L évaluation de la performance dans les organisations culturelles non lucratives



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Transcription:

AVRIL 2012 L évaluation de la performance dans les organisations culturelles non lucratives Mémoire de Master II Directeur de mémoire : M. Philippe Lafage Majeure Contrôle de Gestion, Audit Interne et Management de la Performance Etudiante : Clémence Monvoisin Rouen Business School, MGE Promotion 2012 clemence.monvoisin.08@students.rouenbs.fr

REMERCIEMENTS Je souhaite dans un premier temps adresser mes remerciements à Monsieur Philippe Lafage, en sa qualité de directeur de mémoire pour ce travail et de directeur de la majeure Contrôle de Gestion, Audit interne et Management de la Performance au sein de Rouen Business School. Le semestre de majeure a été la source d un enrichissement personnel et d une curiosité intellectuelle qui m ont fortement inspirée dans mes efforts pour produire un travail de qualité. Je remercie tout particulièrement Monsieur Lafage pour l attention qu il a portée à mes centres d intérêt pour le choix du sujet de ce mémoire, pour son implication et ses conseils judicieux. Je tiens également à remercier Madame Lily Fisher, directrice de production et gérante du Printemps de Bourges, Madame Nilou Kaveh, administratrice de l Association Territoire de Musiques, organisatrice des Eurockéennes de Belfort, et Madame Béatrice Macé, directrice générale de l Association Trans Musicales, organisatrice des Rencontres Trans Musicales de Rennes. Je suis très reconnaissante pour l intérêt qu elles ont porté à mon travail, leur disponibilité et le temps qu elles ont consacré pour m apporter leur témoignage, ainsi que la confiance qu elles m ont accordée. Grâce à leur implication, ce travail s est enrichi d un ancrage empirique d une grande pertinence, et a ouvert des horizons très intéressants dans ma réflexion. Enfin, je remercie l équipe du Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz, pour l aide et le soutien qu elle m a apportés tout au long de l élaboration de ce travail. Mes pensées s adressent tout particulièrement à Madame Séverine Morin, responsable du pôle ressources et communication, que je remercie sincèrement pour son attention respectueuse et encourageante, sa grande disponibilité. Je tiens également à remercier chaleureusement Madame Patricia Sadaoui, attachée à l administration du secteur 2, activités de production. Leur implication a permis le déroulement optimal de mon travail. 2

EXECUTIVE SUMMARY La définition de la performance et l approche choisie par les entreprises pour la mesurer s est longtemps limitée à une dimension exclusivement financière. Au cours des trente dernières années, sensibilisées par les dispositifs développés par la recherche, mais surtout face aux évolutions de leur écosystème, la notion a été saisie par les organisations et a progressivement évolué pour recouvrir une vision plus globale de l activité. Les gestionnaires des organisations culturelles du secteur non lucratif semblent pourtant éprouver une suspicion à l égard d un concept encore souvent associé au profit et à la rentabilité économique. Dans le contexte français de crise économique et dans la situation de restrictions budgétaires qui l accompagne, les établissements publics, parmi lesquels de nombreuses institutions culturelles, sont aujourd hui liés à leur tutelle ministérielle par un «contrat de performance» mis en place par le système L.O.L.F. en 2006. Une initiative qui vise essentiellement pour l Etat à introduire une culture de la rationalité budgétaire, et tend à renforcer l assimilation de la notion de performance à des préoccupations exclusivement financières. L objet de ce mémoire est d étudier en profondeur le processus d évaluation de la performance et ses modalités pour les organisations culturelles non lucratives. Nous souhaitons plus précisément éprouver la pertinence de la notion pour ce type de structures, et tester les conditions à la définition spécifique de la performance, et à la conception des dispositifs de son évaluation pour les organisations culturelles non lucratives. Armés d une approche critique, il s agit pour nous de mettre en évidence les obstacles et perspectives qui se présentent face à la mise en perspective des deux entités, et les opportunités et menaces que cela présente. Une réflexion qui se synthétise ainsi : Faut-il développer une approche spécifique de l évaluation de la performance pour les organisations culturelles non lucratives? La première partie de ce travail entend dépoussiérer la notion de performance des associations et idées préconçues qui pèsent sur elle, à travers la construction d un socle théorique s appuyant sur les positions développées par la littérature des dernières décennies en sciences de gestion. Il s agit de mettre en regard cette approche régénérée du concept avec une étude de l organisation culturelle non lucrative en fonction des facteurs critiques à intégrer à une définition spécifique de la performance. Dans un deuxième temps, nous nous sommes centrés sur les modalités de l évaluation de la performance pour les organisations étudiées, et avons souhaité tester la robustesse des dispositifs existant pour en proposer des développements ad hoc. La réflexion autour des composantes opérationnelles de l évaluation est complétée par une approche stratégique du système de pilotage de l activité, et notamment les limites qu elle présente pour les organisations culturelles non lucratives. Enfin, nous avons souhaité tester nos hypothèses en les appliquant à des cas concrets d organisations culturelles non lucratives : les festivals musicaux. Une étude qui a permis d établir que l évaluation de la performance n est pas standardisable à l échelle considérée. 3

