique, incapable de gérer tout seul la situation, fait appel à la SdN. Le comité financier met sur pied un plan comportant un emprunt international de 9,7 millions de livres sterling, que doit gérer l office autonome. Le produit de l emprunt doit impérativement servir à des mesures constructives et durables d établissement des réfugiés. Ils peuvent obtenir un instrument de travail, des avances en espèce. Établis, ils peuvent rembourser les prêts consentis grâce au produit de leur travail. Une collaboration étroite entre des agents de la SdN et le pouvoir grec permet de mettre en place un programme d action efficace. Les réfugiés sont d abord triés sur la base de leur métier ou de leur profession. Des maisons sont fournies à ceux qui ont un métier urbain et on les aide à retrouver un emploi. La population rurale est largement plus nombreuse et la réponse à son attente est plus complexe. Les ruraux sont en général acheminés vers la périphérie septentrionale évacuée par les populations turques, certains en Crète. L office autonome tache de leur fournir des terres, des maisons, du bétail, des semences, du fourrage et des véhicules. Le succès fut, dans ce cas-là, encore au rendezvous puisque sur les avances consenties à ces réfugiés agricoles grâce à l emprunt international, 4 % seulement restaient impayées aux dates fixées pour le remboursement. Les autres tâches 23 L effort de la SdN s est aussi porté sur des réalisations de détail qui permettent de faire progresser la vie économique. On peut citer par exemple les conventions internationales sur la simplification des formalités douanières (1923), sur l exportation des peaux et des os (1928), sur la standardisation progressive des statistiques économiques (1928), sur la répression du faux-monnayage (1929), sur l unification du droit en matière de lettres de change, billets à ordre et chèques (1931). La SdN s est aussi déjà engagée, sans grand succès il faut le reconnaître, dans le dossier de l évasion fiscale et des paradis fiscaux 5.

152 150 Les communications et le transit 24 L OCT est un des organes techniques dont l œuvre apparaît parmi les plus importantes de la SdN. L ampleur de son activité n est guère surprenante à une époque où les progrès des moyens de communication et de transit terrestres, maritimes et aériens sont importants, tant sur le plan national qu international. 25 L OCT regroupe une conférence générale constituée des représentants de tous les États membres, une commission de 18 États ayant 6 sous-comités permanents (ports et navigation maritime, trafic routier...). Le secrétariat de l organisation est assuré par la section des communications et du transit. 26 L OCT a accompli une œuvre législative importante afin de mettre en application l article 23e du Pacte : prendre «les dispositions nécessaires pour assurer la garantie et le maintien de la liberté des communications et du transit». Il s agit aussi d unifier et de simplifier certains problèmes techniques et administratifs de droit public et privé. 27 Les premières conférences de Barcelone (1921) et de Genève (1923) ont conclu des conventions sur le régime international des ports maritimes, des voies maritimes d intérêt international (comme le Rhin, le Rio de la Plata) et des chemins de fer. La Conférence de Lisbonne (1930) s est efforcée de trouver une entente pour l unification des signaux maritimes. En 1931 ont été conclues à Genève des conventions ou des arrangements d unification sur le régime fiscal des véhicules automobiles étrangers surtout sur la signalisation routière qui contient un code international de signaux routiers permettant aux automobilistes étrangers, ignorant la langue du pays sur le territoire duquel ils circulent, d interpréter correctement tous les signaux qu ils rencontrent. 28 L organisation du transit exerce par ailleurs certaines fonctions d arbitrage dans le règlement des différends relatifs au transit et apporte aux gouvernements, sur leur demande, une assistance technique. L'hygiène 29 Dès le début du XX e siècle, les hommes ont compris que les maladies n avaient pas de frontières : en 1909 est créé à Paris l Office international permanent d hygiène publique qui recueille des renseignements sur la propagation des maladies infectieuses. Les articles 23f et 25 du Pacte donnent à la SdN la mission de veiller à l hygiène publique. Dès février 1920, une commission temporaire des épidémies est créée par le Conseil afin de prendre des mesures contre le typhus et le choléra en Pologne et en Europe orientale. Le chef de la commission, le docteur Norman White, envoie du personnel médical et hospitalier ainsi que du matériel. 30 En 1922, une conférence sanitaire se réunit à Varsovie sous les auspices de la SdN. Elle permet un renforcement des cordons sanitaires opposés par les divers gouvernements aux épidémies déclarées, et même la conclusion de conventions sanitaires entre des pays d Europe orientale. 31 L OH voit le jour en Elle est composée d un comité d hygiène constitué de spécialistes en médecine ou en questions sanitaires et d un conseil consultatif composé de représentants des gouvernements et institué par le comité permanent de l Office

153 151 international d hygiène publique de Paris. Le secrétariat de l OH et nombre de ses initiatives sont assurés par la section d hygiène dirigée par Ludwik Rajchman. 32 L OH encourage surtout le développement de la médecine préventive, la coordination des renseignements entre administrations et la recherche scientifique. 33 La prévention a été l un des premiers axes de travail de l OH grâce à la création du service permanent de renseignements épidémiologiques. Il comporte un centre à Genève et un autre à Singapour. Les données qu ils recueillent sont analysées par le Secrétariat de Genève, qui adresse des bulletins hebdomadaires, mensuels et annuels aux administrations sanitaires du monde entier. Les administrations nationales sont donc rapidement informées des dangers proches et peuvent prendre toutes les mesures prophylactiques appropriées. 34 Ce service de renseignement couvrant la majeure partie du monde s est avéré particulièrement utile en Extrême-Orient, où le bureau de Singapour assure un échange d information très rapide. Il est en relation télégraphique avec 180 ports auxquels il notifie semaine après semaine chaque cas de maladie potentielle. Les informations sont aussi radiodiffusées par dix stations. Que se passe-t-il concrètement? En 1932, 188 navires ont été signalés au bureau de Singapour comme ayant à leur bord des maladies infectieuses. Le port où un bateau doit aborder est avisé et les autorités sanitaires sont en mesure de prendre les précautions nécessaires. Les navires en mer peuvent aussi savoir, par la TSF, si le port où ils doivent faire escale est infecté. 35 L OH a aussi permis de grands progrès dans le domaine de la standardisation des sérums, des vaccins et des produits biologiques, ce qui constitue une protection pour le malade et facilite aussi la tâche des praticiens. Tout a été possible grâce à une collaboration à distance d un grand nombre d experts de pays différents. Ainsi, en 1935, l OH a établi des étalons et des unités internationaux pour les principaux sérums thérapeutiques, pour quatre vitamines, pour trois hormones sexuelles, pour des extraits glandulaires tels que l insuline... La deuxième étape de ce travail consiste à organiser une conférence intergouvernementale (Genève, octobre 1935) afin de généraliser l utilisation et l insertion dans les pharmacopées nationales des étalons et unités préconisés par l OH. Près d une quarantaine de pays les avaient adoptés avant la guerre. 36 L OH a beaucoup travaillé sur le paludisme, maladie qui faisait souffrir des dizaines de millions de personnes. La quinine était un excellent remède, mais coûteux : tous les services d hygiène nationaux n avaient pas les moyens de le distribuer en quantité suffisante. Ainsi des équipes ont travaillé au perfectionnement de nouveaux médicaments synthétiques substitutifs. L OH a aussi travaillé sur la tuberculose, la lèpre, la syphilis. 37 L OH a encouragé des programmes d «interchange» qui permettent à des chercheurs de travailler avec leurs homologues à l étranger et de comparer divers aspects de leurs services de santé respectifs. La fondation privée Rockefeller a subventionné ces programmes. Précisons enfin que l OH a organisé des conférences sanitaires régionales, contribué à former un personnel compétent, fourni une assistance technique auprès des Etats et des bases techniques pour la réorganisation de leurs services de santé (Grèce, Chine, Bolivie).

154 152 L œuvre sociale et humanitaire L aide aux «réfugiés de la paix» : la naissance de la «diplomatie humanitaire» (Dzovinar Kévonian) 38 Au début de l année 1920, un demi-million de prisonniers végètent encore en Russie soviétique essentiellement, attendant vainement d être rapatriés dans leurs foyers. Des organisations privées s efforcent de soulager leur misère, mais la situation s aggrave. Saisi, le Conseil de la SdN confia au docteur Fridtjof Nansen, célèbre explorateur norvégien, la tâche d opérer ces rapatriements (le 14 avril 1920), rendus d autant plus difficiles qu une partie de l Europe orientale est encore un champ de bataille. Nansen doit improviser et obtient des contributions de plusieurs gouvernements et d œuvres privées. Il établit des plans de rapatriement par les mers Noire et Baltique, par Vladivostock et obtient les nécessaires laissez-passer. En l espace de deux ans (de mai 1920 à juillet 1922), personnes appartenant à 26 nationalités différentes regagnent leurs foyers. Le succès de cette action et l aide qu il organise pour lutter contre la faim en Russie lui valent d obtenir le prix Nobel de la paix en Mais un problème, plus vaste et plus complexe encore, se pose au lendemain de la guerre : la question des réfugiés. Ce phénomène n'est pas nouveau, mais comme l ont montré Michael R. Marrus et Dzovinar Kévonian, il prend une dimension particulière au XX e siècle, notamment à l issue de la Grande Guerre. D un nombre limité au XIX e siècle, on passe à un mouvement de masse, en bonne partie lié à la paix nouvelle. Les traités de Versailles, Saint-Germain, Neuilly et du Trianon entraînent des recompositions territoriales, la formation de nouvelles frontières, qui correspondent plus à des nationalités homogènes. Ces transformations obligent le départ de millions de personnes. À cela il faut ajouter la généralisation de l apatridie, la pratique des dénaturalisations pour des raisons politiques, l apparition des échanges forcés de populations. Tout concourt à en faire un vrai problème de politique internationale. La question des réfugiés peut vite affecter gravement les relations entre les États et remettre en cause la stabilité, la vitalité économique de certains pays. Le problème est d autant plus grave que la plupart des pays, à rebours de la législation libérale héritée du XIX e siècle, établissent des contrôles réguliers de l immigration. Les réfugiés se trouvent alors ballottés de frontières en frontières. Devant l'insuffisance des réponses nationales se développent, petit à petit, une coopération et une prise en charge internationales. 40 Entre 1919 et 1939, au moins cinq millions d Européens ont quitté leur domicile pour des raisons très variées. Au début des années 1920, la guerre civile et la famine entraînent le départ de plus d un million de Russes. La guerre gréco-turque oblige le départ de 1,5 million de Grecs, de Turcs et de Arméniens. Les différends entre la Bulgarie et ses voisins entraînent le retour de quelque Bulgares. Dans les années 1930, personnes fuient l Allemagne nazie, l Italie fasciste, Républicains l Espagne de Franco. Cette liste non exhaustive montre déjà bien l ampleur du phénomène. 41 Fridtjof Nansen est tout naturellement nommé haut commissaire pour les réfugiés en juin 1921 par le Conseil. Il ne bénéficie que de moyens très limités et d un personnel très réduit à Genève. Les gouvernements ne font pas non plus beaucoup d efforts pour l aider. Il doit beaucoup au CICR, qui est très présent. Il dépend, de manière générale, des aides

155 153 privées et fonde en 1922 un CCOP (comité consultatif des organisations privées) qui comporte 16 organisations au départ. Il y en aura 40 en Il pense qu un consensus international est nécessaire, s efforce d entrer en contact avec les gouvernements lors de conférences et d intervenir au Conseil ou à l Assemblée pour combattre le manque d aide. La SdN a souvent répondu à ses besoins, notamment les sections économique et financière, politique et d hygiène. 43 Une de ses principales tâches fut de négocier un système de protection légale pour les réfugiés qui ont perdu la protection diplomatique de leur pays d'origine et qui n ont aucun droit dans leur pays d accueil, s ils ont la chance d en avoir un 6! Nansen essaie de convaincre les États que ses buts sont uniquement humanitaires et non politiques, qu il ne s agit en aucun cas d atteindre la souveraineté nationale. Il s efforce de ne jamais mettre publiquement en cause les pays qui «produisent» des réfugiés, ni de critiquer les pratiques douteuses de certains pays d accueil. Il s agit de ne pas annihiler les efforts et de parvenir à des résultats. 44 Du 3 au 5 juin 1922,16 gouvernements assistent à une conférence intergou-vemementale sur la question des réfugiés russes convoquée par Nansen. Il s agit de mettre fin à l absence de protection légale dont souffrent les réfugiés russes. Nansen peut donc créer en juillet un certificat d identité et de voyage pour les réfugiés russes, que l on appelle «passeport Nansen». Il sera reconnu par 53 Etats. Ce document ingénieux sert de passeport et épargne à son porteur l inconvénient de l apatridie. Le réfugié a enfin droit à un statut juridique. Délivré d abord aux réfugiés russes, il sera ensuite fourni aux réfugiés arméniens en 1924, assyriens en 1928 et sarrois en Après la mort de l inépuisable Nansen le 13 mai 1930, le Haut Commissariat, transformé en Office international Nansen pour les réfugiés souvent appelé «office Nansen» sera dirigé successivement par deux Suisses : Max Huber et Georges Werner. L action continue et franchit une étape décisive à l issue d une conférence intergouvemementale qui se tient à Genève en octobre Le 28 est signée une «Convention relative au statut international des réfugiés». Elle définit la condition juridique des réfugiés et la mesure dans laquelle ils pourront avoir recours aux institutions de leurs pays de résidence en ce qui concerne l accès devant les tribunaux, le travail, l assistance, les assurances sociales, les accidents du travail, la petite propriété... Même si seulement huit pays ratifient le document, ce texte restera une référence en matière de droit international et montre bien le caractère moderne de l institution genevoise. 46 Outre le droit, la mission du Haut Commissariat puis de l office est de fixer les réfugiés de deux manières : en leur permettant soit de regagner leur pays d origine, soit de s établir dans un pays d accueil. 47 Nansen et son Haut Commissariat ne sont pas seuls sur les rangs, ils doivent aussi tenir compte des puissances mandataires dans lesquelles des réfugiés se sont établis (Syrie, Liban) et du BIT dirigé par Albert Thomas, qui s est octroyé pendant quelques années la question des réfugiés. Albert Thomas est en quelque sorte un homme plus politique que Nansen, il bénéficie de sa nationalité (la France, qui domine la Syrie et le Liban, préfère négocier avec lui qu'avec Nansen), de ses réseaux auprès des entrepreneurs (il peut placer des réfugiés, leur redonner une activité professionnelle). Le rôle de Nansen a surtout été important au début, pour régler une situation d urgence, et sur le plan juridique, avec la création de son fameux passeport.

156 Nansen a d abord privilégié le retour des réfugiés russes dans leur pays. Un accord est conclu avec les autorités soviétiques : les réfugiés bénéficient d une amnistie. Mais cette bonne volonté ne dure pas longtemps et il y a peu de candidats au retour. Le Haut Commissariat s occupe de leur placement, essaie de les acheminer vers les pays où existent des possibilités d emploi. La situation des Arméniens, puis des Assyriens est aussi très complexe. À la suite du génocide puis de la guerre gréco-turque, ils se retrouvent en Syrie, au Liban et en Grèce. À partir de 1924, ils peuvent bénéficier d un passeport Nansen et partir où ils le souhaitent. Pour certains la Syrie n est qu une terre de transit avant l Europe occidentale (Marseille...). Nansen a essayé de négocier le départ de plusieurs d entre eux vers la République soviétique d Arménie en 1925, mais le projet échoue. Albert Thomas et le BIT prennent en charge la situation. Le directeur du BIT s entend avec les Français pour permettre l établissement de nombreux réfugiés en Syrie et au Liban. Ceux qui quittent la région bénéficient d un placement professionnel. 49 L antisémitisme allemand et les persécutions politiques entraînent, peu après l arrivée au pouvoir d Hitler, le départ de nombreux ressortissants allemands dans les pays voisins, en France notamment. S il était difficile d empêcher les nazis de s'attaquer aux Juifs et aux opposants en Allemagne, il était possible de trouver des solutions aux problèmes liés à leur migration vers d autres pays. Le Conseil de la SdN décide, le 12 octobre 1933, la création d un haut commissariat pour les réfugiés en provenance d Allemagne, chargé de coordonner les effets internationaux dans l aide aux réfugiés allemands, avec à sa tête un haut commissaire américain, James J. MacDonald. Ce haut commissariat est distinct de l Office Nansen. Un Conseil d administration est aussi mis en place avec les représentants de 12 gouvernements - celui de la Grande-Bretagne est Lord Cecil. Le siège du nouvel organisme est fixé à Lausanne. L organisme est autonome et ses frais sont couverts par des dons provenant de sources privées. 50 Le haut commissaire démissionna en décembre 1935, jugeant que seule une organisation directement placée sous l autorité de la SdN peut s occuper du problème. Il est remplacé en janvier 1936 par Sir Neil Malcom, et l organe se rapproche de la SdN. 51 L assemblée générale de 1938 décide de fusionner l Office Nansen et le Haut Commissariat pour les réfugiés allemands pour former le Haut Commissariat pour les réfugiés, dont le siège est fixé à Londres. La direction de ce nouvel organisme est confiée à Sir Herbert Emerson. La lutte contre l esclavage, la traite des femmes et des enfants 52 La question de l esclavage fut évoquée en 1922 devant l Assemblée par Sir Arthur Steel- Maitland, délégué de Nouvelle-Zélande, qui affirme la survivance, voire la recrudescence de l esclavage en Afrique. 53 La SdN se procure une importante documentation auprès des gouvernements de sorte qu elle peut, en 1926, établir une convention de nature à permettre la suppression totale de l esclavage et de la traite. La Convention relative de l'esclavage fut signée le 25 septembre 1926 par 42 États En 1932, la SdN procède à un nouvel examen de la situation. Il révèle que l esclavage subsiste çà et là. L Assemblée constitue une commission consultative de l esclavage, qui entre en fonction en 1934.

