Cousance et les Cousançois, hier et avant-hier. Marc Fassy Association Itinéraires et Découvertes

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1 Cousance et les Cousançois, hier et avant-hier Marc Fassy Association Itinéraires et Découvertes juin 2016

2 Cousance et les Cousançois p.2

3 à Jeanne

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5 hier et avant hier p.5 Avertissement Le texte qui suit résume et simplifie un document plus complet consultable aux Archives départementales du Jura sous le même titre. Aux Archives départementales du Jura, les documents se rapportant exclusivement à ce bourg ont fait l'objet d'une lecture exhaustive et ont seuls constitué les sources de ce document ; ce choix a pour conséquence de limiter la portée des typologies thématiques et, dès lors, les cas rencontrés et analysés ne sauraient fonder de tableaux complets. Ainsi, par exemple, les actes notariés concernant les seuls Cousançois - mariages, prêts d'argent, inventaires après décès, contrats de vente, de fermage sous différentes formes - ne reflètent pas nécessairement la réalité dans toute sa complexité. De la sorte, des aspects entiers de l'histoire des Cousançois, qui auraient peut-être pu s'inspirer de la littérature historique de la France-Comté, n'ont tout simplement pas été abordés : l'objectif n'était pas d'apporter une nouvelle somme à partir d'un village ; il en existe assez d'excellentes pour ne pas en ajouter une de moindre qualité. Par ailleurs, sauf précision expresse, les noms propres, notamment de lieu, respectent l'orthographe utilisée à l'époque du document qui s'y réfère dès lors qu'aucune équivoque ne peut naître ; cette orthographe a d'ailleurs grandement varié au cours des âges et, notamment pour les lieux-dits, la «modernisation» a pu, malgré les aléas orthographiques d'antan et une latinisation souvent douteuse, suggérer une origine erronée ou égarer le public ; en outre, il n'était pas rare que le nom d'un même individu ou d'un même endroit reçoivent plusieurs orthographes dans le même document.

6 Cousance et les Cousançois Cousance depuis les Nuzerettes p.6

7 hier et avant hier p.7 Introduction Cousance, bourg du Jura d un bon millier d habitants, se situe à la rencontre de la plaine de Bresse et du massif du Jura, à une vingtaine de kilomètres au sud de Lons-le-Saunier et une quarantaine au nord de Bourg-en-Bresse. Il se développe donc à la limite des premiers contreforts du Revermont, là où le massif du Jura rejoint la plaine de Bresse, de part et d'autre de la route départementale ancienne route royale, impériale puis nationale 83 - et principalement le long de cette voie ; cette partie la plus haute du territoire communal, traversé par la rivière Gizia, est aussi la plus ancienne ; aujourd'hui des lotissements récents prennent place plus à l'ouest, dans le secteur bas. Venant de Lons-le-Saunier, en allant vers le sud, avant d'entrer dans l'agglomération, l'horizon s'ouvre à droite de l'ancienne route royale sur la plaine bressanne qui s'aborde en pente assez douce par la gare et le cimetière, jusqu'à la Saône-et-Loire à l'ouest et au sud-ouest. Par temps dégagé, la silhouette du Massif Central s'offre à la vue. La route qui se poursuit entre les premières maisons du village connaît une légère déclivité jusqu'à la place du marché ; de là, l'église se situe en hauteur vers l'est alors que, vers l'ouest, le bâti se poursuit le long d'une pente assez vive et brève vers la plaine de Bresse ; en poursuivant vers le sud, la route descend d'abord assez brutalement jusqu'au lit de la Gizia, qui coule d'est en ouest, débouchant de la reculée de Gizia un peu après la butte de l'église, puis remonte jusqu'à l'entrée sud du village. Côté «matin», suivant l'expression des documents anciens, Cousance est donc bordée, du nord au sud, par un flanc de côteau assez pentu orienté vers le «soir», actuellement boisé, jusqu'à la Gizia, puis, au delà, par une nouvelle pente, peut-être un peu moins vive et moins arborée. Le moderne contournement routier occupe un replat entre le bas de la pente, franchit la Gizia par un long viaduc avant de rejoindre le terrain naturel plus au sud. Cousance se répartit entre le «bourg-centre» et plusieurs hameaux et écarts ; les premiers, Fléria, le Boisdel et Rongeon se situent à la périphérie du territoire communal ; les frontières entre Cousance et les communes voisines, le Miroir, Cuisia et Digna les traversent ; les seconds, plus dispersés ne comptent que quelques foyers quand ce n'est un seul seulement. Avant la Révolution, Cousance faisait partie de la baronnie franc-comtoise de Chevreaux, baronnie composée de plusieurs villages alors réunis en cinq paroisses : Digna, Châtel, Cousance, Cuisia et Maynal, paroisses dont dépendaient plusieurs communautés : de Digna : Chevraux ; de Châtel : le Grand Gizia, le Petit Gizia, les Bretennaux, le Chânelet ; de Cousance : Fléria, le Villars, les Bois-Devant, les Bois-Gambards ; de Cuisia : Lanésia, les Bois-Gugnots, Crottenot, Beffoux ; de Maynal : Augea, Changea, les Bois-Laurent ; du hameau de Graveleuse dépendant de Châtel ou de Digna ; mais un prêtre a longtemps desservi sa chapelle de l'ordre de Malte encore visible aujourd'hui. Située au contact immédiat de la plaine et de voies de communication nord-sud d'une part et d'accès vers les premières hauteurs du Jura d'autre part, Cousance a acquis un rôle économique et politique non négligeable dans la baronnie. Puis, après la Révolution, en 1790, le bourg a été érigé en chef lieu de canton, jusqu'à la suppression du canton de Vincelles en 1819 et la redistribution des communes qui en dépendaient ; la commune de Beaufort, dans une position géographique devenue plus centrale lui a alors été préférée pour cette fonction. Dans les années 1775, pour la Princesse Stéphanie Louise de Bourbon Conti, «Cousance est un

8 Cousance et les Cousançois p.8 joli village entre Lyon, Besançon et Dijon, situé sur le penchant d une colline ; la grande route qui le traverse le partage en deux parties. Toutes les maisons du côté de l Orient sont bâties sur le roc, et de l Occident sur le sable à peu de distance des bois et de deux ruisseaux qui donnent de belles truites... Je trouvais de bonnes gens à Cousance ; on m y fit accueil». Aujourd'hui, la partie la plus ancienne de l'agglomération conserve les traces de son passé de village-rue marqué par une importante activité commerciale et artisanale ; une architecture très fonctionnelle y domine. Parallèlement à l'amoindrissement de ce rôle de bourg-centre, une nouvelle forme d'habitat se développe principalement sous la forme de lotissements successifs offrant à la population la possibilité de construire sur des terrains conséquents des maisons individuelles selon des goûts modernes. Seule la place de la Fontaine Ronde - ancienne place du Tilleul - pourrait vraisemblablement offrir un témoignage de la structure la plus ancienne du village si la fontaine n'en avait pas été supprimée pour dégager des emplacements de stationnement pour les voitures. L'église du XIIIè siècle, plusieurs fois remaniée, n'appelle pas de commentaires enthousiastes de la part des spécialistes, même si certains restent nuancés et se plaisent à souligner l'intérêt du contraste entre la nef d'inspiration romane et le chœur au voûtement gothique. Le château, «de ville» construit entre 1744 et 1749 par la Marquise d'antigny, héritière des barons de Chevreaux, transmis à de nouveaux propriétaires et toujours occupé, mal situé par rapport au village où il ne joue aucun rôle structurant, quant à lui et par ce fait, ne contribue guère à l'enrichissement du patrimoine cousançois. L'ancien moulin - le moulin d'en-haut - situé pratiquement en face de lui, imposante bâtisse édifiée à partir de 1743 et agrandie jusqu'au XIXè siècle, beau témoignage de l'architecture «industrielle» du passé, reste malheureusement sans utilisation. Ainsi, malgré la qualité du site, Cousance n'offre pas au regard du passant ce qu'une vue lointaine laisserait présager. Quant aux Cousançois, pas plus que Cousance, ils n'ont marqué l'histoire ni de grands hommes n'ont émergé de la population ; les personnages cités dans le dictionnaire des communes du Jura, militaires impériaux ou magistrats, n'ont pas marqué la mémoire collective du village et ne font guère l'objet de citations dans la littérature historique, exception faite, peut-être, de François Landoire, pâtre à l'abbaye de Gigny puis de Cluny, devenu garde porte-feuille de Napoléon durant toute la durée de l'empire. Dans les générations ultérieures, il convient d'ajouter aux «grands noms» celui de Louis Lautrey qui, en dehors de quelques érudits qui s'intéressent à l'histoire locale, peut être évoqué ici ou là parce qu'un de ses descendants occupe encore la maison familiale. Cependant, après une courte carrière militaire, ce saint-cyrien s'est consacré à la littérature sous le pseudonyme de François Dejoux, avant de trouver la mort le 31 mars 1915 au Bois-le-Prêtre, dans le grade de capitaine. Bien que, parmi ses œuvres, sa traduction, en 1909, du voyage en Italie de Montaigne ait été couronné par l'académie française, il est surtout connu des historiens locaux pour ses travaux sur le capitaine Lacuson et surtout sur la baronnie de Chevreaux. Derrière eux se dévoile l'intérêt d'approcher la vie quotidienne de tous ceux qui y ont vécu et peiné, de deviner leurs espoirs et leurs désespoirs, de comprendre comment et pourquoi, plus que Voltaire et Rousseau ou au moins autant, ces paysans et artisans assez souvent illettrés ont fait la Révolution et ont cru et porté dans la pratique les idées de philosophes qu'ils ne connaissaient pas.

9 hier et avant hier p.9 Partie I : Des origines à la baronnie I.- Le site de Cousance 1.- Les origines A.- Un site très ancien La diffusion de l agriculture depuis le Moyen-Orient renvoie, pour un début de sédentarisation de type agro-pastoral, au néolithique moyen, soit aux environs de Plus particulièrement dans le secteur du Jura Sud et de la Bourgogne, des hommes suivent l axe Rhône-Saône en provenance du sud de la France et se fixent sur des buttes témoin, sur les rebords rocheux des plateaux calcaires découpés par l érosion : le type d habitat le plus commun y est une hauteur ou un éperon barré par un petit mur de pierrailles non appareillé, sans fossé. Pour Cousance, village éponyme de sa rivière avant qu'elle ne devienne la Sale puis enfin la Gizia, la toponymie tend à confirmer cette approche : l origine pré-celtique du nom, formé sur la racine «cosa» connue dans le Massif Central, le Morvan, le Jura et l Argonne et attachée à un contexte hydraulique, évoque une époque très lointaine, antérieure même à l'arrivée de nos ancêtres les Gaulois. Toutefois, faute de traces matérielles, la localisation précise d un établissement probable reste du domaine de la conjecture. Le nom d'un lieu-dit voisin de l actuel Source de la Gizia centre du bourg confirme l'ancienneté de l'occupation du lieu : «en Cras» ou «les Cras», suivant les transcriptions variables selon les époques, peut également trouver ses racines dans la base pré-celtique «kar» ou ses variantes, désignant d abord des rochers, des pierres, puis, par extension, des habitations voire des villages. Par la suite, la présence romaine puis gallo-romaine se retrouve dans le hameau actuels de Fléria ; celui-ci occupe, selon les règles d'urbanisation préconisées lors de la colonisation romaine, une légère éminence par rapport à la plaine environnante, associant la possibilité de surveiller les alentours et la proximité de l eau la Gizia de l autre côté de la route d aujourd hui- nécessaire à l alimentation des hommes et des bêtes comme à la qualité des pâtures, sans préjudice de la qualité des terres de cette «contrée de Lune» reconnue encore au XVIIIè siècle de ce point de vue. B.- Des attestations plus récentes Malgré l'importance qu'a pu avoir le site de Fléria, y compris l'établissement gallo-romain proche du Villard, le site primitif de Cousance a conservé assez de poids pour transmettre son nom aux générations ultérieures, gauloises, gallo-romaines, burgondes..., avant de supplanter les autres hameaux.

10 Cousance et les Cousançois p.10 Les premiers témoignages certains émanent des chartes de l abbaye du Miroir voisine dont l'une, datée de 1158, est notamment signée par un «Tetardus de Cosantia» ; d'autres un peu plus tardives citent, l'une un «Galterius de Cosanci», et une autre un «Guido Cosantie». En 1172, Thibert de Montmoret donne à l'abbaye de Grandvaux un terrain situé à Cousance pour la construction d'un moulin (la graphie «Cos, comme de nombreux mot commençant par une syllabe contenant un «o», se transformera plus tard en «Cous...»). Quant à la part prise par Cousance dans le paysage de l'époque, elle ressort de plusieurs documents contemporains ou à peine postérieurs comme, par exemple, une charte signée à Chevreaux en 1247 mais établie, après arbitrage, à Cousance ; le plus significatif, cependant, remonte à 1235 et atteste l'existence d'une paroisse Saint-Julien à Cousance grâce à la signature de son desservant : «Willelmus», ce qui suppose une population non négligeable. Puis apparaît la confirmation du fonctionnement de moulins : le moulin Pachoz et le moulin Caboz, le premier ayant été construit par Pierre Pachoz, meunier, dans une ancienne «foule» ou moulin à foulon, avant le 19 août 1473 ; en 1547, le fonctionnement du moulin édifié sur le terrain donné par Thibert de Montmoret en 1172 est avéré. 2.- Une zone de contact historique Zone de contact ancienne, certes, mettant à profit le paysage immédiat et ses ressources, Cousance l'a été ultérieurement encore, tirant alors avantage de sa situation de point de rencontre dans des contextes historiques, économiques et sociaux changeants et une aire géographique d'influence plus large. A.- Une marge linguistique En premier lieu, Cousance se situe dans une zone de rencontre entre la langue d'oil et le franco-provençal, là où les dialectes ont fortement interagi du fait de la rencontre de deux mondes différents, aux mœurs différentes en raison, certes, des poids relatifs de la présence romaine mais aussi du substratum préexistant. La différence des patois d origine francoprovençale et les similitudes entre divers parlers de part et d autre de la «frontière» entre franco-provençal et langue d oil démontrent, s il en était besoin, le caractère très formel de la limite et, à l inverse, la forte osmose entre les deux zones. B.- L'époque de la Franche-Comté «espagnole» Plus tard, le mariage de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, avec Maximilien d Autriche a fait tomber la Franche-Comté - et donc Cousance - dans l escarcelle des Habsbourg, empereurs du Saint-Empire romain-germanique ; le petit-fils de Maximilien sera le premier d une lignée de rois d Espagne : Charles Quint. Avant le rattachement du comté à la France, en 1678, Cousance se trouvait aux marches de la Franche-Comté voisine du duché de Bourgogne, ce dernier partie intégrante du royaume de France ; de plus si la baronnie de Chevreaux dont Cousance faisait partie avait son siège et l essentiel de son territoire en Franche-Comté, elle s étendait aussi sur des villages et hameaux inclus dans le périmètre du duché de Bourgogne : Fleyria, Villars, Crottenoz, Befour, les Bois devant, les Bois Gambar et en Joux. Certains ressortissants de la baronnie n hésitaient d'ailleurs pas à tirer profit de ce partage en se présentant à l abbaye du Miroir, en territoire français et dépendant de Cluny, en particulier pour bénéficier des franchises que n avait pas encore octroyées le baron de Chevreaux à ses sujets. Rien ne permet, par ailleurs, d étayer l idée d une absence de contacts entre les voisins du comté et du duché ; au contraire, ils devaient se parer d un caractère de normalité : la frontière entre le duché et le comté traversait Fléria, sur un chemin partageant

11 hier et avant hier p.11 le hameau en deux selon une délimitation de Une zone sensible A.- Des difficultés administratives A côté de ces quelques rares avantages, une telle situation n allait pas sans entraîner des complications administratives : le baron de Chevreaux devait faire exercer sa justice dans les hameaux situés sur le territoire de la France mais dépendant de la baronnie par des officiers originaires de France ; même après l annexion de la Franche-Comté par Louis XIV, il convenait encore parfois de rassembler les représentants du duché et ceux du comté pour traiter une question juridique comme, par exemple, en 1790, l'établissement de l inventaire des biens du curé. Au demeurant, ces quelques tracasseries concernaient surtout les autorités et l exercice de leurs prérogatives. B.- Les conflits armés Plus dommageables étaient les invasions guerrières pour les populations des villages qui, comme Cousance, se situaient à proximité immédiate de la frontière. A deux reprises, Louis XI a tenté d agrandir son royaume de France et il a profité de la mort de Charles le Téméraire pour conserver Cuiseaux. Durant la période de dépendance directe de Charles Quint et de Philippe II, la Franche-Comté a connu une période de neutralité, malgré sa situation entre le territoire français et la Lorraine, et les appétits de François 1er pour Bourg-en-Bresse, le Bugey et la Savoie. Les différends entre princes et surtout les querelles religieuses ont entraîné de nombreux passages de troupes à travers la Franche-Comté, en route vers les Pays-Bas espagnols ou de retours de ces possessions hispaniques vers leurs bases. Si les dégâts de la soldatesque en transit n atteignent pas les dévastations des invasions hostiles, les Comtois n en ont pas moins souffert mille maux ; de très lourdes charges d approvisionnement et d hébergement ont longtemps pesé sur eux, puisqu il a fallu à bien des communautés recourir à l emprunt pour faire face aux dépenses résultant d obligations dont elles ne pouvaient se soustraire. Pour joindre le nord et le sud, toutefois, la voie des plateaux paraît privilégiée, pouvant ainsi laisser à l écart les bourgs et villages des piémonts ; mais les mercenaires suisses ne manquaient pas non plus de traverser la province pour aller servir le roi de France Plus tard, Henri IV s est aussi intéressé à la province et il a laissé un mauvais souvenir de son passage et de ses séides en 1595 avant de devenir, même en Franche-Comté, un personnage adulé. Malgré tout, la chevauchée du bon roi Henri ne paraît pas avoir entraîné de dommages substantiels et durables pour le territoire de Cousance. Si les Français ont anéanti les châteaux de Beaufort et de Chevreaux au cours de leur rapide passage en Franche-Comté, les troupes mal payées de l'armée de «libération» venues du Milanais à l'instigation de Philippe II de Habsbourg, roi d'espagne alors, en vivant sur la population, y ont causé pour le moins autant de dégâts sinon plus. Malgré tout, le début des vendanges de 1598 a été fixé pour la baronnie au début du mois d octobre, les 7 et 8 plus précisément, montrant que le vignoble cousançois n avait pas souffert outre mesure ou, au moins, dans sa totalité, pas plus que celui d Augea, de Maynal, de Digna, de Chevraux même, de Cuisia et de Gizia, du passage des troupes durant cet épisode guerrier. En outre, château à pu être réparé avant la visite suivante des Français. En revanche, la guerre de dix ans, épisode franc-comtois de la guerre de trente ans, a laissé plus de cicatrices. En particulier, le château de Chevreaux a disparu le 2 avril 1637 en même temps que Saint-

12 Cousance et les Cousançois p.12 Amour était prise ; l église de Cousance fut certainement endommagée pendant les guerres qui ravagèrent la Franche-Comté ; elle a notamment été livrée aux flammes pendant la guerre de 30 ans. Ainsi, au lendemain de ce conflit, le village de Cousance ne compte plus que 179 habitant. Le château a été détruit et le pressoir banal de Cousance a subi le même sort et n'a jamais été reconstruit ; quant à la vigne cousançoise, elle est réputée avoir été ravagée par la guerre de Dix Ans aussi complètement que par le phylloxéra au début du XX è siècle. Le château de Chevreaux

13 hier et avant hier p.13 II-. La baronnie La baronnie, avec son poids et son organisation, constitue le cadre dans lequel évoluent les Cousançois. Le château, ou ce qu'il en reste après les ruines de la guerre de 10 ans, symbolise le pouvoir seigneurial, mais un pouvoir qui s'éloigne : par le jeu des héritages et des mariages, le baron n'est plus physiquement présent, sans que cela n'empêche son attachement au maintien de la hiérarchie sociale ; si le défenseur féodal de jadis s'efface derrière l'homme de cour, il tient à ses privilèges et à ses revenus. Mais, que ce soit à l'occasion des reconnaissances périodiques des droits du seigneur, traduits dans les terriers, ou des rassemblement des membres de la communauté pour délibérer sur une demande du seigneur ou se répartir des charges, les Cousançois arrivent à manifester leur défiance, voire leur réprobation. Rien, cependant, ne permet de donner un sens historique ou politique à une telle brèche dans le pouvoir absolu. 1.- Les contours A.- Les limites territoriales et juridiques La baronnie de Chevreaux réunit plusieurs villages et hameaux situés pour une grande partie dans périmètre de la Franche-Compté mais aussi dans le duché de Bourgogne. La description du patrimoine seigneurial trouvée dans certains actes officiels précise les frontières en se référant à des lieux-dits, la possession du seigneur voisin, une terre appartenant au roi, voire le signe patibulaire situé à l'entrée de la baronnie, une maison désignée par ses occupants. Le territoire de chacune des communautés n'est pas autrement délimité : un bois, la cime d'une colline, un vignoble, un grand arbre ; même si, parfois, quelques bornes ont été plantées, cela n'empêche pas la survenue des litiges comme Cousance en a connu avec Digna, par exemple. Ainsi, en 1763, le sieur Humbert Janet, notaire royal à Cuiseaux, ayant acquis des biens dans le secteur de Fléria, s'est retrouvé couché dans les états fiscaux des deux communautés pour le même bien. Plutôt que de s'engager dans une coûteuse action judiciaire, les représentants des deux villages se sont accordés sur des limites respectives d'imposition et ont fait dresser une acte notarié pour entériner leur accord : cette fois, des bornes ont été plantées pour compléter les anciennes retrouvées, sans, cependant, écarter toute référence à un coude de chemin, à la limite du champ d'une personnes désignée, à un buisson servant de limite entre deux... Nonobstant de telles «précisions», une autre fois, en 1790, les gardes-messiers de Digna ont confisqué son troupeau à un Cousançois au prétexte qu'il aurait dépassé la limite des communes ; cette fois-ci aucune entente n'a pu se faire jour entre les communautés et le litige a été porté en justice. Aux limites dont la précision repose en partie sur des us et coutumes ou éléments éphémères, s'ajoutent des imbrications de droits à l'intérieur même de la baronnie : le seigneur de Chevreaux doit partager la dîme seigneuriale prélevée sur ses manants avec le chambrier de Gigny, le curé, le seigneur comte de Saint-Amour, les religieux de Gigny, madame de Chambéria, madame de Rosay et le sieur d'augea. Ainsi, certains manants peuvent même devoir se reconnaître dépendre de plusieurs autorités, comme les exploitants du moulin édifié sur les terres données à l'abbaye de Saint-Claude pour l'édification d'un moulin, à ce titre de l'abbé de Saint-Claude et, pour les terres qu'ils tiennent de lui à proximité, du baron de Chevreaux.

14 Cousance et les Cousançois p.14 B.- Des rivalités anciennes En plus des différends nés de la relative imprécision des limites territoriales, des rivalités de voisinage, avant même l apparition d entités politiques au sens moderne, dès l époque où la féodalité naissante construisait avec le peuple des rapports de protecteur à protégés, de dominant à dominés, opposaient parfois, pour des motifs très temporels, l abbaye du Miroir aux seigneurs voisins ; de tels conflits, surgissant également entre particuliers finissaient le plus souvent par un traité et versement d'espèces sonnantes et trébuchantes ou rentes, même si, parfois, les moines ne dédaignaient pas le recours au bâton. Déjà peu après la fondation de l abbaye, Guerric, le fils du donateur, Humbert de Coligny, en 1158, éleva une contestation sur une terre achetée par les moines. Malgré la bulle du pape Alexandre III de 1177 énumérant les biens de Messieurs du Miroir placés sous la protection du Saint Siège, les litiges se poursuivent et des traités se concluent : 1210, entre les moines et Ponce, seigneur de Cuiseaux, en 1235 avec des habitants du Villard, en 1236 avec le seigneur de Coligny, en 1270 à propos de droits sur les hommes, le ban des vendanges, des droits de pêche, la construction d'une écluse, le déplacement de moulins, en Ces rivalités atteignent aussi les hommes du commun, et, dès le XIIIè siècle, ceux de Cousance ne font pas exception. Sans que les chartes ne précisent les intentions des parties, il ne saurait être exclu que des hommes aient pu jouer de la proximité de ces pouvoirs antagonistes pour tenter d échapper au plus contraignant d entre eux, au détriment de sa puissance ; certains ont pris les devants en se déclarant, comme Gauthier de Cuisia, chevalier, en 1249, homme lige du Miroir en raison de biens qu il en tient sa vie durant ou encore comme les Ravinels du Villard de Morézia, en 1263 qui se reconnaissent purement et simplement eux-mêmes et leurs héritiers, hommes justiciables et exploitables de Messieurs du Miroir, à l expiration de la durée du manse à eux acensé par ces derniers. D'autres hommes du peuple, à l'inverse, subissaient les conséquences des rivalités dans la mesure où les traités d accord pouvaient les faire passer d une autorité à une autre, comme les Despras, en 1236, quand Amédée, seigneur de Coligny, et son frère Gauthier ont confirmé une donation faite à l abbaye, ou encore quand Guillaume, Humbert et André, frères, seigneurs de Saint-Amour, ont reconnu la donation de trois hommes de Fléria et leur meix en Ces litiges ont perduré, sans toutefois laisser de traces ou revêtir de tours violents, surtout dans les époques plus proches, n'excluant cependant pas les rivalités et la concurrence dont certaines se feront jour à l'occasion de la réalisation de projet dont chaque collectivité souhaitait tirer parti. 2.- La châtellenie Les seigneurs disposent de droits sur les manants ; pour les faire valoir et éviter toutes contestations ultérieures, ils ne manquent pas de faire renouveler périodiquement leur reconnaissance par les membres des communautés dépendantes : inversement, les assujettis défendent âprement les licences obtenues au fil des temps ; ils y voient aussi avantage à ce qu'elles posent des bornes aux exigences du seigneur et évitent la survenance de nouvelles demandes. En cas de besoin, chacune des parties va jusqu'au procès. A.- Les corvées et les redevances Les terriers, établis contradictoirement entre le représentant du seigneur et les communautés, comme ceux de 1659 et de 1690 pour Cousance, inscrivent en première place les reconnaissances

