LES MÉTHODES DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES



Documents pareils
Il y a trois types principaux d analyse des résultats : l analyse descriptive, l analyse explicative et l analyse compréhensive.

LE PROBLÈME DE RECHERCHE ET LA PROBLÉMATIQUE

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

SOCLE COMMUN - La Compétence 3 Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique

Synthèse «Le Plus Grand Produit»

FONDEMENTS MATHÉMATIQUES 12 E ANNÉE. Mathématiques financières

Comment se servir de cet ouvrage? Chaque chapitre présente une étape de la méthodologie

Une pseudo-science : 1. Pourquoi l astrologie n est pas une science reconnue?

Rédiger et administrer un questionnaire

Introduction à la méthodologie de la recherche

Problématique / Problématiser / Problématisation / Problème

Faut-il tout démontrer?

Stages de recherche dans les formations d'ingénieur. Víctor Gómez Frías. École des Ponts ParisTech, Champs-sur-Marne, France

Master Etudes françaises et francophones

b) Fiche élève - Qu est-ce qu une narration de recherche 2?

Principe et règles d audit

Manuel de recherche en sciences sociales

Enseignement au cycle primaire (première partie)

PASSEPORT INNOVATION Guide de présentation des demandes Mai 2015

Université de Lorraine Licence AES LIVRET DE STAGE LICENCE

Introduction au datamining

PASSEPORT INNOVATION Guide de présentation des demandes Janvier 2015

FICHE PEDAGOGIQUE 17

d évaluation Objectifs Processus d élaboration

Partenaires: w w w. c o g m a s t e r. n e t

LA DEMARCHE D UNE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES DEPELTEAU FRANCOIS

Théories comptables. Théories normatives

MÉDECINE PSYCHANALYSE DROIT JURISPRUDENCE QUESTIONS À FRANÇOIS-RÉGIS DUPOND MUZART. première partie

Structure typique d un protocole de recherche. Préparé par Johanne Desrosiers dans le cadre d une formation au réseau FORMSAV

Doit-on douter de tout?

Exploitation et analyse des données appliquées aux techniques d enquête par sondage. Introduction.

EXAMEN CRITIQUE D UN DOSSIER TECHNIQUE

LES BASES DU COACHING SPORTIF

Les mathématiques du XXe siècle

Méthode universitaire du commentaire de texte

PHP 2 Pratique en santé publique fondée sur des données probantes

1. Les types d enquêtes

CE QU IL FAUT SAVOIR PARTICIPATION À UN ESSAI CLINIQUE SUR UN MÉDICAMENT

Master européen en traduction spécialisée. Syllabus - USAL

Consignes pour les travaux d actualité Premier quadrimestre

Chapitre 2 LE CAS PRATIQUE

L ANALYSE COUT-EFFICACITE

Le scoring est-il la nouvelle révolution du microcrédit?

Chapitre 2. Eléments pour comprendre un énoncé

REF01 Référentiel de labellisation des laboratoires de recherche_v3

Qu est-ce qu une problématique?

LA VERITABLE EGALITE EST-ELLE SOUHAITABLE?

Introduction à la relativité générale

Initiation au binaire

Programme de bourses de recherche de l UEFA Edition 2014

Code d'éthique de la recherche

«Je pense, donc je suis» est une grande découverte

Ligne directrice du cours menant à une qualification additionnelle. Musique instrumentale (deuxième partie)

PEUT- ON SE PASSER DE LA NOTION DE FINALITÉ?

Initiation à la recherche documentaire

Normes de mise en œuvre des programmes et applications concrètes. En vigueur à compter du 1 er janvier 2014

ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE DECLARATION D HELSINKI Principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains

1 Chapitre Chapitre. Le coaching QU EST-CE QUE C EST?

RÉSUMÉ DES NORMES ET MODALITÉS D ÉVALUATION AU SECONDAIRE

Programme de la formation. Écrit : 72hdepréparation aux épreuves d admissibilité au CRPE

Conseils pour l évaluation et l attribution de la note

Une stratégie d enseignement de la pensée critique

Ce que doit inclure un projet de mémoire ou de thèse

«Une bonne thèse répond à une question très précise!» : comment l enseigner?

Formation à la systémique pour consultants et personnels RH

Annexe au document intitulé Communication relative à certaines questions de politique concernant le Bureau de Procureur : renvois et communications

Université de Mons UMONS Institut d Administration Scolaire. Direction Générale des Enseignements

Qui est dupe du coaching?

