THD : nouvelleslogiques socioéconomiques ou recompositions? Déjeuner de la Technologie IUT Saint-Denis -3 mars 2011 Philippe Bouquillion, CEMTI, Université Paris 8 Valéria Young, LabSIC, Université Paris 13 Thomas Perrot, CEMTI, Université Paris 8
Introduction : contexte et origine de la recherche Ce qui est généralement attendu du THD : des services innovants, de nouveaux usages ou, au moins, une amélioration des outils et des applications déjà disponibles. Domaines et services particulièrement concernés: Vidéos, jeux en ligne Cloud computing Services gourmands en bande passante de type : télémédecine, télésécurité, smartgrid Internet mobile Questions initiales : Bouleversement des logiques socio-économiques antérieures et des rapports de force entre acteurs industriels liés aux réseaux de télécommunications? Nouveauxacteurs,nouveaux«métiers»? Scénarios de rupture ou recompositions?
Objectifs et méthodologie de la recherche : Réaliser un benchmark internationaldu déploiement des réseaux THD et de leur impact sur la reconfiguration des industries de la culture et de la communication, Une étude préliminaire à partir de rapports officiels, d'études de cabinets d'expertise et de la presse spécialisée pour identification des principaux acteurs et des grandes tendances, Deuxième étape : mission de terrain avec des entretiens ciblés
Plan de la présentation Partie 1: Généralités sur le THD dans les divers pays étudiés Partie 2: Redistribution des cartes entre acteurs industriels en Corée et au Japon Partie 3: Les enjeux des politiques publiques et réglementaires en Corée et au Japon
1. Généralités sur le THD dans les divers pays étudiés La notion de THD est-elle pertinente? Comment la définit-on? Elle apparaît finalement peu dans la littérature grise et dans les études : on parle de «very high speed broadband» ou de «super-fast broadband», Peu de définitionsofficielles du THD, plutôt des implicites: en ce qui concerne l Internet fixe, le plan britannique place la barre du THD entre 40 et 50 Mbit/s, l ARCEP dans ses documents à 50 Mbit/s, En ce qui concerne le mobile, définition encore plus floue mais on a tendance à considérer le LTE (et donc le seuil de 100 Mbit/scomme du THD. Par contre, on parle beaucoup de «broadband» dont les définitions varient de manière significative : Commission européenne: au-delà de 144 Kbit/s, OCDE: au-delà de256 Kbit/s, UIT: au-delà de 1,5 à 2 Mbit/s, FCC: en 2010, au-delà de 4 Mbit/s. Au final, si l on accepte les définitions plus haut, très peu d usagers bénéficient du THD : Les technologies dernière génération, fixes et mobiles, ne sont pas généralisées(fibre optique) et la modernisation des réseaux plus anciens n est pas entièrement réalisée (VDSL, Docsis 3.0, LTE), Quand elles sont déployées, différence notable entre les débits annoncés et réels, variation dans le temps et dans l espace des débits en fonction de l architecture du réseau et du trafic, souvent accès premium aux débits les plus élevés, Conséquences pour la recherche : le THD n est pas encore une réalité. Nous travaillons donc plutôt sur le haut débit et sur son impact sur les transformations des logiques socioéconomiques. Le THD est un horizon(plus ou moins proche suivant les pays étudiés) et la majorité des applications fonctionnent aujourd hui correctement avec des connexions de 5 Mbit/s(ex : Netflix).