157 L esclavage est aboli en Afghanistan, en Irak, au Népal, en Jordanie et en Iran. En revanche, l Éthiopie se voit refuser son adhésion à la SdN tant qu elle n aura pas pris l engagement d abolir l esclavage. Ce sera chose faite en La traite des femmes et des enfants est mentionnée dans l article 23c du Pacte 8. Au XIX e siècle, dans presque tous les pays, la prostitution est tenue pour un mal nécessaire que l on s efforce, mais en vain, de contenir et de contrôler. Au début du XX e siècle, des maisons de prostitution existent dans la plupart des pays. Des milliers de femmes y sont envoyées, souvent par delà les mers. Ce trafic est appelé la «traite des blanches», en référence à celui des négriers d antan. 57 Un accord de 1904 et une convention de 1910 manifestent déjà des efforts entrepris dans ce domaine, mais faute d un organe central susceptible de stimuler les gouvernements dans leur action et de veiller à ce que les accords ne restent lettre morte, l action reste inefficace. 58 La SdN prend en charge la question et permet la signature d une nouvelle convention en 1921 : une femme ne peut être recrutée pour la traite avant 21 ans, sinon c est un délit, puni par la loi. La traite des femmes majeures non consentantes est aussi punie. Seul l acte même de proxénétisme était punissable auparavant, les tentatives de proxénétisme le sont désormais également. Les gouvernements sont tenus d envoyer un rapport annuel à la SdN sur l application de la convention. 59 Un organe consultatif, le comité pour la répression de la traite des femmes et des enfants, est chargé d étudier les rapports et d orienter le Conseil. La SdN fait procéder à deux grandes enquêtes, en et , en vue d établir la nature et l extension de la traite dans les différentes parties du monde. On peut ainsi mieux connaître le mal et mieux le combattre. 60 Une nouvelle convention est conclue en octobre 1933 et entre en vigueur en août Elle prévoit désormais des punitions pour la traite internationale des femmes majeures en vue de la débauche dans un autre pays. 61 La SdN s occupe aussi du cas des maisons de tolérance, jusque-là considéré comme une affaire de juridiction nationale, suggérant la fin de ce système, qui entretient les courants de traite, destinés partiellement à les ravitailler en prostituées. La protection de l enfance 62 Cette activité n est pas mentionnée dans le Pacte 9. La protection de l enfance se développe à partir d une initiative belge en Le comité pour la protection de l enfance (1925) se livre à un travail de confrontation des différentes méthodes et institutions auxquelles les divers États ont recours pour protéger les enfants qui ne grandissent pas dans un foyer familial normal. Le comité effectue et diffuse des enquêtes. Par exemple des enquêtes ont été faites sur les services auxiliaires des tribunaux pour enfants, l organisation de ces tribunaux, les institutions pour enfants dévoyés et délinquants. N oublions pas non plus la déclaration de Genève sur les droits de l Enfant ou «déclaration de Genève», adoptée le 26 septembre 1924 par la SdN, qui affirme pour la première fois que les enfants peuvent bénéficier de droits spécifiques et que les adultes ont des responsabilités à leur égard. Ce texte de cinq articles n a cependant aucune valeur contraignante pour les États.

158 156 La lutte contre les stupéfiants 63 Le contrôle du trafic de l opium et autres stupéfiants est sans doute l une des branches les plus importantes de l activité sociale et humanitaire déployée par la société en raison des grands intérêts matériels en jeu, de l étendue du mal à combattre et des préoccupations de l opinion publique. 64 Il existait une convention internationale de 1912, incluse dans le traité de Versailles (article 295). Elle imposait aux pays contractants certaines obligations destinées à réglementer à la fois le commerce, la production et la fabrication des stupéfiants. Mais si elle prévoyait certaines dispositions nationales de contrôle, les mesures en vue de l établissement d un contrôle général du commerce international des drogues étaient insuffisantes Cette importante tâche est assurée par trois commissions de l opium. La commission consultative du trafic et de l opium, créée par le Conseil et l Assemblée, comprend des représentants des pays producteurs, manufacturiers ou consommateurs et des experts. Il s agit pour la SdN de constituer un dossier de renseignements sûrs quant à la production, à la distribution et à la consommation des stupéfiants dans chaque pays. Elle détermine, avec la collaboration du comité d hygiène, la quotité approximative des besoins médicaux et scientifiques du monde entier en produits dérivés de l opium et de la cocaïne : celle-ci correspondait à peine au dixième de la production effective! La deuxième commission est le comité central permanent de l opium (1928), prévu par la Convention de l opium signée à Genève le 19 février Il reçoit des relevés trimestriels indiquant les quantités de stupéfiants exportées et importées par les pays. En comparant ces renseignements, il est en mesure de suivre la circulation des stupéfiants dans le monde. Enfin, un organe de contrôle est créé après la Convention de Genève pour limiter la fabrication et réglementer la distribution des stupéfiants (1931). C est un véritable événement dans l'histoire des relations internationales et du droit international. Pour la première fois, une instance internationale réussit à instituer un contrôle international sur l ensemble d une activité économique. Les États ont chargé la SdN d appliquer un plan international de stricte coordination entre la production et la consommation. La tâche n est pas aisée car une partie de la production et du commerce est devenue clandestine et doit obtenir des États un renforcement de la répression du trafic illicite des drogues nuisibles. La coopération intellectuelle 66 Le développement de la coopération intellectuelle est l une des activités les plus originales de la SdN 11. Elle n était à l origine pas prévue par le Pacte. C est une des raisons pour laquelle son organisation est progressive : création de la CICI en 1922 qui vit participer des personnalités comme Henri Bergson, Marie Curie, Albert Einstein..., formation de l IICI installé à Paris (1926), au Palais-Royal, sous la direction de Julien Luchaire puis d Henri Bonnet. La coopération intellectuelle est enfin reconnue comme une organisation technique à part entière en 1931 seulement. Elle a dû également surmonter des problèmes d ordre économique (budget réduit) et liés à son statut : ne faisant pas partie du Pacte, elle était donc forcément secondaire. Il était aussi nécessaire de démêler un écheveau très complexe, passer de l'individuel sans ingérence administrative officielle à une véritable coopération. De plus, la période de l'entre-deux-

159 157 guerres était celle d une vie intellectuelle en pleine transformation. Les problèmes matériels ou extérieurs auxquels se heurtaient les intellectuels revêtaient un caractère d acuité tout nouveau. L extension constante de la scolarité, la popularité croissante de l enseignement secondaire et professionnel, la multiplication des applications scientifiques qui, adoptées dans les entreprises commerciales, obligent celles-ci à recruter des intellectuels parmi leurs employés, tout cela avait contribué à gonfler le nombre des travailleurs intellectuels et mis en péril l ancienne conception des études approfondies et désintéressées. L apparition d inventions mécaniques qui s étaient rapidement intégrées dans la vie culturelle de l élite comme des masses gramophone, cinéma, radio avaient suscité une multitude de problèmes intellectuels qui avaient aussi leurs aspects éducatifs et moraux. 67 On peut tenter de regrouper un peu les vastes champs d activité de l OCI. Il s agit avant tout de favoriser un rapprochement des peuples suivant un état d esprit pacifique. Les tenants de la coopération intellectuelle pensent que c est possible grâce au «désarmement moral» et à l enseignement. Le désarmement moral peut se faire par l enseignement des principes et des faits de la coopération internationale. Il faut préparer les jeunes et leur permettre de recevoir un véritable enseignement des buts et de l œuvre de la SdN (centre d information scolaire de la SdN). Parallèlement à la Conférence du désarmement en 1932, l OCI offre ses services car le désarmement n'est pas que technique, il s agit de provoquer une détente morale, faire disparaître les sentiments de méfiance et d inquiétude. Ce désarmement moral passe aussi par une révision des manuels scolaires dans un esprit d objectivité et de tolérance internationale. Il faut supprimer ou atténuer les passages susceptibles de perpétuer des préjugés xénophobes, les vieilles rancunes. Ainsi, en 1937, l Assemblée de la SdN adopte la «Déclaration concernant l enseignement de l histoire (révision des manuels scolaires)» dans laquelle il est demandé aux gouvernements et aux auteurs de manuels scolaires de faire comprendre l interdépendance des nations et de développer l enseignement de l histoire des autres nations. 68 L IICI s intéresse aussi à la radio et au cinéma, considérés comme des moyens pratiques et modernes de rapprochement des esprits et d une meilleure connaissance de l autre. L'IICI travaille notamment sur la radiodiffusion éducative. L Assemblée adopte en septembre 1933 un projet de convention internationale sur la radiodiffusion de la paix, qui est discuté lors d une conférence à Genève en septembre La convention est signée par 30 États. Elle ne se contente pas de proscrire les émissions incitant à la guerre ou susceptibles de troubler la bonne entente entre les peuples : elle contient aussi une clause selon laquelle les signataires s engagent à faciliter la diffusion d émissions susceptibles de faire mieux connaître la civilisation et les conditions d existence des autres peuples. Le cinéma est pris en compte par l IICE, créé à Rome en 1928, et par un service d études cinématographiques à l IICI. Il s agit, comme pour la radio, de voir comment le cinéma peut être un moyen de rapprochement des esprits. Parmi les expressions culturelles non textuelles, la musique est aussi prise en compte L OCI aborde également les problèmes d éducation à travers plusieurs sujets spécifiques : enseignement des principes de la SdN, équivalence des diplômes, échanges scolaires... L institut lance des enquêtes, recueille et diffuse des informations dans son Bulletin des relations universitaires puis dans La coopération intellectuelle. 70 Les autres domaines abordés par l OCI étant très variés, nous ne pouvons qu en proposer un échantillon arbitraire. Elle travaille par exemple au rapprochement avec les

160 158 différentes organisations scientifiques. Elle souhaite en effet l unification de la terminologie et la coordination des bibliographies scientifiques. Sur le plan littéraire, l IICI, soucieuse de développer la connaissance de l autre, encourage les traductions. Dans le domaine artistique, l IICI permet la création de l OIM (Office international des musées) qui travaille sur la conservation et la protection des monuments et des œuvres d art ainsi que sur la protection juridique internationale des collections publiques. Lors de la Conférence du Caire de mars 1937, l OIM souhaite donner un statut international aux antiquités et aux fouilles. Il essaie aussi de tout faire pour la protection des monuments et œuvres d art en temps de guerre. 71 L OCI est enfin un forum international de discussion et de réflexion rapprochant les intellectuels de tous pays. Ainsi la conférence permanente des hautes études internationales est un organe permanent de liaison, de coopération entre les institutions nationales se consacrant à l étude scientifique des affaires internationales. L original comité permanent des lettres et des arts (1931) est chargé d étudier «sur un plan supérieur et désintéressé» les problèmes généraux de coopération intellectuelle. À cet effet, le comité a eu recours à la méthode des «correspondances» et à celles des «entretiens». Quelque peu inspirées des correspondances littéraires, philosophes et critiques de l abbé Raynal et du baron de Grimm, les «correspondances» sont une sorte d enquête permanente instituée sous forme d échanges de lettres entre des hommes qui se consacrent à l étude, à la pensée, à la méditation sur leur époque. Quatre volumes sont publiés entre 1933 et 1935 : Pourquoi la guerre? (Einstein-Freud) ; Pour une Société des esprits ; L Esprit, l éthique et la guerre ; Civilisations. Ce dernier comprend des lettres échangées entre le professeur britannique Gilbert Murray et Rabindranath Tagore, sous le sous-titre Orient-Occident, et entre les professeurs Strzygowski et H. Focillon sur le sujet Génie du Nord-Latinité. Les «entretiens» (de 1932 à 1938) rassemblent des intellectuels sur des thèmes précis : on débat sur Goethe à Francfort en mai 1932, sur le rôle des humanités dans la formation de l homme moderne à Budapest en juin NOTES 1. Marta Aleksandra Balinska, Une vie pour l humanitaire..., op. cit. 2. Marie-Renée Mouton, «Société des Nations et reconstruction financière de l Europe : la conférence de Bruxelles (24 septembre-8 octobre 1920)», Relations internationales, n o 39,1994, p Lire le mémoire de maîtrise d'élisabeth Olive, La France, la Société des Nations et la Conférence économique internationale de 1927, Université de Paris I, 1990, 167 p. 4. Nicole Piétri, La reconstruction financière de l Autriche , Genève, Centre européen de la dotation Carnegie pour la paix internationale, 1970, 203 p. 5. Lire à ce sujet le très instructif article de Christophe Farquet, «Lutte contre l'évasion fiscale : l échec de la SdN durant l'entre-deux-guerres», L Économie politique, n o 44, 2009/4, p Du même auteur, lire «Expertise et négociations fiscales à la Société des Nations ( ), Relations internationales, n o 142, 2010, p

161 Sur la question du droit des réfugiés, voir l'intéressant chapitre 12 de la thèse de Dzovinar Kévonian, Réfugiés et diplomatie humanitaire : les acteurs européens et la scène proche-orientale pendant l entre-deux-guerres, sous la direction de René Girault, Université de Paris I, 1998, t. II, p Daniel Dogbo Atchebro, La Société des Nations et la lutte contre l esclavage , Genève, Institut des hautes études internationales, Monique Constant, «Combats contre la traite des femmes à la Société des Nations ( )», Relations internationales, n o 131, 2007, p ; Magaly Rodríguez Garcia, «La Société des Nations face à la traite des femmes et au travail sexuel à l échelle mondiale», Le Mouvement social, n o 241, 2012/4, p Joëlle Droux, «L'internationalisation de la protection de l enfance : acteurs, concurrences et projets transnationaux ( )», Critique internationale, n o 52, 2011, p ; Id., «La tectonique des causes humanitaires : concurrences et collaborations autour du comité de protection de l'enfance de la Société des Nations ( )», Relations internationales, n o 151, 2012, p «Un siècle de lutte contre la drogue», Bulletin des stupéfiants, vol. LIX, n os 1-2, Jean-Jacques Renoliet, L UNESCO oubliée. La Société des Nations et la coopération intellectuelle ( ), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, 352 p. ; Katia Verhoeven, La Société des Nations et la coopération intellectuelle : l éducation au service de la paix, Grenoble, Université de Grenoble II, Christiane Sibille, «La musique à la Société des Nations», Relations internationales, n o 155, 2013, p ; Carl Bouchard, «Formons un chœur aux innombrables voix... : hymnes et chants pour la paix soumis à la Société des Nations», Relations internationales, n o 155, 2013, p

162 160 Chapitre 3. La réforme Bruce : vers une promotion des activités techniques? Genèse d une réforme 1 Plusieurs tentatives d amendement ont eu lieu. Toutes ont connu le même destin, l échec : rejetées par certains ou trop limitées pour pouvoir permettre des résultats significatifs. Ce n est qu en 1936 que l idée de réforme du Pacte commence à être sérieusement prise en compte. La XVI e assemblée demande au Conseil, le 4 juillet 1936, d inviter les États membres à envoyer au Secrétariat des propositions destinées à perfectionner la mise en œuvre du Pacte. Après avoir examiné les réponses, la XVII e assemblée décide de créer, le 8 octobre 1936, une commission qui a pour mission de préparer un rapport sur la meilleure méthode d aborder l étude des réformes à réaliser. Elle est présidée par un homme d État australien, ancien Premier ministre ayant occupé maints portefeuilles ministériels, représentant de son pays à l Assemblée, Stanley Melbourne Bruce. Ce comité pour l étude de la mise en œuvre des principes du Pacte ou «comité des 28» (les 15 membres du Conseil et 13 États choisis en fonction de leur représentativité géographique) siège à Genève à partir de décembre 1936 et doit passer en revue les diverses modalités de réforme jusqu en février Ce n est que lors de la XIX e session ordinaire de l Assemblée, en septembre 1938, que quelques aspects de la mise en œuvre des principes du Pacte sont examinés. Parmi les aspects étudiés, un seul émerge et suscite une résolution, la question de la collaboration entre la SdN et les États non membres. Elle avait été examinée au sein du comité des 28 par Lord Cranborne. Si l universalité n est pas une fin en soi, la coopération d États non membres peut avoir parfois plus d importance que celle, pourtant naturelle mais imparfaite, avec les États membres. La collaboration avec les non-membres dans les organisations techniques était enrichissante et positive. Comment renforcer ce lien? L Assemblée ne décida rien mais la résolution du 30 septembre 1938 proposa que les États non membres soient consultés à ce sujet, 11 États sont contactés, dont l Allemagne, le Japon, le Brésil, mais aussi les États-Unis, l Arabie...

163 161 3 Seul le secrétaire d État américain Cordell Hull prend la peine de répondre le 2 février Le Secrétariat est étonné par les bonnes dispositions des Américains. S ils ne proposent rien, ils déclarent que le gouvernement américain «continuera de collaborer à ces activités et examinera dans un esprit de sympathie les moyens de rendre sa collaboration plus effective». Victor-Yves Ghebali précise que c est la première déclaration officielle depuis 1920 portant un jugement favorable sur l ensemble de l œuvre accomplie par la SdN, c est même «l éloge le plus direct et le moins équivoque qui ait jamais été décerné à la SdN, depuis sa création, par un État quel qu il fut 1». L un des rares hauts fonctionnaires américain du Secrétariat, Arthur Sweetser, joue discrètement un rôle important auprès de ses compatriotes en rencontrant régulièrement des responsables de l administration Roosevelt. Ces derniers lui précisent qu une collaboration plus étroite avec la SdN est envisageable si les activités non politiques sont plus autonomes. Après la réponse de Hull, Sweetser conseille à Avenol d exploiter rapidement les bonnes dispositions des Américains (lettre du 22 février 1939). 4 Le Secrétaire général ne s intéresse initialement pas beaucoup aux activités non politiques de la SdN et ne conçoit pas de leur permettre de se développer plus avant. Cependant, pragmatique, il change progressivement d avis vers la fin de l année Malgré Munich, il comprend que la situation politique est telle qu un conflit reste à l ordre du jour. La SdN ne peut plus faire régner la paix. Le Secrétaire général ne peut que constater, parallèlement, la vitalité des activités techniques qui prennent désormais tellement de poids que lors de la session de l Assemblée, à l automne 1938, une septième commission générale doit être créée pour étudier plus précisément ces questions. En bon gestionnaire des deniers de la SdB, il sait que les questions techniques absorbent désormais plus de la moitié du budget du Secrétariat (60 % même selon le rapport Bruce). Il devient de plus en plus opportun de séparer les activités techniques des activités politiques : si un important conflit se déclenche, cette séparation peut permettre à la SdN de survivre et de conserver une certaine universalité. 5 C est lors de la 105 e session du Conseil, le 23 mai 1939, qu il évoque pour la première fois officiellement cette idée. Il propose et obtient la création d un comité de cinq à sept personnalités désignées par le président du comité de coordination des questions économiques et financières, Stanley Bruce. Il envisage même de proposer à ce dernier la présidence de ce nouveau comité. Qu est-ce que le rapport Bruce? 6 Stanley Bruce est l instrument idéal pour aboutir à cette réforme : il est favorable à la séparation des activités techniques et des activités politiques de la SdN et a de bons rapports avec le Secrétaire général. Ensemble ils choisissent en juillet les six membres du comité, des personnalités compétentes et de grande valeur parmi lesquelles l économiste français Charles Rist ; l ancien adjoint d Albert Thomas, qui lui a succédé à la tête du BIT de 1932 à 1938, Harold Butler ; le président de la commission de contrôle de la SdN, le Norvégien Carl Hambro ; le grand juriste belge Maurice Bourquin. 7 Pour éviter de subir toute influence extérieure, le comité Bruce siège au bureau de Paris de la SdN du 7 au 12 août 1939 et remet son rapport, Le développement de la collaboration internationale dans le domaine économique et social, qui sera publié dès le 22. Pour ses auteurs, «le moment est venu pour l Assemblée d entreprendre une réunion de

164 162 l organisation actuelle de son œuvre économique et sociale, de tenir compte, d une manière plus satisfaisante, de l évolution considérable survenue depuis 1920». 8 Le comité Bruce propose la création d un «comité central des questions économiques et sociales». Lui seraient confiés la direction et le contrôle de l activité des comités de la SdN qui s occupent des questions économiques et sociales ; il peut en créer de nouveaux et nomme les membres. Ce comité, se réunissant au moins une fois par an, est composé des représentants de 24 États choisis pour un an par l Assemblée sur proposition du bureau du nouveau comité. Le comité peut aussi, s il le juge nécessaire, s adjoindre la collaboration de huit experts compétents. Les États désireux de faire partie du comité central le peuvent dans les mêmes conditions que les autres. Les décisions sont prises, grande nouveauté, à la majorité des membres présents. Le Secrétaire général doit soumettre le projet de budget relatif à l œuvre économique et sociale au comité central, avant de passer devant le Conseil et l Assemblée. Il est aussi tenu de soumettre à l Assemblée un rapport annuel distinct sur les travaux du comité central. 9 Comme le stipulent les membres du comité, «on constatera que la réforme que nous proposons est très profonde». Plus profonde même qu ils veulent bien le dire. Si cette réforme est adoptée, il y aura deux catégories de membres : ceux qui sont liés au Pacte et ceux qui ne participent qu à l œuvre économique et sociale, sur le même pied que les Etats membres de la SdN, sans répondre aux obligations du Pacte. Ils doivent cependant contribuer aux frais de l organisation. L esprit de 1919, où l organisation de la paix primait avant tout, en prend un coup. En effet, il y aurait bien à la SdN un organisme nouveau, à qui l on confierait des attributions exercées jusque-là par le Conseil et l Assemblée. On peut presque considérer qu il y aurait deux organisations internationales à l intérieur de la SdN. Sans que cela soit clairement précisé, il est évident que cette stimulation des mécanismes économiques et sociaux de la SdN devrait contribuer à affermir les principes politiques de l institution. NOTES 1. Victor-Yves Ghebali, La réforme Bruce, , Genève, Centre européen de la dotation Carnegie pour la paix internationale, 1970,113 p.