GLOSSAIRE 1 Chaîne de valeur : catégories d activités internes et externes à l organisation dont la combinaison génère la production d un bien ou d un service (Prentice Hall). Ciblage : sélection des segments de marché que l entreprise souhaite viser (Pearson). Coût d opportunité : Coûts supportés sans qu'ils impliquent nécessairement un débours en trésorerie et qui correspondent à une perte d'opportunité (Vernimmen). Economie : l approvisionnement au coût le plus bas, en cohérence avec les besoins en qualité et quantité (G. Evans). Efficacité : correspondance entre les buts et les impacts des décisions (G. Evans). Efficience : rapport entre la consommation de ressources et la production de biens ou services (G. Evans). Equivalent temps plein (ETP) : unité de décompte dans laquelle sont exprimés à la fois les plafonds d emplois et la consommation de ces plafonds. Il est proportionnel à l activité des agents du secteur public, mesurée par leur quantité de temps de travail et la période d activité sur l année (Forum de la performance). Incentives : système d incitations. Productivité : rapport, en volume, entre une production et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir (Insee). Segmentation : division du marché en plusieurs sous-ensembles (Pearson). 1 Les définitions sont issues de : G. Johnson, K. Scholes, R. Whittington, Exploring Corporate Strategy, 8 th ed., Prentice Hall p.9. G. Armstrong, P. Kotler, Pearson Education France Principes de marketing, [2010], 10 ème éd ; [en ligne : http://www.pearson.fr/resources/titles/27440100891500/extras/7475_chap01.pdf] G. Evans, «Measure for Measure : Evaluating performance and the arts organization», [2000], Studies in Cultures, Organizations and Societies, Vol.6, pp.243-266. «Le forum de la performance», Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l Etat [en ligne http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/]. Dictionnaire Vernimmen [en ligne http://www.vernimmen.net] Insee, institut national de la statistique et des études économiques [en ligne http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/liste-definitions.htm] 4

SOMMAIRE REMERCIEMENTS... 1 EXECUTIVE SUMMARY... 3 GLOSSAIRE... 4 INTRODUCTION... 11 PARTIE I : Introduction de la notion de performance dans l organisation culturelle non lucrative... 13 Chapitre 1 : Qu est-ce que la performance?... 13 Section 1 : Définitions et approches... 13 Paragraphe 1 : Définitions... 14 A. Performance... 14 B. Systèmes de mesure et indicateurs... 14 Paragraphe 2 : Approches... 15 A. Approche traditionnelle financière... 15 B. Approche globale non financière... 16 Paragraphe 3 : Impact de l environnement sur la performance... 16 A. Des règles du jeu imposées... 17 B. Impact des parties prenantes... 17 C. Relations entre propriétaires et gestionnaires... 18 Section 2 : Comment peut-on mesurer la performance?... 18 Paragraphe 1 : Pourquoi mesurer la performance?... 18 A. Mesurer pour améliorer... 19 B. Mesurer pour apprendre et innover... 19 C. Mesurer pour communiquer... 19 Paragraphe 2 : Différents niveaux de mesure... 20 A. Performance individuelle... 20 B. Performance des services... 21 C. Performance globale... 22 Paragraphe 3 : Outils de mesure... 23 5

A. Outils du contrôle de gestion... 23 B. Tableaux de bord... 23 C. Systèmes issus de l économie sociale... 24 Chapitre 2 : Quelles sont les modalités de la performance pour l organisation culturelle non lucrative?... 25 Section 1 : Spécificités de l organisation culturelle non lucrative... 26 Paragraphe 1 : Différences structurelles... 26 A. Mission... 26 B. Objectifs stratégiques... 26 C. Organisation et gouvernance... 27 Paragraphe 2 : Valeur du bien culturel... 27 A. Tension entre valeur économique et valeur culturelle... 28 B. Captation de valeur et prix... 28 C. Risque... 29 Paragraphe 3 : Problématiques propres à l organisation culturelle non lucrative... 29 A. Mutation des sources de financement... 30 B. Complexité des parties prenantes et des publics... 30 Section 2 : Facteurs de contingence... 31 Paragraphe 1 : Intensification de la compétitivité de l environnement... 31 A. Elargissement du marché... 31 B. Exposition médiatique... 31 Paragraphe 2 : Facteurs internes... 32 A. Nouveaux modes de gestion : vers une culture du résultat... 32 B. Pression sur l offre... 32 Paragraphe 3 : Conditions et modalités de la performance en organisation culturelle non lucrative... 33 A. Définition de la performance... 33 B. Installer un pilotage multidimensionnel... 33 C. Développer la notion de responsabilité... 34 Conclusion de la première partie... 35 PARTIE II : Comment mesurer la performance d une organisation culturelle non lucrative?... 36 6

