Tumeurs de l'estomac «adénocarcinome gastrique» (150) Professeur J.R Delpero Juin 2005 Objectifs : Diagnostiquer une tumeur de l estomac 1. Introduction L'adénocarcinome gastrique se développe à partir de l'épithelium gastrique. Aujourd'hui, le diagnostic du cancer de l'estomac reste tardif, et le pronostic reste mauvais : les survies ont peu progressé ces dernières années dans les registres de population et le seul phénomène marquant a été la diminution de la mortalité opératoire chez les patients opérables qui ont eu une résection de leur tumeur. La résection, lorsqu'elle est possible, représente le seul traitement curatif et il n'y a pas de consensus concernant les traitements adjuvants mais par contre, des essais thérapeutiques sont en cours pour en valider les indications. 2. La fréquence du cancer de l'estomac A diminué au cours des dernières années et moins de 9000 nouveaux cas sont enregistrés par an en France où il occupe le cinquième rang des cancers. Le cancer gastrique est rare avant 50 ans, et le risque augmente avec l'age, plus rapidement chez l'homme ; d'ailleurs, le sex ratio homme / femme est estimé selon les études épidémiologiques à 2-3. 3. Bases anatomiques Elles sont utiles car la morphologie de l'estomac et ses rapports anatomiques permettent de comprendre la symptomatologie, l'extension du cancer dans la paroi gastrique, l'extension ganglionnaire et aux organes voisins. 3.1. L'estomac est un organe creux avec un orifice au pôle supérieur (œsophage / estomac : cardia), un orifice au pôle inférieur (estomac / duodénum : pylore) les formes orificielles ont une symptomatologie particulière ; cardia : dysphagie pylore : vomissements (cancers pré-pyloriques : sténose pylorique - stase gastrique ) le réservoir est vaste et les symptômes sont non spécifiques et tardivement reconnus la douleur "ulcéreuse" un cortège de signes fonctionnels regroupés sous le terme de dyspepsie, malheureusement souvent des signes généraux (anorexie, amaigrissement) et rien d'autre, avec de surcroît un examen clinique normal. douleur épigastrique et amaigrissement sont les symptômes les plus fréquents 3.2. L'estomac a une paroi composée d'une muqueuse (point de départ de la tumeur), d'une sous-muqueuse, la muqueuse ulcérée par la tumeur saigne : anémie (saignement occulte) DCEM 2 Module 10 1
par contre l'hémorragie digestive est rare (20%) d'une musculeuse épaisse (fonction gastrique+++), la perforation révélatrice est exceptionnelle (1%) la musculeuse est tapissée par le péritoine (séreuse) la diffusion péritonéale de la maladie explique que le diagnostic peut être posé devant les symptômes d'une "carcinose péritonéale" ( < 5% des cas, ascite, masse douglassienne au toucher rectal ). NB : par ailleurs, la connaissance des couches de la paroi gastrique est indispensable, car on distingue aujourd'hui les formes "superficielles" des formes invasives (voir plus loin : cancer superficiel de l'estomac). 3.3. L'estomac a un drainage lymphatique proximal (schématiquement le long des courbures), puis aux origines des troncs vasculaires nourriciers, puis dans les relais distaux vers le canal thoracique (voir classification TNM) : La découverte d'un ganglion sus-claviculaire gauche (Troisier) peut être le signe qui révèle la maladie comme d'ailleurs un foie polymétastatique. 3.4. L'estomac a des rapports anatomiques qui expliquent l'extension par contiguïté aux organes de voisinage dans les formes avancées (pancréas ) 4. Pourquoi faut-il distinguer les adénocarcinomes du cardia (jonction oeso-gastrique ; pôle supérieur de l'estomac ) des adénocarcinomes de l'estomac "distal" (l'antre est la localisations la plus fréquente : plus de la moitié de l'ensemble des cancers gastriques)? 