15 hier et avant hier p.15 que doivent les manants et habitants à leur seigneur, rappelant la puissance de ce dernier et la domination qu'il exerce sur eux depuis les temps les plus lointains de la féodalité : ils sont tenus de se «retraire» dans le château en cas de péril, d'y assurer des tours de garde et, périodiquement, de participer aux revues, chacun muni de ses armes de défense. Le seigneur, également, rappelle son pouvoir de justice, haute et basse en imposant aux Cousançois d'assister au prononcé des jugements sur la place du marché et de prêter main-forte à la poursuite des contrevenants. Pour le reste, les autres corvées qui pèsent sur les Cousançois et les Cousançoises revêtent un intérêt financier certains pour le seigneur : pour le pré appartenant au seigneur vers Morésia, il revient à «tous ceux et à toutes celles des manants et habitants» qui ne tiennent aucune bête ou bête à charrue de sécher et faner à fourche ou râteau les premiers fruits ; les détenteurs de bêtes ou bêtes à charrue assurent le charroi au château ; pour ces derniers, ils étaient nourris à raison de deux hommes par équipage. Le seigneur bénéficie également d'un droit de charrue qui se concrétise par une corvée au temps «des saisons de carême» et deux en «temps d'automne» ; y sont astreints ceux qui possèdent une charrue entière dans leur maison, une demie, un tiers ou un quart. Quant aux redevances diverses, dont profite le seigneur tant en sa qualité de puissance féodale que de bailleur de terre, dans un système complexe qui peut en outre différer selon la nature des cultures, elles se multiplient à l'envie. Parmi toutes les autorités de l'ancien régime, du roi au curé en passant par le seigneur, la fiscalité pèse en effet très lourd sur les manants et rien n'y échappe. La dîme seigneuriale, partagée comme indiqué ci-dessus avec d'autre bénéficiaires, se prélève sur «tous grains et vins» : bleds d'hivers à raison de douze gerbes une gerbe, bleds de carême seize gerbes une gerbe et vins seize pintes une pinte ; cette pinte est prise et ramassée dans la cave de chacun des sujets. Plus particulièrement pour la vigne, une fois répartis les fruits, sur la part lui revenant, plusieurs charges pèsent encore sur le vigneron venant s'ajouter à la taille et autres redevances ; tout d'abord, et cette obligation se retrouve dans les terriers, il doit «le panier de Madame» comptant six grappes de raisins. Ensuite, il y a la dîme de Dieu sur le vin à raison d'une pinte pour seize pintes produites et les cens ordinairement dus au seigneur, également en vin. Puis, des pères mendiants des couvents alentour viennent quémander, eux aussi, du vin. D'autres contributions exceptionnelles, prélevées par ménage et feu selon les facultés de chacun, ponctionnent encore la bourse des Cousançois : lors d'un voyage à l'étranger du seigneur, en particulier en Terre Sainte, d'un emprisonnement, du mariage d'une fille ou la nouvelle chevalerie d'un fils. Enfin, le seigneur perçoit un droit sur toute transaction immobilière ou héritage. B.- La mainmorte Parmi les droits seigneuriaux, celui de mainmorte fait partie des plus contestés et des plus pénibles à supporter ; cette «macule» vient s ajouter à toutes les autres charges qui grèvent le domaine exploitable : le manant ne peut disposer librement de son bien et ne se sent pas «propriétaire» à part entière de la terre dont, par son labeur, il tire les moyens d existence de sa famille ; en particulier, il ne peut la transmettre qu à un «communier» vivant avec lui, partageant le même feu, c'est-à-dire en communauté étroite et non simplement dans la maison d à côté. Même si, en théorie, toutes les terres n étaient pas mainmortables, ce privilège seigneurial, joint aux coutumes en matière d héritage, a certainement influencé grandement la vie de la terre et les perspectives des habitants. Aussi les Cousançois se sont-ils attachés à acheter leur franchise ; mais, en raison des partages

16 Cousance et les Cousançois p.16 successifs, des ventes et héritages, et surtout de la destruction du château de Chevreaux en 1637, les documents prouvant l'existence d'un premier rachat ont disparu et les manants n ont pu faire reconnaître leurs droits : en 1690, ils ont du payer une seconde fois. Le texte même du document qui relate les tenants de l acte notarié reçu le 17 février 1690 illustre le ressentiment des hommes atteints de cette «macule» ; pour la rédime de la mainmorte, il en coûte aux Cousançois une cense annuelle et perpétuelle de 6 livres, un droit de banvin (temps laissé au seigneur pour vendre son vin avant la possibilité pour les manants de vendre le leur) pendant deux mois de chaque année et la rente annuelle de 50 livres pour le principal de 1000 livres. C.- Les interdits seigneuriaux De nombreuses obligations et de non moins nombreuses et contraignantes interdictions seigneuriales règlent la vie quotidienne des Cousançois et viennent s'ajouter au poids des différentes impositions. Les interdictions dressent ainsi une multitude de barrières et restreignent toute velléité de liberté à peine de très lourdes sanctions ; toutefois, certaines organisent également un système de garanties pour le «consommateur» ou la tranquillité publique. Dans ce dernier domaine, et le seigneur y a sûrement intérêt car sa justice n'est pas gratuite, l'idée de mesures de police de la consommation ne saurait être écartée, non plus peut-être que celle d'un principe d'intérêt général. Ainsi, il est défendu à tous autres que cabaretiers de vendre du vin sans que les mesures aient été vérifiées par les officiers du seigneur, moyennant, bien entendu, perception d'un droit ; cette interdiction touche également la vente du blé ou de toute autre graine : à défaut, les contrevenants se verront infliger une amende de soixante sols. Des disposition de portée plus générale imposent de bien et dûment clore les prés et héritages emblavés en saison, de réparer les chemins et entretenir la rivière au droit des héritages, à peine d'amende arbitraire. A l'inverse, il est interdit d'envoyer paître des pourceaux dans les prés et les prairies en toute époque ou de couper ou dégrader aucun bois de la communauté ; de la même façon, durant les vendanges et même toute saison, il n'est permis à quiconque de mener «pasturer ou champoyer» aucune bête dans les vignes et vignobles. A l'opposé, d'autres droits préservent directement les intérêts du seigneur, en particulier ceux qui conduisent à interdire de porter des armes ou de chasser, sauf les loups et les renards dans une mesure dont des sanctions puniraient les excès, et de pêcher, sauf sa permission. Dans la même veine, et probablement ce qui pèse le plus sur le manant, les droits de ban assurent au puissant une priorité de récolte et donc de commercialisation. Le plus connu, le ban des vendange, fixe le début des opérations en précisant que ce n'est qu'après le jour franc du seigneur que le public pourra librement faire ses vendanges. Pareillement, les manants se voient interdire de faucher les prés dans la plaine de Morésia avant que les prés du seigneur n'aient été eux-mêmes fauchés. Selon des modalités moins claires, semences et labours sont également soumis au ban. D.- D'autres interdits D'autres interdictions, qui ne se résument pas à une simple traduction d'un terrier, marquent le quotidien des Cousançois, comme celle de travailler les jours de fête ou de blasphémer le saint nom de Dieu, sous peine d'une amende variant en raison de la gravité des infractions et, en cas de récidive, d'abord d'avoir la lèvre fendue et la langue percée, puis de se retrouver aux galères ; la prohibition de boire et manger à la taverne pendant le service divin touche tant les enfants de famille que les gens du lieu et les étrangers. Sans entrer dans les arcanes des imbrications des justices civiles et religieuses, le curé, par la pratique de la fulmination de monitoire au cours de laquelle il enjoint au coupable d'une infraction

17 hier et avant hier p.17 de se dénoncer sous peine de prononcer l'interdit sur la communauté, la privant ainsi de sacrements, apporte son concours à la justice séculière. Il semble donc juste de voir dans l'interdiction de tout manquement à l'assiduité religieuses une marque de l'intérêt que porte le seigneur à la fréquentation régulière de l'église, en particulier des hommes : nombre de convocations de la communauté se font au son de la cloche, à la porte de l'église ; même, pour le ban de fauchage, l'annonce prend place dans le prône des églises paroissiales. E.- Les obligations De la même façon que des interdits ne sont pas étrangers à la défense de l'intérêt général ou, au contraire, à la préservation des avantages du seigneurs, des obligations s'imposent aux Cousançois en tant qu'individus. Dans la première catégorie peut entrer le droit que se réserve le seigneur de contraindre tous échevins et tous autres particuliers possesseurs d'héritage joignant les grands chemins, rues, sentiers et voie publiques, les ponts, rivières, ruisseaux et fontaines, de faire toutes réparations, nettoiements et entretien nécessaires pour prévenir les accidents d'hommes ou d'animaux et empêcher toute stagnation d'eau. Pour préserver cultures et récoltes, le seigneur institue garde, messier et vignier, appelés plus généralement «gardes bleyrie», tout manant, habitant ou tout autre ayant vignes, blés et prés à Cousance. Pour la surveillance des terres ensemencées chacun paye une gerbe de froment et huit niquets, et pour les prés huit niquets. En revanche, pour la vigne, la participation varie en raison de l'aisance des redevables : les riches paient six gros, les moindres quatre gros, les moyens trois gros et les derniers quatre blancs. Le rôle des gardes consiste bien entendu à empêcher ou dénoncer toute atteinte aux cultures mais aussi à signaler toute récolte antérieure au ban. De l'autre catégorie, relèvent tous les droits de four banal, pour lequel chaque feu cousançois doit une mesure de froment, de moulin, de battoir ou encore de pressoir dont les Cousançois sont exonérés du fait de l'absence d'un tel équipement, la dispense étant compensée par l'obligation de monter le vin pressé à Digna dans les caves du château seigneurial. F.- La justice Dans la baronnie, Cousance tient certainement une place à part, place à laquelle contribue l'action du seigneur, ne serait-ce que dans l'expression de son pouvoir. C est en effet à Cousance que, pour remplacer le fort détruit un siècle plus tôt, un château «de ville» est construit entre 1744 et 1749 par Judith de Vienne, marquise d'antigny titulaire de la baronnie. Les hommes des alentours y viennent pour les multiples raisons liées aux différents aspects de la vie privée, publique ou sociale ; notamment, des notaires y résident et rédigent nombre d'actes entre les particuliers : prêts d'argent, remboursements, baux de fermage, promesses de mariage Mais, surtout, le bourreau y exerce son office et les signes patibulaires, marques principales du droit de haute justice du seigneur de Chevreaux, ornent la place publique où doivent se donner les premiers châtiments et s exécuter les sentences de mort le cas échéant : carcan et potence s y dressent donc à la vue de tous. Comme déjà évoqué, tous les sujets se doivent de comparaître avec les armes accoutumées, assister et accompagner la justice à toutes exécutions des sentences rendues contre les criminels condamnés à souffrir la peine de mort, une punition corporelle ou autre châtiment, sous peine d'amende. En 1690, toutefois, Cousance a perdu l'exclusivité de l'exécution des sentences ; la potence, marque de haute justice, se concrétise par un poteau où est attaché un collier ou carcan où sont mis et exposés les criminels condamnés sur la place publique près les halles de Cousance et sur la place publique de Maynal ; un autre se trouve au lieu de Joux et un autre encore aux Bretenaux.

18 Cousance et les Cousançois p.18 Le grand signe patibulaire où sont attachés en première et seconde exécution par le maître des hautes œuvres les corps des condamnés est implanté le long du grand chemin de Cousance à Cuiseaux, lieudit en Bayon, soit approximativement au croisement de la route qui descend de Digna avec l'ancienne route. G.- Les différends entre seigneur et manants Au fil des temps, tant les droits seigneuriaux, conçus à l'origine comme rémunération du service rendu de défense des habitants des alentours, pour l'essentiel, que les allègements de charge obtenus par les habitants par exemple, se perpétuent communauté par communauté, peutêtre par la coutume mais aussi certainement, à une période plus récente, par écrit. Dans ce dernier contexte, les Cousançois tiennent à faire noter qu'ils bénéficient d'un régime de rémunération spécifique de l'usage du four banal plus favorable que celui de plusieurs de leurs voisins et d'une diminution de l'assiette du droit de censive seigneuriale annuelle ; ils affirment également sans être contredits, qu'il n'y a pas de pressoir banal à Cousance, et s'arrogent en conséquence la faculté, d'aller faire battre leurs grains où ils le souhaitent, faute de moulin ou battoir en état de marche ; plus tard, ils acceptent cependant de s'y rendre, mais il leur sera loisible de porter sans risque d'amende leurs grains ou chanvre ailleurs si ceux-ci sont restés vingt-quatre heures dans les moulin et battoir banaux sans y être traités. Quant aux bleyriers, ils bénéficient, là aussi, d'un régime particulier dans la baronnie, plus favorable que les autres. Cependant, il n'y a pas toujours accord entre les revendications du seigneur et les prétentions des manants et habitants ; dans la pratique, le premier n'emporte pas toujours la cause et doit s'en remettre aux juges ; par ailleurs, la comparaison de deux terriers successifs de la fin du XVIIème siècle et montre en outre qu'entre temps, le seigneur ou les manants se sont rendus aux arguments de l'autre partie. Parfois le seigneur peutt ne pas non plus rester sourd à certaines revendications : les habitants avaient contesté au seigneur la banalité de la rivière et avaient perdu le procès intenté contre leurs prétentions devant le parlement de Dole ; toutefois, ils ont fini par transiger et obtenir un droit de pêche à leur profit. A l'opposé, le «fait du prince» n'a plus cours. et le seigneur sait aussi s'en référer à la justice : le litige le plus grave portait sur la mainmorte dont les Cousançois se croyaient affranchis parce qu'ils avaient payé le prix du rachat et que le droit n'avait pas été appliqué pendant un temps assez long ; le seigneur a intenté un procès qu'il a gagné et les Cousançois ont du payer de nouveau, en La communauté Des diverses contraintes et des lourdes impositions, il résulte une communauté cousançoise qui, prise dans son ensemble, ne dispose que de peu de ressources alors que de lourdes charges l'attendent ; pour y faire face, il ne lui reste le plus souvent qu'une seule possibilité, celle de vendre du bois. A.- Les charges et les ressources a.- Les charges En 1754, les Cousançois, comme d'autres communautés de la baronnie de Chevreaux, ont dressé un inventaire de leurs charges et de leurs ressources. Il en ressort que, aux impositions royales ordinaires et extraordinaires, s'ajoutent deux cens annuels, l'un de 10 livres et 10 sols et un second de paiement de cire de 4 livres pouvant aller

19 hier et avant hier p.19 jusqu'à 10, d'une part, et, d'autre part, deux rentes correspondant à un capital de 1466 livres 13 sols et 4 deniers dont les intérêts se payent au denier 50. La première de ces rentes correspond au capital de rachat de la mainmorte en 1690, soit 1000 livres, imposant un paiement annuel de 50 livres ; la seconde, de 466 livres 13 sols et 4 deniers a été constituée au profit d'un membre de la communauté, M. Letroublon, sans que le document précité n'en précise la justification. En 1772, avec des chiffres quelque peu différents, mais des chapitres plus nombreux, la situation n'a pas connu d'amélioration ; pour justifier le financement d'une dépense exceptionnelle par une vente de bois, les habitants font noter que les calamités qu ils ont essuyées ces dernières années les plongeaient dans la misère et que, de la sorte, ils ne pouvaient pas faire appel aux revenus de la communauté puisque les charges et les dettes les surpassent de beaucoup : deux rentes au seigneur de Chevreaux, l une de 1000 livres en capital, l autre de 300 livres en capital, ce qui fait un annuel de 26 livres à payer ; 5 livres et 5 sols de cens pour le pré au seigneur ; 4 livres annuellement audit seigneur pour le cens (affecté?) au bois qui à raison de 4 sols la livre font une somme de 8 livres ; une rente en capital de 500 livres aux héritiers de M. Letroublon, soit un annuel de 10 livres ; 150 livres annuelles pour les gages du maître d école ; 100 livres pour la fourniture des luminaires de l église paroissiale ; 12 livres pour le loyer d une maison pour le berger et pâtre. A ces charges ordinaires viennent s ajouter d autres dépenses mises à la charge de la communauté ; les travaux de voirie, qu il s agisse d entretien ou de création, se traduisent, pour les habitants, par des corvées. Pour sa part, le curé ne semble pas non plus manquer de besoins en espèces sonnantes et trébuchantes : en , il a fallu payer de nombreuses dépenses : 33 francs pour un maître charpentier, 6 gros pour un prône et un confessionnal, 27 gros pour une procession et 4 gros et demi pour une autre, 7 sols pour la réfection de la serrure des fonds baptismaux, 7 gros pour les chandelles pour dire matines à Noël, 30 gros pour des présents faits par le curé et plusieurs autres frais de travaux ou démarches effectuées. En 1667, un nouveau curé intente un procès à la communauté au motif qu il a avancé des sommes importantes pour la réfection de la maison curiale... Le 18 décembre 1764, le Conseil d Etat du Roi a du trancher un litige entre le curé et la communauté, toujours à propos de la réfection du presbytère qu il trouva à sa nomination en 1762 «dans le plus mauvais état ; tout à l exception des quatre gros murs menaçait une ruine prochaine, et exigeait de très promptes réparations». Aussi, lorsque la communauté a à faire face à de plus importantes dépenses se trouve-t-elle dans l obligation de procéder à la vente de bois : en 1771 la communauté doit assurer le financement de nombreuses dépenses : le beffroi de leur clocher menaçait une ruine prochaine et demandait à être rétabli à neuf rapidement ; il y avait deux cloches cassées qui ne pouvaient servir et il fallait les faire refondre ; l'église paroissiale étant trop petite pour contenir le nombre des habitants de leur paroisse ceux-ci étaient obligés par l ordonnance de Monseigneur l Evêque de Saint-Claude de l agrandir aussi vite que possible ; en outre, la communauté était chargée d une rente en capital de mille livres envers les héritiers de M. Letroublon. Toutefois, une première vente n a rapporté que 7695 livres dont il a fallu déduire le dixième attribué aux pauvres religieuses, soit 768 livres 1 sol et 6 deniers ; il ne restait à la communauté que 6912 livres 13 sols et six deniers pour faire les réparations qui se montaient à la somme de livres.

20 Cousance et les Cousançois p.20 b- Les biens et revenus Quant aux biens collectifs et produits, ils se résument à peu de choses et à peu de rapport : trois soitures «ou environ» (une soiture vaut environ 36 a) de prés de mauvaise qualité, répartis en trois parcelles à proximité du bois et des étangs du seigneur, et qui constituent un revenu de 45 livres en année commune ; 136 arpents (un arpent vaut environ 41 a) de bois en trois parcelles en taillis, de l'âge de 2, 4 et 6 ans ; la communauté ne dispose pas d'autres parcours (pour le pâturage et le «champoyage» des animaux) que ses prés et ses bois et encore ceux-ci ne sont-ils accessibles à cet usage qu'à des époques de l'année bien déterminées. L'adjudication de la glandée ne figure pas dans le relevé des ressources, mais, en 1700, par exemple, elle avait rapporté 45 livres. c.- Une ressource exceptionnelle : le bois Quand les Cousançois évoquent leurs bois, ils insistent sur leur âge, car des règles strictes encadrent leur vente et celle-ci ne présente un réel intérêt financier que si de belles futaies les constituent. Or, l'exploitation ne peut commencer qu'une fois atteints les 120 ans ; bien naturellement, tant les usages du bois selon les besoins de la construction ou encore des échalas pour les vignes, que les besoins des communautés propriétaires suscitent des pratiques différentes, mais certainement non sans conséquences financières pour les vendeurs. Quant à la qualité des bois communaux, elle varie selon les lieux : dans le canton appelé Combejaroz, se trouvent diverses essences : chênes, charmes, coudriers et autres arbustes en taillis de l'âge de 8 à 10 ans ; le canton dit de la Relasse, est formé lui aussi en taillis de mêmes essences à peu près du même âge, au nord duquel a été réservé le quart des bois pour croître en futaie ; le Bois Brulé, encore en taillis des mêmes essences, de l'âge de cinq à six ans. Malgré le respect apporté à ce patrimoine, selon les Cousançois eux-même, sa qualité est sa quantité ne paraissent pas varier significativement dans le temps. D'ailleurs, d'autres sources témoignent d'une exploitation peu raisonnée : par endroits, le bois est coupé assez près de terre, de sorte que si les recrois sont abondants et bien venant des coupes sont été effectuées en dehors des autorisations accordées ; dans d'autres cantons, les arbres sont fort clairsemés de mal venant et les recrois de valeurs très inégales. B.- Les institutions a.- Les échevins, représentants de la communauté Plusieurs personnages jouent un rôle de représentation et de transmission entre le pouvoir et la population, investis de missions et de charges. Les échevins, désignés par voie d'élection par les manants, représentants de la communauté, participent notamment à la surveillance du bon déroulement des corvées et tiennent un rôle important dans le système de prélèvement des impôts. Dans la pratique, pour leur désignation, les échevins se retrouvent fréquemment parmi ce qu'il était convenu d'appeler «la plus saine et majeur part de la population», comme si une faible part de la population du village confisquait la fonction à son profit. Toutefois, si les plus aisés ne semblent pas attirés par l'administration de la chose publique, abandonnant cette mission à une frange sinon riche au moins plus aisée que le commun, exploitants agricoles ou membres d'une profession libérale non agricole (Doussaint, Julien, Tronc ), les nécessités attachées à la charge

21 hier et avant hier p.21 imposaient en fait une aisance certaine de ses titulaires. En effet, ils font des avances pour le compte de la communauté et n'arrivaient pas toujours à rentrer dans leurs fonds. Ainsi, dans un litige, à propos de l'exécution d'un jugement d'annulation de l'élection d'un commis, Antoine Guyot, en 1785, la communauté de Cousance a été condamnée aux dépens, soit 24 livres 14 sols et 1 denier, somme que les habitants ont négligé de payer : les échevins se sont vu condamnés à faire payer les habitants à peine d'y être personnellement contraints à leurs frais par les voies de droit. Pour récupérer, le cas échéant, le montant des versements consentis, ils ne reçoivent jamais qu'un concours modéré de l'appareil judiciaire : non seulement l'opération de recouvrement se déroule toujours à leurs risques et périls, mais encore, il leur revient d'y procéder par eux-mêmes. Ainsi, en 1784, François Georges a saisi l'autorité judiciaire pour obtenir le paiement d'une somme de 131 livres 6 sols due par les cultivateurs du sieur Giraud ; il a certes été autorisé à faire saisir les fruits des vergers de ces cultivateurs mais, toutefois, Jean Baptiste Grusillon, chargé de procéder à la saisie, n'a rien restitué à François Georges ; pour obtenir la restitution des fruits destinés à couvrir sa dépense, ce dernier doit donc introduire une nouvelle action en justice et demander qu'il lui soit permis, pour l'y contraindre, de faire emprisonner ledit Grusillon, en recourant le cas échéant à la force. Et la procédure peut s'étendre dans le temps : un reliquat de 594 livres, 11 sols et 5 deniers né de la gestion des deux échevins en 1774, Pierre Catelin et Jean Baptiste Pariset, a été reporté d'année en année jusqu'en 1784, d'échevin en échevin, jusqu'à ce qu'un jugement mette la dette à la charge d'antoine Dépraz le Jeune, échevin en 1780 et le déclare redevable de cette somme, portée entre temps à 759 livres et 13 sols, à charge pour lui de récupérer, à ses risques et péril, les biens saisis pour garantir le paiement. b- L'assemblée des manants Les manants se retrouvent sous les halles du village, parfois au sortir de la messe paroissiale pour délibèrer des affaires de la communauté, en particulier celles qui impliquent des dépenses, mais aussi de toutes sortes de questions de gestion, ou pour prendre connaissance d'actes rédigés par les notaires, comme lors de la succession de Claude Gavand en Les assemblées du corps de village se font «au son de la cloche», sur convocations faites lors du prône dominical ou par affichage à la porte de l'église. Dans les cas particulièrement importants comme pour le renouvellement de la reconnaissance des droits du seigneur, un notaire peut recevoir la charge de notifier la date du rassemblement à chaque manant ou habitant de Cousance, comme en Toutefois, tous ne participent pas aux rassemblements prescrits et, même après convocation individuelle, les absences se comptent en nombre. Cela peut tenir aux questions pour lesquelles la cloche sonne et parfois, même, la représentation de la communauté se réduit au stricte minimum : pour l inspection des bois de la baronnie, à la requête d'un «conseiller du Roy», seuls se présentent l échevin Bernard Pachoz, le garde royal et préposé à la conservation des bois, Antoine Depras, et un habitant, Jean Claude Sommier ; le 18 mai 1763, dans des conditions similaires, le seul habitant accompagnant l échevin de l époque, Claude Gauin et le même garde des bois, Jean Grenier, représente à lui seul l'ensemble de la communauté. Quand à la visite des bois, et plus particulièrement le quart de réserve que la communauté entend vendre pour honorer ses dettes et payer des travaux indispensables, les habitants n entourent guère plus leur échevin : le 18 février 1771, quatre habitants accompagnent les deux échevins François Jouhan et Etienne Morel, tout comme le 28 octobre 1772 alors qu il n y a qu un seul échevin, Philibert Tronc. L absence peut même prendre tournure d opposition dans certains cas particuliers : ainsi, pour un projet d aménagement routier qui ne semble pas susciter l intérêt de la population, le commis à

22 Cousance et les Cousançois p.22 l entretien des grandes routes se heurte à l échevin occupé au recouvrement des rôles ; quant aux habitants, ils n ont purement et simplement pas comparu. En revanche, pour le tracé de la route reliant Orgelet à Louhans, le 19 décembre 1762, vingtcinq habitants ont fait le déplacement pour délibérer sur le tracé à retenir à travers le bourg et choisir parmi les tracés possibles «ceux qui leur seraient les plus avantageux et les plus commodes et moins dispendieux» ; la même année, un autre projet, présenté comme essentiel en raison de son incidence sur l économie du bourg, n'a réuni que trente-deux habitants Les habitants et la communauté, cependant, présents ou non, s expriment par la voix de ceux qui ont effectué le déplacement, étant parfois précisé, notamment quand les décisions touchent les finances de la communauté, que les présents agissent «tant en leur nom que des absents dont ils se font forts», selon l'expression consacrée. Dans ces cas, en fait dans la généralité des cas, la validité juridique de la décision se fonde sur la présence de «ceux qui, tous manants, représentent «la plus saine et majeure part de la communauté dudit Cousance. Qui sont ceux qui constituent la majeure part ou la plus saine part des habitants? La reconnaissance des droits du seigneur attire une foule compacte, il est vrai convoquée de façon plus impérative que «la manière ordinaire» : dès le 6 avril 1659, François Vitte, sergent royal, apposa des affiches à la porte de l'église et se transporta aux domiciles de tous les sujets où il leur fit commandement de s'assembler incessamment en corps de communauté. Convoqués individuellement de la même façon pour la reconnaissance de 1690, le 16 février, 64 personnes y compris les deux échevins en exercice, en plus des deux notaires cousançois, ont répondu à la convocation ; l'assistance ne représente qu'environ 60 % des convoqués, au nombre de 105 en plus des échevins. Dans ce cas, aucune profession ni, par conséquent, statut social, ne paraît mieux représentée que les autres : 2 «lissiers» sur 4, 7 manouvriers sur 9, 7 marchands sur 10, 21 laboureurs sur 35, 2 notaires sur 2, 2 meuniers sur 2, mais seulement 1 vigneron sur 5... en soulignant que les veuves ont été 7 sur 8. La révision des bases d'imposition de «l'arpentement» - offre également une possibilité d'approche quant aux étages de la hiérarchie sociale représentés. Cette opération concernait les taillables du bourg : pourtant, seuls trente-trois Cousançois avaient répondu à l appel de la cloche pour accompagner les échevins et les commis pour évoquer les 213 entités fiscales soumises à la taille ; compte tenu de la présence des échevins et commis et du fait qu une bonne vingtaine d'ensembles fonciers au moins appartenait à des non Cousançois, environ un cinquième des Cousançois intéressés se trouvaient donc présents. Parmi ceux-ci, malgré tout, se trouvaient vingt-deux imposés pour plus d'un hectare de terres, les situant ainsi dans la moitié la mieux nantie des taillables. Sans pouvoir prétendre tirer de conclusions définitives, en raison du caractère partiel des données, il semblerait quand-même, surtout si elles sont éclairées par celles qui concernent les échevins, qu'une sorte de strate supérieure principalement terrienne se dégageait de l'ensemble des manants, entre les nobles et les possesseurs de charges, d'une part, et, d'autre part, la plus large masse des gagne-petit et autres traîne-misères.

