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http://www.reseau-asie.com Enseignants, Chercheurs, Experts sur l Asie et le Pacifique Scholars, Professors and Experts on Asia and the Pacific PERSPECTIVES POUR LES «HALLYU DRAMAS» OU SÉRIES TÉLÉVISÉES EN ASIE ; LA 'VAGUE CORÉENNE' OU HALLYU COMME CATALYSEUR DES VAGUES CULTURELLES ASIATIQUES À PARTIR DES SÉRIES TÉLÉVISÉES : PERSPECTIVES DE CONCURRENCES OU COOPÉRATIONS RÉGIONALES? PERSPECTIVES ON HALLYU DRAMA SERIES IN ASIA Eun-Sook CHOI Université du Havre Thématique D : Créations artistiques et imaginaires Theme D: Artistic and Imaginary Creations Atelier D 06 : L'impact de l'engouement pour les feuilletons télévisés Coréens sur la région Asie en construction culturelle Workshop D 06: The impact of the craze for Korean television series on the Asia in cultural construction 4 ème Congrès du Réseau Asie & Pacifique 4 th Congress of the Asia & Pacific Network 14-16 sept. 2011, Paris, France École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville Centre de conférences du Ministère des Affaires étrangères et européennes 2011 Eun-Sook CHOI Protection des documents / Document use rights Les utilisateurs du site http://www.reseau-asie.com s'engagent à respecter les règles de propriété intellectuelle des divers contenus proposés sur le site (loi n 92.597 du 1er juillet 1992, JO du 3 juillet). En particulier, tous les textes, sons, cartes ou images du 4 ème Congrès, sont soumis aux lois du droit d auteur. Leur utilisation, autorisée pour un usage non commercial, requiert cependant la mention des sources complètes et celle des nom et prénom de l'auteur. The users of the website http://www.reseau-asie.com are allowed to download and copy the materials of textual and multimedia information (sound, image, text, etc.) in the Web site, in particular documents of the 4 th Congress, for their own personal, non-commercial use, or for classroom use, subject to the condition that any use should be accompanied by an acknowledgement of the source, citing the uniform resource locator (URL) of the page, name & first name of the authors (Title of the material, author, URL). Responsabilité des auteurs / Responsability of the authors Les idées et opinions exprimées dans les documents engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Any opinions expressed are those of the authors and do.not involve the responsibility of the Congress' Organization Committee.

PERSPECTIVES POUR LES «HALLYU DRAMAS» OU SÉRIES TÉLÉVISÉES EN ASIE ; LA VAGUE CORÉENNE OU HALLYU COMME CATALYSEUR DES VAGUES CULTURELLES ASIATIQUES À PARTIR DES SÉRIES TÉLÉVISÉES : PERSPECTIVES DE CONCURRENCES OU COOPÉRATIONS RÉGIONALES? Eun-Sook CHOI Université du Havre La naissance de la «vague coréenne» - ou Hallyu - remonte au milieu des années 1990, soit environ à quinze ans. La fin de la guerre froide à partir de la chute du mur de Berlin, l ouverture de la Chine et les nouvelles technologies de l information et de la communication - ordinateur personnel, internet, satellites - ont facilité la mondialisation. La révolution électronique a transformé le monde en un village planétaire, où les notions d espace et de temps sont relativisées par la simultanéité de la diffusion d information et de la communication. Il est quasiment impossible pour les pays, quels qu ils soient, d échapper à cette course, cette concurrence à l échelle mondiale fondée sur la logique de l économie de marché dans tous les domaines, y compris dans l industrie culturelle qui devient un des secteurs prioritaires pour les investissements de pays disposant des moyens nécessaires. Dans ce sens, il n est pas exagéré de qualifier le 21 ème siècle d ère de la «guerre du soft power», où les pays en concurrence tentent de produire des programmes culturels pour le marché mondial. Dans le contexte d une telle mondialisation, l industrie culturelle fonctionne selon une logique de «glocalisation» (global localisation) 1 pour minimiser «le taux de rabais culturel» (cultural discount rate) 2 en mêlant mondialisation et identité culturelle locale. Hong-Mercier démontre cette complexité de la logique d identité culturelle exercée dans un contexte de mondialisation-glocalisation. 3 1. La globalisation est en fait aussi associée au nouveau dynamisme de re-localisation. Il s'agit de la réalisation d'un nouvel nexus global-local, au sujet de relations nouvelles et complexes entre l'espace global et l'espace local. La mondialisation c est comme assembler un puzzle: c est une question de l'insertion d'une multiplicité de localités dans l'image globale d'un nouveau système mondial". Il s agit donc de combiner l universalité culturelle et la spécificité locale identitaire, car "la globalisation n est pas juste ouvrir les usines dans les pays, mais elle consiste aussi à s imprégner de la culture locale" - propos du vice-président de NBC, Holston III, cité par Brown, 1989, et recité par David Morley & Kevin Robins (eds.), Spaces of identity : global Media, Electronic Lanscapes and cultural boundaries, London & N.Y.: Routledge, 1995, pp 116-117. 