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Transcription:

3P. Polemos Pater Panton La lettre défense de l IRIS N 8 - Vendredi 9 décembre 2011 SOMMAIRE ACTUALITÉ DES FORCES ARMÉES p. 2 FOCUS p. 5 «Drones MALE : un pas en avant, un pas en arrière» AÉRONAUTIQUE & ESPACE p. 6 NAVAL p. 7 TERRESTRE p. 9 FOCUS p. 10 «EADS n est pas en crise» - Rencontre avec François Desprairies, directeur des affaires publiques d EADS France 3P. - Parution bi-mensuelle Directeur de la publication et rédacteur en chef : Philippe Migault Mail : 3p@iris-france.org IRIS - 2bis rue Mercoeur, 75011 Paris - FRANCE 00.33.(0)1.53.27.60.60 Abonnement/Info : info3p@iris-france.org / Fax : 00.33.(0)1.53.27.60.70 3P/IRIS Conception et réalisation : Gwenaëlle Sauzet / IRIS ÉDITO Un échec en Suisse, un énième rebondissement aux Emirats arabes unis Le Rafale de Dassault Aviation a la poisse. Appareil surclassant ses adversaires du point de vue technologique, seul avion de combat européen combat proven, il semble promis à de perpétuelles rebuffades. Certes l appareil n a rien du vilain petit canard et n a pas dit son dernier mot. Brésil, Inde, Emirats Tant qu il y a de la vie, il y a de l espoir. Mais les déclarations de Gérard Longuet, évoquant un possible arrêt de la chaîne de production en 2018 en cas de nouveaux échecs à l export, donnent froid dans le dos. Car il ne s agit pas seulement du Rafale. Il s agit de savoir si la France et, au-delà, l Europe, vont conserver à l avenir une capacité de production d avions de combat modernes. Pour ceux qui considèrent que notre pays doit aligner ses ambitions sur ses moyens, la cause est entendue. Nous sommes ruinés. Rideau. Pour ceux qui croient encore à un projet politique européen, la question est primordiale. Parce que s il serait effectivement absurde de concevoir un successeur strictement français au Rafale, notre industrie aéronautique avec Dassault Aviation, Thales, Safran peut encore jouer un rôle majeur dans le cadre d un projet d avion commun européen. Encore faut-il trouver un ou des alliés pour développer un tel programme. Il ne reste dans l UE que deux acteurs capables de développer un appareil selon les règles de l art : Paris et Londres. Or les Britanniques ont choisi le F-35 américain pour rééquiper leurs escadrilles. Ils ont investi des milliards de livres dans ce programme et ne peuvent l abandonner. Dès lors la France n a que quelques options : - Rejoindre le programme F-35 et mettre nos compétences et nos finances au service du Pentagone et de l industrie de défense américaine. Nous sommes déjà revenus dans le giron otanien. Nous n en sommes plus à une aberration près. - Adosser Dassault Aviation à EADS pour développer un appareil européen. Cela revient à clairement donner le leadership du groupe à la France. Berlin refuserait sans doute. - S allier aux Suédois de Saab. Voire constituer un pôle avion de combat avec eux au sein d EADS. Inutile de décrire la partie de meccano politico-industriel : l échec sanctionne les projets dont les protagonistes sont pléthore et les leaders mal définis. Que faire? Pour répondre à Lénine, pourquoi ne pas commencer à réfléchir à l option russe? Absurde? Non. Dans les années 90, Sukhoï a proposé à Dassault Aviation de concevoir un avion de combat de cinquième génération. L avionneur au Trèfle, encore très optimiste sur le Rafale, avait décliné l offre. Peut-être faudrait-il y repenser. Parce qu au-delà des avions, il ne reste que deux industries de défense en Europe capables de produire toute la gamme des armements, la russe et la française. Sans leur alliance, il n y aura pas de réelle autonomie stratégique européenne. Philippe Migault, Rédacteur en chef de 3P

ACTUALITÉ DES FORCES ARMÉES Camcopter : La Royale achève une nouvelle campagne de tests La Marine Nationale a terminé avec succès le test de capacité maritime du drone Camcopter de Schiebel, par un cycle d essais sur la corvette l'adroit, navire propriété de DCNS. Au cours de quatre jours d essais en vol, le Camcopter a effectué 11 vols et a démontré sa capacité à identifier les menaces potentielles telles que les petits bateaux à l'aide de ses capteurs électro-optiques et infrarouges. Il est utilisable pour effectuer des patrouilles côtières, protection de l'environnement et des activités de collecte de renseignements et aussi d assurer des missions antidrogue, anti-piratage et opérations de recherche et de sauvetage. Ce drone à décollage et atterrissage vertical est capable de fonctionner par toutes conditions atmosphériques.n La Russie de retour à Cuba? D après le journal Kommersant Daily, le ministère russe de l Industrie et du Commerce va signer un accord avec la Havane en vue de construire une usine qui produira des fusils d assaut Kalachnikov et les munitions correspondantes. Une source au sein de Rosoboronexport a confirmé cette information. Depuis 2008, la coopération s est renforcée entre les deux anciens alliés. Alors que certains voient dans cet accord un nouvel élément de la tension autour du dossier du bouclier anti-missile, d autres comme Vladimir Anokhin, vice-président de l Académie des Problématiques Géopolitiques, y voient un accord commercial classique détaché du problème. Depuis 2008, les relations militaires entre la Russie et Cuba montent en puissance malgré l embargo américain qui est toujours en vigueur depuis 1962. Un accord portant sur la production sous licence de Kalashnikov est déjà en cours au Venezuela.n Le Sénat italien demande une enquête sur un contrat de Finmeccanica avec le Panama En août 2010, Finmeccanica avait annoncé un contrat de 180 millions d euros pour la fourniture au Panama d un système de surveillance côtière, de six hélicoptères AugustaWestland AW139 ainsi qu une cartographie du pays. Lors de la signature, le 30 juin 2010, l Italie avait offert six patrouilleurs pour les gardes côtes panaméens en plus des équipements cités. Au cœur de ce contrat, l homme d affaires Valter Lavitola avait joué l intermédiaire entre l ex-président du Conseil Silvio Berlusconi et le président panaméen Ricardo Martinelli. Dès la signature, beaucoup d observateurs avaient souligné que cette transaction était surévaluée d au moins 70 millions de dollars par rapport à des contrats comparables. Des soupçons de corruption ou de caisses noires planaient sur ce surcoût en Italie comme au Panama. Lavitola, aujourd hui réfugié au Panama, a fui la justice italienne qui souhaite l entendre dans l affaire d extorsion à l encontre du Cavaliere en échange de son silence sur l organisation de fêtes auxquelles ont participé des prostituées. Les navires qui devaient être livrés en octobre ne l ont toujours pas été. Le futur du contrat avec Finmeccanica est suspendu aux suites judiciaires possibles. Le Panama a accepté de collaborer avec les