Chapitre 1 : Quelles sont les modalités de l évaluation de la performance en organisation culturelle non lucrative?... 36 Section 1 : Analyse de l existant... 36 Paragraphe 1 : Développer les systèmes comptables et financiers... 37 A. Modélisation d une comptabilité de gestion... 37 B. Construction des budgets... 38 C. Insuffisance des mesures financières... 39 Paragraphe 2 : Adapter les systèmes de mesure de la performance... 39 A. Utilisation du Balanced Scorecard en OCNL... 39 B. Modèles multidimensionnels et outils de prise de décision... 40 Section 2 : La mise en place d un système de mesure de la performance propre... 41 Paragraphe 1 : Modalités du système d évaluation... 41 A. Spécificités de l activité culturelle... 41 B. Systèmes multidimensionnels et parties prenantes... 42 Paragraphe 2 : Indicateurs de performance... 43 A. Typologie... 43 B. Systèmes d indicateurs... 44 C. Enjeux des indicateurs de performance... 44 Paragraphe 3 : Problématiques d implémentation... 45 A. Gestion de l information et culture de la performance... 45 B. Mécanismes de correction... 46 Section 3 : Les acteurs de la performance... 46 Paragraphe 1 : Ecosystème des organisations culturelles non lucratives... 47 A. Positionnement des parties prenantes sur la performance... 47 B. Influence des parties prenantes sur la performance... 48 Paragraphe 2 : La gouvernance des organisations culturelles non lucratives... 49 A. Typologie... 49 B. Rôle et responsabilité de l organe de gouvernance... 49 C. Théorie de l agence... 50 7

Chapitre 2 : Dans quelle mesure l évaluation de la performance peut-elle répondre à des objectifs de pilotage en organisation culturelle non lucrative?... 51 Section 1 : Performance, contrôle et pilotage en organisation culturelle non lucrative... 51 Paragraphe 1 : Performance et pilotage... 52 A. Triptyque du pilotage... 52 B. L évaluation au service de la décision : de la performance au pilotage... 52 C. Introduction du contrôle dans le pilotage... 53 Paragraphe 2 : A propos de l incompatibilité entre contrôle et art... 53 A. Conflit de représentations... 53 B. Incarnation du conflit... 54 Section 2 : Modalités du contrôle en organisation culturelle non lucrative... 54 Paragraphe 1 : Modes de contrôle pour la création artistique... 55 A. Auto-contrôle... 55 B. Contrôle par la culture professionnelle... 55 C. Contrôle par le don... 56 Paragraphe 2 : Pratiques stratégiques du contrôle... 56 A. Rôle stratégique du contrôle pour la performance... 56 B. Pratiques alternatives du contrôle... 57 C. Détourner le contrôle... 58 Section 3 : Les limites de la performance pour les organisations culturelles non lucratives... 59 Paragraphe 1 : Limites matérielles... 59 A. Des structures inappropriées... 59 B. Des ressources limitées... 60 Paragraphe 2 : Limites des outils... 60 A. Limite de la rationalité gestionnaire... 60 B. Instrumentalisation des indicateurs... 61 Paragraphe 3 : Limites philosophiques... 61 A. Absence de culture de la performance... 62 B. Court-termisme et insuffisances... 62 C. Etre performant, est-ce être légitime?... 63 8

Conclusion de la deuxième partie... 64 PARTIE III : Etude empirique : Evaluation de la performance dans les festivals musicaux français... 65 Chapitre 1 : Contexte, Hypothèses et Méthodologie de recherche... 65 Section 1 : Les festivals musicaux non lucratifs en France... 65 Paragraphe 1 : Structure et économie du secteur... 65 Paragraphe 2 : Enjeux contemporains des festivals musicaux non lucratifs... 65 Paragraphe 3 : Ecosystème du festival musical non lucratif... 66 Section 2 : Hypothèses... 67 Paragraphe 1 : Hypothèse 1 : la notion de performance est incompatible avec l organisation culturelle non lucrative... 67 A. Hypothèse et sous-hypothèses... 67 B. Etat de la recherche et résultats attendus... 68 Paragraphe 2 : Hypothèse 2 : l organisation culturelle non lucrative résiste à la mise en place d un système d évaluation de la performance... 68 A. Hypothèse et sous-hypothèses... 68 B. Etat de la recherche et résultats attendus... 69 Paragraphe 2 : Hypothèse 3 : l évaluation de la performance ne permet pas de mettre en place des modalités de contrôle associé à un pilotage stratégique de l activité... 69 A. Hypothèse et sous-hypothèses... 69 B. Etat de la recherche et résultats attendus... 69 Section 3 : Méthodologie de recherche... 70 Paragraphe 1 : Intérêt de l échantillon... 70 Paragraphe 2 : Accès à l information et questionnaires... 71 Chapitre 2 : Présentation et analyse des résultats, discussion de l étude... 72 Section 1 : Présentation des résultats... 72 Paragraphe 1 : Le Printemps de Bourges, «Avoir 36 ans, c est déjà être performant»... 72 A. Réussite, légitimité et pérennité... 72 B. Rôles et influences des parties prenantes... 73 C. Structure organisationnelle et pilotage... 74 9

Paragraphe 2 : Les Eurockéennes de Belfort, «L esprit associatif est important pour construire la performance»... 74 A. Apprentissage organisationnel... 74 B. Rôles des outils d évaluation... 75 C. Réseau et pilotage... 76 Paragraphe 3 : Rencontres Trans Musicales de Rennes, «Il s agit de paramétrer les outils pour atteindre une efficacité optimale»... 77 A. Pilotage d un «écosystème humain paramétré artistiquement»... 77 B. Définition des outils et paramétrage... 77 C. Apport méthodologique de la démarche... 78 Section 2 : Analyse des résultats en regard des hypothèses... 79 Paragraphe 1 : Notion de performance en organisation culturelle non lucrative... 79 Paragraphe 2 : Dispositifs d évaluation de la performance en organisation culturelle non lucrative... 80 Paragraphe 3 : Contrôle et pilotage en organisation culturelle non lucrative... 81 Section 3 : Discussion et l étude... 82 Conclusion de la troisième partie... 83 CONCLUSION... 84 BIBLIOGRAPHIE... 85 10

