Dimensionnement de décanteurs continus à partir d essais Batch



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Dimensionnement de décanteurs continus à partir d essais Batch Ing. C. DELAUNOIS Ir Ph. DASCOTTE ISICHt Mons L article expose la problématique du dimensionnement des décanteurs continus à partir d essais de laboratoire menés en discontinu. La sélection des méthodes d exploitation des résultats de laboratoire demeure guidée par l intérêt pratique que les diverses méthodes proposées impliquent. Une comparaison est dressée vis-à-vis des méthodes, essentiellement empiriques, d usage auprès des praticiens. Mots-clefs : décanteurs, dimensionnement, clarification, épaississement, essais en discontinu. This paper is about scaling-up problems of continuous settlers from laboratory batch tests. The methods of treatment of laboratory results are selected in perspective of the practical advantages that they implie. A comparison is drawn with the methods, mostly empirical, used by the manufacturers. Keywords : settlers, scaling-up, clarification, thickening batch tests. Revue Scientifique des ISILF n 18, 2004.

62 1. Introduction Dans l industrie, les techniques de séparation solide-liquide sont d usage courant et leur étude est donc d importance primordiale. L épuration des eaux, qu il s agisse des eaux potables destinées à la consommation domestique, ou des eaux résiduaires issues des industries ou des centres habités, comporte presque toujours un stade de décantation, destiné à éliminer les particules solides en suspension dans le liquide. La sédimentation des solides en suspension est mise en œuvre, en général, pour répondre à un ou plusieurs des objectifs suivants : - produire un liquide clair, - concentrer les solides en une boue plus dense qu à l origine, - réaliser une classification des particules. De telles opérations sont réalisées industriellement en continu dans des décanteurs et épaississeurs. Les décanteurs-épaississeurs concentrent les solides présents en suspension, qui sont finalement soutirés en pied d appareil, par la sousverse. Les clarificateurs traitent en général des suspensions diluées. Leur objectif est de produire un liquide surnageant aussi clair que possible. Celui-ci sera récupéré dans le flux matériel évacué au sommet de l appareil, appelé surverse. La distinction d appellation concerne essentiellement la concentration en solides des suspensions traitées. La sélection d équipements de sédimentation adéquats dépend de deux facteurs : - la taille matérielle du courant à traiter (débit d alimentation F et concentration initiale en solides C 0 de celui-ci) - les caractéristiques de sédimentation de la matière à traiter (vitesses de sédimentation, répartition granulométrique des particules). 2. Les différents régimes de sédimentation Le phénomène de sédimentation donne lieu à trois régimes possibles, qui se distinguent essentiellement par le niveau de concentration en solides atteint.

63 Nous ne traiterons ici que du cas des particules isolées, en négligeant toute possibilité de coagulation-floculation de celles-ci. A haute dilution, le régime de sédimentation est dénommé clarification. En régime de clarification les particules sédimentent individuellement (chute libre) : lors d un essai en éprouvette, les plus lourdes prennent le pas sur les plus légères. Ce régime est caractérisé par l absence d interface clairement discernable entre la suspension et le liquide surnageant. Lorsque la dilution décroît et que les particules se rapprochent les unes des autres, le comportement de celles-ci subit de considérables modifications. Dans le régime dit de sédimentation de zone, les solides sédimentent comme une masse plus ou moins consolidée. Les particules s influencent les unes les autres dans leur mouvement (chute troublée). La ligne d interface entre la suspension et le liquide surnageant est désormais clairement discernable. A des concentrations en solides encore plus élevées, nous pénétrons dans un dernier domaine, caractéristique du régime dit de compression. Intuitivement, ce régime fut d abord défini comme le domaine de concentration où le poids des particules n est plus entièrement supporté par les forces hydrodynamiques. Chaque couche de solides fournirait alors un certain support mécanique aux couches supérieures. 3. Le dimensionnement des décanteurs continus 3.1 Les clarificateurs En clarification, le dimensionnement d un décanteur répond à quelques principes simples qu il est aisé d exposer à partir d un exemple. Clarifier une suspension diluée consiste en effet simplement à s assurer que la matière séjourne un temps suffisant dans le décanteur afin de garantir la sédimentation de toutes les particules, y compris les plus fines. Considérons un décanteur de forme rectangulaire (fig. 1). La séparation entre solides et liquide est effective lorsque les particules, pénétrant en haut du bac de décantation, sont arrivées au fond du bac à la sortie de ce dernier dans un laps de temps qui, au maximum, est égal à celui qu a mis le liquide

