Diplôme Inter-Universitaire des Services de Santé et de Secours Médical des Services Départementaux d Incendie et de Secours Santé Publique Santé Travail Module 5 : SOUSAN Version 1 18 avril 2014 Relecture : Comité de coordination pédagogique ENSOSP École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers 1
Sommaire I- Définition et Historique 3 II Les enjeux du SSO : 3 A- Enjeu opérationnel 3 B- Enjeu juridique 4 C- Enjeu managérial 4 D- Enjeu économique 4 E- Enjeu Humain 4 III- Organisation Départementale : 4 A- Organisation 5 B- Moyens 5 C- Personnels 6 D- Formation 6 IV- La méthode 6 V- Cas concret d illustration : 7 A- Descriptif 7 B- Démarche 7 1 Questionnement 7 2 Réflexion 8 VI- Conclusion 10 2
I- Définition et historique : La visée du soutien sanitaire est de maintenir les sapeurs-pompiers sur opérations, dans les meilleures conditions de santé et de sécurité, et de permettre ainsi la bonne conduite de celles-ci. Au-delà de cette action ponctuelle, le soutien sanitaire doit permettre de préserver le capital santé physique et mental du sapeur-pompier tout au long de son engagement au service des autres. Historiquement le service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers s est, lors de sa construction, inspiré du Service de Santé des Armées. Le soutien sanitaire des forces armées est un concept global couvrant toute la chaîne de la prise en charge sanitaire du combattant, de la médecine préventive aux soins immédiats et à l'hospitalisation. La loi dite de «départementalisation» de 1996 a prévu que le SOUSAN soit une mission exclusive du SSSM des SDIS 1. Il représente l action réalisée par une unité sanitaire intégrée au dispositif opérationnel qui a pour mission, sous la responsabilité du médecin-chef du SDIS, de mettre en œuvre des actions préventives et curatives pour les sapeurs-pompiers sur site, en liaison étroite avec le dispositif de commandement. Les évènements dramatiques de l année 2002 2 ont provoqué une prise de conscience des enjeux de la santé et de la sécurité en service avec notamment la mise en place de la mission Pourny en 2003 3 et par la publication de la loi de modernisation de la sécurité civile en 2004 4. Ces deux actes majeurs ont permis de développer le concept de «système de management de la sécurité», processus transversal impliquant tous les acteurs du SDIS, qui se traduit plus particulièrement pour le sujet traité dans ce cours, par la nécessité pour les SDIS de mettre en place un dispositif de soutien sanitaire opérationnel permanent. II- Les enjeux du SSO : Les enjeux du soutien sanitaire opérationnel sont multiples A- Enjeu opérationnel : La sollicitation intense des SIS avec une intervention toutes les 7.5 secondes 5 impose aux services de préserver leur potentiel opérationnel collectif décliné dans le SDACR 6, en limitant les atteintes physiques et psychologiques des personnels par des mesures préventives et curatives sur opération. 1 Article R1424-24 du code général des collectivités territoriales 2 10 décès en service commandé en 1 semaine ; Neuilly-sur-Seine et Loriol 3 Rapport de mission sur la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention ; Col Pourny décembre 2003 4 Loi 2004-811 du 13 aout 2004 sur la modernisation de la sécurité civile 5 Statistiques des SDIS, ministère de l intérieur, édition 2011 6 Schéma départemental d analyse et de couverture des risques 3
B- Enjeu juridique : Obligation est faite pour l employeur de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité 7. Il est aussi de la responsabilité de la chaîne de commandement de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection et à la sécurité des personnels engagés sur opération 8. Enfin le médecin-chef du SSSM doit mettre en place une organisation permettant d assurer les missions règlementaires et notamment le soutien sanitaire des interventions des SDIS et les soins d urgence aux sapeurs-pompiers 9 C- Enjeu managérial : L image du Chef qui veille sur ces hommes, reconnaissance opérationnelle du personnel du SSSM. D- Enjeu économique : Les accidents et les décès en service génèrent des couts directs et indirects importants. (Frais médicaux, indemnités journalières, remplacement du personnel, pensions, ). La maitrise de ces couts passe par une politique de santé, sécurité et prévention en service dont le volet opérationnel est le soutien sanitaire. E- Enjeu humain : Chez les sapeurs-pompiers, l esprit d équipe, l appartenance au groupe sont des valeurs prédominantes. La perte d un des membres de l équipe ou les blessures causées à l un d entre eux sont vécus comme un traumatisme dont chacun se sent atteint. Cela peut ensuite se traduire par de la non qualité, des prises de risques inconsidérées, une perte de motivation de l équipe ou des sapeurs-pompiers. La présence et l engagement permanent du SSSM auprès des équipes permet la préservation et le maintien de la santé de chacun, dans toutes ses composantes. III Organisation départementale: L organisation du soutien sanitaire en termes de moyens et de mise en œuvre de ces derniers, est laissée à l appréciation de chaque SDIS qui le prévoit dans son règlement opérationnel. Cette organisation nécessite une étroite collaboration entre tous les services du SDIS concernés par une approche globale de santé-sécuritéprévention. Elle se réfère notamment aux règles professionnelles et aux outils communs tels que ceux de la gestion opérationnelle et commandement (GOC). 7 Décret n 85-603 du 10 juin 1985 modifié relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale 8 Article 25 de la loi 2004-811 de modernisation de la sécurité civile 9 Articles R1424-24 et 26 du CGCT 4