INTRODUCTION En 2010, les services culturels représentaient le premier poste de dépenses culturelles et de loisir des ménages, à hauteur de 17,2% 2 du budget global alloué. Au sens de l Insee, et dans une définition assez classique des services culturels, ceux-ci recouvrent notamment l offre en matière de cinéma, spectacles vivants, ou musées, soit un secteur dans lequel la production des organisations traduit une présence artistique. Nous nous appuierons sur la définition suivante des organisations culturelles par Eve Chiapello : «organisations de production et de diffusion culturelles» 3 mais sans nous limiter, comme le chercheur à celles «qui ont la spécificité de travailler avec des artistes vivants». Dans une perspective d exhaustivité, nous préférons en effet délimiter notre périmètre d étude, avec Johanne Turbide, et Claude Lorin, en proposant une définition de l organisation culturelle par sa mission «d enrichissement de l environnement culturel grâce à la performance artistique» 4 et en s intéressant plus spécifiquement aux structures à but non lucratif. Cette configuration nous inscrit dans une approche organisationnelle particulière, qui invite à remettre en question les modèles existants, largement fondés sur une conception commerciale de l organisation. La France du XXI ème siècle est un contexte d étude complexe pour aborder le secteur culturel non lucratif d un point de vue organisationnel. Les services culturels ont représenté l un des seuls postes en hausse dans le budget de dépenses culturelles et de loisirs des Français entre 2009 et 2010, dans une situation bien connue de crise économique. Cela rappelle que les organisations culturelles sont avant tout des entreprises, qui créent des emplois et génèrent de la valeur. Pourtant, dans la patrie des Lumières, la conception romantique de l artiste en tant qu être inspiré introduit encore une antinomie entre la dimension artistique et les problématiques managériales de pilotage de l activité. Pour David Autissier, le pilotage s organise autour de trois étapes, déclenchées par l évaluation 5, un processus au cœur de la résistance de l organisation culturelle, qui se traduit notamment par la méfiance à l égard d une tendance à la quantification à l extrême, et par le rejet d un contrôle qui serait destructeur de la liberté des acteurs. Kasimir Bisou, l alter ego du maître de conférences en sciences économiques et activiste des politiques culturelles Jean-Michel Lucas, explique cette méfiance par le fait que l évaluation interviendrait «quand la menace plane» 6. Cette situation s illustre très précisément par la mise en place, avec le système L.O.L.F. 7 dans une optique de rationalisation budgétaire, de relations contractuelles entre les établissements publics et leurs tutelles ministérielles, scellées par la notion de «performance». Les organisations culturelles publiques sont ainsi aujourd hui redevables face à l Etat français en termes de performance, et l on postulera que les organisations privées, de structure associative 2 France Portrait social» Insee Références, édition 2011 3 E. Chiapello, «Les organisations et le travail artistiques sont-ils contrôlables?», [1997], Réseaux, n 86, Vol.15, pp.77-113. 4 J. Turbide, C. Laurin, «Performance Measurement in the Arts Sector: The Case of Performing Arts», [2009], International of Arts Management, n 2, Vol. 11, pp.56-70. 5 D. Autissier, B. Simonin, [2009], Mesurer la performance du contrôle de gestion, Eyrolles Editions d Organisation, Collection Les Baromètres de la Performance. 6 J.-M. Lucas, «Le point de vue de Jean-Michel Lucas sur l évaluation des festivals», L Affût, Agence régionale du spectacle vivant Poitou-Charentes, 2006. 7 Loi Organique relative aux Lois de Finances, mise en place en 2006. 11

majoritairement, dont la viabilité est assurée par des sources de financements publiques, entretiennent une relation similaire avec leurs propres financeurs. La performance est une notion polysémique, qui est, dans l esprit des gestionnaires, spontanément associée à une dimension financière de profit. Dès lors, parler de «performance» pour les organisations culturelles non lucratives, pour lesquelles cette notion n existe ni philosophiquement ni économiquement, heurte la rationalité managériale. Nous nous interrogeons donc sur la pertinence d introduire le concept dans les organisations culturelles non lucratives et formulons en guise de première hypothèse l incompatibilité de la performance avec la structure, la mission, et les valeurs de l organisation culturelle non lucrative. La notion de performance a été introduite ici par sa composante et traduction opérationnelle : l évaluation. Les deux dimensions sont en effet indissociables dans la mesure où l on ne parle de performance que dans l objectif d apporter une mesure, une évaluation de ce que le terme recouvre, en matière d atteinte des objectifs notamment. Nous nous intéressons donc dans un deuxième temps aux modalités de l évaluation de la performance, et plus spécialement, dans une approche très opérationnelle, aux outils dont les organisations disposent. Notre deuxième hypothèse découle assez naturellement de la première, et postule que les organisations culturelles non lucratives résistent à la mise en place de tels dispositifs. La résistance est non seulement provoquée de manière consciente, par le refus de chercher les moyens de quantifier la valeur créée, mais légalement suscitée par la matérialisation de l incompatibilité présentée précédemment à travers la configuration des systèmes existants, essentiellement conçus pour des entreprises industrielles du secteur marchand. Enfin, nous avons tenté d expliqué l aversion des gestionnaires d organisations culturelles à une approche par le pilotage, en pointant du doigt l évaluation en tant qu élément déclencheur du processus, aussi nous souhaitons étudier plus précisément le fonctionnement de cette «boucle du pilotage» 8, notamment à travers une analyse du contrôle qu installe de fait la démarche d évaluation de la performance. Dans la ligne droite ce que les gestionnaires craignent relativement au caractère destructeur du contrôle, nous proposons la troisième hypothèse suivante : l évaluation de la performance ne permet pas de mettre en place des modalités de contrôle associé à un pilotage stratégique de l activité pour l organisation culturelle non lucrative. Notre travail suit l articulation de ces trois hypothèses ; nous analyserons tout d abord dans quelle mesure la notion de performance peut être mobilisée en organisation culturelle non lucrative, pour en étudier ensuite les modalités d évaluation et les implications en matière de pilotage. Enfin, nous testerons nos hypothèses à la lumière des témoignages des représentants de trois festivals musicaux non lucratifs français historiques : Le Printemps de Bourges, les Eurockéennes de Belfort, et les Rencontres Trans Musicales de Rennes. 8 D. Autissier, ibidem. 12