165 Partie V. La fin de la Société des Nations ( ) 163

166 164 Chapitre 1. La Société des Nations paralysée? ( ) 1 La guerre commence. La SdN est-elle morte? Aux yeux du grand public, cela ne fait aucun doute. Chacun se concentre sur le conflit en cours, le temps de l esprit de Genève est désormais bien loin. Hitler, dans un discours du 6 octobre 1939 devant le Reichstag, n hésite pas à annoncer la mort de la SdN. L'adaptation du Secrétariat à l'état de guerre 2 Dès le début du conflit, la résolution du 30 septembre 1938 (cf. supra) entre en vigueur. Le Secrétaire général prend des mesures administratives et financières. Le budget prévu pour 1940 connaît une réduction de plus de 33 %. Des économies sont aussi réalisées grâce à une réduction draconienne du personnel du Secrétariat. Le Conseil et l Assemblée sont toujours ajournés et leur convocation paraît pour l heure compromise. Comment alors voter le budget 1940? Comme la XIX e assemblée de 1938 n est pas close en droit, la quatrième commission - qui s occupe des questions administratives - pouvait être saisie pour adopter le projet de budget. La convocation de la XX e assemblée n était pas nécessaire. 3 L état de guerre pouvait gêner les relations entre la SdN et la Suisse, mais Avenol parvient à s entendre avec les autorités de Berne : il s engage à maintenir le secrétariat dans la plus totale neutralité. 4 Malgré une situation politique très tendue, la SdN était prête à fonctionner, mais au ralenti. Seules les activités techniques continuent leurs travaux, l œuvre politique paraissant appartenir au passé. Et pourtant, elle est subitement relancée par le conflit entre la Finlande et la Russie. L'intervention dans le conflit russo-finlandais 5 L intervention de la SdN dans l affaire soviéto-finlandaise vient quelque peu nuancer les critiques à l encontre de l institution, que l on jugeait incapable de résoudre les grands conflits opposant des États membres, ou que l on stigmatisait pour ses lenteurs. Il faut

167 165 dire que le début de la seconde guerre mondiale permettait largement d étayer cette thèse. Cependant, en quelques jours, alors que la SdN semble être à l agonie, une agression est condamnée, un pays est exclu pour la première fois et une assistance coordonnée par le Secrétariat est fournie. De surcroît, le Secrétaire général montre sa capacité autonome de décision, d action et de persuasion à l égard des grandes puissances du temps, puisque l initiative est sienne. Mais pourquoi intervenir maintenant et ne pas l avoir fait auparavant? Sans doute est-ce plus l unanimité anticommuniste qui unit les cœurs et motive la volonté d agir que l'efficacité de l article 16 du Pacte de la SdN. N oublions pas que de nombreux pays n ont jamais bien accepté le retour des Soviétiques dans les relations internationales depuis 1934 et n ont pas bien digéré la signature du pacte germano-soviétique, véritable coup de poignard dans le dos pour ceux qui espéraient que l URSS s engage auprès des antinazis 1. 6 L URSS avait souhaité entamer des négociations avec les Finlandais à partir du début du mois d octobre Pour des raisons stratégiques, les Soviétiques voulaient obtenir, sous forme de bail ou d échange, une partie du territoire finlandais sous prétexte de garantir la sécurité de Leningrad. Après de longues négociations infructueuses avec les Finlandais et malgré un traité de non-agression (signé en 1932 et valable jusqu en 1945), l URSS envahit la Finlande le 30 novembre et aide le communiste O.W. Kuusinen à proclamer la «République démocratique de Finlande» pro-soviétique. Cette proclamation n empêche pas le gouvernement légal de résister. Le 3 décembre, il invoque les articles 11 et 15 du Pacte de la SdN, convoque le Conseil et l Assemblée et leur demande de prendre toutes les mesures utiles pour enrayer l agression. La Finlande sollicite un appui alors qu elle était auparavant peu attirée par la SdN. Selon Victor-Yves Ghebali, l appel finlandais aurait été suscité par Joseph Avenol, lui-même conseillé par l ambassadeur des États-Unis à Paris, William Bullit. Il s'agissait de «stigmatiser le bolchevisme, redorer le prestige sociétaire par un fait d éclat et préserver la réforme Bruce 2». Le Secrétaire général aurait proposé aux Finlandais une aide possible de la SdN en cas d une demande officielle éventuelle, la veille de l invasion. Le gouvernement finlandais accepta après l attaque. 7 L appel officiel du 3 décembre permet de convoquer le Conseil et l Assemblée. Avenol réussit à obtenir l appui favorable de la Suisse, d un nombre important de pays neutres (pays latino-américains en particulier) et des grandes puissances (bien que tout ait été monté sans elles et qu'elles ne soient pas persuadées de l efficacité de la SdN). Avenol dépêche un de ses collaborateurs, A. Pelt, directeur de la section d information à Stockholm. Les membres du Conseil sont appelés pour le 9 décembre, le président de l Assemblée convoque celle-ci le 11. L URSS, le 4 décembre, par un télégramme de Molotov, refuse de participer au débat, considérant que cet appel n'est pas fondé : URSS ne se trouve pas état de guerre avec la Finlande et ne menace pas de guerre le peuple finlandais [...] Union soviétique se trouve relations pacifiques avec la République démocratique de Finlande dont le gouvernement a signé avec URSS le deux décembre Pacte assistance et amitié. 8 Le Conseil, unanime, engage l Assemblée à inscrire le conflit à son ordre du jour. Celle-ci, lors de sa deuxième séance plénière, le 11 décembre, décide de former un comité spécial destiné à étudier l appel finlandais et à élaborer un rapport. Il est immédiatement présidé par le Portugais José Caiero Da Matta. Pendant les cinq séances, du 11 au 13 décembre, on prépare la formule de condamnation, après avoir tenté un dernier essai de médiation. Le 13, le délégué argentin à l Assemblée plénière demande l exclusion de l URSS. Le comité spécial est plus hésitant (les pays neutres notamment), mais parvient à un consensus qui

168 166 permet la rédaction d un rapport 3. En quatre jours, l Assemblée approuve le rapport et la résolution à l unanimité (moins 8 abstentions). La décision finale du Conseil suit l Assemblée grâce au projet de résolution dirigé par M. Costa du Rels, délégué de la Bolivie. L URSS est exclue le 14 décembre. 9 Mais il ne s agit pas que de condamner, il faut aussi fournir une assistance à la Finlande. L Assemblée le précise dans sa résolution du 14 décembre 1939 : [l Assemblée] autorise le Secrétaire général à prêter le concours de ses services techniques pour l organisation de l assistance à la Finlande visée ci-dessus. 10 Cette aide est tout à fait conforme à l article 16 du Pacte. Cette assistance n est pas une action collective de la SdN, elle est étrangère à la sécurité collective. On saisit l article 16 dans son extension minimum. On pourrait douter de l efficacité de sanctions puisque a priori les sanctions militaires ne sont pas appliquées et que les sanctions économiques ne fonctionnent pas ; de plus, il n y a pas d obligation de participer aux sanctions. Il ne s'agit pas de réprimer l agression. Donc l intervention est forcément limitée. Le Secrétariat coordonne les secours surtout humanitaires entre la Finlande, qui émet les listes de ses besoins, et les Etats prêts à accorder leur aide. 11 Certains fonctionnaires sont discrètement détachés à l étranger pour informer et assurer des liaisons. On retiendra en particulier la mission de Bertil Renborg, chef par intérim de la section du trafic de l opium. 12 Mais se posent les problèmes d achat et de transport, détails devant être réglés selon la SdN par la Finlande et les États généraux. Avenol proposera une nouvelle organisation, mais la Finlande refusera. 13 Malgré la paix de Moscou, signée le 12 mars 1940, le gouvernement finlandais demande la continuation de l aide (26 mars). Une mission de collaborateurs d Avenol confirme la nécessité d aider la Finlande. Mais il semble avant tout préférable que la Finlande établisse un plan de reconstruction ; malheureusement, la guerre s étend. 14 Le bilan de l aide reste mal connu car on ne dispose pas de toutes les listes de dons. Un livre blanc, envisagé, resta lettre morte. L adoption de la réforme Bruce et son échec 15 Le rapport Bruce est rendu public le 22 août Le commencement de la guerre diffère son adoption puisque la session de l Assemblée de 1939 est suspendue. Mais un hasard providentiel vient miraculeusement à l aide de ceux qui le défendent. La guerre entre la Finlande et l URSS permet la réunion d une session extraordinaire de l Assemblée. Le rapport est d abord soumis à la quatrième commission qui l adopte le 9 décembre sans presque aucune discussion. Il est ensuite présenté à la XX e assemblée, qui approuve, le 14 décembre, la création d'un comité d organisation, noyau dur du futur comité central. 16 Le comité d organisation se réunit les 7 et 8 février 1940 à La Haye. Les États-Unis ne peuvent y participer car le consul américain à Genève, véritable délégué permanent officieux auprès de la SdN, ne peut se déplacer et car ils n ont pas encore pris de décision définitive quant à leur participation de plein droit au comité central. Roosevelt préfère de surcroît attendre l issue des élections présidentielles. Les membres du comité d organisation réfléchissent sur la composition du comité central, sur la collaboration avec les États non membres et se donne un schéma indicatif de travail.

169 Le Secrétariat poursuit ses activités (la première réunion du comité central est fixée à la mi-juin 1940). Les événements politiques, puis la démission d Avenol, interrompent le travail accompli jusque-là. Le Secrétariat en crise Quelle possibilité de repli? 18 L invasion des États membres d Europe de l Ouest et le début de la campagne de France précipitent les préliminaires du transfert à Vichy. Le 15 mai, le Secrétariat décide que 70 fonctionnaires devront continuer leurs activités à Vichy, tandis que beaucoup d autres sont suspendus (plus de 200). Des caisses d archives importantes partent en France (les dossiers secrets du service des archives, les fiches des combattants non espagnols dans la guerre d Espagne, les archives d Eric Drummond, celles du Secrétaire général...). On est également sur le point d envoyer des sections du Secrétariat : une mission préparatoire fait office d éclaireur. Mais l entrée des Allemands à Paris, l exode, la progression de la Wehrmacht vers le sud modifient la situation, d autant qu elle rentre dans Vichy et occupe le Queen s Hôtel, où sont les archives de la SdN. 19 Il s agit désormais de rapatrier les archives et la mission de la SdN. La France n est plus un refuge et le nouveau gouvernement dirigé par le vieux maréchal Pétain n est pas franchement favorable à la SdN. 20 Cette nouvelle situation oblige le Secrétariat à improviser et à permettre des transferts partiels, tout en conservant le centre de décision à Genève. 21 Le 12 juin 1940, l université de Princeton, l Institute of Advanced Study, et le Rockefeller Institute for Medical Research invitent, avec l'accord du département d État, le Secrétariat à transférer ses services techniques aux États-Unis durant les hostilités. Avenol refuse le 15 juin, puis, sous la pression des Britanniques et de certains de ses collègues, accepte une deuxième proposition américaine le 12 juillet. Il autorise le départ des services économiques et financiers (département II). Son directeur, Alexander Loveday, et quelques autres fonctionnaires quittent Genève dès le 6 août Le successeur d Avenol, Sean Lester, permet l installation du comité central de l opium et l organe de contrôle à Washington en février 1941, où ils établissent des «bureaux subsidiaires» regroupant la majeure partie du personnel de la section du trafic de l opium. La trésorerie de la SdN s établit à Londres à peu près à la même période. La vraie-fausse démission de Joseph Avenol 23 Contrairement à ce que l on pourrait croire, la «vraie» crise majeure de la SdN à cette époque ne vient pas de l extérieur (la guerre), mais de l intérieur. 24 L atmosphère au sein du Secrétariat, notamment à l intérieur de la haute direction, est devenue délétère. Beaucoup de hauts fonctionnaires de grande valeur ont démissionné entre septembre 1939 et mai En juin, le noyau de la haute direction ne comprend plus que trois hommes : Avenol, le secrétaire général adjoint Lester et le sous-secrétaire général Thanassis Aghnidès. Avenol, qui passe à tort ou à raison pour un proche de l Ordre nouveau, aurait souhaité continuer à réduire les effectifs du Secrétariat en se débarrassant de ceux qui semblent réfractaires aux nouveaux vainqueurs. Lester doit

170 168 faire partie de la charrette. La baisse des effectifs est telle que l on ne compte plus, à la fin de l année 1940, que 108 fonctionnaires internationaux, soit 16 % des effectifs de janvier 1939! Avenol refuse aussi de préparer le budget 1941 prétextant que les organes budgétaires compétents ne peuvent plus siéger et il n ose pas utiliser les pouvoirs extraordinaires qui lui ont été conférés. 25 L échec de la réforme Bruce, son désarroi moral, la tragédie de Mers el-kébir et son attrait pour Vichy le conduisent à écrire, le 4 juillet, à Baudoin, au nouveau ministre français des Affaires étrangères. Dans cette lettre, il propose de donner sa démission si le gouvernement français en exprime le désir. Baudoin lui répond, le 13 juillet, qu'elle lui semble effectivement opportune. Avenol annonce donc officiellement sa démission le 25 juillet Ce geste, qui devait apaiser les tensions, les ravive au contraire. Avenol ne comptait pas démissionner et son message n annonce aucune date de départ. Il se contente de signaler que son départ deviendra effectif après la prochaine réunion de la commission de contrôle. Comment contenter Vichy, tout en demeurant officieusement en poste? Par la nomination d un homme de paille, d un «secrétaire général par intérim» qui lui serait soumis. Mais les deux prête-noms envisagés, Aghnidès et l ancien commissaire de la SdN à Dantzig Carl Burckhardt, refusent. Profitant d un voyage d Avenol à Vichy du 21 au 27 août 1940, ses détracteurs publient, afin de rendre sa démission effective, des documents qu il ne comptait pas divulguer, Avenol proteste mais doit s incliner devant le fait accompli. Les premières mesures du secrétaire général par intérim 26 Sean Lester s adresse aux États membres pour savoir s il peut compter sur leur appui pour préserver les activités de la SdN. 13 gouvernements sur 49 l encouragent. Il permet aussi la réunion de la 88 e session de la commission de contrôle à Estoril, près de Lisbonne, du 28 septembre au 30 octobre. Celle-ci confirme et aménage les pouvoirs d urgence du Secrétaire général et le budget 1941 est adopté : il est réduit de 50,4 % par rapport à celui de 1940 et de 67 % par rapport à celui de NOTES 1. Voir à Genève les archives de la SdN : archives , fonds du Secrétariat, section politique, 18 dossiers de la série («Dispute between USSR & Finland) et 7 dossiers de la série («Restoration of Finland»). Voir aussi la thèse d Enrica Costa Bona, Helsinki-Ginevra (dicembre 1939-marzo 1940), La guerra d inverno e la Socità delle Nazioni, Università di Pavia, Milano, Giuffrè Editore, 1987, 261 p. 2. Victor-Yves Ghebali, Organisations internationales et guerre mondiale : le cas de la SdN et de l OIT pendant la seconde guerre mondiale, thèse, Université des sciences sociales de Grenoble, 1975, p Thèse malheureusement non publiée. 3. SdN, document A VII. C est un document essentiel qui va permettre à l Assemblée de constituer une résolution, bientôt adoptée par le conseil.

171 169 Chapitre 2. La Société des Nations en temps de guerre ( ) Des structures fonctionnant au ralenti Les États membres 1 La guerre a eu de nombreuses incidences sur la SdN, mais curieusement peu sur le nombre d États membres, qui reste plutôt élevé (de 50 à 44 membres entre la fin de l année 1939 et 1945). Sept pays se sont retirés volontairement, cependant cinq d entre eux ont notifié leur préavis de retrait avant septembre 1939, conformément aux exigences du Pacte (Chili, Venezuela, Pérou, Hongrie et Espagne), Seulement deux États décident donc de se retirer après septembre 1939 : la Roumanie notifie son préavis en juillet 1940 et quitte l institution deux ans plus tard, Haïti fait de même en février 1942 et part en 1944, malgré le retournement de la conjoncture politique. 2 Certains États sont dans une situation quelque peu particulière. Si la SdN a fini par reconnaître la disparition de l Autriche, elle considère que l Albanie, la Tchécoslovaquie, la Pologne et les États baltes sont toujours membres. Le cas de l Éthiopie est aussi intéressant puisque ce pays retrouve sa qualité de membre en La situation de la France est à bien des égards originale 1. En effet, après avoir hésité, Vichy annonce le 19 avril 1941, par l amiral Darlan, que la France se retire de la SdN. Cette décision est immédiatement rejetée par les généraux Giraud et de Gaulle. La SdN préfère ne pas trancher et «suspend» la qualité de membre de la France jusqu'à la fin des hostilités. La France reste néanmoins présente à l OIT. 4 Quoique nombreux, les membres ne sont qu une minorité à participer activement aux travaux de la Société. Les gouvernements de 8 Etats en exil à Londres (Belgique, Grèce, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Tchécoslovaquie et Yougoslavie) s efforcent de participer, de payer leur contribution. Ceux qui ont le plus d influence sont la Grande- Bretagne et le Commonwealth qui apportent en moyenne 74 % des contributions ( ).