2. Le "Cultural discount rate" est un concept qui consiste à mesurer le degré de difficulté de communication culturelle à cause de différences culturelles. Plus la culture est universelle, plus le taux de "cultural discount" est bas. Une série télévisée qui a un taux de rabais culturel très bas est une série qui est accessible aux gens de toutes les nationalités, sans barrière communicative. Cité par Bak Jang-Sun, 2008, p.25. 3. Hong-Mercier Seok-Kyeong, «La Globalisation et l industrie culturelle dans la nouvelle logique identitaire : analyse sur la représentation des stars asiatiques dans les films hollywoodiens» (en coréen), in Semiotic Inquiry, n 17, juin 2005, pp.143-177 Eun-Sook CHOI / 2

Les consommateurs disposent, grâce à l internet et aux satellites, de moyens qui les rendent plus actifs dans les choix de programmes qu ils veulent. Ils n ont plus à se contenter d être des spectateurs passifs. L hégémonie culturelle américaine et les mise-en-garde envers l américanisation culturelle dans un monde globalisé, surtout depuis des années 1990, s en trouvent relativisées. Cette dernière occupe toujours aujourd hui plus de 40% du marché culturel mondial 4 mais le monde contemporain a vu naître le succès d une autre culture populaire, notamment la culture populaire coréenne et ses diverses manifestations : la dance music (K-pop), les séries télévisées, les jeux en ligne, les films, etc. Le succès de cette «vague coréenne» ou Hallyu, née au départ en Asie, se propage à travers le monde. Le moteur de la vague coréenne, ce sont les séries télévisées. Ce sont elles qui assemblent les asiatiques devant l écran télévisé. C est à travers elles que se forme une communauté virtuelle par un partage des mêmes codes culturels. Les séries télévisées sont le genre préféré des asiatiques parmi tous les programmes de télé. Les séries coréennes ont un taux très bas de «rabais culturel» : leur proximité culturelle avec les autres pays d Asie les y rend facilement acceptables. En ce sens, les séries télévisées détiennent même la clef pour pénétrer le marché culturel d Asie et en conquérir le public. Les séries coréennes jouent indéniablement aujourd hui un rôle fédérateur 5 auprès des asiatiques, devenant leurs séries de prédilection communes. La popularité des séries télévisées coréennes couvre une zone bien plus vaste que la seule Asie mais nous proposons d analyser la «vague coréenne» des séries télévisées dans la zone asiatique pour comprendre les possibles scénarios du futur du Hallyu et de son impact sur la construction culturelle régionale en Asie. Dans un contexte de mondialisation, les Etats-Unis ne sont plus le seul pays à tendre vers une monopolisation du marché culturel mondial. Une multi-polarisation des exportations de programmes culturels, surtout dans le domaine de la télévision et du cinéma, est l apanage 4. Les États-Unis diffusent leur modèle culturel à travers le monde notamment leurs séries télévisées, qui sont les plus exportées sur tous les continents (les Etats-Unis exportent à eux seuls plus que tous les pays du monde réunis). Bien que la Chine soit devenue l une des locomotives mondiales, son industrie culturelle représente moins de 4% à l échelle mondiale, selon un livre bleu publié récemment. Ce livre bleu, intitulé «Rapport annuel de recherche sur le soft power chinois (2010, Académie des sciences sociales de Chine (ASSC). Le «soft power» culturel de la Chine reste largement derrière son évolution rapide en «forte puissance», selon le livre bleu. La proportion de l industrie culturelle du pays dans le PIB est bien inférieure à celle des 10% des pays développés occidentaux. Le secteur culturel des Etats-Unis représente 43% de l industrie culturelle mondiale et la Chine représente moins de 4%. http://french.peopledaily.com.cn/culture/7293543.html D après http://photo.media.daum.net/editorial/view.html?cateid=1009&newsid=20110718203042528&p=dt, en 2010, en termes des programmes culturels (cultural contents) dans le monde, les Etats-Unis représentent 32.4%, le Japon 12,3%, l Allemagne 3.7%, et la Corée 2.2%. 5. Voir Choi, Eun-Sook, Le Hallyu ou la vague coréenne : une passerelle cultuelle en Asie, in Identity, Culture and Politics, an afro-asian dialogue, vol 9, n 2, 2008, pp. 1-12. Eun-Sook CHOI / 3