PARTIE I : Introduction de la notion de performance dans l organisation culturelle non lucrative La première étape de notre travail vise à dépoussiérer la notion de performance, trop spontanément et exclusivement associée à sa composante économique financière. A travers un état des lieux de des évolutions analysées par les chercheurs en sciences de gestion, nous souhaitons régénérer le concept dans l objectif d être en mesure d en proposer une définition pour l organisation culturelle non lucrative, dans le respect des spécificités de celle-ci. Après avoir présenté une revue de littérature dressant un état des lieux de la recherche en matière de définition de la performance, nous étudierons les caractéristiques de l organisation culturelle non lucrative, en regard du schéma général des entreprises du secteur marchand et industriel, pour proposer une définition de la performance et établir un cahier des charges des modalités de la notion pour le type de structures étudié. Chapitre 1 : Qu est-ce que la performance? La première étape de ce travail consiste à étudier la notion de performance telle qu elle a été théorisée dans la littérature afin de définir son périmètre d application aux organisations culturelles non lucratives. Liée originellement au pilotage de l activité des entreprises industrielles du secteur marchand, la définition de la performance s est enrichie avec la recherche d approches organisationnelles reflétant notamment les mutations de l environnement économique général, et se traduit aujourd hui en termes très opérationnels à travers sa composante d évaluation. Section 1 : Définitions et approches Les théories organisationnelles qui mobilisent le concept de performance sont nombreuses et peuvent concerner toute fonction de l entreprise. Il s agit donc de définir précisément la notion dans une configuration stratégique de pilotage de l activité dans sa globalité, afin de mettre en évidence les enjeux présentés par les différentes approches en vigueur, et notamment leur robustesse face aux facteurs de contingence de l environnement. 13

Paragraphe 1 : Définitions A. Performance Comme l explique Annick Bourguignon, la performance est un terme à caractère polysémique, sur la définition duquel les chercheurs s opposent souvent 9. En effet, les interactions de la «performance» avec d autres concepts, tels que l efficience, la productivité, l efficacité donnent lieu à débats pour établir les relations d inclusion ou d exclusion entre ceux-ci 10. Afin de ne pas faire du dilemme lexical un facteur d inertie, nous dirons, avec Annick Bourguignon, que «d une façon générale, la performance désigne la réalisation des objectifs organisationnels au sens strict (résultat, aboutissement) ou au sens large du processus qui mène au résultat (action)». Elle s articule autour des notions de succès, de résultat (d une action), le plus souvent positif, rejoignant la notion de succès, et de l action elle-même, comme processus. B. Systèmes de mesure et indicateurs Un système de mesure de la performance peut être considéré comme un portefeuille de mesures permettant de délivrer une évaluation équilibrée de la performance de l organisation, c est-à-dire pondérée de tous les éléments le constituant. Plus précisément, il s agit d un système qui «permet de prendre des décisions et de mener des actions avisées à la lumière de l efficience et l efficacité des actions passées, grâce à l acquisition, la vérification, le tri, l analyse, l interprétation, et la diffusion des données appropriées» 11. Il s agit donc d un outil d aide à la décision pour les gestionnaires. L efficacité du système repose sur l optimisation des étapes énoncées ci-dessus, et son infrastructure le système d information mais avant tout sur la pertinence des mesures effectuées. Traditionnellement, les indicateurs développés doivent être en mesure de quantifier les effets d une décision et de l action corrélée : ce sont des variables construites pour caractériser la réalisation d un processus, qui permettent d établir des objectifs précis et d en vérifier l atteinte. A ce titre, les systèmes de mesure de la performance sont liés à l élaboration de la stratégie de l organisation 12. La littérature propose divers modèles pour aider les gestionnaires à mettre en place les indicateurs appropriés et réalisables, comme le célèbre Balanced Scorecard de Kaplan and Norton. 9 A. Bourguignon, «Sous les pavés la plage ou les multiples fonctions du vocabulaire comptable», [1997], Comptabilité Contrôle Audit, Tome 3, Vol. 1, pp.89-101. 10 Voir l opposition entre Garibian et Richard sur la productivité, dans A. Bourguignon, «Sous les pavés la plage ou les multiples fonctions du vocabulaire comptable», [1997], Comptabilité Contrôle Audit, Tome 3, Vol. 1, pp.89-101. 11 A. D. Neely, «Performance Measurement : Why, What and How», [1998] London : Economist Books, pp.5-6. 12 A. D. Neely, H. Richards, J. Mills, K. Platts and M. Bourne, «Designing performance measures: a structured approach», [1997], International Journal Of Operations And Production Management, n 11, Vol. 17, pp.1131-1152. 14