172 170 5 Craignant de compromettre sa neutralité et d attirer les Allemands, la Suisse, pendant la guerre, coupe les liens avec la SdN sans démissionner. Elle ne paie plus ses contributions et dénonce l accord sur Radio Nations. Les organes sociétaires 6 Comme l Assemblée et le Conseil ne peuvent plus se réunir, la commission de contrôle, seul organe constitutionnel encore en fonction, devient l autorité supérieure de la SdN et exerce certains pouvoirs appartenant normalement à l Assemblée et au Conseil. La commission tient 19 sessions officielles, à Montréal surtout. Elle joue un rôle d instance budgétaire (elle vote six budgets annuels) en vertu de ses pouvoirs exceptionnels et essaie d'assurer le recouvrement des recettes. Mais elle est aussi une instance administrative et le centre de décision de la politique générale sociétaire. 7 Le secrétaire général par intérim ne peut pas prétendre avoir un tel rôle. Sean Lester reste volontairement à Genève toute la guerre afin de maintenir vivante l institution, au moins symboliquement puisque son activité est limitée. Comme il ne peut participer aux sessions de la commission de contrôle, les décisions se prennent sans lui. Lester est isolé, il ne peut entrer en contact direct avec les gouvernements des États membres et, vivant en Suisse, est tenu à un devoir de réserve. Il ne peut contrôler efficacement tous ses services puisque les plus actifs, situés à l étranger, jouissent d une grande autonomie de fait. 8 Le Secrétariat fonctionne au ralenti avec un personnel désormais limité. Il est passé de 707 fonctionnaires en 1931 à 586 au 1 er septembre 1939, pour atteindre 99 en Le regain d activité à la fin de la guerre entraîne une légère remontée des effectifs : 102 fonctionnaires en 1944, 128 en 1945 et 158 au moment de la dissolution, en Malgré l effondrement du nombre de fonctionnaires, le Secrétariat reste international puisque composé de plus de 20 nationalités, avec une nette prédominance des Britanniques, des Français et des Suisses, comme avant-guerre. 9 L organisation du Secrétariat autour de trois départements (1939) n est que nominale. Il n y a pas d unité administrative réelle : plusieurs services fonctionnent à l étranger, des travaux fort variés sont effectués par un seul fonctionnaire. Le secrétaire général par intérim assume personnellement la direction des départements I (affaires générales) et III (questions sociales, hygiène, stupéfiants...). Le département I ne connaît presque aucune activité : sur les sept services qu il regroupait, six (essentiellement politiques) ne fonctionnent plus. Seule la section juridique continue son travail (enregistrement des traités...). Le département II est beaucoup plus actif grâce aux services de l OEF transférés à Princeton, mais le service des communications et du transit marche au ralenti. Dans le dernier département, seuls les services d hygiène à Genève et de la répression des stupéfiants à Washington fonctionnent. L activité des organes subsidiaires politiques, administratifs et fonctionnels est également limitée ; quand elle est assurée, c est en dehors du siège constitutionnel, à Londres ou en Amérique (commission de contrôle, Haut Commissariat aux réfugiés, comités de l opium, comité économique et financier). 10 Tous les services sont rationalisés à l extrême afin de limiter autant que possible les dépenses. C est grâce à cette politique d austérité mais aussi grâce à un habile usage des règles de gestion statutaires que la SdN conserve, jusqu'au bout, des finances saines.

173 171 Les fonctions exercées par la Société des Nations au cours de la guerre 11 Le travail de la SdN pendant la guerre peut se répartir suivant deux types d activités : d un côté la poursuite d'une activité technique à caractère social, élargie aux problèmes du moment ; de l autre un travail de réflexion et d organisation du monde d après-guerre. Précisons d emblée que la majeure partie des services ou organismes très actifs sont situés en dehors de Genève. 12 a. Parmi toutes les activités techniques engagées nous en retiendrons trois : la protection des réfugiés, l'hygiène, et la lutte contre les stupéfiants. 13 Le Haut Commissariat aux réfugiés de Londres a mené un travail considérable en faveur des «réfugiés Nansen», des réfugiés d Allemagne et d Autriche et l a élargi à tous ceux que la guerre a mis sur la route. Il s agit notamment de maintenir des «portes de sortie» et d obtenir que les pays de transit laissent passer les réfugiés dépourvus de visas. 14 L action sanitaire continue perdure, malgré le départ de Rajchman, la baisse des effectifs et la fermeture du bureau de Singapour en 1942 suite à l'invasion japonaise. L OH parvient cependant à rester un centre d information sanitaire que de nombreux gouvernements consultent encore, même les Allemands, jusqu en Elle permet aussi de diffuser des renseignements épidémiologiques. L OH poursuit enfin son action sur la standardisation. Cet effort se matérialise par exemple par la conférence d experts sur la standardisation de la pénicilline en octobre 1944, qui aboutit à un accord sur la définition d une unité internationale de pénicillium. 15 Enfin, le contrôle des stupéfiants est toujours d actualité. Le recueil de l information est plus compliqué, mais heureusement la situation n évolue pas beaucoup, au contraire : le commerce illicite se trouve entravé par les difficultés des communications. De nouveaux pays adhèrent aux conventions internationales signées sous l égide de la SdN, de sorte qu'elles sont plus universelles en 1946 qu'en Des mesures sont aussi prises pour l après-guerre, comme la prohibition de l usage de l opium à fumer en Extrême-Orient. 16 b. Le deuxième axe de travail de la SdN en temps de guerre est le travail de réflexion et d organisation du monde d après-guerre. Il est essentiellement assuré par les services de l OEF de Princeton. Son travail est facilité par l aide de l université et par des subventions octroyées annuellement jusqu en 1946 par la fondation Rockefeller. L OEF, tout comme les services de Genève, centralise et coordonne les informations fournies par les États, ce qui permet d emblée aux responsables politiques et économiques de l après-guerre d agir sans attendre. 17 Cependant l OEF se distingue surtout par son travail de préparation des bases de l aprèsguerre. Ses publications qui connaissent un véritable succès d estime : Le passage de l économie de guerre à l économie de paix (1943), L expérience monétaire internationale (1944), La politique commerciale dans le monde d après-guerre (1945), La stabilité économique dans le monde d après-guerre (1945), etc. 18 Ce travail est aussi facilité par la connaissance intime que les services de la SdN ont des organismes économiques et sociaux créés par les Alliés. La SdN dispose en effet d une expérience unique aussi bien dans le domaine de l administration internationale que dans celui de la coopération internationale. Cette collaboration témoigne bien du parti pris de l administration genevoise en faveurs des Alliés. Le rôle de la SdN fut conséquent lors de

174 172 la création de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations - Organisation des Nations unies pour l alimentation et l agriculture) et de l UNRRA (United Nations Relief and Réhabilitation Administration - Agence des Nations unies pour le secours et le relèvement). NOTES 1. Victor-Yves. Ghebali, La France en guerre et les organisations internationales , Paris, Mouton, 1969, XV-237 p. ; Michel Marbeau, «La France et les organisations internationales », Matériaux pour l histoire de notre temps, n os 65-66, 2002, p ,

175 173 Chapitre 3. De la Société des Nations à l Organisation des Nations unies ( ) La nécessité d'un sacrifice Les «deux grands» contre la Société des Nations 1 Pearl Harbour oblige les Américains à prendre leurs responsabilités, à participer à un conflit dans lequel ils ne voulaient initialement pas entrer. La fin de la guerre approchant, ils sont désormais prêts à assumer les responsabilités que leur puissance leur confère. Ils ne sont plus hostiles à une participation à une organisation internationale : des sondages montrent qu une majeure partie de la population y est favorable. L évolution est similaire au sein de la classe politique : même dans les milieux traditionnellement isolationnistes du parti républicain. Le président Roosevelt lui-même définit, avec son collègue anglais Churchill, de grands principes qui esquissent une possible nouvelle organisation internationale dans la Charte de l Atlantique, signée le 14 août 1941 au large de Terre- Neuve, alors que son pays n est pas encore entré en guerre. Les États-Unis signent avec leurs 25 alliés la Déclaration des Nations unies qui réitère les principes de la charte. C est en 1943 que tout se précise lorsque le Special Sub-Committee on International Organization du département d Etat recommande le remplacement de la SdN par une nouvelle organisation. Cette même année, la déclaration de Moscou proclame la nécessité de mettre sur pied une organisation mondiale. 2 Pourquoi une nouvelle organisation plutôt que la réforme de l ancienne, qui fonctionne toujours? Les Américains avaient refusé d entrer dans la SdN pendant l entre-deuxguerres. Revenir en arrière, c était perdre la face. La SdN incarnait trop le monde d hier, la faillite de la sécurité collective. Elle avait perdu toute crédibilité. 3 Quant à l Union soviétique, elle était des grandes puissances la plus hostile à la SdN. Entrée en 1934 dans l institution, elle paraissait prête à jouer un authentique rôle politique à Genève, mais n était pas suffisamment prise au sérieux. L évolution de la SdN en faveur des organismes techniques creusait encore le fossé. Surtout, l URSS n avait pas

176 174 digéré son humiliation lors de la crise finlandaise, son exclusion de la SdN le 14 décembre Comment aurait-elle pu réintégrer une organisation qui l avait chassée ainsi? L ambiguïté règne chez les autres puissances 4 La Grande-Bretagne est la grande puissance qui a le plus longtemps accompagné la SdN de ses origines à sa fin, notamment pendant la guerre où son influence est majeure. Elle est cependant prête à la sacrifier pour permettre la participation des États-Unis et pour atteindre enfin l universalité. 5 Les Français ont une attitude plus complexe. La France libre a tout fait pour annuler la notification de retrait de Vichy, rester à la SdN et se réinsérer dans les relations internationales. Il semble cependant que de Gaulle n était pas mécontent de voir émerger une organisation plus proche des préoccupations du moment. Mais de toute façon, les Français ne sont pas en mesure de décider quoi que ce soit et ne sont pas invités aux sommets interalliés qui donnent naissance aux Nations unies. 6 La Chine, promue au rang de grande puissance, n est pas non plus en état de décider. Elle a été déçue par l action de la SdN dans l affaire mandchoue et après l invasion de Elle a aussi tout intérêt à soutenir l idée d une nouvelle organisation, dans laquelle elle peut obtenir une place plus importante qu'auparavant. S'inspirer de la Société des Nations sans reconnaître explicitement la filiation La Société des Nations comme modèle 7 Il ne nous appartient pas de décrire les principes et les institutions des Nations unies. Malgré les spécificités de l ONU, la confrontation entre la charte et le Pacte permet de conclure que les similitudes entre la SdN et l ONU sont beaucoup plus grandes que les différences. L innovation n est donc pas grande, mais les rédacteurs de la charte ont reformulé les principes du Pacte sous une nouvelle étiquette politique. On a toujours les mêmes structures : une assemblée, un exécutif réduit et un Secrétariat. On s est contenté d appeler la première assemblée générale et le deuxième conseil de sécurité. La Cour permanente de justice internationale devient la Cour internationale de justice. La réforme Bruce, qui devait permettre de créer une autonomie des questions économiques et sociales, est officialisée avec l ECOSOC (Economic and Social Council - Conseil économique et social). Un modèle mal assumé 8 Si la filiation entre les deux organismes va de soi, le comportement des organisateurs de la Conférence de San Francisco a été quelque peu cavalier. Certaines délégations n ont pas non plus hésité à prendre la SdN comme bouc émissaire des échecs de la sécurité collective de l entre-deux-guerres. La charte ne fait aucune référence, fût-elle indirecte, au Pacte de la SdN. Plus scandaleux fut l accueil déplorable fait à San Francisco aux représentants de la SdN. Comme la création de l ONU risquait d avoir des conséquences sur la SdN, il semblait normal que les représentants de cette dernière soient présents à

177 175 San Francisco et qu ils puissent faire bénéficier le nouvel organisme de leurs conseils. La délégation (Lester, Loveday et Jacklin, respectivement Secrétaire général, directeur du département II, et trésorier de la SdN) n a curieusement pas un statut officiel, ce qui minimise d emblée son rôle. Victor-Yves Ghebali rapporte que la délégation reçut un traitement moins favorable que celui de nombreux organismes privés américains. Dès le premier jour de la conférence, le département d Etat américain informe le secrétaire général par intérim que sa présence est jugée indésirable : l URSS ne veut pas que des ressortissants de pays non membres de la coalition des Nations unies - Lester était irlandais, donc ressortissant d un pays neutre, mais il était là en tant que fonctionnaire international - soient présents. Lester menace de retirer la délégation sociétaire. Un compromis est trouvé, mais les membres de la délégation sont ignorés et ne peuvent pas vraiment prendre part aux travaux, même dans les comités ou commissions de travail. Lester quitte la conférence sans attendre la fin des débats et sans avoir été invité à s exprimer. 9 Ghebali montre que les membres de la délégation sont cependant en contact avec plusieurs autres délégations et fait circuler des documents sur l expérience de Genève. Les Britanniques interviennent au cours de la conférence pour éviter que la SdN ne disparaisse trop vite, alors que l ONU n existe que sur le papier. Ils veulent sauvegarder certaines activités techniques. La conférence institue le 26 juin 1945 une CPNU (commission préparatoire des Nations unies) chargée, entre autres, de réfléchir aux conditions du transfert éventuel des fonctions, activités et avoirs de la SdN. La CPNU et la SdN collaborent activement. La dissolution de la Société des Nations 10 À partir de l entrée en vigueur de la Charte des Nations unies, on est en présence d une situation quelque peu saugrenue et inhabituelle, la coexistence entre deux institutions internationales ayant les mêmes objectifs. Cette situation paradoxale, financièrement lourde pour les 32 États membres des deux organisations ne pouvait durer au risque de nuire à l une et à l autre. 11 Il était tout aussi inhabituel de supprimer une organisation internationale d une telle envergure. Comment faire? Le rôle en revient à la SdN elle-même. Le 20 septembre 1945, Sean Lester s adresse officiellement aux États membres et propose la tenue d une dernière assemblée. Celle-ci se réunit du 8 au 18 avril 1946 à Genève. 35 des 46 États membres sont présents. Le 18 avril, l Assemblée décide la dissolution de la CPJI et celle de la SdN. Mais ce dernier acte ne met fin à l existence de la SdN qu en tant qu association d États, il laisse subsister une personnalité juridique de la SdN afin d assurer sa liquidation et le transfert des biens à la SdN. La XXI e Assemblée crée un comité de liquidation chargé de recouvrir les créances (28 millions de francs suisses, essentiellement des contributions arriérées des États membres), régler les dettes de la SdN, répartir les liquidités (15 millions de francs suisses) entre les États membres et transmettre les avoirs sociétaires (biens mobiliers et immobiliers évalués à environ 47 millions de francs suisses). Juridiquement, la SdN existe jusqu à la clôture des comptes du comité de liquidation, le 31 juillet Le travail fourni par la SdN n est pas transmis en bloc à l ONU. Les Soviétiques ont imposé un transfert sélectif.

178 La continuité entre les deux institutions se manifeste aussi par la présence de plus de 200 anciens fonctionnaires de la SdN à l ONU et par l utilisation des locaux : le palais des Nations devient l Office européen des Nations unies.

179 177 Conclusion 1 La SdN a-t-elle été un échec ou une réussite? La réponse est sujette à polémiques. Si l on doit tenir compte des objectifs politiques fixés par le Pacte, c est indéniablement un échec. Il n est pas directement dû à des carences de l institution elle-même, mais à l absence de conviction des États membres qui n ont pas su s entendre ou ont privilégié un nationalisme étroit. Le système des sanctions était-il suffisant? Nous le pensons. Le Pacte était assez explicite pour permettre l application de sanctions efficaces, militaires si besoin. Là encore, les puissants États membres n ont pas osé les appliquer et portent une lourde responsabilité dans l échec final. Le déclin de l autorité de la SdN tient autant aux doutes et au scepticisme de quelques-uns de ses membres les plus importants au dedans qu aux critiques et aux attaques de ses adversaires déclarés au dehors. Le Pacte n était pas insuffisant, il n a pas été appliqué. L absence d universalité, parfois regrettée, ne déchargeait pas les membres de leurs obligations. Ainsi la regrettable absence des États- Unis n est pas un facteur d échec. 2 Les activités économiques et sociales suscitent par contre une unanimité justifiée. Les travaux engagés ont même largement dépassé la portée du Pacte. Ce qui paraissait «technique», compliqué, a contribué à faire progresser l humanité dans des domaines très variés. 3 On ne peut cependant se contenter de toujours opposer le soi-disant échec des activités politiques au succès des activités techniques. Il s agit de percevoir la SdN comme un tout et de comprendre la modernité de cette institution qui, dans un monde encore marqué par l impératif national, réussit à réunir des responsables politiques et des experts du monde entier autour d une tribune. C est la première fois que l on permet à autant de gens, si différents, de se rencontrer, d échanger des points de vue, des expériences. Les chantiers ouverts par la SdN restent souvent en friche, mais sont des cadres essentiels, qui seront souvent repris par l ONU ou d autres organisations internationales. Toute cette débauche d énergie n aura pas été vaine. 4 Si la SdN disparaît en 1946 et si le siège de l ONU est désormais situé outre-atlantique, le palais des Nations, devenu siège européen des Nations unies, reste un endroit stratégique de la diplomatie mondiale. Il a même provisoirement supplanté New York lorsque les autorités américaines ont considérablement renforcé leur contrôle aux frontières et mis en place le Patriot Act en 2001, à l issue des attentats du 11 septembre.