64 pour traverser le bac. Garantir la clarification complète du liquide consistera à prendre en considération la vitesse de sédimentation v s des particules les plus lentes, c est-à-dire les plus fines. Figure 1 : Schéma de principe d un clarificateur Le temps mis par la particule pour sédimenter sur la hauteur H du bac vaut : t= H tandis que le temps de séjour du liquide dans le bac sera donné par le quotient du volume du décanteur par le débit F : t= HLD F Egalant les deux valeurs de t, on obtient S = LD= v F s En effet, le produit LD représente la surface S offerte à la décantation. Nous constatons que la hauteur du décanteur n intervient pas dans l équation de fonctionnement de l appareil. 3.2 Les décanteurs-épaississeurs en sédimentation de zone L ensemble du raisonnement permettant de dimensionner un décanteurépaississeur s inspire de la très classique théorie du flux. Nous considérerons qu un décanteur continu (fig. 2) est alimenté par un débit volumique F à concentration C o en solides. Les débits volumiques soutirés sont respectivement : - le débit volumique W des boues de sousverse à concentration C f - le débit volumique B de liquide clair, à concentration nulle. vs

65 Figure 2 : Schéma d un décanteur-épaississeur continu En régime établi, le bilan matériel du décanteur s écrit : FC o = WC f Au niveau de concentration intermédiaire C i (à laquelle correspond une vitesse de sédimentation v i ), le flux descendant de solides G présente deux composantes : WCi - un flux dû au débit de sousverse, égal à S - un flux dû à la sédimentation proprement dite, égal à v ici i G = WC + vici S Au niveau de la sousverse : WC f G= S i Eliminant W entre ces deux équations, nous obtenons : G= v 1 1 Ci C f Si la vitesse v i de sédimentation est fonction uniquement de la concentration C i, elle prendra alors la même valeur dans un essai discontinu de laboratoire en éprouvette (essai batch) que dans une opération en continu. Dès lors, les vitesses de sédimentation peuvent être déterminées par diverses concentrations. Pour une valeur de C f fixée, nous calculons alors les valeurs du flux G aux diverses concentrations envisagées. La courbe du flux (G en fonction de C) passe par un minimum pour une certaine concentration critique C c. Le flux maximal en solides qui peut traverser le décanteur vers la sousverse vaudra G c, flux critique correspondant précisément à cette concentration. Si l alimentation en solides (flux égal à FC 0 /S) est supérieure à ce flux critique, une zone critique de concentration C c se forme dans le décanteur : les solides ne peuvent traverser cette zone critique à une vitesse aussi élevée

66 que celle à laquelle ils sont alimentés. Ils s additionnent donc à la zone critique, jusqu à ce que celle-ci finisse par déborder par la surverse. Pour se prémunir contre ce débordement des solides, il est indispensable de munir le décanteur d une surface suffisante, de façon à ce qu en tout point du décanteur, le flux alimenté n excède pas le flux critique G c : FC0 i v S 1 1 Ci C f Il convient donc de rechercher le minimum de l expression de droite, minimum qui correspond au flux critique G c ; celui-ci constitue une limite supérieure de la charge en solides supportable par le décanteur. 4. Exploitation de l essai batch en sédimentation de zone L analyse qui précède décrit la sédimentation dans un décanteur continu. Depuis près d un siècle, les chercheurs se sont efforcés d établir les relations entre régime continu et régime discontinu (batch), de façon à pouvoir baser le calcul sur des essais simples d interprétation aisée. La figure 3 présente l ensemble des phénomènes observés lors d un essai typique de laboratoire. Au départ d une suspension de concentration uniforme en particules, notée B, il apparaît au sommet de l éprouvette une couche de liquide clair A séparée de la suspension par une interface. Simultanément se forme au fond de l éprouvette un dépôt de sédiment D. En général, entre les zones B et D, apparaît une zone C à gradient de concentration. La surface de séparation des zones C et D demeure toutefois le plus souvent indiscernable. C est la courbe décrivant l évolution au cours du temps de la position de l interface A/B qui doit permettre de déterminer la relation entre vitesse de sédimentation et concentration en solides.