Paragraphe 2 : Approches A. Approche traditionnelle financière L approche financière de la performance consiste à se poser la question suivante : «Comment se positionne l organisation face à ses actionnaires?» en y répondant par un objectif de maximisation du profit généré et de retour sur investissement. Le système de mesure associé à cette approche est la comptabilité classique, modélisation qui consiste à «produire une représentation chiffrée d une entité économique» 13, et l indicateur privilégié, le résultat net comptable. Il s agit d un modèle normé et composé de conventions partagées à l échelle mondiale, qui permet ainsi d opérer une comparaison se voulant objective entre toutes les organisations. Asseyant officiellement l actionnaire, propriétaire de la firme, comme destinataire privilégié de l activité de l organisation, ce modèle permet également de décliner l objectif stratégique de maximisation du profit en objectifs plus opérationnels, appréhensibles, et maîtrisables à une échelle managériale. Associés à ces objectifs, les indicateurs transposés dans une dimension opérationnelle, constituent le «système de pilotage» 14. Celui-ci doit refléter la stratégie choisie par l entreprise pour parvenir à son objectif de retour sur investissement, par exemple le pilotage par la marge dans un cadre industriel de différentiation par les coûts. Quels que soient les indicateurs suivis, le modèle comptable vise toujours à mesurer le résultat net. En ce sens, et par sa traduction en termes opérationnels, l approche financière présente une robustesse, qui lui assure une grande popularité aujourd hui encore au sein des organisations. Cependant, dès les années 1980, des chercheurs ont dénoncé l insuffisance d une approche exclusivement financière de la performance. Les principales critiques adressées concernent sa dimension court-termiste de maximisation d un profit matérialisé par les dividendes versés. Dès les années 1990, l incohérence de cette approche est mise en évidence par les besoins en investissements imposés par un monde qui se globalise et en pleine mutation technologique. Par ailleurs la suspicion porte souvent sur l évaluation de la performance financière dans la mesure où les chiffres sont assez facilement manipulables en fonction des objectifs fixés. Dans son intervention à la XVI ème Conférence Internationale de Management Stratégique, en juin 2007 à Montréal, Marc Amblard va jusqu à remettre en cause l ensemble du modèle comptable, défendant le point de vue que le résultat net comptable n est autre qu une construction sociale. Son raisonnement s appuie sur l idée que la construction normée de ce modèle comptable est le fait de conventions sociales, ou d accords collectifs, confortés par les réglementations établies en renfort, permettant aux utilisateurs de ne pas réaliser leurs propres choix. La qualité d objectivité présentée 13 M. Amblard, «Performance financière: Vers une relecture critique du résultat comptable», XVI ème Conférence Internationale de Management stratégique, Montréal, 6-9 juin 2007. 14 C. Mendoza, M.-H. Delmond, H. Löning, M. Besson, C. Bonnier, O. Brue, «Quels indicateurs pour piloter?», [2011], Tableaux de bord Donnez du sens à vos indicateurs, Editions Groupe Revue fiduciaire. 15

précédemment est issue de ce mécanisme. Pour Marc Amblard, les conventions établies ne sont pas neutres mais au contraire, «privilégient un point de vue particulier, celui du détenteur des droits de propriété de la firme» 15. On perçoit dès lors dans quelle mesure l approche financière est faussée, non seulement insuffisante pour appréhender l ensemble des enjeux auxquels fait face l organisation, mais en plus conçue dans la seule perspective de s adresser avant tout à l actionnaire. Enfin en évoquant la perception que l approche financière de la performance est davantage une évaluation des conséquences opérées par les décisions passées plutôt la réelle mise en place d un système de pilotage orienté vers l avenir 16. B. Approche globale non financière L approche non financière, en fait une approche mixte, doit pallier les insuffisances de l approche exclusivement financière. Notamment, grâce à des systèmes intégrant des indicateurs autres qu intermédiaires à un calcul du retour sur investissement, elle doit permettre de déployer la stratégie de l organisation à moyen terme. Le système de mesure de la performance emblématique de cette approche est le Balanced Scorecard de Kaplan et Norton, qui modélise la performance selon quatre axes, dont la performance financière mais à laquelle s ajoutent la satisfaction des clients, la maîtrise des processus internes, et le degré de mobilisation des salariés. Avec cette approche, les gestionnaires seraient plus aptes à comprendre les relations qui existent entre divers objectifs stratégiques et ainsi à allouer de manière optimale les ressources nécessaires selon les priorités 17. Contrairement à la vision rétrospective de l approche financière, l approche globale semble beaucoup plus dynamique, et grâce à des indicateurs observables en temps réel, ou presque, les gestionnaires sont en mesure d évaluer les impacts des décisions prises et de mettre en place des actions à visée corrective, sans attendre la clôture périodique. Paragraphe 3 : Impact de l environnement sur la performance La performance d une organisation se définit et s évalue relativement à l existence de ressources et à la pratique d une activité en interaction avec l environnement. Prendre en compte l impact de l environnement dans l approche de la performance a un sens dans une approche néo-institutionnelle, selon laquelle les règles du jeu auxquelles sont soumises les organisations leur sont exogènes. Par ailleurs, l influence des parties prenantes sur l organisation a 15 ibidem 16 R. G. Eccles, «The Performance Measurement Manifesto», [1991], Havard Business Review, Jan-Feb, pp.131-137. 17 A. A. Said, H. R. HassabElanby, B. Wier, «An Empirical Investigation of the Performance Consequences of Nonfinancial Measures», [2003], Journal of Management Accounting Research, Vol. 15, pp.193-223. 16

