CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE AUPRES DU CONSEIL SUPERIEUR DE L ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 MAI 2014 LECTURE PUBLIQUE DU 13 MAI 2014 APPEL N 701 Commissaire du Gouvernement près le conseil régional de l Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France c/ L expert-comptable Le 13 mai 2014, la Chambre nationale de discipline auprès du Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables s est réunie ainsi composée lors des débats, de l audience publique et du délibéré, tenus au siège du Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables : - M. Jean BARTHOLIN, Président de Chambre à la Cour d appel de Paris, Président de la Chambre nationale de discipline, - M. Jérôme VIGNAU-BARRANX, Fonctionnaire du ministère de l Economie et des Finances, et M. Jean-Pierre COSSIN, Conseiller maître à la Cour des Comptes, membres désignés par le ministre de l Economie et des Finances, - M. Jean-Marc JAUMOUILLE et Mme Isabelle SIAUX, experts-comptables, membres désignés par le Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables, Tous désignés en application de l article 50 de l ordonnance n 45-2138 du 19 septembre 1945. En présence, lors des débats publics, de M. Christophe BAULINET, commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables, de M. Bruno JOTRAU, expert-comptable en charge de la lecture du rapport, et de Mme O., permanente du Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables, chargée du secrétariat de la chambre. Rappel de la procédure : Par courrier en date du 5 juin 2007, le commissaire du Gouvernement près le Conseil régional de l Ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France a déposé plainte auprès de Mme la Présidente de la chambre régionale de discipline à l encontre de M. l expertcomptable aux motifs que le comportement contraire aux articles 1 et 2 du code des devoirs professionnels de M. l expert-comptable constituait de la part d une société d expertise comptable et de son gérant, expert-comptable, une violation majeure de l article 1 du code précité en ce qu ils se sont placés dans une situation de nature à diminuer leur libre arbitre. Page 1 sur 6
Par décision publique rendue le 17 mai 2013, la chambre régionale de discipline près le Conseil régional de l Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France a déclaré M. l expert-comptable coupable de manquements à l article 1 du code des devoirs professionnels et a prononcé à son encontre la peine disciplinaire de la suspension pour une durée de un an avec sursis. Par courrier en date du 10 juin 2013, le commissaire du Gouvernement près le Conseil régional de l Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France a interjeté appel devant la chambre nationale de discipline de la décision rendue le 17 mai 2013 par la chambre régionale de discipline près le Conseil régional de l Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France. Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 juillet 2013, le Président de la Chambre a désigné M. Pierre GRAFMEYER, en qualité de rapporteur, lequel a déposé son rapport le 24 octobre 2013. Par courriers recommandés avec avis de réception en date du 24 mars 2014, le Président de la Chambre a cité M. l expert-comptable à comparaître devant la Chambre nationale de discipline à l audience du 13 mai 2014, et l a informé que le dossier de l appel, contenant notamment le rapport du rapporteur, pouvait être consulté au secrétariat de la Chambre à compter du 8 avril 2014. Le commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l Ordre des expertscomptables a rédigé des observations écrites qui ont été communiquées aux parties par courrier recommandé avec avis de réception en date du 29 avril 2014. Déroulement des débats : Après lecture M. Pierre GRAFMEYER par M. Bruno JOTRAU ; après avoir entendu M. l expertcomptable, lequel a eu la parole en dernier. Les parties ayant été averties que la décision serait lue le jour même à l'issue du délibéré, et mise à leur disposition au secrétariat de la Chambre à compter du 13 mai 2014 à 15 heures. Page 2 sur 6