aussi de l Australie, de l Amérique latine, de Hong-kong et de la Corée. Dès lors, avec la puissance immanente de l Asie, le plus grand marché intérieur du monde grâce à la Chine et l Inde, l Asie saura-t-elle, à l instar du Hallyu, construire une culture régionale asiatique et évoluer vers une «vague asiatique» dans le monde en inversant la logique Ouest-Est en courant Est-Ouest et engendrant un rééquilibrage culturel dans le monde? Notre analyse part de trois hypothèses : i) la naissance de la «vague coréenne» doit en grand partie à la révolution électronique, à l émergence de la Chine et aux réseaux de la diaspora chinoise dans le monde ; ii) les séries télévisées coréennes se sont au départ développées par imitation et appropriation des séries japonaises puis elles ont réussi à affirmer leur originalité dans les années 2000 ; iii) derrière le succès des séries coréennes, se dissimule un long parcours de concurrence entre séries japonaises et coréennes mais les séries coréennes peuvent aujourd hui être un catalyseur de la naissance de la vague asiatique dans le monde. Il convient d analyser le parcours du Hallyu, qui le place aujourd hui en tête en Asie (1) et les facteurs qui ont permis aux séries coréennes de dépasser les séries japonaises, dont les taux d audiences étaient pourtant parmi les meilleurs des programmes asiatiques jusqu au milieu des années 1990 (2). Dès lors, la vague coréenne à travers le Hallyu drama peut-elle constituer l embryon d une vague asiatique dans le monde, entraîner les autres pays asiatiques dans une concurrence constructive, dynamique propice à une «vague asiatique» même si l on constate plutôt pour le moment que les pays développent leur propre industrie culturelle pour protéger leur culture et espérer la suprématie (3). 1. Le parcours du Hallyu Drama et ses caractéristiques L origine des séries télévisées dans le monde remonte à 1951, 6 une vingtaine d années après l apparition de la télévision. 7 En Asie, la première série télévisée disponible en système 6. Une série télévisée américaine comique I love Lucy, en 180 épisodes de 25 minutes, en noir et blanc, créée par Jess Openheimer, Madelyn Pugh et Bob Caroll Jr et diffusée entre le 15 octobre 1951 et le 6 mai 1957 sur le réseau CBS. En France, la série a été diffusée à partir du 29 octobre 1999 sur Téva. 7. La BBC a commencé sa première émission télévisuelle au monde en septembre 1929 en utilisant le télévisor de la télévision mécanique inventé par John Lodgie Baird, ingénieur écossais. Plus tard, en juillet 1931, la compagnie RCA des USA commence sa première émission de télé en utilisant la tube Braun inventé par physicien allemand Karl Ferdinand Braun et la télé électronique primaire développé par Vladmir Zworykin. En Asie, la première émission télé a été lancée en 1953 par le NHK au Japon ; en 1956 en Corée. Eun-Sook CHOI / 4

VTR, système d enregistrement dissociant l accès aux programmes et leur visionnage en direct, est apparue en 1958, 8 puis dans le cas de la Corée en 1964. 9 Dans les années 1960 et 1970, au Japon et en Corée, les séries télévisées appelées «home drama» dominent l écran. 10 Ces séries familiales, souvent diffusées quotidiennement, traitent des problèmes et des conflits familiaux de la classe moyenne pétrie d idéologie patriarcale. Dans ces «home drama», la femme a une place et un rôle à jouer dans la société, contrairement au schéma classique, où elle est effacée. Dans les années 1980 et 1990, la société asiatique évolue, tant dans son mode d habitat que dans sa mentalité : l apparition du logement en appartements due à l urbanisation rapide, la revendication de démocratie, le travail des femmes et les femmes carriéristes, etc. C est à cette époque qu apparaissent les «mini series» 11 et «le trendy drama». 12 Le trendy drama s affirme dans une société moderne, où la famille se décompose et se démocratise, et dans un environnement extrêmement consumériste. Il perd ensuite de sa popularité avec la crise financière asiatique de 1997, notamment en Corée, par un décalage entre la dure réalité et la légèreté du «drama». Cet affaiblissement apparaît aussi au Japon au début des années 1990 après l éclatement de la bulle économique. Pendant cette période, à côté du trendy drama, un nouveau genre se développe : le neo home-drama, qui décrit des familles recomposées, où les relations humaines sont plus égales. 8. Je veux devenir un coquillage, 1ère série télévisée asiatique en VTR, TBS, Japon, en octobre 1958. Voir Hallyu, la guerre de Drama entre la Corée et le Japon, 2008, p.103. 9. Le premier feuilleton à proprement parler remonte à 1962 (KBS : Moi aussi, je veux devenir un humain diffusé le dimanche). Mais en VTR, il s agit de La première neige, DTV (TBS), le 5 décembre 1964. Voir Hallyu, la guerre de Drama entre la Corée et le Japon, 2008, p.103) ; 10. En Corée, les home Drama ont commencé en 1964 et continué à dominer l écran jusqu aux années 1970. 