Les moyens matériels doivent être identifiés et adaptés aux missions de SSO et de soins d urgence aux sapeurs-pompiers. Les personnels doivent être spécifiquement formés et équipés (EPI 10 ) pour assumer les différentes missions, dans un cadre défini et dans le respect des règles de sécurité. A- Organisation : L organisation du soutien sanitaire, issue d une concertation au sein du SDIS, voit sa concrétisation par son inscription dans le règlement opérationnel. Elle sera orientée par le schéma départemental d analyse et de couverture des risques (SDACR) et tiendra compte des possibilités locales. Ce règlement opérationnel décline le processus global notamment : - Critères d engagement du soutien sanitaire (type de sinistre, sur sollicitation de la chaine de commandement, ) - Modalités de déclenchement (départ type, plan de secours, ) - Réponse opérationnelle (astreinte ou garde, infirmier et/ou médecin, ) - Graduation dans la réponse à apporter (du VSAV au PMA, selon des critères à priori) - Relations fonctionnelles (COS, hiérarchie SSSM, instances préventionhygiène-sécurité, ) B- Moyens : Le choix du vecteur devra permettre de se rendre sur intervention et d assurer la mission SSO. Il dépendra des besoins (véhicule dédié ou non, risques spécifiques à couvrir, ) et de la topographie du département. Il pourrait être un véhicule léger routier ou tout terrain associé à un VSAV ou un véhicule spécifique soutien sanitaire (VSS). Le matériel embarqué devra à la fois permettre les soins d urgence aux sapeurspompiers mais aussi les soins courants liés aux pathologies les plus fréquemment rencontrées sur opération (petites traumatologies, phlyctènes, irritations conjonctivales, ). Il devra également permettre l analyse des risques à l aide d outils adaptés (thermomètre, hygromètre, anémomètre, ) et de leurs impacts éventuels sur la santé des intervenants (thermomètre, carboxyhémoglobine, multiparamètres, ). Afin d assurer la remise en condition des intervenants, une dotation en produits de diététique de l effort peut s avérer pertinente en complément des apports énergétiques et hydriques de base qui sont indispensables, assurés par le service en charge de la logistique opérationnelle. D autres moyens peuvent être mis en œuvre en fonction des conditions climatiques ou des risques particuliers (tente, chauffage, éclairage, brumisation, refroidissement actif, mise au repos, ). 10 Article 10 et annexe IV de l arrêté du 6 mai 2000 fixant les tenues, insignes et attributs des sapeurspompiers 5
C- Personnels : La mission «soutien sanitaire» requiert du personnel soignant habilité par le médecin-chef. Cela comprend une aptitude médicale opérationnelle, une formation spécifique et un équipement règlementaire. Des personnels non soignants peuvent contribuer à la mise en œuvre du soutien sanitaire dans le cadre de leurs compétences. D- Formation : Le soutien sanitaire, bien que n étant pas une discipline médicale, permet de dispenser des soins préventifs et curatifs dans un contexte opérationnel. Les compétences à développer doivent couvrir les champs suivants : - La prévention des risques professionnels sur opération (contraintes EPI, MGO, ) - Les soins d urgence avec ou sans présence médicale (protocoles infirmier de soins d urgence) - Compréhension du cadre de l intervention pour s intégrer dans la chaine de commandement (outils GOC) - Collaboration avec les équipes spécialisées en fonction des risques locaux. La formation initiale règlementaire des médecins et des infirmiers de sapeurspompiers permet une approche sur ces thèmes qui demande à être complétée par des modules spécifiques soit en local, soit au sein de l Ensosp. IV- Méthode : La mise en œuvre du soutien sanitaire reste conforme à la méthode générale des plans de prévention en 4 points, à savoir l identification des dangers, l évaluation des risques, la maitrise des risques et la gestion des risques résiduels (méthode décrite dans le module 3). Cette méthode est à croiser avec celle employée par le COS lors de l opération qui se résume en 5 points : Evaluation et compréhension de la situation (qu est-ce qui se passe?) Identification des dangers Détermination des enjeux Formalisation et mise en œuvre des «idées de manouvres» qui doit mettre en balance dangers/enjeux. Réévaluation des actions selon évolutivité de la situation C est notamment au moment de la prise de contact avec le COS que les informations vont s échanger et permettre ainsi d être efficient dans la complémentarité et le partage de culture. 6