180 178 Sources Archives et bibliothèque des Nations unies à Genève : présentation Les archives de la Société des Nations et la bibliothèque des Nations unies disposent de sources de première importance pour l histoire des relations internationales au XX e siècle. Les archives de la Société des Nations et la bibliothèque des Nations unies situées au palais des Nations, 8-14, avenue de la Paix, bâtiment B, CH-1211 Geneva 10. Les archives, au 3 e étage, sont ouvertes du lundi au vendredi de 8h30 à I7h30 sur rendez-vous. Tel : + 41 (0) (salle de lecture) ou + 41 (0) (M, Jacques Oberson, archiviste). Adresse électronique : archives@ unog.ch. Site commun avec la bibliothèque avec un onglet «Archives» : Les demandes de consultation permettent de réserver une place dans la salle de lecture, aux archivistes de préparer les documents qui seront consultés et de faciliter l accès au palais des Nations. Les inventaires dactylographiés sont à consulter sur place. Quelques-uns sont numérisés. Il existe un moteur de recherche qui permet non seulement d effectuer des recherches par mots clés mais également de visualiser une arborescence des différents fonds. Il existe par ailleurs un Guide des archives de la Société des Nations (Genève, Nations unies, 1999) imprimé qui, constitue une indispensable introduction à ces archives. Un important fonds photographique a été numérisé par l université de l Indiana. Les archives de la Société des Nations sont inscrites au registre de la Mémoire du monde de l UNESCO depuis Les archives de la Société des Nations proprement dites sont constituées : de documents originaux du Secrétariat de la SdN (correspondance et documents reçus ou produits par les différentes sections ou les autres unités administratives du Secrétariat). L ensemble documentaire du Secrétariat comprend donc deux catégories de fonds : Le fonds de l Enregistrement (Registry files) contient des documents qui ont été reçus ou produits par les différentes sections ou les autres unités administratives du Secrétariat mais traités par le service de l enregistrement conformément aux règles officielles. Le fonds des Sections (Sections files) représente une masse de documents qui n ont pas été traités par le service de l enregistrement et dont la teneur, la classification interne, etc., diffèrent d une

181 179 section à l autre. En tant que créations spontanées, ces documents se sont naturellement transformés en archives parallèles et contiennent des informations essentielles qui viennent compléter le fonds de l Enregistrement. des fonds d organes externes de la SdN (Commission files), concernant la reconstruction financière de l Autriche et de la Hongrie, la commission d administration de la Sarre, la commission mixte pour les échanges de populations grecque et turque, la commission mixte pour la Haute-Silésie, etc. du fonds mixte pour les «réfugiés Nansen» ( ), issu de plusieurs provenances : Secrétariat, BIT et autres organismes de moindre ampleur. des «papiers privés» de certains hauts fonctionnaires ou de personnalités marquantes, comme celles des secrétaires généraux, de Paul Mantoux, d Alexander Loveday. enfin de la collection des documents de la Société des Nations comprenant les publications officielles (imprimées ou ronéotées) ainsi que les procès-verbaux, les documents de travail et d autres types de documents émanant des divers organes qui composaient cette société. Les archives disposent aussi de collections iconographiques (photographies, caricatures, plans). Évidemment ce travail doit être complété par celui des administrations nationales qui disposent de ressources considérables. Ainsi, en France, le Portail ADEL (Archives diplomatiques en ligne), en cours de finalisation, permettra la découverte des fonds français et la préparation des recherches avant de se rendre aux centres de La Courneuve et de Nantes. Toujours au palais des Nations de Genève, la remarquable bibliothèque de l Office des Nations unies détient presque tout ce qui a été publié sur la SdN. Elle est située dans le même bâtiment que les archives. Tél. : +41 (0) Courriel : library@unog.ch. Elle est ouverte du lundi au vendredi de 8h30 à 17h30. Adresse du site : (httppages)/9da00f23aee9d048c1257c d3b. Vous devez faire une demande de badge d utilisateur afin d accéder aux archives et à la bibliothèque. Vous devez avoir une pièce d identité en cours de validité (passeport, carte d identité ou permis de conduire). Les étudiants et les chercheurs doivent également fournir une carte d étudiant valide ou une lettre de recommandation de leur université ou de leur centre de recherche. Précisons enfin que le palais des Nations se visite avec des horaires différents suivant les saisons. Voir le site : (httppages)/5adc7fb14e2750bd80256ef a2. L entrée des visiteurs se fait par le portail de Pregny, au 14 avenue de la Paix. Une pièce d identité est demandée à l entrée par le service de sécurité. Dans le bâtiment B existe aussi un musée des Nations unies qui dispose de nombreux documents. Il a réouvert ses portes le 22 mai 2016, après de longs travaux. Pour toute information ou pour organiser une visite de groupe, écrire à archives@unog.ch. BIBLIOGRAPHIE

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196 194 Annexes Annexe 1 Pacte de la Société des Nations 1 Le Pacte de la Société des Nations constitue la partie I du traité de Versailles signé le 28 juin 1919, qui met fin à la Grande Guerre. Il a été amendé à plusieurs reprises. À la fin du texte sont mentionnés les premiers Etats membres. Précisons que le Pacte n a pas été ratifié par l'équateur, le Hedjaz et les États-Unis, le nombre des membres originaires étant ainsi réduit à Les hautes parties contractantes, 3 Considérant que, pour développer la coopération entre les nations et pour leur garantir la paix et la sûreté, il importe 4 D accepter certaines obligations de ne pas recourir à la guerre, 5 D entretenir au grand jour des relations internationales fondées sur la justice et l honneur, 6 D observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règle de conduite effective des gouvernements, 7 De faire régner la justice et de respecter scrupuleusement toutes les obligations des traités dans les rapports mutuels des peuples organisés, 8 Adoptent le présent pacte qui institue la Société des Nations. Article premier Sont membres originaires de la Société des Nations, ceux des signataires dont les noms figurent dans l annexe au présent pacte, ainsi que les États, également nommés dans l annexe, qui auront accédé au présent pacte sans aucune réserve par une déclaration déposée au secrétariat dans les deux mois de l entrée en vigueur du pacte et dont notification sera faite aux autres membres de la Société.

197 Tout Etat, dominion ou colonie qui se gouverne librement et qui n est pas désigné dans l annexe, peut devenir membre de la Société si son admission est prononcée par les deux tiers de l Assemblée, pourvu qu il donne des garanties effectives de son intention sincère d observer ses engagements internationaux et qu il accepte le règlement établi par la Société en ce qui concerne ses forces et ses armements militaires, navals et aériens Tout membre de la Société peut, après un préavis de deux ans, se retirer de la Société, à la condition d avoir rempli à ce moment toutes ses obligations internationales y compris celles du présent Pacte. Article L action de la Société, telle qu elle est définie dans le présent pacte, s exerce par une Assemblée et par un Conseil assistés d un secrétariat permanent. Article L Assemblée se compose de représentants des membres de la Société Elle se réunit à des époques fixées et à tout autre moment, si les circonstances le demandent, au siège de la Société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné L Assemblée connaît de toute question qui rentre dans la sphère d activité de la Société ou qui affecte la paix du monde Chaque membre de la Société ne peut compter plus de trois représentants dans l Assemblée et ne dispose que d une voix. Article Le Conseil se compose de représentants des principales puissances alliées et associées ainsi que de représentants de quatre autres membres de la Société. Ces quatre membres de la Société sont désignés librement par l Assemblée et aux époques qu il lui plaît de choisir. Jusqu à la première désignation par l Assemblée les représentants de la Belgique, du Brésil, de l Espagne et de la Grèce sont membres du Conseil Avec l approbation de la majorité de l Assemblée, le Conseil peut désigner d autres membres de la Société dont la représentation sera désormais permanente au Conseil. Il peut, avec la même approbation, augmenter le nombre des membres de la Société qui seront choisis par l Assemblée pour être représentés au Conseil Le Conseil se réunit quand les circonstances le demandent, et au moins une fois par an, au siège de la Société ou en tel lieu qui pourra être désigné Le Conseil connaît de toute question rentrant dans la sphère d activité de la Société ou affectant la paix du monde Tout membre de la Société qui n est pas représenté au Conseil est invité à y envoyer siéger un représentant lorsqu une question qui l intéresse particulièrement est portée devant le Conseil Chaque membre de la Société représenté au Conseil ne dispose que d une voix et n a qu un représentant.

198 196 Article Sauf disposition expressément contraire du présent pacte ou des clauses du présent traité, les décisions de l Assemblée ou du Conseil sont prises à l unanimité des membres de la Société représentés à la réunion Toutes questions de procédure qui se posent aux réunions de l Assemblée ou du Conseil, y compris la désignation des commissions chargées d enquêter sur des points particuliers, sont réglées par l'assemblée ou par le Conseil et décidées à la majorité des membres de la Société représentés à la réunion La première réunion de l Assemblée et la première réunion du Conseil auront lieu sur la convocation du président des États-Unis d Amérique. Article Le secrétariat permanent est établi au siège de la Société. Il comprend un secrétaire général, ainsi que les secrétaires et le personnel nécessaires Le premier secrétaire général est désigné dans l annexe. Par la suite, le secrétaire général sera nommé par le Conseil avec l approbation de la majorité de l Assemblée Les secrétaires et le personnel du secrétariat sont nommés par le secrétaire général avec l approbation du Conseil Le secrétaire général de la Société est de droit secrétaire général de l Assemblée et du Conseil Les dépenses du secrétariat sont supportées par les membres de la Société dans la proportion établie pour le Bureau international de l Union postale universelle. Article Le siège de la Société est établi à Genève Le Conseil peut à tout moment décider de l établir en tout autre lieu Toutes les fonctions de la Société ou des services qui s y rattachent, y compris le secrétariat, sont également accessibles aux hommes et aux femmes Les représentants des membres de la Société et ses agents jouissent dans l exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques Les bâtiments et terrains occupés par la Société, par ses services ou ses réunions, sont inviolables. Article Les membres de la Société reconnaissent que le maintien de la paix exige la réduction des armements nationaux au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l exécution des obligations internationales imposée par une action commune Le Conseil, tenant compte de la situation géographique et des conditions spéciales de chaque État, prépare les plans de cette réduction, en vu de l examen et de la décision des divers gouvernements.

199 Ces plans doivent faire l objet d un nouvel examen et, s il y a lieu, d une révision tous les dix ans au moins Après leur adoption par les divers gouvernements, la limite des armements ainsi fixée ne peut être dépassée sans le consentement du Conseil Considérant que la fabrication privée des munitions et du matériel de guerre soulève de graves objections, les membres de la Société chargent le Conseil d aviser aux mesures propres à en éviter les fâcheux effets, en tenant compte des besoins des membres de la Société qui ne peuvent pas fabriquer les munitions et le matériel de guerre nécessaires à leur sûreté Les membres de la Société s engagent à échanger, de la manière la plus franche et la plus complète, tous renseignements relatifs à l échelle de leurs armements, à leurs programmes militaires, navals et aériens et à la condition de celles de leurs industries susceptibles d être utilisées pour la guerre. Article Une commission permanente sera formée pour donner au Conseil son avis sur l exécution des dispositions des articles 1 er et 8 et, d une façon générale, sur les questions militaires, navales et aériennes. Article Les membres de la Société s engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l intégrité territoriale et l indépendance politique présente de tous les membres de la Société. En cas d agression, de menace ou de danger d agression, le Conseil avise aux moyens d assurer l exécution de cette obligation. Article Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu elle affecte directement ou non l un des membres de la Société, intéresse la Société tout entière et que celle-ci doit prendre les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des nations. En pareil cas, le secrétaire général convoque immédiatement le Conseil, à la demande de tout membre de la Société Il est, en outre, déclaré que tout membre de la Société a le droit, à titre amical, d appeler l attention de l Assemblée et du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre nations, dont la paix dépend. Article Tous les membres de la Société conviennent que, s il s élève entre eux un différend susceptible d entraîner une rupture, ils le soumettront soit à la procédure de l arbitrage, soit à l examen du Conseil. Ils conviennent encore qu en aucun cas ils ne doivent recourir à la guerre avant l expiration d un délai de trois mois après la sentence des arbitres ou le rapport du Conseil.

200 Dans tous les cas prévus par cet article, la sentence des arbitres doit être rendue dans un délai raisonnable et le rapport du Conseil doit être établi dans les six mois à dater du jour où il aura été saisi du différend. Article Les membres de la Société conviennent que s il s élève entre eux un différend susceptible, à leur avis, d une solution arbitrale et si ce différend ne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplomatique, la question sera soumise intégralement à l arbitrage Parmi ceux qui sont généralement susceptibles de solution arbitrale, on déclare tels les différends relatifs à l interprétation d un traité, à tout point de droit international, à la réalité de tout fait qui, s il était établi, constituerait la rupture d un engagement international, ou à l étendue ou à la nature de la réparation due pour une telle rupture La Cour d arbitrage à laquelle la cause est soumise est la Cour désignée par les Parties ou prévue dans leurs conventions antérieures Les membres de la Société s engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues et à ne pas recourir à la guerre contre tout membre de la Société qui s y conformera. Faute d exécution de la sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l effet. Article Le Conseil est chargé de préparer un projet de Cour permanente de justice internationale et de le soumettre aux membres de la Société. Cette Cour connaîtra de tous différends d un caractère international que les parties lui soumettront. Elle donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout point, dont la saisira le Conseil ou l Assemblée. Article S il s élève entre les membres de la Société un différend susceptible d entraîner une rupture et si ce différend n est pas soumis à à l arbitrage prévu â l article 13, les Membres de la Société conviennent de le porter devant le Conseil. À cet effet, il suffit que l un d eux avise de ce différend le secrétaire général, qui prend toutes dispositions en vue d une enquête et d un examen complets Dans le plus bref délai, les parties doivent lui communiquer l exposé de leur cause avec tous faits pertinents et pièces justificatives. Le Conseil peut en ordonner la publication immédiate Le Conseil s efforce d assurer le règlement du différend. S il y réussit, il publie, dans la mesure qu il juge utile, un exposé relatant les faits, les explications qu ils comportent et les termes de ce règlement Si le différend n a pu se régler, le Conseil rédige et publie un rapport, voté soit à l unanimité, soit à la majorité des voix, pour faire connaître les circonstances du différend et les solutions qu il recommande comme les plus équitables et les mieux appropriées à l espèce Tout membre de la Société représenté au Conseil peut également publier un exposé des faits du différend et ses propres conclusions.

201 Si le rapport du Conseil est accepté à l unanimité, le vote des Représentants des Parties ne comptant pas dans le calcul de cette unanimité, les membres de la Société s engagent à ne recourir à la guerre contre aucune partie qui se conforme aux conclusions du rapport Dans le cas où le Conseil ne réussit pas à faire accepter son rapport par tous ses membres autres que les représentants de toute partie au différend, les membres de la Société se réservent le droit d agir comme ils le jugeront nécessaire pour le maintien du droit et de la justice Si l une des parties prétend et si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cette partie, le Conseil le constatera dans un rapport, mais sans recommander aucune solution Le Conseil peut, dans tous les cas prévus au présent article, porter le différend devant l Assemblée. L'Assemblée devra de même être saisie du différend à la requête de l une des parties ; cette requête devra être présentée dans les quatorze jours à dater du moment où le différend est porté devant le Conseil Dans toute affaire soumise à l Assemblée, les dispositions du présent article et de l'article 12 relatives à l action et aux pouvoirs du Conseil, s'appliquent également à l action et aux pouvoirs de l Assemblée. Il est entendu qu un rapport fait par l'assemblée avec l approbation des représentants des membres de la Société représentés au Conseil et d une majorité des autres membres de la Société, à l exclusion, dans chaque cas, des représentants des parties, à le même effet qu un rapport du Conseil adopté à l unanimité de ses membres autres que les représentants des parties. Article Si un membre de la Société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12,13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société. Ceux-ci s engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l État en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet État et ceux de tout autre État, membre ou non de la Société En ce cas, le Conseil a le devoir de recommander aux divers gouvernements intéressés les effectifs militaires, navals ou aériens par lesquels les membres de la Société contribueront respectivement aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société Les membres de la Société conviennent, en outre, de se prêter l un à l autre un mutuel appui dans l application des mesures économiques et financières à prendre en vertu du présent article pour réduire au minimum les pertes et les inconvénients qui peuvent en résulter. Ils se prêtent également un mutuel appui pour résister à toute mesure spéciale dirigée contre l un d eux par l État en rupture de pacte. Ils prennent les dispositions nécessaires pour faciliter le passage à travers leur territoire des forces de tout membre de la Société qui participe à une action commune pour faire respecter les engagements de la Société Peut être exclu de la Société tout membre qui s est rendu coupable de la violation d un des engagements résultant du pacte. L exclusion est prononcée par le vote de tous les autres membres de la Société représentés au Conseil.

202 200 Article En cas de différend entre deux États, dont un seulement est membre de la Société ou dont aucun n en fait partie, l État ou les États étrangers à la Société sont invités à se soumettre aux obligations qui s imposent à ses membres aux fins de règlement du différend, aux conditions estimées justes par le Conseil. Si cette invitation est acceptée, les dispositions des articles 12 à 16 s appliquent sous réserve des modifications jugées nécessaires par le Conseil Dès l envoi de cette invitation, le Conseil ouvre une enquête sur les circonstances du différend et propose telle mesure qui lui paraît la meilleure et la plus efficace dans le cas particulier Si l État invité, refusant d accepter les obligations de membre de la Société aux fins de règlement du différend, recourt à la guerre contre un membre de la Société, les dispositions de l article 16 lui sont applicables Si les deux parties invitées refusent d accepter les obligations de membre de la Société aux fins de règlement du différend, le Conseil peut prendre toutes mesures et faire toutes propositions de nature à prévenir les hostilités et à amener la solution du conflit. Article Tout traité ou engagement international conclu à l avenir par un membre de la Société devra être immédiatement enregistré par le secrétariat et publié par lui aussitôt que possible. Aucun de ces traités ou engagements internationaux ne sera obligatoire avant d avoir été enregistré. Article L Assemblée peut, de temps à autre, inviter les membres de la Société à procéder à un nouvel examen des traités devenus inapplicables ainsi que des situations internationales, dont le maintien pourrait mettre en péril la paix du monde. Article Les membres de la Société reconnaissent, chacun en ce qui le concerne, que le présent pacte abroge toutes obligations ou ententes inter se incompatibles avec ses termes et s engagent solennellement à n en pas contracter à l avenir de semblables Si avant son entrée dans la Société, un membre a assumé des obligations incompatibles avec les termes du pacte, il doit prendre des mesures immédiates pour se dégager de ces obligations. Article Les engagements internationaux, tels que les traités d arbitrage, et les ententes régionales, comme la doctrine de Monroë, qui assurent le maintien de la paix, ne seront considérés comme incompatibles avec aucune des dispositions du présent pacte.