enquêteurs italiens. Le 2 décembre, le PDG du groupe Pier Francesco Guarguaglini, empêtré dans une affaire de corruption, a démissionné, laissant sa place au directeur général Giuseppe Orsi.n Livraisons de matériels pour l armée française La Direction Générale de l Armement a annoncé la réception de plusieurs matériels destinés aux forces françaises. Les premiers Véhicules à haute Mobilité (VHM) ont été livrés par le suédois Hägglunds AB (groupe BAe Systems) associé pour ce contrat à l entreprise Panhard qui a été chargée de l intégration des systèmes d armement et de communication fabriqué par Thalès. Cinquante-trois engins, destinés au transport de troupes et de logistique, doivent intégrer le service d ici fin 2012. Une option a été posée lors de la signature du contrat en 2009 pour 76 engins supplémentaires. Autre matériel : le premier catamaran engin de débarquement amphibie rapide (EDA-R) a été réceptionné à Toulon. Il doit remplacer les Chalands de Transport de Matériel (CTM) et servir au sein des Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) Mistral, Tonnerre et à partir de février 2012 Dixmude. Quatre exemplaires ont été livrés par l entreprise Constructions Industrielles de la Méditerranée (CNIM). Le contrat signé en 2009 inclut la livraison de trois autres catamarans en 2012 et leur soutien jusqu en 2015.n 2

Tournée africaine pour le ministre de la défense chinois Le général Liang Guanglie effectue une tournée au long cours en Afrique afin de renforcer les liens avec ses partenaires africains. Le ministre s est rendu en Namibie le 11 novembre, le 30 en Ouganda après être passé au Ghana le 28 où il a promis la fourniture de quatre hélicoptères de surveillance côtière de type non précisé. La société China s Poly Technologies Incorporated avait livré fin octobre quatre patrouilleurs côtiers pour lutter contre la piraterie pour un total de 68 millions de dollars. La Chine cherche à renforcer sa coopération militaire en Afrique et à ouvrir des marchés à ses équipements de défense dont le coût peu élevé et la technologie basique pourraient séduire les pays dotés de budget de défense limité. Mais Pékin désire aussi s assurer de points d appuis pour sa flotte hauturière en gestation : Lors de l escale de Liang Guanglie aux Seychelles, le 2 décembre, le ministre des Affaires étrangères du pays, Jean-Paul Adam, a invité la Chine à installer une base sur l archipel. L objectif serait de lutter contre la piraterie qui sévit dans la région. L archipel accueille par ailleurs une base américaine opérant des drones à des fins de lutte anti-piraterie et anti-terroriste.n Manifestations de militaires au Portugal C est la deuxième fois en un mois que les militaires portugais manifestent contre les coupes budgétaires dont ils vont être l objet : annulation de prime et baisse des soldes. Ils ont manifesté devant le parlement mercredi soir en civil et sans consigne précise. Ils avaient manifesté devant le ministère du Budget au début du mois. Ils appellent le président de la République, chef des forces armées, à ne pas promulguer ces mesures. Les budgets proposés par la coalition gouvernementale conservatrice sont les plus radicaux depuis 1974. Celui de la Défense est l un des plus touchés par ces coupes. Les partis d opposition se sont abstenus lors du vote.n ACTUALITÉ DES FORCES ARMÉES Le scandale des arsenaux du Honduras Comme 3P l avait signalé dans son numéro 7, des armes en provenance des arsenaux policiers et militaires honduriens ont été retrouvés lors d opérations contre les narcotrafiquants au Mexique. L enquête menée localement a révélé des disparitions inquiétantes : en plus des fusils FAL retrouvés au Mexique, il manque des fusils Beretta AR70/90, des Galil de fabrication israélienne, des M-16, des lance-grenades, un certain nombre d armes de poing, des munitions et des systèmes de communications. Ces matériels subtilisés appartiennent à l élite des forces de sécurité honduriennes à savoir le Comando Operaciones Especial Cobras (COECO) qui dépend du Comando y Batallón de Reacción Antiterrorista (COBRA), l équivalent du GIGN français. Ce scandale a coûté son poste au chef du COECO, German Fernando Reyes Flores et un rapport universitaire rendu récemment au gouvernement engage à une réforme et une épuration de la police gangrénée par la corruption et l infiltration des cartels.n Baisse du budget espagnol de la défense : des solutions se dessinent L Espagne s est lancé depuis 1996 dans une grande modernisation de son armée grâce à 19 programmes d achat appelés programme spéciaux d acquisition Programas Especiales de Adquisición (PEAs dont nous avons déjà parlé dans 3P n 5) : chasseur Eurofighter, hélicoptères NH-90... Aujourd hui, ces programmes coûtent au total entre 31 à 36 milliards d euros dont 14 ont déjà été réglés par le ministère de l Industrie. Face à une situation budgétaire très tendue, le nouveau gouvernement du Partido Popular va devoir revoir ses ambitions à la baisse. Des négociations ont été engagées avant les élections avec les entreprises concernées. Plusieurs stratégies se mettent en place. Le ministère de la Défense n a toujours pas fixé de date pour la signature d un contrat de 80 millions d euros avec Eurocopter pour l acquisition de quatorze hélicoptères d entraînement EC-135. Concernant les hélicoptères NH-90 produits par la même entreprise, le contrat initial de 1,26 milliards d euros portait sur 45 hélicoptères mais ne comprenait pas le contrat de soutien et maintenance. Eurocopter a accepté de fournir les services minimaux de soutien en échange d une livraison de 38 appareils avec une option supplémentaire pour sept autres étalée jusqu en 2015 ou 2016. Pour ce contrat, le ministère de la Défense a versé 160 millions d euros, celui de l Industrie 773 en avances remboursables. Il reste à couvrir 270 millions à régler par l Etat espagnol. Les hélicoptères sont produits à Marignane mais le montage final aura lieu dans les usines du groupe en Espagne à Albacete. Concernant l Eurofighter, les avions de la dernière tranche (3B) pourront être exportés avec l accord de l entreprise. D autre part le ministère de la Défense a menacé CASA d annuler le contrat concernant l achat de quatre avions de transport C-295 qui doivent être livrés le 30 novembre. Des défauts de logiciel et d électronique ont été détectés sur les deux appareils livrés en 2010. Le gouvernement donne 16 mois à CASA pour résoudre ce problème. Enfin, concernant les autres contrats, en particulier les navires, Madrid maintient pour l instant ses engagements. La totalité des contrats dans ce domaine a été signée avec le constructeur national Navantia. Une baisse des commandes entraînerait des difficultés économiques ayant des conséquences sociales fâcheuses pour le nouveau gouvernement. Les chantiers navals restent un bastion syndical actif et puissant.n 3