67 Figure 3 : Essai typique de décantation discontinue COE et CLEVENGER [1], fondateurs en 1916 de la recherche dans ce domaine, se contentaient d exploiter la partie linéaire initiale de la courbe : cette section correspond à une pulpe sédimentant à la concentration initiale. La courbe v=f(c) est alors obtenue en préparant une série de pulpes de concentrations initiales différentes et observant la vitesse de chute de l interface pendant les premiers instants de l essai. Cette méthode fut employée pendant près d un demi-siècle pour dimensionner les décanteurs. Son inconvénient majeur réside dans la multiplicité d essais de laboratoire à mettre en œuvre. En 1952, G.J. KYNCH [2] mit au point une méthode originale qui n exige plus la réalisation que d un seul essai batch. La courbe expérimentale recèle deux points d inflexion. Délaissant désormais la partie linéaire de la courbe, KYNCH porte tout son intérêt sur la partie de la courbe comprise entre ces deux points (fig. 4). Les conclusions de sa théorie sont sidérantes de simplicité. Traçons des tangentes à la courbe. La pente de celles-ci représente la vitesse de sédimentation, tandis que leur intersection avec l axe des ordonnées permet de déduire la concentration locale en solides. Cette méthode constitue une avancée considérable dans l approche du dimensionnement des décanteurs, même si elle continuait à prendre appui sur la théorie du flux, reconnue par ailleurs insuffisante pour expliquer le profil de concentration en solide aux différents niveaux d un décanteur continu.

68 Figure 4 : Illustration de la méthode de KYNCH i i vi = X t H C 0 Ci i X H 0 = i Dans le raisonnement de KYNCH, le flux critique correspond au point de compression, qui n est autre que le deuxième point d inflexion de la courbe. Des théories plus récentes (FITCH [5], TILLER [4], FONT [6]) ont permis de compléter peu à peu la théorie de KYNCH. Ces brillants travaux théoriques n offrent toutefois plus la simplicité expérimentale propre au modèle de KYNCH. La nécessité d acquérir la connaissance de la courbe de sédiment les rend impraticables pour la plupart des pulpes industrielles. 5. L approche des praticiens Animés d un grand sens du pragmatisme, les fabricants de décanteurs ont préféré une méthode plus rapide. C est ainsi que la méthode d OLTMANN [7] [8], bien qu essentiellement empirique, s avère aujourd hui la plus populaire auprès des constructeurs. OLTMANN, ingénieur d essai chez DORR-OLIVER, découvrit en effet une méthode qui ne nécessite qu un seul essai. Un traitement mathématique approprié permet de déterminer la position du point de compression. Il s agit de trouver alors le temps de soutirage t u par une construction graphique plus simple encore que celle de KYNCH (fig. 5). Ayant imposé la concentration C f des boues de sousverse, il suffit en effet de tracer la ligne de soutirage, horizontale d ordonnée H u, telle que C 0 H 0 = C f H u. Ensuite, construisons la droite d OLTMANN en joignant le point de compression et le point initial de la partie linéaire de la courbe. L abscisse du point d intersection de la ligne de soutirage et de la droite d OLTMANN

69 est le temps t u recherché. L aire unitaire U.A. (surface du décanteur rapportée à la charge en solides, égale à S/FC 0, et exprimée en m 2 /tonne/24h) vaut tout simplement : U. A. = u C t 0H 0 Figure 5 : Méthode d OLTMANN : détermination du temps de soutirage Si les régimes de clarification et de sédimentation de zone sont tous deux présents dans le décanteur industriel, les surfaces de décantation relatives aux deux domaines sont additionnées purement et simplement. 6. Comparaison expérimentale des méthodes de dimensionnement Sur base des données collectées lors d essais batch, il est possible de comparer trois méthodes de dimensionnement : - la méthode classique de COE et CLEVENGER ; - la méthode de TALMAGE et FITCH, basée sur la théorie de KYNCH ; - la méthode empirique d OLTMANN. Nous présentons ci-après à titre d exemple les résultats des calculs de dimensionnement obtenus à partir d une pulpe de carbonate de calcium.