23 hier et avant hier p.23 Partie II : La vie sous la baronnie I.- Le cadre cousançois La situation géographique de Cousance, au plus proche des voies de communication, lui a conféré un attrait économique certain dont les barons de Chevraux ont su tirer profit. Passée la fin du XVIIè siècle, plusieurs faits historiques orientent Cousance vers de nouveaux horizons et conduisent le village vers son apogée, au milieu du XIXè siècle ; parmi ceux-ci, l'un d'eux semble primordial : le rachat du droit de mainmorte par les habitants en Même si un certain laps de temps sépare la disparition d'un droit seigneurial particulièrement contraignant pour l'évolution de la notion de propriété et humiliant pour les hommes - la mainmorte est une «macule» qui les frappe -, elle a pu conjuguer temporellement ses effets avec ceux des modifications des voies de communication au XVIIIè siècle, second fait essentiel. Contrairement à Beaufort ou Cuiseaux dont l urbanisme laisse aisément transparaître un développement plus récent le long de la grande route, à côté d un centre ancien, le Cousance du XIXè siècle semble en grande partie le résultat du grand chemin né au XVIIIè siècle. 1.- A l'aube de l'essor A.- La desserte routière Les marques laissées par le réseau des chemins du passé étonnent par leur densité, que ce soient des voies carrossables, des chemins de terre interrompus parfois par des travaux récents ou, à l'inverse, poursuivis par des portions goudronnées, comme, par exemple celles du chemin qui relie Digna à Cousance par la fontaine des Prélions, puis Bians et Bretenaux, et se prolonge jusqu'à Cuisia, Augea, Beaufort et d'autres communes plus au nord ; quelques portions de cette voie n'apparaissent plus que dans le cadastre de 1836 alors que des automobiles en empruntent d'autres. Trois tracés possibles relient Cousance au Miroir, dans les années A côté de la Grande Route qui structure le bourg en le traversant suivant un axe nord-sud, de multiples chemins irriguent le territoire, avec des vocations semble-t-il différentes : le document fiscal de 1757 introduit une distinction entre les sentiers, les chemins de desserte, les chemins courants et «le» chemin. B.- Une tradition de passage Vers le début du XVIIè siècle, le grand chemin du roi tirant de Lons-le-Saunier à Saint-Amour, suivait celui qui longe actuellement le chemin de fer, passant au levant de la Malatière de Cousance, puis au moulin d'en bas, franchissait la rivière, et remontait par les Nuzerettes ; pour aller à Cousance, une charrière quittait ce chemin entre Cresson et le Tremblât et rejoignait la grand route actuelle un peu au-dessus de la place du Marché. De deux franchissements de l'eau restent aujourd'hui des témoignages évidents : pour le premier, c'est un pont assez moderne construit pour remplacer un modeste tablier de bois au niveau du Glacier, nom pris par la Gizia à cet endroit, suivant la route qui, venant du cimetière, traverse la rue de Bresse, avant de se diriger, après un coude sur la droite, vers le tunnel sous le chemin de fer et vers la Piperie ; le chemin des Nuzerettes poursuit la route en ligne droite, juste

24 Cousance et les Cousançois p.24 avant le coude ; le second, dont il y a trace en 1547, suit la rue du Moulin qui va de la place du Marché pour rejoindre le quartier du Chapeau Rouge. Leur fonction dépassait un rôle local, car le Seigneur ne levait de droit de franchissement de la rivière que sur les seuls étrangers à la baronnie. Quant au passage de la Planche de Fléria, que les cartes ignorent, il se situait près du grand chemin royal reliant Cuiseaux à Louhans et traversait la rivière au lieu-dit des Darbonnières, vers Rongeon aujourd'hui. Il devait engendrer des droits de péage rémunérateurs et des recettes accessoires non négligeables puisque, en 1675, le sieur Claude Janet avait reçu l'autorisation de construire un moulin et battoir à condition «de faire un pont de bois et de l'entretenir perpétuellement ; et s'il vendait du vin aux passants, ce ne pouvait être que le sien ou, à défaut, celui du seigneur ou de ses fermiers qu'il achèterait au plus haut prix de la baronnie. C.- Un centre économique La desserte routière locale, comme les points de franchissement de la Gizia qui font partie du système général de circulation, ont permis à Cousance d'asseoir un rôle économique enviable par les autres communautés de la baronnie. La fin du XVIIè siècle et le début du XVIIIè marquent vraisemblablement une étape importante dans l'évolution de Cousance sans qu'il soit possible de déterminer l'élément premier : l'attrait économique ou le développement de la voirie a.- Les foires et marchés Les marchés cousançois paraissent anciens et des allusions y sont déjà faites au XVIè siècle ; d'ailleurs, tous les habitants de la baronnie et tous autres marchands ont obligation de porter toutes leurs marchandises et denrées pour les y vendre sous les halles de Cousance à la foire du jour de la Saint Jean Baptiste de chaque année ou le lendemain, et les lundis de chaque semaine. Néanmoins, si certaines communautés de ladite baronnie excipent de leur propre intérêt pour s'exonérer d'une telle contrainte aux jours de marché, les marchands de plusieurs d'entre-elles s'y rendent «de leur bon plaisir et volonté». Le chaland peut y trouver les biens de consommation courante épicerie, boulangerie, sel, principalement- ou d équipement articles de chaudronnerie, poterie, cordonnerie, verrerie, fil, chanvre, suif, cire, toile, pelleterie S'y s offrent également des animaux, animaux de trait, certes, mais aussi, probablement, animaux de boucherie : aux mulets, ânes, bœufs, vaches et autres taureaux se mêlent les juments, poulains, porcs, cochons, truies, brebis, agneaux, chèvres, boucs. Les foires ont une influence géographique non négligeable ; il a pu être constaté, en 1732 qu il n y avait pas d autres foires à moins de quatre lieues aux environs. Il est même soutenu que les foires de Cousance peuvent attirer de la clientèle jusqu'à Orgelet ou Louhans, distantes de trois lieues. De nouvelles halles avaient d'ailleurs été construites dès 1686 pour tenir foires et marchés, et abattre les bêtes vendues ; mais aussi, en renforçant l'attrait du bourg, pour tenir les réunions des échevins et des habitants, y rendre la justice, laisser danser les garçons et filles et boire les compères et les commères aux jours de fête. b.- Les «industries» Les moulins présentent une face très ancienne de l'industrie cousançoise ; parmi les documents les plus anciens le plus souvent cités sur les origines de Cousance figure une charte datée de 1172 concernant une donation de biens faite par Thibert de Montmoret aux religieux de l abbaye

25 hier et avant hier p.25 d Abondance en Savoie et portant entre autre sur «une place à Cousance pour y établir un moulin». Par la suite, les indications concernent deux moulins : le moulin Pachoz et le moulin Caboz. L'un d'eux avait été construit par Pierre Pachoz, meunier, dans une ancienne «foule» ou moulin à foulon, avant le 19 août A côté d'eux, d'autres «industries» semblent de nature à susciter un trafic humain et commercial dont Cousance occuperait le centre. En 1690, et en mettant à part quelques individus dont la source de revenus n'est pas connue ou très imprécise, la population peut se répartir entre ceux dont l'activité se trouve liée à la terre - une bonne cinquantaine de «chefs de ménage» - et ceux qui vivent de l'«industrie». Pour ces derniers, des indices sûrs attestent l'exercice de métiers dont la nature nécessite une zone de chalandise dépassant les limites du seul bourg pour assurer un viatique suffisant à ceux qui s'y adonnent, soit du fait de leur clientèle immédiate, soit qu'ils se livrent au commerce de leur production. Dans la première catégorie pourraient entrer : - 4 «tissiers», - 1 serrurier, - 1 «masson», - 1 tonnelier, - 3 maréchaux, - 2 charpentiers et dans la seconde : - 1 boucher, - 10 marchands, - 2 cordonniers, - 1 pelletier, - 1 tailleur d'habits, - 1 «hoste», à qui peuvent s'ajouter 2 notaires et 1 praticien. 2.- Les bases de l'essor Cependant, les activités «industrielles» ne semblent pas de nature à assurer des revenus suffisants à la majorité des Cousançois : s'il faut en croire la Marquise d Antigny, baronne de Chevreaux, quant elle évoque, en 1764, la situation économique du pays qui n a d autre ressource que le commerce, ce n est que depuis que la grande route y passe que les habitants commencent à se tirer de la misère. A.- Un nouveau contexte Selon la Marquise, les troupes royales aimaient à s arrêter à Cousance, car il s y était établi, dès l'ouverture de la route, plusieurs cafetiers, cabaretiers, panetiers, marchands et ouvriers de différentes espèces. Cette appréciation rejoint la position prise par le conseil communautaire du 19 décembre 1762 se prononçant en faveur d'un tracé de la liaison entre Orgelet et Louhans traversant Cousance : depuis l'ouverture de la «belle route», de Strabourg à Lyon qui traverse le bourg, «le village dudit Cousance... est un lieu de gitte pour la plus part des voyageurs et des voitures, qu'il est composé d'un grand nombre d'habitants et de plusieurs hosteliers et cabaretiers» : «il s'y est établi dès quelques années en ça des marchands drapiers, des maréchaux, serruriers, clouttiers, charrons, tonneliers...» ; enfin, il y a quatre foires par an et la misère y a disparu.

26 Cousance et les Cousançois p.26 Dès lors, la nouvelle route royale, mise en service selon toutes vraisemblances dans le premier tiers du XVIIIè siècle, axe «nord-sud», complétée par une voie «est-ouest», d'orgelet à Louhans, un nouveau contexte favorable aux activités de passage, n'a pu rester sans incidence sur le quotidien des Cousançois. B- Les activités humaines Certes, aucun document ne vient étayer les assertions de la Marquise d'antigny ou du conseil communautaire. Mais, en premier lieu, en 1788, en raison de la pauvreté régnant sur l'ensemble du territoire, le Roi a décidé la création d'ateliers de charité pour la réfection des chemins ; de l' état des ateliers de charité qui ont été établis dans la subdélégation de Lons-le-Saunier, il ressort que Cousance n'y figure pas, mais non plus d'ailleurs que les autres communautés de la baronnie. Passé le milieu du XVIIIè siècle, les choses semblent bien avoir évolué, conformément aux assertions du conseil communautaire. Certes, aucun recensement aussi précis que celui de 1690 n'existe mais, au fil d'actes notariés ou de décisions de justice se rencontrent diverses professions non liées à la terre ; la nature ou le nombre de Cousançois les exerçant supposent une clientèle de passage ou excédant les limites du seul bourg de Cousance. Ainsi peuvent se noter : - 3 bouchers ; - 1 boulanger ; - 8 marchands, dont un en 1728 ; - 8 cabaretiers, dont un en 1728 également ; - 2 aubergistes ; - 4 maréchaux ; - 3 tonneliers, dont un en 1727 ; - 3 sabotier ; - 1 menuisier ; - 1 serrurier ; - 1 cloutier ; - 1 cordonnier ; - 1 tailleur d'habits ; - 1 potier à terre ; - 1 maçon ; - 2 maîtres chirurgiens, dont l'un est décédé en Cette liste ne saurait être exhaustive des activités non liées directement à l exploitation de la terre ; mais elle permet de constater que les déclarations faites à plusieurs reprises quant aux incidences des travaux d aménagement de la route royale ne relèvent pas d un simple argumentaire en faveur de Cousance : elles reflètent bien une réalité, même si son appréciation exacte reste soumise à des incertitudes.

27 hier et avant hier L'église de Cousance p.27

28 Cousance et les Cousançois site de Cousance depuis le cimetière p.28

29 hier et avant hier p.29 II- La terre Les bases du système économique changent au milieu du XVIIIè siècle et les activités liées au rôle de Cousance dans la baronnie et ses abords connaissent un essor non négligeable. Mais, si le commerce et l'artisanat changent le visage du bourg et ouvrent de nouvelles perspectives de ressources aux manants, la terre n'en reste pas moins un élément non négligeable de l'économie rurale. 1.- La terre et les hommes A.- L'arpentement de 1757 En 1757, les habitants de Cousance ont déposé une demande de révision des bases d'imposition jugées alors injustes, tant dans l appréciation des superficies que du rendement des exploitations ; certains jugent que la plupart des habitants se trouvent écrasés en taille sans mesure ni proportion à d autres qui possèdent incomparablement plus de biens et de la meilleure qualité. Charles Philibert Bonot, notaire royal à Cousance, parmi d'autres, s'en plaint amèrement et menace de dénoncer ceux qui bénéficient injustement d'un régime plus favorable que le sien. Entre l'obtention des différentes autorisations nécessaires, le mesurage et l'évaluation de chaque parcelle, plus de sept ans se sont avérés nécessaires pour établir un «arpentement» définitif. Matériellement, le document d'«arpentement» rassemble le compte-rendu de toutes les étapes de la procédure de son élaboration, le rôle de chacun des intervenants et, pour chaque redevable, toutes les terres soumises à imposition en identifiant chaque entité par : le lieu-dit où elle se trouve ; sa superficie ; la nature de son exploitation, principalement terre (labourable), pré, vigne ; sa situation par rapport aux biens voisins : les propriétaires contigus côtés matin (est), soir (ouest), bise (nord) et vent (sud) ; sa superficie ; le montant de l'impôt en fonction de la qualité de la terre estimée selon trois catégories : bonne, médiocre, mauvaise. Les activités des contribuables hors du travail de la terre ne sont pas plus précisées et seule une participation leur est demandée au titre de leur «faculté» contributive ; certains cumulent profits tirés des fruits de la terre et d'autres sources de revenu, mais sans plus d'indication. Toutefois, s'agissant d'un document à visée fiscale, les indications qu'il contient ne suffisent pas à elles seules à traduire avec une exactitude absolue la réalité de l'économie rurale. En particulier, il y a les terres exonérées de la taille dont les propriétaires ne se voyaient astreints au versement que des seules «portions coloniques» simplement estimées financièrement, sans aucune autre indication concernant la terre : le Seigneur, la cure, la chapelle Saint-Jean, Monsieur du Borneuf et les héritiers de Monsieur de la Curne, chacun pour une partie seulement, car ils pouvaient être imposés par ailleurs. B.- La terre Malgré ces incertitudes qui, par référence aux états des sections dressés en 1836 et en 1913, représentent aux alentours de 10%, l'arpentement de 1757 constitue la seule référence utilisable pour une approche de la situation du Cousance de l'ancien régime. A la fin du XVIIIè siècle, donc, la superficie exploitée s'élève à environ 450 ha se répartissant principalement entre :

30 Cousance et les Cousançois p.30 les terres «de la s le» pour quelques 333 ha ; les vignes pour près de 34 ha ; les prés pour un chiffre voisin de 74 ha ; auxquels il convient d'ajouter des étangs, des bois, des chènevières et des friches. C.- La qualité des terres Dans leur travail d'évaluation des fonds et héritages soumis à imposition, répartis en vignes, terres labourables, prés principalement, et étangs, bois vergers, chènevières et jardins, les judicateurs et autres experts ont réparti les sols suivant trois catégories : les bonnes, les médiocres et les mauvaises, chacune s'appréciant par rapport aux autres et non pas en absolu. Dans l'ensemble (hors étangs) : - les bons sols représentent 13,6 % de l'ensemble, pour une superficie d'environ 60 ha ; - les sols médiocres, 31,2 %, soit à peu près 137 ha ; - et les mauvais sols 55,2 %, soit 243 ha. Les valeurs retenues pour chacune des différentes catégories éclairent sur la rentabilité des utilisations du sol entre elles et sur le rapport entre les fruits tirés des bonnes, médiocres et mauvaises terres. L'échelle des impositions place au premier rang les prés, puis suivent les vignes, au deux tiers des taux retenus pour les prés, et enfin les terres labourables selon un barême qui en évalue le revenu au tiers des prés et à la moitié des vignes. Pour chacune des destinations des sols, les mauvais sont taxés environ au tiers des médiocres et ceux-ci aux deux tiers des bons. Mais aucun document ni commentaire ne vient justifier l'échelle des valeurs retenues pour les trois principaux types d'exploitation de la terre, ni étayer une évaluation de la situation des Cousançois par rapport à ce qui est généralement retenu : il est en effet souvent avancé que prés et vignes offrent des ressources plus importantes et plus stables dans le temps que la terre labourable. 2.- La terre cultivée A.- Les propriétés L'arpentement montre au premier regard que la moitié des détenteurs de terre les mieux nantis possèdent plus de 400 hectares (étangs compris) ; parmi eux, les dix mieux pourvus maitrisent environ 160 ha, soit 35 % de l'ensemble, ce qui correspond en gros à la superficie réunie par les 150 moins bien lotis. Mais les plus gros possédants ne monopolisent pas les meilleures terres ; il n'y a d'ailleurs peut-être pas grand sens à s'attacher au partage entre propriétaires des terres selon leur qualité, entre ceux qui en possèdent de bonnes, de médiocres et de mauvaises, ceux qui n'en ont que de médiocres ou de mauvaises... si ce n'est pour constater que les possesseurs de chacune des catégories, bonnes, médiocres et mauvaises, se taillent la plus grande part en détenant, à 83, pas loin des trois quarts de la superficie exploitée et que, dans ce groupe, se retrouvent en grande partie les détenteurs des plus importants tènements fonciers. B.- L'utilisation du sol Les principales cultures se répartissent la terre disponible de façon tout à fait inégalitaire puisque (hors étangs notamment) : - la vigne, avec un peu plus de 33 ha, représente environ 7,5 % des terres exploitables ; - les prés, près de 74 ha, 16,5 % de l'ensemble ; - les terres labourables 333 ha, 76 %.

31 hier et avant hier p.31 sans aucune hiérarchie quant à la qualité des sols : la vigne se cultive plutôt dans les parties pentues du bourg, côté matin, entre la grande route et la montagne, les labours et les prés se partageant les secteurs les plus bas et les plus plats, vers la plaine bressanne. Les prés, bien qu'ils rapportent plus et soient taxés en conséquence, sont largement de moindre qualité que les autres types d'exploitation, comme s'ils constituaient un pis aller pour les moins bonnes terres. Les effectifs les plus nombreux se retrouvent dans deux catégories bien distinctes de propriétés : 45 d'entre les assujettis possèdent vignes, terres et prés et 51 ne disposent que de terre labourable. Au demeurant, même si ces deux ensembles réunissent également la majorité des sols imposables, plus de 300 ha. représentant près de 60 % des terres exploitées, ils recouvrent deux réalités bien différentes. En effet, les 45 qui possèdent vignes, terres et prés, représentant 24 % des assujettis, détiennent à eux-seuls plus de 58 % de la superficie imposable ; dans cette catégorie se retrouvent naturellement les plus gros possesseurs signalés précédemment. Les superficies moyennes consacrées par chaque propriétaire aux trois types d'exploitation se révèlent également plus importantes : 56 a pour la vigne, 4 ha pour la terre et 1 ha pour les prés, soit 5,7 ha pour les trois types cumulés. Au contraire, pour les 51 qui n'exploitent que des terres, la superficie moyenne des biens s'élève à près de 80 a seulement, soit un ensemble a priori beaucoup plus modeste. Toutefois, dans le premier lot, ceux qui exploitent vignes, terres et prés, l'analyse plus poussée des chiffres fait découvrir d'importantes disparités : - pour la vigne, la superficie des héritages varie de 3 ha à 2 a, pour la terre, de 16 ha à 15 a et pour les prés de 9,5 ha à 6 a ; - la moitié des plus grands propriétaires possède à peine moins de 4 ha au minimum, soit 80 % du tout, et 14 d'entre eux détiennent chacun une superficie supérieure à la moyenne, soit un peu plus de 60 % du tout. Pour les détenteurs de seules terres labourables, l'écart s'avère plus modeste, puisque le plus grand tènement avoisine les 4 ha et le plus petit n'atteint pas 1 a, l'avant dernier par ordre d'importance arrivant à 4 a (mais il n'est pas sûr que des jardins n'aient pas été inclus dans les terres); la moitié la plus fortunée possède plus d'une cinquantaine d'ares chacun, soit près de 88 % de l'ensemble, et moins de 20 exploitent une superficie supérieure à la moyenne, soit pas loin de 80 % de l'ensemble de cette catégorie. Ces chiffres illustrent le large éventail des situations des exploitants agricoles cousançois : un important nombre de «petits» à côté d'une minorité, parfois extérieure au bourg, accapareuse. 3.-S'approprier des sols Les archives disponibles ne couvrent qu'une période relativement récente, de la fin du XVIIè siècle, en gros depuis le rachat de la mainmorte jusqu'à la Révolution. De la sorte rien ne permet d'apprécier non seulement le régime de détention des terres d'origine féodale mais encore moins l'incidence du rachat de la mainmorte par les Cousançois, en 1690 ; pourtant ce dernier acte semble de nature à avoir favorisé la constitution de grands domaines donnés en exploitation par leurs propriétaires. Le document d'arpentement en témoigne : parmi les plus gros propriétaires, figurent le sieur Maigrot, avocat, héritier avec M. Delaroche, également l'un des plus riches, du sieur abbé et avocat Letroublon, le sieur Perraud, d'orgelet, avocat au parlement, le sieur Michel Billet, praticien et greffier de la justice, le sieur Guichard, notaire à Cousance, le sieur Micholet, chirurgien, M. du Bourneuf, conseiller, maître aux comptes : non seulement les hommes ne semblent pas se partager la terre selon des règles égalitaires, mais encore, les plus gros

32 Cousance et les Cousançois p.32 possédants ne semblent pas avoir de liens réels avec l'exploitation du sol, puisque leur profession principale relève de la justice (avocat, notaire, praticien ) voire du clergé. A.- L'acquisition Plusieurs possibilités s'offrent aux travailleurs de la terre pour se constituer un domaine exploitable ; toutefois la seule lecture des actes notariés ne permet pas d'évaluer la part respectives de chacune d'entre elles. L'acquisition pur et simple se pratique naturellement, mais si la vente est libre, c'est à dire sans autorisation préalable du seigneur et peut donc être présentée comme définitive, les droits du seigneurs devront être respectés, qu'ils soient bien connus ou non par le vendeur et l'acheteur. Ainsi, le 1er mai 1768, Louis Noblet, laboureur demeurant audit Cousance et Thérèse Roussel sa femme qu'il autorise, ont vendu purement et pour toujours avec promesse de maintenir et de garantir de tous troubles, évictions et autres empêchements quelconques, à Messire Jacques Fornier Dubourneuf... une pièce de vigne... chargée de ses charges anciennes fermières et seigneuriales..., lesquels vendeurs n'ont pu déclarer plus précisément, mais franche de toute hypothèque. La vente à rachat aboutit également à des transferts de propriété, parfois au détriment des exploitants. Elle permet en effet à des propriétaires terriens momentanément impécunieux de céder leur terre tout en continuant de l'exploiter durant un temps déterminé ; en contrepartie, ils perçoivent un prix et partagent les fruits de leur terre pendant ce même temps. A l'échéance prévue par le contrat, ils pourront «racheter» leur bien, à défaut, la vente dite «conditionnelle» deviendra définitive. B.- Les baux Parmi tous les types d'exploitation existant à l'époque, le bail à culture ne s'applique qu'à des terres cultivées et en cours d'exploitations, en particulier des vignobles établis ; il recouvre en fait plusieurs pratiques différentes ; tout d'abord, s'ils commencent le plus fréquemment le 11 novembre, la durée, elle, peut varier de 6 à 9 années complètes ; la rémunération du «laissant» peut être soit par paiement d'une somme en argent, soit par une part de fruit, souvent le tiers, «à fruits récoltés 6 ou 9 fois», selon les termes consacrés. Le bail à ferme, conclu pour une durée déterminée, porte tant sur les bâtiments de l'exploitation que sur les terres cultivées ou vouées à l'élevage ; il se traduit par le versement d'une somme d'argent au laissant ; le bail contient des clauses relatives aux obligations réciproques des deux parties quant à l'entretien des biens laissés et au partage du croit en fin de contrat. C.- L'abergeage en hermiture Une place particulière doit être consacrée à ce mode de mise à disposition de terres exploitables, en particulier pour la vigne. La reconstitution des vignobles, après la guerre de 10 ans, n'a vraiment commencé que dans la fin des années 1660 ; pour ce faire, le seigneur, notamment, a privilégié un type de mise à disposition des sols qui lui évite tout investissement tout en lui assurant des revenus : le 10 décembre 1668, par devant Julien Clerc, notaire, le seigneur et son épouse «donnent et abergent purement et perpétuellement» une pièce de vigne à Pierre Gavant, demeurant à Cousance, qui accepte pour lui et ses héritiers à venir. Ce dernier s'oblige en cinq ans à rendre ladite vigne en bon état pour l'année lors suivante donner au seigneur le tiers de tous les fruits, et tous les ans par la suite.