Consolidation de fondamentaux

MÉTHODOLOGIE DE L ASSESSMENT CENTRE L INSTRUMENT LE PLUS ADÉQUAT POUR : DES SÉLECTIONS DE QUALITÉ DES CONSEILS DE DÉVELOPPEMENT FONDÉS

Comment répondre aux questions d un examen en droit qui sont basées sur des faits

Enseignement secondaire

CONSTRUIRE UNE QUESTION ET ELABORER UN QUESTIONNAIRE?

ANNEXE 2 : Liste des questions entre le directeur et l étudiant

Probabilités. Une urne contient 3 billes vertes et 5 billes rouges toutes indiscernables au toucher.

Modélisation aléatoire en fiabilité des logiciels

UN MBA POUR QUI, POURQUOI?

Modernisation et gestion de portefeuilles d applications bancaires

Délivrance de l information à la personne sur son état de santé

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Réseau sur. Médicaments. l Innocuité et l Efficacité des. Document d orientation pour la présentation de requêtes au RIEM

ENQUÊTE SUR LE COMMERCE D'ESPÈCES SAUVAGES SUR L'INTERNET

Présentation du programme Éthique et culture religieuse. Par Diane Leblanc et Estelle Mercier Conseillères pédagogiques

La recherche en soins infirmiers

POLITIQUE INSTITUTIONNELLE SUR LES CONFLITS D INTÉRÊTS DANS LA RECHERCHE

La pratique des décisions dans les affaires

UFR de Sciences Economiques Année TESTS PARAMÉTRIQUES

Réglementation des jeux de casino

Trépier avec règle, ressort à boudin, chronomètre, 5 masses de 50 g.

COURS D INITIATION A LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE

GUIDE DES TRAVAUX DES ÉLEVES MODULE D INITIATION À LA RECHERCHE : LE MÉMOIRE DE RECHERCHE ET D APPLICATION PROFESSIONNELLE

PARTICIPATION À UN ESSAI CLINIQUE SUR UN MÉDICAMENT CE QU IL FAUT SAVOIR

3 thèses : Problématique :

Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Nabeul. Université de Carthage. Master de Recherche Finance des Entreprises et des Marchés

13 Quelle est l église du Nouveau Testament?

Sylvie Guessab Professeur à Supélec et responsable pédagogique du Mastère Spécialisé en Soutien Logistique Intégré des Systèmes Complexes

Comment parler de sa pratique pour la faire partager?

Les imperfections de concurrence dans l industrie bancaire : spécificités et conséquences

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Transcription:

LES MÉTHODES DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES Les méthodes de recherche en sciences humaines sont des procédures définies qui sont utilisées en vue de développer la connaissance scientifique des phénomènes humains. La méthodologie des sciences humaines est l étude de ces procédures. La connaissance scientifique se caractérise par la rigueur de ses raisonnements mathématiques ou logiques et par la précision de ses observations empiriques. La méthodologie joue un grand rôle en science (autant dans les sciences humaines et les sciences sociales que dans les sciences pures), car elle est le fruit d une longue tradition de recherche et définit la manière scientifique d étudier les phénomènes. Le doute et l incertitude que peuvent susciter des questions créent un malaise que l être humain cherche à surmonter par la croyance. Généralement, nous nous contentons des réponses que nous fournissent la tradition, notamment religieuse, les personnes plus expérimentées que nous ou les experts dans un domaine donné. Quelquefois, nous réfléchissons sur nos propres expériences pour en tirer des conclusions personnelles. D autres fois nous consultons des ouvrages savants, comme des encyclopédies ou des monographies, et nous considérons les conclusions des experts comme des vérités. Ainsi, le doute et l incertitude s apaisent. Cependant, ces méthodes pour établir notre croyance en quelque chose sont souvent fautives, incomplètes ou défectueuses. Il peut s avérer que les moyens que nous avons adoptés pour trouver une réponse étaient inadéquats. Ainsi, les Grecs de l Antiquité croyaient que la foudre était l expression de la colère de Zeus; aujourd hui les météorologues nous apprennent qu il s agit plutôt de phénomènes électriques nés de la collision entre les nuages. L Église catholique a condamné Galilée parce qu il prétendait que la Terre était ronde et tournait autour du Soleil; aujourd hui nous savons que Galilée avait raison, que la Terre n a jamais été plate et qu elle n a jamais été le centre de l univers. Les gens qui ont cru ces choses se trompaient. Des méthodes scientifiques: pourquoi? Les méthodes habituelles que nous utilisons pour fonder nos croyances sont bien peu convaincantes. La tradition peut être juste, mais elle peut aussi être fondée sur une longue série d erreurs et d illusions répétées de génération en génération. Même les personnes d expérience peuvent se tromper ou être limitées par leurs préjugés, leurs valeurs ou leur subjectivité. Les gens qui se sont opposés à Galilée étaient de grands experts et les meilleurs savants de leur époque; pourtant ils étaient dans l erreur. Pour ce qui est des expériences personnelles, vous savez très bien qu elles sont toujours limitées et très subjectives, et donc qu elles ne sont pas toujours fiables. Tout ce que les livres ou les médias véhiculent n est pas nécessairement démontré et peut même se révéler tout à fait faux. Il faut donc se méfier de ces différentes sources de connaissances, même si elles sont souvent pratiques dans la vie quotidienne. Nous considérons des tas de choses douteuses ou improbables comme vraies: c est ce problème que la méthode scientifique essaie de résoudre. Évidemment, toutes les questions ne peuvent pas être résolues scientifiquement, et ce n est pas là la prétention des vrais savants. Les questions métaphysiques, comme la question de l au-delà et de l existence de Dieu ou celles de la nature du bien et des raisons de la souffrance humaine, ne sont pas sujettes à un traitement scientifique en raison de leur Les Éditions de la Chenelière inc., 2006, Savoir plus : outils et méthodes de travail intellectuel, 2 e éd. 1