11. Les Mini-series sont des séries relativement courtes qui dépassent rarement les 10 épisodes. C est un genre de séries qui a commencé aux USA en 1977 (ABC TV) avec Roots. En Corée, KBS, stimulée par ce succès, fabrique la première mini-series en 1977 (Les trois générations de l embarcadère du bac). La première série télévisée qui a été diffusée sous le nom de mini-series en Corée a été la série de MBC Bulsae (fire bird - oiseaux de feu) de 8 épisodes diffusées en février 1987. (Cf. Bak Jangsun, p. 122). Les mini-series coréennes avaient au début une tendance très engagée traitant de sujets de société et d actualité. Après une période de baisse au début des années 1990, les mini-series rebondissent à nouveau à partir de 1997 avec les sujets comme l amour, la famille et le foyer. 12. Le Trendy Drama est un nouveau genre de drama apparu à la fin des années 1980 au Japon (1986, TBS, Histoire d été de sept garçons et filles) dans le contexte de l économie de bulle d une société de consommation. Elle prend la place de home drama pour décrire la mentalité et le style de vie des jeunes urbains. Ceci a influencé beaucoup de jeunes filles qui travaillent (Office Lady) au niveau de leur mentalité, leur mode vestimentaire, et leur manière de consommer. Les caractéristiques de trendy drama sont le thème du bonheur, la mode des jeunes, et la multitude des protagonistes. Ceci met en valeur l ambiance et les sensations plus que la narration qui correspond à la culture de la jeune génération. Ce genre explore le langage visuel, la suite de l histoire est moins importante que chaque épisode lui-même dont le téléspectateur retire plaisir et distraction. Le Trendy drama pousse les spectateurs à l hédonisme et la consommation, le matérialisme et fait appel à l intuition entraînant la réaction impulsive plutôt que la réflexion. La mode, la manière de parler, la musique, la légèreté etc., reflètent le goût des jeunes. En Corée, le Trendy drama a commencé en 1992, c est-à-dire six ans plus tard que Japon, par la séries La Jalousie (MBC). Eun-Sook CHOI / 5

En Corée, depuis le début des années 2000, sont apparues des séries très différentes de celles du Japon, qu on peut qualifier de post-trendy drama 13, et des séries télévisées historiques relevant du fusion drama 14. En somme, entre les années 1950 et le début des années 2000, le monde des séries coréennes a évolué de la même manière que le Japon, avec quelques années de décalage dans le temps, en imitant et en s appropriant les séries japonaises. Cela a duré jusqu au début des années 2000, période charnière, où les séries coréennes ont dépassé les séries télévisées japonaises au niveau de leur popularité en Asie. Les Japonais ont développé leurs séries télévisées en «asiatisant» les séries occidentales, puis ont influencé de façon directe ou indirecte les séries coréennes. Les séries coréennes aujourd hui sont donc le fruit de cette influence japonaise et de la propre expérience coréenne de la modernisation et ses spécificités culturelles. 2) Inversion et facteurs d inversion dans la concurrence Japon-Corée L industrie culturelle mondiale est menée par une logique triadique associant Amérique du Nord, Europe et Asie. En Asie, le Japon en a été la tête depuis la fin du 19 ème siècle grâce à sa puissance économique et technologique. Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, les séries télévisées japonaises ont connu une apogée en Asie. Les principaux programmes de télévision exportés du Japon sont, en chiffre d affaire, d abord les dessins animés de télévision, suivi des séries télévisées, des films, des variétés, des documentaires, et autres programmes. 15. En 1992, 13. Le post trendy drama coréen prend une forme particulière en mélangeant le trendy drama et le home drama. L histoire d amour des jeunes protagonistes se déroule en y intégrant les parents et les frères et sœurs. Dans ce sens, le post trendy drama coréen est complètement différent du post trendy drama japonais, qui lui évolue dans le sens extrême au niveau de violence et de sexe. Dans les post trendy drama coréen, on peut citer Automn in my heart (2000), Sonate d hiver (2002), All in (2003), Kkoktchi (2000), Escaliers de paradis, etc.. 14. Le Fusion drama ou la faction (fact et fiction) drama est une série qui mélange des différents genres, c est-àdire, il s agit d une adaptation du trendy drama à la série historique, pour rendre la série plus légère et plus facile à comprendre. En somme, plus accessible et plus actuel. ( Thevenet, Stéphane, «Les nouvelles formes à succès des feuilletons télévisés sud-coréens, Revue Entrelacs.Fr, nov. 2007, p.2. http://www.entrelacs.fr) 15. En 1992, les déssins animés représentent 58% des programmes de télévision exportés du Japon. En 2001, la proportion de ces produits exportés du Japon est presque inchangé : les dessins animés occupent 59%, séries télévisées et les films chacun 23 %, variétés 13 %, documentaire 3 %, divers 3 %. Par contre, en termes de nombre de produits exportés, c est le documentaire (577 titres, 35 %) qui est en tête suivi des dessins animés (531, 31%), séries télévisées et films (321, 19 %), variétés (141, 8 %), divers (108, 7 %). Bak Jang-Sun, Hallyu, la guerre de Drama entre la Corée et le Japon, pp. 162. Eun-Sook CHOI / 6