203 201 Article Les principes suivants s appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d être sous la souveraineté des États qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger euxmêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation, et il convient d incorporer dans le présent pacte des garanties pour l accomplissement de cette mission La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux â même d assumer cette responsabilité et qui consentent à l accepter : elles exerceraient cette tutelle en qualité de mandataires et au nom de la Société Le caractère du mandat doit différer suivant le degré de développement du peuple, la situation géographique du territoire, ses conditions économiques et toutes autres circonstances analogues Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l aide d un mandataire guident leur administration jusqu au moment où elles seront capables de se conduire seules. Les voeux de ces communautés doivent être pris d abord en considération pour le choix du mandataire Le degré de développement où se trouvent d autres peuples, spécialement ceux de l Afrique centrale, exige que le mandataire y assume l administration du territoire à des conditions qui, avec la prohibition d abus, tels que la traite des esclaves, le trafic des armes et celui de l alcool garantiront la liberté de conscience et de religion, sans autres limitations que celles que peut imposer le maintien de l ordre public et des bonnes moeurs, et l interdiction d établir des fortifications ou des bases militaires ou navales et de donner aux indigènes une instruction militaire, si ce n est pour la police ou la défense du territoire et qui assureront également aux autres membres de la Société des conditions d égalité pour les échanges et le commerce Enfin il y a des territoires, tels que le Sud-Ouest africain et certaines îles du Pacifique austral, qui, par suite de la faible densité de leur population, de leur superficie restreinte, de leur éloignement des centres de civilisation, de leur contiguïté géographique au territoire du mandataire, ou d autres circonstances, ne sauraient être mieux administrés que sous les lois du mandataire comme une partie intégrante de son territoire, sous réserve des garanties prévues plus haut dans l intérêt de la population indigène Dans tous les cas le mandataire doit envoyer au Conseil un rapport annuel concernant les territoires dont il a la charge Si le degré d autorité, de contrôle ou d administration à exercer par le mandataire n a pas fait l objet d une convention antérieure entre les membres de la Société, il sera expressément statué sur ces points par le Conseil Une commission permanente sera chargée de recevoir et d examiner les rapports annuels des mandataires et de donner au Conseil son avis sur toutes questions relatives à l exécution des mandats.

204 202 Article Sous la réserve, et en conformité des dispositions des conventions internationales actuellement existantes ou qui seront ultérieurement conclues, les membres de la Société : 86 a) s'efforceront d assurer et de maintenir des conditions de travail équitables et humaines pour l homme, la femme et l enfant sur leurs propres territoires, ainsi que dans tous pays auxquels s étendent leurs relations de commerce et d industrie, et, dans ce but, d établir et d entretenir les organisations internationales nécessaires ; 87 b) s engagent à assurer le traitement équitable des populations indigènes dans les territoires soumis à leur administration ; 88 c) chargent la Société du contrôle général des accords relatifs à la traite des femmes et des enfants, du trafic de l opium et autres drogues nuisibles ; 89 d) chargent la Société du contrôle général du commerce des armes et des munitions avec les pays où le contrôle de ce commerce est indispensable à l intérêt commun ; 90 e) prendront les dispositions nécessaires pour assurer la garantie et le maintien de la liberté des communications et du transit, ainsi qu un équitable traitement du commerce de tous les membres de la Société, étant entendu que les nécessités spéciales des régions dévastées pendant la guerre de devront être prises en considération ; 91 f) s efforceront de prendre des mesures d ordre international pour prévenir et combattre les maladies. Article Tous les bureaux internationaux antérieurement établis par traités collectifs seront, sous réserve de l assentiment des parties placés sous l autorité de la Société. Tous autres bureaux internationaux et toutes commissions pour le règlement des affaires d intérêt international qui seront créés ultérieurement seront placés sous l autorité de la Société Pour toutes questions d intérêt international réglées par des conventions générales, mais non soumises au contrôle de commissions ou de bureaux internationaux, le secrétariat de la Société devra, si les parties le demandent et si le Conseil y consent, réunir et distribuer toutes informations utiles et prêter toute l assistance nécessaire ou désirable Le Conseil peut décider de faire rentrer dans les dépenses du secrétariat celles de tout bureau ou commission placé sous l autorité de la Société. Article Les membres de la Société s engagent à encourager et favoriser l établissement et la coopération des organisations volontaires nationales de la Croix-Rouge, dûment autorisées, qui ont pour objet l amélioration de la santé, la défense préventive contre la maladie et l adoucissement de la souffrance dans le monde.

205 203 Article Les amendements au présent pacte entreront en vigueur dès leur ratification par les membres de la Société, dont les représentants composent le Conseil, et par la majorité de ceux dont les représentants forment l Assemblée Tout Membre de la Société est libre de ne pas accepter les amendements apportés au pacte, auquel cas il cesse de faire partie de la Société. Membres originaires de la Société des Nations signataires du traité de paix 98 États-Unis d Amérique 99 Belgique 100 Bolivie 101 Brésil 102 Empire britannique 103 Canada 104 Australie 105 Afrique du Sud 106 Nouvelle-Zélande 107 Inde 108 Chine 109 Cuba 110 Équateur 111 France 112 Grèce 113 Guatemala 114 Haïti 115 Hedjaz 116 Honduras 117 Italie 118 Japon 119 Liberia 120 Nicaragua 121 Panama 122 Pérou 123 Pologne 124 Portugal 125 Roumanie 126 État des Serbes, Croates et Slovènes

206 Siam 128 Tchécoslovaquie 129 Uruguay États invités à accéder au Pacte 130 Argentine 131 Chili 132 Colombie 133 Danemark 134 Espagne 135 Norvège 136 Paraguay 137 Pays-Bas 138 Perse 139 Salvador 140 Suède 141 Suisse 142 Venezuela Premier secrétaire général de la Société des Nations 143 L'honorable Sir James Eric Drummond, K.C.M.G., C.B. Annexe 2. Organigramme de la Société des Nations 144 En quatrième de couverture de The League of Nations, Organization and Accomplishments. A Retrospective of the First Organization for the Establishment of World Peace, Geneva/New York, United Nations Publications, 1996,181 p. La SDN à Genève ;

207 205 ORNIGRAMME DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS Seuls les organes permanents ont été pris en considération, avec cependant une exception pour les comités sur les minorités Annexe Céline et la Société des Nations dans Bagatelle pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, p et Par les circonstances de la vie, je me suis trouvé pendant quatre ans titulaire d un petit emploi à la S. D. N., secrétaire technique d un Juif, un des potentats de la Maison. C était un drôle de boulot, assez marrant, faut bien le dire, mais pour la douillance assez terne, pas très généreux. Pas de quoi se régaler du tout. Je faisais partie moi, du «petit Cadre»... des «auxiliaires», des gens de peu... Les places notables, les vrais nougats sont occupés, là comme ailleurs, par les Juifs et les «maçons»... Faut jamais confondre. Ecole Normale, Oxford, Polytechnique, les beaux Inspecteurs des Finances, etc. Enfin l Aristocratie... Je briguais rien, soyez tranquilles. Je suis pas jaloux. C est pas mon genre de réussir... C était seulement une aventure... Je suis pas fait pour m incruster... Mais alors, en fait d expérience, je peux dire qu elle m a bien servi! Je regrette pas mon temps de Genève. J ai vu travailler les grands Juifs dans les coulisses de l Univers, préparer les gros fricots... Ils y viennent tous tôt ou tard. C est un endroit de leurs dévotions. C est la plus grande Synagogue dans le plus grand Temple «Maçon» de l univers... C est l antre des combinaisons les plus vicieuses de l Epoque et de l Avenir... Depuis le Secrétaire Général jusqu'au dernier journaliste il faut avoir une drôle d odeur pour faire florès dans la tôle... Il faut «en être «quoi! il faut en être!... Tout ce qu est pas youpin ou «mascaille» est assez vite éliminé... Je me faisais pas de grandes illusions... C est regarder qui

208 206 m intéressait. Ma carrière administrative elle a quand même duré quatre ans. C est un bail. Je les ai vus venir les grands Juifs! Les plus grands «maçons» de la planète, les plus inquiets, les plus arrogants, les plus endurcis, les plus emmerdants, les plus mégalophraseurs, les plus muets, les plus opulents, les plus tristes, depuis Bergson et Curie Madame, jusqu'aux Ben Simons britanniques, et Ras Tafaris... Il faut entendre comme ça cafouille tout ce petit monde... J avais appris aussi moi, la chinoiserie des Commissions... la dialectique des compromis. Seulement faut pas être trop curieux, se montrer friand «d origines»... c est pas bien vu dans la maison. Pas trop de précision S. V. P.! Quand je devenais inquisiteur, mon grand patron Yubelblat, il m expédiait en voyage, en mission d études... J ai fait ainsi les continents à la recherche de la vérité. Si les voyages forment l âge mûr, je peux dire que je suis bien fait. Craquelure! comme j ai voyagé! pour m instruire, pour accroître toutes mes connaissances! Comme j en ai vu des hôpitaux, comparé des laboratoires! épluché les comptes des nurseries... vu fonctionner des belles casernes! cavalé dans les abattoirs! admiré tant de crématoires! expertisé tellement de laiteries, des «modèles» et des moins propres... de la Gold Coast à Chicago! et de Berg-op-Zoom à Cuba! Je devrais être de l Institut, tellement qu on m a enseigné des choses, des techniques et des pires encore... extraordinairement ennuyeuses!... Comme j en ai vu des savants, barbus, chauves, postillonneux, bigles... Comme ils m en ont donné des leçons... d Harley Street à San Francisco! de Leyden, songeuse aux tulipes, à Port- Lagos en Nigérie... bouillante de fièvre jaune. Je devrais être presque parfait en dix mille matières scientifiques, dont je ne sais plus un traître mot... Je suis vraiment l un des crétins les plus fieffés de la planète. Ainsi va la vie [...] Il était infatigable en ses pirouettes, prestes échappées, trapèzes... colloques furtifs, mystères et passe-passe internationaux, le frêle Yubelblat. Toujours en «coléanisme», en voltige, vertiges, entre deux câbles, deux télégrammes, deux rappels. Toujours en train de se relancer un peu plus loin, dans la pagaïe, dénicher encore d autres trames, d autres filins plus embrouillés, raccrocher le tout en énigmes, et puis défendre toutes ces intrigues par des petites trappes bien occultes, il arrêtait pas... On le voyait... on le voyait plus... Il me rappelait du Zoo de Londres, cet animal extravagant l ornithorynx qu est si habile, le faux castor incroyable, qu a un bec énorme d oiseau, qu'arrête pas aussi de plonger, de fouiner, de revenir... Il disparaissait imprévisible la même chose Yubelblat... Piaf!... il enfonce, plonge dans les Indes... on le voit plus!! Une autre fois c est dans la Chine... dans les Balkans dans les ombres du monde... dans la profondeur... Il revenait à la surface tout éberlué, clignotant... Il était habillé tout noir comme l ornithorynx... et puis aussi l énorme tarin, exactement aussi marrant... cornu comme l ornithorynx... Il était souple à l infini... extraordinaire à regarder, mais au bout des poignes par exemple, il avait aussi des griffes... et des venimeuses comme l ornithorynx... Il fallait déjà le connaître depuis vraiment un bon moment pour qu il vous les montre... la confiance c était pas son faible... Enfin je vais pas prétendre que je m ennuyais sous ses ordres... Ça serait mentir... Tel qu il était il me plaisait bien... J'avais même pour lui de l'affection... Bien sûr il oubliait pas de m arranger de temps à autre... de me faire déguster une vacherie... Mais moi, je ne me gênais pas non plus... Y avait une petite lutte sournoise. Un jour qu il m avait laissé comme ça trop longtemps à Genève, dans les boulots imbéciles, à mariner sur les dossiers, j ai comploté dans mon genre, une petite pièce de théâtre, c était assez inoffensif «l Église». Elle était ratée, c est un fait... mais quand même y avait de la substance... je lui ai fait lire à Yubelblat. Lui qui se montrait dans la vie le plus éclectique des youtres, jamais froissé de rien du tout, ce coup-là quand même, il s est mordu... Il a fait une petite grimace... Il a jamais oublié... Il m en a reparlé plusieurs fois. J avais pincé

209 207 la seule corde qu était défendue, qu était pas bonne pour les joujoux. Lui il avait nettement compris. Il avait pas besoin de dessin... Annexe Extrait du discours prononcé par Aristide Briand le 5 septembre 1929 devant la X e 149 [...] assemblée de la Société des Nations, d après les actes de la dixième session ordinaire de l Assemblée. Sixième séance plénière, jeudi 5 septembre 1929, p Mon collègue et ami M. Hymans, dans son très beau discours, a abordé un autre problème délicat dont la Société des Nations s est saisie et à propos duquel elle a réuni une excellente et fort intéressante documentation. C est le problème du désarmement économique ; car il n y a pas seulement à faire régner parmi les peuples la paix du point de vue politique, il faut aussi faire régner la paix économique. 151 M. Hymans a proposé certaines solutions que, pour ma part, j envisagerai avec sympathie. Mais, qu on me permette de le dire, dans ce domaine aussi, il faut que la Société des Nations se décide à avancer d un pas ferme. Il ne faut pas qu elle traite ces questions avec la timidité que pourraient lui inspirer les difficultés de la tâche. Je ne crois pas à la solution d un tel problème - j entends une solution véritable, c est-à-dire de nature à assurer la paix économique - par des moyens de pure technicité. Certes, il faut avoir recours aux conseils techniques ; il faut s en entourer et les respecter ; il faut accepter de travailler sur la base d une documentation sérieuse et solide. Mais si nous nous en remettions aux seuls techniciens du soin de régler ces problèmes, nous devrions tous les ans, à chaque Assemblée, nous résigner à faire de très beaux discours et à enregistrer avec amertume bon nombre de déceptions. 152 C est à la condition de se saisir eux-mêmes du problème et de l envisager d un point de politique que les gouvernements parviendront à le résoudre. S il demeure sur le plan technique, on verra tous les intérêts particuliers se dresser, se coaliser, s opposer : il n y aura pas de solution générale. 153 Ici, avec quelque préoccupation, je pourrais dire avec quelque inquiétude, qui fait naître en moi une timidité dont vous voudrez bien m excuser, j'aborde un autre problème. Je me suis associé pendant ces dernières années à une propagande active en faveur d une idée qu on a bien voulu qualifier de généreuse, peut-être pour se dispenser de la qualifier d imprudente. Cette idée, qui est née il y a bien des années, qui a hanté l imagination des philosophes et des poètes, qui leur a valu ce qu on peut appeler des succès d estime, cette idée a progressé dans les esprits par sa valeur propre. Elle a fini par apparaître comme répondant à une nécessité. Des propagandistes se sont réunis pour la répandre, la faire entrer plus avant dans l esprit des nations, et j avoue que je me suis trouvé parmi ces propagandistes. 154 Je n ai cependant pas été sans me dissimuler les difficultés d une pareille entreprise, ni sans percevoir l inconvénient qu il peut y avoir pour un homme d Etat à se lancer dans ce qu'on appellerait volontiers une pareille aventure. Mais je pense que, dans tous les actes de l homme, voire les plus importants et les plus sages, il y a toujours quelque grain de folie ou de témérité. Alors, je me suis donné d avance l absolution et j ai fait un pas en avant. Je l ai fait avec prudence. Je me rends compte que l improvisation serait redoutable et je ne me dissimule pas que le problème est peut-être un peu en dehors du programme

210 208 de la Société des Nations ; il s y rattache cependant, car depuis le Pacte, la Société n a jamais cessé de préconiser le rapprochement des peuples et les unions régionales, même les plus étendues. 155 Je pense qu entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral ; ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d entrer en contact, de discuter leurs intérêts, de prendre des résolutions communes, d établir entre eux un lien de solidarité, qui leur permette de faire face, au moment voulu, à des circonstances graves, si elles venaient à naître. 156 C'est ce lien que je voudrais m efforcer d'établir. 157 Évidemment, l Association agira surtout dans le domaine économique : c est la question la plus pressante. Je crois que l on peut y obtenir des succès. Mais je suis sûr aussi qu au point de vue politique, au point de vue social, le lien fédéral, sans toucher à la souveraineté d aucune des nations qui pourraient faire partie d une telle association, peut être bienfaisant, et je me propose, pendant la durée de cette session, de prier ceux de mes collègues qui représentent ici des nations européennes de bien vouloir envisager officieusement cette suggestion et la proposer à l étude de leurs gouvernements, pour dégager plus tard, pendant la prochaine session de l Assemblée peut-être, les possibilités de réalisation que je crois discerner. [...] Annexe Mémorandum complet, rédigé par la diplomatie française. Deux versions ont été élaborées : celle des membres du service français de la Société des Nations, notamment Jacques Fouques-Duparc et René Massigli, et celle d Alexis Léger, directeur des affaires politiques et commerciales du Quai d Orsay, qui réalisera une synthèse des deux documents. Reproduit sur le site de la Fondation Saint-John Perse (Aix-en-Provence). MÉMORANDUM SUR L ORGANISATION D UN RÉGIME D UNION FÉDÉRALE EUROPÉENNE 159 Au cours d une première réunion tenue le 9 septembre 1929, à Genève, à la demande du Représentant de la France, les Représentants qualifiés des vingt-sept Etats européens membres de la Société des Nations ont été appelés à envisager l intérêt d une entente entre Gouvernements intéressés, en vue de l institution, entre peuples d Europe, d une sorte de lien fédéral qui établisse entre eux un régime de constante solidarité et leur permette, dans tous les cas où cela serait nécessaire, d entrer en contact immédiat pour l étude, la discussion et le règlement des problèmes susceptibles de les intéresser en commun. 160 Unanimes à reconnaître la nécessité d un effort dans ce sens, les Représentants consultés se sont tous engagés à recommander à leurs gouvernements respectifs la mise à l étude de la question qui leur était directement soumise par le Représentant de la France et qu aussi bien ce dernier avait déjà eu l occasion le 5 septembre d évoquer devant la X e Assemblée de la SdN. 161 Pour mieux attester cette unanimité, qui consacrait déjà le principe d une union morale européenne, ils ont cru devoir arrêter sans délai la procédure qui leur paraissait la plus propre à faciliter l enquête proposée : ils ont confié au Représentant de la France le soin

211 209 de préciser, dans un mémorandum aux gouvernements intéressés, les points essentiels sur lesquels devait porter leur étude ; de recueillir et d enregistrer leurs avis ; de dégager les conclusions de cette large consultation, et d en faire l objet d un rapport à soumettre aux délibérations d'une Conférence européenne, qui pourrait se tenir à Genève, lors de la prochaine Assemblée de la SdN. 162 Au moment de s acquitter de la mission qui lui a été confiée, le gouvernement de la République tient à rappeler la préoccupation générale et les réserves essentielles qui n ont cessé de dominer la pensée de tous les Représentants réunis à Genève, le 9 septembre dernier. 163 La proposition mise à l étude par vingt-sept gouvernements européens trouvait sa *** justification dans le sentiment très précis d une responsabilité collective en face du danger qui menace la paix européenne, au point de vue politique aussi bien qu économique et social, du fait de l état d incoordination où se trouve encore l économie générale de l Europe. La nécessité d établir un régime permanent de solidarité conventionnelle pour l'organisation rationnelle de l Europe résulte en effet des conditions mêmes de la sécurité et du bien-être des peuples que leur situation géographique appelle à partager, dans cette partie du monde, une solidarité de fait. Nul ne doute aujourd hui que le manque de cohésion dans le groupement des forces matérielles et morales de l Europe ne constitue, pratiquement, le plus sérieux obstacle au développement et à l efficacité de toutes institutions politiques ou juridiques sur quoi tendent à se fonder les premières entreprises d'une organisation universelle de la paix. Cette dispersion des forces ne limite pas moins gravement en Europe, les possibilités d élargissement du marché économique, les tentatives d intensification et d amélioration de la production industrielle, et par là même toutes garanties contre les crises du travail, sources d instabilité politique aussi bien que sociale. Or, le danger d un tel morcellement se trouve encore accru du fait de l étendue des frontières nouvelles (plus de kilomètres de barrières douanières) que les traités de paix ont dû créer pour faire droit, en Europe, aux aspirations nationales. 164 L action même de la SdN, dont les responsabilités sont d autant plus lourdes qu elle est universelle, pourrait être exposée en Europe à de sérieuses entraves si ce fractionnement territorial ne trouvait pas au plus tôt sa compensation dans un lien de solidarité permettant aux Nations européennes de prendre enfin conscience de l unité géographique européenne et de réaliser, dans le cadre de la Société, une de ces ententes régionales que le Pacte a formellement recommandées. 165 C est dire que la recherche d'une formule de coopération européenne en liaison avec la SdN, loin d affaiblir l autorité de cette dernière, ne doit tendre et ne peut tendre qu à l'accroître, car elle se rattache étroitement à ses vues. 166 Il ne s agit nullement de constituer un groupement européen en dehors de la SdN, mais au contraire d harmoniser les intérêts européens sous le contrôle et dans l esprit de la SdN, en intégrant dans son système universel un système limité, d autant plus effectif. La réalisation d une organisation fédérative de l Europe serait toujours rapportée à la SdN, comme un élément de progrès à son actif dont les nations extra-européennes ellesmêmes pourraient bénéficier.