nature même. Les scientifiques laissent ces questions aux philosophes, même s il leur arrive souvent de faire des observations intéressantes dans ce domaine de réflexion. Cependant, il y a un nombre indéfini de questions qui peuvent être abordées avec la méthode scientifique. Cette méthode se distingue par le fait que ses résultats sont reproductibles, fiables et souvent très instructifs et très solides. Sa puissance et son utilité ne sont plus à démontrer, nous en connaissons tous des exemples convaincants: le développement de l informatique, la découverte du VIH à l origine du sida, l étude des effets négatifs de la pollution sur notre environnement, etc. Depuis plus d un siècle maintenant, la méthode scientifique a été adoptée par la plupart des chercheurs en sciences humaines et on compte désormais de grandes découvertes en psychologie, en histoire, en sociologie, en linguistique et dans toutes les autres branches des sciences humaines. La force de la méthode scientifique La puissance de la recherche scientifique repose sur ses qualités propres. On peut en dénombrer huit. 1. Le caractère exhaustif et rigoureux des descriptions et des classifications. En science, les descriptions doivent être systématiques et complètes. La classification des éléments doit se faire sur une base logique et objective. 2. le caractère systématique et exact des observations. Les observations ne doivent rien laisser au hasard et se dérouler de manière ordonnée et complète. Elles doivent être le fait de nombreux observateurs indépendants les uns des autres. 3. La reproductibilité des expériences. Les expériences doivent être menées et décrites de manière rigoureuse de façon à ce que le plus haut degré possible d objectivité soit atteint. Toute expérience doit être décrite de manière à pouvoir être reproduite et vérifiée. L objectivité est la capacité de reconnaître ce qui est réel, indépendamment de tout préjugé et de toute interprétation personnelle. C est le contraire de la subjectivité. Être objectif, c est demeurer neutre, impartial devant les faits. 4. la rigueur des concepts. Les concepts utilisés doivent être définis de manière rigoureuse, sans aucune équivoque, ou à tout le moins de la manière la plus exacte possible. 5. la logique des raisonnements. Les raisonnements, qu ils soient inductifs, déductifs ou probabilistes, doivent être parfaitement clairs et doivent obéir aux lois de la logique (module 12 du manuel). Les Éditions de la Chenelière inc., 2006, Savoir plus : outils et méthodes de travail intellectuel, 2 e éd. 2