année où la Corée débute timidement ses exportations de programmes de télévision, 16 le Japon est déjà un des plus grands exportateurs de programmes de télévision au monde, notamment en Europe pour 34.7 % ou de ses exportations (7738 heures) et en Asie avec 26.5 % (5909 heures). Le fait que le japon soit déjà, en 1993, le 2 ème exportateur de programmes de télévision en Chine (après les USA) montre bien sa popularité. Ce succès est alors le même envers Hong-kong et Taïwan. 17 Un certain nombre d événements dans le monde se sont révélés une chance pour la Corée : l unification de l Allemagne en 1990, la dissolution de l URSS en 1991, la normalisation diplomatique entre la Corée et la Chine en 1992, etc. L ouverture de la Chine au commerce international a permis à la Corée d y exporter dès 1993 une série comme La Jalousie. Vers 1995, les séries coréennes s exportent de plus en plus, bien que le marché culturel soit encore dominé par la vague japonaise. Puis le Japon, plongé dans une longue récession après l éclatement de sa bulle économique, commence à perdre sa place de grand exportateur de séries en Asie, comme pour confirmer le point de vue de Murai Yoshinori, en 1993, sur les exportations culturelles du Japon : Cela ne signifie pas que les asiatiques acceptent la culture japonaise activement, de plein gré, mais cela reflète simplement la superpuissance économique du Japon 18 Cette perte de popularité des séries japonaises peut s expliquer aussi par un changement vers la radicalisation des thèmes et des scenarios. Les séries télévisées japonaises optent pour la voie extrême afin de stimuler davantage leur public, désormais sans illusion quant à la bulle économique et face à la dure réalité. Cette nouvelle tendance des post-trendy dramas exacerbe la pulsion sexuelle en traitant fréquemment de sujets tabou comme le viol, l inceste, l adultère, etc. Elle vise à stimuler en choquant. La violence, les sujets provocateurs liés au sexe, des scénarios invraisemblables, tout cela fait s écarter le public. Les enquêtes menées en Asie sur le goût du public pour les programmes de télévision étrangers confirment les mêmes évaluations négatives : les programmes de télévision occidentaux et japonais sont violents et choquent par leur excès de sexe. Dans le cas de la Chine, peu après la mort de Deng Xiaoping en 1997, le gouvernement se montra chauviniste et méfiant du succès en Chine des séries japonaises 16. KBS exporte pour la première fois en Chine en 1992 le dessin animé Il était une fois et en 1993, le trendy drama La Jalousie. Bak Jang-Sun, ibid., pp. 165 17. Voir Bak Jang-Sun, ibid., pp. 163 18. Voir Bak Jang-Sun, ibid, pp.168 Eun-Sook CHOI / 7

depuis les années 1980 et tenta de modérer cette invasion. Il remplaça la présence japonaise par des séries coréennes pour satisfaire la demande du public qui se détournait des séries chinoises. Le succès de la série coréenne C est quoi l amour? est en partie lié à ce climat particulier en Chine. Diffusée en juin 1997 par la chaîne nationale CCTV, cette série a enregistré jusqu à 15 % d audience, largement au-delà des 2 % d audience moyenne des séries étrangères en Chine. Entre 1997 et 1999, la Corée a intensifié l exportation de ses programmes télévisés en Asie et remporté un grand succès. Depuis le succès en Asie de C est quoi l amour?, les séries coréennes sont devenues une vraie menace pour les séries japonaises. Grâce à des séries comme C est quoi l amour?, les asiatiques ont accueilli très favorablement les séries coréennes. Les éléments qui les séduisent y sont en effet nombreux : l esprit de famille paisible et le respect envers les personnes âgées, la tolérance, l amitié fidèle, les valeurs confucéennes et bouddhistes adaptées à la vie moderne, qui évoquent la non-violence, l amour romantique et suggestif traité avec pudeur, la beauté des acteurs et des images artistiques accompagnées de musiques propices au rêve, la richesse des sentiments, de grands rebondissements qui inversent la situation, la morale et le sentiment orientaux, l importance des seconds rôles, le caractère clair des personnages, un code culturel similaire, la beauté des dialogues, une fin très souvent heureuse, de belles histoires, l harmonie entre sentiments et paysages, un bon mélange de réel et d irréel, etc., tout cela contraste avec l individualisme, les épisodes violents, l abondance de scènes explicites de sexe, les images trop réalistes, etc. Les asiatiques ont alors clairement manifesté leur préférence pour les séries coréennes. Avant l apparition des séries coréennes, le public asiatique était habitué aux séries occidentales et japonaises. Depuis, ses préférences ont changé, notamment à Taïwan, auparavant le plus grand consommateur de séries japonaises. 