70 Pour une concentration initiale en solides de 30 g/l, la détermination de l aire unitaire est envisagée pour diverses concentrations des boues de sousverse. COE-CLEVENGER TALMAGE-FITCH OLTMAN N U.A. U.A. U.A. C f = 125 g/l C f = 150 g/l C f = 200 g/l C f = 250 g/l 1.39 1.75 2.20 2.52 3.56 4.49 6.04 7.11 3.56 4.49 4.70 4.83 Tableau 1 : Résultats de dimensionnement : cas du CaCO 3 (C 0 = 30g/l) Les aires unitaires sont exprimées en m 2 /tonne/24h Ces résultats établissent clairement que la méthode de COE et CLEVENGER sous-dimensionne le décanteur. Pour des concentrations de sousverse relativement modérées, la méthode de TALMAGE et FITCH et la méthode d OLTMANN fournissent exactement les mêmes résultats. Toutefois, pour des concentrations de sousverse plus élevées, un écart se manifeste entre les deux méthodes. Cet écart s explique par la tendance au surdimensionnement attribuable, aux concentrations de sousverse élevées, à la méthode de TALMAGE et FITCH [6]. Cette conclusion peut faire l objet d un recoupement expérimental sur un décanteur pilote (continu) de laboratoire. L interprétation est alors menée en sens inverse de la démarche précédente : connaissant la surface du décanteur, il est possible de fixer diverses charges d alimentation en solides, ainsi que le débit de sousverse, et d alors mettre en évidence la concentration finale des boues. Il s agit ensuite, à partir de cette concentration, de calculer par les diverses méthodes la surface de décantation nécessaire et de la comparer avec la surface effective du décanteur pilote. Bien que couramment enseignées dans tous les cours de séparation solideliquide, la théorie du flux ainsi que la méthode de KYNCH constituent donc des approches insuffisantes du fonctionnement d un décanteur-épaississeur en sédimentation de zone. Ne reposant pourtant sur aucun fondement théorique rigoureux, la méthode d OLTMANN sera retenue non seulement pour des raisons de fiabilité, mais aussi de facilité de mise en œuvre (rapidité). Le fait qu aucun praticien

71 n aura plus recours à une méthode inspirée de la théorie de KYNCH, qui exige le tracé fastidieux et subjectif de tangentes, se justifie donc pleinement. 7. Conclusion Bien que dépourvue de sens physique immédiat, la méthode d OLTMANN est aujourd hui la plus fiable pour dimensionner un décanteur. Il serait abusif de conclure ici que tous les problèmes relatifs à la décantation industrielle sont résolus. Notamment le domaine de compression demeure très mal connu : en dépit d un demi-siècle de modélisations diverses, l empirisme règne encore en maître dans la prise en compte de l existence d une zone de compression dans le décanteur industriel. Il paraît peu probable que cette épineuse question soit résolue à l aide des seuls essais batch. L expérimentation en décanteur pilote continu, couplée à une expertise reliée à des cas concrets, semble la seule voie d approche de cette problématique complexe. 8. Références bibliographiques [1] COE H.S., CLEVENGER G.H., Trans. of Am. Inst. of Mining and Metallurgy Engineers. 1916, Vol 55, pp 356-384. [2] KYNCH G.J., Trans. Faraday Society. 1952, Vol 48, pp 166-176. [3] FITCH B., AIChE Journal. 1979, Vol 25, n 6, pp 913-930. [4] TILLER F.M., AIChE Journal. 1983, Vol 29, n 5, pp 823-829. [5] FITCH B., AIChE Journal. 1983, Vol 29, n 6, pp 940-947. [6] FONT R., AIChE Journal. 1988, Vol 34, n 2, pp 229-238. [7] RUSHTON A., WARD S., HOLDICH R.G., Solid-liquid filtration and separation technology, Editions Verlag Chemie, 1998. [8] FIRME SVEDALA, SETL Clarifiers and thickeners product sizing.