33 hier et avant hier p.33 Par le contrat de 1668, Pierre Gavand reçoit une terre d'environ douze ouvrées ; mais, il n'en restera pas là : par deux autres contrats ultérieurs au moins, il arrondira son exploitation ; une première fois conjointement avec son beau-frère Philibert Janet, une autre fois, en 1686, conjointement avec sa femme, toujours par abergeage de la part du seigneur et de sa dame. Bien entendu, la notion de «perpétuellement» nécessite un renouvellement périodique, probablement à chaque héritage du donneur ou du retenant, ou pour préciser et rectifier les données du contrat initial, voire rappeler à l'odre un exploitant peu scrupuleux : le 16 mai 1766 Joseph Margot, vigneron à Cousance, et le sieur Dubourneuf se retrouvent chez Philibert Bonot, praticien à Cousance, pour réitérer et préciser les obligations qui incombent au dit Margot, notamment, qu'outre la remise du tiers des fruits au sieur Dubourneuf ou aux siens, il devra payer toutes tailles et impositions royales à quoi la vigne serait sujette. 4.- Vivre de la terre A.- Le parcellaire Le parcellaire influe grandement sur les méthodes culturales. Outre leur qualité relative majoritairement peu enviable, les propriétés souffrent d un émiettement important : - les quelques 185 assujettis se répartissent environ 1650 parcelles ; - un propriétaire, même si ce cas reste exceptionnel, peut détenir jusqu à 44 parcelles distinctes, la moyenne s élevant à environ 9 parcelles ; - la taille moyenne de la parcelle atteint environ 28 ares ; - 63 propriétaires ont des parcelles qui dépassent la moyenne ; - 9 imposables disposent de terrains dont la superficie moyenne atteint ou dépasse l'hectare ; - la moitié de l'ensemble jouit de terre dont la superficie moyenne est inférieure à 20 ares. B.- Les méthodes culturales Ni les actes notariés ni les terriers n'ouvrent de perspectives sur les pratiques culturales ; en particulier, aucune règle ou usage de l'assolement dans la baronnie ne transparaît, alors que le morcellement parcellaire pourrait en favoriser la pratique collective, par zone, et non par exploitant chacun pour soi. A l'inverse, ce morcellement ne paraît pas de nature à limiter l'usage des instruments aratoires, non décrits au demeurant, puisque l'arpentement de 1757 recense 118 bœufs et qu'un droit de charrue frappe les Cousançois : une corvée au temps des saisons de carême et deux aux temps d'automne. Le fait qu'y sont tenus ceux qui possèdent une charrue entière dans leur maison, une demie, un tiers ou un quart laisse supposer un mode de coopération entre exploitants, mais rien n'en précise les modalités. Quant aux instruments aratoires, la seule indication se trouve dans la description des corvées auxquelles sont obligés les manants qui ne possèdent pas de charrue, à savoir «sécher et faner à fourche ou râteau les premiers fruits». C.- Les produits de la terre A coté des «terres de s les», des vignes et des prés, s'ajoutent des jardins, des vergers, des chènevières dont certaines sont plantées d'arbres fruitiers. Pour les prés, l'usage semble évident ; les bœufs recensés pour établir le montant de l'impôt du par chacun partagent leur superficie avec les vaches. signalées par ailleurs, mais sans quantification.

34 Cousance et les Cousançois p.34 Quant à la vigne, si les nombreuses obligations assujettissant les preneurs et exploitants sont largement énumérées, rien ne précise les cépages implantés ni même la «couleur» du vin produit. Parmi les rares témoignages relatifs aux cépages cultivés dans la baronnie de Chevreaux, le premier remonte à 1629 et concerne un homme de Digna, un nommé Monnin, qui devra donner au seigneur «tous les ans du muscat pour en faire deux fillettes de vin blanc s'il y en a assez». Un siècle et demi plus tard, l'inventaire après décès des biens de Claude Gavand, vigneron à Cousance de son vivant, en 1760, détaille le stock laissé par le défunt, à savoir «dix-neuf barraux de vin en six pièces... dont il y a deux barraux de vin blanc...». La nature de l'exploitation des terres de s les ne transparaît qu'à travers les indications du taux de prélèvement du seigneur sur la production des blés d'hivers et des blés de carême ou encore l'offre des différents pains -pain blanc, pain bis, pain pur froment. Ailleurs, seuls les «grains» des «terres ensemencées» sont évoqués. Les autres ressources agricoles ne sont connues qu'à travers les censées prélevées sur la production de plusieurs biens situés à Cousance et à Fléria : grains, vins, huiles, fromage, noix, jambons, volailles. A celles-ci, il y a lieu d'ajouter de façon certaine, les porcs qui bénéficient de la glandée à des dates bien déterminées. Il devait également y avoir des ovins et autres animaux, puisque dans les charges de la communauté, apparaît en 1772 le loyer d une maison pour le berger et pâtre. Aux foires de Cousance, pourtant, s'offrent d'autres animaux : aux mulets, ânes, bœufs, vaches et autres taureaux se mêlent les juments, poulains, porcs, cochons, truies, brebis, agneaux, chèvres, boucs Même si le passage de tels animaux sur les planches est taxé, rien ne permet d'affirmer que ceux qui se retrouvent au marché viennent exclusivement de l'extérieur. D.- Les revenus de la terre Sur ce point non plus, les archives ne permettent pas une vue d'ensemble de la situation et deux aspects semblent à prendre en considération. Le premier se rapporte aux aléas qui obèrent les récoltes : les maladies et les accidents climatiques. Seule la dernière de ces calamités fait l'objet de renseignements partiellement utilisables : les dates de ban des vendanges varient en effet d'une année à l'autre : en octobre en 1700 et en 1701, le 18 les deux années, par exemple, et au mois de septembre en 1704, le 23, en 1758, le 20 et en 1761, le 25 Le second a trait à la pluralité des ressources du cultivateur et qui peut atténuer, dans certains cas, les conséquences du premier. L'arpentement le montre : un peu plus du quart des entités imposables (45) comprennent terre, vigne et prés. Parmi eux, certes, une grande disparité existe puisque 9 d'entre eux possèdent la moitié de la superficie des sols, dont 6 font partie des «non cultivateurs» cités ci-dessus. Il reste quand même une bonne part d'exploitants agricoles qui pratiquent de la sorte la polyculture. Pour les autres, 37 possèdent des terres et des prés et 27 de la vigne et de la terre. Claude Gavand illustre un usage semble-t-il bien ancré à Cousance, puisqu'il diversifiait ses ressources de viticulteur avec quelques terres cultivées, une mère vache et ses deux petits taureaux de l'année. En revanche, 51 n'exploitent que de la terre, et le plus souvent de petites parcelles, ce qui fait penser à de l'hortillonnage de subsistance ou de complément de ressource de modeste commerce. A cette description, il convient de rappeler les prélèvements auxquels les différentes autorités soumettent les manants et qui prennent d'autant plus d'importance quand ils revêtent la forme d'un versement en argent et non d'un pourcentage de la récolte.

35 hier et avant hier p.35 E.- La diversité des ressources Rien n'échappant au fisc, et pour compléter l'inventaire des ressources liées à la terre, l'arpentement enregistre également, pour le soumettre aussi à l'impôt, tout ce qui est moyen de création de richesse : - 2 usines ; boeufs ; - 1 cheval ; - 4 juments ; - 2 poneys. En ce qui concerne les «usines», il s'agit des deux moulins alors en activité dont la production s'intègre essentiellement dans le processus de traitement des produits de la terre : production de farine, battoir de chanvre... Quant aux animaux, ils sont taxés généralement sur la base d'1 sol par tête. Leurs propriétaires en détiennent le plus souvent deux, parfois quatre et une fois huit, ce qui semble écarter, pour ceux-ci, des ressources liées à un élevage à grande échelle et orienter plutôt leur activité vers l'attelage et les instruments aratoires. Eparpillement et parcelles de petite taille en général, compatibles avec la vigne ou le jardinage, peut-être, qui représente 7,5 % de l ensemble, ne favorisent pas une culture efficace et rentable des terres arables, 76 % de l ensemble. Les prés, également dispersés, 16,5 % du patrimoine foncier taillable, accueillent vraisemblablement un cheptel dont la valeur fiscale des prés intègre le revenu, mais ne pouvant se limiter aux seuls animaux directement liés à la production agricole notamment pour l attelage (118 bœufs, 1 cheval et 4 juments et 1 poney) : à titre de comparaison, en 1790, 244 «bêtes rouges» ont été recensées. A côté de cet autre aspect de la polyculture déjà évoquée, il apparaît que, dans la seconde partie du XVIIIè siècle, un peu plus de cinquante personnes, qui s'ajoutent aux détenteurs de sol, ne sont imposées qu'au titre de leurs facultés contributives ; parmi les propriétaires, nombre d'entre eux voient également leur taxation augmentée du fait de leurs «facultés». Dès lors, et sans nier les importantes disparités entre laboureurs, rester à une lecture immédiate de ces chiffres conduirait à une méconnaissance de la réalité car si, à une époque, le manant voué à la glèbe s efforçait de pourvoir à tous ses besoins par lui-même sans recourir aux artisans faute le plus souvent de moyens, à une période postérieure, le développement de l artisanat à entraîné le mouvement inverse et nombre des nouveaux «industriels» selon l expression d alors ont pu trouver dans un lopin de terre le moyen d'assurer leur subsistance, tout au moins en partie. Par référence à l arpentement de 1757 et à des actes ou jugements de la même période, quelques exemples illustrent ce propos : - un maçon («masson»), Jean Claude Gavand, détient 17,80 ares de vigne, 51,98 ares de terre ; - le sabotier Joseph Gavand, quant à lui, se retrouve avec 23, 14 ares de vigne et 36,02 ares de pré ; - deux autres sabotiers, Antoine et Jean Gautheron, ont respectivement 51,36 ares de terre pour le premier et 5,92 ares de vigne et 43,16 ares de terre pour le deuxième ; - le menuisier Jean-Baptiste Lesne est assujetti à la taille pour 3,34 ares de vigne et 11, 76 ares de terre ; - un manouvrier, Nicolas Goyet, est imposé pour un jardin de 0,8 are ; - un marchand, Nicolas Poyard, est possesseur, selon le même recensement fiscal, de 67,12 ares de vignes, de 583,70 ares de terre et de 109,45 ares de pré ; - un marchand, Jean-Baptiste Grenier, dont la veuve se retrouve avec 420,11 ares taillables ; - un autre marchand, Antoine Depraz, inscrit, lui, pour 140,35 ares de biens, dont 74,74 ares

36 Cousance et les Cousançois p.36 de vigne ; - un boucher, Henry Gavand, est imposé pour 226,23 ares, de vigne, de terre (194,34 ares) et de pré... Il y a aussi Bernard Landoyre (ou Landoire), présenté comme laboureur en 1753 et comme aubergiste en 1755, qui se voit imposé dans l arpentement de 1757 pour 126,72 ares de terre. En regardant de plus près le document d'arpentement, il apparaît que 105 contributeurs paient impôt à la fois pour des revenus tirés de la terre et en raison de leurs «facultés», soit à peu près la moitié des imposés et il semble difficile de concevoir que tous exercent une activité complémentaire non liée à l'exploitation de la terre. En revanche, tout un pan de l'économie rurale échappe à l'analyse et ne se devine qu'indirectement : la rémunération des berger et pâtre suppose la présence de bêtes à laine et de troupeaux en nombre excédant les besoins de l'alimentation des ménages et recherchés pour la viande ou les produits dérivés, comme lait ou laine ; les dommages causés aux champs par des cochons et parfois même des vaches se voient assez fréquemment sanctionnés ; enfin, les volailles subissent les prélèvements seigneuriaux dans les terres acensées, autant de sources de revenus dont la part dans les moyens d'existence locaux reste mystérieuse, mais certainement très présente. Il est indéniable que, au fil des ans, Cousance prend un visage différent de celui des villages ruraux de l'ancien régime qui règne dans l'imaginaire populaire. Les Cras et Bian

37 hier et avant hier p.37 III.- Les Cousançois tous les jours La nature des témoignages a imposé un tel détour pour mieux connaître les habitants du bourg, comme si, avant la Révolution et sauf exception, les hommes du peuple comptaient moins que leur environnement politique et économique et qu'ils ne constituaient, pour tous ceux qui avaient une quelconque autorité sur eux, qu'une ressource parmi d'autres. La marquise d'antigny, l'église dans son ensemble, ont pu faire preuve de compassion à l'égard des pauvres ; mais ce sentiment n'était peut-être pas toujours dénué d'arrière pensée dans une rivalité pour l'exercice d'un pouvoir temporel au détriment de l'autre partie et, semble-t-il, toujours étranger à la rigueur dans les prélèvements imposés aux couches laborieuses. Ce n'est donc que de façon indirecte qu'il est possible d'approcher la réalité des Cousançois qui vivent dans ce contexte et de cerner leur vie quotidienne. 1.- La population A.- Le nombre des Cousançois Après les ravages des chevauchées d Henri IV et surtout ceux de la guerre de 10 ans ayant conduit à l annexion de Franche-Comté à la France de Louis XIV, il reste beaucoup de ruines et les habitants de Cousance se retrouvent en très petit nombre : 179 habitants : 38 hommes, 40 femmes et veuves, 92 enfants, 8 étrangers et un ecclésiastique. Par la suite, la révision du terrier de 1690 a conduit à convoquer 106 paroissiens ; ce faisant, l'agent chargé des convocations s'est adressé à deux reprises à un valet pour un laboureur et pour un notaire, et une fois à une servante, pour un marchand. Valets et serviteurs divers, non invités eux-mêmes à participer à la réunion prévue, faisaient partie du «feu», juridiquement représenté par le seul «chef de famille». Aucun document n'éclaire sur leur nombre, pas plus que sur celui des femmes - en dehors des veuves convoquées - ou des enfants. De la sorte, l'importance de la population de 1690 se voile d'une grande incertitude, incertitude accrue par la présence de 7 individus ignorés dans la liste des convoqués lors de la signature du procès-verbal de l'opération... Il en va de même pour 1757 où l'arpentement recense tous les détenteurs d'héritage ou autres actifs soumis à l'impôt ; là encore, le nombre de personnes faisant partie de chaque feu, hors son responsable au regard du fisc, reste inconnu. Seul le nombre de foyers cousançois soumis à l'impôt peut être approché avec une relative précision : une fois déduits de la liste tous ceux qui, de façon certaine, ne demeurent pas à Cousance même et les entités non personnelles, comme la cure, par exemple, il s'élève à environ 180. Ces seules indications n'apportent pas grand éclairage sur l'évolution de la population cousançoise à travers les temps ; en particulier, l'évolution du nombre de feux entre 1690 et en assimilant un foyer fiscal à un feu - pourrait résulter de deux facteurs dont la part respective reste indéterminée. Le premier pourrait résulter des conséquences du rachat de la mainmorte en ce que la disparition de cette dernière aurait pu encourager ou simplement faciliter une «décohabitation» entre le chef de famille et des héritiers directs potentiels ; le second traduirait un accroissement réel du nombre de Cousançois, soit naturellement, soit par l'afflux de nouveaux arrivants attirés par le développement de l'activité commerciale ou artisanale. B.- De nouveaux Cousançois Entre 1690 et 1757, bien que les deux documents n'aient pas eu la même finalité et n'aient pas recensé l'ensemble de la population, de nombreux patronymes ont disparu de Cousance et d'autres

38 Cousance et les Cousançois p.38 sont apparus. Ainsi, 28 noms ne se retrouvent plus après 1690, soit 34 «chefs de ménage» ; pour ceux qui disparaissent, le patronyme est donc le plus souvent porté par un seul représentant, alors que ceux qui se maintiennent sont très majoritairement portés par plusieurs personnes. Les activités exercées par ces «disparus» entrent dans le domaine de l'agriculture pour 16 d'entre eux (laboureurs, vignerons ou manouvriers) et 7 marchands ou artisans. Mais la raison des disparitions reste obscure : départ vers d'autres cieux ou extinction d'une famille sans héritiers, voire transmission des biens pris en charge par un gendre. En revanche, dans l'arpentement de 1757, près de 60 nouveaux noms apparaissent pour un peu plus de 80 contribuables ; une grande majorité d'entre eux, plus de 70 %, est imposée uniquement au titre des facultés contributives ou, à la fois, des facultés et d'une petite portion de terre ; cette dernière catégorie est majoritaire, puisque moins de 15 ne sont imposés qu'au titre des facultés. Les superficies de terre possédées restent généralement très faibles, principalement quelques ouvrées de vignes, quelques perches de terre de s les qui évoquent le plus souvent de grands jardins ou de petits prés. Un faible nombre dépasse les 4 ha. De la sorte, il semble difficile de voire dans l'exploitation agricole la principale source de revenu des ménages concernés. Parmi la minorité qui ne se voit imposée qu'au titre de revenus tirés de la terre, une large majorité ne dispose que d'une faible superficie qui évoque l'hortillonnage ou le revenu de complément d'un employé du commerce ou de l'industrie, familiale éventuellement. C.- La santé des Cousançois L'état sanitaire de la population cousançoise se laisse aussi difficilement cerner que son nombre. Certains inventaires après décès ou contrats de mariage laissent apparaître une mortalité de personnes relativement jeunes. Des défunts laissent derrière eux des enfants dont l'âge peut être précisé : un certain Moissin laisse deux filles de 8 ans et de 6 mois et deux garçons de 7 et 4 ans ; Claude Gras, certainement un peu plus âgé que Moissin, a au moins un garçon majeur ; Claude Gavand en a aussi, puisqu'ils qu'ils recevront des chemises taillées dans celles que laisse leur père, mais l'inventaire n'indique ni leur âge ni leur nombre. Des mariages unissent des hommes et des veuves dont certaines n'ont pas d'enfant, comme celui conclu entre Gaspard Didier et Anne Ladoy, veuve sans enfants, ou encore Jean Claude Gavand et Anne Blanchet, deux fois veuve et sans enfants cités dans le contrat de mariage. Sauf à préciser qu'ils sont ou non majeurs, les actes n'indiquent pas l'âge des époux. La levée de la milice, à la fin du XVIIIè siècle, n'offre d'indications que par ensembles de communes n'ayant pas obligatoirement de rapports, même de voisinage, entre elles ; bon an mal ans, pour les regroupements où Cousance est intégré, environ 30 à 40 % des jeunes en âge de servir dans la milice doivent être renvoyés dans leur foyer pour des raisons de défaut de taille ou d'infirmité, ce qui ne laisse tout de même pas trop bien augurer de l'état sanitaire de la population d'alors. D.- Le niveau d'instruction Quant à l'instruction, force est de constater qu'elle reste très partagée parmi ceux qui passent pour «l'élite» de la communauté, mis à part les notaires, greffiers et praticiens qui savaient lire et écrire. Lors de l'opération d'arpentement de 1757, sur les quarante présents, dix-neuf seulement savent signer ; et parmi les signataires, il faut remarquer que la possession des terres et la richesse relative des propriétaires ne constitue pas un critère de savoir, impression confirmée par

39 hier et avant hier p.39 le nombre de ceux qui, moyennement aisés, ne savent pas signer. D'autres, semblent surtout savoir «dessiner» leur nom, comme Doussain. En 1765, pour une opération routière, sur les 34 habitants accompagnant les échevins, 20 savaient signer ; toutefois, aux élections de 1790, censitaires, dans une population plus large que Cousance, 9 électeurs sur 68 ont signé le procès verbal des opérations ainsi que 16 éligibles sur 53. Pourtant, il ressort d'un contrat conclus avec Claude Joseph Malpas le 10 mai 1788, dont le contrat est renouvelé ce jour, que Cousance avait recours à ses services de recteur d'école depuis déjà 21 ans. 2.- Vivre à Cousance Les Cousançois ressemblent certainement aux autres francs-comtois ; aucun document particulier à eux n éclaire une recherche sur leur vie quotidienne, leurs habitudes ni même qui ils sont. A.- Le niveau de vie Le niveau de vie des Cousançois, se laisse difficilement cerner, si ce n'est qu'une large disparité de situations semble répartir les habitants sur l'échelle sociale : à défaut de statistique officielle ou de rapport aux autorités, par exemple, il faut glaner ici ou là un document éclairant sur la situation financière de l'un ou l'autre, à l'occasion d'un mariage ou mieux encore d'un décès impliquant un inventaire des biens du défunt. a.- Mariages et décès Le mariage de Jean-Claude Gavand, en 1760, donne un premier aperçu, partiel, du niveau de vie d'un vigneron : le trente et un décembre, avant la célébration du mariage, les deux promis se sont retrouvés chez le notaire et «pour donner des marques à la future de l'amitié qu'il a conçue pour elle, (Jean-Claude) lui donne et accorde durant sa vie l'usage et usufruit d'une chambre à feu et d'une écurie», héritées de son père, feu Jean Gavand, situées au village dudit Cousance, bâties en pierre, couvertes de tuiles creuses, du jardin en dépendant et environ une mesure de chènevière peuplée d'arbres fruitiers, plus d'une terre de s le d'environ deux mesures ; elle jouira en outre de ces biens, en cas de prédécès du futur époux et à la condition que ladite future épouse paie les charges courantes qui se trouveront affectées sur les choses qui lui sont données en usufruit et estimées, à la date de l'acte, à douze livres. La donation en usufruit de Jean-Claude Gavand à sa future n'inclut pas la vigne qu'il ne doit pas manquer d'exploiter, puisqu'il se dit vigneron ; une trace en figure dans l'arpentement de 1757 de Cousance pour quatre ouvrées, soit 17, 80 a, superficie minime, notamment au regard des 52 a de terre autre, et vraisemblablement insuffisante pour vivre de la vigne, ce qui conduit à envisager d'autres possessions hors de Cousance, mais sans que la preuve puisse en être apportée. Un autre Gavand, Claude, également vigneron, décédé en 1760, apporte une réponse sur ce dernier point. En effet, il exploitait sur Cousance un verger d'environ une mesure, une terre, d'environ une mesure et demie, et un pré, d'un tiers de soiture ; à cela s'ajoute une «vigne nouvellement créée plantée abergée, tenue du seigneur de Chevreaux et du sieur Letroublon, contenant environ quatorze ouvrées...». Mais, ces terres cousançoises s'accompagnent de trois mesures de terre sur le territoire de Cuisia. et de deux autres que l'inventaire ne situe pas - mais hors de Cousance - ni n'en précise la destination, probablement des vignes au moins en partie. L'inventaire après décès, dressé le 9 mai 1760 laisse paraître une relative pauvreté, car tous les objets, en dehors de l'outillage qui semble en meilleur état, se voient qualifiés de «mauvais» tout

40 Cousance et les Cousançois p.40 comme les vêtements en nombre cependant assez conséquent. Quant aux immeubles, l'inventaire recense «une grange couverte à tuile avec deux pièces de chaque côté, une à matin et l'autre à soir pouvant contenir chacune desdites places environ quinze à seize pieds... ladite grange en mauvais état...». Il n'est bien entendu pas possible de tirer de conclusions générales de ces quelques exemples qui laissent malgré tout une impression de vie sans grande aisance mais quand même éloignée de la grande misère. b.- Les écarts de niveau de vie D'autres exemples illustrent les écarts de fortune entre les différents habitants de Cousance : ainsi, la grange en pierre couverte à tuiles avec une pièce de chaque côté laissée en 1760 par Claude Gavand, doit se comparer avec le petit domaine qui appartient en indivision à deux soeurs du chef de leurs parents et que, en 1766, elles se partagent : une maison et une écurie en bois, les deux couvertes à pailles ainsi qu'une vingtaine de mesures «de terre de la s le», sans que rien, dans l'acte, ne précise les modalités de transmission. D'un autre côté, dans les biens d'un défunt, parmi de multiples objets se rencontrent une épée et un violon... L'état des bâtiments n'apparaît pas, la seule précision ayant trait à la nature du matériaux de construction et de couverture ; à la fin du XVIIIè siècle, les constructions en bois couvertes de paille ne semblent pas faire exception : en 1769, un chirurgien de Cousance achète «une baraque bâtie en bois et couverte à paille sise au lieu dit de Fléria. consistant en une cuisine et une écurie avec four». Tous les objets figurent dans l'inventaire : de vieilles planches de bois ou encore de la ferraille font l'objet d'une estimation ce qui sous entend que tout a une valeur d'usage, soit de récupération, traduisant ainsi les traits d'une économie de subsistance où tout, même la moindre chose, peut prendre une certaine valeur. Quant aux futurs époux, ils se font le plus souvent «bons et riches» des héritages à venir, tant de leur père que de leur mère et les sommes qu'ils s'accordent réciproquement, le plus souvent, sont à prélever sur l'héritage du «prémourant». En cas d'apport dans la société du mariage, les contrats n'inventorient pas toujours les biens ; le plus souvent, pour les futurs, il s'agit, par exemple, des biens à eux échus lors du décès de leur père et de ceux qui leur adviendront lors du décès de leur mère. L'apport des futures est généralement plus détaillé pour les biens «conséquents» : cela va, pour l'une, du mobilier, pièces de linge et de vaisselle, le tout estimé à 659 livres sans compter des capitaux divers et, pour une autre, à 100 livres héritées de son père et «un coffre de quatre livres, quatre draps de lit et les habits et hardes servant à son usage». Certaines reçoivent de leur père ou mère à l'occasion du mariage un peu de terre ou «un lit assorti à sa condition, un coffre ferré fermant à clé contenant les linges, nippes et hardes servant à son usage». Entre ceux qui donnent à leur épouse, en cas de pré-décès, une ou deux bêtes, une pièce à vivre et quelques perches de terre et ceux qui apportent une centaine de livres et leurs effets personnels, il y a un large éventail de situations où, semble-t-il, les marchands se distinguent généralement, et à leur avantage, des manants et artisans. c.- Les ressources minimum Ce qu'un mari donne ou laisse en usufruit à l'épouse, en cas de prédécès peut donner une idée des biens nécessaires à assurer une subsistance, une sorte de minimum vital : ainsi, Claude Gavant, un vigneron, comme détaillé ci-dessus, laisse-t-il à sa femme l'usufruit, sa vie durant, au cas ou elle viendrait à décéder après lui, une chambre à feu et une écurie, bâties en pierre et couvertes à tuiles creuses, le jardin en dépendant ainsi qu'une chènevière peuplée d'arbres fruitiers et deux

41 hier et avant hier p.41 mesures de terre de la s le. Ces documents n'apportent donc que peu de précision sur les personnes elles-mêmes et en particulier ils n'apprennent rien sur les vêtements féminins réunis sous les vocables généraux de «nippes et hardes» en usage. En revanche, Claude Gavand disposait d'un vieil habit de serge couleur noisette, deux vestes de coutil, une veste de drap avec un séret (?) de taille, une culotte de cuir, deux paires de guêtres, deux paires de bas de fille (?), une «culotte de boutons» et une paire de souliers ; pour être exact, il faut ajouter sept chemises sorties de l'inventaire et destinées à tailler des chemises pour les enfants, comme six draps lui appartenant également. B.- L'offre vivrière Sur ce thème, il semble plus aisé d'estimer les ressources et les offres alimentaires que d'appréhender ce que consomment les Cousançois. a.- Les denrées Au début du XVIIè siècle, les recettes de la baronnie de Chevreaux reposaient sur le froment, le seigle, l'avoine, les huiles, les noix, le vin, les jambons de porc et le fromage. Plus tard, au milieu du siècle, les droits de halles et de marchés touchent principalement l'épicerie et la boulangerie. Seules les «bêtes vives comme bœufs, vaches, veaux... taureaux, chevaux, juments... ânes, mules ou mulets, brebis, agneaux, boucs, chèvres ou cabris» ou «chaque porc cochon ou truie» sont taxées. Mais les contrôles exercés au nom du seigneur concernent aussi le prix d'autres produits : gros fruits, pain, vin, viande, froment ou mélange de grains comestibles (seigle, et froment ou seigle et avoine), avoine, orge, pois, fèves, chènevis» mais aussi «toutes autres sortes de graines, marchandises et denrées que ce soit». Par la suite, des mesures de taxation touchent d'autres produits, en particulier différentes sortes de viande, introduisant chaque fois des distinctions qualitatives. L'élargissement de l'éventail de l'offre s'accompagne de l'accroissement du nombre des professionnels exerçant des métiers de bouche, à commencer par les bouchers qui arrivent à trois au milieu du XVIIIè siècle contre un seul en 1690 ; s'il n'y a qu'un boulanger, apparaissent en nombre les cabaretiers, 8, et les aubergistes, 2. Toutefois, cette évolution peut aussi correspondre à l'essor économique décrit ci-dessus, probablement lié en grande partie au passage et à la spécialisation grandissante des activités économiques. Mais, rien ne permet de déduire quoi que ce soit quant au nombre et à la qualité des consommateurs de pain blanc ou de «beau boeuf». L'incertitude de la situation est renforcée par l'absence de certaines denrées dans les mesures de taxation - sauf à conclure qu'elles étaient vendues à un prix raisonnable - comme les pois, fèves, légumes en général et animaux de basse cour, voire encore le «jambon de cochon», ressource de la baronnie au début du XVIIè siècle. Pourtant, différents documents se réfèrent expressément à la présence de cochons, comme en 1679, par exemple, plusieurs condamnations sanctionnent des dégâts causés sur la terre d'autrui, par des porcs ou des truies. Dans un autre article, le terrier exprime les droits de redevance du seigneur, argent, bien entendu, mais aussi grains, vins, huiles, noix, fromage, jambon, volailles... b.- Les prix Un tel tableau pourrait peut-être témoigner de l'inertie du monde paysan devant le changement et du maintien en vigueur d'une importante polyculture vivrière, comme le laisseraient supposer des inventaires après décès ou l'inventaire des professionnels exploitants agricoles comme cela se rencontrait encore dans les années 1750.

