Représentée par la SCP B. & P.-D. ASSOCIES, avocats au barreau de LYON



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COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET DU 22 Octobre 2015 APPELANTE : Mme Frédérique B. née le 08 Octobre 1979 à [...] Représentée par la SCP B. & P.-D. ASSOCIES, avocats au barreau de LYON INTIMEES : L'ASSURANCE MUTUELLE DES MOTARDS Représentée par la SCP A. - N., avocats au barreau de LYON Assistée de la SELARL P. Gilles, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE défaillante * * * * * * Date de clôture de l'instruction : 23 Septembre 2014 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2015 Date de mise à disposition : 22 Octobre 2015 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Claude VIEILLARD, président

- Olivier GOURSAUD, conseiller - Catherine CLERC, conseiller assistés pendant les débats de Martine SAUVAGE, greffier A l'audience, Claude VIEILLARD a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Claude VIEILLARD, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. * * * * FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES Mademoiselle Frédérique B. a été victime d'un accident de la circulation en tant que passager transporté sur une motocyclette, le 21 octobre 2000, alors qu'elle était étudiante au Centre de Formation Professionnelle pour danseur de Villeurbanne. Cet accident lui a causé un traumatisme facial avec perte de connaissance, une fracture comminutive déplacée du tiers inférieur du fémur droit, avec traitement par ostéosynthèse, et une fracture ouverte du tiers moyen du tibia droit, avec traitement chirurgical par enclouage centromédullaire. L'Assurance Mutuelle des Motards, assureur du responsable, a indemnisé Mademoiselle Frédérique B. de la manière suivante : - souffrances endurées : 4/7 4200 euro - préjudice esthétique : 2/7 1100 euro - gêne de la vie courante pendant 150 jours 1525 euro - préjudice scolaire redoublement de deux années 1830 euro

Considéré comme consolidé au 5 juillet 2002, l'état de santé de Mademoiselle Frédérique B. s'est aggravé après la reprise de ses activités physiques. Le docteur C., mandaté par la compagnie d'assurances, l'a réexaminée en 2009 et a constaté l'apparition d'un syndrome dépressif et une aggravation des séquelles orthopédiques. Mademoiselle Frédérique B. a refusé l'offre d'indemnisation qui lui était faite et a fait assigner l'assurance Mutuelle des Motards par acte d'huissier de justice du 26 mai 2011. Elle a fait assigner la caisse primaire d'assurance-maladie en déclaration de jugement commun le 13 juillet 2011. Par jugement du 22 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Saint-Étienne a : - écarté des débats les pièces n 32 et 32 bis de Mademoiselle B. - déclaré irrecevables les conclusions non signifiées avant la clôture des débats - évalué le préjudice corporel de Mademoiselle Frédérique B. tel qu'il résulte de l'aggravation de son état au 3 novembre 2009 à la somme de 21'600 euro - déduction faite des sommes déjà versées, condamné l'assurance Mutuelle des Motards à payer à Mademoiselle Frédérique B. la somme résiduelle de 11'600 euro, outre 500 euro au titre de ses frais de défense, dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire et condamné l'assurance Mutuelle des Motards aux dépens. Mademoiselle Frédérique B. a interjeté appel par déclaration remise au greffe le 13 décembre 2013. Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 19 juin 2014 Mademoiselle Frédérique B. demande à la cour de : - dire que l'aggravation de son état de santé consécutif à l'accident survenu le 29 octobre 2010 ouvre intégralement droit à l'indemnisation du préjudice en résultant - condamner l'assurance Mutuelle des Motards à indemniser le préjudice qu'elle a subi consécutivement à l'accident survenu le 29 octobre 2000 à hauteur de 20'000 euro et à l'aggravation de son état de santé à hauteur de 876'400 euro outre intérêts en application de l'article L 211-14 du code des assurances et 10'000 euro à titre de dommages-intérêts - condamner l'assurance Mutuelle des Motards à lui payer la somme de 5000 euro en application de l'article 700 du code de procédure