19 Les Coréens aussi, de leur côté, élargissent l éventail des séries qu' ils produisent, par exemple par les séries historiques adaptées au goût contemporain comme l ont montré des séries comme Herjun diffusée de novembre 1999 à 2000, Le monde des femmes diffusée de 2001 à 2002, Jewel in the Palace diffusée de 2003 à 2004 et Jumong diffusée en 2007, etc. 19. A Taïwan, un sondage sur les programmes de télévisions favoris montre que en novembre 2011, les séries japonaises remportent 22.5 % et les séries occidentales 8.5 %. Les séries coréennes n apparaissent même pas. En revanche, cette tendance s inverse dans un sondage de janvier 2003 : 23.2 % pour les séries coréennes, 18.2 % pour les séries japonaises et 3.5 % pour les séries occidentales. (source : Institut de recherche pour la stratégie internationale de contenus culturels de l industrie économique, KOFICE, juillet 2003. Eun-Sook CHOI / 8

Au milieu des années 2000, les séries coréennes détrônèrent les séries japonaises en Asie et s étendirent à d autres régions : Asie Centrale, Amérique Latine, Afrique, et Europe de l Est. Elles sont en train d arriver en Europe et en Amérique du Nord, ces deux «Mecques» des séries télévisées. Les séries coréennes, qui s étaient développées au début par imitation des séries japonaises, ont gagné leur statut actuel grâce à leur capacité de création adaptée au public le plus large du monde. L ampleur de leur diffusion doit à la révolution électronique, à l émergence de la Chine et aux nombreux réseaux des diasporas chinoises et asiatiques dans le monde, qui en sont les principaux consommateurs. Aujourd hui la question se pose différemment car les séries coréennes sont partout présentes. 3) Rôle du Hallyu drama comme catalyseur de la régionalisation culturelle en Asie La Corée, longtemps importatrice de programmes de télévision, se transforme à partir de 2002 en exportateur de tels programmes. 20 Les séries coréennes sont ainsi devenues des produits concurrents des séries américaines et japonaises, surtout en Asie. 21 Les pays asiatiques, aujourd hui les principaux consommateurs des séries coréennes, essayent alors de développer leurs propres produits pour protéger leur marché. La Chine, pays produisant actuellement le plus grand nombre de séries télévisées au monde, 22 a lancé une politique publique prioritaire de développement de l industrie culturelle chinoise. Elle a surtout l ambition et le potentiel de devenir un des plus grand pays exportateurs de produits culturels dans le futur. 20. La Corée exporte 28 810 000 $ et importe 25 110 000 $. Pour la première fois, l exportation des programmes de télé l emporte sur l importation. A partir de 2003, l écart entre exports et imports dans le secteur grandit de manière spectaculaire : en 2003, exports 42130000 $ Imports 28060000 US$), en 2004 71460000 $ exports et 31090000 $ imports), en 2005 123490000 $ contre 36970000 $, etfc. (Bak Jang sun, Hallyu, la guerre de drama entre la corée et le japon, Communication books, 2008, p. 227) En 2010, l exportation des programmes audio-visuels est dix fois plus importante que l importation (source : Situation de l import et de l export des programmes audio-visuels en second moitié de l année 2010, KOCCA. 21. En 2010, 90% des exportations d émissions de la Corée sont concentrés en Asie surtout au Japon (53.9 %), Taïwan (13.2 %), Chine (8.8 %) et, parmi ces programmes, les séries télévisées dominent avec 87.6 %, suivies des Documentaires (6.5 %), les variétés (2.7 %). (source : Situation de l import et de l export des programmes d émission en second moitié de l année 2010, KOCCA. 22. La Chine, plus grand producteur de séries télévisées au monde a produit, en 2007, 14 670 épisodes et a investi 4 milliards de Yuan, soit plus de 200 % d augmentation par rapport à l an 2000. Hanguk jaegyeong sinmun (Journal d économie financière de la Corée), le 11 décembre2009. Eun-Sook CHOI / 9