4.1. L évolution du nombre Des "cas incidents" autrement dit la fréquence dans la population n'est pas la même : l'adénocarcinome du cardia a une incidence qui reste stable ou en légère augmentation alors que l'adénocarcinome de l'estomac distal a une incidence qui diminue nettement ; 4.2. les facteurs épidémiologiques Sont différents puisque, : l'adénocarcinome du cardia se développe indépendamment de l'infection par Helicobacter pylori et serait favorisé par le reflux gastro-cesophagien alors que l'adénocarcinome de l'estomac distal est lié a la gastrite atrophique induite par Helicobacter pylori (voir ci-après) ; les symptômes sont différents les principes du traitement chirurgical sont différents DCEM 2 Module 10 2
5. Facteurs épidémiologiques et étiologiques de l'adénocarcinome de l'estomac à l'exclusion du cardia Les facteurs favorisant du cancer gastrique sont : l'infection par Helicobacter pylori les aliments (consommation excessive de viande ou de poissons fumes, de sel) ; le reflux bilieux gastrique (notamment en cas d'antécédant de gastrectomie partielle avec anastomose gastrojéjunale, intervention fréquemment réalisée pour ulcère autrefois). Schéma de la carcinogénèse gastrique L'autre cause de gastrite chronique pouvant favoriser la survenue d'un cancer est la maladie de Biermer (atrophie fundique). Les adénomes gastriques et la maladie de Menetrier sont également des lésions précancereuses mais de très falble prévalence. DCEM 2 Module 10 3
6. Symptômes et diagnostic 6.1. clinique La symptomatologie du cancer de l'estomac n'est pas spécifique ; nous avons envisagé plus haut les symptômes à partir des données anatomiques de base et les symptômes particuliers des formes "orificielles" ; il faut retenir que la douleur épigastrique (rythmée ou non) et l'amaigrissement (dont l'importance est souvent corrélée au stade de la tumeur) sont les symptômes les plus fréquents, et que l'examen clinique est souvent normal ; il faut ajouter les syndromes paranéoplasiques ; la phlébite est le plus fréquent ("l'anémie fait le lit de la phlébite" ) ; chez près de 30% des malades le diagnostic est fait à l'occasion du bilan d'une maladie métastatique (foie tumoral, hépatosplénomégalie, ascite, Troisier ). 6.2. les aspects endoscopiques L'examen endoscopique est indispensable au diagnostic : il permet de biopsier la lésion ( au moins 10 biopsies ) ; L endoscopie décrit la tumeur ; il s'agit le plus souvent d une tumeur bourgeonnante, ulcérée, avec des bords surélevés ; il peut s'agir d'une tumeur bourgeonnante sans ulcération ou d'une simple infiltration de la paroi. elle situe la tumeur ; elle permet les biopsies qui donnent le diagnostic. NB : il n'est pas nécessaire de pratiquer d'autres examens que l'endoscopie pour le bilan gastrique de l'extension du cancer, même si l'echoendoscopie peut permettre d'individualiser les "couches de la paroi gastrique et de préciser l'infiltration. L'examen radiologique (TOGD) reste pratiqué, mais aujourd'hui il n'est pas utile au diagnostic. 6.3. Quels sont les examens nécessaires au bilan d'extension et d'opérabilite du cancergastrique? 6.3.1. Bilan d'extension L'extension Iymphatique est recherchée par l'examen clinique (ganglion de Troisier), l'échographie a la recherche d'adénopathies intra-abdominales ; l'échoendoscopie est utilisée dans certains centres spécialisés pour évaluer l'extension ganglionnaire (cet examen n'est pas indispensable) ; la tomodensitométrie peut montrer une extension ganglionnaire, mais elle est indiquée dans la recherche de l'extension métastatique viscérale. L'extension métastatique viscérale est recherchée par une radiographie pulmonaire de face et de profil, une échographie hépatique et éventuellement un examen tomodensitometrique thoracique et abdominal. Au terme du bilan d'extension la tumeur peut être classée selon la classification TNM. DCEM 2 Module 10 4