42 Cousance et les Cousançois p.42 En 1701, à titre de comparaison, la livre de pain blanc de froment est taxée 1 sol le même jour que la pinte de vin de Cousance à 1 sol et 6 deniers : avec le prix d'une pinte de vin, le Cousançois peut s'offrir une livre et demie de pain blanc. En 1729, pour répondre aux récriminations populaires, une nouvelle taxation interfevient : le prix du vin rouge à 2 sols et du vin blanc, qui fait son apparition officielle dans le commerce, à 6 liards, soit 1 sol et 6 deniers la pinte ; il y a donc une légère augmentation par rapport à 1701, si le vin rouge peut s'assimiler au vin «commun» d'alors ; mais le pain blanc augmente également, puisqu'il passe à 1 sol et 6 deniers contre 1 sol en 1701 ; cette nouvelle taxation fait augmenter le pain blanc très légèrement plus que le vin commun ; mais le manant peut aussi se contenter de pain plus courant, à 1 sol et 3 deniers, soit moins cher que la pinte de vin commun et même que celle de vin blanc. Suivant la nouvelle taxe de 1753, les prix ont continué d'augmenter sensiblement, puisque la pinte de vin rouge nouveau est taxé 3 sols, soit le double du vin «ordinaire» de 1701, le vin vieux à 4 sols, et le vin blanc, à 2 sols et 6 denier. Le pain blanc lui-même subit une augmentation identique et se retrouve, lui, à 2 sols, soit aussi un doublement du prix de Ainsi, le rapport entre les prix du vin et du pain restent dans le même ordre de grandeur. c.- Les revenus Les vignerons, grâce à une possible évaluation du rendement de la vigne, peuvent entrouvrir une perspective d'appréciation des revenus. En effet, dans les années 1660, le seigneur estime que la mise en culture des 140 ouvrées encore en friche pourrait rapporter «sept poinsons de vin à dix écus la queue, soit 95 livres», ce qui amène à environ à 8 à 9 pintes à l'ouvrée. Les abergeages en hermitures pratiqués dans ces mêmes années 1660 prévoyaient un partage des fruits entre le seigneur et le preneur à raison du tiers pour le premier et les deux tiers pour le second, tirant alors environ 6 pintes à l'ouvrée, soit l'équivalent en 1701 de 9 livres de pain de froment. La réalité doit cependant modérer ce résultat «optimiste» : l'équivalence entre vin et pain repose sur le prix du vin vendu par l'aubergiste qui, en fait, le paye moins cher au producteur, aux alentours de 1 sol ou à peine plus la pinte ; de plus, sur ses revenus, le vigneron doit payer la taille, la dîme, les diverses redevances et la rémunération des garde-vignes, «le panier de Madame» comptant six grappes de raisins, la dîme de Dieu sur le vin à raison d'une pinte pour seize pintes produites et les cens ordinairement dus au seigneur, également en vin, sans oublier les pères mendiants des couvents alentour qui viennent quémander, eux aussi, du vin. C.- La vie de la communauté a.- Les infractions Toutes les règles énoncées subissent des infractions sanctionnées par la justice seigneuriale selon un barème variant le plus souvent entre trois et soixante sols en raison de leur nature ; les amendes répondent aussi à l'impératif de préservation des intérêts qu'elles sont censées sanctionner : l'intérêt collectif - plutôt que général dès lors que les biens communs ou particuliers se trouvent atteints-, les droits et privilèges seigneuriaux et l'ordre public au sens le plus large du terme, couvrant tant le blasphème du saint nom de Dieu que le crime de sang. Au hasard des archives, sans faire une étude exhaustive de cet aspect de la vie sociale, les années 1679 et 1728 sont riches en amendes pour non respect des interdits sur le pâturage des animaux : des vaches, en particulier, mais aussi des porcs sont vus dans des prairies en dehors des dates autorisées, paissant le regain, ou dans des bois ; ces animaux appartiennent à des laboureurs mais aussi à un cabaretier ou à des hommes de loi, praticien et même sergent de justice. En 1774, de nombreuses personnes sont surprises en train de couper du bois et en 1782, de

43 hier et avant hier p.43 multiples infractions sont relevées : ainsi, sept Cousançois se voient condamnés à l amende prévue et au paiement d une somme identique au profit du propriétaire «à titre de restitution» : - pour des fagots illégalement coupés : Basset, Vaucher (deux fois), Louis Pachoz, Jean Guillemin, Bornay (deux fois), Brangea, et Benoit Guigou ; Marie Gavand, elle, a été contrôlée avec une verne de deux pieds et demi de tour. - pour avoir fait paître des vaches, parfois à de multiples reprises dans les terres d autrui : Louis Vaucher, vigneron, a été pris trois fois, tout comme Antoine Depras le Jeune ou Louis Noblet ; Grusillon, Jean Baptiste Noblet, Duclocher, Pierre Gavand et Nicolas Gagnon ont été condamnés à deux reprises ; d autres ne l ont été qu une fois : Poyard, pour une vache, Claude Bernard, pour deux vaches, Poupard, pour une vache, Guillaume Baboz, pour quatre bœufs, Duclocher, pour deux vaches et deux taureaux dans le regain des prés des Bretelières, Guillaume Poyard, pour deux bœufs, Pierre Brenot, pour une truie, Claude Saulneret, pour une vache et Pierre Roussel, pour une vache également. Là encore, les affaires ont des témoins dont les motivations prêtent à interprétation : l'intérêt général peut les animer lorsqu'il s'agit de préserver les bois communs ou les terres en culture ; en revanche, lorsque le contrevenant, cabaretier, se voit accusé d'avoir servi à boire à un moment frappé d'interdiction, la vénalité, ni encore la vengeance personnelle ne sauraient être écartées : Jean Baptiste Saulneret doit payer 50 livres d'amende pour avoir donné à boire et à manger le 26 septembre 1773 à quatre heures de l'après-midi à deux personnes, ladite amende étant versée pour un tiers au seigneur, un tiers à la fabrique de Cousance et un tiers aux dénonciateurs ; Claude Doussaint a subi la même peine pour le même motif et à la même date, l'amende étant aussi répartie entre le seigneur, la fabrique et les dénonciateurs ; le consommateur, Jean Gautheron, sabotier, a lui aussi écopé d'une amende. Toujours en 1774, deux autres affaires ont concerné des cabaretiers ayant porté atteinte au droit seigneurial de banvin : Claude Doussaint et Henry Gavand pour avoir été surpris vendant du vin, l'un et l'autre le 16 mai alors que le droit de banvin s'étend sur les mois de mai et juin : il leur en a coûté 60 sols estévenants chacun. b.- Horions, agressions et conflits La justice, toutefois, ne borne pas son action à la distribution de sanctions pour les infractions commises aux règles énumérées dans les terriers ou les atteintes aux privilèges seigneuriaux : elle intervient également en cas de crimes de sang, comme pour l'assassinat avec préméditation de Claude Bonna par son beau-frère, Claude Morel en 1733, ou encore de litiges entre personnes. Les horions pleuvent en effet assez fréquemment et sans prétendre, là non plus, à donner une image exhaustive des relations entre les individus avant la révolution, quelques exemples peuvent illustrer le mode de vie parfois fruste des Cousançois. En 1679, Claude Rémond, dit Gourdon, est frappé d une amende pour «batture» et outrage envers la personne de Claude Maréchal ; en 1716, monsieur Poyard, plus ancien praticien de Cousance en l'absence du seigneur, porte plainte au nom de Pierre Pariset, fils de Guillaume, qui s'est fait rouer de coups le 29 juillet par Jean Baptiste Gras : alors qu'il gardait tranquillement ses vaches, l'autre l'a battu avec du bois servant à lier les blés, «sur le dos et sur les épaules avec tant de violence qu'il lui a fait plusieurs meurtrissures et contusions», l'a pris par les cheveux et lui a «délaché» plusieurs coups de pied... ; en 1752, Pierre Caillet, laboureur, demeurant à Fourgouzon, se plaint d avoir reçu divers coup de Pierre Michaud en livrant du bois à Philibert Lacourbe, boulanger ; en 1761, Nicolas Goyet, manouvrier de Cousance, est condamné pour avoir battu et maltraité un autre homme. La fonction des personnes investies de l autorité ne les préserve pas non plus de prises à partie pour le moins véhémentes : un garde forestier a été battu par un Cousançois et sa femme ; en

44 Cousance et les Cousançois p , un différend opposant Joseph Marie Charton, échevin, et Claude Michaud ; en présence de la plus grande partie des habitants assistant à l opération de contrôle, Michaud a pris la défense d un Cousançois estimé réfractaire aux travaux imposés au titre d'une corvée alors que, selon lui, il avait effectué la tâche qui lui incombait ; après les insultes d usage, l un prend l autre par le nez, l autre de défend à coups de règle Parfois, des conflits doivent se régler devant le juge ; une procédure est engagée en 1727 par Pierre Poyard, tonnelier, qui accuse deux habitants de Digna d avoir attenté, pour le moins, à la pudeur de sa fille qui n a du de ne pas se retrouver complètement nue qu à ses cris d alarme ; sur des questions moins dramatiques, Pierre Guichard, garde étalon de Cousance, demande en 1724 que deux personnes de Beaufort soient condamnées à une amende de cinquante livres pour avoir fait saillir deux juments par un cheval leur appartenant, sans passer par ses services, demande assortie d une revendication de saisie et des pouliches et des poulains à venir ; il se voit confronté à des difficultés du même ordre en 1728 et intente une action contre Claude, fils d Hugues Bérard, marchand à Cousance, qui n a pas payé les services dispensés par son étalon à deux juments appartenant au dit Claude Bérard. A l inverse, il se voit lui-même condamné en 1731 pour n avoir pas présenté son étalon à une visite de contrôle de En 1716, Anne Sauneret, este en justice contre Henry Roussel, de Cousance, car «elle a eu le malheur de succomber aux pressantes sollicitations suivies de promesses de mariage» qu'il lui avait faites et «se trouve enceinte de ses oeuvres» ; elle demande six cent livres de dommages et intérêts ; son «corrupteur est accoutumé à conduire des causes de l'espèce de celle-ci ; il n'a pas fait son premier essai avec la suppliante ; elle n'est pas la première qui lui a donné lieu de saisir le temple de la justice de ses désordres et de son infidélité». Elle a toujours vécu en honnête fille, mais elle était servante dans la maison du notaire Roussel, frère du suborneur : «une jeune fille exposée aux ardeurs d'un homme veuf accoutumé à séduire l'innocence» ne peut résister aux sollicitations, surtout qu'il l'emmenait pratiquement tous les jours travailler dans les bois, dans la vigne ou les turquies : «là cette innocente victime pouvait-elle ne pas succomber aux feux honteux de son séducteur»? D.- un contexte difficile D'autres affaires, à la marge des ces différends prenant parfois un tour violent, donnent une idée du contexte de l'époque, non tant pour les faits qu'ils relatent, mais plutôt pour le climat général qu'ils traduisent. Le premier d'entre eux peut résulter d'une disette chronique ou simplement du sentiment de manque de nourriture et de la cherté des aliments, voire l'envie que les riches suscitent dans l'esprit des plus pauvres : en août 1774, Joseph Julien, cabaretier, et François Clerc, laboureur, accusent Antoine Grenier, d «arrher» de nuit tous les blés du voisinage pour les vendre dans le duché de Bourgogne au détriment de la Comté, de sorte qu il ne s en trouve plus au marché de Cousance et que les prix montent. M. Bonot, qui ne précise pas sa fonction, mais qui peut être notaire ou parent proche d'un notaire de ce nom, écrit en septembre 1774 au subdélégué pour l informer que cette dénonciation relève des «jalousies de campagne enfantées par des gens oisifs», propos confirmés par le curé Bourgeois. Un second, moins complexe à analyser a priori, illustre d'abord la crainte des ravages des épizooties mais aussi la réaction d'une population démunie face à un phénomène impossible à contrarier et sans doute également la vanité du recours aux soins officiels, inefficaces ou trop onéreux pour les manants : le 30 novembre 1778, Charles André de Lacoré, subdélégué, s élève contre les pratiques de Jean Roussel de Cousance et lui interdit de soigner les animaux malades : «sur les représentations qui nous ont été faites que M. Jean Roussel de Cousance qui n a ni

45 hier et avant hier p.45 principes ni connaissances dans l art vétérinaire, abuse de la crédulité des habitants des environs et s ingère malgré les défenses qui lui ont été faites, de traiter les bestiaux attaqués par la maladie, surtout dans la communauté de Saint-Laurent de la Roche, ayant lieu de craindre que son ignorance dans cet art ne prolonge et n augmente même l épizootie qui sévit dans ce village» Ledit Roussel se défend, en parlant de lui à la troisième personne, en prétendant «qu instruit dès sa jeunesse par Claude Bernard son beau-père dans la science et la méthode de traiter et guérir le bétail rouge, il a exercé cette méthode avec succès» Il annonce un certificat de quinze communautés différentes ; les habitants de Cousance, Gizia, Digna et Saint-Laurent auraient même délibéré en sa faveur E.- Les Cousançoises La place des femmes ne ressort pas des archives cousançoises et, d'ailleurs sur ce thème, la documentation spécifique fait assez généralement défaut : les cousançoises ne font pas exception et prennent naturellement leur part dans l'économie paysanne. Pourtant, les décisions de justice n'impliquent guère que des hommes : une seule femme, Marie Gavant, en 1774, y apparaît, et encore pour le seul transport d'une «verne de deux pieds et demi de tour». Donc, tout ce qui peut être affirmé, c'est que dans tous les actes de la vie, et même quand il s'agit de la gestion des biens communs de la société née du mariage des deux époux, la femme est présente, mais «autorisée» par son mari. Dans un tout autre registre, les femmes semblent plus attentives à leur vie éternelle, du moins le manifestent-elles plus que les hommes, ainsi qu'à la charité par des donations auxquelles, éventuellement, leur mari serait chargé de procéder en cas de décès préalable de la conjointe : en 1771, Thérèse Roch, femme de Claude Larippe, lègue d'importantes sommes d'argents à des membres de sa famille, ne laissant à son époux que l'usufruit de ses biens sa vie durant, à charge pour lui de prier pour elle ; et elle instaure en outre pour héritière universelle la fille naturelle d'une Cousançoise. Dans son contrat de mariage avec Jean Claude Gavand, Anne Blanchet laisse à son époux une somme de 300 livres, somme sur laquelle elle retient 20 livres qu'elle entend employer pour faire dire des messes pour le repos de son âme après son décès ; à cette somme, elle ajoute 30 autres livres pour une donation à qui lui conviendra, quitte à ce que son futur exécute sa volonté après son décès. 3.- Les mutations sociales : les édiles et la vie publique Au fil des actes, des chartes ou des décisions collectives, des noms et des fonctions apparaissent, des nuances s'introduisent dans la présentation des individus : tout d'abord des riches et des pauvres, mais aussi des échevins, des «principaux habitants», des hommes de loi et d'autres personnes voient leur nom précédé du qualificatif de «sieur». A.- La noblesse Vers la fin du XVIIIè siècle, la terre demeure encore prestigieuse et assiette principale de la puissance : ainsi, aux nobles, représentés essentiellement par le seigneur de Chevreaux, se joignent les vassaux fieffés, M. de la Curne dont le fief passe aux Montconnis et M. de Borneuf, titulaire de Byans mais aussi conseiller maître aux comptes ; ils se retrouvent dans le document d'arpentement, pour former localement la classe la plus haute de l'époque.

46 Cousance et les Cousançois p.46 B.- L'élite sociale Un peu plus bas que les nobles dans la hiérarchie, figurent des gens en capacité d'acheter des charges publiques et dont certains sont directement issus du groupe des manants ; à l'inverse de ces derniers, d'autres, comme par exemple le chirurgien Micholet qui possède nombre de terres ou le sieur Michel Billet, praticien, greffier ordinaire de la justice qui se retrouve également en bonne place dans l'arpentement de 1759, investissent dans la terre, comme placement, comme source de revenus complémentaires ou encore comme marque de pouvoir, fut-il très local. Dans ce groupe, une famille de meunier et d'artisans ou vignerons, la famille Depras s'illustre ; l'un, Antoine Depras, devient garde royal préposé à la conservation des bois et un autre sergent de justice. Un Poyard, Claude, jadis praticien (auxiliaire de justice), le plus ancien en 1713, devient notaire royal par la suite, alors que d'autres Poyard, aisés malgré tout, sont laboureurs. La famille Letroublon entre également dans cette catégorie, à la suite de l'un d'entre eux, praticien au XVIIè siècle, qui achète des terres et dont l'un des héritiers, François, nommé aussi le «sieur abbé et avocat Letroublon», dont les héritiers se retrouvent parmi les mieux nantis dans l'arpentement de La justice offre aussi des possibilités d'évolution sociale jusqu'à un certain niveau et qui permet, dans les énumérations, de voir leur nom précédé de l'adjectif «sieur» : Philibert Bonot, notaire royal, Jean Baptiste Bonot, ou encore Louis Roussel, eux aussi notaires royaux. C.- Les échevins Les échevins, ensemble informel plus que corps intermédiaire entre la noblesse et les manants de base, tirent leur épingle du jeu sur le plan financier, malgré les aléas de la fonction : dans un document de 1727 M. Letroublon rappelle des propos qu'il avait tenus au sujet de désordres qu'il avait constatés dans la gestion des échevins et qui perdurent : ceux-ci ne rendent pas de comptes de leur gestion et font élire «par leurs cabales» des commis parmi leurs parents et amis à leur dévotion ; ils peuvent ainsi engager des dépenses qui n'ont pas été délibérées par la communauté et intervenir dans la répartition des impôts, naturellement à leur profit. D.- Les nouveaux riches La chute de l'ancien régime devait marquer le terme des privilèges qui s'étaient constitués au fil du temps pour laisser place à une nouvelle classe sociale naissante : les marchands. Mais, déjà dans plusieurs documents, des personnes dont le noms apparaît précédé de la mention «sieur» ou «honoré», voire plus rarement «bourgeois» obtiennent une reconnaissance sociale en étant distingués par les rédacteurs des actes, eux-mêmes notaires ou greffiers, de la masse des manants, sans qu'une telle mention ne désigne une personne manifestement connue pour être investie d'une fonction officielle, notaire, sergent, praticien... à qui s'adressent habituellement ces qualificatifs. A titre d'exemple, en 1690, parmi les présents au lancement de l'opération de reconnaissance des droits généraux et seigneuriaux figurent bien naturellement Claude Poyard et Louis Roussel, notaires royaux, accompagnés de maître Michel Baydier, praticien, mais aussi le sieur Letroublon, honoré Antoine Grenier, honoré Jean Grenier et honoré Claude Roussel, fils de feu Louis, sans, cependant que rien n'indique ce qui leur vaut le qualificatif agrémentant leur nom ; en revanche, l'état des présents précise qu'honoré Jean Baptiste Coste et honoré Jacques Guichard ont la qualité de «marchand». Dans la même perspective, le recoupement des indications portées dans l'arpentement de 1757 avec d'autres documents, décèle d'autres «sieurs» : un marchand, Nicolas Poyard, un cloutier - selon toute vraisemblance, en raison de l'unicité du patronyme - Denis

47 hier et avant hier p.47 Picard et un autre marchand ou aubergiste, Michel Montariot. Après la Révolution, ces marchands et artisans allaient prendre une place importante dans la vie de Cousance. Moulin, dit moulin du Haut et le quartier du Chapeau Rouge

48 Cousance et les Cousançois La côte d'ajon p.48

49 hier et avant hier p.49 Partie III : Après la Révolution L amélioration des moyens de communication a profondément modifié le caractère de la commune ; la Révolution va achever le mouvement en libérant les hommes de l'emprise féodale et en donnant notamment la possibilité aux classes émergentes de prendre une place prépondérante dans la vie politique, économique et sociale, de faire valoir de nouvelles idées, de nouveaux points de vue et, surtout, de nouveaux intérêts. I.- La population L'évolution de la population cousançoise et ses fluctuations illustrent son histoire récente ; au lendemain de la guerre de 30 ans, Cousance comptait 179 habitants dont 8 étrangers ; en janvier 1789, 744 Cousançois occupent 204 feux ; en 1806, le bourg atteint déjà 1323 personnes dont une bonne part d'origine extérieure à la commune, mais seulement 1285 en 1811 ; dans les années , les recensements décomptent autour de 1500 âmes avec une pointe à 1579 en 1826, pour redescendre à 1057 en 1906 : la population finira par se stabiliser dans cet ordre de grandeur jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale en arrivant même à croître légèrement à 1133 habitants en Cette évolution traduit une situation économique et sociale bien particulière, à la fois héritage du passé dans ses aspects positifs comme dans ses points faibles et préfiguration d'un avenir plus difficile en raison même d'un développement antérieur en fin de compte fragile malgré les apparences. 1.- Cousançois? A.- Les mouvements migratoires Les mouvements migratoires, depuis la Révolution restent relativement constants dans leur ampleur durant le XIXè siècle. a.- La situation en 1809 En 1809, une part conséquente de l'accroissement de la population résulte de l'arrivée d'habitants extérieurs à la commune. Hors les enfants de moins de 12 ans exclus de la liste des habitants, les 469 natifs du bourg atteignent à peine la moitié de la population locale. L'origine des personnes nées en dehors de Cousance confirme toutefois l'attrait assez local du bourg, puisque sur les 478 «étrangers», la plus grande part vient du voisinage immédiat : 269 proviennent des villages alentour, parfois avec de forts contingents, dont : 45 de Cuiseaux, 37 de Dommartin, 27 de Varennes, 24 de Cuisia, 18 de Gizia, 16 du Miroir, 14 de Frontenaud, 12 de Rosay, 12 de Digna, sans oublier Augea, Beaufort, Sagy, Joude, Maynal, Graveleuse, Condal, Chevreaux, le Chanelet, Champagna et Beaufort. D'autres arrivants proviennent d'un peu plus loin ou de plus grandes agglomérations : Lons-leSaunier, Louhans, Orgelet, Saint-Amour, Sainte-Croix et même Paris (un cordonnier et un serrurier). Les enfants de moins de 12 ans ne figurent que numériquement, sans indication de leur lieu de naissance, ce qui empêche d'approcher la date d'arrivée des parents à Cousance pour ceux qui sont en âge d'en avoir. Toutefois, parmi les recensés, la catégorie des jeunes Cousançois de souche domine très largement et c'est dans les catégories d'âge de 22 à 51 ans que, à l'inverses, les natifs hors de Cousance sont les plus nombreux : il est alors possible de considérer que

50 Cousance et les Cousançois p.50 l'afflux extérieur a pris naissance - ou s'est amplifié - aux alentours de la Révolution. b.- La poursuite des migrations Il semblerait cependant hasardeux d'inférer une stabilité effective de la population proprement cousançoise ou de considérer que l'exil n'a touché qu'une part minime de la population d'origine, voisine de l'accroissement naturel : la disparition des patronymes signalée sous l'ancien régime se poursuit durant le XIXè siècle. Selon deux documents fiscaux, entre 1820 et 1881, nombre de familles s'éteignent à Cousance et de nouvelles apparaissent ; mais l'extinction, qui touche plus de 60 noms pour environ 180 familles, parait plus significative que l'apparition de nouveaux : parmi ceux-ci, se rencontrent celui de personnes déjà recensées en 1809 et qui ont donc pu accéder à la propriété entre temps. La diminution du nombre des familles homonymes - jusqu'à 6 familles portant le même nom en dénote l'arrivée de personnes ou de ménages isolés et non d'importantes fratries. c.- A l'aube du XXème siècle Le recensement de 1906 illustre la poursuite des mouvements migratoires : la diversité s'élargit puisque les chefs de ménage - y compris les femmes quand elles le sont devenues proviennent de 86 communes ; les conjointes sont issues de 64 communes différentes. L'aire de «recrutement» des nouveaux Cousançois tend à s'élargir tout en restant majoritairement dominé par une zone raisonnablement proche : le Miroir (23 chefs de ménages et 22 conjointes), Cuisia (19 chefs de ménages et 8 conjointes), Sagy (16 chefs de ménage et 9 conjointes), Frontenaud (6 chefs de ménages et 7 conjointes) ; des autres communes, comme en 1809, ne sont issus que quelques individus pour chacune d entre elles. Globalement, les chefs de famille natifs de Cousance ne représentent que moins de 40 % d'entre eux ; les conjointes cousançoises n'atteignent que 20 %. En revanche, les enfants nés à Cousance dépassent les 2/3 de l'ensemble, ce qui conduit à estimer que les arrivants sont, dans leur majorité, relativement jeunes, et que seule une minorité s'y installe avec femme et enfants. En outre, les Cousançois tendent à quitter leur village dans la force de l'âge et à n'y pas revenir pour terminer leurs vieux jours. De plus, le nombre des non natifs de Cousance est relativement constant pour les populations de ans à ans, ce qui tend à démontrer une certaine stabilité du mouvement migratoire. B- Le contexte départemental Cousance fait-elle exception dans le canton et dans le département? En 1881, une numération de la population a distingué les personnes nées dans la commune, celles qui sont nées dans une autre commune du département, celles qui sont issues d'un autre département ou des colonies, et enfin, celles qui viennent de l'étranger. Cousance apparaît bien comme assez hors norme puisque seulement la moitié de la population est née dans le village ; si le nombre des habitants nés dans d'autres communes du département est inférieure à la moyenne départementale et cantonale, en revanche, le recrutement hors du département dépasse largement le chiffre départemental et semble même avoir une incidence non négligeable sur le taux cantonal. Au demeurant, comme cela ressort du recensement de 1906, il y a de fortes chances pour qu'une grande partie des habitants provenant d'autres départements vienne principalement de la Saône-et-Loire voisine. Toutefois, pour les communes jurassiennes, il y a en général une plus forte proportion de femmes venant d'une autre commune du département qu'au niveau de Cousance.