Pour contextualiser cette démarche, nous vous proposons de la développer au travers d un exemple. V- Cas concret d illustration A- Descriptif : Vous êtes engagé, à la demande du COS, sur un feu d exploitation agricole isolée qui produit des céréales. Nous sommes le dimanche 15 aout, il est 12h30. Vous partez avec un véhicule léger du SSSM. Vous disposez du matériel nécessaire au SSO et à la prise en charge des détresses vitales. A votre arrivée sur les lieux, vous vous présentez au COS afin de faire un point de situation et de vous voir attribuer votre mission. Le COS vous décrit la situation suivante : «Nous sommes confrontés à un feu de bâtiment agricole à usage de stockage de paille d environ 600 m2. Le bâtiment est totalement embrasé avec un risque persistant de propagation à un hangar à matériel contigu contenant également des engrais. Actuellement je fais procéder à l attaque du feu et à la protection du hangar par un dispositif hydraulique composé d 1 FPT, de 2 CCR et d 1 CCFS. L alimentation en eau des engins est assurée par des rotations à l aide d un CCGC. Je prévois une opération de longue durée. Je vous demande de mettre en place un secteur SSO. Je vous affecte le VSAV qui est déjà sur opération. Vous me rendrez compte dans 30 minutes. Vous vous équiperez de vos EPI. Avez-vous des questions?» B- Démarche : 1 Questionnement : Y-a-t-il des victimes? Non Depuis quelle heure les premiers sapeurs-pompiers sont sur place? Depuis 11h00 Quel effectif sur les lieux et quelle activité? FPT : 6 ; CCR : 6 ; CCFS : 4 ; CCGC : 2 ; VSAV : 3 ; chef de groupe : 1 Total= 29 sapeurs-pompiers Y-a-t-il des renforts attendus? Oui, j ai demandé un porteur d eau supplémentaire et un véhicule d intervention «risques chimiques» Existe-il des dangers spécifiques? 7
Oui, j ai identifié une palette de produit phytosanitaire stockée dans le hangar menacé. Y-a-t-il un zonage? Oui, j ai fait procéder à la mise en place d une zone d exclusion de 100 mètres autour du bâtiment en feu. 2 Réflexion : Identification des dangers et évaluation des risques : Identification des dangers Stockage d engrais menacé par le sinistre Evaluation des risques Explosion Toxicité des Organophosphorés Effets prévisibles sur la sante Blast, traumatismes : brulures Intoxication aux Organophosphorés Maitrise des risques Création d une zone d exclusion stricte Gestion des Risques résiduels Bâtiment en feu Contraintes environnementales Radiant thermique Flammes nues Effondrement Dégagement de fumées Ambiance thermique(t, hygrométrie, vitesse de l air) Heure d engagement défavorable Durée prolongée prévue Accidents liés à la chaleur (épuisement: CEE : déshydratation Brulures Traumatismes Intox aux fumées d incendie Accidents liés à l exposition à la chaleur Hypoglycémie Port des EPI adaptés Engagement proportionné dans la zone d exclusion Engagement limité (rotation ARI) avec repos+ réhydratation +alimentation = obligatoire Rotation des binômes permettant la récupération en zone de soutien, des Hommes Déplacements routiers Collision Ecrasement fatigue Traumatismes divers Rappel des règles de conduite des véhicules Guidage Port des gilets haute visibilité Eau en pression Energies Gaz électricité Rupture de tuyaux ou de déchaussage de raccords Orientation du «jet d eau» Effet fouet de l établissement hydraulique en cas de surpression Explosion Contact humide Electrisation Traumatismes divers Surveillance du dispositif Positionnement du personnel Port des EPI Respect des règles d exploitation des pompes Blast, traumatismes, brulure, troubles cardiovasculaires. Coupure en urgence des fluides Rotation des binômes permettant la récupération en zone de soutien, des Hommes Vigilance du personnel et respect des règles de sécurité d engagement 8
Mise en place du dispositif en concertation avec le COS : Validation du dimensionnement du dispositif du SSO (matériel, personnel) Déterminer l emplacement de la zone de SSO, hors zone d exclusion, composée de : o d une zone de repos et de reconditionnement (protégée, tempérée, calme.) o d une zone d accueil et traitement d urgence des personnels engagés Prise en compte du VSAV et de son équipage Actions à mener : En prévention primaire : Conseils et/ou propositions au COS : Engagement de durée limitée sous ARI Engagement d un échelon Logistique Port adéquat des EPI Sensibilisation au respect des règles de sécurité lors des engagements et des déplacements En prévention secondaire : Evaluation physiologique des personnels engagés : Fréquence cardiaque Température SpCO ou CO expiré Glycémie capillaire Lactates Surveillance des règles de récupération (temps de repos, réhydratation, alimentation ) En prévention tertiaire : - Prise en charge des pathologies rencontrées et orientation sur une structure de soins si nécessaire (soins curatifs) Compte-rendu régulier au COS et à l autorité médicale Fin de mission Levée du dispositif en concertation avec le COS Remise en condition des matériels Traçabilité des décisions et de l activité avec rédaction d un compte-rendu des actions menées Lien avec la médecine de prévention et d aptitude, notamment pour le suivi postexposition 9
VI- Conclusion Mission réglementaire et propre au SSSM des SDIS, le SSO est un outil de prévention désormais indispensable au profit de la santé des sapeurs-pompiers. Pour qu il soit efficient, il est nécessaire qu il soit concerté avec les autres acteurs, préparé (organisation, formation) et intégré dans la politique générale de prévention de chaque SDIS. 10