Un raisonnement inductif est un raisonnement basé sur un très grand nombre de cas ou d observations, qui permet ainsi une généralisation. Un raisonnement déductif est un raisonnement logique par lequel on tire une conclusion nécessaire à partir de prémisses. Un raisonnement probabiliste est un raisonnement reposant sur les probabilités et comportant une certaine marge d erreur, par exemple 5 %. 6. la faillibilité des théories. Les théories qui expliquent les phénomènes en faisant intervenir des facteurs ou des causes particulières doivent être faillibles, c est-à-dire qu elles doivent avoir des conséquences concrètes qu on peut potentiellement observer et qui vont permettre de confirmer ou d infirmer les théories en question. Les théories qui sont compatibles avec n importe quels faits et ne prédisent rien de précis ne sont d aucune utilité. 7. Le caractère provisoire des conclusions. Toute conclusion scientifique, aussi ferme soitelle, doit être considérée comme vraie jusqu à ce qu on ait prouvé le contraire ou qu on dispose d une meilleure explication, plus exacte ou plus complète. Il n y a pas de vérité définitive ni de vérité absolue en science. 8. La probité des chercheurs. Les chercheurs ne doivent jamais fausser ou modifier leurs résultats afin de les rendre conformes à leurs théories ou à leurs hypothèses. Ils doivent se soumettre volontiers à toute vérification extérieure au besoin. Quels que soient ses résultats que l hypothèse de recherche soit confirmée, infirmée ou reformulée, toute recherche scientifique aboutit à l obligation d entreprendre de nouvelles recherches. Ainsi, la recherche scientifique est-elle par définition un cycle sans fin, chaque recherche suscitant un ou plusieurs questionnements nouveaux. Ce processus est indépendant des individus particuliers. Il se peut qu une recherche donne naissance à un nouveau sujet de recherche qui sera étudié bien des années plus tard ou à des milliers de kilomètres du lieu où la recherche a d abord été faite. Ce caractère impersonnel de la recherche scientifique lui permet de progresser grâce à l universalité de ses méthodes à travers des générations de chercheurs, indépendamment des frontières. La recherche en sciences humaines La recherche en sciences humaines prend différentes formes. Selon l objectif poursuivi, les connaissances acquises dans un certain domaine, l objet étudié, une recherche prendra une forme plus théorique ou appliquée, elle utilisera une méthode historique ou se tournera vers l expérimentation en laboratoire, etc. Une véritable recherche combine souvent plusieurs de ces formes. On peut cependant faire quelques distinctions qui permettent de définir les différentes approches. Recherche fondamentale ou recherche appliquée. La recherche fondamentale a pour objet de faire progresser le savoir, indépendamment de toute retombée pratique. La recherche Les Éditions de la Chenelière inc., 2006, Savoir plus : outils et méthodes de travail intellectuel, 2 e éd. 3

appliquée a pour objet d élaborer des applications pratiques à partir des connaissances scientifiques actuelles. La recherche-action est une forme de recherche appliquée qui a pour but de comprendre et d intervenir dans un certain milieu social. Recherche conceptuelle et théorique ou recherche empirique. La recherche conceptuelle et théorique est l étude de différentes théories en vue de définir ou de clarifier un concept, de proposer de nouveaux concepts ou d amender ces théories à partir des mêmes données que celles qui ont été utilisées pour les élaborer. La recherche empirique consiste plutôt à réunir de nouvelles données, à recueillir de nouveaux faits ayant pour objet de répondre à une question de recherche particulière. Recherche quantitative ou recherche qualitative. La recherche quantitative aborde les phénomènes à l aide d instruments de quantification et traite les données chiffrées obtenues à l aide de modèles statistiques. La recherche qualitative approche les phénomènes de manière systématique mais non quantitative. Elle utilise des techniques spécifiques de cueillette et de traitement de données, comme l entrevue, l analyse de cas ou l observation participative. Recherche descriptive ou recherche explicative. La recherche descriptive a pour objet de répertorier et de décrire systématiquement un certain ordre de phénomènes, d établir des regroupements de données et des classifications. La recherche explicative a pour objet de rechercher des causes, des principes ou des lois qui permettent de rendre compte des phénomènes. Recherche de terrain ou recherche en laboratoire. La recherche sur le terrain se déroule dans un milieu social normal, dans une institution ou un territoire donné où les chercheurs ne contrôlent pas les variables impliquées. La recherche en laboratoire se déroule dans un milieu artificiel où les chercheurs peuvent contrôler un certain nombre de variables. Marche à suivre 1. Une fois votre sujet choisi définissez le problème de recherche. 2. Formulez la question et l hypothèse (solution présumée au problème de recherche). 3. Choisissez les instruments et définissez le plan d'expérience. (Nous tiendrons pour équivalentes les expressions «plan d expérience» et «devis de recherche», même si dans les faits tous les devis de recherche ne comportent pas nécessairement d expérience au sens strict du terme. Ainsi le terme «expérience» dans l expression «plan d expérience» doit être compris comme incluant les observations, les expérimentations, les enquêtes historiques, l analyse de corpus, etc. Pour simplifier l exposé, nous entendrons par plan d expérience la manière particulière et structurée par laquelle la réalité sera étudiée. C est une expression générique qui ne renvoie pas exclusivement aux expérimentations.) 4. Procédez aux observations, à l expérimentation ou aux autres formes d enquête prévues. 5. Consignez les résultats. 6. Analysez les résultats. Les Éditions de la Chenelière inc., 2006, Savoir plus : outils et méthodes de travail intellectuel, 2 e éd. 4