ACTUALITÉ DES FORCES ARMÉES Suisse : les Gripen peut-être pas pour tout de suite Malgré l annonce du choix des Gripen de Saab par le ministère de la Défense, les avions ne sont pas encore en service. Des écueils demeurent. Tout d abord, le parti socialiste suisse a demandé la tenue d un référendum sur la question. Il estime que la dépense (2,5 milliards d euros) n est pas justifiée et qu elle va peser sur le budget fédéral en pénalisant les autres secteurs (éductions, santé ). Ses membres vont donc tenter de mettre en route la procédure légale pour la tenue d un référendum. En cas d échec, ils ont annoncé qu ils demanderaient un moratoire jusqu en 2025 pour cette dépense. D autre part, le procureur fédéral a ouvert une enquête sur des fuites dans les médias autour de l appel d offre : deux rapports confidentiels de l aviation suisse critiques envers les Gripen ont été communiqués à deux médias locaux, le Basler Zeitung et le Tages-Anzeiger and Bund. Le premier avait publié les informations deux jours avant le résultat de l appel d offre. n Un rapport américain sur l arsenal nucléaire chinois Le professeur Philip A. Karbo, ancien haut responsable au Pentagone, travaille avec une équipe de recherche de l Université de Georgetown à l élaboration d un rapport sur l arsenal nucléaire chinois. La presse américaine s est procurée cette étude de 363 pages remise au Pentagone et qui doit faire l objet d une audition dans les semaines à venir. L équipe a travaillé pendant trois ans sur des sources ouvertes (photos satellites, blogs, documents militaires chinois, forums...). Elle a abouti à plusieurs conclusions : un vaste réseau de tunnels a été édifié dans la région du Sichuan pour abriter des armements nucléaires. Surnommé «la Grande muraille souterraine», les autorités ont reconnu tacitement son existence en décembre 2009. Ce projet a été mené par le Second Corps d Artillerie qui est chargé du déploiement des armes nucléaires dans l Armée chinoise. P. Kabor affirme que la Chine possèderait La flotte sous-marine iranienne : état des lieux Une analyse du potentiel militaire iranien est toujours problématique : beaucoup d hypothèses et peu de preuves. Les forces armées iraniennes profitent de ce flou pour dissimuler leurs capacités ou, au contraire, encourager leur surestimation. Toute déclaration provenant du commandement militaire est donc à prendre au conditionnel. C est le cas notamment sur le segment des forces sous-marines. Ainsi, le 26 novembre, l amiral Habibollah Sayyari, commandant de la flotte a annoncé que trois sous-marins de classe Ghadir entraient en service. Il s agit d un submersible léger (120 tonnes, 29 mètres de long) de fabrication locale, inspiré du modèle italien MG110 utilisé par le Pakistan. Le premier Ghadir a été lancé en 2007. Depuis, plusieurs autres ont été mis en service mais leur nombre est incertain, probablement autour d une quinzaine. Ces sous-marins de poches sont destinés à la protection des ports et des plateformes pétrolières. Ils servent au déploiement de commandos et peuvent participer au mouillage de mines. Un autre type de sous-marin léger serait également déployé : le Nahang. Fabriqué localement, ce submersible aurait la capacité d utiliser la torpille à super-cavitation Shkval, mise au point par les Russes, dont une copie aurait été construite et testée. Enfin, quatre submersibles de poche auraient été fournis par la Corée du Nord. De classe Yugo (ou Yono), ces engins de 110 tonnes et 20 mètres de long sont destinés à l attaque grâce à deux tubes lance-torpille de 400 mm. Fabriqués dans les années 1960, ils ont été donnés en échange d un effacement d une partie de la dette coréenne auprès de l Iran et ne sont peut-être plus en service. Systèmes plus redoutables : les trois sous-marins russes de classe Kilo acquis dans les années 90 par Téhéran. A propulsion électrique-diesel, les Kilo 877 EKM (3000 tonnes, 70 mètres de long, Tareq, Noor et Yunes) sont destinés aux opérations en eaux profondes et au lancement de missiles de croisière antinavires. Ils peuvent également participer au mouillage de mines (jusqu à 36 par sortie). Ces submersibles ne sont probablement pas disponibles à 100% à cause du manque de pièces de rechange. En juin 2011, l Iran avait affirmé avoir mis en services un nouveau submersible entièrement fabriqué en Iran le Qaem. Peu d informations sont disponibles sur ce modèle : semi lourd, il peut opérer en haute-mer et tirer des missiles et des torpilles, d après les autorités. Deux exemplaires seraient déployés. La principale arme que la marine iranienne pourrait utiliser pour bloquer le détroit d Ormuz est son stock (le quatrième au monde) de mines sous-marines. Elle en possèderait environ 5000 : des EM11, EM 31 et EM52 de conception chinoise, produites localement. Un millier de mines MDM-6 de fabrication russe figureraient également dans les arsenaux iraniens. Fabriquées dans les années 1980, elles réagissent à tout signal acoustique, magnétique ou de pression dans un rayon de cinquante mètres. Sans être d une grande modernité, cette flotte pourrait perturber gravement le commerce mondial et en particulier le trafic des pétroliers dans le détroit d Ormuz en cas de conflit.n Florent BARNADES bien plus d armes que les 80 à 400 têtes nucléaires déclarées. Son estimation est de l ordre de 3 000. La publication de ces informations se produit dans une période de tensions entre Pékin et Washington autour de la présence américaine dans le Pacifique. Cette étude est déjà sujette à controverse parmi les experts nucléaires, certains affirmant que ce complexe souterrain permettrait au contraire de limiter le nombre d armes atomiques en garantissant leur protection.n 4

FOCUS Drones MALE : un pas en avant, un pas en arrière La France souffre d'une lacune capacitaire en drone. Une guerre est engagée entre deux projets concurrents (le Talarion est un projet franco-germano-espagnol porté par EADS et le Telemos développé par Dassault et BAE System basé sur le Héron-TP d'israël Aerospace Industry). Le débat s'est transposé dans le domaine politique lorsque le ministère de la Défense a confié sans appel d'offre la commande de drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) à Dassault Aviation, choix contesté par les militaires et aujourd'hui le Sénat. 