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu l ordonnance n 45-2138 du 19 septembre 1945 ; Vu le décret n 45-2370 du 15 octobre 1945, le décret n 70-147 du 19 février 1970, le décret n 2007-1387 du 27 septembre 2007 abrogés et remplacés par le décret n 2012-432 du 30 mars 2012, relatif à l exercice de l activité d expertise comptable ; Vu l arrêté du 6 juin 2008 abrogé et remplacé par l arrêté du 3 mai 2012, portant agrément du Règlement intérieur de l Ordre des experts-comptables ; Vu les pièces du dossier ; Après en avoir délibéré en la présence de ses seuls membres, et à l'exclusion du rapporteur ; Décision : Le 13 janvier 1998 était immatriculée au registre du commerce la société «F», société d'expertise comptable à responsabilité limitée au capital de 7.622,46, dont 76 % était la propriété de M. l expert-comptable, également expert-comptable indépendant et qui en était le gérant de droit. En 2003, la société «F» faisait l'objet d'une première vérification de comptabilité pour la période du 1 er octobre 2000 au 28 février 2003 qui donnait lieu pour chacune des trois années à des rappels de TVA de 3303, 4117 et 9895. Une deuxième vérification de comptabilité intervenait du 27 octobre 2005 au 9 janvier 2006 sur la période cette fois du 1 er mars 2003 au 31 juillet 2005 en matière de TVA, d'impôts sur les sociétés, de taxe d'apprentissage et de taxe relative à la participation à la formation professionnelle. Ce contrôle donnait lieu à des rappels de TVA de 62395, 69128 et 60480 assortis d'intérêts de retard et de majorations pour dépôt tardif des déclarations de 10 % pour les déclarations relatives aux mois d'avril, juin et juillet 2005 et de 40 % pour celles d'août 2004 à février 2005 et pour celle du mois de mai 2005. En janvier 2007, les services fiscaux déposaient une plainte pénale pour fraude fiscale. Le 5 juin 2007, le commissaire du gouvernement près le conseil régional des expertscomptables de la région PARIS ILE-DE-FRANCE saisissait la chambre régionale de discipline de poursuites disciplinaires à l'encontre de la société d expertise comptable «F» et de son gérant de droit, M. l expert-comptable. Il leur était fait grief d'avoir «entendu sciemment soustraire cette société à l'établissement et au reversement de la TVA exigible dont elle était normalement redevable». Dans sa saisine, le commissaire du gouvernement mettait l'accent sur «le caractère systématique des carences déclaratives [et] l'importance des droits éludés». Il estimait que M. l expert-comptable ne pouvait pas se réfugier derrière «une quelconque méconnaissance de l'obligation de souscrire les déclarations requises [dans la Page 3 sur 6
mesure où] les obligations déclaratives avaient auparavant été respectées d'un point de vue strictement formel, au moins au cours de certaines périodes». Le rédacteur insistait encore sur l'absence de régularisation des déclarations omises en dépit de la réception par la société «F» de mises en demeure, celles n'étant intervenues qu'après l'engagement de la vérification de comptabilité et ayant comporté des minorations «compte tenu de l'absence de mention d'une partie des opérations imposables ou de la déduction abusive d'une taxe d'amont non acquittée». Le 7 septembre 2007, M. l expert-comptable était déclaré coupable de fraude fiscale au titre des années 2004 et 2005 et condamné à la peine de 9 mois d'emprisonnement avec sursis, 10.000 d'amende, publication et affichage. Le 30 janvier 2008, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de PARIS, statuant sur les appels de M. l expert-comptable et du procureur de la République, a confirmé la décision à l'exception de la peine d'amende. Le 11 mai 2011, le tribunal de commerce de PARIS ouvrait une procédure de liquidation judiciaire clôturée en septembre 2013 pour insuffisance d'actif. Le 17 mai 2013, la chambre régionale de discipline a déclaré M. l expert-comptable coupable de manquements à l'article 1 er du code des devoirs professionnels et a prononcé une peine de suspension d'un an avec sursis, après avoir relevé ces circonstances, rappelé que M. l expert-comptable avait déclaré devant le rapporteur qu'à aucun moment, pas même au cours de la vérification, il n'avait été informé de l'existence de celle-ci qui avait été effectuée non pas au siège social mais dans un bureau annexe, et noté, enfin, que l'intéressé avait reconnu «avoir manqué de vigilance et indiqué n'avoir effectué aucune vérification ni validation des dossiers des clients de la société d expertise comptable «F»». Le 31 mai 2013, le commissaire du Gouvernement a relevé appel de cette