- condamner l'assurance Mutuelle des Motards aux entiers dépens distraits au profit de la SCP B. & P.-D. Associés, avocats sur son affirmation de droit. Elle fait valoir notamment : - qu'il ne peut être produit l'état des débours de la caisse pour les prestations servies suite à l'accident de 2012 qui n'a pas de rapport de causalité avec l'accident initial; qu'il est néanmoins versé aux débats une attestation de paiement des indemnités journalières - sur l'incidence professionnelle : * que les lésions orthopédiques puis l'état séquellaire l'ont empêchée d'embrasser la carrière de danseuse professionnelle à laquelle elle se destinait et qu'il convient de lui allouer la somme de 20 000 euro pour ce préjudice qui n'a pas été indemnisé initialement alors que le docteur Denis C. avait conclu dans son rapport du 24 décembre 2002 'ces séquelles sont de nature à rendre la future profession plus difficile à exercer et avec des performances moindres' * que consécutivement à l'aggravation le même médecin a constaté que les séquelles n'apparaissent pas compatibles avec la profession de danseuse et d'enseignante * que le centre de formation a attesté le 15 mars 2007 que les difficultés pathologiques et par conséquent techniques qu'elle rencontrait depuis l'accident représentaient un frein très important par rapport au projet qu'elle ambitionnait et qu'un avenir professionnel en compagnie de danse paraissait impossible * que sa demande d'indemnisation est cumulable avec celle formulée au titre du préjudice professionnel du métier d'enseignement puisque les danseuses sur scène poursuivent leur carrière professionnelle dans l'enseignement * que sa réussite en 1999 à l'examen d'aptitude technique pour l'entrée en formation du diplôme d'état de professeur de danse lui permettait de pouvoir être reconnue et rémunérée comme danseuse professionnelle, orientation que le fait dommageable a rendue impossible, de sorte que le préjudice d'incidence professionnelle est bien constitué - sur le préjudice professionnel : * qu'après une première impossibilité d'exercer la danse professionnelle, elle a réorienté son cursus vers l'enseignement de la danse et s'est inscrite en 3ème cycle pour obtenir le diplôme d'état de professeur de danse mais que si elle est parvenue à valider la formation théorique, elle n'a pu obtenir son UV de pédagogie qui impose une prestation scénique devant un jury de professionnels en raison des lésions et séquelles orthopédiques causées par l'accident

* que s'il peut être admis de recourir à la notion de perte de chance, en revanche la somme de 5000 euro proposée est dérisoire dès lors que, admise au centre de formation de Nice, elle avait toutes les chances d'obtenir son diplôme * que son préjudice peut dès lors être évalué à la somme de 840'000 euro sur la base d'une rémunération de 3500 euro par mois pendant 20 ans et subsidiairement à 75% de cette somme, soit 630'000 euro * qu'elle a même dû démissionner du poste d'animatrice de danse qu'elle occupait à un niveau de rémunération déjà très inférieur à celui de professeur de danse en raison de ses séquelles et de l'aggravation médicale constatée comme le note le docteur Jean-Louis B., chirurgien orthopédiste, qui a relevé 'Mademoiselle B. a donc arrêté sur injonction médicale son activité de professeur de danse en juin 2012". Par conclusions déposées par voie électronique le 8 septembre 2014, l'assurance Mutuelle des Motards conclut ainsi : - constater que Mademoiselle B. refuse de verser au débat les débours de la CPAM relatifs à son accident du travail du 15 octobre 2012 qui a conduit à son licenciement pour inaptitude - infirmer le jugement déféré - débouter Mademoiselle B. de sa demande indemnitaire au titre de l'incidence professionnelle et de sa demande indemnitaire au titre du préjudice professionnel - subsidiairement, dire qu'il s'agit d'un seul et même préjudice qui ne peut s'analyser qu'en une perte de chance et dire sa proposition amiable à hauteur de 5000 euro au titre de la perte de chance satisfactoire - lui donner acte qu'elle propose les indemnisations suivantes : * déficit fonctionnel temporaire partiel 3000 euro * souffrances endurées 1000 euro * déficit fonctionnel complémentaire 2% 3000 euro - dire et juger cette proposition d'indemnisation satisfactoire