3P apporte sa contribution au débat en donnant la parole au général de corps d'armée André Ranson (2s), ancien directeur de la Direction du Renseignement Militaire (DRM). «Le vote par le Sénat d un amendement proposé par la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, annulant 109 millions d euros du projet de loi de finances 2012 destinés au financement de l achat de drones MALE auprès d un consortium Dassault/Israël Aerospace Industries, n est que le dernier avatar d une longue série qui a fait que nos forces armées sont toujours aussi pauvrement dotées de cette capacité de surveillance pourtant désormais unanimement reconnue comme indispensable par tous les responsables des armées. Ce vote est significatif à plus d un terme : d une part, il transcende au Sénat les clivages partisans, puisque soutenu aussi bien par le PS que par l UMP et s oppose au choix du ministre de la Défense qui avait tenté de le justifier en séance publique par un besoin peu convainquant de cohérence systémique avec les autres systèmes de renseignement. Mais par ailleurs, il marque les divergences au sein d un même parti puisque le député Jean-Claude Viollet (PS, Charente), rapporteur du budget de l armée de l Air pour la commission de la Défense de l Assemblée nationale avait jugé la position du ministre une «décision raisonnable». Et même si l Assemblé Nationale, à qui revient le dernier mot, rétablit les crédits amputés, qui peut garantir qu une autre législature à venir ne fera pas faire, à nouveau, un pas en arrière? Sans prétendre trancher sur le fond du dossier, la saga des drones français est significative de notre faiblesse à décider d une stratégie et tenir dans la durée une ligne de conduite ferme. Cette faiblesse est reconnue : «Vos rapporteurs souhaitent que les options en matière de drones soient rapidement clarifiées» (avis de Xavier Pintat, Commission AE Sénat PLF 2010), «[.] Beaucoup de tâtonnements. [ ] Nous manquons d une stratégie et d une organisation claires)» (rapport de J-C. Viollet et X.Vandewalle Commission Def AN 2009), «Il faut maintenant que la France dise clairement quel est son besoin, quels sont ses moyens, et surtout quelles sont ses ambitions!» (avis de J-C. Viollet Commission Def AN PLF 2011). Pourtant, une telle stratégie avait été définie dès 1995, lors de la négociation de l achat des premiers drones Hunter auprès d Israël, pour répondre d ailleurs à un besoin exprimé non par l armée de l Air, mais par la Direction du Renseignement Militaire suite aux leçons tirées du Cambodge et du Rwanda. Il s agissait bien d acheter sur étagère quelques avions et stations au sol, et dans un premier temps de les utiliser lors d opérations et de tests pour se faire une philosophie de l emploi, se rendre compte des domaines technologiques à approfondir, et développer une conception de système. Puis, dans un second temps, il était prévu d établir les fiches de caractéristiques d un programme correspondant à nos besoins afin de pouvoir lancer un marché vers les industriels français et de viser la maturité de ce programme de Drone Moyenne Altitude Longue Endurance à horizon de 10 à 15 ans. Cette ligne directrice a été rapidement perdue de vue sous l effet de plusieurs facteurs : d une part un manque d investissement initial, tant pour la recherche intellectuelle que pour les financements, qui a conduit peu à peu à se résoudre au plan programmatique à l adoption d une logique de systèmes «intérimaires», voire de démonstrateurs plus que de véritables programmes. D autre part une irrésolution sur les objectifs poursuivis (telles les hésitations de la DRM mettant en avant dans les années 2000 un besoin plus centré sur la Haute Altitude Longue Endurance, ou encore les tâtonnements de l Euro male), et enfin la concurrence féroce entre industriels découvrant les promesses d un marché d avenir, hésitant sur les stratégies d alliances internationales, voire jouant d autres cartes, évidemment concurrentes lorsque l on est sous forte contrainte budgétaire. Il est édifiant à ce propos de noter que sur le site de l industriel Dassault, la justification du projet d un démonstrateur de véhicule de combat aérien non-piloté (UCAV) ne repose que sur le besoin du maintien d activités de bureaux d études et du développement de technologies, sans référence à aucun besoin opérationnel. Faute d un arbitrage clair des décideurs et d incitations suffisamment fortes vers nos industriels, et alors que se profile la fin de vie des quelques Drones Harfang actuellement servis par l armée de l Air, le risque est grand pour la France de continuer à regarder passer le train des drones tout en restant à quai. Il est grand temps que le critère de l urgence pour la satisfaction d un besoin crucial pour la sécurité de nos soldats prime sur toute autre considération.»n Général de corps d armée (2S) André Ranson 5

Le missile Brahmos en test La version hypersonique du missile de croisière russo-indien Brahmos a atteint la vitesse de Mach 6,5 soit près de 8 000 km/h lors des tests effectués à Hyderabad. A terme, il devra atteindre Mach 7 soit 8600 km/h. Ce missile est destiné à être tiré depuis des navires, des sous-marins, des avions ou d une station terrestre pour la défense antinavire. Sa version supersonique vole à Mach 2,8, soit trois fois plus vite que son concurrent américain le Harpoon. Il a une portée de 290 km et est entré en service dans la marine indienne en 2006.n L Allemagne fournit des radars de défense anti-aérien à Israël Les radars qui équipent le système Patriot israélien ont été envoyés aux Etats-Unis pour modernisation. Pour permettre à ce système de défense anti-missile de demeurer opérationnel, l Allemagne va prêter ses radars AN/MPQ-53 pour les batteries PAC-2 gratuitement et pour trois à quatre ans. La rénovation va coûter environ 15 millions de dollars provenant des fonds d assistance accordés par Washington à Israël. Ce prêt est le résultat d une coopération entre Israël, l Allemagne et les Etats-Unis. Il intervient dans un climat de tension entre Berlin et Tel- Aviv. Début novembre, l Allemagne avait décidé de stopper la livraison du sixième sous-marin à propulsion anaérobique lanceur d engins de classe Dolphin pour protester contre la colonisation de Jérusalem-Est. Payé pour un tiers par l Allemagne, ce sous-marin est destiné à la force dissuasion de seconde frappe d Israël. Les discussions ont finalement abouti le 30 novembre selon un haut responsable allemand et la vente a été autorisée par la chancellerie. n AÉRONAUTIQUE & ESPACE Présentation de drones espagnols Indra Lors du salon Research, Development and Education on Unmanned Aerial Systems qui se déroulait le 30 novembre et le 1er décembre à Séville, la société espagnole Indra a fait des démonstrations de vol de deux drones : l hélicoptère Pelicano et l avion Mantis. Le Pelicano est destiné à la surveillance maritime (lutte contre la piraterie, protection de convoi, search & rescue ) et est entièrement automatisé (décollage, trajectoire, atterrissage). Il pourra entrer en service sur les navires de la flotte espagnole dans le courant de l année 2012. Le Mantis est un drone tactique d une portée de 30 km doté d optronique et destiné à la surveillance de théâtre