une implication en matière de performance, et nous étudierons en particulier la relation entre les propriétaires et les gestionnaires de celle-ci. A. Des règles du jeu imposées La manière dont les organisations interagissent entre elles, et avec tout autre acteur Etat, investisseur, client est soumise à une minutieuse observation. En s inspirant de la théorie néoinstitutionnelle, on regroupera derrière le terme d «institutions» l ensemble des dispositifs qui régulent, contrôlent et surveillent les manœuvres des organisations, «un ensemble de règles durables, stables, abstraites et impersonnelles, cristallisées dans des lois, des traditions ou des coutumes, et encastrées dans des dispositifs qui implantent et mettent en œuvre, par le consentement et/ou la contrainte, des modes d organisation des transactions» 18. Les implications de cette théorie sur la conception de la performance sont doubles : dans un environnement normalisé, les organisations sont non seulement tenues de s insérer dans le cadre institutionnel établi 19, mais en plus sujettes à une pression quant à leur légitimité qui les conduit à un mimétisme à l égard des structures à succès 20. En somme, les standards et objectifs de performance d une organisation ne seraient que les répliques de ceux des organisations de son environnement, ou du moins devraient intégrer les éléments ayant fait leurs preuves chez les voisins. Dès lors, les enjeux de différentiation, s ils semblent d autant plus capitaux pour créer de la compétitivité, en sont également d autant moins authentiques qu ils ne recouvrent qu une signification toute relative, dans cette configuration d isomorphisme des organisations entre elles. Il est cependant à noter que l importance des effets institutionnels est à relativiser en regard du type d économie dans laquelle on se trouve (libérale ou protectionniste), du secteur d activité (peu innovant ou à fort potentiel de créativité) et de la structure du marché (concentré ou éclaté). B. Impact des parties prenantes Freeman, en 1984, définit les parties prenantes comme les «groupes ou individus pouvant affecter ou être affectées par la réalisation des objectifs de l organisation», ou selon la définition que nous avons en avons établie, par la performance de l organisation. L apport de la théorie des parties prenantes, de Freeman, est l identification des menaces et opportunités présentées par ces parties prenantes dans l environnement de l organisation. Or ces menaces et opportunités dépendent précisément des critères que retiennent les parties prenantes pour évaluer la performance de l organisation, et donc du degré auquel celle-ci «performe». 18 C. Ménard, «L approche néo-institutionnelle : des concepts, une méthode, des résultats», [2003], Cahier d économie politique, n 44, pp.103-118. 19 P. Selznick, «Institutionalism "Old" and "New"», [1996], Administrative Science Quarterly, n 2, Vol.41, pp.270-277. 20 P. J. DiMaggio, W. Powell, «The iron cage revisited" institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields», [1983], American Sociological Review, Vol.48, pp.147-60. 17

Très clairement, la performance ne se limite plus du tout à la simple confrontation d objectifs stratégiques développés en interne, au sein de l équipe dirigeante, avec leur niveau de réalisation. La théorie de Freeman repose, pour échapper à des conflits qui paralyseraient l organisation, sur l intégration, dans la mesure du possible, des différentes parties prenantes au processus de planification stratégique et à sa mise en œuvre. En termes d impacts sur la performance, cela positionne de fait les organisations dans une approche multidimensionnelle, qui donc, en plus d intégrer des mesures non financières, diversifie le périmètre des indicateurs choisis (économique, social, environnemental, réglementaire, éthique ). C. Relations entre propriétaires et gestionnaires Il est cependant de coutume que dans les organisations commerciales, la primauté soit donnée à un groupe de parties prenantes bien défini : les propriétaires de l entreprise, et ainsi que le système de mesure de la performance soit conçu pour transmettre une information leur étant principalement destinée. La théorie de l agence, développée par Hill et Jones en 1992, présente avec pertinence les problèmes que pose cette configuration largement répandue. Une relation d agence est une situation dans laquelle une ou plusieurs personnes (les principaux) engagent une ou plusieurs autres personnes (les agents) pour réaliser en leur nom des actions nécessitant de leur déléguer un degré d autorité de prise de décision 21. Il s agit de la relation qui existe entre l actionnaire et le gestionnaire. Appliquant la notion d intérêt personnel aux organisations, cette théorie met en garde contre les conflits qui peuvent survenir du décalage entre les objectifs et motivations des deux parties, et donc attire l attention sur le caractère critique que revêt la définition de la performance dans l organisation. Section 2 : Comment peut-on mesurer la performance? La performance est donc une notion complexe, dont la définition se caractérise non seulement par une diversité des approches organisationnelles, mais dont le paramétrage est fortement influencé par l environnement et les forces en présence. Intrinsèquement liée à l évaluation, qui en est la traduction opérationnelle, la complexité du concept de performance prend forme à travers la recherche de modèles d évaluation et systèmes de mesure. Paragraphe 1 : Pourquoi mesurer la performance? Avant toute chose, la question se pose sur les motivations qui amènent les gestionnaires à se positionner sur la notion de performance, et surtout à la mesurer, c est-à-dire à prendre la responsabilité de «noter» leurs méthodes de travail. 21 C. W. L Hill, T. M. Jones, «Stakeholder-Agency Theory», [1992], Journal of Management Studies, n 2, Vol.29, pp. 131-154. 18