Contexte général et enjeux du déploiement des réseaux de nouvelle génération : Les déploiements doivent se réaliser dans un contexte très concurrentiel(conséquence des libéralisations) et dans des marchés saturéset où la concurrence repose soit sur les prixsoit alors elle peut reposer sur des stratégies de différenciationliée à la qualité de service (simplicité d utilisation, offres combinées, richesse et exclusivité des contenus et des services, exclusivité des équipements et les applications innovantes (TV HD), Pour les plus gros acteurs des télécommunications (souvent les opérateurs historiques), l enjeu est de conserver leurs positions ; les câblo-opérateursdoivent conjuguer leur métier de télédiffuseur à celui de fournisseur d accès Internet ; la régulation et le dégroupage jouent ici un rôle important pour les outsiders, La problématique pour ces acteurs, c est le financementde ces réseaux alors qu ils ne profitent pas forcément des investissements (acteurs du Web) : question de la capacité à levée des fonds et de la financiarisation en général, Les opérateurs ont à gérer l augmentation du trafic, particulièrement pour l Internet mobile. Une diversité de situation dans la concurrence intermodale : Internet fixe (en termes de foyers connectés): La fibre est dominante: Corée du Sud (fibre, câble, DSL) ; Japon (fibre, DSL, câble), Le câble est dominant: Etats-Unis (câble, DSL, fibre) Le DSL est dominant: Suède (DSL, fibre, câble) ; Pays-Bas, Finlande, France (DSL, câble, fibre)
Wireless: La 3Gest généralisée avec des technologies différentes tandis que le LTEet le WIMAX soit sont annoncés, soit sont en cours de déploiement mais avec de lourdes incertitudes. Des modalités de déploiementdes nouveaux réseaux haut débit : une typologie sommaire En fonction des histoires du déploiement des réseaux et de l engagement public dans ce domaine, on peut dégager trois scénarios pour le déploiement de la fibre optique. L enjeu est le financement dans des contextes libéralisés: Un déploiement de marché au niveau nationalavec prégnance de l opérateur historique : Corée du Sud(KT) et Japon(NTTDoCoMo). Le dégroupage n est pas pratiqué dans les faits s il existe. Un déploiement de marché oligopolistique voire monopolistique au niveau localavec une faible implication des collectivités territoriales: les Etats-Unis. Quelques partenariats publics-privés, peu ou pas de dégroupage. Histoire très régionalisée du déploiement des réseaux. Un déploiement de marché oligopolistique au niveau localavec une forte implication des collectivités territoriales: Pays-Bas et Suède. Montage de partenariats publicsprivés et forte implication des autorités de régulation pour la stimulation de la concurrence à travers le dégroupage. Histoire très régionalisée du déploiement des réseaux.
D une manière générale, très peu de subventionnements publics directsdes nouveaux réseaux (sauf pour les zones non rentables). Implication et efficacité différentielles des autorités publiques dans des politiques de plans (volontarisme), des subventionnements indirects(r&d en amont, aide aux filières en aval, programmes de stimulation des usages) et dans la mise en place d environnements législatifs incitatifs(régulation). Etat du déploiement des réseaux de nouvelle génération en Corée et au Japon Corée du Sud : 97 % des foyersseraient raccordés, 80% des foyers seraient éligibles à une offre 100 Mbit/s(mais débit moyen de 17 Mbit/s en 2010 par Akamai). Répartition par technologies : Selon l IDATE en 2009, 50% des foyers reliésbénéficieraient de la fibre, 32% du câble et 18% du DSL. Quoiqu il en soit, tendance lourde au déploiement de la fibre(-14% entre 2006 et 2008 sur le DSL selon l ARCEP). Il semble qu il faille relativiser le nombre d abonnés à la fibreet que le HFCse développe très fortement. Couverture 3Gpour tous les opérateurs. Le déploiement du LTEest annoncé pour la fin de l année 2011 par SK, le leader sur le marché mobile. Le WiBroest considéré comme une technologie de complément. D une manière générale, c est l idée de continuité de service qui prévaut entre réseaux fixes et réseaux mobiles (3-4G, WiBro, WiFi, DMB). Propriété des réseauxpar les opérateurs avec un dégroupage obligatoire mais très rare dans les faits. Les raisons structurantes d un fort déploiement des réseaux : volontarisme politiqueet liens étroits avec les industriels ; moindre coût d installationcar concentration urbaine, habitat groupé et déploiement de la fibre en aérien.