en temps réel. Transportable par une personne, il attend sa mise en service. Le salon RED UAS a réuni les industriels et les experts autour de plusieurs tables-rondes pour évoquer l utilisation et le futur des drones.n Test réussi pour le drone de Safran Patroller Une nouvelle campagne de test a été réussie avec succès pour le drone Moyenne Altitude Longue Endurance (MALE) Patroller. Elle s est déroulée du 19 septembre au 21 octobre sur la base d Istres : quatorze vols ont été effectués. Plusieurs améliorations ont été testées : sécurité en vol (en vue de survol de zones densément peuplées), meilleure transmission pour une reconnaissance des cibles facilitée, nouvelles fonctions de contrôle du vol permettant des modes de fonctionnement dégradés, et posée automatique, en cas de panne d actionneurs et de panne de propulsion. Le Patroller, nouvelle génération, sera opérationnel dans 12 à 18 mois. Il a une autonomie de 20 à 30 heures, une portée de 1 000 km, et peut voler jusqu à 25 000 pieds (7 600 m). Il peut emporter jusqu à 250 kilos de capteurs et de transmetteurs (boule optronique et radar SAR). Face au retrait des Harfangs et à la lacune capacitaire que cela entraînera, le Patroller pourrait être un moyen d attendre les drones de nouvelle génération (Telemos ou/et Talarion).n Un drone perdu au-dessus de l Iran par la FIAS Un drone d observation RQ-170 Sentinel aurait été récupéré par l armée iranienne selon l agence de presse Fars qui cite une source militaire. Il aurait été «abattu» mais a subi «peu de dommage» selon le communiqué. Ce drone n a jamais été présenté au public et son existence a été révélée en 2009 suite à la diffusion d une photo volée. Les rares images existantes montrent une aile volante sur le modèle du bombardier Northrop B-2 Spirit. Aucune photo crédible n a été communiquée par les médias iraniens. Téhéran affirme également avoir abattu une douzaine de drones d observation depuis plusieurs semaines. La Force Internationale d Assistance et de Sécurité (FIAS) a reconnu par un bref communiqué avoir perdu le contrôle d un drone la semaine dernière dans l Ouest de l Afghanistan et cherche à en déterminer la cause. Des experts proches du Pentagone évoquent un dysfonctionnement, arguant que l Iran ne dispose de moyens de détection suffisamment puissants pour repérer le Sentinel. Ce drone furtif, déployé en Afghanistan ne semble pas être destiné à la surveillance des insurgés mais plutôt à l observation dans les pays limitrophes. n 6

NAVAL Le porte-avion chinois reprend la mer Après une première sortie le 10 août et un rapide retour au port quatre jours plus tard, le porte-avion Shi Lang reprend la mer pour de nouveaux essais. Le porte-aéronefs semble accumuler les difficultés. Il ne dispose toujours pas de dispositif d arrêt pour les appontages. En 2007, des responsables chinois étaient entrés en contact avec l usine Proletarsky Zavod qui fabrique ces dispositifs pour la marine russe. Finalement la vente a été bloquée par Rosoboronexport, agence gérant l exportation des produits de défense en Russie, arguant de l impossibilité d une vente «d armement et de technologie stratégiques». La Chine essaie de se procurer cet équipement auprès de l Ukraine mais sans succès jusqu à présent. Sans le dispositif d arrêt, tout appontage sera impossible. Moscou semble ainsi faire payer à Pékin la copie du Sukhoï Su-33, le J-15, qui devrait être déployé sur ce porte-avions. Des experts chinois ont cependant annoncé des décollages et des appontages ainsi que des essais de communication entre le navire et les aéronefs.n L Australie modernise sa défense maritime Le ministre de la Défense et le ministre chargé des équipements de la défense ont donné leur feu vert à la modernisation de la flotte des frégates multi-missions de classe Anzac. Sept seront modernisés à l exemple du HMAS Perth dont les essais en mer ont été concluants. 650 millions de dollars seront dépensés pour ce projet, en incluant les travaux déjà réalisés sur le Perth. Le Anti-Ship Missile System (ASMS) permet de suivre, guider et détruire des cibles simultanément grâce aux missiles embarqués Harpoons et au système de radar Aegis. Précédemment, seule une destruction à la fois était possible. Cette modernisation sera assurée par BAe Systems, Saab et l organisme australien Defence Materiel Organisation.n Appels d offre de la marine indienne Le ministre de la Défense indien A.K. Antony a annoncé le 28 novembre devant le parlement indien l ouverture d un appel d offre pour la fourniture de six sous-marins anaérobiques pour onze milliards de dollars. Parallèlement, il a annoncé que le Département de la Recherche du ministère de la Défense allait développer sa propre technologie pour l anaérobie. En 2005, l Inde avait commandé six sous-marins Scorpène dont le premier devait être livré en 2010 mais dont la production a pris plusieurs années de retard. Le nouveau programme, Navy s Project 75, concerne des sous-marins ayant des capacités d attaque au sol. Quatre seront construits sur place et deux dans le pays du constructeur. Trois grandes entreprises seraient concernées : le français DCNS, l allemand HDW et dans une moindre mesure le bureau d études russe Rubin, s il décide de poursuivre le programme Amour. Un autre appel d offre a été lancé quasiment en même temps : la marine indienne souhaiterait acquérir quatre Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC). Trois concurrents sont pressentis : DCNS, l'italien Fincantieri avec son Multifunctional Ship (MS), l'espagnol Navantia avec le Buque de Proyeccion Estrategica (BPE) et la Corée du Sud avec un modèle dérivé du porte-hélicoptères d'assaut Dokdo. DCNS et Fincantieri travaillent actuellement avec la marine indienne sur différents contrats ce qui augmentent leurs chances de décrocher ce nouvel appel d offre (Scorpène et motorisation des corvettes PK 75 pour les Français, porte-aéronefs Vikrant et pétrolier-ravitailleur pour les Italiens).n Modernisation urgente de la flotte brésilienne Malgré des investissements conséquents et une politique volontaire, la marine brésilienne pourrait connaître des difficultés dans ses missions à cause d un vieillissement global de la flotte. En plus du porte-avions Sao Paulo (ex- Foch) le Brésil a acquis récemment neuf frégates (quatre britanniques et cinq néerlandaises), quatre Scorpène et travaille à la construction d un sousmarin à propulsion nucléaire. Malgré ces programmes une part croissante de la marine est obsolète. Un plan sur 30 ans a été élaboré pour 93 milliards de dollars afin de s équiper de 2 porte-avions de 40 000 tonnes, de 4 bâtiments de projection et de commandement de 20 000 tonnes, de 30 bâtiments d escorte, de 15 sous-marins classiques, de 5 sous-marins nucléaires d attaque (SNA) et de 62 patrouilleurs. Cependant, l amiral Luiz Umberto de Mendonca auditionné par le parlement a déclaré que 117 milliards de dollars seraient nécessaires d ici à 2030 pour développer une flotte capable de surveiller la zone Atlantique Sud et pour créer une seconde flotte dans la zone Nord-Est. Un des enjeux est la protection des futures zones d exploitation pétrolières off-shore. Cependant, cette modernisation n est pas à l ordre du jour du gouvernement : le budget de la défense a été revu à la baisse de 26 % cette année. Les déclarations de l amiral de Mendonca constituent donc une tentative de faire pression sur l exécutif pour mettre la rénovation de la flotte à l agenda gouvernemental.n 7