- débouter Mademoiselle B. de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'article L 211-14 du code des assurances et de l'article 1382 du code civil - constater que Mademoiselle B. a d'ores et déjà perçu une somme de 1500 euro au titre de la provision ad litem - la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile - la condamner aux dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP A. N.. Elle fait valoir : - que Mademoiselle B. a subi un accident du travail le 15 octobre 2012 à la suite duquel elle a été licenciée et qu'elle refuse de communiquer le relevé de débours qui se rapporte à cet accident - qu'elle demande deux fois l'indemnisation du même préjudice alors que l'état séquellaire est indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent; que par ailleurs elle n'était pas encore entrée dans la vie professionnelle lors de l'accident, que ses aspirations n'existaient qu'à l'état de projet de carrière et que dans ces conditions il ne peut s'agir que d'une perte de chance - que l'appelante ne démontre pas qu'elle aurait pu devenir danseuse professionnelle et faire partie d'une compagnie ou d'une troupe; qu'elle n'établit pas davantage subir une quelconque dévalorisation sur le marché du travail puisqu'après sa démission de son poste d'animatrice de danse en juin 2012, elle a trouvé immédiatement un travail au sein de la société Biopartenaires, ayant malheureusement par la suite été victime d'un accident du travail le 15 octobre 2012; que sa demande au titre de l'incidence professionnelle doit donc être rejetée - que sa demande au titre du préjudice professionnel s'apparente à une demande au titre d'un préjudice de perte de gains professionnels futurs qui doit s'apprécier en considération des revenus perçus par la victime avant l'accident; que Mademoiselle B. a déjà été indemnisée pour la perte de deux années scolaires et qu'elle ne démontre pas que les échecs de 2006 et 2007 sont directement et certainement liés à l'accident dont elle a été victime; qu'elle a enseigné la danse depuis le 21 septembre 2004 et qu'il n'est pas établi que sa démission soit liée à son état séquellaire; que le préjudice allégué est aléatoire et éventuel et par conséquent non indemnisable; qu'enfin Mademoiselle B. ne déduit pas de la somme réclamée de 840'000 euro les sommes qu'elle touchera au titre de son activité salariale pendant la même période de 20 ans; qu'il ne peut s'agir que de l'indemnisation d'une perte de chance de l'obtention du diplôme d'enseignant pour laquelle elle a justement proposé une indemnisation forfaitaire de 5000 euro. Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

Mademoiselle Frédérique B. a fait signifier la déclaration d'appel à la caisse primaire d'assurance-maladie le 20 janvier 2014 et lui a fait signifier ses conclusions le 6 mars 2014. La Caisse Primaire d'assurance Maladie de la Loire n'a pas comparu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 septembre 2014 et l'affaire, plaidée le 15 septembre 2015, a été mise en délibéré à ce jour. MOTIFS DE LA DÉCISION - sur les demandes au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice professionnel Mademoiselle Frédérique B. sollicite en premier lieu l'allocation d'une somme de 20'000 euro au titre de l'incidence professionnelle pour n'avoir pu embrasser la carrière de danseuse professionnelle sur scène à laquelle elle se destinait, préjudice résultant de l'accident et qui n'a pas été initialement indemnisé. Elle demande en outre la condamnation de la compagnie d'assurances à lui payer la somme de 840'000 euro, ou subsidiairement celle de 630'000 euro, au titre du 'préjudice professionnel' résultant de l'aggravation de son état de santé et de l'impossibilité d'obtenir le diplôme d'état d'enseignant de danse. La perte de gains professionnels futurs résulte de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle. Mademoiselle Frédérique B. était étudiante au moment de l'accident et exerçait à temps partiel une activité d'animatrice de danse à raison de 11 heures 33 par mois. Elle a continué à exercer cet emploi après son accident et le 'préjudice professionnel' qu'elle invoque ne peut donc s'analyser en une perte de gains professionnels futurs. L'incidence professionnelle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible. Elle a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap. Plus généralement, l'incidence professionnelle doit également inclure toute perte de chance dans le cadre de la formation au titre de l'activité professionnelle : une perte de chances de promotion, une

perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire, universitaire ou professionnelle, ou encore certaines catégories d'emplois fermées en raison du handicap séquellaire. C'est par conséquent à juste titre que le tribunal a retenu que l'incidence professionnelle et le préjudice professionnel allégués par Mademoiselle B. correspondaient en réalité à la perte d'une chance de devenir danseuse professionnelle et/ou professeur de danse. Ces deux préjudices devront donc faire l'objet d'une indemnisation unique au titre de l'incidence professionnelle, qu'ils résultent de l'accident initial ou de l'aggravation. La perte de chance existe et présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable. Pour évaluer ce poste de ce préjudice, il convient de prendre en compte la catégorie d'emploi exercée, la nature et l'ampleur de l'incidence, les perspectives professionnelles et l'âge de la victime. Dans son rapport du 24 décembre 2002, le docteur Denis C. indique que Mademoiselle Frédérique B. est étudiante dans un centre de formation professionnelle pour danseurs à Villeurbanne, qu'elle prépare un diplôme d'état de professeur de danse, qu'elle a déjà validé deux années de formation théorique et qu'elle est en quatrième année de formation, qu'elle a échoué en juin 2001 et en juin 2002, qu'elle était également danseuse professionnelle pour une compagnie de Saint-Chamond et reste professeur de modern jazz dans plusieurs écoles de danse dans le cadre d'un petit mi-temps salarié, qu'elle se destinait et se destine encore à la danse professionnelle et à l'enseignement de la danse. Ces renseignements sont confirmés par les pièces produites et ne sont d'ailleurs pas contestées par la partie adverse. Les conclusions du rapport d'expertise sont les suivantes : Les lésions ont consisté en : - un traumatisme facial avec vraisemblable perte de connaissance, d'évolution favorable - une fracture comminutive déplacée du tiers inférieur du fémur droit, dont le traitement fut chirurgical par ostéosynthèse par clou centro-médullaire verrouillé - une fracture ouverte du tiers moyen du tibia droit, dont le traitement fut chirurgical par enclouage centro-médullaire Mademoiselle Frédérique B. fut hospitalisée du 29 octobre 2000 jusqu'au 13 novembre 2000 au CHRU Bellevue de Saint-Étienne, dans le service de chirurgie orthopédique ; ensuite elle a poursuivi sa convalescence en son domicile avec un appui interdit pendant 45 jours.

Le repos a été médicalement prolongé jusqu'au 9 mars 2001 inclus, avec une reprise des activités au 10 mars 2001. Le matériel d'ostéosynthèse a été enlevé, sous anesthésie générale, le 11 février 2002 avec hospitalisation au CHRU Bellevue de Saint-Étienne du 11 au 14 février 2002 et il y a eu un nouvel arrêt de travail du 11 février 2002 au 28 avril 2002; 160 séances de rééducation fonctionnelle ont été prescrites et effectuées prenant fin le 5 juillet 2002. Actuellement et à 26 mois de l'accident Mademoiselle Frédérique B. se plaint essentiellement d'une gêne douloureuse au genou droit avec instabilité. À l'examen la locomotion est normale. On retrouve des cicatrices imputables, une limitation de la hanche en ce qui concerne la flexion, l'abduction et la rotation externe. On note une limitation de la flexion du genou droit avec une laxité en recurvatum et un tiroir antéro-postérieur; au niveau de la cheville droite il n'y a pas de séquelles. Sur un plan médico-légal, l'état de santé apparaît désormais consolidable avec des séquelles imputables au niveau du membre inférieur droit. Ces séquelles sont de nature à rendre la future profession plus difficile à exercer et avec des performances moindres. On peut estimer que l'accident a également contribué au redoublement de deux années. Il ressort de ces conclusions non contestées que l'expert a reconnu l'existence d'une incidence professionnelle constituée par une difficulté plus grande à exercer la profession de danseuse. Or seul a été indemnisé par la transaction conclue le 10 mai 2003 le préjudice scolaire résultant du redoublement de deux années d'études. Dans son rapport du 3 novembre 2009, le docteur Denis C. note qu'en 2002-2003 Mademoiselle Frédérique B. a mis un terme à sa formation professionnelle, qu'elle a continué son petit mi-temps salarié dans la danse jusqu'en 2005, qu'en 2005-2006 elle a refait une quatrième année de formation mais a échoué, qu'elle a redoublé en 2006-2007 mais a à nouveau échoué, que pendant les années scolaires 2007-2008 et 2008-2009 elle a continué son mi-temps sans reprendre d'études, ces indications étant confirmées par les pièces produites aux débats. Les conclusions de ce rapport sont les suivantes : Il y a effectivement aggravation imputable depuis l'expertise du 29 décembre 2002; l'aggravation débute au 29 juillet 2008 et prend fin au 12 octobre 2009, date de la consolidation.