51 hier et avant hier p.51 C.- Les mariages Les mariages apparaissant dans le recensement nominatif de 1906 témoignent d'un large brassage des populations d'origines diverses. Dans une première approche statistique, si l on s en tient aux chefs de famille, en 1906, on constate que les épouses d'origine cousançoise sont minoritaires par rapport à l'ensemble, même si, prises commune par commune, elles sont les plus nombreuses ; après, ce sont les filles du Miroir, Cuiseaux, Cuisia, Sagy, Varennes Saint-Sauveur, Sainte-Croix ou Frontenaud qui ont exercé leurs charmes sur les gars demeurant à Cousance. De leur côté, les Cousançoises recensées comme épouses de chef de famille sont au nombre de 57, et elles ont été, quant à elles, très éclectiques quant à l origine de leurs conjoints, celle-ci restant toutefois le plus souvent relativement proche de Cousance (sauf un époux de Bellecombe et un autre de Lyon). Quant aux natifs et natives de Cousance, ils ne sont que 24 à avoir contracté mariage entre eux, sur un peu plus de 200 unions. A Cousance, toujours en 1906, environ 90 % des femmes sont moins âgées que leur conjoint, de près de 8 ans en moyenne, l'écart variant de l'identité d'âge à une différence pouvant exceptionnellement dépasser la vingtaine d'années, mais tournant autour de la moyenne le plus fréquemment. Quelques unes, à l'inverses, sont plus âgées que leur mari de 3 ans et demi en moyenne, la majorité des cas avoisinant une année ou deux années. Dans le détail, les Cousançoises demeurant à Cousance ont près de 6 ans et demi de moins que leur conjoint, avec, sur l'ensemble, un quart d'entre elles moins âgées de plus de 10 ans ; une répartition similaire se retrouve parmi des filles du Miroir demeurant aussi à Cousance, y compris pour des différences extrêmes. D'autres communes d'origine, dont l'effectif est nettement moins nombreux et n'autorise donc pas de conclusions certaines, situent les écarts entre 3 et 10 ans en moyennes. En revanche, il paraît assez certain que les cultivatrices, épouses le plus souvent d'agriculteurs, ont un âge plus proche de celui de leurs conjoints, la moyenne de l'écart tournant autour de 4 ans de moins. D.- Les destinations de l'exil Où vont les Cousançois qui quittent le village natal? Pour 217 natifs de Cousance domiciliés hors de Cousance au moment de leur recensement militaire, sans surprise, les grandes villes attirent : Lyon (21), Paris (15), Lons-le-Saunier (12), Chalons-sur-Saône (3), Bourg-en-Bresse (2), Versailles (2), Dijon (2) ; cela ne signifie pas que les villages voisins ne recueillent que mépris : 6 vont à Vercia, 6 à Gizia, 2 à Augea, 2 à Cuisia, Digna ou Gevingey ; d'autres communes en accueillent un : Augisey, Beaufort, Cressia, le Miroir, Orbagna, Varésia... Toutefois les professions exercées varient selon le nouveau domicile et les Cousançois qui se rendent dans une grande ville, Paris, Lyon, abandonnent les métiers de la terre tout en restant toutefois le plus souvent à un niveau similaire de celui de leurs parents dans l échelle sociale : ainsi, à côté des étudiants ecclésiastiques de Lons-le-Saunier (3) et des étudiants en médecine à Lyon (3), les fonctions commerciales ou artisanales se rencontrent le plus souvent à Lyon, alors qu à Paris ce sont plutôt des emplois salariés, employés de commerce ou de bureau, garçon de café, valet de chambre conduisant à parler plutôt de mobilité sociale plus que de promotion. E.- La diminution de la population Devant les difficultés de la vie quotidienne et le manque de perspectives d'avenir locales, la

52 Cousance et les Cousançois p.52 population de Cousance tend à diminuer progressivement à partir du milieu du siècle, alors que celle du canton tend, à l inverse, à augmenter, les arrivées ne compensant plus les départs. Les raisons invoquées en 1851 et 1905 se rejoignent : la baisse de la population «provient en partie de l émigration des jeunes gens et des jeunes filles qui se jettent dans les grandes villes pour y apprendre quelque métier, ou surtout, se mettre en condition ; elle provient aussi par le changement ou le départ de quelques familles» départs non compensés par les arrivées. En 1905, il semble s'ajouter les conséquences d'une natalité trop faible, celle-ci, d'ailleurs résultant de l'exode des jeunes. Pour enrayer le flux migratoire, en dehors de mesures fiscales propres à alléger les charges du monde rural, le conseil municipal d'alors préconise de recourir à «la vulgarisation par les écoles primaires de la science agricole qui permettra d'obtenir de meilleurs produits et de plus grands rendements». 2.- La structure de la population A.- Masculins - féminins L'année 1806 marque une nette diminution d'hommes, de femme et de mariages, probablement en raison de l'importance de la conscription, puisqu'en 1809, vingt-quatre militaires actifs sont recensés à Cousance. Puis, jusqu'à l'apogée de la moitié du XIXè siècle, la population tend à augmenter mais aussi à se stabiliser relativement dans sa composition : les statistiques distinguent entre les hommes et les garçons, les femmes et les filles et le pourcentage de chacune de ces catégories évolue peu au fil des années. Après 1851 qu'une modification de tendance se dégage. Les femmes et les filles l'emportent en nombre sur le sexe masculin, toutes catégories confondues, en particulier grâce aux filles plus nombreuses ; toutefois, le déséquilibre tend à s'amenuiser à mesure que le temps passe. La population semble également jeune si l'on se réfère au nombre de garçons et de filles par rapport à l'ensemble des individus du sexe correspondant ; toutefois, la domination des jeunes se tasse grandement, notamment chez les filles dont il n'est pas interdit de penser qu'elles partent plus nombreuses ou plus tôt «se mettre en condition» ; cela peut aussi expliquer l'augmentation de la proportion des mariés qui connaît un bon significatif en En 1906, la tendance s'est quasiment stabilisée, puisque les femmes représentent un peu moins de 53 % de la population et les hommes un peu plus de 47 % ; mais, contrairement à 1872, parmi les enfants des «chefs de famille» domiciliés à Cousance, les filles s'avèrent nettement plus nombreuses que les fils dans la même situation, et représentent près de 54 % des enfants. B.- Veufs et veuves Durant ces mêmes années, le veuvage tend à augmenter et mériterait un examen plus attentif, notamment quant au rôle du remariage pouvant passer, dans les époques antérieures, non seulement comme courant et normal car, peut-être économiquement nécessaire, tant pour les hommes - complément de main d'œuvre ou belle-mère pour des enfants encore en bas âge - que pour les femmes - «assurance vieillesse»). C.- Jeunes et vieux La répartition entre «jeunes» et «vieux» a déjà été abordée, à titre de comparatif, à propos des origines de la population. Les recensements nominatifs de 1809 et de 1906 relèvent l'âge de chaque personne : la structure des populations est différente au regard des âges des Cousançois, et, en particulier, la

53 hier et avant hier p.53 part des jeunes diminue très fortement entre 1809 et 1906, le phénomène se poursuivant jusqu'à la tranche d'âge de 22 à 31 ans. A l'inverse de la population jeune, la proportion des personnes de plus de 52 ans connaît une forte augmentation relative : non seulement la population cousançoise diminue d'environ 250 sujets entre les deux dates, mais encore, elle vieillit assez significativement. Pour les garçons et les hommes en général, le recensement militaire montre, pour tous ceux en âge d'être appelés ou rappelés pour participer à la guerre de , une très forte «évasion» des Cousançois : l'inscription militaire dans le Jura ne concernait qu'à peu près la moitié de l'effectif attendu par rapport aux naissances enregistrées à l'état civil, proportion qui se confirme pour les parents domiciliés à Cousançe dont seuls 50 % des enfants ont été recensés à Cousance. 3.- Les caractères de la population Les Cousançois constituent donc un ensemble assez hétérogène quant à leurs origines et leur devenir, devenir qu'une bonne partie d'entre eux va chercher ailleurs, pour des jours meilleurs ou seulement moins pénibles d'apparence. Une telle diversité se retrouve dans tous les aspects de la population. A.- Des disparités géographiques Dans la qualité du français parlé à Cousance, en raison des contacts avec les voyageurs, devrait se trouver un facteur d'unité. Or la population y est très bigarrée : outre la diversité des origines et les disparités sociales évoquées ci-dessous, il apparaît que, en 1839 encore, des différences nettes distinguent les habitants du village central de ceux des écarts, Fléria et le Boisdel, tant dans leurs attitudes, leur régime alimentaire que dans l habillement. De façon générale, les Cousançois sont causants, nonchalants et timides, voire lymphatiques et bilieux ; ils sont «médisants comme on l'est dans les petits endroits», mais aussi rarement sanguins, serviables, hospitaliers, affables et bons religieux ; leur parole est lente et leur discours prolixe. Ceux de Fléria se distinguent et passent pour aussi superstitieux et crédules que leurs ascendants. En matière de nourriture, celle du bourg central est constituée de pain de froment ou de seigle et de pommes de terre ; avec de la farine de maïs on forme de la bouillie appelée gaudes dont on use fort généralement ; dans la partie bressanne, on mange aussi de la «flamusse» ou pain de blé noir, et notamment du gâteau de maïs et les jours de réjouissance, des crêpes ou «matefins». L habillement du centre rappelle celui des citadins et même les ouvriers s y vêtent avec goût, alors qu à Fléria les habitants ont conservé les traditions des bressans et les femmes, en particulier, portent le chapeau des bressannes et le petit bonnet appelé «cofion» ; au hameau du Boisdel, la mise des habitants reste marquée par les usages de la châtellenie ducale voisine de Sagy. B.- Des disparités sociales Derrière une certaine prospérité affichée se cache une réalité sociale plus complexe et ce n est qu au détour d un document que la mendicité ou l indigence sont évoquées. Déjà en 1757, la répartition des terres montrait une forte inégalité entre les propriétaires : 6 d entre eux en possédaient le quart et il fallait 135 des plus modestes pour obtenir la même superficie : la moyenne de superficie des biens des riches se situait aux environs de 17 ha et celle des moins bien nantis autour de 75 a. ; mais il est vrai que parmi ces derniers, sont compté ceux qui n'exploitent qu'un jardin probablement à caractère familial de quelques ares.

54 Cousance et les Cousançois p.54 L'emprunt forcé de l'an IV touche 54 contribuables, chiffre à comparer avec les 304 imposables de 1821 ; encore, parmi eux, faut-il distinguer entre ceux amenés à prêter jusqu'à 700 ou 800 livres en raison de leur fortune et la grande majorité d'entre eux qui n'en avancent que 100 ou moins. La répartition des impôts fonciers en 1821 montre que sur 304 imposables, 5 se partagent le quart de la superficie soumise à impôt et qu il faut 259 des moins riches pour couvrir le quart inférieur ; 67 payent plus que la moyenne de l impôt et 237 payent moins. Le plus imposé paye 1091 francs et le moins 15 centimes ; 46 payent 1 franc et moins. Il en va de même pour les propriétés bâties : en 1820, 9 propriétaires se partagent le quart de la superficie des bâtiments et 125 le quart inférieur ; 53 d entre eux possèdent une superficie supérieure à la moyenne des propriétés et 163 en ont une superficie égale ou inférieure. La plus grande propriété s élève à 3213 m2 (en plusieurs lots) et la plus petite n atteint que 35 m 2. En 1839, 30 personnes assez aisées peuvent vivre sans travailler ; de l autre côté de l échelle sociale, à côté des 20 cultivateurs qui doivent exercer une autre activité hivernale pour vivre, des commerçants, plus nombreux que riches et des cabaretiers qui ne font pas leurs affaires, il y a les ouvriers que l on trouve plus aisément qu aux environs et que, en conséquence, on paie 25 à 50 centimes de moins. C.- Les indigents et les pauvres Les indigents méritent une attention particulière dans la suite des inégalités sociales pour illustrer les grandes disparités qui existent entre les Cousançois. En 1809, ne sont recensées qu'une indigente et une mendiante, tous les hommes ayant une source de revenus ; en 1851, de même, parmi la population, ne figurent que deux hommes et une femme dans la catégorie des mendiants ou vagabonds. Au demeurant, la pauvreté ne touche pas seulement les êtres recourant à la charité publique pour vivre. En 1839, la statistique montre que 35 indigents ne peuvent vivre de leur travail ou de leurs ressources. En 1847, le conseil municipal, en examinant un projet de salle d'asile, la définit comme principalement destinée «aux enfants des pauvres» issus de la population digne d'intérêt «des ouvriers et des indigents» ; il ne complète pas moins sa délibération par un appel à la bienfaisance du gouvernement qu'il implore, en indiquant «que la misère dans la commune est générale et profonde». Fin 1879, à la demande du Préfet, le conseil municipal arrête la liste des nécessiteux qui, par suite «de la rigueur de la saison», se trouvent dans le cas d'obtenir une aide du département et de l État : 23 ménages sont recensés, soit en tout près de 80 personnes ; la liste ne fait état d'une profession que pour deux d'entre elles : un journalier apparemment seul et un sabotier avec six enfants. A l'état général et continu de grande pauvreté s'ajoutent les conséquences des aléas climatiques dont les victimes se rencontrent dans le monde agricole : au début du XIXè siècle, sur 18 années, la vigne, par exemple, a connu 6 récoltes médiocres, 2 mauvaises et 5 très mauvaises. La période a été très froide et 1854 calamiteuse... D.- Le physique Plus que la santé elle-même, la conformation physique des Cousançois transparaît, au moins pour la grande majorité des hommes, dans les procédures de recrutement de l'armée : le bilan laisse entrevoir, là encore, de grandes inégalités entre les conscrits principalement liées, semble-il, au régime alimentaire.

55 hier et avant hier p.55 a.- L'alimentation Comme indiqué ci-dessus, le régime alimentaire de base, quelque peu différentié entre le bourg et les hameaux, repose grandement sur des denrées d'origine végétale : pains, bouillies. Cependant, dans la première moitié du XIXè siècle la consommation du vin et de la viande tendait à croître d'année en année. Pour cette dernière, le phénomène se poursuit. b.- La viande Sa consommation, toutefois reste difficile à évaluer avec certitude car, en 1839, elle était évaluée à kg. Or, lorsque le conseil municipal a délibéré sur le projet de construction d'un abattoir public, le 2 février 1847, il se fondait sur une estimation d'abattage annuel moyen de : bœufs de 200 kg ; veaux de 20 kg ; moutons ou brebis ou chèvres de 10 kg. Cela produit un abattage global de kg de viande par ans, viande destinée tant aux Cousançois qu'aux habitants des cités voisines. Puis, dans la deuxième moitié du siècle entre 1860 et 1875, le poids annuel consommé passe de près de à environ kg, alors que, d'une part, la population tend à se stabiliser durant cette période et, d'autre part, que le prix de chaque spécialité s'accroît de façon conséquente, notamment pour le porc, dont la consommation, d'ailleurs, augmente nettement moins que le prix. Cette évolution peut certainement illustrer une augmentation générale du niveau de vie dont le nombre d'indigents, cependant, montre qu'il n'est pas partagé par tous. c.- Les grains Des grains, la production et la consommation sont bien connues en et la seconde peut être rapportée à la première, à condition, toutefois, de l'affecter exclusivement à la consommation humaine, ce qui ne revêt pas un caractère de certitude pour toutes les productions. Les 1519 habitants recensés en 1836 se partagent notamment : hl de froment ; - 70 hl de seigle, méteil et orge ; hl de maïs ou de millet ; - 80 hl de légumes secs ; hl de pommes de terre. Une partie non négligeable de ces produits provient d'importation, l'agriculture cousançoise n'arrivant pas à satisfaire la demande, notamment pour le froment qu'il faut faire venir pour moitié de l'extérieur ou encore pour les légumes secs pour la quasi totalité de la consommation. L'importation de produits «nobles» traduit également, avec les mêmes réserves que pour la viande, une amélioration du niveau de vie puisque auparavant les cultivateurs avaient tendance à destiner leur meilleure production à la vente pour répondre aux exigence de la fiscalité seigneuriale. d.- L'état physique général Les conditions de vie et d'alimentation découlant des inégalités affectent l état de santé des plus pauvres et les exemptions de service militaire, pour raisons médicales, touchent une proportion non négligeable de la population. Ainsi, pour Cousance, dans les années 1860, en prenant toutefois ces chiffres avec circonspection, car le système de tirage au sort et l évolution des

56 Cousance et les Cousançois p.56 règles de recrutement rendent les interprétations difficiles, il faut considérer qu entre 1/4 et 1/3 des jeunes gens ayant tiré un mauvais numéro ou étant appelés, ont été exemptés pour des raisons de santé. A titre de comparaison, pour le département, en 1853, sur 1322 appelés à former le contingent, 559 ont été exemptés de service militaire ; parmi ceux-ci, 270 l on été pour raison de santé, dont 122 pour faiblesse de constitution ou défaut de taille. Entre 1891 à 1920, sur les 265 recensés, 187 hommes ont été déclarés bons pour le service, dont 23 ont été dispensés en tant qu étudiants ou fils aînés de veuves ; à ceux-ci, il convient d ajouter 26 engagés volontaires, ce qui amène à un effectif d hommes «valides» de 213, soit 80 % de la population, chiffre supérieur à celui des années Parmi les autres, 36 sont ajournés pour «faiblesse», 9 sont exemptés pour raison de santé et 9 sont affectés dans les services auxiliaires. En revanche, pour les classes 1883 à 1918, la taille, parmi ceux des seuls incorporés pour lesquels elle a été notée dans les registres militaires, montre une certaine robustesse probablement liée à l'amélioration de l'alimentation carnée : une part négligeable a une taille inférieure à 1,59 m, les deux tiers ont une taille comprise entre 1,60 et 1,69 m et le dernier tiers une taille supérieure à 1,70, dont quelques uns, même, au dessus de 1,80 m. E.- Savoir lire et écrire Des discours tenu en première partie de siècle, il ressortait que les Cousançois, en raison de leurs contacts fréquents avec les voyageurs et autres commerçants, maîtrisaient le français ; quant à la lecture et l'écriture, les chiffres relevés en 1872 montrent que, en fait, les habitants du village restent modestement aux alentours de la moyenne cantonale et très nettement en deçà du chef lieu de département et même du chef lieu de canton, Beaufort, où 76 % de la population possède ces capacités. Pour en rester au seul bourg de Cousance, une analyse plus fine introduit une distinction entre les hommes et les femmes et entre les jeunes et les moins jeunes ; les femmes semblent avoir globalement moins profité de l enseignement de base que les hommes ; en particulier, les femmes ne sachant ni lire ni écrire sont nettement plus nombreuses que les hommes, 23 % contre 19 et celles qui savent lire et écrire s'avèrent moins nombreuses, 60 % contre 68. En revanche, pour les filles de moins de 20 ans, les différentes s'atténuent. En poussant la comparaison selon l'âge, aucun garçon ni aucune fille de Cousance de moins de 6 ans ne sait lire et écrire, contrairement à plusieurs enfants de Lons-le-Saunier et de Vincelles. L'évaluation du niveau de culture des garçons lors de leur recensement militaire durant le dernier quart du XIXè siècle confirme l'honorable tenue des Cousançois, puisque seuls 20 % d'entre eux ne savaient que lire et écrire, 70 % possédaient une instruction primaire plus développée et 10 % avaient obtenu le brevet d'instruction primaire ou mieux (baccalauréat, licence ).

57 hier et avant hier p.57 II.- Les métiers 1.- Le contexte Après la Révolution, la population de Cousance augmente en raison du nombre d'étrangers qui viennent s y établir. En 1839, bénéficiant d'une position topographique qui lui a facilité les moyens de prendre un aspect essentiellement commerciale, elle dépasse les h. Avant 89 l on y voyait principalement des agriculteurs et les commerçants y étaient plus nombreux que riches. Tout le monde se mêlait plus ou moins de commerce et d industrie ; le terme d'industrie correspondant cependant à une notion éloignée de son acception moderne : ainsi, le genre d industrie le plus recherché par les habitants, jeunes mariés ou étrangers récemment arrivés, était la tenue d un cabaret, d un café ; bien que quelques uns d'entre eux ne fassent pas bien leurs affaires, cela ne rebutait pas d'en créer de nouvelles. Cependant, le guide pittoresque du voyage en France de 1838 invitait «les amis de la table» à passer à Cousance, pour y consommer «de très bonnes volailles, d'excellentes poulardes, dont il se fait commerce dans tout le département et les départements voisins». D industrie au sens actuel du terme, point! L arpentement de 1757 recensait, pour le marquis de Damas, seigneur, trois moulins et un battoir, et pour le sieur Depras, deux moulins ; en 1839, il n existe que trois moulins de huit «tournants» et un quatrième en service épisodique semble-t-il, trois moulins à huile et une scie à eau. En cette première moitié du siècle, une carrière de marbre existe bien, mais Cousance passe surtout pour mal exploiter les ressources offertes par les chutes de la Salle (nom donné à la Gizia à l'époque). Qu'y a-t-il de nouveau à Cousance dans la seconde partie du XIXè siècle? Rien, ou tout au moins peu de choses de nature à changer significativement la nature et la structure du bourg. Le train -la ligne de chemin de fer Besançon-Bourg-en-Bresse- arrive en 1864, mais sans incidences quotidiennes immédiatement visibles à travers les statistiques étudiées semble-t-il dans un premier temps, si ce n'est, peut-être, que cela a ouvert des horizons et accéléré le phénomène de départ des jeunes pour les villes plus propices à l'entrée dans le monde du travail ou à une évolution sociale. Le «développement» de Cousance reste attaché à sa vocation commerciale avec ses marchés hebdomadaires, le lundi (à partir de 1889) et ses sept foires annuelles en 1869 et douze à la fin du siècle ; l'aménagement de la rue de desserte de la gare a été mis à profit pour réaménager de fond en comble un champ de foire entre l'ancien et le nouveau tracé de la voie en ; puis les foires gagnant toujours en importance, il a fallu restructurer un second champ de foire dès 1873 (l'actuel «champ de foire des vaches» à l'autre extrémité du village). 2.- Le poids de la terre Les métiers de la terre occupent encore une grande majorité de Cousançois et cela incline à voir dans ce type d activité, en dépit d une évolution certaine, un caractère encore essentiel et bien ancré, car perdurant dans les décennies de la fin du XIXè. Ceux-ci occupaient 38 % des chefs de famille en 1896 et 40 % en A.- La production agricole Juste avant la fin du XVIIIè siècle, dans le canton de Cousance qui compte environ 5060

58 Cousance et les Cousançois p.58 personnes, dans les bonnes années, la récolte de grains s'avère suffisante pouvant même dégager quelques excédents de l'ordre de huit à dix quintaux alors envoyés au marché du chef-lieu de département ; dans les plus mauvaises années, le déficit, surtout dans les menus grains, peut atteindre les trois dixièmes, soit environ soixante quintaux ; en cas de disette, le canton se pourvoit des approvisionnements manquants par l'échange des vins avec la province de Bourgogne ou Saône-et-Loire. La situation de Cousance, cependant, quelques lustres plus tard, appelle moins de modération dans l'appréciation de la production agricole. Tout d'abord, en ce qui concerne l'élevage, alors que la commune comptait en 1789, 11 chevaux et juments et 244 têtes de bétail rouge, en 1836, le cheptel atteignait 320 bovins (40 taureaux, 70 bœufs, 140 vaches, 70 veaux), auxquels il convient d ajouter 120 porcs, 2 chèvres, 35 chevaux, juments et poulains, 6 mules et mulets et 4 ânes, ainsi que les animaux de basse-cour : 19 non identifiés autrement, 467 volailles et 29 moutons. Malgré son importance humaine, la production agricole proprement dite ne répondait pas aux besoins des Cousançois, loin s en faut. Les données de 1839 montrent que : - sont exportatrices les productions de maïs, de sarrasin, de seigle, de méteil, d orge et d eau de vie ; - équilibrent les besoins celles de pommes de terre, de fourrage artificiel et de fourrage naturel ; - en revanche, ne répondent pas aux besoins et imposent des importations, celles de froment (pour 50 % de la consommation), d avoine (90 %), de légumes secs (88 %), de colza (93 %), de vin (30 %), de bois de chauffage (92 %) et de viande (99 %). Par ailleurs, les données disponibles ne font pas état d une production piscicole que laisserait pourtant supposer l inclusion dans le patrimoine du seigneur de Chevreaux, avant la Révolution, d un étang d importance, environ 5 ha. B.- La répartition des usages du sol Au début du XIXè siècle, les terres labourables tiennent une place privilégiée puisqu'elles occupent à elles seules plus de la moitié des terres imposées ; les prés et les vignes arrivent loin derrière, avec respectivement 17 et 10 % de la superficie, l'ensemble arrivant à 82 % du total. Les bois, pour une part non négligeable, jardins, broussailles, pâtures et friches se partagent les 18 % restant. Cette répartition tend à évoluer jusqu'en au début du XXè sècle, notamment par la diminution de la part réservée à la viticulture qui n'utilise plus que 6 % de l'espace, conséquence principale directe et indirecte du phylloxéra. Les usages autres que la culture, les prés et la vigne (bois, friches, lacs, jardins et chemin de fer) participent pour une plus grande part à l'utilisation du sol. Néanmoins, les prés, de bon rapport, gagnent également en proportion à une époque où il semble que la consommation de viande poursuive son accroissement. C.- La structure agraire Plusieurs raisons peuvent expliquer le déficit de production signalé ci-dessus, nonobstant la part importante occupée par les terres vouées à l'exploitation agricole. Pour s'en tenir à la plus patente, mis à part les nombreux aléas climatiques ou sanitaires contre lesquels le monde agricole se trouvait encore assez démuni, la dispersion du parcellaire constitue certainement le premier obstacle à un rationalisme propice à l'amélioration sensible des rendements. La révolution n'a eu aucune influence sur l'éclatement du parcellaire. Un survol des documents

