auteur : LE TESTAMENT IDÉOLOGUE Poésies Editions Sol'Air - 1998 - Copyright - Florent PLOQUIN Août 2000 Editions PIERANN N Editeur 2-912297 ISBN: 2-912297-42-7
FLORENT PLOQUIN 12 INTERROGATIONS SUR LA CONDITION D'EXISTER
- Il y a des champignons, chez moi. - Seulement maintenant? Chez nous on les a ramassés il y a un mois». Ce serait, là encore, tout à fait crédible. Mais qu'en est-il au juste? Car dans ces huit éventualités, il y a des contradictions. Voyons, suis-je vraiment riche comme Crésus pour musarder tranquillement dans mes propriétés, à la recherche de champignons? Ou suis-je au contraire pauvre comme Job pour en avoir plein sur le corps, de la tête aux pieds? Et on terminera cet inventaire par une ultime solution, presque superflue déjà en regard de ce qui vient d'être dit. On suppose alors que le narrateur se montre énigmatique vis-à-vis de ses invités, lors d'un repas entre amis : - «Il y a des champignons, chez moi. Devinez où! (dit sur le perron).» Et les invités d'essayer de scruter les moindres recoins de la maison, alors qu'en réalité les champignons se trouvent dissimulés sur une nature morte, dans le salon. Voilà, je pense, le tour de la question effectué. Je reprends donc : - «Il y a des champignons, chez moi. - D'accord, me direz-vous, mais de quelle sorte? - Écoutez, cela suffit! Il y a des champignons chez moi, et quel que soit le sens dans lequel on prend cette affirmation!»
ABSENCE DE NOSTALGIE ET NOSTALGIE DE L'ABSENCE Lorsque j'avais seize ans, j'étais un jeune ouvrier d'usine. Et c'était une cidrerie. Je dis cela sans émoi aucun, et je ne m'apitoie pas sur mon sort d'alors. Un jour de juillet, alors que je prenais mon casse-croûte près des silos à pomme, vides en cette saison, un mécanicien m'interpelle : - «Dis-moi, tu n'as pas vu le père Carel? - Non, qui est-ce? - C'est un tout petit bonhomme qui s'occupe de l'étiquetage. On devait se voir à 13 heures pour sa machine. - Il était peut-être si petit que je ne l'ai pas vu!» Nous partîmes tous les deux d'un grand éclat de rire. Le mécanicien reprit : - «Non, mais en vrai, tu ne l'as pas vu? - Non. Comment tu vas faire pour ta machine? - Oh, je vais bien me débrouiller.» Et notre conversation s'arrêta là. Aujourd'hui, avec le recul du temps, j'en viens presque à regretter de n'avoir pas vu le père Carel ce jour-là. Et ce nonobstant le fait que je ne pouvais rien faire de plus pour lui. Ah! Il aurait pu s'en passer des
choses en ce midi de juillet, si je ne l'avais ne serait-ce qu'entr'aperçu. Mais supposons maintenant que ce fût le cas. Première hypothèse, et dialogue en résultant : - Dis-moi, tu n'as pas vu le père Carel? - Si, il courait, un carton sous le bras, et en direction de la brasserie. - Ah bon? Tu en es sûr? - Oui.» Et le mécanicien de se diriger vers la brasserie, où soit dit en passant le père Carel n'avait rien à faire à cette époque de l'année. Deuxième hypothèse, nettement plus fantasque : - Dis-moi, tu n'as pas vu le père Carel? - Si. Il est passé à toute vitesse en marchant sur les mains, un carton en équilibre sur les pieds. -...!» Troisième solution, tout aussi improbable : - Dis-moi, tu n'as pas vu le père Carel? - Si. Il a regardé sa montre, il est monté à toute vitesse sur une grande cuve, et il s'est envolé!» Et le mécanicien de faire grise mine. Mais cela ne résout pas le problème pour autant, puisque en fin de compte je ne l'avais pas vu du tout. Tant et si bien que nous n'en sommes pas plus avancés qu'au début. Tout de même, qu'est-ce que pouvait bien fabriquer le père Carel ce midi-là? Il me fend le cœur ce jour de juillet.