NAVAL Derniers test en mer pour la FREMM Aquitaine La Frégate Aquitaine a rejoint le chantier de DCNS de Lorient après trois semaines d essais en mer. Les équipes de DCNS et de la Marine Nationale, sous la supervision de la DGA, ont poursuivi l intégration et les tests du système de combat au large de l île de Groix et dans le golfe de Gascogne. Le système de sonar et de communication ont donné toute satisfaction lors de ces essais. Au total, cinq FREMM sont à différents stages de construction (Aquitaine, Mohammed VI, Normandie, Provence et Languedoc), quatre pour la France et une pour le Maroc sur le chantier de Lorient.n Révision complète pour le sous-marin espagnol Mistral Le sous-marin de classe Agosta S-73 vient d être mis en cale sèche pour une révision générale sur les chantiers de Navantia à Cartagena. Prévue pour durer jusqu au printemps 2013, cette grande révision va mobiliser deux cents personnes et va permettre au submersible lancé en 1985 de rester opérationnel jusqu à la mise en service des sous-marins S-80. La grande révision du S-71 avait connu des problèmes de financements. Cette fois, l ancienne ministre de la Défense, Carne Chacon, a assuré que le financement était garanti.n La Pologne annule la modernisation de ses frégates Le ministère de la Défense polonais a annoncé l annulation de son programme de modernisation de deux frégates. Ce projet est aujourd hui considéré comme inutile et coûteux au vu de la réduction des capacités opérationnelles de la marine polonaise. Les frégates ORP General Kazimierz Pułaski et ORP General Tadeusz Kościuszko sont deux navires de l US Navy rachetés par la Pologne au début des années 2000. Leur modernisation devait être menée par Raytheon et General Dynamics pour 100 millions de dollars. La Pologne a lancé un programme général de modernisation de sa flotte pour 1,24 milliards de dollars jusqu en 2018 avec entre autres la construction de corvettes 621 Gawron inspirées du modèle MEKO A-100 de ThyssenKrupp Marine Systems. Elle a déjà reçu comme équipement des torpilles EuroTorp MU 90 Impact, des hélicoptères multirôle Kaman SH-2G Seasprite et des missiles antinavires Saab Bofors Dynamics RBS15 Mk3. Avec la crise des dettes souveraines, cette modernisation globale est remise en question du fait des coupes budgétaires.n Singapour met en service son premier sous-marin Archer La Marine de la République de Singapour (RSN) a officiellement mis en service son premier submersible de la classe Archer à la base navale de Changi. Acquis par Singapour en 2005, le navire diesel-électrique de 60,5 m de long est un des deux sous-marins de la classe Vaastergotland de la marine suédoise. Conçu et construit par Kockums AB, le sous-marin est équipé d un système de propulsion aérobie autorisant la submersion pendant de longues périodes et dispose de systèmes de sonar pour l emploi en eaux peu profondes. Le navire a subi diverses vérifications de système et des essais en mer dans des conditions locales dans le cadre de son processus de mise en service opérationnel. Le second sous-marin de la classe Archer, RSS Swordsman, subit actuellement des essais en mer baltique. Singapour poursuit ainsi sa politique de défense basée sur des systèmes d armes très modernes.n Toute l année des enseignements géopolitiques en cours du soir Lieu des cours IRIS, 75011 FORMATIONSPROFESSIONNELLES Durée des cours de 18h30 à 20h00 Enseignants Chercheurs, journalistes, diplomates Les leçons des printemps arabes Intelligence stratégique Géopolitique de la criminalité Défense et sécurité Géopolitique du développement durable Questions africaines Religions et géopolitique Enjeux géostratégiques européens Renseignements 01.53.27.60.69 / tuaillon@iris france.org 8

TERRESTRE L Ukraine et la Russie : premiers exportateurs mondiaux de véhicules blindés Un rapport américain a recensé les ventes de blindés dans le monde entre 2005 et 2010. L Ukraine arrive en tête avec 685 véhicules vendus à douze nations dont 190 pour l Irak, 141 pour l Azerbaïdjan et 135 pour le Tchad. Les modèles vendus sont des BMP-1 des BTR- 70, des BREM-1U des BTR-3. La Russie a vendu 591 véhicules à 13 Etats dont 102 au Kazakhstan et 100 au Bangladesh. La zone caucasienne a vu un grand nombre d acquisition : l Azerbaïdjan a acquis 141 nouveaux véhicules, la Géorgie 73. Les véhicules vendus sont de conception soviétique et ne disposent pas de systèmes électroniques ou optroniques performants, ce qui explique un coût limité.n Nouveau centre d entraînement en Russie Le ministère de la Défense a annoncé la signature d un contrat avec Rheinmetall à travers sa filiale locale JSC Oboronservice. D environ cent millions de dollars, il a pour finalité la construction en 2014 d un centre d entraînement pour les forces armées à Mulino dans la région de la Volga. Trente mille personnes pourront y être formées par an. Rheinmetall a déjà construit un centre comparable en Allemagne le Gefechtsübungszentrum. Prévu pour couvrir 500 km², le centre de Mulino pourra assurer l entraînement d une brigade blindée ou d infanterie mécanisée. Y seront assurés des formations théoriques et des formations pratiques avec l usage d un système de tir simulé laser. Ce sera le centre d entraînement le plus moderne de Russie. Thales, avec son système Sagittarius, a également su séduire les délégués russes ayant récemment visité le CENTAC. L entreprise, déjà très présente en Russie, pourrait voir s ouvrir un nouveau marché sur le segment de la simulation.n L ANNÉE STRATÉGIQUE 2012 L outil de référence pour comprendre le monde! > 196 fiches-pays > 7 fiches régionales > Cartes des principaux enjeux régionaux > Cartes thématiques couleur > Rappel chronologique des événements > Bibliographies et sélection de sites Internet > Annuaire statistique mondial En vente en librairie ou sur www.iris-france.org 9