Pour des pays comme les USA et le Japon, grands exportateurs traditionnels de produits culturels, 23 les séries télévisées coréennes sont des concurrents dont il faut se méfier et qu il faut surpasser. De manière générale en effet, pour les pays importateurs de séries télévisées coréennes, celles-ci sont à imiter, à prendre comme source d inspiration pour développer leur propre séries nationales, ce afin de séduire et regagner leur public. Dans l intérêt de chaque pays, les uns et les autres essayent de collaborer de différentes manières, notamment pas la coproduction, la codiffusion, la production locale, l assistance technique, etc., autant d éléments positifs qui devraient permettre de développer leurs propres industries culturelles en tant que rivaux-partenaires. Leur concurrence peut les tirer vers le haut en termes de qualité, parvenant ainsi à former une véritable «vague asiatique» dans le monde. Tant qu aucun pays n était capable de concurrencer le Japon en Asie dans le secteur de l industrie culturelle par des armes telles que la technologie et le capital, les asiatiques consommaient les séries japonaises, faute de choix. Mais dès qu une alternative est apparue, le choix des Asiatiques est allé vers d autres séries, par exemples les séries télévisées coréennes, pour des raisons historiques et culturelles. Le contentieux lié au colonialisme japonais en Asie n est pas résolu envers un Japon qui a adopté aux 19 ème et 20 ème siècles une attitude méprisante envers l Asie affaiblie, pour suivre le modèle de la modernité occidentale. Koichi Iwabuchi 24 montre que, malgré un recentrage et une volonté de retour vers l Asie manifestée par le Japon dans les années 1990 pour regagner le marché asiatique, le Japon a longtemps obéi au schéma trichotomique Asie-Japon-Occident et qu il est perçu en Asie comme un pays constitué d asiatiques «pas comme les autres». Pour cette raison, le Japon nous semble peu probable dans un rôle principal au sein de la vague asiatique dans le monde. La Corée par contre, aussi bien pour des raisons d affinité culturelle et historique que parce qu elle n a pas de contentieux historique avec les pays voisins, à la différence du Japon, a toute sa place pour jouer un rôle catalyseur dans la régionalisation culturelle en Asie et la vague asiatique dans le monde. 23. D après les statistiques de 2007, les parts de marché de l industrie culturelle mondiale sont réparties de la manière suivante : en 1 er les USA avec 612.2 milliads US$, en 2 ème le Japon avec 116.2 milliards US $; en 3 ème la Grande Bretagne avec 101,3 milliards US $ ; 4ème : la Chine (95.5 milliards US $) ; 9ème : la Corée (36,8 milliards US $. Hanguk jaegyeong sinmun (Journal d économie financière de la Corée), le 11 décembr 2009. 24. Iwabuchi, Koichi, Recentering globalization popular culture and Japanese transnationalism, Duke University press, Durham and London, 2002. Eun-Sook CHOI / 10

Conclusion - vers une évolution complémentaire ou une rupture concurrentielle? Les séries télévisées coréennes sont actuellement parmi les séries favorites au monde et ont tendance à élargir la carte géographique de leur rayonnement, bien que 90% de leurs exportations soient encore à destination du bassin asiatique. 25 Dans la concurrence mondiale de l industrie culturelle, où beaucoup de pays donnent la priorité au développement de ce secteur face à de grandes puissances concurrentes comme les USA, le Japon, et la Grande Bretagne, chacun adopte une politique culturelle en réaction à l intrusion des produits culturels étrangers. En 2007, la Chine a ainsi pris des mesures limitant l importation des séries télévisées étrangères, 26 qui a considérablement diminué la diffusion des séries coréennes sur les chaînes chinoises. Certes, la vague coréenne a bénéficié amplement de l ouverture de la Chine et de son développement économique, mais ce grand voisin producteur mondial de séries télévisées et plus grand marché intérieur au monde, pourrait devenir le prochain leader de l industrie culturelle asiatique. La Chine et l Inde, avec un potentiel de marché géant et une classe moyenne grandissante, 27 donnent plus de poids au continent asiatique vis-à-vis du monde et pourront jouer le rôle de leader dans les années avenir. Tant qu existe, en effet, un choix de programmes nationaux, les spectateurs préfèrent leurs propres programmes à ceux importés de pays étrangers. 28 Si les asiatiques aiment regarder les séries coréennes ou asiatiques, cela s explique par la similitude culturelle et la satisfaction compensatoire qu elles leur procurent. Ce qui s est confirmé à travers le succès des séries télévisées coréennes, c est que le Hallyu drama ajoute un choix dans le monde des séries, dominé par les Etats-Unis, un choix permettant de multipolariser la culture et sollicitant la compréhension croisée des différentes cultures, les échanges culturels, etc. 25. Les pays les plus grands consommateurs des séries coréennes sont, dans l ordre, le Japon, Taiwan,, la Chine, Hongkong, la Taïlande, les Philippine, la Malaisie, l Indonésie, Singapore, le Vietnam, les USA, l Australie, l Europe, etc. (Bak Jang-Sun, ibid., p.224) 26. Le quota de diffusion de séries étrangères dans les chaînes normales (gongjungpa) est de 17.1 % en 2007, de 15.4% en 2008, de 11.1% en 