212 Une telle conception ne peut laisser place à l équivoque, pas plus que celle dont procédait, sur un terrain régional encore plus restreint, la négociation collective des accords de Locarno qui ont inauguré la vraie politique de coopération européenne. 168 En fait, certaines questions intéressent en propre l Europe, pour lesquelles les États européens peuvent sentir le besoin d une action propre, plus immédiate et plus directe, dans l intérêt même de la paix, et pour lesquelles, au surplus ils bénéficient d une compétence propre, résultant de leurs affinités ethniques et de leur communauté de civilisation. La SdN elle-même, dans l exercice général de son activité, a eu plus d une fois à tenir compte du fait de cette unité géographique que constitue l Europe et à laquelle peuvent convenir des solutions communes dont on ne saurait imposer l application au monde entier. Préparer et faciliter la coordination des activités proprement européennes de la SdN serait précisément une des tâches de l association envisagée. 169 Loin de constituer une nouvelle instance contentieuse pour le règlement des litiges, l Association européenne, qui ne pourrait être appelée en pareille matière à exercer ses bons offices qu à titre purement consultatif serait sans qualité pour traiter au fond des problèmes particuliers dont le règlement a été confié par le Pacte ou par les Traités, à une procédure spéciale de la SdN, le lien fédéral entre États européens jouerait encore un rôle très utile en préparant l atmosphère favorable aux règlements pacifiques de la Société ou en facilitant dans la pratique l exécution de ses décisions. Aussi bien le Représentant de la France a-t-il eu le souci, dès le début, d éviter toute ambiguïté lorsque, prenant l initiative de la première réunion européenne, il a estimé qu elle devrait comprendre seulement les Représentants d Etats membres de la SdN, et se tenir à Genève même, à l occasion de la X e Assemblée, c est-à-dire dans l atmosphère et dans le cadre de la SdN. 170 Non plus qu à la SdN, l organisation européenne envisagée ne saurait s opposer à aucun groupement ethnique, sur d'autres continents ou en Europe même, en dehors de la SdN. 171 L œuvre de coordination européenne répond à des nécessités assez immédiates et assez vitales pour chercher sa fin en elle-même, dans un travail vraiment positif et qu il ne peut être question de diriger, ni de laisser jamais diriger contre personne. Bien au contraire, cette œuvre devra être poursuivie en pleine confiance amicale, et souvent même en collaboration, avec tous autres États ou groupements d Etats qui s intéressent assez sincèrement à l organisation universelle de la paix pour reconnaître l intérêt d une homogénéité plus grande de l Europe, comprenant, au surplus, assez clairement les lois modernes de l économie internationale pour rechercher le meilleur aménagement d une Europe simplifiée et par là même soustraite à la constante menace des conflits, les conditions de stabilité indispensables au développement de leurs propres échanges économiques. 172 La politique d union européenne à laquelle doit tendre aujourd'hui la recherche d un premier lien de solidarité entre gouvernements d Europe implique, en effet, une conception absolument contraire à celle qui a pu déterminer jadis, en Europe, la formation d unions douanières tendant à abolir les douanes intérieures pour élever aux limites de la communauté une barrière plus rigoureuse, c est-à-dire à constituer en fait un instrument de lutte contre les États situés en dehors de ces unions. 173 Une pareille conception serait incompatible avec les principes de la SdN, étroitement attachée à la notion d universalité qui demeure son but et sa fin alors même qu'elle poursuit et favorise des réalisations partielles.

213 Il importe enfin de placer très nettement l étude proposée sous cette conception *** générale, qu'en aucun cas et à aucun degré, l'institution du lien fédéral recherché entre gouvernements européens ne saurait affecter en rien aucun des droits souverains des États membres d une telle association de fait. 175 C est sur le plan de la souveraineté absolue et de l entière indépendance politique que doit être réalisée l entente entre nations européennes. Il serait d ailleurs impossible d imaginer la moindre pensée de domination politique au sein d une organisation délibérément placée sous le contrôle de la SdN, dont les deux principes fondamentaux sont précisément la souveraineté des États et leur égalité de droits. Et avec les droits de souveraineté, n est-ce pas le génie même de chaque nation qui peut trouver à s affirmer encore plus consciemment, dans sa coopération particulière à l œuvre collective, sous un régime d union fédérale pleinement compatible avec le respect des traditions et caractéristiques propres à chaque peuple? 176 C est sous la réserve de ces observations et en s inspirant de la préoccupation générale rappelée au début de ce mémorandum que le gouvernement de la République, conformément à la procédure arrêtée à la première réunion européenne du 9 septembre 1929, a l honneur de soumettre aujourd hui à l examen des gouvernements intéressés un relevé des différents points sur lesquels ils sont invités à formuler leur avis. I. NÉCESSITÉ D UN PACTE D ORDRE GÉNÉRAL, SI ÉLÉMENTAIRE FÛT-IL, POUR AFFIRMER LE PRINCIPE DE L UNION MORALE EUROPÉENNE ET CONSACRER SOLENNELLEMENT LE FAIT DE LA SOLIDARITÉ INSTITUÉE ENTRE ÉTATS EUROPÉENS 177 Dans une formule aussi libérale que possible, mais indiquant clairement l objectif essentiel de cette association au service de l'œuvre collective d organisation pacifique de l Europe, les Gouvernements signataires s engageraient à prendre régulièrement contact, dans des réunions périodiques ou extraordinaires, pour examiner en commun toutes questions susceptibles d intéresser au premier chef la communauté des peuples européens. OBSERVATIONS Les Gouvernements signataires apparaissant ainsi liés à l orientation générale d une certaine politique commune, le principe de l Union européenne se trouverait désormais placé hors de toute discussion et au-dessus de toute procédure d'application quotidienne : l étude des voies et moyens serait réservée à la Conférence européenne ou à l organisme permanent qui serait appelé à constituer le lien vivant de solidarité entre nations européennes et à incarner ainsi la personnalité morale de l union européenne Ce pacte initial et symbolique, sous le couvert duquel se poursuivraient dans la pratique la détermination, l organisation et le développement des éléments constitutifs de l association européenne, devrait être rédigé assez sommairement pour se borner à définir le rôle essentiel de cette association. (Il appartiendrait à l avenir, s il devait être

214 212 favorable au développement de l Union européenne, de faciliter l extension éventuelle de ce pacte de principe jusqu à la conception d une charte plus articulée.) La rédaction du pacte européen devrait néanmoins tenir compte des réserves essentielles indiquées dans le présent mémorandum. Il importerait en effet de définir le caractère de l Europe, considérée comme une entente régionale répondant aux dispositions de l article 21 du Pacte de la SdN et exerçant son activité dans le cadre de la SdN. (Il serait précisé, notamment, que l Association européenne ne saurait se substituer à la SdN dans les tâches confiées à celle-ci par le Pacte ou par les Traités, et que, même dans son domaine propre d organisation de l Europe, elle devrait encore coordonner son activité particulière avec l'activité générale de la SdN.) Pour mieux attester la subordination de l Association européenne à la SdN, le pacte européen serait réservé, à l'origine, aux États européens membres de la Société. II. NÉCESSITÉ D UN MÉCANISME PROPRE À ASSURER À L UNION EUROPÉENNE LES ORGANES INDISPENSABLES À L ACCOMPLISSEMENT DE SA TÂCHE 182 A. Nécessité d un organe représentatif et responsable, sous forme d institution régulière de la «Conférence européenne», composée des représentants de tous les Gouvernements européens membres de la SdN, et qui demeurerait l organe directeur essentiel de l Union européenne, en liaison avec la SdN. 183 Les pouvoirs de cette Conférence, l organisation de sa présidence et de ses sessions, régulières ou extraordinaires, devraient être déterminés à la prochaine réunion des États européens, qui aura à délibérer sur les conclusions du rapport d enquête et qui, sous réserve des approbations gouvernementales ou ratifications parlementaires indispensables, devra assurer la mise au point du projet d organisation européenne. OBSERVATIONS 184 Afin d'éviter toute prédominance en faveur d un des Etats d'europe par rapport aux autres, la présidence de la Conférence européenne devrait être annuelle et exercée par roulement. 185 B. Nécessité d un organe exécutif, sous forme de Comité politique permanent, composé seulement d un certain nombre de membres de la Conférence européenne et assurant pratiquement à l Union européenne son organisme d étude en même temps que son instrument d action. 186 La composition et les pouvoirs du Comité européen, le mode de désignation de ses membres, l organisation de sa présidence et de ses sessions, régulières ou extraordinaires, devraient être déterminés à la prochaine réunion des États européens. L activité de ce Comité, comme celle de la Conférence, devant s exercer dans le cadre de la SdN, ses réunions devraient avoir lieu à Genève même, où ses sessions régulières pourraient coïncider avec celles du Conseil de la SdN. OBSERVATIONS En vue de soustraire le Comité européen à toute prédominance particulière, sa présidence devrait être exercée par roulement.

215 Le Comité, ne pouvant comprendre qu'un nombre restreint de représentants d Etats européens membres de la SdN, garderait la possibilité d inviter à tout moment les représentants des autres Gouvernements européens, faisant ou non partie de la SdN, qui seraient particulièrement intéressés à l étude d une question. Au surplus, la faculté lui serait formellement réservée, chaque fois qu'il le jugerait nécessaire ou opportun, d inviter un représentant d une Puissance extra-européenne, faisant ou non partie de la SdN, à assister, ou même à participer (avec voix consultative ou délibérative) aux délibérations portant sur une question où elle se trouverait intéressée Une des premières tâches du Comité pourrait comporter : 190 d une part, l examen général de toute procédure de réalisation et d application du projet envisagé, conformément aux données essentielles de la consultation des Gouvernements, et la recherche, à cet effet, des voies et moyens tendant à dégager techniquement les éléments constitutifs de la future Union fédérale européenne ; 191 d autre part, l inventaire général du programme de coopération européenne, comprenant : a. l étude des questions politiques, économiques, sociales et autres intéressant particulièrement la communauté européenne et non encore traitées par la SdN ; b. l action particulière à exercer pour activer l exécution par les Gouvernements européens des décisions générales de la SdN Le Comité, après adoption du programme général de coopération européenne, pourrait confier l étude de certains chapitres à des comités techniques spéciaux, en s assurant des conditions nécessaires pour que le travail des experts fut toujours maintenu sous le contrôle et l impulsion immédiate de l'élément politique, émanation directe des Gouvernements, qui demeurent solidairement responsables de la poursuite de leur entreprise internationale et qui peuvent seuls en assurer le succès sur le plan politique où elle trouve sa justification supérieure. (À cet effet, la présidence des Comités techniques pourrait être confiée, dans chaque cas particulier, à un homme d État européen choisi, soit dans le sein, soit en dehors du Comité politique européen.) 193 C. Nécessité d un service de secrétariat, aussi réduit fût-il à l'origine, pour assurer administrativement l exécution des instructions du président de la Conférence ou du Comité européen, les communications entre Gouvernements signataires du Pacte européen, les convocations de la Conférence ou du Comité, la préparation de leurs discussions, l enregistrement et la notification de leurs résolutions, etc. OBSERVATIONS Au début, le service de secrétariat pourrait être confié au Gouvernement chargé, par roulement, de la présidence du Comité européen Le jour où la nécessité serait reconnue d'un Secrétariat permanent, le siège de ce Secrétariat devrait être le même que celui des réunions de la Conférence et du Comité, c est-à-dire Genève L organisation du service de secrétariat devrait toujours être examinée en tenant compte des possibilités d utilisation, au moins partielle et temporaire, de services particuliers du secrétariat de la SdN.

216 214 III. NÉCESSITÉ D ARRÊTER D AVANCE LES DIRECTIVES ESSENTIELLES QUI DEVRONT DÉTERMINER LES CONCEPTIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ EUROPÉEN ET LE GUIDER DANS SON TRAVAIL D ÉTUDE POUR L ÉLABORATION DU PROGRAMME D'ORGANISATION EUROPÉENNE 197 (Ce troisième point pouvant être réservé à l'appréciation de la prochaine réunion européenne.) 198 A. Subordination générale du problème économique au problème politique. Toute possibilité de progrès dans la voie de l union économique étant rigoureusement déterminée par la question de sécurité et cette question elle-même étant intimement liée à celle du progrès réalisable dans la voie de l union politique, c est sur le plan politique que devrait être porté tout d'abord l'effort constructeur tendant à donner à l Europe sa structure organique. C est sur ce plan encore que devrait ensuite s élaborer, dans ses grandes lignes, la politique économique de l Europe, aussi bien que la politique douanière de chaque État européen en particulier. Un ordre inverse ne serait pas seulement vain, il apparaîtrait aux nations les plus faibles comme susceptible de les exposer, sans garanties ni compensation, aux risques de domination politique pouvant résulter d une domination industrielle des États les plus fortement organisés. 199 Il est donc logique et normal que les sacrifices économiques à faire à la collectivité ne puissent trouver leur justification que dans le développement d une situation politique autorisant la confiance entre peuples et la pacification réelle des esprits. Et même après la réalisation d une telle condition de fait, assurée par l'établissement d un régime de constante et d étroite association de paix entre peuples d Europe, encore faudrait-il l intervention, sur le plan politique, d un sentiment supérieur des nécessités internationales pour imposer aux membres de la communauté européenne, en faveur de la collectivité, la conception sincère et la poursuite effective d une politique douanière vraiment libérale. 200 B. Conception de la coopération politique européenne comme devant tendre à cette fin essentielle : une fédération fondée sur l idée d union et non d unité, c est-à-dire assez souple pour respecter l indépendance et la souveraineté nationale de chacun des États, tout en leur assurant à tous le bénéfice de la solidarité collective pour le règlement des questions politiques intéressant le sort de la communauté européenne ou celui d un de ses membres. 201 (Une telle conception pourrait impliquer, comme conséquence, le développement général pour l Europe du système d arbitrage et de sécurité, et l extension progressive à toute la communauté européenne de la politique de garanties internationales inaugurée à Locarno, jusqu'à intégration des accords ou séries d'accords particuliers dans un système plus général.) 202 C. Conception de l organisation économique de l Europe comme devant tendre à cette fin essentielle : un rapprochement des économies européennes réalisé sous la responsabilité politique des Gouvernements solidaires. 203 À cet effet, les Gouvernements pourraient fixer eux-mêmes, définitivement, dans un acte d ordre général et de principe qui constituerait un simple pacte de solidarité économique, le but qu ils entendent assigner comme fin idéale à leur politique douanière (établissement d un marché commun pour l élévation au maximum du niveau de bien-

217 215 être humain sur l ensemble des territoires de la communauté européenne). À la faveur d une telle orientation générale pourrait s engager pratiquement la poursuite immédiate d une organisation rationnelle de la production et des échanges européens, par voie de libération progressive et de simplification méthodique de la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, sous la seule réserve des besoins de la défense nationale dans chaque État. 204 Le principe même de cette politique douanière une fois consacré, et définitivement consacré, sur le plan de la politique générale des Gouvernements, l étude des modalités et voies de réalisation pourrait être renvoyée tout entière à l examen technique d un Comité d experts, dans les conditions prévues au titre II, B, observation 4. IV. OPPORTUNITÉ DE RÉSERVER, SOIT À LA PROCHAINE CONFÉRENCE EUROPÉENNE, SOIT AU FUTUR COMITÉ EUROPÉEN, L ÉTUDE DE TOUTES QUESTIONS D APPLICATION, 205 dont les suivantes : 206 A. Détermination du champ de coopération européenne, notamment dans les domaines suivants : Économie générale, Réalisation effective, en Europe, du programme établi par la dernière Conférence économique de la SdN ; contrôle de la politique des unions et cartels industriels entre différents pays ; examen et préparation de toutes possibilités futures en matière d abaissement progressif des tarifs, etc. Outillage économique, Réalisation d une coordination entre les grands travaux publics exécutés par les États européens (routes à grand trafic automobile, canaux, etc.). Communications et transit, Par voie de terre, d eau et d air : réglementation et amélioration de la circulation intereuropéenne, coordination des travaux des commissions fluviales européennes ; ententes entre chemins de fer ; régime européen des postes, télégraphes et téléphones ; statut de la radiodiffusion, etc. Finances. Encouragement du crédit destiné à la mise en valeur des régions d Europe économiquement moins développées ; marché européen ; questions monétaires, etc. Travail. Solution de certaines questions de travail particuliers à l Europe, telles que le travail dans la batellerie fluviale et dans les verreries ; ayant un caractère continental ou régional, telles que la réglementation des conséquences sociales de l émigration intereuropéenne (application d un pays à un autre des lois sur les accidents du travail, les assurances sociales, les retraites ouvrières, etc.). Hygiène. Généralisation de certaines méthodes d hygiène expérimentées par l Organisation d hygiène de la SdN (notamment, régénération des régions agricoles ; application de l assurance maladie ; écoles nationales d hygiène ; épidémiologie européenne ; échanges de renseignements et de fonctionnaires entre services nationaux d hygiène ; coopération scientifique et administrative dans la lutte contre les grands fléaux sociaux, contre les maladies professionnelles et la mortalité infantile, etc.). Coopération intellectuelle. Coopération par les universités et académies ; relations littéraires et artistiques ; concentration des