Japon : Sur une population d environ 127 millions d habitants, le Japon comptait environ 90 millions d utilisateurs d Internet fin 2008. Les réseaux THD fixes (FTTH) Une couverture en FTTH quasi intégrale à 90% Mais un taux d abonnement des ménages s élevant seulement à 30% Une difficulté des politiques publiques à faire accroître le taux d abonnement en FTTH, une stratégie qui mise surtout sur le développement des téléservicesqui sont peu développés voire apparaissent comme des nouveautés. Les réseaux THD mobiles (LTE) Un territoire très fortement couvert en réseaux 3G. 97% des japonais ont adopté la 3G et la majorité des téléphones sont équipés en TMP «one-seg». NTT Docomoa lancé le LTE depuis décembre 2010 dans trois grandes préfectures. Les trois autres opérateurs ont également obtenu une licence LTE et l ensemble des opérateurs se sont engagés vis-à-vis du gouvernement à couvrir 50% de la population en LTE d ici 2014. Une deuxième génération de TMP devrait voir le jour en 2012, lancée par NTT Docomo. Des problèmes de saturation de réseaux apparaissent. Les opérateurs adoptent des logiques de tarification contraignant les usages avec accès payants ou réservés aux heures de pointes ou paiement en fonction des données transportées.
Partie 2 : Redistribution des cartes entre acteurs industriels en Corée et au Japon La Corée du Sud : Rapprochements des secteursdes télécommunications, du Web et des producteurs de contenus selon de nouveaux rapports de concurrence, coopétition, de complémentarité ou d intégration et de parasitage, Facteurs prépondérants dans les mutations récentes en Corée : multiplication des plateformes et dégroupage : Autorisation de l IPTV «live»fin 2008 : les opérateurs de télécommunication sont devenus concurrents des câblo-opérateurs. Le passage au numérique terrestre en 2012 risque d aviver cette concurrence ; les chaînes de TV bénéficient largementde ce changement : ils possèdent les «killer content» et vont faire payer les câblo-opérateurs. Mise sur le marché l iphone: a mis en évidence l importance des réseaux d Internet mobile et a favorisé les stratégies d offre quadruple play. Les équipementiers et les opérateurs ont des plateformes concurrentes. A suivre l impact des tablettes et des smarttv. MVNOgrâce à une loi qui oblige KT et SK à partager leurs réseaux mobiles : les câblo-opérateurs sont candidats. De nouvelles offres commerciales de la part des industriels des réseaux : Services nombreuxet grilles tarifaires complexeset variées (internet à différents débits, fixe et mobile, téléphonie fixe et mobile, TV et VOD, abonnement individuel ou collectif, etc.) à la carte avec possibilités de panachage, mais au final des prix quasi-identiques pour les services tripleet quadruple play, Différenciation de l offre par la qualité de services et les exclusivités sur les contenus.
Féroce concurrence intermodalesur les marchés des télécommunications et de la télévision : Les telcos: KT, SK et LG (U+). Avantages concurrentiels : maîtrise des métiers des télécommunications, poids économique, rapports étroits avec équipementiers, Les câblo-opérateurs: Tbroad, CJ(qui appartient en partie à Samsung) + 4 opérateurs de taille moindre et plus de 65 petits acteurs locaux. Ils apparaissent à partir de 1994 (loi autorisant la diffusion) et se développent rapidement. Avantages concurrentiels : réseau important et fiable, énorme base d abonnés(86% des foyers ont le câble), contrôlent des contenus(viales contrats d exclusivités avec les programs providers). Conséquence probable de cette concurrence : mouvement de concentrationdans le secteur de la câblo-distribution, qui a déjà débuté. Japon : Rôle central des opérateurs de télécommunications Structure de marché des télécommunications : en oligopole - Trois grands opérateurs - Positionnement des deux premiers - Positionnement du troisième - Emergence d un quatrième opérateur aux pouvoirs limités Rôle central des opérateurs dans l articulation entre services des industries de la communication et services des industries de la culture Rapports de domination des opérateurs sur les équipementiers
Riche économie des contenus et services mobiles Contenus et services de téléphonie mobile d avant-garde Rôle structurant de l i-mode - Origine - Place de l opérateur dans le service - Cohabitation des sites officiels/non officiels Contenus payants, micro paiements et porte-monnaie électronique Offre de contenus et services qui suit une logique de faible exclusivité Remise en cause du pouvoir des opérateurs 1. Rapports entre opérateurs et équipementiers en déconstruction 2. Opérateurs remis en question par l arrivée d autres acteurs des industries de la communication étrangers comme Apple et Google 3. Des modes de valorisation qui demeurent assez inchangés 4. Rôle marginal des financements publicitaires sur l Internet fixe et mobile 5. Absence de rapports de force entre acteurs de la diffusion et acteurs de la production des contenus et des services