On pourrait justifier cette attitude par la tendance contemporaine à la multiplication de l information, par le désir de toujours tout quantifier, ou encore par la nécessité de développer une dynamique de responsabilité sociétale au sein de l organisation. A. Mesurer pour améliorer La littérature reconnaît un lien de cause à effet quasiment direct entre le développement d un système de mesure de la performance et l amélioration de celle-ci pour l organisation. Cette relation n est cependant pas évidente à expliquer : comment l information créée se transforme-t-elle en une amélioration perceptible de l activité? L écosystème de l organisation se caractérise par la complexité des forces en présence, et le manque de clarté des relations qui les unissent. Outre les facteurs de contingence, pas toujours décelables, nous avons abordé les risques de conflit, les positions contradictoires, et nous pouvons ajouter l existence de forces invisibles, de l ordre de l inconscient collectif par exemple. L introduction de la performance doit permettre d identifier ces facteurs internes ou externes à l organisation qui influencent son activité, et les systèmes de mesure doivent permettre de mettre en lumière les zones critiques d opportunités et de menaces, d identifier les leviers d amélioration. La démarche de mesure de la performance, et la mise en place d une batterie d indicateurs, aussi pertinents soient-ils pour la phase d évaluation, ne représentent donc que la première étape d un processus plus large de pilotage de l activité. B. Mesurer pour apprendre et innover D autre part, on mesure la performance, pour apprendre, au sens de l apprentissage organisationnel du Balanced Scorecard : dans le but de développer une maîtrise des processus et de capitaliser un avantage compétitif durable. En effet, à notre sens, en apprenant à identifier les menaces et les opportunités par la mesure, les managers ont davantage de perspectives pour agir, et apprendre à réduire les premières pour exploiter les secondes. La mise en place de règles de bonnes pratiques fondées sur l expérience constitue une source d apprentissage riche pour l organisation, et le secteur. C. Mesurer pour communiquer Enfin, la performance est le sceau du contrat qui lie les parties prenantes de l organisation entre elles. C est essentiellement en des termes qui traduisent cette notion que celles-ci échangent entre elles, aussi la mesure de la performance a pour objectif de leur fournir des outils d aide à la décision pour renouveler, ou rompre, leur engagement auprès de la structure. 19

On perçoit donc la dimension politique 22 des systèmes élaborés, qui ont pour enjeu de préserver l intégrité de l organisation en assurant la permanence de l implication des parties prenantes, qui détiennent les sources de financement, les actionnaires et investisseurs, et pilotent les dispositifs de régulation, les pour les pouvoirs publics. Le dispositif d évaluation de la performance doit permettre d utiliser un langage commun aux parties prenantes à qui il s adresse pour simplifier les interactions entre celles-ci. Paragraphe 2 : Différents niveaux de mesure Il existe donc différentes entrées pour appréhender la notion de performance, chacune correspondant à des ambitions, des préoccupations et des principes différents. Mais lorsqu il s agit de recueillir l information qui va servir à former les mesures, à quel niveau doit-on se positionner? Considère-t-on l organisation comme une entité intègre et impossible à scinder? Ou au contraire, que la performance de l ensemble est la somme des performances individuelles? Du principe aristotélicien que le tout est supérieur à la somme des parties 23, on déduit que la performance de l entreprise n est pas le fruit brut de celle de ses individus. Il peut cependant être intéressant de mesurer la performance à une échelle individuelle, et à l échelle d un service, pour enrichir la mesure faite à l échelle de l organisation toute entière. A. Performance individuelle L introduction de la performance à l échelle des individus les managers permet en effet de prendre la mesure de l existence, et le cas échéant des impacts, d une configuration en agence, dans laquelle, on le rappelle, les intérêts des propriétaires de l organisation ne concordent pas avec les intérêts de ses gestionnaires. Le fait de fixer des objectifs quantifiables et évaluables, et d en suivre la réalisation, permet de déceler des dysfonctionnements, d en découvrir les causes et de mettre en place des actions correctives. Car le corollaire, positif, de cette approche est la possibilité d agir très rapidement et de manière ciblée. Lorsqu un dysfonctionnement opère à un niveau individuel, les effets mettent moins de temps à apparaître que s agissant d une erreur à un niveau stratégique qui ne deviendrait critique que sur la durée de plusieurs exercices. Surtout, la marge de manœuvre corrective est grande, dans la mesure où n impliquant les ressources à mobiliser qu à une échelle individuelle. La performance individuelle se mesurerait donc avec des indicateurs à court-terme un volume de production, un chiffre d affaire périodique et les dysfonctionnements éventuels relèvent majoritairement d une problématique de ressources humaines. 22 Relative à l exercice du pouvoir 23 Aristote, Métaphysique, 10f-1045a 20