FOCUS «EADS n est pas en crise» La baisse des budgets de défense touche l Europe et les États-Unis. Cette situation aura des conséquences à terme pour les entreprises du secteur. 3P a rencontré François Desprairies, directeur des Affaires publiques d EADS France pour évoquer avec lui la santé du premier groupe européen de défense et les perspectives dans ce contexte mouvementé. 3P. Comment va EADS? François Desprairies - EADS va bien. On peut dire qu après dix ans et particulièrement en période de crise, le modèle économique qui a été mis en question par un certain nombre d interlocuteurs est un modèle qui permet d être résistant et résilient. Deux raisons de fond permettent à EADS de tenir le cap. Premièrement, la dualité de nos activités. Nous ne dépendons pas des marchés de défense, loin s en faut : ils ne représentent que 27% de nos revenus. C'est pourquoi la baisse des budgets de défense, y compris aux États-Unis, n aura qu un impact limité pour EADS. Deuxièmement, la crise actuelle montre la pertinence du modèle multipays. Etre ancré sur un seul pays vous condamne à être extrêmement fragile si ce pays doit faire face à des problèmes budgétaires graves. Le modèle EADS avait été créé au départ pour avoir une répartition d activité 50/50. Est-ce que le fait d avoir dérivé vers une activité plus civile est gênant? Tous les PDG d'eads sans exception ont fait du rééquilibrage des activités de notre groupe l axe central de son développement. Autrement dit, ne pas dépendre des marchés publics, mais ne pas dépendre non plus d une activité cyclique comme l aéronautique. D'ailleurs, l'équilibrage des activités d'eads ne se pose pas uniquement dans un rapport civil/défense. Nous nous développons dans les services et le soutien aéronautiques, car ce sont des activités qui sont beaucoup moins cycliques que les ventes d'avions. De la même manière, les domaines de sécurité ne sont pas affectés par les cycles aéronautiques ou les réductions de budget dans la défense. Il y a des domaines dans lesquels on peut se développer et qui nous permettent d être résilients sur la durée : c est ce que nous sommes en train de construire. Notre cours de bourse en témoigne. BAE Systems et Finmeccanica qui ont une forte dépendance à la défense sont en difficulté pendant qu EADS et Safran se portent bien. Cela montre qu en période de crise, vous avez des sociétés qui sont plus résistantes que d autres. EADS va bien toutes proportions gardées. Elle sait qu elle va affronter des difficultés importantes dans les domaines financés par l Etat, la défense et l espace. Par contre,il semble que les débouchés dans l aviation civile restent au vert notamment dans les pays à forte croissance en Asie et en Amérique latine. Est-ce que l activité civile vous permet de soutenir et de faire vivre l activité de défense dans la période de creux? Est-ce que le civil a pour vocation à faire vivre la défense? La réponse est non. Si vous raisonnez en termes d emplois, nous n avons pas de problème à réemployer nos ingénieurs en dehors de la défense compte tenu de l appel d air créé par l aéronautique civil. Nous avons une capacité de "cross fertilization " des deux secteurs dans ce domaine. C est vrai aussi dans la durée de notre histoire et même avant la création du groupe. Nous avons toujours vu des périodes où la défense finançait la partie civile et vice-versa. Ce mouvement de balancier continuera d exister. On suppose qu il vous faut quand même un minimum de crédit de R&T pour maintenir l activité... Une entreprise comme la nôtre vit avec des «guichets» en matière de R&T. Il y en a quatre aujourd'hui : la Direction Générale de l Armement (DGA), la Direction Générale de l Aviation Civile (DGAC), le Centre National d Etudes Spatiales (CNES) et le crédit impôt recherche. Ces quatre guichets permettent d avoir un outil de recherche et donc des bureaux d études. Si la DGA est obligée pour des raisons bien claires de réduire la voilure, il faut que les autres guichets puissent prendre le relai pour continuer à alimenter les bureaux d études. Un bureau d études comme celui des Mureaux vit d un côté de la dissuasion de l autre d Ariane. 80% des ingénieurs travaillent à la fois pour l un et pour l autre. Si la DGA n apporte plus sa quote-part de crédits et si Ariane ne prend pas le relais, vous perdez les Mureaux et donc simultanément l accès à l espace et la dissuasion. Le problème de notre pays aujourd'hui est de voir s il veut 10

FOCUS Suite de l entretien : «EADS n est pas en crise» préserver en France certains bureaux d études et activités industrielles en maintenant les incitations appropriées. Pas de délocalisation en vue donc? Jamais. Non seulement nous ne délocalisons pas, mais nous n avons jamais eu autant de salariés en France et nous n avons jamais autant développé les bureaux d études. Ce n'est pas un hasard : la compétitivité d'eads, c'est l'écosystème industriel de l'aéronautique que nous trouvons en France. Nous travaillons avec nos fournisseurs, les PME, les structures comme les pôles de compétitivité qui sont pour nous des outils remarquables et qu il faut maintenir. C est un réseau extrêmement dense et extrêmement vertueux et nous attendons avec grand intérêt la mise en place des Instituts de Recherche et de Technologie (IRT). On ne peut pas transposer le modèle toulousain en Inde. Ce n est pas possible. Il faudra des dizaines d années avant de le dupliquer ailleurs. Le choix de localisation des activités n est pas uniquement une question de coût de main d œuvre. Il s'agit là d'une batterie d outils qui font de la France un pays où il est bon de travailler pour l aéronautique. Nous avons ces fameux guichets qui permettent de consolider notre base industrielle. Cependant ils sont tous sous pression et risquent de ce fait de tous réduire la voilure en même temps. Le Grand Emprunt a permis de limiter les dégâts, mais ce n'est pas un outil permanent et il ne règle que des problèmes ponctuels. Le risque est de supprimer des mécanismes qui étaient pérennes sous prétexte du Grand Emprunt. C est un problème de cohérence dans le temps. Nous sommes sur des industries civiles ou militaires où les cycles sont très longs, les investissements sont très lourds, donc les formations prennent du temps. Notre industrie, dans le civil comme dans la défense, demande une certaine constance d effort dans la durée pour ne pas perdre les bénéfices des investissements réalisés. Qu en est-il de l évolution de la gouvernance au sein d EADS? Il est difficile pour une entreprise de vivre avec des actionnaires de référence qui contrôlent votre entreprise à travers un pacte d actionnaire et qui répètent urbi et orbi qu ils veulent partir. Ce n est pas un schéma pérenne. Pour le reste, l équilibre entre la France et l Allemagne est un élément génétique et structurel. On voit mal un pays prendre le pas sur l autre. Notre cohabitation est profitable, musclée et riche en débats, mais elle apporte de la valeur ajoutée. Quand on fait le bilan des dix années écoulées, il est positif. Il faut aborder cette cohabitation sans naïveté en