59 hier et avant hier p.59 du début du XIXè siècle montre que pour les principaux types d'exploitation, terre labourable, pré et vigne, la dimension de l'unité de base tourne souvent au dessous de 50 ares ; seules de rares entités dépassent l'hectare. En outre, les parcelles voisines appartiennent à des propriétaires différents, de sorte que le cultivateur, pour travailler toutes ses terres, doit effectuer nombre de déplacements. La situation n'a pas connu de grands changement au cours du XIXè siècle : l'exploitation reste dispersée et la propriété moyenne avoisine à peine des 5 hectares au début du XXè siècle. D.- La qualité des terres Aux conséquences de l'émiettement du parcellaire s'ajoute une qualité moyenne des terres. En se référant aux bases fiscales de l'imposition foncière du début du XIXè siècle, il apparaît que la qualité moyenne des terres exploitées l'emporte largement sur les autres catégories, tant les meilleures que les moins bonnes. Et en distinguant les sols selon leur utilisation, il ressort en outre que les terres labourables de piètre qualité dominent largement en superficie, et se situent même en de ça de la moyenne globale des terres exploitées. A l'aube du XXè siècle, il peut être constaté que les sols de la meilleure qualité restent très minoritaires et que les plus mauvais n'atteignent que de très faibles proportions, notamment pour les terres labourables, qui restent majoritairement dans le bas de la moyenne. Les variations par rapport au siècle précédent touchent l'ensemble des qualités, ce qui conduit à conclure que l'abandon de l'exploitation est le fait des exploitants et non de la plus ou moins mauvaise qualité des terres. La viticulture illustre parfaitement ce phénomène : avec un taux de remplacement d'environ 50 % après le phylloxéra, en 1913, la vigne conserve pratiquement la même répartition géographique d'implantation et donc de qualité. E.- Les méthodes culturales La documentation n'éclaire en rien sur les méthodes culturales utilisées à Cousance, ni quant à l'outillage et le recours aux attelages, ni quant à l'assolement, ni quant à l'utilisation des amendements. Pour ces derniers, toutefois, la toponymie donne à penser que l'usage de la chaux était connu de longue date et cette dernière produite «aux Rafours». Pour le reste, et sans qu'il soit possible d'en inférer quoique ce soit de façon certaine, même s'il ne peut être exclu d'y voir un état d'esprit général, la culture de la vigne à Cousance a pâti du rejet de toute nouvelle méthode : au milieu du XIXè siècle, les vignerons sont réputés appréhender plus la sophistication de la fabrication des vins que l'oïdium et les intempéries des saisons ; durant la même période, les éleveurs ne se signalaient pas non plus par leur esprit d'innovation ; tous, donc, méritaient encore le commentaire fait au début du XIXè : à Cousance «en général, en agriculture comme en autre chose, on est très attaché à la routine et les améliorations sont accueillies avec méfiance et un air d'incrédulité». 3.- les foires A côté de la terre, le commerce tient une place d'importance et les marchés et foires organisés à Cousance attirent des foules et constituent un élément capital du développement de Cousance. En 1843, le conseil municipal retient plusieurs motifs qui plaident en faveur de l'augmentation du nombre des foires : - la majeure partie des habitants du bourg de Cousance ne vivent que des produits de leur commerce et de leur industrie ; aussi des marchands étrangers conduits par l'appât des bénéfices viennent y fixer leur domicile, la meilleure preuve en étant le nombre de magasins nouvellement

60 Cousance et les Cousançois p.60 construits ou en cours de construction ; - les habitants des campagnes voisines et même de pays beaucoup plus éloignés se transportent aux foires et marchés cousançois ; - depuis nombre d'années une foire s'est établie d'elle-même à Cousance sans qu'elle n'ait jamais été jamais autorisée, ce qui constitue une preuve irrécusable de l'intérêt de celle-ci. La surdité affichée par l'administration supérieure à cette demande conduit le conseil municipal à la relancer en 1864 et Pour ce faire, les élus municipaux excipent de trois principaux arguments : - la situation privilégiée de Cousance pour la vente des produits agricoles ; le bourg possède déjà depuis longtemps tout ce qui peut attirer l'étranger dans ses marchés : halle au grains, deux champs de foire très vastes dont l'un touche la gare et va être immédiatement et notablement étendu, et une belle place au centre du bourg où se tient le marché hebdomadaire dont le pourtour couvert abrite ceux qui le fréquentent ; - des communes de Bresse et leurs habitants, Joussaud, Flacey et Sagy ainsi que des hameaux circonvoisins, ont entrepris la construction d'une voie de raccordement à Cousance au moyen d'une souscription populaire au profits de laquelle la commune de Cousance a elle-même ajouté une subvention de 2000 f. ; - l'ouverture de la voie de chemin de fer Lyon-Besançon : au paravant les bouchers ou commerçants de ces deux villes importantes ne se rendaient guère à Cousance à cause de la difficulté des transports ; désormais les Lyonnais commencent à venir et déjà les éleveurs de la Bresse y amènent leurs produits ; mais les uns et les autres se plaignent que les foires ne soient pas assez nombreuses. Alors, le pays tout entier se ressentira des bienfaits résultant de l'établissement des nouvelles foires : la multiplication des chalands attirera les habitants des montagnes qui trouveront, à leur porte, un excellent débouché pour la vente de leur bois, de leur fer, de leur fromage, de leurs objets fabriqués, de tous leurs produits. Par étapes, Cousance obtient satisfaction et, en 1885, neuf foires ont lieu : - le lundi après les rois ; - le lundi veille du Mardi Gras ; - le lundi après le dimanche de Quasimodo ; - le dernier lundi de mai ; - le lundi avant la saint Jean-Baptiste ; - premier lundi d'août ; - le lundi avant Notre-Dame de septembre ; - le lundi suivant le 11 novembre ; - le deuxième lundi de septembre. Enfin, le 13 janvier 1889, les douze foires sont enfin obtenues et leur dates modifiées et fixées deuxième lundi de chaque mois pour tenir compte de la concurrence de Gigny, d'orgelet ou Poligny. La réputation de marché agricole de Cousance, au début du XXème siècle, n'est plus à faire : ses foires figurent parmi les plus importantes du Jura, tant pour les poulets que pour les porcs gras ; de plus, la plupart des poulets, des œufs sont achetés par les coquetiers ou marchands de volailles qui passent dans les fermes.

61 hier et avant hier p Le paysage économique A.- Les métiers exercés Un regroupement des activités économiques par vocations dominantes peut faciliter l'appréciation du paysage «industriel» au début des XIXè (recensement de 1809) et XXè siècles (recensement de 1906) : - services à la personne, en incluant dans cette catégorie ce que le client vient chercher sur place, réunissant aussi bien les marchands que les huissiers, les teinturiers et les cabaretiers et aubergistes ; ils rassemblent un peu moins de 19 % des actifs en 1809 et 21,5 % en 1906 ; - l artisanat, dont les professionnels vont, à l inverse, chez le client, ou produisent des matériaux non immédiatement consommables (fileur de laine par exemple), sachant cependant que le partage avec la catégorie précédente peut être sujette à caution et passer pour arbitraire, comme pour les cordiers, les maréchaux-ferrants ou encore les cloutiers et divers ouvriers, respectivement donc 17 % et 12 % ; - les métiers de la terre, c'est-à-dire cultivateurs, journaliers, fermiers, vignerons, propriétairesexploitants, ainsi que les manouvriers habituellement voués aux gros travaux agricoles, soit environ 30 % et 39 % ; - les autres, dernière catégorie où se rencontrent aussi bien les militaires et gardes-champêtres, que les religieux et anciens religieux, ou les propriétaires et les domestique, 35 % et 27 %. Malgré les approximations toujours possibles dans la définition des professions réellement exercées ou les difficultés d interprétation des résultats des recensements élaborés selon des techniques différentes en 1809 et 1906, de grandes tendances se dégagent : à côté de l'importance constante des métiers liés à la terre, les chiffres illustrent la part non négligeable dans le paysage économique des professions tirant directement ou indirectement bénéfice de la situation de Cousance comme bourg de passage et de centre économique, héritage directe de sa qualité de chef-lieu de la baronnie de Chevreaux, fondement de la prospérité de l époque. L évolution constatée entre les deux dates de référence montre que les services à la personne s accroissent de la même façon que les métiers de la terre, au détriment de l artisanat et des autres catégories professionnelles, parmi lesquelles il convient de souligner la disparition quasitotale des militaires, nombreux en 1809, et des domestiques également en nombre non négligeable. B- Les autochtones et les autres Dans la population de 1809, la part des actifs n'atteint que 145 natifs de Cousance exerçant une profession ou jouissant de revenus (11 propriétaires sans autres précision parmi eux) contre 217 personnes originaires d'un autre lieu. Les nouveaux Cousançois exercent grosso modo les mêmes métiers que les anciens ; toutefois, ils dominent largement dans quelques catégories : les domestiques et employés chez un patron (manœuvres, manouvriers, garçons et apprentis) et notamment dans le commerce et chez les cabaretiers ; parallèlement, ils occupent aussi des professions plus qualifiées comme horloger ou officier de santé et chirurgien ; certaines fonctions habituelles passent, au début du XIXè siècle, dans les mains de nouveaux arrivants : tonnelier, cloutier, cordonnier... En revanche, vingt Cousançois sont recensés comme militaires. Ainsi, par l'ensemble des métiers exercés, en complément ou en substitution, les nouveaux arrivants contribuent, dans l'ensemble, à renforcer Cousance dans sa position de bourg centre. En 1906, Cousance ne compte que moins de la moitié de natifs du village, à peu près 40% pour les chefs de ménage, et environ 47% pour les conjoints, enfants, salariés logés chez l habitant (ouvriers, domestiques )

62 Cousance et les Cousançois p.62 C.- Les activités Quelles activités attirent vers Cousance, et d où viennent ces nouveaux habitants? En s en tenant aux chefs de ménage, sur le premier point, les non Cousançois dominent les secteurs d'activités tournés vers les services à la personne et les travaux de la terre ; en revanche, les Cousançois occupent largement celui de l'artisanat ; quant aux «autres», la différence au profit des étrangers à la commune se creuse grâce aux métiers qui peuvent passer pour nouveaux : facteurs, agents des chemins de fer, instituteurs, mais aussi dans une moindre mesure, rentiers, sans profession et retraités. 5.- Le paysage cousançois en 1906 La population cousançoise, en 1906, se répartit sur le territoire communal en deux grandes entités : le bourg et les écarts. A.- Le bourg Dans le premier ensemble, le bourg, se rassemblent près de 83 % des Cousançois dans un espace géographique proche de celui que montre le cadastre de 1836 : - la Grande Rue, avec quasiment 44 % de l'ensemble de la population agglomérée ; - la rue Marchand, un peu plus de 6 %; - la rue des Dames, un peu plus de 5 %; - la rue de l Église, près de 8 %; - la rue de la Fontaine Ronde, un peu plus de 6 %; - la Vieille Route, près de 6 %; - la route de Gizia, environ 1,5 % - en Bussière, à peu près 4 %; - le Chapeau Rouge, un peu plus de 7,5 %; - la rue de Bresse, près de 12 %. a.- La Grande Rue Suivant la caractéristique des villages-rue, c'est là, dans la Grande Rue, que, parmi environ 80 activités productives du bourg, se retrouvent une bonne part des professions commerciales ou artisanales. Même dans les métiers liés à la terre, dont la place reste primordiale à Cousance, les cultivateurs et les journaliers n'atteignent ni les uns ni les autres 20 % de leur catégorie, alors que les jardiniers atteignent 40 %, que les vignerons dépassent le tiers et les viticulteurs les deux tiers. Pour les autres activités, s'y rassemblent les deux tiers des boulangers, cordonniers, plâtriers et sabotiers ; les négociants dépassent les 80 % ; l'unique représentant de plusieurs activité s'y trouve : aubergiste, boucher, bourrelier, cafetier, chapelier, charcutier, cloutier, coiffeur, étameur, ferblantier, forgeron, grainetier, un chacun ; les modistes, les notaires et les perruquiers sont deux chacun, les pharmaciens, plumeurs de volailles et quincailliers trois, les restaurateurs quatre, les tailleurs d'habits et les teinturiers cinq. Ainsi, une soixantaine de professions se côtoient dans l'artère principale du village lui conférant, outre un intérêt économique certain, vraisemblablement aussi un prestige social non négligeable : dans une profonde mixité sociale, à coté des lingères, des ménagères, des cuisinières et autres blanchisseuses, employés de maison ou journaliers, parmi les artisans et commerçants de toutes sortes, vivent aussi des représentants de fonctions plus prestigieuses : pharmacien, receveur buraliste, notaire, percepteur, rentier, voire retraité Au sein de la Grande Rue, il semblerait même que le coté est, avec ses façades orientées vers l'ouest, puisse se distinguer du

63 hier et avant hier p.63 coté ouest et passer pour plus «coté» : y sont majoritaires par rapport au coté ouest, les rentiers, les notaires, les pharmaciens, les tailleurs d'habits et modistes, alors qu'en face exercent leurs activités bouchers, charcutiers, cordonniers, négociants, aubergistes, restaurateurs b.- Les autres voies La rue des Dames, la rue de l Église, la rue de Bresse, la route de Gizia, viennent se greffer à angle droit sur la Grande Rue en donnant un peu d'épaisseur au bourg, comme d'ailleurs la rue Marchand qui, venant du nord, côté Bresse, se raccorde à la Grande Rue vers la place du marché. Les autres voies et lieux cité assurent son extension vers le sud. S'y trouvent une grande part des cultivateurs et journaliers de Cousance et des vignerons ; la majorité des maçons, des maréchaux et des tonneliers y exercent leur art. Quelques autres professions se partagent entre la Grande Rue et les autres voies ou les uniques représentants de certaines d'entre elles y sont installés : mécaniciens, sabotiers, horlogers, charpentiers, serruriers et même boulangers ou plâtriers en plus faible part, pour les premiers et, pour les seconds, cocher, cordier, ébéniste, entrepreneur, fruitier, marbrier, voiturier Les meuniers, naturellement, ainsi que le «rhabilleur de meules», sont contraints d'exercer le long de la rivière, donc à l'écart de la Grande Rue. Les blanchisseuses, les lingères et les couturières méritent une mention particulière car elles occupent le plus souvent des emplois différents de celui de leur conjoint. B.- Les écarts Des hameaux et des fermes isolées accueillent de reste de la population de Cousance, soit guère plus de 17 % de la population. - ne comptent qu'une famille :. la Culée Fléria ;. Rongeon ;. les Darbonnières ;. la Plantée ;. le Boisdel ;. les Meillonas ;. la Relasse ;. aux Buchets ;. aux Piquettes ;. aux Varennes. - comptent 2 familles :. aux Mézières ;. la Lyre ;. la Grange Bouchard. - compte 3 familles :. aux Mézis. - compte 4 familles :. aux Mares. - comptent 7 familles :. sur les Mares ;. le Boisdel Jaquerot. - compte 10 familles :

64 Cousance et les Cousançois p.64. Fléria. Soit 47 familles en tout. La culture domine largement les activités pratiquées tant par les chefs de famille (87%) que par les personnes en dépendant, femme, enfant, domestiques (24%), soit un peu plus de 40 % pour l'ensemble par rapport à la population globale des écarts. Les autres métiers ne sont que peu représentés : 2 cloutiers et 2 forgerons, un usinier, un sabotier et un voiturier, ces trois derniers étant chef de ménage, et 1 hongreur et 1 scieur, tous deux membres d'une famille. C.- profession «néant» Le recensement de 1906 indique l'activité professionnelle de chaque personne figurant sur l'état nominatif (13 cas excepté). Alors que rentiers et retraités font l'objet d'une mention précise, pour près de 20 % des Cousançois la rubrique profession reçoit la mention «néant» : plus de 2,5 % des chefs de famille et plus de 21 % des membres de la famille. Ils sont 38 chefs de famille dans cette situation et leurs moyens de subsistance ne sont pas autrement précisés. Pour les autres, vivant au domicile d'un chef de famille, au nombre de près de 450, plusieurs situations peuvent se présenter. Il y a, en premier lieu, tous ceux qui ne sont pas ou ne sont plus en âge de travailler comme les enfants ou quelques nourrissons, les grands-pères, grands-mères ou belles-mères accueillis chez un enfant. En second lieu, les conjointes constituent une part non négligeable de cette catégorie, plus de 25 %. Mais, alors que la population du centre-bourg représente plus de 82 % de l'ensemble de la population, la part des conjointes sans profession n'atteint que 78 % de cet ensemble ; il y en a donc une plus grande proportion dans les écarts où les cultivateurs dominent largement. En ce qui concerne la proportion des conjointes sans profession déclarée, la Grande Rue et le centre du village dans son ensemble, ne se distinguent pas des autres rues. Au regard des professions exercées, c'est parmi les métiers de la terre que les conjointes sans métier déclaré sont les moins nombreuses : jardiniers, cultivateurs, journaliers, avec un pourcentage faible, inférieur à 20 % et même pratiquement nul pour les derniers. A coté d'eux, viennent prendre place les négociants, notamment, ainsi que quelques artisans comme le bourrelier, le boulanger ou le meunier. Les épouses des docteurs en médecine, pharmacien, percepteur, notaires, restent au «foyer», comme, d'ailleurs quand l'époux exerce un métier des plus courants : charcutier, coiffeur, ébéniste, perruquier, restaurateur, quincaillier, teinturier, rhabilleur de meules, garde forestier ou conducteur P.L.M., par exemple.

65 hier et avant hier p.65 III.- L'esprit La Révolution a atteint Cousance comme les autres communes du pays sans, cependant, que les habitants aient semblé contribuer ou même simplement participer d'une façon active à la rupture profonde qu'elle a représenté. Mise à part la concrétisation de l'émergence d'une nouvelle catégorie sociale aisée et considérée, du fait des activités principalement intellectuelles ou marchandes de ses membres, à la place des privilégiés et autres bénéficiaires institutionnels du système, aucune pression ne transparaît dans la documentation. Aucune chronique ne signale d'exaction contre le château des barons de Chevreaux et, même, le grand signe patibulaire de Cousance, symbole s'il en fut du pouvoir seigneurial, était-il encore debout en juillet La première élection municipale Les élections municipales de février 1790 illustrent l'évolution de la structure sociale de la population à travers l'émergence d'une nouvelle catégorie, à côté des laboureurs riches, et qui prend sa place dans l'immédiat après du 14 juillet au plan local : les marchands, négociants et artisans. Ces élections municipales, censitaires, ont réuni, le 8 février 1790 les citoyens actifs, tant électeurs qu'éligibles, représentant le bourg de Cousance, le village du Villard, les meix Brenot, Gambard, Laviange, Tupin ou Tisserand et les habitants des métairies en dépendant, ainsi que la partie du village de Fleyria dépendant anciennement du Duché de Bourgogne. Les citoyens actifs réunissaient tous les hommes de plus de vingt-cinq ans, non domestiques, payant une contribution équivalant à trois jours de travail ; pour prétendre à l'élection au niveau communal, le cens atteignait dix journées de travail. Le corps électoral se composait alors de 68 électeurs et de 53 éligibles, soit 121 personnes en tout, atteignant donc 10 % de la population estimée des communautés regroupées. Les résultats de l'élection montrent que si les élus résidant en Bourgogne sont tous laboureurs, ceux-ci ne sont que six parmi les Cousançois, contre quatre marchands ou négociants, deux bourgeois, un cloutier et un cordonnier : les laboureurs, à Cousance, se retrouvent donc en minorité parmi les élus du bourg. Parmi les élus se trouvent, outre le vicaire, personnage d'ancien régime, des familles distinguées avant la Révolution par la qualité de «sieur» attribuée à leurs représentants, illustrant ainsi une certaine continuité dans les critères de la considération sociale ; tous, néanmoins, ne semblaient pas attirés par la chose publique, puisque, en particulier, Jean Landoire, maire et chef de la municipalité, se trouvait absent au moment du vote et, par ailleurs Jospeh Gaspard Poyard a refusé son élection. 2.- L'emprunt forcé de l'an IV La composition de la population touchée par l'emprunt forcé de l'an IV, qui a frappé les plus aisés, confirme cette continuité ; par croisement avec d'autres sources de données, parmi 54 contributeurs, plusieurs ont pu être identifiés avec certitude : leurs professions confirment l'évolution constatée lors des élections : cultivateurs, laboureurs et vignerons ne sont que 5, alors que les marchands et négociants sont 7 ; 10 propriétaires et bourgeois se retrouvent sur la liste des prêteurs forcés, à côté d'1 aubergiste, 2 cloutiers et 1 menuisier, 1 huissier, 1 notaire et l'ancien curé. Parmi les «propriétaires» et «bourgeois», le patronyme des natifs de Cousance se retrouve généralement dans les mieux nantis dans l'arpentement de 1759 ou au moins dans une honorable moyenne.

66 Cousance et les Cousançois p La fracture de la Révolution Les archives laissées par les instances révolutionnaires cousançoises sont maigres et n'éclairent que très indirectement sur le climat qui régnait dans le bourg à cette époque ni sur les idées que les nombreux «passants et repassants» avaient pu colporter. Plusieurs faits attirent toutefois l'attention, tant en raison de leur nature que du climat et des discours qui les entourent, trahissant des mentalités propres. A.- Le pavé dans les volets Le 17 décembre 1790, les membres de la municipalité de Cousances, assemblés dans une chambre, ont entendu «un coup frappé à la fenêtre et plusieurs des membres composant le conseil... ont reconnu qu'on avait frappé sur le volet au dehors avec une pierre de la pesanteur d'environ six livres» ; sur la plainte de l'un des membres du conseil, celui-ci, se sentant victime d'outrage et même de menaces, a lancé une instruction à l'encontre du délinquant, notamment, afin qu'à l'avenir on respecte le lieu de ses séances, celui-ci «étant sous la sauvegarde de la nation et de la loi». Des témoins ont déclaré avoir saisi les propos d'un nommé Claude Michaud se disant responsable de ce fait ; ils ont tenu à préciser que ledit Michaud avait ajouté avoir accompli ce geste en riant «et que s'il l'avait fait en malice, il ne l'aurait pas déclaré». Le conseil n'en a pas moins tenu à consulter les corps administratifs du district et du département sur les sanctions à prononcer. B.- Des élans patriotiques En 1792, deux engagés volontaires, Charles Gagnon et François Philibert Martin ont pu apporter leur concours à la défense de la patrie en danger. L'année 1793 a vu une mobilisation cousançoise présentée comme très large en réponse à l'invitation de faire «des offrandes à la Patrie, en chemises, bas et souliers» au profit des défenseurs du peuple «exposés à la rigueur des froids» pendant que les autres sont dans leurs foyers ; de la charpie et des bandes sont aussi demandées pour le hôpitaux. 139 Cousançois ont répondu à cet appel, nombre à rapprocher des 121 électeurs et éligibles de d'entre eux ont réuni des chemises, des bas, des souliers, charpie et bandes, en différents états allant du neuf au mauvais : l'un a donné 4 bonnes chemises ou un autre des bas et des souliers neufs alors que d'autres se sont limités à 2 paires de bas médiocres voire, comme plusieurs, à une seule mauvaise chemise. Un peu plus nombreux, 72, ont donné de l'argent, atteignant en tout la somme de 195 livres 3 sous et 6 deniers, les dons variant de 5 livres à 10 sous. Parmi ces derniers donateurs se rencontre même un domestique que son statut écarte pourtant de toute vie publique. C.- Les nuances à apporter Dès les prémisses, les demoiselles de la Curne ont participé aux travaux de l'assemblée des trois ordres tenue à Lons-le-Saunier en avril De même, les dons de 1793 ne semblent pas avoir mobilisé l'ensemble de la population : la qualité du linge destiné aux soldats de la République ou le montant des sommes versées, comme indiqué ci-dessus, et en dehors de quelques témoignages évidents de patriotisme, laissent un sentiment mitigé sur l'adhésion des Cousançois aux idées de la Révolution. En outre, la même année 1793 a connu d'importants remous liés en particulier à la création des comités de salut public, ou, selon le vocable utilisé par le conseil de surveillance de Cousance évoquant celui de Lons-le-Saunier auquel participaient des Cousançois, le «comité prétendu de salut public».

67 hier et avant hier p.67 D'ailleurs, le Jura passe pour marquer fréquemment son attachement à la royauté, sentiment encouragé par le mauvais esprit qui règne à Lons-le-Saunier. En particulier, dans les années , le canton de Cousance est présenté comme «entièrement livré aux prêtres réfractaires» ; des personnes peu recommandables liés à la réaction ou des frères d'immigrés s'y signalent, ainsi qu'au moins deux individus connus pour leur sentiments royalistes. 4.- La vie politique au XIXè siècle Les résultats de la première élection municipale portant aux responsabilités des personnes jouissant déjà d'un certain prestige avant la Révolution et l'apparente unanimité de l'élan patriotique en faveur des soldats de la Liberté semblent contrebalancer voire occulter, dans l'image du paysage politique, la scission de la population illustrée par la réunion d'un comité «dit de salut public» en 1793, dont les membres, d'un nombre non négligeable, se rendaient à Lons-leSaunier ; ils ont été violemment dénoncés par le comité de surveillance, seul point de vue cousançois parvenu jusqu'à aujourd'hui. En outre, les conditions de déroulement des élections - tout comme la collecte en faveur des soldats - et malgré les lents progrès vers une réelle démocratie, ne garantissaient pas la liberté de choix des votants notamment dans un contexte où l'administration de l État ne faisait pas preuve d'impartialité. Dès lors, il semble difficile de cerner le paysage politique de Cousance au sens où ce terme s'entend actuellement. Cependant, quelques éléments ponctuels paraissent de nature à dégager un état d'esprit assez général, même, bien naturellement, si des nuances pouvaient se faire jour à l'époque. Ainsi, la persistance au fil du temps de noms de famille d'échevins ou de «sieurs» d'avant la Révolution ou de membres du comité de surveillance révolutionnaire parmi les élus municipaux du XIXè siècle, illustre vraisemblablement plus la persistance d'un système d'influence de «coqs» de village locaux que l'état d'esprit profond de la population et ses aspirations, système auquel adhèrent et participent rapidement les nouveaux arrivants. Ainsi, le nom des Baboz, avec des orthographes diverses, se retrouve-t-il depuis 1690 où l'un d'entre eux exerçait les fonctions d'échevin ; après une éclipse entre 1774 et 1871, un Emile, négociant, entre au conseil municipal. Plusieurs familles, comme les Billet, connus de longue date à Cousance, les Dépraz, Gagnon, Landoire, Maitre, Michaud, Micholet, Noblet ou Tronc, qui comptent un officier municipal ou un notable au conseil général de la commune en 1790, ou comme les Goyet, Pichot, Roussel ou encore Sommier ont pris une place par l'un ou l'autre de leurs membres à la vie publique cousançoise ; certains de leurs membres sont encore recensés en 1809 voire après, mais tous ont disparu de Cousance au XXè siècle. Plusieurs autres familles recensées pour la première fois en 1809 ont fourni des responsables municipaux comme les Balandrin, venant de Mâcon, les Caillon de Cuisia D'autres encore, arrivés plus récemment à Cousance, ont largement participé à la vie politique locale, bien souvent durant plusieurs mandats : les Fuynel, Clerc, Blanchot, Lautrey, Grand, Perrin Certes quelques membres de ces familles ont exercé des professions de moindre prestige comme cultivateur voire domestique ; mais qu'ils aient recueilli des suffrages ou non, d'autres, en nombre non négligeable, ont été connus comme médecin, notaire, propriétaire cultivateur ou vigneron, négociant, commerçant, aubergiste, rentier, maréchal ferrant... Dans le même état d'esprit, profitable au pouvoir en place, le résultat du plébicite organisé les 20 et 21 décembre 1851 place les Cousançois dans une position tranchée par rapport au département où le nombre d'opposants atteint 12 % des votes, le verdict populaire le plus défavorable aux autorités étant réalisé dans l'arrondissement de Poligny avec 21 % d'opposants : à Cousance, seuls deux électeurs sur 260 ont exprimé un avis négatif.