La gêne temporaire a été partielle du 29 juillet 2008 jusqu'à la consolidation. Le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique passe de 8% à 10%. Les souffrances endurées nouvelles sont estimées à 2/7 prenant en compte les douleurs physiques et morales. Le préjudice esthétique reste inchangé. On peut confirmer que les séquelles au niveau du membre inférieur droit ont perturbé les études et vraisemblablement sont essentiellement à l'origine de l'échec répété à la quatrième année de formation à l'enseignement. Les séquelles actuelles n'apparaissent pas compatibles avec la profession de danseuse et d'enseignante ; en l'absence de diplôme Mademoiselle Frédérique B. ne peut enseigner la danse. Il résulte de l'ensemble de ces conclusions expertales que l'accident et les séquelles qui en sont résultées ont placé Mademoiselle Frédérique B. dans l'impossibilité d'exercer une carrière de danseuse professionnelle ainsi que de poursuivre sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme d'état nécessaire à l'enseignement de la danse. Contrairement à ce que soutient l'intimée, ce préjudice est différent de celui indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent. L'association Scène Formations [...], centre habilité par le ministère de la culture et de la communication pour la formation au diplôme d'état de professeur de danse, atteste d'ailleurs le 15 mars 2007 que 'les difficultés pathologiques et par conséquent techniques que Mademoiselle Frédérique B. rencontre depuis (cet) accident représentent un frein très important par rapport au projet qu'elle ambitionnait. Un avenir professionnel en compagnie de danse paraît impossible et la réussite du D.E. sera beaucoup plus difficile malgré toute la motivation de Mademoiselle B.'. L'association atteste également le 17 décembre 2013 que Mademoiselle Frédérique B. a suivi la formation à la pédagogie du D.E. lors de la saison 2005/2006 et indique : 'nous avons constaté tout au long de la saison que cette formation s'est déroulée avec difficulté pour elle tant au niveau physique que moral. Au terme de la formation Mademoiselle B. a échoué à l'examen final (UV de pédagogie)'. Elle précise que le taux de réussite 'pédagogie jazz' en juin 2006 a été de 55%. L'existence d'une incidence professionnelle consistant en une perte de chance, certes plus réduite, d'embrasser pour quelques années la carrière de danseuse professionnelle que surtout d'exercer le métier de professeur de danse ne peut donc être contestée au vu des éléments produits. La compagnie d'assurances allègue qu'après sa démission de son poste d'animatrice de danse en juin 2012, Mademoiselle Frédérique B. a immédiatement trouvé du travail au sein de la société Biopartenaires où elle a malheureusement été victime d'un accident du travail le 15 octobre 2012.