cherchant le meilleur pour l entreprise et pour nos pays respectifs. L évolution de la gouvernance relève-t-elle exclusivement du plus haut niveau des Etats ou êtes-vous aussi force de propositions pour définir un nouveau modèle? Nous sommes force de propositions en ayant en tête de permettre aux Etats de sortir progressivement du capital tout en garantissant leurs intérêts régaliens à travers des golden share ou des schémas qui leur apporteraient les garanties attendues. Nous avons noté que des Etats beaucoup moins présents au capital, je pense à l Espagne ou au Royaume-Uni, étaient beaucoup plus interventionnistes que ne le sont la France ou l Allemagne. Est-ce que l on pourrait créer des outils européens de ce genre? Une Task Force vient d être lancée par la commission européenne sur l avenir de l industrie de défense, qu en attendez-vous? Il ne faut pas se raconter d histoires. On fait plus de choses à deux, à trois ou à quatre qu à vingt-sept. Nous sommes très réticents envers les schémas communautaires qui sont des machines à créer le cercle le plus large possible mais certainement pas la plus grande efficacité. C est extrêmement clair. Nous constatons que les grands programmes qui marchent ont été lancés avec un petit groupe de pays : l ESA avec sept pays, Airbus avec quatre pays, l A400M avec six pays ou encore le Tigre avec trois pays. Voilà une échelle encore gérable. Je ne connais pas de dossier qui puisse se gérer à vingt-sept. En Europe, quatre pays ont investi dans la durée sur l espace et l aéronautique : la France, la Grande-Bretagne, l Allemagne et l Italie. Les autres acteurs ne pèsent pas. Pourquoi, alors qu on a investi collectivement pendant des décennies, irait-on partager avec les autres? Quand vous avez créé EADS, vous avez quand même rassemblé plusieurs pays européens? C était une coalition de volontés. Les projets pour lesquels les Etats sont volontaires sont intéressants, parce que les 11

FOCUS Suite de l entretien : «EADS n est pas en crise» pays participants savent pourquoi ils veulent cette coopération, comme c'était le cas pour Airbus. Je voudrais vraiment réhabiliter le modèle d association européenne sur la base du volontariat qui évite de passer par la case bruxelloise. Si nous avions le sentiment que la Commission européenne nous défendait comme Boeing ou Bombardier sont défendus par leur État d'origine, cela ne poserait pas de problème, mais ce n est pas le cas. Je ne donnerai qu'un exemple : quand Aérospatiale a voulu mettre la main sur De Havilland, il y a quelques années, la Commission européenne a empêché cette fusion sous prétexte qu Aérospatiale serait alors en monopole sur ce segment de marché, car elle contrôlait déjà ATR. Le résultat a été simple et immédiat : Bombardier a pris le contrôle de De Havilland, ce qui lui a permis de construire sa compétence aéronautique. Il y a quelques années, nous sommes allés avoir la DGAC et Bruxelles pour leur demander l'autorisation de recevoir des avances remboursables pour le développement de l avion ATR 72-600. La Commission a refusé en soulignant que maintenant nous étions en concurrence avec Bombardier et que ces avances remboursables auraient faussé la concurrence. A propos de l A400M, comment va le programme? Le programme va très bien. La gouvernance a été rétablie. Il sera au rendez-vous des livraisons prévues pour l armée de l Air française début 2013 comme prévu et il sera livré exactement dix ans après le lancement effectif du programme. Cette durée est à comparer aux 17 ans nécessaires pour développer le programme du C-17 de Boeing tout comme le C-130 de Lockheed. L erreur pour l industrie, comme pour les services officiels, est d avoir fait croire ou cru qu on pouvait construire un avion de cette complexité en sept ans. Les problèmes techniques que nous rencontrons sont des problèmes habituels pour un avion aussi sophistiqué. Il y a une petite inquiétude sur le moteur qui est dû au fait qu on n a jamais développé un turbopropulseur de 11 000 chevaux en Europe. Pour être précis, le choix du moteur n était pas celui de l avionneur, qui avait sélectionné un Pratt & Whitney canadien. Les gouvernements nous ont imposé un moteur européen, ce que l on peut comprendre et ce qui était politiquement logique. Ce choix aura-t-il une répercussion sur le prix final de l avion? Non pas vraiment. Je pense qu il ne faut pas pointer du doigt tel ou tel. Il y a eu un travail collectif pour mettre ce programme à plat, tant par les motoristes que par l avionneur avec un bon dialogue avec la DGA et l armée de l Air il y a deux ans. Un travail comme on en a rarement fait. Ça a été compliqué, mais il y a eu de la bonne volonté de tous les acteurs y compris du motoriste. A partir de là, le programme est sur les rails. Par contre, puisque c était évoqué dans un précédent article de 3P, en matière de soutien, nous ne referons pas la même erreur. Nous ne prendrons pas à notre charge la responsabilité qui incombe au motoriste. Le soutien de l A400M est une question très compliquée, car il y a sept nations et elles ne sont pas d accord sur leurs attentes. Nous sommes prêts à apporter toutes les garanties pour cet avion dans certaines conditions. Nous avons fait des propositions en ce sens. Par contre pour la partie moteur, nous ferons du back to back. Pour le dire autrement, si le motoriste EPI n accepte pas de nous apporter des garanties, nous demanderons qu'il y ait un contrat d'ensemble mais réparti en deux contrats séparés, l'un traitant du moteur et l'autre du reste de l'avion. Nous ne voyons pas aujourd hui la possibilité de faire un contrat pour l'ensemble de l'avion, car les business models sont différents pour le soutien du moteur et celui de l'aile. Je ne veux surtout pas donner l impression que l on met la faute sur le motoriste. On juxtapose deux industriels dont l un n a pas forcément vocation à faire le travail de l autre. On a voulu simplifier à l excès le contrat, car cela arrangerait les Etats d avoir une seule tête. Pour le Rafale, il y a pourtant un avionneur et un motoriste. Pourquoi pas sur l A400M? Le moteur de l A400M est d'ailleurs plus complexe que le M88 du Rafale. En outre, pour le M88, il y a un prime contractor clairement désigné, Safran. Pour EPI, c est une présidence tournante entre les industriels impliqués. Il n'y a donc pas de leadership clair. Je ne mets pas le blâme sur le motoriste. J'attire d'ailleurs l'attention sur le fait que, sur les marchés de l'aéronautique civile, les compagnies aériennes achètent séparément l'avion et son moteur. C'est bien la preuve que ce sont deux métiers avec des modèles économiques différents. Il est certainement illusoire de vouloir les traiter conjointement dans un seul et même contrat, en tout cas pour répondre efficacement aux attentes des clients.n 12