décision. Le 11 septembre 2013, lorsqu'il a été entendu par le rapporteur désigné par le Président de la chambre nationale de discipline, M. l expert-comptable a notamment déclaré : «J'ai rencontré Monsieur A. et Monsieur S. courant 1997, ils m'ont été présentés par une relation commune. Compte-tenu de leurs connaissances linguistiques et de leurs formations comptables, nous avons décidé de créer ensemble une structure à destination des clients arabophones. Au démarrage, en 1997 et au-delà, le siège de cette société était dans mes bureaux et je supervisai effectivement les dossiers et l'administratif du cabinet. C'est progressivement par manque de temps et par négligence que j'ai laissé les deux frères gérer de façon de plus en plus autonome la société. Ceux-ci ont discrètement déménagé le siège administratif sans m'en informer, c'est ce qui a expliqué que je ne suis pas au courant de la vérification fiscale. Page 4 sur 6
J'ai déposé plainte dès que j'ai su la teneur des faits et abandonné tout poste et titre administratif au sein de la société. Pendant toute la vie de cette société d expertise comptable «F», je n'ai perçu aucune rémunération de quelque ordre que ce soit. L'activité de la société d expertise comptable «F» était essentiellement de la tenue de petites comptabilités et de l'établissement de documents administratifs». SUR CE Considérant que l'article 1er du code des devoirs professionnels applicable pendant la période des faits, c'est-à-dire au cours des années 2003 à 2005, exigeait de M. l expertcomptable «des qualités essentielles qui sont la probité et la dignité» ; que cette exigence a été reprise à l'article 5 du code de déontologie adopté par décret du 27 septembre 2007 aux termes desquels les experts comptables doivent «en toute circonstances [s'abstenir] d'agissements contraires à la probité, l'honneur et la dignité» ; que cette obligation a été réaffirmée dans des termes identiques par l'article 145 du décret n 2012-342 du 30 mars 2012 actuellement en vigueur ; Considérant que par un arrêt définitif de la cour d'appel de PARIS du 30 janvier 2008, M. l expert-comptable a été condamné à la peine de neuf mois de prison avec sursis pour fraude fiscale; que les juges d'appel ont relevé que l'intéressé «s'était délibérément soustrait à ses obligations fiscales résultant de sa qualité de gérant de droit» du cabinet d'expertise comptable «F» ; Considérant qu'un manquement d'une telle gravité, de la part d'un professionnel dont la mission est notamment de «surveiller, redresser et consolider les comptabilités» et «d'attester la régularité et la sincérité des comptes» doit être sanctionné avec fermeté ; que la suspension d'un an, mais avec sursis, prononcée par la chambre régionale n'est pas d'une sévérité suffisante ; qu'il y a lieu de l'alourdir dans la limite d'une suspension d'une durée d'un an sans sursis, accompagnée d'une publication de la décision dans la presse professionnelle ; que la durée de cette suspension n'entraînera pas des conséquences en disproportion avec les manquements déontologiques reprochés ; qu'en effet M. l expertcomptable est également commissaire aux comptes à hauteur de 30 % de son activité ; qu'il n'a pas fait l'objet de poursuites disciplinaires à ce titre ; qu'enfin l'intéressé indique que l'essentiel de ses missions auprès des entreprises de transports prend la forme de conseils qui ne relèvent pas du monopole des experts-comptables ; Page 5 sur 6
PAR CES MOTIFS INFIRME la décision prononcée le 17 mai 2013 par la chambre régionale de discipline de Paris Ile-de-France, PRONONCE à l encontre de M. l expert-comptable la sanction de suspension pour une durée de 1 an, Ordonne à ses frais la publicité de la sanction dans la presse professionnelle, DIT que la présente décision sera régulièrement notifiée à M. le Président du Conseil régional de l Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, à M. le commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables, à M. le commissaire du Gouvernement près le Conseil régional de l Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, à M. L expert-comptable. Fait et délibéré à Paris, le 13 mai 2014 Lecture en audience publique, le 13 mai 2014 S. O. J.BARTHOLIN Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables Président de la Chambre nationale de discipline des experts-comptables Page 6 sur 6