2009 et tend à diminuer de plus en plus. La chute de diffusion des séries étrangères sur le sol chinois est due principalement aux mesures prises par le gouvernement chinois mais au changement de goût du public chinois qui aime de plus en plus les séries qui racontent la vie de tous les jours. En 2010, plus de 60 % des séries traitent des thèmes de la vie quotidienne. Mais, il y a des fans des séries coréennes qui arrivent à les regarder par internet. Donc, depuis l adoption de quota, le public de séries coréennes se limite aux jeunes de 10-20 ans. (Tendance du hallyu à l étranger en 2010, p.18-19 : http://www.kofice.or.kr/b20_industry/b20_industry_01_view.asp?seq=51&page=1 27. Les statistiques montrent que, en 2005, la classe moyenne ne représente que 4 % de la population en Chine l on prévoit 41 % en 2015, et 61 % en 2025. En Inde également, la classe moyenne ne peut qu augmenter d année en année. (Etude de marché de Contenus culturels étrangers en 2010, rapport de recherche de KOCCA, 31/12/2010) 28. Hong-Mercier, Sok-kyeong, Globalisation et l industrie culturelle dans la nouvelle logique identitaire : analyse sur la représentation des stars asiatiques dans les films hollyxwoodiens (en coréen), in Semiotic Inquiry, n 17, juin 2005, pp.144-145. Eun-Sook CHOI / 11

En Asie, le Hallyu contribue ainsi à la régionalisation culturelle. Il diffuse des produits qui «parlent» davantage aux asiatiques. La régionalisation ne signifie par ailleurs pas la fermeture. C est un processus d ouverture vers d autres mondes, d autres continents. Il offre un choix élargi aux citoyens du village planétaire. Il reste à être vigilant de ne pas tomber dans une logique uniquement mercantile telle que peut l engendre l industrie culturelle. Grâce à la dynamique lancée par le Hallyu et au développement rapide de la Chine et de l Inde, l Asie formerait le plus grand marché du monde et s imposerait d office en tant que concurrent ou partenaire équitable des autres grandes puissances de l industrie culturelle. Pour préserver les identités culturelles de chaque peuple, il faudrait que le développement et la concurrence puissent opérer dans un cadre «déontologiquement acceptable». Pour éviter l uniformisation culturelle et l hégémonie impérialiste des média mondiaux, les pays subordonnés à l influence des grandes puissances, en l occurrence les pays d Asie, se trouvent face à la nécessité de développer les programmes audio-visuels le plus possible en commun, d avoir une structure qui puisse gérer la construction culturelle asiatique et cela pourrait être le début d une «vague asiatique» dans le monde. A la différence de l Europe, construite «par le haut» à l aide d accords politiques et juridiques intergouvernementaux, l Asie se construit par la dimension culturelle et populaire, «par le bas» en quelque sorte ou à tout le moins en associant l engouement des peuples. Une question demeure donc : la vague asiatique sera-t-elle un simple prolongement de la vague coréenne ou bien une vague puisant plus largement aux dimensions dominantes de la Chine et de l Inde? Bibliographie Bak, Jang-Sun, Hallyu, «la guerre de Drama entre la Corée et le Japon», Communication books, Séoul, 2008 Choi, Eun-Sook, Le Hallyu ou la vague coréenne : une passerelle cultuelle en Asie, in Identity, Culture and Politics, an afro-asian dialogue, vol 9, n 2, 2008, pp. 1-12 Hannerz, Ulf, «La complicité culturelle. Etudes de l organisation sociale de la signification», (version en anglais, paru en 1992), A la croisée, Paris, 2010. Hong-Mercier, Seok-Kyeong, «Globalisation et l industrie culturelle dans la nouvelle logique identitaire : analyse sur la représentation des stars asiatiques dans les films hollyxwoodiens» (en coréen), Semiotic Inquiry, n 17, juin 2005 Huat, Chua Beng & Iwabuchi, Koichi, «East Asian Pop culture Analysing the Korean Wave», Hong Kong University Press, Hong Kong, 2008 Iwabuchi, Koichi, «La culture qui lie l Asie», traduit par Jeon Okyeong, Ttohanaui munhwa, Séoul, 2004 Iwabuchi Koichi, «Recentering globalization». Popular culture and Japanese transnationalism», Duke University Press, 2007 Eun-Sook CHOI / 12

Morley, David & Robins, Kevin, Spaces of identity: global media, electronic landscapes and cultural boundaries, Routledge, London et N.Y., 1995 Russell, Marc James, «Pop goes Korea», Stone Bridge Press, Berkeley (US), 2008 Shim, Gwang-Hyeon, «Les caractéristiques esthétiques du Hallyu et le sens de la politique culturelle», Recherche de la direction du développement du Hallyu, 2005, 7, pp.3-14, http://www.kofice.or.kr Thornham, Sue & Purvis, Tony, «Television Drama. Theories and Identities.» (2005), traduit en coréen, Dongmunseon, Séoul, 2008 Warnier, Jean Pierre, La mondialisation de la culture, La découvcerte» et syros, 1999 Eun-Sook CHOI / 13