218 216 recherches scientifiques ; amélioration du régime de la presse dans les relations entre agences et dans le transport des journaux, etc. Rapports interparlementaires. Utilisation de l organisation et des travaux de l Union interparlementaire, pour le développement des contacts et échanges de vues entre milieux parlementaires des différents pays d Europe (afin de préparer le terrain politique aux réalisations de l Union européenne qui nécessiteraient des approbations parlementaires et, d une façon générale, d améliorer l atmosphère internationale en Europe par la compréhension réciproque des intérêts et sentiments des peuples). Administration. Formation de sections européennes dans certains bureaux internationaux mondiaux. 207 B. Détermination des méthodes de coopération européenne dans les questions que retiendraient la Conférence européenne ou le Comité européen. 208 Il pourrait être opportun, suivant les cas : soit de créer des organismes de coordination et d étude là où ils n existent pas (par exemple pour l outillage européen ou pour les diverses Commissions fluviales européennes) ; soit de seconder les efforts de la SdN dans les questions qui font déjà l objet de ses études méthodiques (en préparant, notamment, par des échanges de vues et des négociations amiables, l entrée en vigueur, dans les relations des États d Europe, des conventions établies ou des recommandations formulées par la SdN) ; soit enfin de provoquer les conférences, européennes ou générales, de la SdN dans les questions susceptibles d être traitées par elle, mais qui ne l ont pas encore été. (À toute conférence européenne les États extra-européens seraient invités à se faire représenter par des observateurs, et toute convention qui serait établie par une conférence convoquée à la demande des États d Europe, pour autant qu elle ne serait pas strictement continentale par son objet, demeurerait ouverte à l adhésion des États extra-européens.) 209 C. Détermination de tous modes de collaboration entre l Union européenne et les pays situés en dehors de cette union. 210 En sollicitant, sur les quatre points ci-dessus indiqués, l avis des vingt-six Gouvernements européens dont il a reçu mandat d enquête, le Gouvernement de la République tient à formuler cette observation générale, qu il a cru devoir s attacher, pour des raisons purement pratiques, à une conception aussi élémentaire que possible de sa consultation : non qu il entende limiter, dans ses vœux, les possibilités de développement futur d une organisation fédérale de l Europe, mais parce que, dans l état actuel du monde européen et pour accroître les chances d assentiment unanime à une première proposition concrète, susceptible de concilier tous intérêts et toutes situations particulières en cause, il importe essentiellement de s en tenir aux données initiales de quelques vues très simples. Aussi bien est-il de bonne méthode de procéder du plus simple au plus complexe, en s'en remettant au temps du soin d assurer, avec la vie, par une évolution constante et par une sorte de création continue, le plein épanouissement des ressources naturelles que l Union européenne pourrait porter en elle-même. 211 C est une telle conception qui guidait déjà le Représentant de la France, quand, devant la première réunion européenne convoquée à Genève, il se bornait à suggérer, à titre

219 217 immédiat, la recherche d un simple lien fédéral à instituer entre Gouvernements européens membres de la SdN pour assurer pratiquement leur coopération. Il ne s'agit point, en effet, d édifier de toutes pièces une construction idéale répondant abstraitement à tous les besoins logiques d une vaste ébauche de mécanisme fédéral européen, mais, en se gardant au contraire de toute anticipation de l esprit, de s attacher pratiquement à la réalisation effective d un premier mode de contact et de solidarité constante entre Gouvernements européens, pour le règlement en commun de tous problèmes intéressant l organisation de la paix européenne et aménagement rationnel des forces vitales de l Europe. 212 Le Gouvernement de la République attacherait du prix à recevoir avant le 15 juillet la réponse des Gouvernements consultés, avec toutes observations ou suggestions spontanées dont ils croiraient devoir accompagner leur communication. Il exprime le ferme espoir que ces réponses, inspirées du large souci de faire droit à l attente des peuples et aux aspirations de la conscience européenne, fourniront les éléments d'entente et de conciliation permettant d instituer, avec un premier embryon d organisation fédérale, le cadre durable de cette coopération européenne dont le programme pourra être arrêté à la prochaine réunion de Genève. 213 L'heure n a jamais été plus propice ni plus pressante pour l inauguration d une œuvre constructive en Europe. Le règlement des principaux problèmes, matériels et moraux, consécutifs à la dernière guerre aura bientôt libéré l Europe nouvelle de ce qui grevait le plus lourdement sa psychologie, autant que son économie. Elle apparaît dès maintenant disponible pour un effort positif et qui réponde à un ordre nouveau. Heure décisive, où l Europe attentive peut disposer elle-même de son propre destin. 214 S unir pour vivre et prospérer : telle est la stricte nécessité devant laquelle se trouvent désormais les Nations d Europe. Il semble que le sentiment des peuples se soit déjà clairement manifesté à ce sujet. Aux Gouvernements d'assumer aujourd hui leurs responsabilités, sous peine d abandonner au risque d initiatives particulières et d entreprises désordonnées le groupement des forces matérielles et morales dont il leur appartient de garder la maîtrise collective, au bénéfice de la communauté européenne autant que de l humanité.

220 218 Index A Aghnidès Thanassis 81, 230 Åland 163 Albanie 95, 166, 187, 233 Appell Paul 47 Asquith Herbert 43, 79 Assemblée 12,17-19, 24, 28, 35, 41, 44, 54, 61, 66-73, 75, 77-78, 80, 82, 85-86, 89, 91-95, 97-98,104,106, , , 115, , , 134,141,146, ,161,167,171,176, , , , , 200, 202, 209, , , , , 234, Association française pour la Société des Nations (AFSDN) 46,124 Association internationale des travailleurs 35 Autriche 37, 44, 62-63, 66, 84,100, ,185, , 233 Avenol Joseph 56, 81-91,102,119,178, , 220, B Benes Édouard 120,154,186 Benoît XV 37 Bentham Jeremy 22, 24,196 Bergues hôtel des 109, , , 159 Bibliothèque 93, 104, 113, 182, 194 Bourgeois Léon 45-47, 49, 52-53, 137,152 Bluntschli Johann Caspar 28 Briand Aristide 46, 63, 66, 69, 71,116, 118, 127, ,165,167, 239 Bruce Stanley 56, 85-86, 191, 199, , , 230

221 219 Bureau international du travail (BIT) 77, 85, 94-95, 121, 123, 131 Bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété intellectuelle (BIRPI) 34 Burkhardt Carl 175,188 Butler Harold 85, 221 C Cecil Lord Robert 42-45, 47, 49-53, 79,103,124,153, 211 Céline Louis Ferdinand 12, 96, 102,122 Chaco 88, 162, Chamberlain Austen 71, 124, Chamberlain Neville 186 Clemenceau Georges 38, 46, 52, 63, 123,139 Cobden Richard 28 Cohen Albert 12, 114, 121, 146, 252 Colban Erik 144 Comenius 20, 24 Comert Pierre 102,194 Commission centrale du Rhin 31 Comité international de la Croix-Rouge (CICR) 34-35, 209 Concert européen 25-26, 44, 70 Conférence de la paix de Paris 38-39, 42, 46, 49-50, 52, 57, 71, 78, 79, 94, 103, 108, 123, 132, 137, 140, 142, 152, 165, 183, 194 Conférence économique de Genève 202 Conseil 44, 48, 51, 53-55, 62, 65, 67-73, 75-78, 85-86, 88, 90, 92-93, 98, 108,112,114, , , 139,141, , ,152, , , , , ,191,194, , 206, , 212, 214, 219, , , 234 Corfou 163, Coudenhove-Kalergi Richard 87,158 Cour permanente d arbitrage (CPA) 26, 29-31,134 Cour permanente de justice internationale (CPJI) 44, 51, 54, 94, , 144, 188, 196, 240 Cremer William Rendal 28 Crowdy Rachel 104 Crucé Émeric 19-21, 24 Curie Marie 130, 214 D Dante 18, 24 Dantzig 88, , 175, , 230

222 220 Désarmement 30, 44, 68, 80, 92-93, 104, 124, , 157, , 194, 215 Drummond Eric 53-54, 76, 78-81, 83, 85, 90-92, 96, 102, 104, 229 Du Bois Pierre 17-18, 24 Dunant Henry 34 E Érasme 18, 24 Estournelles de Constant Paul-Henri-Benjamin d 47 Erzberger Mathias 62 Espagne 18, 70, 72, , , 209, 229, 233 États-Unis 20, 24, 28, 30, 37-39, 40, 42, 49-50, 51-52, 55, 63-66, 70, 86-87, 91,103,105,124,155,157,162,169,173, 179, , 220, , 238, 241 Éthiopie 19, 66, 80, 82, ,195, 212, 233 Europe 17-22, 24-29, 31, 34, 39-41, 66, 70, 83, 85-87,104,106,110,112,131, 137,142, ,165,172,179, 203, 206, 208, 211, 229 F Fédération française des associations pour la SdN 125 Finlande 62, 66, 82,163, Flegenheimer Julien 112,116 Franz Constantin 28 G Genève 12, 28-29, 34, 68-69, 71, 75, 87-89, 105, , , 134, 145, 153,155, 157,160,163,173,182,187, 194, 201, 202, , , , 219, , , 238, 240 Grèce 25, 50, 70, 72, 95, 100, 142, 154, , 204, 208, 211, 234 Grotius Hugo 19, 23 H Hambro Carl 82, 221 Hanotaux Gabriel 47, 52 Harding Warren G. 65 Haut Commissariat pour les réfugiés 89, 211, 235 Haute-Silésie 134,143,165 Herriot Édouard, , 128, 153, 154,161,173 House colonel Edward Mandell 39-42, 49-52, 64, 79,104,194

223 221 Hugo Victor 27 Hull Cordell 220 Hurst Cecil J I Institut international de coopération intellectuelle (IICI) , J Jarousse de Sillac Joseph Alban Maximilien 47, 52 K Kant Emmanuel Kollontaï Alexandra 129 L La Haye Conférences de 29-30, 45, 53 Lansing Robert 41 Larnaude Ferdinand 49, 52 Lavisse Ernest League of Nations Union 43,124 Le Corbusier Lester Sean 82, 88-91,175, , 234, Leticia 162, Ligue pour le triomphe de la paix (League to Enforce Peace) 38, 40,124 Lloyd George David 38, 43,165 Locarno 155,159,176 Lodge Henry Cabot Lorimer James 28 Loveday Alexander 89, 92, 229 M Mandats 44, 53, 55, 92,104,123, ,177, 210 Mandchourie 66, Mazzini Giuseppe 27 Mémorandum 118, Métropole

224 222 Miller David Hunter 49, 51 Monnet Jean 81, 84, 87, 91,102, 201 N Nansen Frijthof , 235 O Office international d hygiène publique (OIHP) 34, Organisation de coopération intellectuelle (OCI) 200, Organisation des communications et du transit (OCT) 92, , Organisation d hygiène (OH) 92, , , 236 Organisation internationale du travail (OIT) Orlando Vittorio Emanuele 49 P Pacte de la SdN 39, 42, 46, 49-51, 53'57, 61-68, 70-72, 76-78, 92, 95-96, 100,103, , 111, 133,145, , 160,164, ,181, , ,191, , 206, , 219, 222, 226, 228, 233, , 241 Pacte panaméricain 40 La Paix par le Droit 46,124 Paneurope 158 Passy Frédéric 28 Penn William 20-21, 24 Pétain maréchal Philippe 82-83, 229 Phillimore Lord Walter 44 Philippe le Bel 17 Podebrady Georges de 18, 24 Pologne 18, 50, 61, 72,134, , 156, , , , 206, Postel Guillaume 18-19, 24 Protocole de Genève Proudhon Pierre-Joseph 28 R Radio Nations 116, , 234 Rajchman Ludwik 94, 122, 186, 201, 207, 236 Rappard William 65, 69, 73, 109, 123, 146,194 Réquin Édouard

225 223 Ribot Alexandre 47, 84 Roosevelt Franklin Delano 170, 220, 228, 237 Rousseau Jean-Jacques 21-24,101 Ruyssen Théodore 46 S Saint Pierre abbé de Saint Simon comte de 27 Salter Sir Arthur 94, 201 Sarre 75, , 157, 174, 179 Schücking Walter 63 Secrétaire général 56, 70, 76-82, 84-86, 88-92, 94, 96, 98,100,102, ,119,121,185,187,195, 221, , , , 239 Secrétariat 12, 21, 26, 29, 44, 53-55, 57, 61, 69, 75-78, 82-83, 85, , 106, 110, , , , ,144,146,152,160,173,178, , , , 200, , , , Section économique et financière 53, 93,104 Section des minorités 93, 104, 144 Section d hygiène 93-94, 104, 122, 186,194, 207 Section d'information 93, 95,102, 104, , 227 Section politique 81, 91, 93-94,102, 104,123 Smuts Jan Christian 44, 49, 51, 53 Stresemann Gustav 63, 66, 71, ,172, 203 Sudètes 165, Suisse 28-29, 33, 61, 85-87, 89, 95,101, , 119, 129, 155, 187, 194, 225, 227, 234 Sully duc de 20, 24 Suttner Bertha von 29 Sweetser Arthur 102, 220 T Taft William Howard 40 Thomas Albert 77, 79, 85,133, 210, 211, 221 Togo 147 Transjordanie 148 U Union interparlementaire (UIP) Union postale universelle (UPU) 32-33

226 224 Union télégraphique internationale URSS 62, 66, 73, 82, 86 V Venizelos Eleftherios 50, 53, 70 Vichy 86-87,118,187, , 233, 238 Vilna W Wells Herbert George 122 Weiss Louise 46,127 Williams Nancy 104 Wilson Florence 104 Wilson Woodrow 38-42, 44, 50-53, 63-65, 68, 79, 89, 108, 124, 140, 145

227 225 Cahier d'illustrations Léon Bourgeois à la première réunion de la SdN, le 16 janvier [Agence Rol. Gallica.bnf.fr]

228 226 Intérieur de la salle de la Réformation, où se réunit l'assemblée, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] Le Conseil de la SdN, 5 mars [Agence Meurice]

229 227 Sir Eric Drummond, Secrétaire général de la SdN, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] Joseph Avenol, League of Nations Archives, 1933.

230 e session du conseil de la SdN, 1936 : MM. Avenol (à droite) et Vasconcellos (Portugal). [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] Sean Lester, United Nations Library, Geneva, League of Nations Archives.

231 229 Publicité Genève, L Illustration, n o 4243, 28 juin Le premier siège de la SdN, l'hôtel National, devenu le palais Wilson en [Carte postale]

232 230 Salle de la Réformation, Genève, De 1920 à 1929, la SdN y tint ses dix premières assemblées. L'hôtel Victoria, qui la jouxtait, abritait les bureaux de la SdN pendant les réunions. [Agence Meurisse] Projet Le Corbusier. Plan, vue aérienne dans Une maison. Un palais, Éditions Crès, 1928, p. 165.

233 231 Projet Le Corbusier. La vue du lac dans Une maison. Un palais, Éditions Crès, 1928, p Le palais des Nations, Éditions Jaeger, Genève. [Carte postale]

234 232 Les chantiers du nouveau palais par Derso et Kelen, dans Au banquet des Nations, 1937, p. 37. Plafond de la salle du Conseil, La leçon de Salamanque, José Maria Sert.

235 233 Délégation française auprès de l'assemblée de la SdN, L'Illustration, n o septembre 1924, p La délégation française, au premier rang : Herriot, Bourgeois, Briand, Paul-Boncour, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr]

236 234 Hôtel des Bergues, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] Menu d'un dîner du Conseil à l'hôtel Métropole, le 9 mars Dans Hôtel métropole Genève, Genève, réalisé par Roto SADAQ, SD, SP. 1. M. Benes (Tchécoslovaquie) ; 2. M. Zaleski (Pologne) ; 3. M. Titulescu (Roumanie) ; 4. M. Villegas (Chili) ; 5. M. Urrutia (Chili) ; 6. M. Scialoja (Italie) ; 7. M. Briand (France) ; 8. M. Stresemann (Allemagne) ; 9. Sir Eric Drummond (SG de la SdN) ; 10. Sir Austen Chamberlain (Grande-Bretagne) ; 11. Vicomte Tshi (Japon) ; 12. M. Vandervelde (Belgique) ; 13. M. Chao Hsin Chu (Chine) ; 14. M. Van Doude (Pays-Bas) ; 15. M. Guerrero (Salvador).

237 235 Carte postale éditée par la brasserie Bavaria de Genève, 1928 (?). [Dessin de Derso] Lucien Aigner et Aral (L. Aczél), Après l'effort, le réconfort... dans Nous désarmons. Vision de la conférence pour la réduction et la limitation des armements, Genève, Éditions de «L'art en Suisse», planche 34.

238 236 MM. Briand, Loucheur et Paul-Boncour en promenade en canot sur le lac, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] Le Bureau international du travail, siège de l'oit. [Carte postale, O. Sartori, Genève]

239 237 M. Édouard Herriot à l'assemblée de la SdN, le 5 septembre 1924, L'Illustration, n o 4254, 13 septembre Aristide Briand, délégué permanent de la France, devant l'assemblée de la SdN, L'Illustration, n o 4645,12 mars 1932.

240 238 Stresemann, Briand, Chamberlain, Stresemann, Von Schubert, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] «La terre promise» par Derso et Kelen, dans Au banquet des Nations, 1937.

241 239 «L'oie de Silésie ou le jugement de Genève» par Bernard Partridge. Journal satirique britannique Punch, or the London Charivari, 19 octobre Société des Nations : «Là maintenant, je vous ai donné chacun une part équitable.» Allemagne et Pologne (ensemble, avec amertume) : «Il a toute sa farce!» La délégation française à la Conférence du désarmement, Genève, Première de couverture de L'Illustration, n o 4641, 13 février [Photo Aral (L. Aczél)]

242 240 «Les heures angoissantes de Genève», L'Illustration, n o 4833, 19 octobre Commission de coopération intellectuelle de la SdN en séance plénière, à Genève, le 25 juillet L'Illustration, n o 4249, 9 août 1924, p Einstein est le 3 e à l'extrême gauche, tandis que Henri Bergson se tient, au milieu, devant la cheminée.

243 Stanley Bruce, 1933, [Agence Meurisse. Gallica.bnf.fr] 241

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