68 Cousance et les Cousançois p La gestion parcimonieuse des fonds publics Avant la Révolution, les manants répondaient aux impératifs définis par les autorités supérieures en payant de lourds impôts et en effectuant des corvées. Après, ils essayent de répondre aux besoins qu'ils ressentent, dans la limite de leurs moyens et tous les exemples montrent que les élus locaux géraient les fonds publics avec parcimonie et mettaient toujours en regard des dépenses à effectuer d'éventuelles taxes à instaurer et l'augmentation nécessaire de la fiscalité locale pour y faire face. Dans l'attente d'aides financières éventuelles du pouvoir central de nombreux projets ont pris beaucoup de temps pour émerger. En revanche, le conseil municipal, en accord avec les contribuables les plus imposés, a voté en 1862 une subvention de 2000 f. pour compléter le financement de la route réalisée par les communes bressannes souhaitant un accès au marché de Cousance... A.- Un besoin vital : l'eau Mais il est vrai que les «besoins nouveaux» ne manquaient pas, comme par exemple l'établissement de fontaines, pour délivrer aux habitants une eau de bonne qualité alors qu'ils devaient, auparavant, se contenter de puiser l'eau dont ils avaient besoin pour leur usage domestique dans quelques sources aussi irrégulières que malsaines et de mener les animaux à la rivière. Ainsi, en 1831, ont été construites trois «fontaines jaillissantes» entourées de bassins, une place du Marché, une place du Tilleul et une en haut de la Grande Rue. Elles complétaient les sources d'eau vive qui continuaient de participer à la satisfaction des nécessités des Cousançois, sources connues sous les noms de fontaine Montariol, fontaine de la Charrière Baras, fontaine des Chennevières de Veaux, fontaine Pya et fontaine des Pommières. La commune a eu deux projets d'amélioration du service : la reconstruction de la fontaine des Pommières et des travaux destinés à faciliter l'accès aux sources. Puis, en 1846, le conseil municipal a fait le constat que, malgré l'abondance de la source où elles s'alimentaient, le mauvais fonctionnement des trois fontaines établies en 1831, du aux désordres engendrés par les travaux d'aménagement de la nouvelle route royale n 83, rendait leur reconstruction nécessaire. De nouvelles dépenses venaient donc s'ajouter, quinze ans après, aux f. dépensés en B.- Les indispensables chemins vicinaux Le conseil municipal, cependant, avant d'engager une dépense, apprécie son utilité et la limite autant que faire se peut. Ainsi, l'entretien des chemins vicinaux n'est envisagé qu'avec la plus grande prudence. En 1825, alors que les chemins vicinaux qui «sont pour la plupart dans le délabrement», le conseil considère que les revenus ordinaires de la communes de Cousance sont bien loin d'être suffisants pour leur rétablissement pourtant nécessaire : il se borne donc à limiter la prise en charge de l'entretien par la commune aux seuls dont l'intérêt les rend indispensables. Les travaux annuels pourront être réalisés au moyen de prestations en nature ou en argent au choix des contribuables, en précisant même que «c'est le moyen le plus facile qui excitera le moins de murmures...». C.- Un intérêt économique : la place du marché Le marché hebdomadaire de Cousance se tenait le long de la route nationale, créant des difficultés de circulation mais aussi nombre d'accidents. Aussi, en 1838, et sur la pression des marchands forains, le Conseil municipal a décidé

69 hier et avant hier p.69 d'acheter deux bâtisses vétustes exigeant une démolition rapide du fait du danger qu'elles présentaient ; avec leur cour et leur jardin, elles devaient offrir une superficie de seize ares et neuf centiares suffisants pour accueillir un marché et des halles couvertes que les vendeurs pourraient occuper les jours pluvieux. Non seulement les halles couvertes justifieraient l'établisssement de taxes qui viendraient augmenter les ressources communales, mais encore, la démolition des deux vieux bâtiments mettrait à la disposition de la commune les matériaux nécessaires à la reconstruction d'une maison d'école et à l'établissement d'un abattoir public à proximité de la rivière. Enfin, M. Fléchon, propriétaire du bâtiment à détruire, a consenti à attendre le paiement jusqu'en novembre 1848, laps de temps pendant lequel, grâce aux affouages annuels, la commune pourrait réunir les seize milles francs de l'achat. D.- Un nouveau service et de nouvelles ressources : l'abattoir Le 2 février 1847, l'assemblée communale, «toujours empressée de rechercher et d'adopter toutes les mesures propres à augmenter les ressources de la communes et toutes celles aussi ayant pour objet l'amélioration du sort des habitants» entreprend les démarches nécessaires à la construction un abattoir public : en l'occurrence, le conseil attend que les meilleures conditions d'hygiène attirent encore plus de clients des cités voisines et que, par voie de conséquence, les finances communales s'en trouvent améliorées. Une longue période de mûrissement a précédé l'intervention de cette démarche : dès 1837, la commune avait déjà décidé de vendre quelques terrains dont elle n'avait pas l'usage pour pourvoir à la dépense. En fin de compte, pour éviter de faire quelque avance que ce soit, le conseil choisit le régime de la concession. E.- Des renoncements : la salle d'asile et l'école des filles L'attitude courante des élus locaux de «pleurer misère» ne suffit pas toujours et parfois la commune renonce-t-elle à des réalisations pourtant jugées primordiales. Pour la salle d'asile si utile aux pauvres et aux ouvriers, l'absence d'un tel équipement «ne doit être attribué qu'à la pénurie profonde des ressources communales» ; le conseil municipal a toujours reculé devant une telle dépense «mais avec regrets et la plus profonde amertume». Les filles ne sont pas plus chanceuses : en 1884, le devis pour la construction d'une école laïque de filles s'élevant à F., le conseil municipal a estimé que la dépense excédait les capacités financières de la commune ; il a considéré que si la commune de Cousance paraît peu imposée, notamment par rapport aux communes voisines, il en va tout autrement dans les faits : le revenu réel des immeubles est taxé au 1/8 et même au 1/7. Dès lors, il lui semble impossible «de surcharger davantage l'impôt, qui d'ailleurs frappe non seulement la propriété mais aussi, par les patentes, le petit commerce qui est une des ressources principales du pays». F.- Quand l'économie y gagne : le chemin de fer L'intérêt communal semble mieux compris quand l'intérêt économique entre en jeu et les édiles cousançoises plus promptes à entr'ouvrir le porte-monnaie. Mais, quand «ça ne coûte rien» à la commune et que «ça peut rapporter», une véritable émotion transparaît derrière leur enthousiasme. Si les Cousançois voués à la terre restent très circonspects devant toute innovation, le conseil municipal, quant à lui, fait preuve de modernisme, en 1843, à propos du chemin de fer : il s'est prononcé en faveur d'«une voie de communication que les produits industriels du Jura qui

70 Cousance et les Cousançois p.70 augmentent chaque jour par l'art élevé et le génie de ses habitants (utiliseraient pour trouver) des débouchés faciles et rapides» ; ce même département du Jura, «un des moins favorisés quoi que des plus laborieux jouirait enfin avec satisfaction d'un travail utile, créé dans un grand but d'utilité publique». G.- L'unanimité difficile Les positions prises sur les thèmes qui viennent d'être abordés et les attitudes qui s'en dégagent, pour refléter un climat général et semble-t-il bien partagé par les Cousançois, ne doivent pas occulter les divergences d'opinions ou d'intérêts. Un exemple peut illustrer les motifs qui poussent les uns et les autres à s'opposer. Le conseil municipal a décidé en 1835 de déplacer le cimetière. La procédure d'enquête préalable nécessaire pour recueillir l'avis de la population sur les avantages et les inconvénients de ce projet ne paraît pas avoir suscité de réclamation. Néanmoins, plusieurs habitants du bourg de Cousance, plusieurs mois après, se crurent fondés à interpeller le préfet sur les inconvénients de la solution du conseil municipal, alors même qu'une autre leur semblait plus satisfaisante à plusieurs points de vue. Les arguments présentés par les requérants, tant sur le plan juridique que technique, et sur un ton mesuré, avec le recul, ne manquaient pas de bien fondé. Cependant, il ressort de l'examen du dossier que le nouveau cimetière se situe à 27 m d'un bâtiment de ferme appartenant à l'un des requérants ou à son beau-frère et que ce même requérant proposait de vendre à la commune un terrain selon lui mieux situé et mieux adapté à la destination recherchée. Le nom des requérants, en outre, donne à penser que leur démarche n'était pas exempte d'arrières pensées électorales ; selon eux, d'ailleurs, il y avait déjà eu quelques tensions au conseil municipal. 6.- La place de l'église et de la religion En 1771, les Cousançois, certainement réticents devant la dépense à envisager, demeurèrent insensibles aux objurgations de l'évêque visant à remédier aux trop petites dimensions de l'église pour accueillir les paroissiens devenus plus nombreux. Pourtant, à peine quelques années plus tôt, en 1767, échevin en tête, la plus saine et majeure part de la communauté dudit Cousance avait désigné deux représentants pour aller voir l'évêque et solliciter de lui l'établissement d'un vicaire fixe en remplacement de ceux que les curés se voyaient obligés d'engager à leur frais pour desservir la paroisse. Il leur apparaissait en effet que l'église ne pouvait accueillir tous les paroissiens pour «entendre la messe et assister aux instructions», d'une part, et d'autre part, que l'état des chemins desservant plusieurs hameaux éloignés de près d'une lieue du village rendait mal aisée la pratique de la religion à leurs habitants. En 1839, les Cousançois se voient qualifier de «bons religieux» ; mais l'assertion selon laquelle «près de mille communiants et un grand nombre d'enfants» composaient alors la communauté, qui laisserait supposer une pratique assidue et générale, ne repose sur aucun document précis. Dès lors, seuls quelques faits ponctuels peuvent éclairer sur les rapports entre la population et les institutions ecclésiastiques,. Ainsi, en 1841, le conseil municipal se prononce favorablement sur le projet d'établissement à Cousance, par les sœurs du Saint-Sacrement d'autun, d'une institution pour l'instruction des filles. Deux éléments ressortent de la décision prise par l'assemblée communale. Le premier est que ce projet ne peut voir le jour que grâce au don d'un immeuble fait à la congrégation par mademoiselle Josèphe Aimée Janet ; le second est que les élus locaux ne peuvent que reconnaître toute l'utilité et la nécessité d'un semblable établissement qui recueille dès lors un accueil

71 hier et avant hier p.71 unanime. En 1847, les dites sœurs du Saint-Sacrement ont promis leur aide à la commune pour la réalisation d'une salle d'asile : «les dames du bureau de Charité et les dames religieuses institutrices de notre l'école ont parfaitement compris (les bienfaits à retirer d'un tel établissement) et pour favoriser la prompte exécution de cette œuvre si belle (ont offert) au conseil municipal toutes les ressources dont elles peuvent en ce moment disposer et lui (font) encore des promesses pour l'avenir.» En outre, le curé de la paroisse dont la charité est inépuisable a voulu s'associer à cet acte de bienfaisance en faisant une rente de quarante francs qui seront consacrés à l'entretien de la salle d'asile. C'est encore dans la place que l'église prend dans l'enseignement que son influence peut s'apprécier en Dans sa délibération du 7 janvier 1879 sur l'application de la loi du 1 er juin 1878 relative à la construction des écoles communales, le conseil municipal dresse le tableau de l'accueil des 402 enfants du bourg : - école communale de garçons : 61 - école libre de garçons : école communale de filles : 60 - école libre de filles : 50 - salle d'asile : ouvroir : 10 Il précise en outre que Cousance ne dispose d'aucune école publique convenable et que si les frères de Marie n'avaient pas ouvert depuis quelques années une école libre, celle-ci serait totalement insuffisante. Aucun commentaire ne précise la situation des écoles des filles, mais il convient de souligner que ces dernières sont plus nombreuses à l'école communale qu'à l'école libre. Toutefois, en raison des conditions d'accueil telles que le conseil municipal les décrit, il semble impossible, faute d'autre documentation, d'apprécier la part du libre choix entre école communale et école religieuse. La générosité cléricale et la gratitude municipale ne paraissent pas de nature à occulter les rivalités durables entre les deux autorités. Ainsi, en 1878, appuyant la réclamation des parents, le conseil municipal s'est offusqué que, pour entendre la messe, depuis la création d'une école libre, le curé avait cru à propos de reléguer les enfants de l'école communale derrière l'autel alors qu'auparavant ils occupaient des places situées devant l'autel : il invitait donc le curé à assurer une égale répartition des places des enfants dans l'église. Le conseil, dans une lettre au préfet revendiquait une juste et égale répartition des places à l'église pour tous les enfants du pays quels qu'ils soient et quelle que soit l'école qu'ils fréquentent. Il en reste néanmoins que les pères de famille intéressés veillent au respect de leurs enfants par le curé, mais aussi qu'ils tiennent à ce que ces mêmes enfants, bien que fréquentant l'école communale, assistent fidèlement à la messe. Le monde étudiant témoigne également de ce sentiment religieux. En effet, en se référant aux professions des jeunes conscrits nés de 1863 à 1900 et dont la profession a été consignée, soit 336 hommes, 16 étaient étudiants le jour de leur recensement. A côté des 6 étudiants en médecine, des 3 étudiants en droit et de l'étudiant militaire à Saint-Cyr, figurent 4 étudiants ecclésiastiques, soit le quart des effectifs universitaires. En outre, la pratique religieuse, même si l'exemple qui est donné ne suffit pas à déterminer son importance, ne disparaît pas après la la séparation de l'église et de l État. Ainsi, l'hebdomadaire «la Croix», durant la guerre de , se faisait l'écho des nouvelles du front et informait la

72 Cousance et les Cousançois p.72 population des décès des combattants, commune par commune. Cependant, sur les 44 dont le nom est inscrit sur le monument aux morts de Cousance, et sans que les conditions de leur sélection n'apparaissent, 3 Cousançois seulement ont eu les honneurs de la presse. Le décès de deux d'entre eux fait l'objet d'une simple annonce et des circonstances ; en revanche pour l'un d'eux, tué en août 1914, l'article qui lui est consacré, en le distinguant des autres «jeunes gens du monde», insiste plus sur sa piété, son amour de la Vierge de Lourdes et son assiduité aux communions dominicales que sur les conditions de son décès exposées en quelques courtes lignes. 7.- Les femmes La Révolution, au moins dans les pratiques administratives, n'a guère changé les choses pour les femmes. A.- Leur situation sociale Ainsi, le recensement de 1809 ne relève la profession que des chefs de famille, hommes ou femmes. En revanche, pour les conjointes, comme pour les enfants en âge de travailler, aucune mention d'activité professionnelle n'accompagne leur nom. Pour les femmes chefs de famille, veuves, mères de familles ou seules, dont le métier est indiqué, à côté de 8 marchandes ou négociantes et de 8 propriétaires, se trouvent une majorité de femmes de condition apparemment plus modeste : 32 sont domestiques, 6 cultivatrices, 2 journalières, 2 ouvrières et 1 lingère, notamment. En 1851, un recensement partiel des professions exercées à Cousance, en dehors des métiers de l'agriculture et de l'artisanat, met en évidence la catégorie numériquement non négligeable des femmes qui vivent du travail et des revenus de leur mari, dénombrées à concurrence de 89 cas ; les autres, pouvant être qualifiées d'inactives, sont propriétaires (35 contre 23 hommes), 5 n'ont pas de revenus connus et 1 mendie. Chez les actives, dont la statistique ne précise pas la situation matrimoniale, la domesticité domine avec un effectif de 40, soit le double de celui des hommes ; à l'inverse, elles commencent à apparaître dans des métiers plus «nobles», puisque 3 exercent les fonctions d'institutrices (1 seulement en 1809) pour 4 hommes, et, surtout, 2 sages-femmes pratiquent leur art à Cousance, à côté des 6 hommes médecins ou pharmaciens. Le recensement de 1906 confirme la tendance que les chiffres partiels de 1851 laissait déjà entrevoir : en ne prenant en considération que les «femmes du chef», l'appréciation de la «dépendance» des femmes vis à vis de leur conjoint gagne en précision. En effet, celles qui peuvent être qualifiées d'inactives dominent en nombre : - 5 rentières, plutôt d'un âge certain, vivent de leurs rentes avec un époux également rentier, sauf une d'entre elles, mariée à un cultivateur ; autres vivent à l'évidence, selon l'expression retenue un demi siècle plus tôt, du travail et des revenus de leur mari, puisque le recensement, dans la rubrique «profession» indique «néant». Parmi ces dernières : - 8 se trouvent avec un homme n'ayant pas non plus d'activité professionnelle recensée ou non précisée pour 3 d'entre eux ; - 30 ont un cultivateur pour conjoint et quelques autre ont un vigneron ; - parmi les autres époux, se rencontrent des artisans : charcutiers, charpentiers, bourrelier, coiffeur, cordonnier, forgeron, horloger, maçon, marbrier, maréchal-ferrant, sabotier, serrurier, tailleurs d'habits ; - plusieurs ont un époux exerçant un métier plus prestigieux ou totalement détaché de la production : médecin, pharmacien, percepteur, notaire, facteur, instituteur, chef de gare.

73 hier et avant hier p.73 Pour les autres, qui exercent un métier : - une grande majorité s'intègre dans le monde de la terre : 34 cultivatrices ont épousé majoritairement un cultivateur ; seules 3 s'en distinguent avec un mari journalier, un autre tonnelier et un sacristain ; 12 journalières se trouvent avec un cultivateur ou un journalier, sauf une, femme d'un voiturier ; - 12 chapelières ou couturières ont des époux dont la profession n'a aucun rapport avec la leur : vigneron, employé des chemins de fer, entrepreneur, charpentier, retraité une seule est l'épouse d'un tailleur d'habit ; dans le même esprit, les deux sages-femmes ont pour époux, l'une un facteur, l'autre un retraité ; - en revanche, les négociantes forment ménage avec un négociant ou ayant une activité que la leur vient compléter : la production d'un jardinier ou d'un ferblantier, par exemple, peut être commercialisée par son épouse ; l'une d'elle est de 15 ans plus jeune que son mari, rentier. Les professions exercées par toutes les femmes actives, femme du chef, fille du chef, bellemère du chef, bru du chef, sœur du chef font une grande part au travail de terre, les autres métiers, plus «féminins» restant minoritaires et peu gratifiants dans l'ensemble : - cultivatrices et journalières : 59 ; - couturières : 26 dont une apprentie et 3 modistes ; - ménagères : 20, dont 18 avec le statut de domestiques ; - négociantes : 12 ; - rentières : 6 ; - blanchisseuses : 3 ; - cuisinières : 4, dont 1 avec le statut de domestique ; - sages-femmes : 2 ; puis viennent, avec une représentante pour chaque activité : bouchère, cafetière, chapelière, employée P.L.M., épicière, hôtelière, lingère. B.- Le regard des hommes Les témoignages directs sur le regard que les hommes portent sur les femmes, ou plutôt sur «la femme», font cruellement défaut pour Cousance et rien ne permet de penser que celles-ci jouissent ou subissent une condition différente de leurs consœurs. La Révolution ne les a pas émancipées juridiquement et, même, l'état d'esprit à leur égard connaît des excès : pour fustiger les hommes qui font publiquement l'éloge de la royauté dans le secteur de Colonne, les révolutionnaires les plus acharnés ne vont-ils pas jusqu'à les accuser d'avoir juré fidélité à leur bouteille et, pire, à leur femme. Dans des termes plus mesurés, elles passent cependant le plus couramment pour quelque peu vouées à des tâches plus simples que celles auxquelles les hommes doivent se consacrer : ainsi, par exemple, fin du XIXè siècle, la culture du cépage gueuche est réputée ne nécessiter aucun tact ni expérience dans sa conduite, de sorte qu'«une femme, un enfant, le premier venu peut procéder à sa taille»! Cela se traduit bien entendu, et depuis longtemps, dans les rémunérations perçues : à Cousance, en 1839, les gages des filles de service n'atteignent que 60 et 80 francs, alors que les hommes domestiques d'intérieur perçoivent entre 150 et 200 francs ; la journée de travail d'un homme dans l'agriculture coûte entre 75 centimes et 1 franc à l'employeur ; pour celle d'une femme, ce dernier ne dépense que 60 à 75 centimes. Les hommes du Conseil municipal suivent la tendance générale ; le 9 janvier 1879 conseil a délibéré sur la loi du 1er juin 1878 relative à la construction des écoles tant de filles que de garçons et a arrêté de demander «les plans et devis d'un bâtiment comprenant : école de garçons,

74 Cousance et les Cousançois p.74 école de filles, salle d'asile ou salle gardienne, logements d'instituteurs et d'institutrices et locaux pour l'administration municipale». Pour la partie purement éducative, le bâtiment devait avoir deux salles pouvant contenir 60 garçons, avec la possibilité d'adjoindre une troisième classe en cas de besoin, et deux salles pouvant contenir chacune 50 filles. Déjà, dès l'origine, le projet destiné aux filles restait plus modeste, mais en plus le terrain pour la construction de l'école des garçon a été acheté en 1882 et les travaux terminés en Quant aux filles, elles ont pris la place laissée vacante par les garçons en 1890 et ont du attendre 1904 pour avoir les aménagements propres au respect des normes de l'époque et pallier les inconvénients de l'école de garçons tels que les décrivait la délibération de 1879 : en particulier, elle souffrait d'un manque total d'hygiène : elle se situait au dessus de la halle aux grains, ne disposant d'aucune cour, de sorte qu'en «dehors des heures de travail les enfants (n'étaient) soumis à aucune surveillance et que les jours de foire et de marché, ils (étaient) dans un mélange complet en contact continuel avec des gens de toutes sortes...» et, en outre, les cabinets d'aisance se trouvaient dans l'escalier. Pourtant, le 8 mai 1859, le conseil municipal avait fait preuve de la plus grande attention pour la gent féminine en constatant qu'il n'existait plus qu'un seul lavoir à Cousance et qu'il était «plus que temps de mettre à l'abri les femmes exposées à toutes les intempéries», tout en reconnaissant que «l'établissement d'un lavoir couvert (était) réclamé depuis longtemps et surtout combien il (était) indispensable et urgent». Il s'engage donc à y pourvoir si, toutefois, «les finances communales le permettent» L'ancienne école des filles

75 hier et avant hier Les principaux lieux-dits p.75

76 Cousance et les Cousançois p.76 Epilogue L'esprit cousançois ne ressort qu'indirectement des faits relevés dans les archives et les exemples, présentés ci-dessus, certes trop peu nombreux, donnent à penser que les Cousançois éprouvaient des difficultés à sortir des traditions du monde rural, ancrées dans un fort esprit de parcimonie. Ils avancent doucement dans le siècle, sans esprit d'aventure, et s'ils semblent pris d'enthousiasme pour le chemin de fer, c'est plus dans l'attente d'incidences financières positives que par ouverture vers le progrès. Leur attitude apparente à l'égard des femmes en témoigne ; tout au plus, la construction d'un lavoir couvert illustre-t-elle un certain paternalisme non désintéressé. Mais, au delà des statistiques et des approches globales des conditions de vie, se découvre que les manantes et les manants, les citoyennes et les citoyens avaient une existence propre, distincte des clichés trop souvent colportés ou des catégorisations par nature arbitraires et incomplètes. La détresse d'une fille abusée transparaît dans la plainte déposée par Anne Sauneret, victime des avances du frère du notaire, ou encore celle de Pierre Poyard dont la fille a manqué de peu de se faire violer en rentrant à son domicile. Comment ignorer le désarroi du couple cousançois qui rosse un garde forestier, représentant du seigneur, ou l'indignation des pères qui reprochent au curé de placer les enfants de l'école publique derrière l'autel lors de la messe, voire encore le sentiment d'injustice ressenti par Claude Michaud qui prend la défense d'un voisin accusé de n'avoir pas participé à la corvée...? Capables de boycotter une réunion à laquelle le représentant du roi les avaient convoqués, les Cousançois n'en élisent pas moins à la première consultation municipale les représentants de l'élite née du négoce ou distingués de la masse par leur aisance ; animés de sentiments divers lors de la Révolution, ils donnent un blanc seing au second empire à une majorité proche de l'unanimité Ils craignent les innovations culturales Il n'existe pas ou trop peu de témoignages directes pour compléter ces données ou les mettre en perspective, sachant toutefois que ceux-ci risquent souvent de refléter plus la vision du témoin que la réalité. Ainsi, les propos tenus par la princesse Stéphanie-Louise de Bourbon-Conti, seul témoin de l'époque révolutionnaire à avoir transcrit ses impressions, illustrent l'incertitude laissée par les pièces d'archive parvenues jusqu'à aujourd'hui. Après avoir été bien reçue lors de son mariage, elle donne alors de Cousance une vision vraisemblablement très partiale dans une formulation ambiguë où l'état d'esprit des Cousançois ne se dessine pas clairement : elle était venue à Cousance pour son divorce qui se passait mal pour elle, «à cette époque précisément (où) arrive la nouvelle de l épouvantable catastrophe qui termina les jours et les malheurs de la reine. Les habitants de ce village glacés d effroi n osent pas me garder (je) reçois verbalement (du maire) des injures et des menaces ; j en conclus que ma liberté ni ma vie ne sont en sûreté à Cousance». En 1839, le Cousançois est d'abord présenté comme «lymphatique et bilieux, rarement sanguin». Plus loin, l'auteur de la statistique précise que «les habitants de Cousance sont causants, curieux comme on l'est dans les petits endroits, nonchalants, timides et médisants serviables, hospitaliers, affables et généralement bons religieux» et prennent plaisir à participer aux cérémonies religieuses du dimanche. (le Cousançois) «a l'esprit lourd et la conception peu facile, mais exécute avec assez d'adresse ce qu'on lui a fait concevoir». Comme tous les gens de la campagne, il est attaché aux anciens usages : par exemple, on fête massivement le dimanche des Brandons par des feux allumés dans toute la contrée, même sur la montagne. Le

77 hier et avant hier p.77 Cousançois un tant soit peu aisé est vêtu comme les citadins et les nombreux ouvriers se mettent avec goût. Le français est mieux parlé à Cousance qu'aux alentours et l'accent franc-comtois n'y est pas entendu. Compte tenu du mouvement migratoire des populations, ce portrait mitigé éclaire-t-il vraiment sur les Cousançois? Source des Prélions (territoire de Digna)

78 Cousance et les Cousançois Les rues de Cousance (d'après le cadastre de 1836) p.78

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