Il convient toutefois d'observer que Mademoiselle B. était employée en qualité de coursière au sein du GIE Biopartenaires dès le mois de septembre 2010 pour un salaire mensuel moyen de 1009,48 euro (cumul imposable au 31 décembre 2011) en complément de son activité à temps partiel d'animatrice de danse. Cet emploi ne peut donc être considéré comme équivalent au métier de professeur de danse qu'elle avait des chances, au moins égales à 50%, de pouvoir exercer si elle n'avait pas été accidentée. Agée de 21 ans au moment de l'accident, Mademoiselle Frédérique B. se destinait exclusivement au métier de danseuse ou de professeur de danse et était engagée depuis plusieurs années dans des études qu'elle menait avec sérieux exclusivement à cette fin. Après son accident, elle a tenté de poursuivre sa formation mais les séquelles qu'elle conservait et leur aggravation l'ont contrainte à y mettre fin. Elle fait justement observer qu'elle n'a aucune expérience autre que la danse. S'il lui sera certainement possible d'exercer un emploi, hormis les suites de l'accident du travail survenu le 15 octobre 2012 et dont la cour n'a pas à tenir compte, il est également indubitable que cette activité, pour une personne sans diplôme et sans formation, sera moins rémunératrice que la profession de danseuse professionnelle et surtout de professeur de danse à laquelle elle se destinait, susceptible de lui procurer des revenus qui peuvent être estimés, au vu des pièces produites, à environ 3000 euro par mois. Compte tenu de l'ensemble des éléments dont dispose la cour, l'incidence professionnelle résultant pour Mademoiselle B. de la perte d'une chance d'embrasser une carrière de danseuse professionnelle et/ou d'exercer le métier de professeur de danse sera indemnisée par l'allocation d'une somme globale qui sera portée à 150'000 euro. - sur les autres demandes Au vu des conclusions de l'expert qui ne sont pas contestées, les autres préjudices subis par Mademoiselle Frédérique B. du fait de l'aggravation de son état seront indemnisés comme suit : 1. Déficit fonctionnel temporaire La durée de 15 mois n'est pas contestée. Le docteur C. n'a pas quantifié la gêne temporaire. La compagnie d'assurance propose un taux de 33% mais c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu un taux de 50%. L'indemnisation de ce chef sera en conséquence fixée comme suit : 15 mois x 30 jours x 23 euro x 50% = 5175 euro

2. Souffrances endurées L'expert a évalué les souffrances endurées résultant de l'aggravation à 2/7. Le tribunal a justement alloué de ce chef la somme de 2300 euro. 3. Déficit fonctionnel permanent L'expert a retenu que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique passait de 8% à 10% du fait de l'aggravation. La valeur du point d'incapacité devant être fixée compte tenu de l'âge à la date de consolidation et du taux de 10% à 1600 euro, il en résulte une indemnisation de : 1600 x 2 = 3200 euro. Il sera donc alloué à Mademoiselle Frédérique B. la somme totale de 160'675 euro, soit après déduction de la provision de 10'000 euro déjà versée, la somme de 150 675 euro. Mademoiselle Frédérique B. sollicite la condamnation de la société Assurance Mutuelle des Motards à lui payer la somme de 10'000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L 211-14 du code des assurances et 1382 du code civil. Il est manifeste que l'offre proposée par l'assureur était insuffisante au regard des sommes allouées par la cour en indemnisation principalement de l'incidence professionnel. Mademoiselle Frédérique B. n'établit toutefois pas le préjudice qui en est résulté pour elle. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Il convient en revanche d'allouer à l'appelante la somme complémentaire de 2000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a évalué le préjudice corporel de Mademoiselle Frédérique B. par suite de l'aggravation de son état à la somme de 21'600 euro. Statuant de nouveau de ce chef, Évalue ce préjudice à la somme totale de 160'675 euro.

Déduction faite de la provision de 10'000 euro déjà versée, condamne la société Assurance Mutuelle des Motards à payer à Mademoiselle Frédérique B. la somme de 150'675 euro, outre la somme complémentaire de 2000 euro en application de l'article 700 du code de procédure civile. Condamne la société Assurance Mutuelle des Motards aux entiers dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP B. & P.-D. Associés, avocats sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le greffier Le président