7. Interprétez les résultats. 8. Rédigez votre rapport de recherche. Exercice 1. Imaginez un sujet de recherche donné et formulez une hypothèse de recherche. Supposons que l hypothèse que vous faites est confirmée. 2. Imaginez maintenant un nouveau projet de recherche qui partirait de ces résultats. Refaites cette opération trois fois. 3. Qu observez-vous à propos de l enchaînement de ces sujets? Plus encore! Peut-on être vraiment scientifique en sciences humaines? La rigueur scientifique est un idéal qui est très difficile à atteindre. Cela est vrai en sciences de la nature, mais cela est encore plus vrai en sciences humaines. Il y a différentes raisons à cela. D abord, il y a des limites éthiques à ce qui peut être entrepris comme recherches avec des êtres humains. On ne peut nuire d aucune manière à des êtres humains, ni les tromper. Ensuite, on doit considérer le fait que l être humain est certainement l objet le plus complexe de la nature, et donc celui dont l étude est la plus difficile. Troisièmement, il faut considérer le fait que les êtres humains ne sont pas transparents: on ne peut pas étudier leurs pensées intimes, par exemple. De plus, ils attribuent des significations à leurs actes, différentes de celles que les scientifiques pourraient proposer. Quatrièmement, les chercheurs eux-mêmes sont humains et donc ont des intérêts et des partis pris liés à leur objet d étude; il leur est très difficile de garder la neutralité et l objectivité nécessaires en bien des circonstances. Finalement, on ne doit pas oublier que les sciences humaines sont relativement jeunes par rapport aux sciences de la nature. Toutes ces raisons font que les sciences humaines sont des disciplines complexes et que les recherches qu on y mène sont très exigeantes. Il est donc essentiel pour un chercheur ou une chercheuse en sciences humaines d avoir une connaissance approfondie des règles de la méthode scientifique, et de chercher à les appliquer avec le plus de rigueur possible. Comment peut-on éviter certains biais? Le principe du simple aveugle vise à prémunir les chercheurs contre certains biais au cours d une recherche. Ce principe ordonne que les sujets de l expérience ne sachent pas s ils sont soumis à un traitement ou non: par exemple, s ils reçoivent un médicament donné ou s il s agit d un placebo. En outre, il est préférable que les sujets ne sachent pas exactement ce que les chercheurs veulent déterminer, qu ils ne connaissent pas précisément leurs hypothèses de travail ou leurs attentes, car ils pourraient être tentés d y répondre par des comportements artificiels. Les Éditions de la Chenelière inc., 2006, Savoir plus : outils et méthodes de travail intellectuel, 2 e éd. 5

Le principe du double aveugle suppose que ni les sujets ni l expérimentateur (la personne chargée d appliquer une procédure ou d analyser un résultat) ne savent qui a reçu un traitement et qui a reçu un placebo, par exemple: c est là la forme classique du principe. Plus généralement, le principe du double aveugle s applique chaque fois que les attentes des sujets ou du chercheur peuvent influencer les résultats. Par exemple, si la recherche suppose la correction d un test, les sujets ne doivent pas savoir quels sont les résultats attendus, ni même l objet exact du test; et le correcteur du test ne doit connaître ni les hypothèses de recherche, ni l identité des sujets, ni la provenance des tests à corriger: son jugement ne peut alors être biaisé par ses attentes. Il arrive fréquemment qu une expérience menée sans précaution ne donne pas les mêmes résultats que lorsqu on applique le principe du double aveugle, car, dans ce dernier cas, on neutralise toute possibilité de la part du chercheur de biaiser les résultats. Complément à l ouvrage Savoir plus, 2 e éd. 2006, Les Éditions de la Chenelière inc. Les Éditions de la Chenelière inc., 2006, Savoir plus : outils et méthodes de travail intellectuel, 2 e éd. 6