6.3.2. Bilan d'opérabilite l'âge ; les tares (cœur - poumon foie) ; le retentissement nutritionnel (importance de l'amaigrissement) 6.4. Ce qu'il faut savoir des principes du traitement de l'adénocarcinome gastrique et de son pronostic 6.4.1. Principes du traitement Le seul traitement a visée curative est l'exérèse chirurgicale ; L'exérèse est une gastrectomie ; selon la localisation du cancer, celle ci est partielle ( gastrectomie subtotale distale pour les cancers de l'antre gastrique ) ou totale ( cancers du corps gastrique et du tiers supérieur) ; Le curage ganglionnaire doit être systématique mais son étendue est discutée ( il ne semble pas y avoir de bénéfice démontré en terme de survie, à la réalisation d'un curage étendu). Le curage donne des informations essentielles sur le stade de la maladie et le pronostic. Aucune chimiotherapis adjuvante n'a fait la preuve de son efficacité. Des études sont en cours pour évaluer les traitements adjuvants. Lorsque le malade est opéré mais que les constatations opératoires montrent que l'exérèse curative n'est pas possible, la résection "palliative" peut être réaliser pour éviter les complications (obstruction, hemorragie) Chez les patients inopérables, il n'y a pas de consensus pour un protocole défini de chimiothérapie et l'amélioration obtenue sur la survie et sur la qualite de vie par rapport a un simple traitement symptomatique est modeste. 6.4.2. Pronostic L'adenocarcinome gastrique reste aujourd'hui de mauvais pronostic ; après exérèse chirurgicale curative, le pronostic dépend de l'extension ganglionnaire puisque la survie a 5 ans est de 60 a 80 % en l'absence d'envahissement ganglionnaire et n'est que de 20% en cas d'atteinte des premiers relais ganglionnaires (schématiquement ceux situés le long des courbures gastriques) ; ( NB, à titre indicatif : aujourd'hui on prend aussi en compte le pourcentage d'envahissement ganglionnaire c'est à dire le rapport du nombre de ganglions envahis sur le nombre de ganglions examinés sur la pièce d'exérèse : la survie est de l'ordre de 60% si moins de 20% des ganglions examinés sont envahis, contre 30% si le pourcentage est compris entre 25 et 50%). en cas de métastases, la survie a 5 ans est nulle. 6.5. Une forme particulière de cancer gastrique : l'adénocarcinome superficiel de l'estomac. Les caracteristiques sont les suivantes : il ne depasse pas la sous muqueuse ; souvent il existe des douleurs de type "ulcère" et l'hemorragie digestive révélatrice est fréquente ; DCEM 2 Module 10 5
pendant plusieurs années il peut se manifester sous une forme pseudo-ulcereuse, sensible au traitement antisecretoire ; l'endoscopie montre des lésions ulcérées superficielles plus ou moins étendues ; le traitement chirurgical offre une survie excellente, supérieure a 90 % à 5 ans. Lorsque l'examen histologique montre des cellules independantes en bague a chaton, elles n'ont pas la signification pejorative sur le plan pronostique que l'on connaît dans l'adénocarcinome gastrique "classique" et en particulier dans la linite gastrique (voir ci après).. 6.6. Une autre forme particulière de cancer gastrique : la linite gastrique sur le plan clinique, la linite plastique se révèle par des signes généraux : altération importante de l'état général avec amaigrissement ; la diarrhée peut être associée aux signes généraux ; Il s'agit d'un cancer qui envahit les differentes couches de la paroi gastrique sans les détruire ce qui rend le diagnostic endoscopique difficile car la muqueuse est souvent respectée, et les biopsies sont souvent négatives ; elles doivent être profondes et multiples. Dans cette forme particulière, le transit ceso-gastro-duodenal peut être utile en montrant un aspect figé de l'estomac, ainsi que l'echoendoscopie gastrique ; Il s'agit d'un cancer de très mauvais pronostic, même en cas de résection chirurgicale. DCEM 2 Module 10 6